Notes
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[1]
Enquête réalisée du 22 au 28 mai 2014, auprès d’un échantillon de 1 200 personnes représentatives de la population française âgées de 18 ans et plus interrogées en ligne. Elle s’inscrit dans le cadre du colloque organisé les 16 et 17 juin 2014 par la Commission nationale du débat public (CNDP) sur « Le citoyen et la décision publique : enjeux de légitimité et d’efficacité ». L’ensemble des résultats est disponible en ligne : http://www.tns-sofres.com/sites/default/files/2014.06.16-cndp.pdf
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[2]
Depuis 2002, plus de 130 projets ont fait l’objet de débats publics ou de concertations organisées par la CNDP.
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[3]
Propos recueillis lors de la conférence de presse tenue par John Knox le 24 octobre 2014 à Paris pour marquer la fin de sa visite officielle de cinq jours en France.
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[4]
Quand le projet se situe au-dessus d’un certain seuil (300 M€) fixé par décret en Conseil d’État, la saisine de la CNDP est obligatoire pour le maître d’ouvrage ou la personne publique responsable. Pour les projets dont le coût est inférieur à ce seuil, mais supérieur à un seuil plancher de 150 M€, la saisine est facultative.
-
[5]
Afin de poursuivre les réflexions du Conseil national de la transition énergétique (CNTE) sur les travaux de modernisation du droit de l’environnement, une commission spécialisée et sept groupes de travail ont été installés (en septembre 2014) par Mme Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie. Un de ces sept groupes de travail, présidé par Gérard Monédiaire, portait justement sur la participation du public.
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[6]
Installée en février 2015 par la ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, cette commission a remis son rapport le mercredi 3 juin 2015. Les propositions formulées visent à renforcer la transparence et l’efficacité du débat public.
-
[7]
La liste des catégories d’opérations est fixée par décret en Conseil d’État (art. L.212-1 du Code de l’environnement).
-
[8]
Extérieur aux parties prenantes, le garant est chargé d’assurer et de faciliter le bon déroulement d’une concertation.
-
[9]
La conférence de citoyens est très utilisée en Europe du Nord : un panel de citoyens, préalablement formé sur la thématique concernée, interroge des experts de façon contradictoire, avant de formuler un avis et des recommandations.
-
[10]
Ce projet a fait l’objet d’un débat public organisé du 15 mai au 15 décembre 2013, et d’une conférence de citoyens organisée entre décembre 2013 et février 2014.
-
[11]
Section 553 de la loi de 1946 Administrative Procedure Act relative à la procédure administrative.
-
[12]
Cette expérimentation s’est appliquée aux consultations entrant dans son champ d’application organisées à compter du 1er janvier 2014 et jusqu’au 1er octobre 2014, notamment en matière de chasse, de préservation du patrimoine naturel et d’installations classées pour l’environnement.
-
[13]
Entretien, journal Le Bien Public, du 4 janvier 2014.
-
[14]
Co-construit avec la société civile et les administrations, ce plan d’action comporte 26 engagements à mettre en œuvre sur la période 2015-2017.
-
[15]
Engagement 13 tiré du Plan d’action national pour la France 2015-2017 pour une action publique transparente et collaborative.
-
[16]
Engagement 24.
-
[17]
Quatre organisations indépendantes sont à l’origine de ce projet de débat citoyen planétaire sur le climat et l’énergie (World Wide Views 2015) : le Secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), la Danish Board of Technology Foundation, Missions publiques (France) et la Commission nationale du débat public (CNDP).
-
[18]
Conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Paris, du 30 novembre au 11 décembre 2015.
-
[19]
Depuis le Sommet de la Terre, en 1992, l’ONU reconnaît une société civile organisée en neuf « groupes majeurs » représentant aussi bien l’expression des entreprises que celles des agriculteurs, des jeunes et des populations autochtones
1Méfiants à l’égard des institutions et de la parole publique, les citoyens souhaitent de plus en plus participer directement aux décisions publiques. Ils plébiscitent, par ailleurs, de nouvelles formes de participation et d’accompagnement. Celles-ci doivent être garantes d’efficacité : si les citoyens expriment leur point de vue, ils veulent être sûrs que leur mobilisation ne sera pas vaine, qu’elle sera prise en compte dans le processus de décision. La démocratie participative serait-elle alors la clé pour légitimer les décisions ?
