Couverture de RECO_551

Article de revue

Intégration régionale Sud-Sud et répartition intra-zone des activités

Pages 41 à 64

Notes

  • [*]
    care, Université de Rouen et roses, Université Paris I. Courriel : arsene. rrieber@ univ-rouen. fr
  • [**]
    cepn, Université Paris XIII et roses, Université Paris I. Courriel : ttranad@ seg. univ-paris13. fr
  • [1]
    Pour une discussion sur les utilisations potentielles du revenu douanier et les implications en matière d’industrialisation, cf. Rieber et Tran [2002a] et [2002b].
  • [2]
    Étant donné que la structure industrielle du Nord est totalement exogène, cette hypothèse a le mérite d’alléger les notations sans pour autant modifier les conclusions de notre modèle.
  • [3]
    La Périphérie se caractérise souvent par une capacité d’exportation insuffisante en direction du Centre. Les Rapports sur le Commerce et le Développement de la cnuced insistent davantage sur les restrictions d’accès des pvd aux marchés des pays développés, notamment en ce qui concerne les produits manufacturés à forte intensité de main-d’œuvre.
  • [4]
    Pour le Nord, à l’aide des relations (6) et (18), nous vérifions que la valeur des exportations de biens industriels correspond à la valeur des importations de biens traditionnels et est égale à (1 – ?N)w NLN. De même, des relations (6), (19) et (20), nous vérifions que la demande excédentaire de biens industriels du pays S1 (respectivement du pays S2) est égale à ?S – ?S1 (respectivement ?S – ?S2), ce qui équivaut à son offre excédentaire de biens traditionnels.
  • [5]
    Pour que les deux pays du Sud soient toujours dotés d’un secteur traditionnel, il suffit de spécifier que la part du revenu des consommateurs allouée à la consommation de biens industriels (?S) est strictement inférieure à 1/2 + ((1 – ?N)w NLN)/2. En effet, dans ces conditions, l’expression (24) traduisant l’équilibre international montre que la demande mondiale de biens traditionnels dépasse les capacités de production potentielles d’un seul pays du Sud. La conséquence de cette spécification est de neutraliser la force centrifuge représentée par l’éventuel gap salarial entre les deux économies du Sud.
  • [6]
    Étant donné que la relation (9) est déduite de la condition de libre entrée, une variation du salaire industriel traduit en corollaire une variation dans le même sens du profit de court terme. Une interprétation alternative, à l’instar de Puga [1999], consisterait alors à analyser les variations du taux de profit de court terme faisant suite au développement industriel exogène du pays S1. Toute force ayant pour effet de relever ce taux de profit sera qualifiée de centripète puisqu’elle encourage un processus de concentration industrielle dans ce pays. Inversement, toute force réduisant les opportunités de profit dans le pays S1 sera qualifiée de centrifuge.
  • [7]
    S’agissant des autres paramètres du modèle, on retiendra tout au long de l’article les valeurs suivantes : ? = 0,4 ; ? = 5 ; ? = 1,05 ; ?S = 0,45 ; LN = 2 ; w N = 2,5. Cette configuration paramétrique vérifie, entre autres, un différentiel de revenu positif entre le Nord et les deux économies du Sud.
  • [8]
    Plus précisément, la situation autarcique de notre modèle reproduit une configuration paramétrique du modèle à deux pays de Fujita et al. [1999] où l’équilibre symétrique est unique et stable. Ce résultat tient notamment à la présence dans notre modèle de coûts de transport invariables.
  • [9]
    q S1 = q S2 = q = ?q N avec q N = L1/1 – ?(1 – ?) N.
  • [10]
    Par ailleurs, le démantèlement progressif de leurs barrières commerciales à l’égard des pays voisins pour faire jouer les effets de proximité a favorisé indirectement des relations commerciales régionales. De fait, l’intégration régionale en Asie de l’Est est moins née d’un accord commercial préférentiel que d’une libéralisation unilatérale des échanges (Hugon [2001]).
  • [11]
    Pour interpréter cette condition, remarquons que, lorsque les économies d’échelle sont très importantes, les forces d’agglomération prédominent toujours, si bien que le déroulement de la dynamique spatiale ne fait aucun doute : l’équilibre Centre-Périphérie est unique. Pour introduire une ambiguïté dans le dénouement de la dynamique spatiale, les modèles d’économie géographique restreignent délibérément l’importance des économies d’échelle. Ces dernières étant inversement proportionnelles au paramètre ?, un tel encadrement est résumé par la No-Black-Hole Condition : (? – 1)/? > ?. Pour une discussion détaillée de cette condition, le lecteur intéressé pourra se référer au chapitre 4 de Fujita et al. [1999].

Introduction

1 Depuis ces dernières années, on constate une prolifération d’accords d’intégration régionale (air) comme alternative aux réformes de libéralisation commerciale unilatérale (lcu) ou multilatérale (notifiées par l’omc). D’un côté, le processus de mondialisation en cours tend à réduire les coûts induits par les distances ; mais, de l’autre, il renforce paradoxalement le rôle de la proximité géographique, lequel se concrétise par l’émergence de pôles régionaux et en corollaire par une marginalisation de zones périphériques. Le renouveau de l’économie géographique, appuyé entre autres par les travaux de Krugman [1991] et Venables [1996], a fourni une explication théorique à ces phénomènes de concentration géographique dans un espace régional par le jeu de forces centrifuges et centripètes.

2 Ce regain d’intérêt pour les accords régionaux comme autre moyen d’intégrer les marchés a suscité un certain nombre de débats, initialement focalisés sur la nature de la relation entre multilatéralisme et régionalisme (Baldwin et Venables [1995] ; Siroën [2000]). Les questionnements sur la complémentarité ou la substituabilité des deux processus ont ensuite cédé le pas à un débat sur les enjeux de l’intégration : ces accords favorisent-ils une convergence ou une divergence des niveaux de revenu réel ? Quelle forme d’air serait optimale de ce point de vue ?

3 En référence aux premières théories des unions douanières, la mesure des effets de l’adhésion s’est initialement focalisée sur une analyse en termes de création et de détournement de commerce (Viner [1950]). On parle de création de commerce lorsque l’adhésion à un air accroît les échanges au sein de la zone sans réduire le commerce entre les pays membres et le reste du monde. En raison d’une substitution de la production nationale par des importations à plus faibles coûts des pays partenaires (réorientation de la production) et d’une augmentation de l’offre globale, la création de commerce accroît le bien-être. À l’inverse, il y a détournement de commerce lorsqu’un accroissement du volume d’échanges intra-zone se fait aux dépens du commerce avec le reste du monde. Ce phénomène diminue le bien-être car, de par leur traitement préférentiel, les importations en provenance de pays membres de la zone intégrée se substituent à des importations moins coûteuses de pays hors-zone.

4 En application de ce cadre d’analyse, les expériences d’intégration régionale entre pays du Sud en Afrique et en Amérique latine auraient démontré une perte de bien-être des pays membres les plus pauvres, le détournement de trafic l’emportant sur la création dans bien des cas (de Melo et Grether [1997] ; Cadot et al. [2000]). À moins que des mécanismes compensatoires à l’image des fonds structurels dans l’Union européenne ne soient mis en place, les schémas d’intégration Sud-Sud (régionalisme horizontal) généreraient une divergence des niveaux de revenu réel. En revanche, si l’air compte parmi ses membres des pays à haut revenu, ce sont les pays les plus pauvres qui obtiendraient des gains de revenu en bénéficiant de la création de commerce. L’intégration Nord-Sud (régionalisme vertical) amènerait ainsi un processus de convergence ; ce qui explique l’incitation pour les pays en voie de développement (pvd) à nouer des relations commerciales avec des pays développés (Mexique dans l’alena, les pays sud-méditerranéens avec l’Union européenne). D’un point de vue d’une analyse en termes de création et/ou détournement de commerce, l’intégration Nord-Sud semble être par conséquent la forme de coopération la plus favorable (Venables [2000]).

