Notes
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epee, Université d’Evry-Val-d’Essonne, boulevard François Mitterrand, 91025 Evry cedex. E-mail : lhorty@ eco. univ-evry. fr.
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epee, Université d’Evry Val-d’Essonne et eurequa, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, Maison des Sciences de l’Économie, 106-112 boulevard de l’Hôpital, 75647 Paris, Cedex 13. E-mail : chrault@ hotmail. com
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[1]
Les résultats de ces tests ne sont pas reproduits ici mais disponibles sur simple demande.
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[2]
Rappelons qu’une variable aléatoire Z t sera dite faiblement exogène pour un ensemble de paramètres d’intérêt si elle peut être prise comme fixe et donnée dans le modèle conditionnel sans entraîner de perte d’information lors de l’inférence sur ces paramètres d’intérêt à partir de seul modèle conditionnel (cf. Engle, Hendry et Richard [1983]). L’idée intuitive est donc de savoir si les mécanismes engendrant les variables « exogènes » et ceux engendrant les variables « endogènes » sont séparables pour l’estimation des paramètres d’intérêt du modélisateur (cf. Rault [2000], ainsi que Pradel et Rault [2001]) pour une discussion approfondie sur la faible exogénéité).
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[3]
La valeur de la statistique calculée du test du ? adj max étant très proche de la valeur critique à 5 %, il est raisonnable de penser comme le suggère la théorie économique qu’il existe deux relations de long terme entre les variables considérées : c’est d’ailleurs ce qu’indique le test du ? adj trace .
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[4]
Dans le modèle de théorique de négociation salariale présenté précédemment la formation des salaires et des prix est résumée par deux relations structurelles ws et ps, dont la combinaison détermine le niveau et les composantes du chômage d’équilibre. La partition économique des variables qui en découle est donc que les prix et les salaires constituent les « endogènes » et les déterminants du chômage structurel les « exogènes ».
Cette partition théorique ne coïncide pas ici avec la partition empirique basée sur les propriétés statistiques des indicateurs macroéconomiques considérés. Cela signifie par conséquent que les paramètres de nos deux relations de coïntégration ne peuvent pas être estimés de manière efficace, uniquement à partir des deux équations décrivant l’évolution des prix et des salaires (comme pourrait le laisser penser la théorie économique), mais qu’il est nécessaire de tenir compte aussi des équations des cinq autres variables non faiblement exogènes. -
[5]
Les résidus des équations du modèle var-ecm conditionnel possèdent dans l’ensemble les bonnes propriétés : ils ne sont ni autocorrélés, ni hétéroscédastiques, ni de type arch, même s’ils connaissent parfois quelques problèmes de normalité. Cette absence de normalité des résidus de certaines équations n’est en réalité pas très sérieuse, puisque comme le souligne Johansen [1995b], les propriétés asymptotiques de la méthode du maximum de vraisemblance requièrent seulement que les perturbations soient i.i.d.
Introduction
1 Depuis le début des années 1980, le taux de chômage français fluctue autour d’un niveau moyen de 10 % dans un corridor de plus ou moins deux points et demi. S’il se maintient à un niveau si élevé sur deux décennies, c’est vraisemblablement parce que ce niveau correspond à une situation d’équilibre dont il importe de déterminer les origines. Il s’agit là du constat de départ de nombreux travaux appliqués sur données françaises qui ont recours à la notion de chômage d’équilibre : approches empiriques mobilisant les apports de l’économétrie des séries temporelles, avec les estimations de Time-varying nairu (Richardson et al. [2000] ; Heyer et Timbeau [2002]), approches s’inscrivant dans la tradition de la courbe de Phillips (Heyer, Le Bihan et Lerais [2000]), ou approches plus structurelles mobilisant le modèle ws-ps (Bonnet et Mahfouz [1996] ; L’Horty et Sobczak [1997] ; Cotis, Méary et Sobczak [1997]).
2 Dans le modèle ws-ps, on substitue à l’offre de travail émanant des ménages dans l’équilibre traditionnel du marché du travail, une relation structurelle dénommée ws pour Wage Schedule (Lindbeck [1993]). La forme de cette relation est déduite de modèles théoriques fondés sur les comportements microéconomiques décrits par les nouvelles théories du marché du travail (salaire d’efficience, négociation salariale, approche insiders/outsidersþ…). Cette relation en croise une autre qui décrit la formation structurelle des prix (ps ou Price Schedule). Elles déterminent ensemble le niveau du chômage d’équilibre qui sera modifié par les chocs structurels affectant les déterminants des salaires ou des prix, notamment les chocs pétroliers, les chocs sur le niveau des prélèvements directs ou indirects et les chocs de taux d’intérêt réels. Cette sensibilité aux chocs structurels conduit à un ensemble de déterminants du chômage d’équilibre plus riche que celui considéré habituellement par une approche de type courbe de Phillips (Bean [1994]). Les modèles théoriques ws-ps ont été popularisés avec le travail de Layard, Nickell et Jackman [1991]. Ils ont désormais intégré l’hétérogénéité des travailleurs (cf. notamment Laffargue [1995-b]) et les aspects dynamiques de la formation des salaires (Manning [1993] ; Cahuc et Zylberberg [1998]). Ces avancées théoriques se sont traduites par un allongement impressionnant de la liste des déterminants candidats à l’explication du chômage, qui à la fois reposent sur des fondements microéconomiques explicites et sont reliés à la formation des salaires ou des prix dans un cadre d’équilibre général.
3 Cette maturité théorique contraste avec l’état des travaux empiriques dont l’objet est d’estimer le modèle ws-ps. Deux sous-ensembles peuvent être distingués. Les estimations univariées des relations ws et ps sont compatibles avec un grand nombre de déterminants du chômage d’équilibre, conformément à la théorie, mais ne prennent pas en compte les interdépendances entre variables (Laffargue et L’Horty [1997]). Inversement, un trop grand nombre de variables devient en pratique incompatible avec une estimation multivariée des relations ws et ps, pourtant plus satisfaisante pour intégrer les interdépendances entre la formation des prix et celle des salaires. Sur données françaises, la montée du chômage d’équilibre depuis le début des années 1970 est ainsi expliquée entièrement par l’évolution des taux d’intérêt réels, du progrès technique et des termes de l’échange chez Bonnet et Mahfouz [1996], par celle du coin salarial, du taux de remplacement et de la productivité, chez L’Horty et Sobczak [1997], par celle du coût du capital et du coin salarial chez Cotis, Méary et Sobczak [1997]. Ces estimations multivariées mettent l’accent sur le rôle crucial de certaines variables, mais elles ne racontent pas toute l’histoire de la montée et de la persistance du chômage.