2Deux visions s’opposent. D’un côté, les défenseurs de l’état de droit et, de l’autre, des opposants insatisfaits de ne pas être entendus par les porteurs de projets.
3Pour les premiers, le respect des procédures en vigueur rend légitime la réalisation du projet. Les seconds (à ne pas confondre avec les casseurs et les groupes violents qui manifestent parfois à leurs côtés) considèrent, quant à eux, que la décision ne peut reposer uniquement sur un fondement juridique pour être légitime. Elle doit être prise sur un fondement démocratique suffisant, en incluant des préoccupations de plus long terme (qualité de l’eau, préservation de la biodiversité, lutte contre le changement climatique, etc.).
Renforcer les processus de consultation directe des citoyens
4Il ressort très nettement de l’enquête réalisée en mai 2014 sur ce sujet par TNS Sofres pour la Commission nationale du débat public [1] que le citoyen doit être au cœur de la décision publique (voir le Graphique 1 de la page suivante). En effet, les résultats de cette enquête traduisent une évolution profonde de la société. Celle-ci veut désormais prendre pleinement part à la vie de la démocratie : 96 % des citoyens souhaitent que les pouvoirs publics tiennent compte de leur avis avant de prendre une décision ; pour 55 % d’entre eux, c’est même une priorité. Une telle transformation semble aujourd’hui indispensable pour répondre aux trois quarts des Français qui considèrent qu’au niveau national les pouvoirs publics ne tiennent pas davantage compte de leur avis avant de prendre des décisions qu’il y a une dizaine d’années (voir le Graphique 2 de la page suivante).
5Pourtant, des procédures de concertation existent. Dans un système français ordinairement régi par la démocratie représentative, le législateur a jugé opportun de démocratiser les sujets environnementaux en organisant des débats publics sur les grandes opérations d’aménagement ou d’équipement [2]. Le débat public est un droit établi et protégé par une loi à valeur constitutionnelle, et l’exercice de ce droit est une liberté fondamentale. Pendant sa visite effectuée à Paris en octobre 2014, John Knox, expert des droits de l’Homme et de l’environnement auprès des Nations unies, a manifesté son grand intérêt pour cette pratique, qualifiant le débat public tel qu’il est pratiqué en France de « système admirable » [3], en précisant toutefois qu’il conviendrait de ne pas le limiter aux seuls grands projets [4].
6Le désir de participation des citoyens s’appuie d’ailleurs sur des expériences positives en la matière : 95 % des Français ayant récemment participé à des démarches de concertation seraient prêts à recommencer l’expérience et 93 % des sondés recommanderaient à un proche d’y participer (voir le Graphique 3 ci-après).
7L’une des pistes, pour répondre à cette volonté de s’investir, est de s’inspirer de toutes les initiatives développées à l’échelon local, qui est beaucoup plus propice à une participation active des habitants à la vie de la cité. Au niveau de leur commune ou de leur agglomération, c’est même une majorité des Français qui estime pouvoir se faire entendre en participant à des débats publics… au moins de temps en temps. Ainsi, ils sont 61 % à juger que la démocratie locale fonctionne bien, un constat partagé aussi bien par les cadres que par les ouvriers.
Des propositions pour une démocratie participative renouvelée
8Les processus de consultation directe des citoyens nécessitent d’être renforcés et étendus aux projets de moindre envergure. Il sera également indispensable d’inventer de nouvelles formes de participation qui permettent aux trois acteurs essentiels que sont le citoyen, l’expert et le décideur politique de dialoguer, de collaborer et de construire ensemble.
9Suite à l’annonce faite par le président de la République à l’occasion de l’ouverture de la Conférence environnementale, le 27 novembre dernier, le gouvernement a engagé la modernisation et la démocratisation du dialogue environnemental. Dans le cadre du groupe Monédiaire [5] sur la participation du public, puis dans le cadre de la Commission spécialisée sur la démocratisation du dialogue environnemental présidée par M. Alain Richard [6], la Commission nationale du débat public (CNDP) a fait de nombreuses propositions. La plupart d’entre elles recueillent plus de 90 % d’avis favorables des Français (voir le Graphique 4 ci-dessus).
Vers une évolution législative
10Les conditions de saisine de la CNDP apparaissent encore trop restrictives. Il faudrait, d’une part, ouvrir la saisine à de nouveaux acteurs. Un important progrès démocratique serait de permettre à 10 000 citoyens de pouvoir saisir la CNDP pour que soit organisé un débat public portant sur des grands projets dont les objectifs et les caractéristiques essentielles font l’objet d’une publication légale (projets d’un montant supérieur à 150 millions d’euros) ; une saisine qui aujourd’hui ne peut être le fait que de dix parlementaires, d’une collectivité ou d’une association exerçant son activité sur l’ensemble du territoire.
11Cette initiative citoyenne pourrait aussi concerner des projets de moindre ampleur, en étendant cette possibilité de saisine à un collectif représentant au moins 10 % des citoyens concernés.
12Il est à noter, par ailleurs, que les textes actuels [7] ne concernent que les projets de nouvelles infrastructures.
13Il s’agirait, d’autre part, d’élargir le périmètre actuel des débats (les projets stricto sensu) aux plans et programmes nationaux ou interrégionaux, ce qui permettrait un allègement de la procédure de concertation s’appliquant aux projets s’inscrivant dans ces plans. Certes, le ministre chargé de l’Environnement, conjointement avec le(s) ministre(s) intéressé(s), peut saisir la CNDP en vue de l’organisation d’un débat public portant sur des options générales. Cela étant, une écrasante majorité des débats et des concertations portent sur des projets bien définis : équipements routiers, ferroviaires, culturels, industriels… Or, les grands schémas nationaux des transports, et plus généralement d’aménagement du territoire, ainsi que toutes les opérations d’intérêt national doivent faire l’objet de débats avec l’ensemble des citoyens.
14Organiser des débats publics sur des projets d’aménagement et d’équipement cohérents (intégrant, en particulier, leur desserte par les réseaux de transport) permettrait aux citoyens de mieux appréhender ces projets. En effet, aujourd’hui, les débats sont encore menés de manière distincte : certains portent sur les projets eux-mêmes, d’autres débats sur leur desserte par les transports publics ; une dissociation que ne comprennent pas les citoyens. Les textes actuels ne concernent que les projets de nouvelles infrastructures. Il serait judicieux d’étendre la participation aux réhabilitations lourdes ou aux projets de déconstruction.
15Le champ d’expertise de la CNDP pourrait lui aussi être élargi en confiant à celle-ci des missions de conciliation sur les projets conflictuels. Il s’agirait de faciliter le dialogue et les échanges, de procéder à des contre-expertises, d’apporter des éclairages pluralistes. La CNDP pourrait en outre être saisie par les différentes parties prenantes des projets.
Développer une culture du débat public
16Il convient d’assurer une continuité dans la participation des citoyens entre le débat public et l’enquête d’utilité publique, et de systématiser l’intervention d’un garant [8]. La démocratie participative doit s’inscrire en filigrane d’un processus qui s’étend parfois sur plusieurs dizaines d’années, des études préliminaires à l’enquête publique, du chantier à la mise en service. C’est la condition à remplir si l’on veut restaurer un climat de plus grande confiance entre les citoyens, les experts, les porteurs de projets et les pouvoirs publics. Faute de quoi, on assistera à de nouveaux blocages et à de nouveaux débordements.
17Incontestablement, la demande de participation s’exprime d’autant plus fortement que les Français portent un regard sévère sur le modèle politique actuel (voir le Graphique 5 ci-dessus) : défiance à l’égard des institutions, de la parole publique, des industriels soumis au pouvoir des marchés, des scientifiques et des experts perçus comme soumis aux lobbies et, par voie de conséquence, défiance à l’égard du débat public lui-même, et, parfois même, rejet du débat de la part de certains. Il faut donc développer les contre-expertises indépendantes. Pour se forger une opinion, les citoyens doivent pouvoir avoir accès à des expertises différentes de celles des maîtres d’ouvrage ou des porteurs de projets.
18Il faut aussi offrir aux citoyens une information pluraliste et un maximum d’outils de participation. OGM, changement climatique, réforme santé, fin de vie… : sur ces sujets hautement polémiques, des conférences de citoyens [9] ont déjà été organisées. Elles ont vocation à être développées. Celle mise en place en 2014 sur le projet Cigéo de centre de stockage réversible profond de déchets radioactifs en Meuse/Haute-Marne [10] a apporté la démonstration que des personnes qui n’ont aucune compétence particulière peuvent exprimer un avis pertinent et argumenté, y compris sur des sujets très complexes. Aucun sujet ne doit être réservé aux seuls experts ou aux seuls « sachants ». Sans assimiler les certitudes et incertitudes d’un groupe de quinze personnes aux préoccupations de l’ensemble des citoyens d’une nation, les conférences de citoyens font partie des méthodes et des dispositifs de la démocratie participative.
19L’enjeu est de développer une véritable culture du débat public pour permettre aux citoyens de participer directement aux décisions publiques et ainsi restaurer la confiance. D’autres initiatives pourraient également être mises en œuvre. Ainsi, l’apprentissage des valeurs, des savoirs et des pratiques du débat public devrait être intégré à l’instruction civique dispensée dans les écoles, collèges et lycées. Développer la culture du débat public, c’est aussi former les futurs décideurs publics comme privés aux méthodes de concertation et de participation.
20Aux acteurs du débat de tirer profit des nouveaux médias offerts par les espaces numériques d’expression, à eux de mieux les investir et de favoriser leur appropriation par le plus grand nombre.
21On pourrait également s’inspirer du dispositif américain des notice-and-comment [11]. Le principe en est d’ouvrir aux commentaires du public tout projet de nouvelle réglementation. Une expérimentation a été conduite en 2014 dans ce sens, ouvrant la participation du public à certains projets de décrets et d’arrêtés [12]. Elle pourrait être étendue à l’ensemble des textes réglementaires.
Remettre le citoyen au cœur de la décision publique
22Qu’il s’agisse d’un débat public, d’une concertation ou d’une conférence de citoyens, la question de la portée de ces procédures sur l’opportunité des projets reste la principale préoccupation du public. Il est essentiel que les opinions exprimées soient entendues, et qu’elles aient un impact visible. Chacun doit être assuré que sa prise de parole et ses arguments ont du poids et peuvent modifier un projet, l’améliorer et même le faire annuler. Pour autant, lorsqu’un projet a été décidé, les « perdants » dans le processus de la décision ne doivent pas être oubliés : il faut repenser les systèmes de compensation. C’est là aussi une des finalités du débat.
23Ces propos du sociologue Pierre Rosanvallon doivent nous inspirer : « La démocratie doit aussi se définir comme une façon permanente de négocier, discuter et argumenter avec la société » [13]. On observe souvent une opposition entre, d’une part, des élus inquiets de voir se réduire leur capacité de décision et d’action et, d’autre part, des citoyens ou des instances participatives qui ont le sentiment que tout a déjà été décidé à l’avance. Le chemin du décideur doit croiser celui du citoyen.
24La démocratie participative est le temps du dialogue, elle exige des décideurs une grande capacité d’écoute. De son côté, le public doit accepter l’idée qu’être écouté et entendu ne conduit pas nécessairement à faire prévaloir son point de vue. En France, le débat public apparaît trop souvent comme un affrontement, et non comme un exercice de démocratie déterminant dans l’évolution d’un projet. Or, la légitimité d’une décision dépend finalement moins de son contenu intrinsèque que des conditions de son élaboration.
25La décision appartient bien évidemment au politique. Mais elle doit être légitimée par un processus délibératif. Le débat public doit être organisé suffisamment tôt, en amont des décisions, lorsque les choix n’ont pas encore été arrêtés et que d’autres options sont encore possibles. C’est également l’indépendance, la transparence, la neutralité et l’égalité de traitement tout au long du débat qui fondent la légitimité de la décision finale.
Une mobilisation citoyenne à l’échelle planétaire
26En rejoignant le Partenariat pour le gouvernement ouvert (PGO) en avril 2014, la France s’est engagée à élaborer un plan d’action national pour une action publique transparente et collaborative [14], à l’instar des 64 autres pays membres. Un des engagements de l’État est de « capitaliser sur les consultations menées et de rénover les dispositifs d’expression citoyenne », une action pour laquelle la CNDP fait figure d’« institution porteuse » [15].
27Nous citerons également parmi ces engagements « la poursuite de la consultation sur les enjeux climat afin de donner suite au débat citoyen planétaire du 6 juin 2015 » [16].
28Le samedi 6 juin dernier s’est en effet déroulée une expérience sans précédent à l’échelle du monde : 97 débats ont été organisés dans 76 pays [17], des îles Fidji aux États-Unis, de Madagascar à la Finlande, et jusqu’au Népal si douloureusement sinistré, plus de 10 000 citoyens profanes se sont réunis pendant toute une journée pour débattre et se prononcer sur les questions à l’ordre du jour des négociations climatiques internationales en vue de la COP21 [18] organisée en décembre 2015 à Paris. L’objectif n’était pas de réaliser une enquête ou un sondage ; il s’agissait de recueillir l’avis de citoyens éclairés.
29La lutte contre le réchauffement climatique n’est pas seulement l’affaire des gouvernements, des négociateurs, des grandes collectivités ou des entreprises ; c’est avant tout l’affaire des citoyens - de tous les citoyens. Si le processus de négociation sur le climat reste encore aujourd’hui l’apanage des seuls États, la participation d’autres acteurs tend toutefois à se renforcer [19]. Il nous semblait malgré tout essentiel que les citoyens du monde prennent part aux négociations de la COP21 et fassent entendre leur voix à l’échelle planétaire.
30Une consultation citoyenne d’une telle ampleur est sans doute l’exercice de démocratie participative le plus ambitieux qui ait jamais été organisé. Une ambition à la hauteur de cet enjeu ? Offrir la possibilité de s’exprimer aux principaux absents des négociations sur le changement climatique, c’est-à-dire aux citoyens eux-mêmes !
Informer - concerter - décider
31Les enquêtes d’opinion que nous avons menées comportent aussi beaucoup d’éléments positifs encourageants pour l’avenir, à la condition que tous - responsables politiques, porteurs de projet et experts - s’en saisissent. Les Français témoignent d’une réelle appétence pour la participation aux décisions publiques à condition que ses modalités soient repensées.
32Dans notre pays, les processus de consultation directe des citoyens sont peu développés. En revanche, depuis une vingtaine d’années, on a multiplié les procédures, les consultations obligatoires d’organismes toujours plus nombreux, des procédures souvent formelles et de faible portée, que ne comprennent pas toujours les citoyens.
33Il faut donc simplifier les procédures. Mais il faut se garder des propositions de certains qui considèrent que pour simplifier les procédures et réduire les délais, il suffirait de raccourcir le temps laissé au débat public et à la consultation directe des citoyens : c’est exactement le contraire de ce qu’il faut faire.
34Pour que les citoyens retrouvent la confiance, il est aujourd’hui indispensable de revenir aux principes de la convention d’Aarhus et de la Charte de l’environnement de 2005 : « La meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés ».
35Ce n’est pas une perte de temps, c’est au contraire un gain de temps. Une décision plus concertée sera plus légitime, elle sera aussi mieux acceptée : elle permettra d’éviter les blocages et les conflits, elle pourra même être mise en œuvre plus rapidement.
36Dans cette période de méfiance, voire de défiance, vis-à-vis des institutions et de la parole publique, il est essentiel de remettre les citoyens au cœur de la décision publique. Les citoyens attendent - mieux, ils exigent - que soit mise en place une nouvelle gouvernance publique fondée non plus sur des rapports de force, mais sur une plus grande capacité de dialogue et d’écoute.
37Puisse l’ensemble des responsables politiques, sociaux, économiques et associatifs s’engager dans cette voie afin qu’il devienne naturel de concerter avant de décider !
Notes
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[1]
Enquête réalisée du 22 au 28 mai 2014, auprès d’un échantillon de 1 200 personnes représentatives de la population française âgées de 18 ans et plus interrogées en ligne. Elle s’inscrit dans le cadre du colloque organisé les 16 et 17 juin 2014 par la Commission nationale du débat public (CNDP) sur « Le citoyen et la décision publique : enjeux de légitimité et d’efficacité ». L’ensemble des résultats est disponible en ligne : http://www.tns-sofres.com/sites/default/files/2014.06.16-cndp.pdf
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[2]
Depuis 2002, plus de 130 projets ont fait l’objet de débats publics ou de concertations organisées par la CNDP.
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[3]
Propos recueillis lors de la conférence de presse tenue par John Knox le 24 octobre 2014 à Paris pour marquer la fin de sa visite officielle de cinq jours en France.
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[4]
Quand le projet se situe au-dessus d’un certain seuil (300 M€) fixé par décret en Conseil d’État, la saisine de la CNDP est obligatoire pour le maître d’ouvrage ou la personne publique responsable. Pour les projets dont le coût est inférieur à ce seuil, mais supérieur à un seuil plancher de 150 M€, la saisine est facultative.
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[5]
Afin de poursuivre les réflexions du Conseil national de la transition énergétique (CNTE) sur les travaux de modernisation du droit de l’environnement, une commission spécialisée et sept groupes de travail ont été installés (en septembre 2014) par Mme Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie. Un de ces sept groupes de travail, présidé par Gérard Monédiaire, portait justement sur la participation du public.
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[6]
Installée en février 2015 par la ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, cette commission a remis son rapport le mercredi 3 juin 2015. Les propositions formulées visent à renforcer la transparence et l’efficacité du débat public.
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[7]
La liste des catégories d’opérations est fixée par décret en Conseil d’État (art. L.212-1 du Code de l’environnement).
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[8]
Extérieur aux parties prenantes, le garant est chargé d’assurer et de faciliter le bon déroulement d’une concertation.
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[9]
La conférence de citoyens est très utilisée en Europe du Nord : un panel de citoyens, préalablement formé sur la thématique concernée, interroge des experts de façon contradictoire, avant de formuler un avis et des recommandations.
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[10]
Ce projet a fait l’objet d’un débat public organisé du 15 mai au 15 décembre 2013, et d’une conférence de citoyens organisée entre décembre 2013 et février 2014.
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[11]
Section 553 de la loi de 1946 Administrative Procedure Act relative à la procédure administrative.
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[12]
Cette expérimentation s’est appliquée aux consultations entrant dans son champ d’application organisées à compter du 1er janvier 2014 et jusqu’au 1er octobre 2014, notamment en matière de chasse, de préservation du patrimoine naturel et d’installations classées pour l’environnement.
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[13]
Entretien, journal Le Bien Public, du 4 janvier 2014.
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[14]
Co-construit avec la société civile et les administrations, ce plan d’action comporte 26 engagements à mettre en œuvre sur la période 2015-2017.
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[15]
Engagement 13 tiré du Plan d’action national pour la France 2015-2017 pour une action publique transparente et collaborative.
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[16]
Engagement 24.
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[17]
Quatre organisations indépendantes sont à l’origine de ce projet de débat citoyen planétaire sur le climat et l’énergie (World Wide Views 2015) : le Secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), la Danish Board of Technology Foundation, Missions publiques (France) et la Commission nationale du débat public (CNDP).
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[18]
Conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Paris, du 30 novembre au 11 décembre 2015.
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[19]
Depuis le Sommet de la Terre, en 1992, l’ONU reconnaît une société civile organisée en neuf « groupes majeurs » représentant aussi bien l’expression des entreprises que celles des agriculteurs, des jeunes et des populations autochtones