Notes
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[1]
Il me paraît important de rappeler que nous utilisons aujourd’hui de l’énergie pour 7 raisons principales (sachant que ces utilisations se sont accrues, au fil du temps et du « progrès »). À des fins mnémotechniques, nous pouvons les classer par ordre d’apparition chronologique (différent de leur ordre d’importance dans notre budget énergie) de la façon suivante : la première utilisation de l’énergie dans une maison correspond à la cuisson (qui remonte au temps où les hommes ont découvert que la nourriture était meilleure cuite que crue !) ; les deuxième et troisième utilisations datent des Romains, qui inventèrent l’eau chaude sanitaire et le chauffage central ; la quatrième utilisation est l’éclairage (que nous daterons de l’invention de l’ampoule à incandescence, en 1879). Depuis, le rythme s’est accéléré. À partir des années 1960, les appareils électroménagers (au sens large de l’expression) peuvent être identifiés comme étant la cinquième utilisation de l’énergie et, enfin, la sixième utilisation concerne plus directement la révolution des années 1980, avec l’ensemble des NTIC (dans lesquelles, aux fins de la démonstration, nous engloberons les téléphones et les ordinateurs portables). L’on constatera, au passage, un phénomène d’électrification croissante de l’économie du fait d’appareils de plus en plus « électro-dépendants ». La septième utilisation concerne plus spécifiquement la mobilité.
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[2]
Comprendre le nouveau monde de l’Énergie 2.0, Myriam Maestroni, Éditions Maxima, 2015.
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[3]
Isolation des combles, des murs et des sols, changement de chaudière…
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[4]
Clin d’œil au fameux slogan « En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées ».
1Face à l’urgence climatique qui se manifeste de plus en plus violemment partout dans le monde, il n’est plus concevable de continuer à surconsommer de l’énergie... Or, c’est pourtant le cas de plus de 15 millions de logements, soit pour plus d’un logement sur deux dans notre pays. À l’échelle de l’Union européenne, ce chiffre s’élèverait à près de 100 millions.
2Cette prise de conscience est pourtant relativement récente. Ce n’est qu’à partir de 2006, il y a donc un peu plus de dix ans, que les Français ont pu découvrir, avec l’apparition des DPE – diagnostics de performance énergétique – que tous les logements n’étaient pas égaux sur le plan de leur performance énergétique. On a alors, en effet, commencé à voir apparaître sur les vitrines des agences immobilières des petites « étiquettes énergie » qui nous apprenaient que si l’on louait ou achetait un logement classé G (la pire des catégories), on allait consommer plus de 450 kilowattheures par mètre carré de superficie et par an (kWh/m2/an), tandis qu’un logement neuf construit dans le respect des réglementations thermiques applicables actuellement (RT 2012) et classé A ne consommerait que moins de 50 kWh/m2/an. Ce rapport peut donc aller de 1 à 9 et cela pèse, bien évidemment, sur la facture d’énergie en tant que telle, mais aussi sur les niveaux d’émission de CO2 directement issus de la combustion des énergies fossiles encore largement utilisées, notamment pour le chauffage et la production de l’eau chaude sanitaire.
3Cette réalité était en fort décalage avec la prise de conscience brutale de la question du changement climatique expliquée de façon très pédagogique par Al Gore dans le film documentaire-choc de Davis Guggenheim, film qui est d’ailleurs devenu un succès planétaire, Une vérité qui dérange. C’est sur ce profond paradoxe qu’allait commencer à se construire une politique d’efficacité énergétique fort solide et qui impliquait les énergéticiens eux-mêmes. Dès 2006, ces derniers se sont en effet retrouvés obligés de leur côté d’assortir toutes leurs publicités d’un slogan désormais bien connu : « L’énergie est notre avenir, économisons-la ! »… Et ils ont bien été également obligés d’aider leurs clients à consommer moins, sous peine d’avoir à payer de fortes pénalités s’ils ne le faisaient pas.
4Les bases d’une politique énergétique adaptée à l’enjeu du dérèglement climatique issu de l’accumulation de CO2 dans l’atmosphère (responsable de l’effet de serre) étaient dès lors posées.
5Jusque-là largement réservée à la construction des logements et, plus généralement, des bâtiments neufs, la question de l’efficacité énergétique allait pouvoir se généraliser.
6Un dispositif innovant conçu pour relever le défi que représente le fait de mesurer quelque chose que nous ne consommerions plus (principale caractéristique d’une économie d’énergie) était alors mis en place au travers des certificats d’économie d’énergie (CEE), également appelés « certificats blancs ».
7Les énergéticiens se voyaient dès lors dans l’obligation de calculer, sur la base de leurs ventes des années antérieures, une économie d’énergie à faire réaliser à leurs clients (les consommateurs finals). Cette mission était initialement perçue comme étant très contre-intuitive (on peut aisément l’imaginer) pour des sociétés dont le business model historique était d’ailleurs, à l’instar des pratiques économiques caractéristiques de l’« ancien monde », de vendre plus pour gagner plus, en capitalisant autant que possible sur des effets d’échelle qui permettaient de mieux exploiter des infrastructures ayant nécessité des investissements élevés pour leur construction et/ou leur mise en conformité avec des réglementations imposant des niveaux de sécurité allant croissants.