5 Cependant, le regain d’intérêt actuel pour les air ne porte pas tant sur les échanges. Le processus d’intégration régionale a également pour conséquence de perturber la répartition des activités. Pour une économie du Sud, l’adhésion à un air peut ainsi favoriser ou au contraire annihiler son développement industriel via le choix de localisation des activités. Dans le cadre d’un modèle d’économie géographique, le présent travail participe à ce renouvellement de l’analyse des effets de l’intégration régionale en focalisant l’attention sur la mobilité des activités productives. Puga et Venables [1998] illustrent cette méthodologie particulière d’appréciation du problème en définissant un modèle d’économie géographique à quatre pays (deux pays du Nord, deux pays du Sud). Leur problématique s’articule autour de l’incidence des accords commerciaux sur le processus de convergence Nord-Sud, à travers notamment l’attractivité qu’exercent les économies du Sud en matière de coûts salariaux. Dans leur modèle, le processus d’industrialisation du Sud est appréhendé sous l’angle de la capacité du pays à attirer les activités productives en provenance du Nord. Dans un tel contexte, les auteurs montrent que les gains résultant de la libéralisation commerciale sont toujours supérieurs dans un cadre multilatéral.

6 Depuis quelques années, on observe pourtant un foisonnement d’accords régionaux entre économies du Sud : citons notamment le mercosur en Amérique latine, l’uemoa ou le cemac en Afrique, l’afta en Asie du Sud-Est, et récemment la signature d’un accord de libre-échange entre la Chine et l’asean. Le bien-fondé de ces ensembles régionaux repose en partie sur la volonté de réaliser des industries de substitution en exploitant les économies d’échelle. Dans le même temps, la réalité des accords régionaux entre économies du Sud témoigne que le redéploiement des activités à l’intérieur de la zone constitue un enjeu économique majeur. Pour preuve, on peut relever les tensions actuelles sur la question du redéploiement industriel entre l’Argentine et le Brésil au sein du mercosur. Les observateurs soulignent également que les tensions provoquées par la répartition inégalitaire des activités industrielles auraient été responsables de l’échec des premiers air en Afrique subsaharienne (Cadot et al. [2000]). Eu égard à ces faits, notre article se focalise sur l’opportunité de tels accords Sud-Sud en recentrant l’analyse sur la redistribution intra-zone des activités industrielles. Et, à notre connaissance, très peu de travaux théoriques se sont intéressés à cette dimension spatiale intra-zone des accords commerciaux entre pays du Sud.

7 Le cadre d’analyse de notre problématique sera exposé dans une deuxième section. La section 3 présentera quatre configurations de politique commerciale entre deux pays du Sud face à un Nord industriel. Enfin, la quatrième section synthétisera nos résultats.

Un modèle d’économie géographique

8 La présentation de notre cadre d’analyse se subdivise en trois parties. Dans un premier temps, nous exposerons notre modèle de base inspiré de Fujita et al. [1999] appliqué à une analyse internationale. Dans un second temps, nous adapterons ce modèle à une configuration à trois pays : un pays du Nord et deux pays du Sud. Enfin, nous analyserons, dans un troisième temps, les forces à l’origine d’une dynamique spatiale des activités productives.

Le cadre de référence

9 Le modèle de base de Fujita et al. [1999] considère une économie dans laquelle coexistent deux secteurs de production : un secteur traditionnel et un secteur industriel. Le secteur industriel produit des biens différenciés en concurrence monopolistique. Outre le facteur travail, des biens intermédiaires interviennent dans le processus productif. Par ailleurs, il existe entre les firmes des relations input-output qui sont formalisées, comme dans Krugman et Venables [1995], sous une forme agrégée : chaque firme produit une variété de bien qui est simultanément vendue comme bien final aux consommateurs et comme bien intermédiaire aux autres firmes. En dénotant xr la production d’une firme localisée dans le pays r, ? le coût fixe, ? la quantité d’inputs par unité de produit et en considérant la combinaison d’inputs sous la forme d’une fonction Cobb-Douglas, on peut résumer la technologie de production de la firme par la fonction de coût suivante :

10

equation im1
où le prix des inputs (w pour le travail et q pour le bien industriel composite) est pondéré par la part respective de chacun des inputs dans les coûts totaux : ? désigne la part des biens intermédiaires et (1 – ?) celle du facteur travail.
L’exploitation des diverses variétés de biens industriels en tant que biens intermédiaires est retranscrite sous la forme d’une fonction à élasticité de substitution constante. On retrouvera cette propriété dans la formulation de l’indice de prix du bien composite :
equation im2
ps désigne le prix d’une variété de bien industriel produite dans le pays s, ns le nombre de variétés produites dans le pays s – en corollaire, ns représente le nombre de firmes localisées dans le pays s – et ? un paramètre représentant l’élasticité de substitution entre les variétés (? > 1). Par ailleurs, le commerce de biens industriels entre deux pays génère, d’une part, des coûts de transport de type iceberg de Samuelson : il faut exporter ? unités d’un bien (? > 1) afin d’en consommer une unité dans le pays importateur. D’autre part, les importations du pays r en provenance du pays s sont éventuellement soumises à une taxe douanière qui équivaut à trs – 1(trs ? 1). Au total, un bien industriel produit dans le pays s sera vendu au prix ps sur son marché local et au prix ?trsps sur le marché du pays importateur r.
En concurrence monopolistique, le prix d’un bien est égal au coût marginal majoré d’un mark-up. En référence à la relation (1) et en normalisant ? à (? – 1)/?, on pourra écrire :
equation im3
De plus, en combinant les équations (1) et (3), on détermine le profit d’une firme localisée dans le pays r :
equation im4
La condition de libre entrée impose l’annulation du profit par firme. En posant ? = 1/?(1 – ?), on en déduit l’échelle de production de long terme :
equation im5
Chaque pays r est doté de L r travailleurs. Le facteur travail est immobile sur le plan international, sa mobilité se limitant aux deux secteurs domestiques. Afin de décrire cette mobilité intersectorielle, on définit ? r la part de travailleurs industriels dans le pays r. Sachant que les coûts en input travail représentent dans l’industrie une part (1 – ?) des coûts totaux, la condition de libre entrée impose à long terme la relation suivante :
equation im6
Concernant le secteur traditionnel, il produit dans un environnement de concurrence pure et parfaite un bien homogène dont la commercialisation ne génère aucun coût de transaction. Sa technologie de production est décrite par une fonction à rendements constants ; le facteur travail étant l’unique facteur de production, la production de ce secteur dans le pays r sera yar = (1 – ? r )L r . Par la suite, le bien homogène sera choisi comme numéraire : de ce fait, le taux de salaire du secteur traditionnel sera égal à l’unité. De la mobilité intersectorielle, il en découle que le taux de salaire dans le pays r sera :
equation im7
wr = 1 si le pays r produit le bien traditionnel et wr > 1 en l’absence de secteur à rendements constants dans le pays r.
Du côté de la demande, les individus se caractérisent par une fonction d’utilité de type Cobb-Douglas :
equation im8
où C a représente la quantité consommée du bien homogène, C m un bien composite constitué des consommations de tous les biens industriels et ? la part des dépenses en biens industriels. Les consommateurs ont une préférence pour la variété et les biens industriels interviennent dans la fonction d’utilité avec une élasticité de substitution constante ? identique à celle associée à la technologie des entreprises.
La demande en biens industriels exprimée conjointement par les firmes et les consommateurs est déduite des relations (1), (2) et (8). À partir de ces relations, l’équilibre de long terme sur le marché des biens industriels, soumis à la condition de libre entrée (relation (5)), peut être résumé par l’expression suivante :
equation im9
où E s représente les dépenses en biens industriels dans le pays s suivant la relation :
equation im10
Le premier terme fait référence aux dépenses de consommation finale : les consommateurs dépensent une fraction ? de leur revenu (Y r ) en biens industriels. Le second terme désigne les dépenses des firmes en biens intermédiaires. Quant au revenu des consommateurs d’un pays r, il se décompose également en deux parties, le revenu des travailleurs industriels et le revenu du secteur traditionnel (yar ) :
equation im11
La politique commerciale d’un pays r est à l’origine d’un revenu douanier dont l’expression est déduite des équations (1), (2) et (8) :
equation im12
Par la suite, nous ferons abstraction du caractère redistributif des recettes douanières (politiques de transfert et de compensation à l’exemple des fonds structurels, financement de politiques publiques spécifiques…), ceci afin de nous concentrer exclusivement sur les forces d’agglomération induites par les accords commerciaux [1].