4 Une alternative à l’estimation des relations ws et ps est l’étalonnage du modèle mais la tentative de Cahuc, Gianella et Zylberberg [1998] conduit à des conclusions pessimistes sur la capacité du modèle ws-ps à expliquer la formation du chômage en France. Alors que l’estimation du modèle repose sur des versions log-linéarisées des relations ws-ps, l’étalonnage est respectueux de la non-log-linéarité des expressions théoriques. Ce faisant, une faible erreur de mesure sur l’une des variables peut avoir une incidence forte sur l’évaluation du niveau du chômage d’équilibre et le calcul des contributions à ses variations. Il est paradoxal de constater qu’une plus grande confiance accordée à l’échafaudage des spécifications théoriques conduit à une plus grande sensibilité aux erreurs de mesures sur les variables en œuvre. Cette approche qui ne laisse guère parler les données leur fait parfois dire beaucoup trop. L’estimation de versions log-linéarisées des relations ws et ps, qui accordent implicitement une confiance moindre à la théorie, dont elle ne retient qu’une liste de variables, leurs signes attendus et éventuellement des bornes pour leurs élasticités, est moins sensible aux erreurs de mesure pouvant affecter la construction des indicateurs pour ces variables. En laissant davantage parler les données, elle est aussi moins sensible à leurs écarts de langage.
5 L’objet de ce travail est de proposer une ré-estimation du modèle ws-ps sur données françaises qui utilise à la fois des techniques d’estimations multivariées à la Johansen et qui soit compatible avec un grand nombre de variables. Cette ré-estimation est rendue possible par la prise en compte des propriétés d’exogénéité faible des variables (Engle, Hendry et Richard [1983]). On peut en effet partitionner le modèle multivarié en deux blocs dont les paramètres varient indépendamment : un modèle marginal réunissant les variables faiblement exogènes pour les paramètres de long terme du modèle var-ecm, et un modèle conditionnel composé des équations restantes. Les vecteurs de coïntégration sont estimés à partir du seul modèle conditionnel sans référence au modèle marginal, ce qui permet de réduire la taille du système sans perte d’information par rapport au var-ecm complet.
6 Partant d’une base de données trimestrielles rassemblant seize séries et s’étendant sur la période 1970-1/1996-4, on retient une estimation du modèle ws-ps sous une forme var-ecm non contrainte intégrant dix variables. Deux relations de coïntégration sont estimées à partir du modèle partiel composé de sept équations, conditionnellement aux trois décrivant l’évolution des variables faiblement exogènes. Les tests d’exclusion conduisent à ne retenir finalement que cinq déterminants à la formation du chômage d’équilibre en France : la productivité horaire du travail, au travers de laquelle peut transiter l’impact des taux d’intérêt réels ; les termes de l’échange intérieurs qui varient essentiellement sous l’effet des chocs pétroliers et du taux de change ; le taux de sortie de l’emploi ; le coin salarial agrégé par lequel s’exerce l’influence des différents taux de prélèvement ; et l’inadéquation des qualifications offertes et demandées. En revanche, le taux de remplacement qui dépend de la générosité du système d’allocation chômage, la durée du travail, les coups de pouce donnés au smic, et la progressivité des prélèvements sociaux n’auraient eu, d’après cette estimation, qu’un rôle négligeable dans l’évolution du chômage d’équilibre.
7 La première section est un rappel théorique du modèle ws-ps. Elle présente la liste des variables candidates à l’explication du chômage d’équilibre et les mécanismes par lesquels ces variables exercent leur influence. La deuxième section présente les données utilisées dans cette étude qui requiert la construction de plusieurs indicateurs originaux pour les différentes variables. La dernière section présente les résultats de l’estimation du modèle.
Les déterminants du chômage d’équilibre
8 Le modèle théorique le plus riche partirait des fondements microéconomiques de la formation des salaires et des prix, dans un cadre dynamique prenant en compte la formation des anticipations des agents, où le travail serait un facteur hétérogène, où l’ensemble du système de prélèvements et de transferts serait décrit, y compris les modalités de versement des allocations chômage, leur dégressivité dans le temps et plus généralement le degré de progressivité de l’ensemble des prélèvements et transferts, et en déduirait les formes structurelles de ws et ps à court comme à long terme, dans un cadre d’équilibre général permettant de décrire l’ensemble des déterminants du chômage d’équilibre. Compte tenu de l’ampleur de ces enrichissements, il est probable qu’il n’y ait pas de solution analytique à la log-linéarisation des courbes structurelles de salaires et de prix. La spécification des expressions structurelles log-non linéaires de ces deux courbes serait en outre fortement dépendante de l’ensemble des choix successifs de modélisation, rendant délicate une estimation non linéaire. Dans tous les cas, l’écriture d’un tel modèle complet paraît hors de portée.
9 La stratégie d’estimation adoptée ici est moins ambitieuse. On a choisi de retenir de la théorie un ensemble de variables, leur signe, éventuellement des bornes pour leurs élasticités et pas davantage. On laisse ensuite parler les données dans le cadre d’estimations log-linaires multivariées.
Le modèle canonique
10 Une première liste de variables est donnée par le modèle de Layard, Nickell et Jackman [1991]. Le marché des biens y est en situation de concurrence imparfaite et les salaires résultent d’une négociation collective, les employeurs fixant unilatéralement le niveau de l’emploi (droit de gérer). Ce cadre statique à travail homogène permet d’obtenir les déterminants les plus traditionnels du chômage d’équilibre. Pour déterminer formellement la valeur du chômage d’équilibre, on résout le système composé des équations structurelles ws et ps en substituant sur la part des salaires dans la valeur ajoutée. On obtient ainsi une forme réduite d’équation de salaire qui définit le niveau de chômage d’équilibre. Dans le modèle de Layard, Nickell et Jackman [1991], cette forme réduite est présentée comme la forme structurelle de ws. Le chômage d’équilibre augmente, toutes choses égales par ailleurs, avec le pouvoir syndical, le taux de remplacement et l’aversion pour le risque des salariés. Il se réduit avec le risque de tomber en chômage, avec le degré de concurrence sur le marché des biens et avec le paramètre d’efficacité du facteur travail. Il est sensible également aux termes de l’échange et à l’ensemble des paramètres caractérisant la fiscalité qui interviennent dans le coin salarial et modifient le taux de remplacement.
11 Dans le cas d’une fonction de production ces, l’équation de salaire structurelle est inchangée, mais il n’en est pas de même de l’expression du chômage d’équilibre qui fait apparaître de surcroît un terme de productivité dont l’impact dépend de l’élasticité de substitution des facteurs. Si les facteurs sont moins substituables que dans le cas d’une technologie de type Cobb-Douglas, l’élasticité du chômage d’équilibre par rapport à la productivité du travail en unité efficace est négative. Dans ce cas, un accroissement de la productivité se traduit à la fois par une hausse des salaires et une baisse du chômage. Si les facteurs sont davantage substituables que dans le cas d’une Cobb-Douglas, la productivité en unités efficaces a un effet positif sur le chômage d’équilibre. On peut remarquer, par ailleurs, que le progrès technique laisse inchangé le niveau du chômage d’équilibre et qu’il se traduit uniquement par un accroissement des salaires réels.
12 Une hausse du taux d’intérêt réel réduit toujours la productivité du travail, mais elle se traduit par une baisse du chômage d’équilibre si les facteurs de production sont plus substituables que dans le cas d’une Cobb-Douglas, et une hausse dans le cas inverse (les mouvements de ps font plus que compenser ceux de ws dans le premier cas). Ce résultat n’est pas contre-intuitif : lorsque les facteurs sont peu substituables ; un accroissement du coût du capital limite l’utilisation de tous les facteurs et élève ainsi le chômage d’équilibre ; lorsqu’ils sont très substituables, l’effet de substitution l’emporte sur l’effet revenu et l’emploi d’équilibre augmente.
Ses enrichissements
13 Un premier enrichissement de cette spécification canonique consiste à distinguer dans l’emploi ce qui relève des effectifs occupés et ce qui relève des heures travaillées, c’est-à-dire à introduire la durée du travail. Si les heures et les hommes étaient de parfaits substituts du point de vue de la technologie utilisée par les entreprises, et si la réduction de la durée n’était pas compensée par une hausse des salaires horaires, la prise en compte de la durée ne changerait rien à l’expression de ps. Mais toutes choses égales par ailleurs, et en particulier à coût horaire du travail inchangé, une variation de la durée du travail peut exercer un effet sur la fonction d’effort et modifier la productivité horaire du travail. Son impact sur le chômage d’équilibre est alors comparable à un choc positif de productivité qui est favorable à l’emploi si les facteurs sont suffisamment substituables (Laffargue, L’Horty [1997]). La réduction de la durée du travail peut modifier également la formation des salaires, selon la forme des fonctions d’utilité individuelle et syndicale et les modalités de cette réduction, autoritaire ou négociée (Cahuc et d’Autume [1997]). La réduction de la durée du travail affecte alors le chômage d’équilibre, dès lors que l’utilité des chômeurs n’est pas complètement indexée sur celle des travailleurs.
14 Un autre enrichissement réside dans le fait de lever l’hypothèse d’uniformité des différents types de prélèvements. La prise en compte de la progressivité des prélèvements sociaux ou fiscaux ne modifie pas l’équation de prix, mais elle altère l’équation de salaire, une progressivité plus forte ayant le même effet qu’une réduction du pouvoir de marché du syndicat dans la négociation. L’intuition est que la progressivité réduit l’enjeu effectif d’une hausse de salaire et modère ainsi les revendications salariales. Il s’agit d’un résultat usuel des modèles de négociation où, contrairement au modèle d’offre de travail néoclassique, « la progressivité est bonne pour l’emploi » (Lockwood et Manning [1993] ; Koskela et Vilmunen [1994] ; Cornéo [1995]). Un effet inverse transite par le taux de remplacement où figure le rapport du coin salarial des salariés à celui des chômeurs, qui est d’autant plus important que la progressivité est forte. Pissarides ([1990], chap. 8) discute l’influence respective des deux effets.
15 Dans le modèle de Layard, Nickell et Jackman [1991], un paramètre ? vient pondérer le taux de chômage dans l’expression du point de repli des salariés dans la négociation. Ce paramètre exprime le risque de tomber au chômage comme une fonction du taux de chômage. Le risque de chômage peut également être mesuré en référence au taux de chômage de courte durée ou au taux de sortie de l’emploi tiré de données de flux sur le marché du travail. Cette dernière extension s’impose également dès lors que l’on considère les aspects dynamiques de la formation des salaires.
16 La version du modèle ws-ps développée par Cahuc et Zylberberg [1998] décrit précisément ces aspects dynamiques, ainsi que le rôle joué par les anticipations des parties prenantes de la négociation. Dans ce modèle, le chômage d’équilibre augmente à court terme avec les hausses du chômage passées, ce qui est à l’origine d’un effet de persistance de type insiders/outsiders et il diminue lorsque les salariés anticipent une hausse de leur rémunération. C’est le cas lorsque le taux de destruction des emplois diminue, ce qui équivaut à un accroissement des gains anticipés par les salariés. À l’équilibre stationnaire, le taux de chômage d’équilibre de long terme est une fonction croissante du taux d’intérêt réel, du taux d’imposition des bénéfices des entreprises, du coin fiscal, et du pouvoir de négociation des salariés. Il diminue lorsque les gains de productivité s’élèvent. Dans la version calibrée de ce modèle (Cahuc, Gianella, Zylberberg [1998]), le chômage d’équilibre dépend du taux de croissance de la population active, de la part des profits dans la valeur ajoutée, des gains de productivité, du taux d’escompte psychologique, du coin fiscal, des variations des termes de l’échange, du risque de perdre son emploi, du pouvoir de négociation et du taux de remplacement.
17 Enfin, la prise en compte de l’hétérogénéité des travailleurs conduit à d’autres enrichissements dans la compréhension de la formation du chômage. En distinguant différentes qualifications, on prend en compte les conséquences d’un mésappariement éventuel entre structures des qualifications offertes et demandées. Ce mésappariement est une composante à part entière du chômage structurel qui n’est, par construction, pas pris en compte dans le cadre d’une analyse purement agrégée. La désagrégation des qualifications permet en outre de considérer les effets d’un salaire minimum qui dépendent de ses règles de fixation et des formes d’indexation sur le salaire moyen ou de mark-up du salaire des qualifiés sur le salaire minimum.
18 Au total, le modèle théorique initial et ces enrichissements conduisent à faire dépendre la formation des prix de la productivité apparente du travail ou du taux d’intérêt réel, de l’élasticité de la demande aux prix, de l’efficacité du facteur travail (qui correspond à la part des salaires dans la valeur ajoutée avec une fonction de production de Cobb-Douglas) et de la durée du travail. La formation des salaires réels dépend, quant à elle, du taux de chômage, du pouvoir de négociation syndical, du degré de concurrence sur le marché des biens, de l’aversion pour le risque des salariés, du taux de remplacement, du coin salarial, de la durée du travail, de la progressivité du coin salarial, du taux de sortie de l’emploi, et de l’état du mésappariement sur le marché du travail. Le chômage d’équilibre dépend de l’ensemble de ces déterminants dès lors que leurs élasticités diffèrent dans l’équation de prix et dans celle des salaires.
Indicateurs et données
19 L’évaluation empirique du chômage d’équilibre se heurte à un déficit de données. Certains déterminants mis en évidence dans les modèles de type ws-ps ne sont pas directement observables et ne figurent par conséquent dans aucune base de données existante. C’est le cas de l’élasticité prix de la demande de biens qui reflète le degré de concurrence entre offreurs sur les marchés des produits. C’est le cas également du rapport de force entre les représentants des salariés et des employeurs dans la négociation salariale, de l’aversion pour le risque des salariés ou de leur taux d’escompte psychologique. D’autres déterminants théoriques du chômage d’équilibre peuvent être observés de façon plus ou moins directe, mais ne font pas l’objet de séries statistiques standardisées (c’est le cas du taux de remplacement ou de la progressivité du coin salarial par exemple). Confrontées à ce déficit de données, une réponse consiste à construire des indicateurs pour ces variables. Un mérite de la construction d’indicateurs est de produire de nouvelles statistiques qui sont porteuses d’informations sur l’évolution du marché du travail.
Les déterminants des prix
20 Les données les plus traditionnelles sont le salaire brut, les prix, la valeur ajoutée, l’emploi et le taux de chômage. On utilise le taux de salaire horaire brut moyen en valeur des secteurs marchands non financiers non agricoles qui est tiré des comptes trimestriels (R11TS-V0A7). Il en est de même des prix de consommation (P31-V0T6) ainsi que des prix de la valeur ajoutée, de la valeur ajoutée et de l’emploi qui ont été recalculés sur le champ des secteurs marchands non financiers non agricoles. Deux indicateurs de productivité apparente du travail ont été utilisés : la productivité par tête qui rapporte la valeur ajoutée aux effectifs employés ; la productivité horaire qui divise la précédente par la durée du travail.
21 La durée du travail est l’indicateur synthétique calculé par la Dares sur le champ smna (Chouvel [1996]). Il se distingue des indicateurs traditionnels dans les années 1990. La durée mesurée avec l’enquête acemo, qui est utilisée dans les comptes trimestriels, est très stable dans les années 1990. La durée des comptes annuels, en revanche, diminue sensiblement. La différence tient essentiellement à la prise en compte du développement du travail à temps partiel qui a été favorisé sur la période récente par des aides spécifiques de l’État (abattement forfaitaire des cotisations sociales pour partage au temps partiel, modalités de l’allègement des charges sociales sur les bas salaires qui encourageaient fortement le temps partiel). C’est pourquoi, la Dares a construit un indicateur trimestriel synthétique de durée du travail prenant en compte le temps partiel, les heures supplémentaires et le recours au chômage partiel. Cet indicateur baisse sur toutes les années 1990 et plus fortement après 1993 du fait d’une diffusion accélérée du travail à temps partiel. Il est le plus proche de la durée moyenne réellement accomplie par les salariés.
22 Le taux d’intérêt réel est le prix des obligations publiques et semi-publiques. Son introduction directe dans l’équation de prix se justifie à long terme lorsqu’on endogénéise la formation du capital et que l’on considère l’existence d’une asymétrie dans la mobilité du capital et du travail. Dans le cas d’une petite économie ouverte sur un marché mondial des capitaux parfaitement intégré, le taux d’intérêt s’impose de l’extérieur et contraint l’intensité capitalistique et la productivité d’équilibre, ce qui est déterminant pour les comportements de prix. Une hausse des taux d’intérêt réduit l’intensité capitalistique d’équilibre et la productivité du travail, ce qui se traduit par une baisse du coût du travail d’équilibre et une hausse du chômage (ps est horizontale et se déplace vers le bas).
Les déterminants des salaires
23 Le coin salarial exprime l’écart de point de vue entre les salariés et les employeurs. Il est égal au rapport du coût du travail réel au pouvoir d’achat du salaire net de tous prélèvements. Il se compose des termes de l’échange intérieur qui sont le rapport des prix de consommation aux prix de production et du coin fiscalo-social, qui est lui-même composé du coin social (taux de cotisations sociales salariés et employeurs) et du coin fiscal (tva et taux d’imposition sur le revenu). Les taux de cotisations sociales (cse et css) sont tirés directement des barèmes sociaux appliqués au salaire moyen, compte tenu de l’évolution du plafond de la sécurité sociale. Les taux d’imposition, directs et indirects (ir et tva), sont issus des bases de données du modèle Métric de la direction de la Prévision. Le coin salarial peut dès lors être décomposé de façon plus ou moins fine de façon à considérer le degré de contributivité de ces différents prélèvements. En théorie, seuls les prélèvements, qui ne sont pas considérés par les salariés comme des contreparties de prestations ou des revenus différés, exercent une pression à la hausse sur le coût du travail et le chômage d’équilibre.
24 Le taux de remplacement rapporte en théorie la satisfaction actualisée d’un chômeur à celle d’un salarié. En pratique, les indicateurs généralement retenus sont de simples rapports des allocations chômage au salaire moyen. Plutôt que d’utiliser l’indicateur de l’ocde qui repose sur des cas types, on a eu recours à l’indicateur construit à l’Unedic [1997] qui est une moyenne des situations de l’ensemble des chômeurs à une date donnée. Un allongement de la durée du chômage réduit le taux de remplacement, ce qui est un résultat satisfaisant. Cet indicateur est trimestriel et est disponible depuis 1986. Pour les années antérieures, on a utilisé les barèmes de l’assurance chômage en les appliquant à la situation du chômeur moyen dont l’ancienneté est donnée par les séries longues de l’enquête Emploi (on a supposé en outre une durée d’affiliation de six à douze mois). Les deux séries sont spontanément très proches en 1986. L’allure générale du taux de remplacement ainsi calculé est la même que celle de l’indicateur annuel proposé par Laffargue et Thibault [1998], à une translation vers le haut près, sauf en fin de période où la série de l’Unedic diminue nettement après la réforme de 1992.
25 Pour mesurer le taux de destruction d’emploi, on a eu recours au taux de transition entre emploi et chômage tiré des enquêtes Emploi, et trimestrialisé par une simple interpolation linéaire. Il est important de noter que ce taux n’est pas lié directement au taux de chômage : des flux plus intenses de l’emploi vers le chômage n’impliquent pas une hausse du chômage, dès lors que les transitions en provenance de l’inactivité peuvent diminuer et que les taux de sorties du chômage peuvent s’élever. Inversement, une réduction des flux de l’emploi vers le chômage n’implique pas une réduction du chômage, dès lors qu’ils peuvent être compensés par un accroissement des transitions de l’inactivité vers le chômage ou une réduction des sorties du chômage, à destination de l’emploi ou de l’inactivité (cf. L’Horty [1997] pour une description de l’ensemble de ces flux depuis le début des années 1970 en France). Ce taux de transition de l’emploi vers le chômage est une mesure approchée de la probabilité de perdre son emploi qui peut varier en raison inverse du taux de chômage.
26 Le pouvoir de marché des salariés dans la négociation est l’un des paramètres sur lequel on dispose de l’information la plus réduite. Plutôt que d’utiliser une simple tendance ou un taux de syndicalisation dont la lecture est compliquée dans le cas français, on a repris une idée d’anciens travaux de la direction de la Prévision en utilisant l’intégrale des coups de pouce (cp) donnés au smic. Il s’agit d’une proxy assez indirecte dont la justification est moins d’exprimer une rigidité de la grille des salaires en cas de hausse du smic que de retracer de façon synthétique l’évolution du climat général en matière de formation des salaires.