8Cette approche s’inscrivait d’ailleurs dans la logique européenne émergente de l’époque, que l’on désigne sous l’appellation « les 3X20 », c’est-à-dire : réduction de 20 % des émissions de CO2, réduction de 20 % des consommations d’énergie et accroissement à un niveau de 20 % de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique.
9Le principe de la réduction des consommations d’énergie est, des trois précités, celui qui a eu le plus de mal à s’imposer : cela est dû au fait que les mécanismes de sa mise en œuvre sont relativement innovants et sophistiqués.
10En pratique, il faut comprendre que l’efficacité énergétique suppose la mobilisation de quatre leviers fondamentaux. C’est ceux que je désigne sous l’appellation « Énergies 1.0, 2.0, 3.0 et 4.0 ».
11De quoi s’agit-il ?
12Le premier principe – l’Énergie 1.0 – concerne les comportements impliqués dans la sobriété énergétique. Il s’agit pour nous d’être plus attentifs et donc, bien sûr, mieux informés sur nos modes d’utilisation (plus ou moins conscients, et donc plus ou moins volontaires) de l’énergie [1], afin de pouvoir les modifier. On identifie plus de 200 gestes ou habitudes (également appelés « éco-comportements ») qui permettent de réduire nos consommations d’énergie : fermer les volets et/ou les rideaux, dégivrer régulièrement son réfrigérateur, réduire la température de chauffage (en fonction des pièces et selon les horaires), éviter de laisser les équipements électriques en position « veille », éteindre les lumières – pour ne citer que ces quelques exemples simples du quotidien.
13Mais aussi vigilants que nous puissions l’être, une bonne gestion de nos comportements ne pourra pas compenser les déperditions énergétiques d’une maison mal isolée ou d’une maison équipée d’une vieille chaudière aux piètres performances énergétiques. Il s’agira dès lors d’activer le deuxième levier – celui de l’« Énergie 2.0 [2] » –, c’est-à-dire celui de la rénovation énergétique. Les politiques publiques sont notamment fléchées vers ce levier fondamental et extrêmement pertinent compte tenu de l’état du parc de logements existant (comme nous l’avons souligné dans notre propos d’introduction). Ainsi le dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE) trouve-t-il toute sa pertinence, puisqu’il permet non seulement d’identifier des travaux de rénovation énergétique précis (plus de 20 sont généralement recensés pour un logement [3]), mais également d’estimer une économie moyenne d’énergie réalisable sur la durée de vie utile de ces travaux (en tenant compte de la perte d’efficacité liée à l’usure, au fil du temps) et de l’exprimer en une unité spécialement créée à cette fin, à savoir le kWh Cumac (kWh cumulé actualisé), une unité de mesure hybride entre l’énergétique et la finance. Le but étant, bien entendu, de créer une incitation financière facilitant la prise de décision en matière de réalisation des travaux de la part des clients-consommateurs. Il est fondamental de noter que cette incitation est une condition nécessaire, mais non suffisante… En effet, rien ne se passe sans que différents éléments aient été mis en équation, car, soyons clairs…, personne ne se lève (pour le moment) le matin en se disant : « Tiens…, et si je me lançais dans des travaux de rénovation énergétique ! ». Il s’agit aussi, avant tout, de veiller à une promotion musclée permettant de bien faire connaître à tous l’existence d’un tel dispositif. Il faut également faciliter, le plus possible, l’obtention de ces aides, bien sûr par ailleurs logiquement assujetties à la bonne réalisation des travaux répertoriés et réalisés par des professionnels qualifiés et donc garants du bon fonctionnement des installations – notamment par les installateurs et professionnels RGE (Reconnus garants de l’environnement). Ce label officiel est indispensable pour l’obtention de ces allocations souvent désignées sous le vocable d’« éco-primes » par le grand public. Ces travaux permettent également d’obtenir le Crédit d’impôt transition énergétique (CITE), auquel on reproche une mise à disposition très décalée dans le temps, par rapport au décaissement que suppose le paiement des travaux. Le CITE est donc jugé moins incitatif que le versement d’une somme d’argent disponible concomitamment au règlement des factures correspondantes. C’est un problème auquel vient d’ailleurs de s’attaquer M. Nicolas Hulot, le ministre de la Transition énergétique et solidaire.
14Le troisième levier – « Énergie 3.0 » – concerne la mise en place de « smart technologies ». En substance, il s’agit d’aider les clients à mieux prendre en main leur destin énergétique en mettant à leur disposition des outils de mesure précis leur permettant de mieux comprendre l’utilisation de leur énergie et de pouvoir ainsi mieux la maîtriser. On a ainsi vu apparaître toute une gamme d’équipements « smart » allant de la « boîte intelligente » au thermostat intelligent en passant par le compteur intelligent. Ces dispositifs indiquent aux clients en passe de devenir des « éco-consomm’acteurs » leurs consommations en temps réel (même si, pour le moment, l’énergie électrique bénéficie plus facilement de cette « intelligence énergétique particulière »). Ce levier devient un accélérateur d’optimisation de la performance énergétique, et cela peut se traduire par des comparaisons de consommations avec des groupes de consommateurs aux caractéristiques similaires, par une plus grande automatisation (désormais possible grâce aux « smart boxes ») ou encore par une attention redoublée portée à la performance de ses installations après investissements et/ou à ses comportements à ajuster en permanence en fonction des saisons ou de l’évolution de la famille (pour ne citer que ces deux exemples).