Un modèle à trois pays

11 Dans la présentation qui suit, nous allons appliquer notre modèle de référence à une configuration à trois pays : notre économie-monde est ainsi constituée d’un pays à revenu élevé représentant le Nord (indicé N) et deux pays du Sud (indicés S1 et S2). À partir d’un tel cadre d’analyse, notre problématique consiste à étudier les conséquences de divers scénarios de coopération Sud-Sud sur la répartition interne des activités. En réponse à cet objectif, nous considérons une structure industrielle de la région Nord totalement exogène : le Nord est constitué de LN travailleurs rémunérés au taux de salaire w N et, par simplification, nous considérons que ce pays est dépourvu d’un secteur à rendements constants [2].

12 Le travail étant immobile au niveau international, la dynamique spatiale est générée par la mobilité des firmes. Et plus précisément, en rapport avec notre problématique, la mobilité des firmes est circonscrite aux deux pays du Sud. De cette mobilité, il en découle une structure industrielle des deux pays du Sud endogène. Ainsi, à partir d’une population fixée à l’unité (LS1 = LS2 = 1), la répartition intersectorielle de la main-d’œuvre nous renseignera quant au développement industriel dans les deux pays. À cet égard, on se concentrera sur les deux variables ?S1 et ?S2 qui représentent respectivement la part de la population industrielle dans les pays S1 et S2.

13 Enfin, pour traduire une asymétrie dans les relations commerciales entre le Centre et la Périphérie, nous retenons l’hypothèse que les deux pays du Sud importent des biens industriels en provenance du Nord, mais à l’inverse n’en exportent pas vers ce dernier [3]. En contrepartie, ils financeront ces importations par des exportations de biens agricoles. Cette configuration synthétise les faits stylisés relatifs au rapport d’échange Nord-Sud : produits agricoles du Sud contre biens industriels du Nord.

14 En intégrant les relations (3), (5) et (6) dans la relation (2) et en tenant compte de l’asymétrie commerciale décrite ci-dessus, nous obtenons la définition de l’indice de prix du bien composite dans les trois pays :

15

equation im13
equation im14
equation im15
La condition de libre entrée s’impose aux deux pays du Sud à travers l’application de la relation (9) – en tenant toujours compte de l’asymétrie commerciale entre le Nord et les deux pays du Sud :
equation im16
equation im17
On se rappellera que les dépenses en biens industriels se décomposent en deux parties : l’une faisant référence aux dépenses de consommation et l’autre aux dépenses en biens intermédiaires. En introduisant les relations (5) et (6) dans la relation de définition (10), les dépenses en biens industriels dans les trois pays se définissent de la manière suivante :
equation im18
equation im19
equation im20
où ?N et ?S représentent respectivement la part du revenu allouée à la consommation de biens industriels au Nord et dans les deux pays du Sud.
La structure bi-sectorielle des deux pays du Sud et la structure uni-sectorielle du Nord sous-tendent, en application de la relation (11), les définitions suivantes du revenu des consommateurs :
equation im21
equation im22
equation im23
Des relations (6), (18), (19) et (20), nous pouvons vérifier que l’équilibre de la balance commerciale est assurée pour les trois pays [4]. Étant donné que la structure industrielle du Nord est exogène, l’équilibre international est assuré en supposant que la demande de biens traditionnels du Nord s’adapte à l’offre excédentaire de biens traditionnels des deux pays du Sud. Cette dernière hypothèse relative à une demande de biens traditionnels du Nord infiniment élastique est retranscrite dans notre modèle en endogénéisant la part des dépenses en biens traditionnels du Nord (1 – ?N) à partir de la relation d’équilibre du marché mondial :
equation im24
Les expressions des revenus douaniers des deux pays du Sud sont déduites de la relation générale (12) complétée par les relations (3), (5), (6) et (13) :
equation im25
equation im26
Enfin, nous considérons de plus que les deux pays du Sud sont toujours dotés d’un secteur traditionnel, si bien que la relation (7) s’applique de la manière suivante pour nos deux pays [5] :
equation im27
L’équilibre de long terme de notre économie est ainsi caractérisé par le système formé des relations (13) – (27). Avant d’analyser plus en détail les propriétés de cet équilibre en fonction des scénarios de coopération Sud-Sud, il nous faut étudier la nature des forces en présence.

Les forces en présence

16 La dynamique spatiale dans notre modèle résulte de la confrontation de différentes forces ; afin de définir leur statut, nous allons considérer un développement industriel exogène du pays S1(??S1 > 0). Étant donné que la population est immobile au niveau international, un tel développement industriel exige, dans le pays en question, une mobilité de la force de travail du secteur traditionnel vers le secteur industriel. Hors équilibre, un écart salarial entre les deux secteurs est alors nécessaire pour motiver cette mobilité intersectorielle. Par conséquent, la nature des forces en présence est déterminée en observant l’impact de ce choc exogène (??S1 > 0) sur le taux de salaire industriel – sachant que le taux de salaire dans le secteur traditionnel est fixé à l’unité : si l’impact est positif, on est en présence d’une force centripète (c’est-à-dire d’une force favorable à la concentration industrielle dans un pays) et si cet impact est négatif, on est au contraire en présence d’une force centrifuge (c’est-à-dire d’une force favorable à la dispersion des activités entre les deux pays) [6]. À long terme, l’écart de salaire entre les deux secteurs aura été absorbé via la mobilité intersectorielle du travail.

17 En rapport avec le modèle de référence, on dénombre au total trois forces à l’origine de la dynamique spatiale. Premièrement, on a un effet pro-compétitif sur le marché des biens : le développement industriel du pays S1 a pour incidence d’accroître les capacités d’offre dans ce pays. En corollaire, il en résulte une réduction conjointe de la demande adressée à chaque firme et de la profitabilité de ce secteur. Analytiquement, on observe que le choc exogène (??S1 > 0) a effectivement pour effet d’accroître l’offre dans le pays S1 (n S1 augmente via la relation (6)) ; ce qui a pour effet à son tour de réduire l’indice de prix q S1 (relation (2)). La diminution de q S1 a pour conséquence via la partie entre crochets de l’équation (16) de réduire w S1. Cette baisse de salaire dévoile le statut de force centrifuge de l’effet pro-compétitif puisque moins de travailleurs seront incités à se faire employer dans le secteur industriel ; ce qui remet en cause son développement dans le pays S1.

18 La deuxième force en présence est la relation amont au statut de force centripète. Le développement de l’industrie amont dans un pays s’accompagne d’une diminution du prix de ses biens intermédiaires : ceci constitue pour les firmes de l’industrie aval une baisse des coûts de production (forward linkage). Dans le modèle, on observe que la hausse de ?S1 conduit bien à une baisse de l’indice de prix q S1, ce qui réduit le coût des biens intermédiaires et permet une hausse de w S1 selon la partie gauche de l’équation (16). Enfin, on distingue également la relation aval au statut de force centripète : le développement de l’industrie aval, en élargissant les débouchés des producteurs de biens intermédiaires, stimule le développement de l’industrie amont (backward linkage). Analytiquement, le choc exogène (??S1 > 0) génère une augmentation des dépenses en biens industriels dans le pays S1 (ES1) selon la relation (19) : ce qui conduit à une hausse de w S1 dans la relation (16).