27 La progressivité du coin salarial (prog) est ici calculée en appliquant l’indicateur de progressivité résiduelle proposé par Jakobsson [1976]. On a actualisé le calcul effectué par L’Horty, Méary, Sobczak ([1994], p. 102) en conservant l’hypothèse que 69 % des salariés sont rémunérés en deçà du plafond de la sécurité sociale. La progressivité des cotisations salariés et celle des cotisations employeurs sont calculées séparément et leur somme donne l’indicateur agrégé.
28 Un indicateur du chômage d’inadéquation (mm) a été introduit afin de prendre en compte l’hétérogénéité des situations sur le marché du travail. Il s’agit de la demi-variance des taux de chômage relatifs par qualification dont une lecture théorique a été donnée par Jackman, Layard et Savouri [1991] : lorsque les courbes de salaires sont convexes, une dispersion plus forte des taux de chômage induit une pression à la hausse sur les salaires qui conduit à un taux de chômage d’équilibre plus élevé. Le calcul utilise les séries annuelles de taux de chômage tirées de l’enquête Emploi et actualise le travail de Lescure et L’Horty [1994]. Les données ont été trimestrialisées par interpolation linéaire. L’indicateur de Sneessens [1994] a également été testé. Il rapporte la part des travailleurs qualifiés dans l’emploi à celle qu’ils occupent dans la population active. L’intuition est qu’il y a d’autant plus de mésappariement sur le marché du travail que les travailleurs qualifiés sont sur-représentés dans l’emploi.
Estimation du modèle ws-ps
29 Cette section présente les propriétés statistiques des séries, la méthodologie économétrique utilisée et les résultats de la modélisation var-ecm non contrainte que nous avons finalement retenus.
Les propriétés statistiques des séries
30 La base de données comporte au total seize séries trimestrielles, concerne les secteurs marchands non agricoles (smna) et s’étend de 1970-1 à 1996-4. Les taux de prélèvements peuvent être regroupés selon deux niveaux d’agrégation et les indicateurs de progressivité peuvent l’être une fois, ce qui ajoute au total cinq indicateurs.
31 La première étape de l’analyse consiste à s’intéresser aux propriétés univariées des séries et à en déterminer le degré d’intégration. Théoriquement, un processus est soit I(0), I(1) ou I(2). Néanmoins, en pratique, beaucoup de variables ou combinaisons de variables sont des cas limites (bordeline case), si bien que distinguer entre un processus I(0) fortement autocorrélé et un processus I(1) (les taux d’intérêt en sont un exemple typique), ou entre un processus I(1) fortement autocorrélé et un processus I(2) (les prix nominaux en sont un bon exemple) est souvent malaisé. Nous avons donc mis en œuvre plusieurs tests et procédures séquentielles de tests de racine unitaire, afin de savoir laquelle des trois hypothèses I(0), I(1), I(2) est vérifiée par les données. Les résultats de la procédure de Jobert [1992] des tests de Schmidt-Phillips [1992] et des tests de Kwiatkowsky, Phillips et Shin (KPS) [1992] sont reportés dans le tableau 1.
Tests de racine unitaire
Tests de racine unitaire
32 La plupart des séries semblent être intégrées d’ordre 1, certaines avec un trend linéaire. Néanmoins, en ce qui concerne (u, cp, pc-p et tr), les résultats donnés par les différents tests ne sont pas tous concordants et ne permettent pas de trancher entre un processus I(0) ou I(1) : ceux-ci divergent à la fois selon le nombre de retards introduits pour blanchir les résidus et selon le test de racine unitaire utilisé.
33 Afin d’affiner ces premiers résultats, nous avons re-tester l’ordre d’intégration des séries en utilisant les tests de Phillips et Perron [1989] [1] et Perron [1993] qui tiennent explicitement compte de la possibilité de ruptures de pente ainsi que des changements de niveau dans les séries. Il en ressort que les variables sont bien intégrées d’ordre 1 à l’exception de la série de taux de remplacement et de celle de taux d’intérêt réel qui sont intégrées d’ordre 0 et présentent une rupture (comme pourraient d’ailleurs le laisser présager l’examen graphique préalable de ces séries).
Stratégie d’estimation
34 Étant donné que les variables intervenant dans la formation des salaires et des prix sont non stationnaires, notre analyse sera menée dans un cadre qui tient compte à la fois du degré d’intégration des variables et de l’existence éventuelle de sentiers de long terme entre ces variables. Notre méthodologie économétrique est proche de celle développée par Johansen (1988, 1995) pour analyser les systèmes coïntégrés par le maximum de vraisemblance. Sous les hypothèses usuelles, le modèle Vectoriel à Correction d’Erreur (vecm) considéré est donné par :
(? t ) ? idd N (0 n, ?),
? i , i = 1, …, p ? 1 sont des matrices carrées de dimension (n, n), supposées être constantes au cours du temps,
? et ? sont des matrices de taille (n, r) de plein rang colonne r, telles que ? = ?,
D t est un vecteur de termes déterministes (constante, trend linéaire, …),
? est une matrice de variance-covariance régulière, définie positive.
Les vecteurs de coïntégration sont les colonnes ? j de la matrice ?. En particulier, les ? j ?X t (j = 1, …, r)s’interprètent comme des combinaisons linéaires stationnaires de variables non stationnaires et ? comme les poids de ces combinaisons dans chacune des équations du modèle.
Une fois le nombre de vecteurs de coïntégration déterminé, en utilisant les tests de la trace et de la valeur propre maximale (Johansen [1988]), il apparaît naturel de commencer par appréhender plus précisément la structure de l’espace d’ajustement, engendré par les ?. Effectuer un test sur ? revient à regarder si la relation (ou les relations) de coïntégration figure dans toutes les équations du modèle. C’est un test d’exogénéité faible des différentes variables du système pour les paramètres de long terme, dont l’objectif est de vérifier si la condition suffisante donnée par Johansen [1992] est satisfaite empiriquement. D’après Johansen, si l’ensemble des variables (X t ) du système est partitionné en (Y t , Z t ), pour qu’une variable (ou un groupe de variables) Z t soit faiblement exogène pour les paramètres de long terme du modèle var-ecm, il suffit que les vecteurs de coïntégration ne figurent pas dans l’équation (ou les équations) du modèle régissant ? Z t . Dans ce cas, la fonction de densité jointe du modèle peut être factorisée en deux blocs dont les paramètres varient indépendamment : un modèle marginal ? Z t comportant les équations régissant l’évolution des variables faiblement exogènes et un modèle conditionnel ? Y t composé des équations restantes [2]. Les vecteurs de coïntégration peuvent alors être estimés à partir du seul modèle conditionnel sans référence au modèle marginal.
Soulignons qu’une des principales raisons de la popularité des modèles conditionnels provient de la distinction opérée par la théorie économique entre variables « endogènes » et variables « exogènes », ces dernières ayant une évolution propre qui ne fait pas l’objet de la modélisation. Sous l’hypothèse d’exogénéité faible, le modèle conditionnel synthétise exactement la même information concernant les paramètres d’intérêt que le modèle complet, mais présente l’avantage d’être de dimension moindre. À la fois plus facilement gérable et moins coûteux en temps d’analyse, il offre également la possibilité au modélisateur d’introduire des variables exogènes supplémentaires sans affecter le nombre d’équations.
Les relations de coïntégration étant identifiées (cf. Johansen et Juselius [1994] pour de plus amples détails), il est possible de tester différentes hypothèses structurelles sur les matrices ? et ?, à l’aide de statistiques du rapport de vraisemblance qui suivent asymptotiquement une loi standard du chi-deux.
Les variables retenues
36 Avant d’adopter le modèle final présenté ci-dessous, nous avons effectué un grand nombre d’estimations préalables dont nous ne pouvons que résumer les principaux résultats. Tout d’abord, il n’a pas été possible d’estimer un modèle satisfaisant dès lors que l’intégrale des coups de pouce sur le smic et les indicateurs de progressivité étaient pris en compte. En outre, il n’a pas été possible d’obtenir une estimation satisfaisante dès lors que l’on introduisait l’indicateur de mésappariement de Sneessens [1994], et les estimations ont donc été menées avec celui de Jackman, Layard et Savouri [1991] qui ressortait significativement dans la presque totalité des estimations préalables que nous avons pu effectuer. On a dû limiter le niveau de désagrégation du coin salarial à la distinction entre les termes de l’échange intérieur et le coin fiscalo-social, sans pouvoir décomposer davantage au sein de celui-ci, ce qui ne nous a pas permis de vérifier les résultats de Cotis et Loufir [1991]. Par ailleurs, les modèles les plus satisfaisants ont été obtenus avec des spécifications du coût du travail et de la productivité en terme horaire (et non par tête). Enfin, des essais de modélisation avec le taux de chômage plutôt qu’avec son logarithme se sont avérés infructueux.
37 Le modèle retenu comporte les dix variables suivantes : le taux de chômage, le coût réel horaire du travail, la productivité horaire du travail, le taux de remplacement, le mismatch, le taux d’intérêt réel, le taux de destruction d’emploi, la durée du travail, les termes de l’échange, le coin fiscalo-social (qui combine quatre taux de prélèvement). Il s’agit d’étudier les interdépendances entre ces variables, prises en logarithme, sans faire d’hypothèse a priori sur la valeur des élasticités les reliant et de tester l’existence de relations de long terme.
Deux relations de coïntégration
38 Le choix du nombre de retards dans l’écriture du modèle var-ecm non contraint est basé sur les résultats fournis par deux critères d’information (le critère de Schwarz et le critère de Hannan), ainsi que sur des tests de Fisher globaux. Ces différentes méthodes indiquent une valeur optimale de deux trimestres. Il faut noter que le choix du nombre de retards à introduire dans le modèle var-ecm constitue une des étapes cruciales de l’analyse, puisqu’il peut affecter sensiblement les résultats des tests visant à déterminer la dimension de l’espace coïntégrant, c’est-à-dire le rang de la matrice ? : les simulations réalisées par Boswijk et Franses [1992] ainsi que par Gonzalo [1994] révèlent qu’un nombre de retards trop petit conduit à sous-estimer le nombre de relations de long terme, tandis qu’un nombre de retards trop grand conduit à le surestimer. Par ailleurs, ces simulations montrent que les distributions asymptotiques des tests de la trace et de la valeur propre maximale, proposés par Johansen [1988], constituent de mauvaises approximations des vraies distributions asymptotiques dans le cas d’échantillons de petites ou de moyennes tailles. Boswijk et Franses [1992] préconisent donc d’utiliser les versions corrigées de ces tests, ceux-ci étant beaucoup plus puissants dans le cas d’échantillons de petites ou moyennes tailles. Ces statistiques de tests corrigées sont obtenues en multipliant les statistiques usuelles de ces deux tests (T ? np) par au lieu de T, où n est le nombre de variables du système et p le nombre de retards.
39 Une fois fixé le nombre de retards à introduire dans le modèle var-ecm, l’étape suivante consiste à tester le nombre de relations de coïntégration existant entre les dix variables du système. Un point préalable mérite d’être souligné : les lois asymptotiques des tests du nombre de relations de coïntégration ne sont pas invariantes à la prise en compte des variables qui ne sont pas explicitement modélisées dans le système. En particulier, ces lois sont conditionnées par la présence éventuelle d’une constante ou d’un trend linéaire dans les relations de long terme. Par exemple, si le trend n’est pas contraint de figurer uniquement dans les relations de coïntégration, la présence d’un trend déterministe non nul en dehors des relations de long terme indique la présence d’un trend quadratique dans chacune des composantes du système pris en niveau, puisque le système est écrit en différences premières. De la même manière, si la constante est non contrainte dans le système, cette modélisation autorise la présence d’un trend linéaire dans le niveau des séries.
40 Pour savoir comment modéliser ces variables déterministes, il est possible d’invoquer la batterie de tests de stationnarité effectués précédemment et plus précisément la stratégie séquentielle de Jobert [1992]. Celle-ci a permis de rejeter la présence d’un trend quadratique dans chacune des séries prises en logarithme, mais n’a pas pour autant écarté la possibilité que certaines de ces séries possèdent une tendance linéaire. C’est pourquoi les tests du rang de l’espace de coïntégration ont toujours été menés dans un système où la constante n’est pas contrainte, mais où le trend linéaire est contraint de figurer exclusivement dans les relations de long terme. Les statistiques corrigées des deux tests du rapport de vraisemblance proposés par Johansen (tests de la trace et de la valeur propre maximale), ainsi que les valeurs critiques extraites de Osterwald-Lenum [1992], sont reportées dans le tableau 2.
Estimation du nombre de relations de coïntégration
Estimation du nombre de relations de coïntégration
41 Ces statistiques de tests indiquent l’existence de deux relations de coïntégration entre les dix variables considérées [3]. Les estimations des vecteurs de coïntégration et des coefficients d’ajustement seront fournies ultérieurement.
42 Une fois déterminé le rang de coïntégration, des tests systématiques du rapport de vraisemblance sur la forme des composantes déterministes ont été effectués. Ces tests viennent confirmer les résultats de l’analyse univariée, puisqu’ils conduisent à accepter l’écriture du système sous la forme d’un modèle vectoriel à correction d’erreur (var-ecm) avec une constante non contrainte dans le court terme et un trend linéaire présent dans les relations de long terme. Dès lors, la spécification du modèle est entièrement déterminée (deux retards, deux relations de coïntégration et un trend linéaire présent uniquement dans les relations de long terme).