Pose de rouleaux de laine de chanvre pour l’isolation d’un atelier
Pose de rouleaux de laine de chanvre pour l’isolation d’un atelier
« Il faut également faciliter, le plus possible, l’obtention des aides à la rénovation énergétique, qui, bien sûr, doivent être par ailleurs logiquement assujetties à la bonne exécution des travaux répertoriés et réalisés par des professionnels qualifiés. »15Le quatrième levier – « Énergie 4.0 » – concerne l’auto-production et l’autoconsommation (qui peut également se concevoir en termes de stockage et/ou de revente d’électricité à un réseau électrique intelligent, un « smart grid »), permettant au consomm’acteur de devenir également producteur. Cette possibilité correspondant à des dispositions légales prises au cours de l’année écoulée suscite un certain engouement au niveau des particuliers et des collectivités locales.
16La bonne nouvelle, c’est que la mobilisation autour de l’efficacité énergétique est intense et qu’elle se décline dans les différents secteurs de l’économie. Le logement est parmi ceux qui sont le plus impacté, avec un facteur 7 (réduction des consommations à atteindre), mais les secteurs de l’agriculture, de l’industrie, des bâtiments – publics et tertiaires – et, bien sûr, des transports sont tous concernés. La « chasse au gaspi » qui a marqué l’inconscient collectif dans les années 1970 n’a jamais été aussi réelle avec des stratégies d’action permettant un plus grand niveau de pertinence et d’effectivité, car, aujourd’hui, on n’a plus seulement des idées [4], on a aussi des outils et des ressources, dont celles fournies par le numérique qui permettent d’accélérer et de massifier certaines approches. Bien entendu, cela facilite le passage à une nouvelle économie porteuse d’emplois et de croissance durable, qui vient doper un nouveau souffle d’esprit entrepreneurial (dont notre pays avait bien besoin).
17La mauvaise nouvelle, c’est que l’objectif le plus ambitieux de la COP21 – qui a permis à notre pays de prendre un véritable leadership en matière de lutte contre le changement climatique – à savoir contenir la hausse de la température de notre belle planète Terre à un maximum de + 1,5 °C d’ici à 2100, sera difficile à atteindre. En effet, nous pourrions déjà avoir atteint cette hausse de température moyenne dès… 2022 !, selon les dernières prévisions du Service de météorologie britannique (Met Office).
18Cette bien triste et alarmante illustration de l’état d’urgence dans lequel nous nous trouvons, nous oblige à redoubler d’efforts pour passer à un monde post-carbone.
19Cela passe, sans aucun doute, par la réduction de nos consommations sur lesquelles nous avons tous le pouvoir d’agir. À l’efficacité énergétique devront s’additionner les énergies renouvelables, les nouvelles ressources en matière de stockage d’énergie et de nouveaux vecteurs énergétiques (tels que l’hydrogène) et, probablement, les technologies naissantes en matière de décarbonation.
20Le cadeau qu’est l’existence de la vie humaine sur notre planète mérite incontestablement une mobilisation allant bien au-delà de ce que nous croyons possible de faire.
Notes
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Il me paraît important de rappeler que nous utilisons aujourd’hui de l’énergie pour 7 raisons principales (sachant que ces utilisations se sont accrues, au fil du temps et du « progrès »). À des fins mnémotechniques, nous pouvons les classer par ordre d’apparition chronologique (différent de leur ordre d’importance dans notre budget énergie) de la façon suivante : la première utilisation de l’énergie dans une maison correspond à la cuisson (qui remonte au temps où les hommes ont découvert que la nourriture était meilleure cuite que crue !) ; les deuxième et troisième utilisations datent des Romains, qui inventèrent l’eau chaude sanitaire et le chauffage central ; la quatrième utilisation est l’éclairage (que nous daterons de l’invention de l’ampoule à incandescence, en 1879). Depuis, le rythme s’est accéléré. À partir des années 1960, les appareils électroménagers (au sens large de l’expression) peuvent être identifiés comme étant la cinquième utilisation de l’énergie et, enfin, la sixième utilisation concerne plus directement la révolution des années 1980, avec l’ensemble des NTIC (dans lesquelles, aux fins de la démonstration, nous engloberons les téléphones et les ordinateurs portables). L’on constatera, au passage, un phénomène d’électrification croissante de l’économie du fait d’appareils de plus en plus « électro-dépendants ». La septième utilisation concerne plus spécifiquement la mobilité.
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Comprendre le nouveau monde de l’Énergie 2.0, Myriam Maestroni, Éditions Maxima, 2015.
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Isolation des combles, des murs et des sols, changement de chaudière…
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Clin d’œil au fameux slogan « En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées ».