Notes
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[1]
L’auteur remercie Rachel Baudry, Fabienne Benech, Erwann Fangeat et Éric Lecointre, du service Produits et efficacité matières de l’ADEME, pour leurs apports.
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[2]
Les marques MINE URBAINE et MINES URBAINES sont respectivement la propriété de la société RECUPYL et de la Fondation ParisTech.
La notion de mine urbaine [2]
1De tout temps, des acteurs économiques (qu’il s’agisse de sociétés ayant pignon sur rue ou d’acteurs issus d’une économie plus souterraine) ont collecté des matériaux et des objets non utilisés ou hors d’usage pour les intégrer dans un circuit de recyclage.
2Bien avant la constitution de cités, et donc de zones urbaines, l’espèce humaine recyclait ses productions. En octobre 2013, un colloque s’est tenu à Tel Aviv sur le thème The Origins of Recycling : A Paleolithic Perspective, qui a fait remonter l’origine du recyclage à plus d’un million d’années. Le recyclage a d’abord relevé de la subsistance individuelle, avant de devenir un secteur économique à part entière dont l’importance a été renforcée par des périodes de difficultés (guerres, crises économiques).
3Ce secteur s’est développé jusqu’à une époque très récente avec pour seul moteur, l’intérêt économique que représente pour les utilisateurs le fait de disposer de matières premières à un coût moindre par rapport aux matières vierges correspondantes.
4Ce n’est qu’à partir des années 1990 que les travaux sur les analyses de cycles de vie des produits industriels montrent l’intérêt environnemental d’un recyclage quasi systématique. Cet intérêt a deux facettes : d’une part, une modération de la production de matières vierges et, d’autre part, l’abandon (ou un moindre recours à) d’autres modes de traitement des déchets (à plus fort impact environnemental). Ainsi, les réglementations « déchets » intègrent dorénavant la priorité donnée au recyclage par rapport aux autres modes de traitement et elles fixent différents objectifs généraux en matière de recyclage.
5Au début du XXIe siècle est apparue la notion « d’économie circulaire », comme il a été constaté en France lors des 8èmes Entretiens écologiques du Sénat organisés en juin 2005 par le magazine Valeurs vertes. Cette expression est alors synonyme de recyclage renforcé et efficient. Plus récemment, l’économie circulaire devient le symbole pour notre société d’un nouveau modèle économique global de production et de consommation, en opposition au modèle linéaire historique.
6Le recyclage constitue un élément important de bouclage du cycle caractérisant cette économie circulaire, mais il ne répond pas à lui seul à la difficulté grandissante de l’accès aux ressources minérales résultant d’une demande en continuelle croissance, comme l’ont montré différents auteurs (GROSSE, 2014, [1] ; LABBÉ, 2013, [2]).
7L’expression « mine urbaine » fait son apparition dans les échanges professionnels à la fin des années 2000, en lien avec les discussions sur le bien-fondé de la terminologie « matières premières secondaires ». En effet, la place économique, mais aussi environnementale, de plus en plus importante (et parfois dominante) qu’a pris le recyclage dans l’approvisionnement en matières premières s’oppose à la qualification de « secondaire ».
8En des temps où l’adage « nos déchets sont des ressources » constitue un leitmotiv, la « mine urbaine » devient le lieu de prospection de « nouveaux » gisements de matières premières, qui ne sont d’ailleurs pas qu’urbains.
9Le recyclage, qui a pu être parfois marginalisé, bénéficie alors du même statut et de la même place que la mine traditionnelle.
La mine géologique et la mine urbaine : des différences sensibles
10Si l’expression « mines urbaines » fait le parallèle avec celle de « mines naturelles » utilisant aussi la terminologie de « gisement », une telle mise en parallèle peut masquer des différences importantes entre elles qu’il convient de prendre en compte.
11La mine urbaine a pour première caractéristique d’être disséminée sur l’ensemble du territoire. De ce fait, la notion de prospection n’a pas vraiment de raison d’être et l’exploitation de ladite « mine » consiste à rassembler et à concentrer des matières ou des objets dont le détenteur n’a plus l’usage au moyen d’une collecte réalisée sur un large territoire pour un coût économique acceptable : c’est la récupération (la collecte des déchets). À ce titre, la France, pays présentant un niveau élevé de consommation de biens, constitue un gisement important de déchets favorable au développement de ces « mines urbaines ».
12La deuxième caractéristique des mines urbaines porte sur leur composition physico-chimique en matières ou en substances, celle-ci pouvant être assez simple pour les déchets de production, mais être beaucoup plus complexe pour les déchets post-consommation (en particulier pour ceux contenant des métaux stratégiques).
13C’est notamment le cas lorsque ces biens comportent des composants électroniques. D’une part, les composants (ou phases) contenant ces métaux n’ont rien à voir avec les sulfures, oxydes, silicates ou carbonates de minerais naturels de ces métaux ou avec leur gangue et, d’autre part, un même produit contient plusieurs dizaines d’éléments chimiques : de 40 à 60 pour un ordinateur ou un smartphone, dont des phases organiques. Cela modifie et complexifie la « minéralurgie » des métaux stratégiques que l’on veut récupérer par rapport au traitement classique de leurs minerais naturels.
14La troisième caractéristique des mines urbaines est la nature évolutive en quantité ou en qualité de leurs gisements dans le temps. Nous sommes loin de la stabilité et de la taille des gisements naturels, qui permettent de conduire une recherche et une mise en exploitation pouvant parfois s’étendre sur une trentaine d’années, avant une exploitation durant au moins vingt ans. Les investissements nécessaires sont colossaux, comme le montre la mine de cuivre et d’or d’Oyu Tolgoi, en Mongolie, où, hors traitement métallurgique et avant la mise en exploitation, ce sont près de 5 milliards de dollars (OREWIN, 2014, [3]) qui ont été investis ; une mine dont l’exploitation devrait durer 35 ans a minima.
15Dans le domaine des déchets, en revanche, l’évolution des produits peut conduire à une obsolescence très rapide des schémas industriels, comme le montre le cas de la récupération des terres rares présentes dans les lampes fluo-compactes, alors que ces lampes sont appelées à être rapidement remplacées par les diodes électroluminescentes (DEL/LED). Il en avait déjà été ainsi du traitement des tubes cathodiques de nos téléviseurs, qui aujourd’hui ont été remplacés dans leur quasi-totalité par les écrans plats. Ainsi les schémas de traitement de produits usagés n’ont-ils parfois qu’une dizaine d’année de stabilité, ils doivent donc être capables de s’adapter à l’évolution permanente de la composition des produits.
16Par contre, les déchets (une fois concentrés) présentent des teneurs en métaux stratégiques souvent bien supérieures à celles des minerais extraits des gisements naturels actuellement en exploitation, comme le montre la Figure 1 ci-dessous.
Teneurs en minéraux stratégiques des gisements naturels et de la mine urbaine
Teneurs en minéraux stratégiques des gisements naturels et de la mine urbaine
La question de l’évaluation des gisements urbains
17À l’été 2009, le ministère chargé de l’Environnement a sollicité l’ADEME, dans le cadre de la préfiguration du Comité des métaux stratégiques (COMES), afin d’évaluer le potentiel de recyclabilité d’un certain nombre de métaux (rares, critiques ou stratégiques, suivant les dénominations usuelles) à partir des déchets générés sur le territoire national. Douze métaux divers, auxquels s’ajoutent le groupe des platinoïdes (6 métaux) et celui des terres rares (17 métaux, scandium compris), ont fait l’objet d’investigations.
18Ces travaux ont abouti à une publication en 2010 (ADEME, 2010, [4]). Ils constituent une base pour l’évaluation d’un gisement forcément évolutif (comme nous l’avons rappelé précédemment). L’analyse des gisements conduit à sélectionner des couples produit usagé/métal afin d’estimer les tonnages disponibles à la collecte, pour déterminer les potentiels les plus intéressants.
19Pour les déchets de ces métaux produits en France dans le cadre de procédés industriels (déchets de production), il n’existe que très peu de données, car, d’une part, les quantités concernées sont faibles et, d’autre part, leurs prix pour la plupart élevés génèrent un recyclage systématique (cependant, des cas comme celui des boues de polissage qui contiennent des terres rares ne semblent faire l’objet d’aucun recyclage).
20Il convient aussi de noter qu’en dehors de la fabrication d’alliages, assez peu de ces métaux sont des intrants directs pour les industriels français du fait que la fabrication des composants est pour l’essentiel assurée à l’étranger. C’est, par exemple, le cas de l’indium utilisé à 80 % dans les écrans plats, dont le procédé de fabrication génère plus de 50 % de déchets de production qui sont entièrement recyclés - mais pour l’essentiel cette fabrication est le fait de producteurs asiatiques. Pour ce qui est des déchets de production, le gisement potentiel en métal stratégique ne peut faire l’objet que d’une estimation grossière à partir de la consommation mondiale du secteur du métal considéré rapportée au chiffre d’affaires du secteur d’activité en France.
21Pour les déchets post-consommation (produits usagés jetés par les particuliers ou les entreprises), l’estimation des gisements se heurte aux deux difficultés que sont la connaissance ex-ante des volumes mis sur le marché et celle de leur composition.
22Pour la quasi-totalité des produits usagés post-consommation, il n’existe pas de mesure directe des tonnages de déchets générés. L’approche par la mise en marché des produits peut parfois être envisagée, mais elle se heurte, d’une part, à une connaissance insuffisante de ces mises sur le marché et, d’autre part, à la difficulté de connaître la durée de vie des produits considérés. C’est cependant souvent la seule approche possible. Une méthode a ainsi été développée par l’Université des Nations unies en 2011 pour les déchets d’équipements électriques et électroniques, puis elle a été utilisée aux Pays-Bas, en Belgique, en Italie et en France (ADEME et OCAD3E, 2013, [5]).
23La connaissance de la composition des biens, notamment pour ce qui concerne les métaux stratégiques, se révèle extrêmement délicate. En effet, les importateurs n’ont aucune information et les fabricants français, qui sont plutôt des assembleurs, ne connaissent donc pas le contenu précis des composants qu’ils utilisent, comme le montrent les travaux d’un groupe de travail du COMES. Seuls les fournisseurs de composants élémentaires ont cette connaissance. Il est donc nécessaire de procéder par analyse de la littérature technique ou des dires d’experts.
24Par ailleurs, les déchets générés ne sont pas systématiquement collectables et traitables pour un coût économiquement acceptable. Sur cet aspect du problème, un parallèle direct peut être fait avec les notions de ressource et de réserve de l’économie minière traditionnelle.
25Il résulte de ces différentes contraintes que les estimations du contenu en métaux stratégiques de la mine urbaine en France doivent être considérées avec une grande prudence. Des travaux spécifiques sont encore nécessaires afin d’affiner les réels potentiels actuels et futurs.
Les principaux gisements
26Sur la base des études actuellement disponibles, quelques gisements urbains représentent la fraction la plus intéressante en termes de potentiel actuel ou futur de fourniture de métaux stratégiques issus du recyclage. Il s’agit :
- des équipements industriels volumineux fixes ou mobiles comprenant des alliages qui méritent d’être séparés efficacement pour être valorisés au mieux en évitant la diminution de valeur pouvant résulter d’un mélange d’alliages aboutissant à une matière de moindre qualité technique (downcycling ou sous-cyclage) ;
- des systèmes d’éclairage, avec les lampes fluorescentes en tubes ou fluo compactes (actuellement) et les diodes électroluminescentes LED (demain) ;
- des équipements électriques et électroniques, avec leurs composants, que sont les écrans LCD, les cartes électroniques (dont les condensateurs au tantale), les aimants, les batteries (notamment lithium-ion) ou encore les disques durs ;
- des véhicules automobiles, avec les pots catalytiques (platine), les aimants ou les équipements électroniques (cartes et écrans). L’évolution vers des véhicules hybrides ou électriques (et bientôt autonomes) générera à terme de nouveaux gisements (moteurs électroniques de contrôle et batteries) ;
- des équipements producteurs d’énergie renouvelable électrique, éoliens ou photovoltaïques.
27Tous ces équipements générant un jour des déchets ne sont pas au même niveau de maturité de marché et donc de stabilité des volumes. Par exemple, les gisements sont stables pour les véhicules classiques ; ils sont émergents pour les véhicules électriques ou les éoliennes, et sont décroissants à terme pour les lampes fluo-compactes. Il s’agit donc, pour une part importante, de gisements futurs.
L’état de la collecte
28La valorisation de ces gisements dépend en premier lieu de la collecte des produits usagés. Pour un nombre croissant de types de biens usagés concernés, la réglementation européenne implique la mise en place de dispositifs de collecte gérés dans le cadre de la responsabilité élargie du producteur (REP). Ce cadre permet aux États membres de mettre en place une captation cohérente sur l’ensemble de leur territoire. C’est bien entendu le cas en France, avec la transposition des différentes directives. Les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), les lampes usagées, les piles et accumulateurs usagés et les véhicules hors d’usage (VHU) bénéficient directement de la dynamique des filières ainsi constituées.
29S’agissant des équipements électriques et électroniques, sur 1,55 Mt (dont 1,325 Mt de produits ménagers comprenant 837 kt de gros électroménager) mis en marché en 2014, 427 kt (dont 264 kt de gros électroménager) ont été déclarées collectées en 2013 dans le cadre du dispositif officiel. Toutefois, la collecte officielle stagne, elle reste inférieure à ce qu’elle pourrait être, avec 36 % de taux de collecte estimé (ADEME, 2015a, [6]).
Site de déconstruction d’équipements électroniques de l’association ENVOI, Colombier (Haute-Garonne), décembre 2008
Site de déconstruction d’équipements électroniques de l’association ENVOI, Colombier (Haute-Garonne), décembre 2008
« S’agissant des équipements électriques et électroniques, sur 1,55 Mt mise en marché en 2014, 427 kt ont été déclarées collectées en 2013 dans le cadre du dispositif officiel. Toutefois, la collecte officielle stagne, elle reste inférieure à ce qu’elle pourrait être, avec 36 % de taux de collecte estimé. »30L’étude réalisée en 2013 pour le compte de l’ADEME et de l’OCAD3E (ADEME et OCAD3E, 2013, [5]) estime le gisement de référence à 20 kg par habitant (pour une fourchette d’estimation allant de 17 à 24 kg/hab), soit 1,3 million de tonnes. Cette étude analyse aussi les différents circuits de collecte et en montre la diversité (voir la Figure 2 de la page suivante).
Les différents circuits de collecte des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) - ADEME et OCAD3E, 2013
Les différents circuits de collecte des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) - ADEME et OCAD3E, 2013
31Ainsi, sur les 1,3 Mt de déchets générés :
- près de 400 kt rejoignent des destinations non identifiées dans ce travail (filières non officielles, exportations non contrôlées vers d’autres continents) ;
- 315 kt, essentiellement du gros électroménager, sont traités en mélange avec la ferraille ;
- 120 kt sont directement incinérées ou enfouies via la collecte des ordures ménagères, avec lesquelles sont mélangés les équipements faute d’avoir été triés à la source par leurs propriétaires ;
- seules 480 kt relèvent actuellement d’une collecte pour les filières officielles dans le cadre de la REP : elles sont traitées à plus de 99 % en France (le 1 % restant l’étant en Belgique). Pour ces tonnages, des campagnes de caractérisation ont permis d’évaluer la quantité de métaux non ferreux à environ 34 kt et la quantité de cartes électroniques à un peu plus de 10 kt (ADEME, 2015a, [6]). Des cartes qui représentent la principale source de métaux stratégiques récupérables.
32Tous les autres circuits de destination de ces équipements ne conduisent pas forcément à une perte de métaux stratégiques, mais ils rejoignent des filières ne garantissant pas un traitement efficace.
33Les lampes à décharge et les LED font l’objet d’une collecte spécifique, avec en 2014, 4 779 tonnes collectées pour 11 500 tonnes mises sur le marché (ADEME, 2015a, [6]), soit 42,3 % de taux de collecte apparent.
34Les piles et accumulateurs contenant des métaux stratégiques (hors plomb) mis sur le marché se répartissent entre 10 kt à base de lithium, 4kt de type nickel-métal-hydrure (NIMH) et 2 kt de type nickel-cadmium. Concernant les déchets de piles et accumulateurs portables, le taux de collecte en tonnage est globalement estimé (tous couples électrochimiques confondus) à 37,5 % (ADEME, 2015b, [8]). Il est vraisemblable qu’une partie de ces déchets est stockée par les consommateurs et qu’une autre partie se retrouve dans les filières d’incinération et de mise en décharge du fait d’une collecte en mélange avec les ordures ménagères, faute d’une séparation opérée par leur détenteur.
35Les véhicules hors d’usage représentaient en 2012 un gisement potentiel (estimation moyennement fiable, du fait des incertitudes sur les imports/exports de véhicules d’occasion) de plus de 2 millions de véhicules pour une collecte dans le circuit officiel un peu supérieure à 1,2 million (ADEME, 2013, [9]). En 2013, les volumes collectés étaient un peu en baisse à 1,15 million (ADEME, données à paraître). Les métaux stratégiques contenus dans des alliages ne font que très peu (ou pas du tout) l’objet d’une séparation spécifique permettant leur recyclage. De même, les cartes électroniques des véhicules ne font pas aujourd’hui l’objet d’une collecte séparée. Les métaux qu’elles contiennent sont ainsi le plus souvent perdus dans les résidus de broyage (et ce bien que des offres sur Internet fassent état d’une reprise de calculateurs moteurs au tarif de 600 €/t).
36Les pots catalytiques sont les composants les plus emblématiques des métaux stratégiques utilisés dans les véhicules automobiles. L’ADEME estime ainsi qu’un peu moins de 60 % des VHU (âgés en moyenne de 16,9 ans en 2013) étaient catalysés (proportion en augmentation chaque année) et que seuls 36 % des VHU catalysés réceptionnés dans les centres VHU faisaient alors l’objet d’une dépose de leur pot catalytique. La différence est liée au fait qu’une partie des VHU ne passent pas par les circuits officiels (leur traitement est réalisé par des entreprises illégales) et aussi au fait, par ailleurs, que certains centres VHU, malgré une valeur des pots catalytiques allant de 30 à 200 euros, semblent encore ne pas prendre le temps de les démonter avant la mise au broyage des carcasses…
Récupération d’ampoules électriques basse consommation au centre de tri et de recyclage de Paprec à Corbeil-Essonnes, octobre 2013
Récupération d’ampoules électriques basse consommation au centre de tri et de recyclage de Paprec à Corbeil-Essonnes, octobre 2013
« Les lampes à décharge et les LED font l’objet d’une collecte spécifique, avec en 2014, 4 779 tonnes collectées pour 11 500 tonnes mises sur le marché, soit 42,3 % de taux de collecte apparent. »37Les équipements producteurs d’énergie électrique, éoliens ou photovoltaïques, ne représentent pas actuellement un flux de déchets significatif, mais leur potentiel à venir est indéniable. Il est à noter que l’intégration des panneaux photovoltaïques dans la réglementation européenne sur les DEEE a conduit à la mise en place, au 1er janvier 2015, de la filière REP que pilote la société PV Cycle.
38Au niveau actuel de développement des filières, avec un niveau de captation insuffisant, des progrès constants sont constatés, mais ces progrès restent lents. Il existe donc un potentiel important d’amélioration qu’il faut gérer, notamment dans le cadre de la REP et des objectifs fixés aux acteurs.
L’état du traitement et de l’extraction
39De par sa réglementation « déchets », la France est dotée d’un nombre relativement important de centres de traitement des produits usagés concernés tant en ce qui concerne les DEEE (166 sites, dont 15 dédiés aux lampes) (ADEME, 2015a, [6] ; ADEME, 2014, [7]), les piles et les accumulateurs (17 sites) (ADEME, 2015b, [8]) que les VHU (1765 centres VHU et 60 broyeurs) (ADEME, 2013, [9]). Ce parc d’installations permet de prendre en charge la totalité des flux produits en France, voire de proposer des capacités de traitement pour des déchets étrangers, comme c’est notamment le cas pour les piles et les accumulateurs.
40Tant pour les DEEE que pour les VHU, les installations de traitement peuvent avoir recours à des opérations de démantèlement manuel que complètent ou non des opérations automatisées. Il n’existe pas d’installation qui assure la totalité du traitement d’un équipement jusqu’au recyclage final des matières premières. Le traitement complet de ces déchets constitue de fait un écosystème d’acteurs qui s’organise sur le territoire au niveau national, mais aussi plus globalement au niveau européen, voire mondial. Ainsi, concernant une vingtaine de métaux stratégiques issus du recyclage, l’Europe abrite les principaux acteurs mondiaux, avec Umicore (en Belgique), Aurubis (en Allemagne), Boliden (en Suède) et Solvay (en France), pour les terres rares. Cependant, ce dernier acteur vient de fermer ses installations de recyclage en tout début de cette année. Le bassin d’approvisionnement de ces installations s’étend bien au-delà des frontières des pays où elles sont implantées, et pour des déchets comme les poudres luminophores des lampes usagées, l’approvisionnement de l’installation Solvay de la Rochelle dépassait largement les frontières de l’Europe.
41Cependant, des acteurs français engagent depuis quelques années des travaux de recherche et développement portant sur l’amélioration ou le développement du recyclage de métaux stratégiques. L’ADEME a ainsi identifié 21 projets aidés par les pouvoirs publics français (ADEME, ministère de l’Industrie ou ANR) entre 2009 et 2014. Une étude (AUTRET (E.) et BRAMANT (M.), 2014, [10]) réalisée par l’ADEME et l’INPI a identifié 22 brevets français déposés entre 2004 et 2012 sur le sujet, pour 4 131 brevets déposés au niveau mondial sur la même période. La France se place à la huitième place mondiale - d’un classement largement dominé par la Chine - et à la deuxième place européenne pour les brevets portant sur le recyclage des métaux stratégiques.
42D’autres projets existent, mais ils ne font pas l’objet de financement public ou de dépôt de brevet, les industriels concernés préférant privilégier la confidentialité. Par ailleurs, des dossiers de demande d’aide sont en cours d’examen à l’ADEME dans le cadre des Investissements d’Avenir. Six projets ressortent du dispositif Nouvelle France industrielle et trois ont été retenus au concours mondial de l’innovation organisé chaque année par la direction générale des entreprises (DGE).
43La performance globale actuelle de la récupération des métaux stratégiques est délicate à établir, car chaque industriel reste très discret sur les niveaux de récupération auxquels il est parvenu, voire même sur la nature des métaux valorisés, et il n’y a aucun chiffre disponible sur les quantités de métaux stratégiques issues du recyclage et commercialisées par ces installations. Les procédés techniques conduisent à des choix technico-économiques des métaux à privilégier : ainsi, le tantale des condensateurs ou les terres rares des petits aimants permanents ne sont pas recyclés à ce jour.
Conclusion
44Le recyclage des métaux stratégiques, en dehors d’équipements industriels spécifiques qui concentrent ces métaux (IRM du milieu médical ou éoliennes, par exemple), porte sur des biens d’équipement largement diffusés (en particulier tous ceux comportant de l’électronique) ou sur les véhicules, notamment catalysés. La France, comme les autres pays européens, s’est dotée d’une réglementation qui constitue une réelle opportunité pour la mobilisation de ces gisements. La collecte de ces déchets dans les filières adaptées et officielles doit être renforcée, car seul un tiers des déchets concernés font actuellement l’objet d’un recyclage. L’extraction des métaux stratégiques contenus dans ces déchets est partiellement réalisée, l’Europe constituant un pôle majeur au niveau mondial. Cependant, peu d’installations majeures ont été développées en France, bien que des opportunités existent pour le développement d’installations innovantes, plus souples en termes de procédé ou de taille, et plus performantes, notamment en matière de consommation énergétique. Cela nécessite cependant une plus grande coopération entre des acteurs qui s’ignorent, voire sont en concurrence, tant ou plan national qu’européen. Actuellement, des réflexions sont engagées dans différentes instances (comme le COMES - Comité des métaux stratégiques - et l’Alliance pour l’environnement) ou dans le cadre de programmes européens. De ces travaux doivent émerger des orientations convergentes afin d’engager un programme comportant des priorités définies, à l’image de ce que fait le Japon depuis plusieurs années.
Bibliographie
- 1GROSSE (F.), « Les Limites du recyclage dans un contexte de demande croissante de matières premières », Annales des Mines, Responsabilité & Environnement, n°76, Paris, avril 2014, pp. 58-63.
- 2LABBÉ (J.-F.), « Les Limites physiques de la contribution du recyclage à l’approvisionnement des métaux », conférence du 23 octobre 2013 donnée à l’Université d’Orléans, OSUC, exposés 2013-2014 : www.univ-orleans.fr/osuc/expos%C3%A9s-2013-2014 (consulté le 25 août 2015).
- 3OREWIN PTY LTD.,”Turquoise Hill Ressources Ltd, Oyu Tolgoï”, Technical report, Job n°14003, octobre 2014.
- 4ADEME (2010), « Étude du potentiel de recyclage de certains métaux rares », Bio Intelligence Service pour ADEME, contrat n°0902C0071, 2010 : www.ademe.fr/etude-potentiel-recyclage-certains-metaux-rares (consulté le 25 août 2015).
- 5ADEME et OCAD3E (2013), « Projet de quantification des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) en France », Bio Intelligence Service pour ADEME et OCAD3E, contrat n°1202C0048 : www.ademe.fr/projet-quantification-dechets-dequipements-electriques-electroniques-deee-france (consulté le 26 août 2015).
- 6ADEME (2015a), « Rapport annuel sur la mise en œuvre de la réglementation relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) - Données 2014 », contrat n°1102C0071, octobre 2014 : http://www.ademe.fr/rapport-annuel-registre-dechets-dequipements-electriques-electroniques-deee-donnees-2014 (consulté le 22 janvier 2016).
- 7ADEME (2014), « Inventaire 2012 des sites de traitement de déchets d’équipements électriques et électroniques », contrat n°1202C0075, mai 2014 : http://www.ademe.fr/inventaire-2012-sites-traitement-dechets-dequipements-electriques-electroniques (consulté le 22 janvier 2016).
- 8ADEME (2015b), « Rapport annuel du registre piles et accumulateurs - Données 2014 », contrat n°1402C0024, septembre 2015 : http://www.ademe.fr/rapport-annuel-2014-registre-piles-accumulateurs (consulté le 22 janvier 2016).
- 9ADEME (2013), « Rapport annuel de la mise en œuvre des dispositions réglementaires relatives aux véhicules hors d’usage. Situation 2012 », contrat n°1002C0123, septembre 2013 : http://www.ademe.fr/rapport-annuel-mise-œuvre-dispositions-reglementaires-relatives-vehicules-hors-dusage-situation-2012 (consulté le 22 janvier 2016).
- 10AUTRET (E.) & BRAMANT (M.), « Étude Brevets Métaux Stratégiques - Rapport final », ADEME INPI, 19 novembre 2014, 22 pages.
Notes
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[1]
L’auteur remercie Rachel Baudry, Fabienne Benech, Erwann Fangeat et Éric Lecointre, du service Produits et efficacité matières de l’ADEME, pour leurs apports.
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[2]
Les marques MINE URBAINE et MINES URBAINES sont respectivement la propriété de la société RECUPYL et de la Fondation ParisTech.