Les variables faiblement exogènes et celles exclues de l’espace coïntégrant
43 L’étape suivante consiste à s’interroger si certaines variables du système peuvent être considérées comme faiblement exogènes pour les paramètres des deux relations de coïntégration trouvées précédemment. Si tel est le cas, ces paramètres peuvent être estimés sans perte d’information à partir du modèle conditionnel, plus facilement gérable, puisque extrait du modèle var-ecm complet. Cette hypothèse d’exogénéité faible s’exprime par la nullité d’un certain nombre de coefficients de la matrice ?. Le tableau 3 présente les résultats de ces tests d’exogénéité faible.
44 Les résultats peuvent être synthétisés comme suit : au seuil de 5 %, on rejette la faible exogénéité du coût réel du travail, du taux de chômage, de la durée du travail, du mismatch, des termes de l’échange, de la productivité horaire, du taux de destruction d’emploi. Par ailleurs, comme l’hypothèse jointe de faible exogénéité des trois variables tr, r, coinfs, est largement acceptée par les données au seuil de 5 % (?2(6) = 5.24 (0.51)), nous avons choisi d’estimer les deux relations de coïntégration à partir d’un modèle var-ecm partiel, composé de sept équations (w-p, u, h, mm, pc-p, prodh, ec), conditionnellement aux trois décrivant l’évolution des variables faiblement exogènes (tr, r, coinfs). Il n’est donc pas nécessaire de modéliser explicitement ces variables, même si elles pourront exercer une influence sur le chômage d’équilibre [4].
Tests d’exogénéité faible des différentes variables pour les paramètres de long terme (a et b)
Tests d’exogénéité faible des différentes variables pour les paramètres de long terme (a et b)
45 Par la suite, une première série de tests a été effectuée afin de déterminer si certaines variables du système peuvent être considérées comme ne faisant pas partie des deux relations de long terme. Le tableau 4 montre que, pour un niveau de significativité de 5 %, le taux de remplacement, le taux d’intérêt réel et la durée du travail n’appartiennent pas à l’espace coïntégrant. De plus, l’hypothèse jointe d’exclusion de ces trois variables de l’espace coïntégrant est également largement acceptée par les données au seuil de 5 % (?2(6) = 2.30 (0.89)). Le taux de remplacement et le taux d’intérêt réel sont donc à la fois faiblement exogènes et exclus de l’espace coïntégrant, ce qui signifie en d’autres termes que ces deux variables n’ont une influence que sur la dynamique de court terme de la formation des salaires et des prix.
Tests d’appartenance des différentes variables à l’espace coïntégrant (a)
Tests d’appartenance des différentes variables à l’espace coïntégrant (a)
46 Il est ensuite intéressant de se demander s’il n’existe pas de variable figurant dans l’espace coïntégrant qui constitue une relation de coïntégration à elle seule. Pour ce faire, le tableau 5 présente les résultats des tests de stationnarité des différentes variables du système autour d’un trend. Par exemple, pour tester si le taux de chômage (u) est stationnaire autour d’un trend linéaire, il suffit de tester si le vecteur b? = (0 1 0 0 0 0 0 a) fait partie de l’espace coïntégrant. Les résultats de ces tests sont catégoriques, puisqu’ils rejettent à chaque fois l’hypothèse de stationnarité autour d’un trend déterministe des sept variables appartenant à l’espace coïntégrant. Ainsi les résultats des tests de stationnarité effectués dans le cadre multivarié, où sont modélisées explicitement les interdépendances entre les variables, sont cohérents avec les résultats des tests de stationnarité effectués précédemment dans le cadre univarié. Ces tests indiquent que les variables sont caractérisées par une non-stationnarité stochastique (ie intégrées d’ordre 1) plutôt que par une non-stationnarité déterministe (ie stationnaire autour d’un trend).
Tests de stationnarité des différentes variables autour d’un trend
Tests de stationnarité des différentes variables autour d’un trend
47 Le tableau 6 fournit les estimations des deux relations de long terme, ainsi que les coefficients à correction d’erreur obtenus à partir du modèle conditionnel.
Estimations par le maximum de vraisemblance des vecteurs de coïntégration normalisés et des coefficients à correction d’erreur
Estimations par le maximum de vraisemblance des vecteurs de coïntégration normalisés et des coefficients à correction d’erreur
Identification de ps et ws
48 Spontanément, chacun des deux vecteurs de coïntégration fait apparaître un coefficient du taux de chômage avec un signe opposé, ce qui indique à la fois un comportement de price-setting et de wage-setting. Néanmoins à ce stade, il convient de noter que ces deux vecteurs de coïntégration n’ont aucune signification économique et ne constituent rien de plus qu’une base vectorielle de l’espace coïntégrant. Formellement, ils sont obtenus comme les vecteurs propres de la matrice de long terme ? et toute combinaison linéaire de ces deux vecteurs constitue une nouvelle relation de coïntégration entre ces sept variables. Ces vecteurs n’ont alors qu’une valeur purement statistique. L’économétrie seule ne permet pas de déterminer ex nihilo la forme structurelle des courbes (ws) et (ps). Elle ne dispense donc pas d’une réflexion théorique sur la forme des équations structurelles, mais au contraire exige que les conditions d’identification soient clarifiés a priori, grâce au modèle théorique, avant de commencer l’estimation. L’identification des deux courbes est menée ici à l’aide des deux restrictions théoriques suivantes : la détermination des salaires (courbe ws) est supposée se faire indépendamment du niveau de productivité (contrainte d’identification de Manning [1993]) et le chômage est supposé ne pas influencer la détermination des prix (courbe ps). Les formes structurelles sont alors obtenues en calculant les deux combinaisons linéaires des vecteurs de coïntégration estimés qui satisfont les contraintes d’identification. Il faut bien noter qu 19;il ne s’agit pas d’un test, mais d’un simple changement de base dans l’espace de coïntégration, afin de discerner statistiquement les deux équations structurelles. Après normalisation, les deux relations de long terme juste identifiées s’écrivent :
Tests de restrictions sur-identifiantes
Tests de restrictions sur-identifiantes
50 Des hypothèses structurelles supplémentaires ont également été testées, comme l’exclusion des variables mm et ec de (ps) mais celles-ci ont toutes été rejetées. La présence de ces variables dans l’équation de prix n’est pas fondée théoriquement ce qui est un motif d’insatisfaction. Finalement, les deux relations de long terme sur-identifiées s’écrivent :
Le graphique 1 représente le taux de chômage effectif et le taux de chômage d’équilibre. Ce dernier est défini par construction à une constante près dans nos estimations, ce qui implique de se donner une valeur de référence; nous avons retenu le taux moyen de 1973, en supposant donc l’égalité entre le chômage effectif et le chômage d’équilibre cette année là. Le chômage d’équilibre n’a pas ici été lissé, ni ses déterminants.
Taux de chômage effectif et taux de chômage d’équilibre
Taux de chômage effectif et taux de chômage d’équilibre
Diagnostic sur les résidus
52 La dernière étape de notre travail consiste à déterminer si le modèle var-ecm estimé est une représentation raisonnablement acceptable des données. À cet effet, nous avons mis en œuvre deux types de tests : des tests de spécification et de stabilité des paramètres.
53 En premier lieu, plusieurs statistiques de tests ont été calculées afin d’apprécier la qualité de l’estimation (tests du Ljung-Box (lb) d’autocorrélation des résidus à l’ordre 16, tests d’hétéroscédasticité de White [1980] tests pour détecter la présence de résidus arch (Autoregressive Conditional Heteroscedasticity), tests de normalité des résidus de Jarque-Bera). Ces tests constituent un moyen de détecter la défaillance éventuelle de certaines hypothèses effectuées lors de l’estimation du système. Ils révèlent que le modèle var-ecm conditionnel est spécifié de manière satisfaisante, puisque les principales hypothèses faites sur les résidus sont vérifiées pour les sept équations qui le composent [5] (cf. tableau 8).
Tests de spécifications des résidus
Tests de spécifications des résidus
54 En second lieu, les modèles var-ecm conditionnel et marginal ont été ré-estimés par les moindres carrés récursifs à l’aide de pc-fiml, jusqu’en 1996-4. Nous avons effectué trois types de tests de Chow (Onestep ahead, Backward et Forward, non reportés ici). L’examen de ces tests n’indique pas de rupture particulière. Les paramètres des modèles var-ecm conditionnel et marginal semblent donc être stables au cours du temps, ce qui est confirmé par les graphiques de stabilité globale.
55 Ainsi, à l’issue de ces tests de spécification et de stabilité des paramètres, il apparaît que le modèle var-ecm conditionnel est une représentation compatible avec les données.
Conclusion
56 On peut envisager un grand nombre d’explications possibles à la montée et à la persistance du chômage en France. L’objet de cette étude était de confronter une partie de ces déterminants à l’épreuve des données dans le cadre d’une estimation d’un modèle ws-ps sur données macroéconomiques françaises.
57 On a retenu, en premier lieu, une sélection d’une quinzaine de facteurs dont l’influence reposait à la fois sur des fondements microéconomiques explicites et avait fait l’objet d’une formalisation dans un cadre d’équilibre général. À ce premier filtre, d’ordre théorique, s’en est ajouté un autre d’ordre statistique tenant à la possibilité de construire des indicateurs pour ces déterminants, puis un troisième, d’ordre économétrique tenant à l’estimation du modèle. Seules cinq variables sont parvenues finalement au terme de ce processus. La montée du chômage d’équilibre en France traduirait le ralentissement des gains de productivité, la montée des prélèvements sociaux et fiscaux, la dégradation de la sécurité de l’emploi, et de façon plus marginale, celle des termes de l’échange et des mésappariements entre qualifications offertes et demandées sur le marché du travail.
58 Considérant un ensemble de variables plus riches et une méthodologie différente de celles des études précédentes, en exploitant en particulier les propriétés d’exogénéité faible des variables du modèle, cette étude confirme néanmoins sur certains points les principaux acquis des travaux antérieurs (Bonnet et Mahfouz [1996] ; L’Horty et Sobczak [1997] ; Cotis, Méary et Sobczak [1997]). Elle attribue un rôle central à la montée des prélèvements sociaux et fiscaux comme dans deux études précédentes (LS [1997] et CMS [1997]) et est compatible avec un rôle prépondérant attribué à l’influence des taux d’intérêt réel comme dans ces trois études, dès lors que cette influence est bien médiatisée par le recul des gains de productivité. Nos investigations montrent également l’influence de l’inadéquation des qualifications offertes et demandées et du système de protection sociale (via le taux de remplacement) sur le chômage d’équilibre, résultats qui n’avaient pas été mis en évidence par les travaux antérieurs sur séries temporelles (ces deux déterminants n’étant pas considérés). En revanche, notre étude conduit à mettre en doute l’influence de nombreux autres déterminants : la moindre progressivité des prélèvements sociaux n’aurait pas eu d’influence sur la montée du chômage d’équilibre, et il en irait de même de la hausse du taux de remplacement (contrairement à l’étude de LS [1997]), de la réduction de la durée du travail et de la hausse du smic.
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Notes
-
[*]
epee, Université d’Evry-Val-d’Essonne, boulevard François Mitterrand, 91025 Evry cedex. E-mail : lhorty@ eco. univ-evry. fr.
-
[**]
epee, Université d’Evry Val-d’Essonne et eurequa, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, Maison des Sciences de l’Économie, 106-112 boulevard de l’Hôpital, 75647 Paris, Cedex 13. E-mail : chrault@ hotmail. com
-
[1]
Les résultats de ces tests ne sont pas reproduits ici mais disponibles sur simple demande.
-
[2]
Rappelons qu’une variable aléatoire Z t sera dite faiblement exogène pour un ensemble de paramètres d’intérêt si elle peut être prise comme fixe et donnée dans le modèle conditionnel sans entraîner de perte d’information lors de l’inférence sur ces paramètres d’intérêt à partir de seul modèle conditionnel (cf. Engle, Hendry et Richard [1983]). L’idée intuitive est donc de savoir si les mécanismes engendrant les variables « exogènes » et ceux engendrant les variables « endogènes » sont séparables pour l’estimation des paramètres d’intérêt du modélisateur (cf. Rault [2000], ainsi que Pradel et Rault [2001]) pour une discussion approfondie sur la faible exogénéité).
-
[3]
La valeur de la statistique calculée du test du ? adj max étant très proche de la valeur critique à 5 %, il est raisonnable de penser comme le suggère la théorie économique qu’il existe deux relations de long terme entre les variables considérées : c’est d’ailleurs ce qu’indique le test du ? adj trace .
-
[4]
Dans le modèle de théorique de négociation salariale présenté précédemment la formation des salaires et des prix est résumée par deux relations structurelles ws et ps, dont la combinaison détermine le niveau et les composantes du chômage d’équilibre. La partition économique des variables qui en découle est donc que les prix et les salaires constituent les « endogènes » et les déterminants du chômage structurel les « exogènes ».
Cette partition théorique ne coïncide pas ici avec la partition empirique basée sur les propriétés statistiques des indicateurs macroéconomiques considérés. Cela signifie par conséquent que les paramètres de nos deux relations de coïntégration ne peuvent pas être estimés de manière efficace, uniquement à partir des deux équations décrivant l’évolution des prix et des salaires (comme pourrait le laisser penser la théorie économique), mais qu’il est nécessaire de tenir compte aussi des équations des cinq autres variables non faiblement exogènes. -
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Les résidus des équations du modèle var-ecm conditionnel possèdent dans l’ensemble les bonnes propriétés : ils ne sont ni autocorrélés, ni hétéroscédastiques, ni de type arch, même s’ils connaissent parfois quelques problèmes de normalité. Cette absence de normalité des résidus de certaines équations n’est en réalité pas très sérieuse, puisque comme le souligne Johansen [1995b], les propriétés asymptotiques de la méthode du maximum de vraisemblance requièrent seulement que les perturbations soient i.i.d.