Les différentes configurations de politique commerciale

19 Par son rôle sur l’interaction des forces en présence, la politique commerciale influence la répartition des activités industrielles. Par exemple, une hausse du tarif douanier imposé par le pays r sur les importations en provenance du pays s(trs ) a deux effets.

  1. Effet coût d’importation. Lorsque trs augmente, l’accroissement de l’indice de prix du bien composite qr (équation (2)) suscite une hausse du coût des biens intermédiaires dans le pays r. La diminution de salaire qui en résulte (partie gauche de l’équation (9)) conduit, via la mobilité intersectorielle du travail, à une baisse de ? r  ;
  2. Effet de protection du marché. À l’inverse, l’accroissement de l’indice de prix à la suite d’une valorisation de trs augmente le salaire selon le terme de droite de l’équation (9), ce qui contribue à accroître ? r . Cet effet capture les bénéfices de la substitution à l’importation : avec des taxes à l’importation élevées, les dépenses en biens manufacturés dans le pays r profiteront davantage aux producteurs locaux. En corollaire, une telle politique génère une contraction des débouchés à l’exportation pour le pays s, le pays r restreignant l’accès à son marché local.
Par l’interaction de ces effets, une politique commerciale est susceptible de générer des mouvements d’entrée ou de sortie de firmes. Étant donné que le Nord n’importe pas de biens industriels, seules les politiques commerciales des deux pays du Sud sont à discuter dans le cadre de notre modèle. La combinaison des différentes taxes aboutit à quatre scénarios possibles :

20 • L’union douanière : les deux pays du Sud s’accordent sur leur politique commerciale. Outre l’abaissement réciproque des barrières aux échanges, ils adoptent un tarif extérieur commun (tec) vis-à-vis du reste du monde.

21 • La zone de libre-échange : bien que les barrières aux échanges intra-zone soient éliminées selon la règle du commerce préférentiel, chaque partenaire garde néanmoins une politique commerciale indépendante face au reste du monde.

22 • La « guerre commerciale » : il n’y a aucune entente en matière de politique commerciale. La rivalité entre les deux pays du Sud peut aboutir à ce que l’un mène une politique discriminatoire envers l’autre.

23 • La politique commerciale unilatérale : chaque pays définit sa politique commerciale de façon non discriminatoire et indépendamment de ce qui se passe dans l’autre pays.

24 Les enjeux des décisions de politique commerciale seront successivement envisagés ici : dans chaque cas de figure, nous ferons apparaître les marges de manœuvre des deux pays du Sud et leurs implications en termes de développement industriel et de bien-être.

L’union douanière

25 Selon un accord d’union douanière, les deux pays partenaires démantèlent les barrières aux échanges dans la zone intégrée (t S1S2 = t S2S1 = 1) et s’accordent sur une taxe douanière commune à l’encontre du Nord (t S1N = t S2N = t > 1). Cette situation est illustrée par la courbe en trait plein du graphique 1a, dans lequel est représenté le développement industriel des deux pays en fonction de la valeur du tec (noté t) [7]. On s’aperçoit que l’union douanière aboutit à un équilibre symétrique unique puisque les forces en présence sont affectées de manière identique dans les deux pays. Par ailleurs, cet équilibre (dont la stabilité est démontrée dans l’annexe A) est croissant avec la valeur du tec : la protection discriminatoire à l’encontre du Nord génère une industrialisation des deux pays. Dans le cas extrême où t tend vers l’infini (situation autarcique du Sud intégré), on retrouve l’équilibre symétrique constant du modèle à deux pays de Fujita et al. [1999], où la part de la population industrielle dans les deux pays est exactement égale à celle des biens manufacturés dans les dépenses totales des consommateurs (?S1 = ?S2 = ?S) [8].

Graphique 1a

Développement industriel dans l’union douanière (t = t S1N = t S2N).

Graphique 1a

Développement industriel dans l’union douanière (t = t S1N = t S2N).

26 Le développement industriel de l’ensemble des pays membres de l’union douanière résulte de l’interaction des différents effets de la politique commerciale. La discrimination commerciale à l’encontre du Nord génère deux effets opposés : d’un côté, un coût plus élevé des biens intermédiaires importés grève la profitabilité des firmes localisées dans l’union douanière mais, de l’autre, la protection du marché élargi constitué par la zone intégrée accroît la demande qui s’adresse à ces firmes et donc leur profitabilité. On démontre dans l’annexe B que c’est le second effet qui l’emporte toujours. En conséquence, la courbe croissante du graphique 1a traduit une industrialisation symétrique des deux pays partenaires avec substitution aux importations en provenance du Nord.

27 Par le démantèlement des barrières tarifaires dans le commerce bilatéral, les deux pays partenaires bénéficient d’une réduction du coût de leurs biens intermédiaires importés (libéralisation des importations) et d’un accès privilégié au marché du pays partenaire (effet taille ou d’élargissement du marché) ; en contrepartie, les firmes locales subissent les pressions concurrentielles associées à l’entrée de biens étrangers (concurrence à l’importation). Pour un tec donné, on peut observer que la courbe de développement industriel des deux pays du Sud se déplace vers le bas lorsque le tarif préférentiel intra-zone (noté tSS ) augmente. En effet, en cas de protectionnisme réciproque (tSS > 1) correspondant aux courbes en traits pointillés), on retrouve les effets de coût d’importation et de protection du marché discutés précédemment ; mais s’y ajoute la diminution des débouchés à l’exportation liée à la perte de l’effet taille de marché.

28 En influençant le processus d’industrialisation, la politique commerciale affecte le niveau de bien-être. Pour un revenu nominal constant et égal à 1, une hausse de la taxe imposée par le pays r sur les importations en provenance du pays s (trs ) va influencer son niveau de revenu réel hors revenu douanier de trois manières :

  1. coût d’importation. Une hausse de trs tire l’indice de prix des biens industriels vers le haut (équation (2)), ce qui diminue le revenu réel.
  2. industrialisation ou désindustrialisation du pays r. À l’inverse, en accroissant la capacité d’offre locale (hausse du nombre de firmes nr dans l’équation (2)), elle diminue l’indice de prix et élève le revenu réel.
  3. industrialisation ou désindustrialisation de l’autre pays s. De la même manière, l’industrialisation du pays s, en accroissant ns , réduit l’indice de prix des biens industriels dans le pays r (équation (2)). L’industrialisation de l’autre pays s contribue ainsi à améliorer le bien-être du pays r.
Les effets de la politique commerciale sur le niveau de revenu réel hors revenu douanier suivant les quatre configurations sont résumés dans un tableau en annexe C.

29 Le graphique 1b présente l’évolution des revenus réels dans les deux pays du Sud avec et sans revenu douanier (dénotés par la suite respectivement YRR et YR) : dans le premier cas, on attribue alors une valeur sociale non nulle au revenu douanier. L’interaction des trois effets mentionnés se traduit par une amélioration symétrique du niveau de bien-être dans le cadre de l’union douanière. Dans la mesure où la discrimination commerciale à l’encontre du Nord a permis l’industrialisation des deux pays partenaires, ce sont les deux derniers effets qui l’emportent sur l’effet coût associé au protectionnisme. Par ailleurs, quel que soit le niveau du tec, la prise en compte des recettes douanières élève tout naturellement le niveau de bien-être ; toutefois, l’écart entre les deux courbes de revenu diminue lorsque le tec croît car l’industrialisation du Sud (et la réussite de la politique de substitution aux importations du Nord) se traduit par une baisse du revenu douanier. Enfin, on peut montrer un déplacement des courbes de revenu vers le bas, pour un tec donné, lorsque le tarif préférentiel intra-zone augmente (tSS > 1). Il s’explique par un niveau d’industrialisation affaibli par la perte de l’effet d’élargissement du marché et des importations intra-zone plus chères.

Graphique 1b

Union douanière et bien-être (t = t S1N = t S2N).

Graphique 1b

Union douanière et bien-être (t = t S1N = t S2N).

La zone de libre-échange

30 La zone de libre-échange constitue un autre arrangement de commerce préférentiel moins contraignant que l’union douanière. Les deux pays partenaires s’accordent pour éliminer les barrières à l’échange dans la zone intégrée (t S1S2 = t S2S1 = 1), mais gardent une autonomie dans leur politique commerciale vis-à-vis du reste du monde. En l’occurrence, nous envisageons une situation dans laquelle le pays S2 libéralise ses échanges avec le Nord (t S2N = 1), tandis que son partenaire maintient une protection commerciale (t S1N = t >1). La zone de libre-échange étant également un air, les effets de la libéralisation des échanges intra-zone sont identiques à ceux de l’union douanière. La divergence de trajectoires d’industrialisation des deux pays du Sud en comparaison avec la situation de référence qu’est l’union douanière (représentée en traits pointillés dans le graphique 2a) résulte par conséquent de leur politique commerciale différenciée vis-à-vis du Nord.

Graphique 2a

Développement industriel dans la zone de libre-échange (t = t S1N).

Graphique 2a

Développement industriel dans la zone de libre-échange (t = t S1N).

31 Le pays S1 perçoit les bénéfices du protectionnisme discutés dans le graphique 1a : l’effet de protection du marché l’emportant sur l’effet coût d’importation, c’est la substitution aux importations du Nord qui tire le développement industriel du pays. Par contre, cette politique de substitution à l’importation se fait à l’encontre du pays partenaire : attirée par les avantages de la protection, une partie de l’industrie du pays S2 se délocalise vers le marché le mieux protégé de la zone de libre-échange. Ce transfert lié au commerce préférentiel profite à son tour au pays S1 puisque l’entrée de nouvelles firmes dans le pays contribue de façon additionnelle à son développement industriel.

32 Un tel phénomène de transfert d’activités ne se posait pas dans le cadre de l’union douanière en raison d’un tec négocié entre les deux pays. Cependant, une interaction stratégique peut survenir : si le pays S2, constatant sa désindustrialisation, décidait à son tour de se protéger du Nord, l’alignement progressif des tarifs douaniers ferait converger la zone de libre-échange vers l’union douanière. Ainsi, dans l’hypothèse où la politique commerciale des deux pays répond à un objectif d’industrialisation, l’union douanière apparaît être une finalité incontournable d’une zone de libre-échange.

33 D’un point de vue du bien-être, nous allons tout d’abord attribuer une valeur sociale nulle au revenu douanier. Dans ce cas, on observe qu’une coopération sous la forme de l’union douanière serait la meilleure chose pour les deux pays du Sud puisque leur niveau de revenu réel sans revenu douanier (YR ud ) y serait plus élevé que dans une zone de libre-échange (graphique 2b). Cet écart de bien-être par rapport à la situation de référence s’explique par un indice de prix plus élevé dans la zone de libre-échange. En effet, bien que poursuivant une même politique de protection discriminatoire à l’encontre du Nord, le pays S1 subit ici la désindustrialisation de son partenaire (annexe C). Pour un t donné, la diminution du nombre de firmes dans le pays S2 élève l’indice de prix des biens industriels dans le pays S1 selon l’équation (2) et réduit son revenu réel. Le niveau de bien-être dans le pays S2 est également affecté par sa désindustrialisation à travers un niveau plus élevé de q S2 mais aussi de q S1. Au total, avec la hausse de t, le niveau de bien-être s’améliore dans les deux pays grâce à l’industrialisation du pays S1 qui se protège du Nord ; mais la désindustrialisation qui en résulte du pays S2 explique leur plus faible niveau par rapport à l’union douanière.

Graphique 2b

Zone de libre-échange et bien-être (t = t S1N).

Graphique 2b

Zone de libre-échange et bien-être (t = t S1N).

34 Dans une zone de libre-échange, c’est paradoxalement le pays en voie de désindustrialisation (c’est-à-dire S2) qui bénéficie d’une meilleure performance en termes de bien-être. En se protégeant du Nord, le pays S1 subit en effet un accroissement du coût de ses importations, grevant son niveau de revenu réel par rapport à son partenaire libre-échangiste (annexe C). Ainsi, lorsqu’on se réfère à son développement industriel (graphique 2a), le pays S2 a intérêt à s’aligner sur le tarif douanier de son partenaire ; ce qui ferait converger la zone de libre-échange vers la situation de l’union douanière. Toutefois, il n’en est rien du point de vue de son bien-être puisque, par sa politique libre-échangiste avec le Nord, il atteint le niveau de bien-être le plus élevé (graphique 2b). Pourtant, une coopération entre les deux pays du Sud serait la solution optimale, l’union douanière avec protection vis-à-vis du Nord générant le plus haut niveau de bien-être pour l’ensemble de la zone. En d’autres termes, si l’union douanière apparaît incontournable selon un objectif de développement industriel, l’entente sur le tec ne va pas de soi avec le critère de bien-être, bien que la coopération s’avère optimale. Ce résultat nuancé illustre le phénomène classique du dilemme du prisonnier et, d’une certaine manière, les difficultés que rencontrent les pays du Sud à mettre en œuvre une union douanière.

35 La prise en compte des recettes douanières dans la définition du bien-être (courbe YRRS1) ne remet pas en cause ce raisonnement autour du dilemme du prisonnier. Si dans un premier temps, pour un tarif douanier relativement faible, l’apport des recettes douanières permet au pays protectionniste d’atteindre un niveau de bien-être supérieur à celui de son partenaire libre-échangiste, le critère de bien-être ne sera cependant pas en adéquation avec celui du développement industriel. En effet, selon un objectif d’industrialisation, le pays S1 serait incité à approfondir sa politique protectionniste au-delà de la valeur sociale optimale du revenu douanier. Dans ces conditions, avec la hausse de t, les recettes douanières s’estompent en raison d’une industrialisation qui s’accompagne d’une diminution des importations en provenance du Nord. Nous retrouvons alors inévitablement la situation antérieure, à savoir le conflit d’intérêt entre les deux pays du Sud, qui caractérise le dilemme du prisonnier et la difficulté de mise en œuvre de l’union douanière suivant le critère de bien-être.

La guerre commerciale

36 Les deux premières configurations envisageaient l’éventualité d’une coopération entre les deux économies du Sud ; mais, faute d’entente ou de concertation, il est possible qu’aucun accord commercial n’émerge. Le graphique 3a présente une situation dans laquelle, face à un pays S2 ouvert de façon non discriminatoire (t S2N = t S2S1 = 1), le pays S1 décide de libéraliser ses échanges avec le Nord (t S1N = 1) mais, à l’inverse, se protège de son rival du Sud (t S1S2 = t > 1). Cette situation de « guerre commerciale » engendre une phase de divergence, puis de convergence des trajectoires d’industrialisation pour des valeurs croissantes de t. En l’absence d’air, les deux pays du Sud perdent l’effet d’élargissement du marché car si les firmes du pays S1 accèdent au marché du pays rival, les barrières protectionnistes qu’il dresse enrayent en revanche les opportunités d’exportation des firmes du pays S2.

Graphique 3a

Développement industriel en cas de guerre commerciale (t = t S1S2).

Graphique 3a

Développement industriel en cas de guerre commerciale (t = t S1S2).

37 La désindustrialisation du pays S1 résulte de l’interaction de plusieurs effets : en l’occurrence, c’est l’effet coût d’importation vis-à-vis de l’autre pays du Sud, conjugué à une concurrence des importations en provenance du Nord, qui l’emporte sur les bénéfices d’une libéralisation des importations (les biens industriels du Nord sont importés à un moindre coût) et d’une protection du marché à l’encontre de S2. Par ailleurs, cette politique commerciale contraint l’industrie locale à se délocaliser en vue de neutraliser l’effet coût d’importation, ceci renforçant de façon cumulative la désindustrialisation du pays.

38 Bien que libre-échangiste comme dans le cas de figure précédent, le pays S2 profite ici de la désindustrialisation de son rival puisque, pour des valeurs intermédiaires de t(t < 1,3), l’attraction des firmes de S1 contrebalance la restriction d’accès à son marché. Toutefois, lorsque son rival est complètement désindustrialisé (n S1 = 0), le pays S2 ne bénéficie plus, par définition, de ce mouvement de sortie de firmes mais continue de subir la perte d’opportunités d’exportation. En d’autres termes, il subit la politique discriminatoire menée par le pays S1 à son encontre, qui conduit à un détournement de commerce à l’avantage du Nord. De ce fait, le pays S2 entame un processus de désindustrialisation, faute d’accès de ses firmes au marché à l’exportation du pays S1 (ce dernier substituant les importations du Nord à celles de S2). Lorsque t = 1,85, on aboutit à un équilibre symétrique bas (?S1 = ?S2 = 0), où l’ensemble des besoins industriels du Sud est entièrement satisfait par les importations du Nord.

39 La guerre commerciale conduit sans ambiguïté à une détérioration du niveau de bien-être dans les deux pays (graphique 3b). Lorsque le pays S1 se protège de son rival du Sud, le coût de ses importations et son processus de désindustrialisation tirent l’indice de prix à la hausse (annexe C). Quand n S1 = 0, le niveau de bien-être poursuit son érosion car la désindustrialisation du pays est relayée par celle du pays rival, qui joue défavorablement sur q S1. L’intégration du revenu douanier dans le revenu réel ne permet pas d’enrayer cette tendance à la détérioration du bien-être. Celui-ci (représenté par YRRS1) suit une évolution quasi parallèle à celle de S2 car les recettes douanières de S1 dépendent de la capacité d’exportation de S2.

Graphique 3b

Guerre commerciale et bien-être (t = t S1S2).

Graphique 3b

Guerre commerciale et bien-être (t = t S1S2).

S’agissant du niveau de bien-être dans le pays S2, son processus d’industrialisation observé pour t < 1,3 ne contrebalance que partiellement les pressions à la hausse sur l’indice de prix générées par la désindustrialisation du pays S1. Le niveau de revenu réel amorce une accélération de son érosion à partir de t > 1,3 car si l’effet négatif de la désindustrialisation du pays S1 ne joue plus (n S1 = 0), le pays S2 entame par contre une désindustrialisation qui tire l’indice de prix vers le haut. Pour t = 1,85, la convergence des indices de prix [9] amène une convergence des niveaux de revenu réel dans les deux économies du Sud.
La guerre commerciale illustre, en conséquence, le caractère coûteux d’une non-coopération entre les pays du Sud : en se protégeant délibérément les uns des autres, ils y perdraient en termes d’industrialisation et de bien-être. En outre, la libéralisation des échanges avec le Nord dans ce contexte de désindustrialisation les soumet à une totale dépendance à l’égard des importations du Nord pour satisfaire leurs besoins industriels. Ce résultat pousse au renforcement des liens économiques régionaux entre pvd afin de réaliser l’objectif de développement. Lorsque les firmes ont des capacités de production faibles et que le cadre économique mondial se caractérise par des asymétries, les arrangements commerciaux pourraient être l’environnement le plus propice à la mise en œuvre de stratégies de développement national (cnuced [2002]).

La politique commerciale unilatérale

40 L’absence de coopération ne se traduit pas nécessairement par une guerre commerciale entre les deux pays du Sud. Envisageons un scénario dans lequel, faute de négociations, les deux pays mènent des politiques commerciales unilatérales, indépendamment de ce qui se passe dans l’autre pays. Face à un pays S2 qui reste ouvert de façon non discriminatoire (t S2N = t S2S1 = 1), supposons que le pays S1 décide de se protéger de manière uniforme vis-à-vis de l’extérieur (t S1N = t S1S2 = t > 1). Comme dans le cas précédent, l’absence d’entente commerciale entre les deux pays du Sud soustrait tout effet d’élargissement du marché associé à une libéralisation commerciale bilatérale.

41 En comparaison avec le graphique 3a, l’extension de la protection commerciale du pays S1 conduit à des effets coût d’importation et protection de marché sur une plus grande échelle. On retrouve le mouvement de sortie des firmes vers le pays S2 afin de neutraliser la surcharge de coût à l’importation. La délocalisation des activités industrielles conjuguée à l’effet coût d’importation amène une diminution de ?S1, jusqu’à devenir nul au-delà d’un certain niveau de protection (graphique 4a).

Graphique 4a

Politiques commerciales unilatérales et industrialisation (t = t S1N = t S1S2).

Graphique 4a

Politiques commerciales unilatérales et industrialisation (t = t S1N = t S1S2).

42 De façon similaire au graphique 3a, le pays S2 subit la perte de débouchés à l’exportation associée à la protection de son rival tout en bénéficiant simultanément de sa désindustrialisation (attraction des activités de S1). Lorsque t >1,45, le pays S2 n’attire plus l’entrée de nouvelles firmes (car n S1 = 0), mais continue de subir la perte d’opportunités d’exportation vers le pays S1. La stabilisation de son niveau de développement industriel (?S2 = constante) s’explique par l’absence d’effet de substitution entre importations du Nord et du Sud : à la différence de la guerre commerciale (graphique 3a), le pays S1 se protège de manière uniforme, si bien qu’il n’y a pas de détournement de trafic à l’avantage du Nord.

43 Lorsqu’on fait abstraction du revenu douanier (courbe YRS1), on voit que le protectionnisme unilatéral génère une détérioration du niveau de bien-être dans le pays S1 (graphique 4b) : une nouvelle fois, c’est le coût des importations, conjugué au processus de désindustrialisation du pays, qui explique ce résultat (annexe C). Plus t prend des valeurs élevées, plus l’effet coût domine puisque les processus de développement industriel des deux pays se stabilisent. Par contre, l’évolution du revenu réel avec recettes douanières est tout autre (courbe YRRS1) : malgré sa désindustrialisation, S1 améliore son bien-être en satisfaisant ses besoins en biens industriels par importation. Les recettes douanières sont en effet une source substantielle de revenu qui permet de compenser les effets défavorables de la protection commerciale.

Graphique 4b

Politiques commerciales unilatérales et bien-être (t = t S1N = t S1S2).

Graphique 4b

Politiques commerciales unilatérales et bien-être (t = t S1N = t S1S2).

44 À l’inverse, dans la mesure où sa lcu le dispense de l’effet coût d’importation, l’évolution du niveau de bien-être dans le pays S2 résulte de la seule confrontation des dynamiques industrielles au Sud. Contrairement au graphique 3b, c’est l’industrialisation du pays qui l’emporte. Ce résultat est imputable à une désindustrialisation plus lente de S1 suivant la valeur de t : les importations du Nord et du Sud étant taxées à un même taux, une plus faible partie de l’industrie du pays S1 sera incitée à se délocaliser. Lorsque t > 1,45, la stabilisation du développement industriel dans S2 s’accompagne fort logiquement d’une stabilisation de son indice de prix q S2 ; ce qui laisse le niveau de revenu réel constant.

45 Les résultats de cette dernière configuration de politique commerciale confirmeraient les vertus de la lcu : en raison de son protectionnisme, l’effet coût d’importation grève à la fois le bien-être (hors revenu douanier) du pays S1 et la profitabilité des firmes locales. Mais qu’adviendrait-il de la répartition des activités entre les deux pays si le pays S1 s’ouvrait uniformément sur l’extérieur ? Les graphiques 4a et 4b peuvent également être lus en sens inverse : en inversant le mouvement de sortie des firmes grâce à la libéralisation de ses importations, la lcu du pays S1 amorcerait un processus de convergence vers un équilibre symétrique haut (?S1 = ?S2 > 0). Du point de vue du bien-être, il apparaît que l’industrialisation du pays interagit avec la baisse du coût de ses importations pour diminuer l’indice de prix des biens industriels : ce qui améliore le niveau de son revenu réel (YRS1). En attribuant une valeur sociale au revenu douanier (courbe YRRS1), ce dernier résultat peut bien évidemment être remis en cause par la perte de revenu qui accompagne la libéralisation commerciale.

46 Avec cette convergence vers un équilibre haut, notre modèle d’économie géographique rejoint les recommandations de lcu prônées par les modèles de commerce international fondés sur les avantages comparatifs. Toutefois, ce résultat est nuancé car il ne concerne que le pays S1 face à un rival du Sud qui pratique déjà une politique de libre-échange. Dans les graphiques 4a et 4b, la meilleure performance du pays S2 en matière de développement industriel et de bien-être suggère que, en l’absence d’entente, un pvd tourné vers l’extérieur n’a pas intérêt à ce que d’autres poursuivent une politique de lcu. Il risquerait, en effet, de pâtir de leur sortie de la trappe de sous-développement, le rattrapage du pays initialement protectionniste se faisant au détriment du pays libre-échangiste. En somme, les vertus de la lcu semblent tenir uniquement dans un contexte où l’autre rival du Sud se protège de façon unilatérale. Un tel résultat illustre les expériences des npi d’Asie à partir des années 1960, qui ont su profiter des politiques de substitution poursuivies par la plupart des pvd pour développer leur structure industrielle [10] en réformant leur régime commercial.

Conclusion

47 En réponse à la multiplication récente des phénomènes d’accords commerciaux entre économies du Sud, cet article a analysé la manière dont la formation d’un air peut affecter la répartition des activités au sein d’une zone intégrée. La nouvelle vague d’intégration voit en effet l’adhésion comme une façon de jouer un rôle sur la localisation des industries. En reprenant à notre compte le cadre d’analyse de la nouvelle économie géographique, nous nous sommes concentrés sur les perturbations intra-zone induites par les accords commerciaux Sud-Sud. De fait, une analyse des effets de l’adhésion est faite en privilégiant la mobilité des activités productives plutôt qu’en termes de création et de détournement de commerce.

48 Trois résultats essentiels se dégagent de notre étude. Premièrement, notre modèle d’économie géographique ne rejoint que partiellement les recommandations de lcu prônées par les modèles de commerce international fondés sur les avantages comparatifs. En l’absence de coopération, un pays du Sud peut favoriser son développement industriel et améliorer son bien-être en libéralisant ses échanges commerciaux. Toutefois, ce résultat est nuancé car les vertus de la lcu semblent tenir uniquement dans un contexte où l’autre rival du Sud se protège de façon unilatérale. Dans le cas où ce dernier entame lui-même une politique de libéralisation, le pays initialement libre-échangiste pâtira alors de sa sortie de la trappe de sous-développement.

49 Deuxièmement, l’adhésion d’un pvd à des blocs régionaux, par un démantèlement réciproque des barrières tarifaires, lui garantit un accès non négligeable au marché de ses partenaires (effet d’élargissement du marché). Dans un tel cadre de coopération, l’union douanière se révèle être la meilleure solution car le processus d’intégration régionale avec protection vis-à-vis du Nord permet une amélioration de la structure industrielle et du niveau de bien-être sans asymétrie dans la zone. Cependant, si l’union douanière apparaît incontournable selon un objectif de développement industriel, l’entente sur le tec ne va pas de soi avec le critère de bien-être. C’est en effet le pays ouvert sur le Nord qui atteint le niveau de bien-être le plus élevé au sein de la zone de libre-échange : ce qui l’incite à avoir un comportement non coopératif. Pourtant, les deux économies du Sud aboutiraient à une situation optimale en matière de bien-être si elles définissaient une politique commerciale commune vis-à-vis du reste du monde. Ce deuxième résultat nuancé illustre le phénomène classique du dilemme du prisonnier, et plus fondamentalement les difficultés de mise en œuvre d’une union douanière.

50 Enfin, la non-coopération aboutit à l’inverse à une situation désastreuse pour les pays du Sud. La guerre commerciale révèle en effet le caractère coûteux d’une discrimination commerciale entre pvd : en se protégeant délibérément les uns des autres, ils y perdraient en termes d’industrialisation et de bien-être, avec une dépendance vis-à-vis des importations de biens industriels en provenance du Nord. Dans l’environnement actuel où le commerce de produits manufacturés entre les pvd eux-mêmes est en croissance rapide, les pays du Sud pourraient accroître leurs chances de sortie de la trappe de sous-développement en abaissant les barrières commerciales visant les produits exportés par d’autres pvd.

Les auteurs tiennent à remercier les deux rapporteurs anonymes pour leurs commentaires et leurs critiques constructives, qui ont permis d’améliorer la version préliminaire de cet article. Ils restent néanmoins seuls responsables des éventuelles erreurs ou insuffisances.

ANNEXES

A – Analyse de la stabilité de l’équilibre symétrique en union douanière

51 À l’équilibre, la mobilité intersectorielle du travail conduit dans chaque pays à l’alignement du taux de salaire industriel sur le taux de salaire unitaire du secteur traditionnel. L’analyse de la stabilité de l’équilibre symétrique consiste à étudier les conséquences d’un hypothétique transfert industriel d’un pays à un autre. Si ce transfert se traduit dans le pays d’accueil par une hausse du salaire industriel, l’industrialisation y sera soutenable – via la mobilité intersectorielle de la force de travail –, si bien que l’on pourra conclure à l’instabilité de l’équilibre symétrique. À l’inverse, l’équilibre symétrique sera stable si cet hypothétique transfert industriel conduit à une diminution du salaire industriel dans le pays d’accueil.

52 Formellement, l’équilibre symétrique est caractérisé par :

53

equation im36
equation im37
equation im38
equation im39
avec t S1S2 = t S2S1 = t SS et t S1N = t S2N = t
En considérant un transfert industriel du pays S2 vers le pays S1 (d? = d?S1 = – d?S2), on notera que l’équilibre symétrique est stable si et seulement si dw/d? < 0. La recherche du signe de cette dernière dérivée consiste à linéariser le système d’équations (13)-(27) autour de l’équilibre symétrique.
Sachant que le transfert industriel implique dE = dES1 = – dES2, et dq = dq S1 = dq S2 on définit – en application de la méthodologie de Fujita et al. [1999] – la variable Z suivante :
equation im40
En différentiant à l’équilibre symétrique les équations (13) et (14), on obtient :
equation im41
De même, la différentiation des équations (15) et (16) aboutit à :
equation im42
En tenant compte de la définition du revenu des pays S1 et S2 (relations (22) et (23)), la différentiation à l’équilibre symétrique des équations (19) et (20) définissant les dépenses en biens industriels dans chacun des pays nous amène à la relation :
equation im43
L’introduction de la relation (A11) dans (A10) aboutit à :
equation im44
En combinant les relations (A9) et (A12), nous pouvons isoler l’expression recherchée :
equation im45
avec
equation im46
Les variables E, q et Z font référence respectivement aux relations (A4), (A5), (A8) et la variable ? résulte de la résolution du système d’équations (13)-(27) appliqué à l’équilibre symétrique. Le recours à la simulation est par conséquent incontournable pour la détermination du signe de la relation (A13). Reprenant la valeur des paramètres des graphiques 1a et 1b, le tableau A1 ci-dessous fait valoir que la dérivée (A13) est toujours négative : nous avons, par conséquent, démontré que les différents équilibres symétriques sont toujours stables.

Tableau A1

Stabilité de l’équilibre symétrique equation im47 .

Tableau A1
t 1 1,20 1,40 1,60 1,80 2 tSS 1= – 0,065 – 0,061 – 0,060 – 0,060 – 0,059 – 0,059 tSS 1,10= – 0,156 – 0,146 – 0,142 – 0,140 – 0,140 – 0,139 tSS 1,20= – 0,195 – 0,179 – 0,173 – 0,171 – 0,170 – 0,169

Stabilité de l’équilibre symétrique equation im47 .

B – L’effet coût d’importation versus l’effet protection de marché en union douanière

54 L’objet de cette annexe est de vérifier qu’en union douanière l’effet protection du marché l’emporte toujours sur l’effet coût d’importation. Reprenant les notations de l’annexe A (t S1S2 = t S2S1 = t SS et t S1N = t S2N = t), cette dernière proposition s’applique lorsqu’on aura démontré qu’à l’équilibre symétrique, dw/dt > 0. En effet, dans ce cas, on aura démontré que tout accroissement de la protection vis-à-vis du Nord s’accompagne d’un développement industriel symétrique de S1 et S2 via la mobilité intersectorielle du travail à l’intérieur de chaque pays.

55 On peut écrire que : dw/dt = (dw/dq) ? (dq/dt). Pour un niveau d’industrialisation donné, on observe aisément d’après les relations (14) et (15) que dq/dt > 0 ; il nous reste donc à démontrer que : dw/dq > 0.

56 À l’équilibre symétrique caractérisé par les relations (A1)-(A7), la différentiation totale des relations (16) et (17) fait valoir l’opposition des effets coût d’importation et protection de marché :

57

equation im49
où le premier terme de l’addition entre crochets fait référence à l’effet coût d’importation (de signe négatif) et le second à l’effet protection de marché (de signe positif).
Sachant que w = 1, les relations (16) et (17) se résument à :
equation im50
L’introduction de la relation (B2) dans (B1) nous donne :
equation im51
La relation (B3) montre par conséquent que l’effet protection de marché l’emporte sur l’effet coût d’importation si et seulement si (? – 1)/? > ?. Or, cette dernière inégalité, dénommée la No-Black-Hole Condition[11], est toujours vérifiée dans les modèles d’économie géographique.

C – L’impact de la politique commerciale sur le revenu réel hors recettes douanières

Coût d’importation Indus. (+) ou désindus. (–) du pays r Indus. (+) ou désindus. (–) de l’autre pays s Résultat UNION DOUANIÈRE S1 = S2 – + + + ZONE DE LIBRE ÉCHANGE Pays S1 – + – +Pays S2 0 – + + GUERRE COMMERCIALE Pays S1 nS1 > 0 – – + –nS1 = 0 – 0 – – Pays S2 nS1 > 0 0 + – –nS1 = 0 0 – 0 – POLITIQUE COMMERCIALE UNILATÉRALE Pays S1 nS1 > 0 – – + – nS1 = 0 – 0 0 –Pays S2 nS1 > 0 0 + – + nS1 = 0 0 0 0 0 Le signe (–) désigne une diminution du revenu réel Le signe (+) désigne une augmentation du revenu réel La valeur 0 signi?e qu’il n’y a aucun effet sur le revenu réel

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  • Puga D., Venables A.J. [1998], « Trading arrangements and industrial development », World Bank Economic Review, 12 (2), mai, p. 221-249.
  • Rieber A., Tran T.A.D. [2002a], « Stratégies de politique commerciale pour une sortie de la trappe de sous-développement », Revue économique, 53 (2), mars, p. 1-21.
  • Rieber A., Tran T.A.D. [2002b], « Technology diffusion, North-South spillovers and industrial location », Journal of Economic Development, 27 (1), juin, p. 25-39.
  • Siroën J-M. [2000], La régionalisation de l’économie mondiale, coll. « Repères », 288, Paris, La Découverte.
  • Venables A.J. [1996], « Equilibrium location of vertically linked industries », International Economic Review, 37, p. 341-359.
  • Venables A.J. [2000], « Winners and Losers from Regional Integration Agreements », mimeo, Banque mondiale, juillet.
  • Viner J [1950], The Customs Union Issue, New York, Carnegie Endowment for International Peace.

Notes

  • [*]
    care, Université de Rouen et roses, Université Paris I. Courriel : arsene. rrieber@ univ-rouen. fr
  • [**]
    cepn, Université Paris XIII et roses, Université Paris I. Courriel : ttranad@ seg. univ-paris13. fr
  • [1]
    Pour une discussion sur les utilisations potentielles du revenu douanier et les implications en matière d’industrialisation, cf. Rieber et Tran [2002a] et [2002b].
  • [2]
    Étant donné que la structure industrielle du Nord est totalement exogène, cette hypothèse a le mérite d’alléger les notations sans pour autant modifier les conclusions de notre modèle.
  • [3]
    La Périphérie se caractérise souvent par une capacité d’exportation insuffisante en direction du Centre. Les Rapports sur le Commerce et le Développement de la cnuced insistent davantage sur les restrictions d’accès des pvd aux marchés des pays développés, notamment en ce qui concerne les produits manufacturés à forte intensité de main-d’œuvre.
  • [4]
    Pour le Nord, à l’aide des relations (6) et (18), nous vérifions que la valeur des exportations de biens industriels correspond à la valeur des importations de biens traditionnels et est égale à (1 – ?N)w NLN. De même, des relations (6), (19) et (20), nous vérifions que la demande excédentaire de biens industriels du pays S1 (respectivement du pays S2) est égale à ?S – ?S1 (respectivement ?S – ?S2), ce qui équivaut à son offre excédentaire de biens traditionnels.
  • [5]
    Pour que les deux pays du Sud soient toujours dotés d’un secteur traditionnel, il suffit de spécifier que la part du revenu des consommateurs allouée à la consommation de biens industriels (?S) est strictement inférieure à 1/2 + ((1 – ?N)w NLN)/2. En effet, dans ces conditions, l’expression (24) traduisant l’équilibre international montre que la demande mondiale de biens traditionnels dépasse les capacités de production potentielles d’un seul pays du Sud. La conséquence de cette spécification est de neutraliser la force centrifuge représentée par l’éventuel gap salarial entre les deux économies du Sud.
  • [6]
    Étant donné que la relation (9) est déduite de la condition de libre entrée, une variation du salaire industriel traduit en corollaire une variation dans le même sens du profit de court terme. Une interprétation alternative, à l’instar de Puga [1999], consisterait alors à analyser les variations du taux de profit de court terme faisant suite au développement industriel exogène du pays S1. Toute force ayant pour effet de relever ce taux de profit sera qualifiée de centripète puisqu’elle encourage un processus de concentration industrielle dans ce pays. Inversement, toute force réduisant les opportunités de profit dans le pays S1 sera qualifiée de centrifuge.
  • [7]
    S’agissant des autres paramètres du modèle, on retiendra tout au long de l’article les valeurs suivantes : ? = 0,4 ; ? = 5 ; ? = 1,05 ; ?S = 0,45 ; LN = 2 ; w N = 2,5. Cette configuration paramétrique vérifie, entre autres, un différentiel de revenu positif entre le Nord et les deux économies du Sud.
  • [8]
    Plus précisément, la situation autarcique de notre modèle reproduit une configuration paramétrique du modèle à deux pays de Fujita et al. [1999] où l’équilibre symétrique est unique et stable. Ce résultat tient notamment à la présence dans notre modèle de coûts de transport invariables.
  • [9]
    q S1 = q S2 = q = ?q N avec q N = L1/1 – ?(1 – ?) N.
  • [10]
    Par ailleurs, le démantèlement progressif de leurs barrières commerciales à l’égard des pays voisins pour faire jouer les effets de proximité a favorisé indirectement des relations commerciales régionales. De fait, l’intégration régionale en Asie de l’Est est moins née d’un accord commercial préférentiel que d’une libéralisation unilatérale des échanges (Hugon [2001]).
  • [11]
    Pour interpréter cette condition, remarquons que, lorsque les économies d’échelle sont très importantes, les forces d’agglomération prédominent toujours, si bien que le déroulement de la dynamique spatiale ne fait aucun doute : l’équilibre Centre-Périphérie est unique. Pour introduire une ambiguïté dans le dénouement de la dynamique spatiale, les modèles d’économie géographique restreignent délibérément l’importance des économies d’échelle. Ces dernières étant inversement proportionnelles au paramètre ?, un tel encadrement est résumé par la No-Black-Hole Condition : (? – 1)/? > ?. Pour une discussion détaillée de cette condition, le lecteur intéressé pourra se référer au chapitre 4 de Fujita et al. [1999].

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