Notes
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[1]
Le conseil scientifique a mis en place un groupe de travail dédié à l’évaluation et à la gestion des risques liés au changement climatique. Après avoir organisé plusieurs séances de conférence/ débat suite à la publication du 5ème rapport d’évaluation du GIEC, il envisageait justement de s’intéresser aux enjeux et aux conditions de l’action contre les effets du changement climatique.
Site : http://afpcn.org/recherche-et-expertise/changement-climatique/. -
[2]
La Commission sur l’énergie et le changement climatique de l’Académie des Technologies s’attache à explorer les différents volets de la transition énergétique, et ce afin de préparer la concertation nationale en cours. Le défi climatique est un de ces volets.
Site : http://www.academie-technologies.fr/fr/commissions/ECC. -
[3]
L’ONERC est le point focal du GIEC en France. Rattaché au ministère de l’Écologie et du Développement durable, sa mission consiste en outre à collecter et à diffuser les informations liées au changement climatique. Il est aussi chargé de formuler des recommandations sur les mesures d’adaptation à envisager pour limiter les impacts de ce changement.
Site : http://www.developpement-durable.gouv.fr/-Observatoire-National-sur-les-.html. -
[4]
Le comité de pilotage de la journée du 30 juin 2015 était composé de Maud Devès et Paul-Henri Bourrelier, pour le conseil scientifique de l’AFPCN, de Pierre Couveinhes et François Valérian, pour le Conseil général de l’Économie, de Bernard Tardieu, en tant que président de la commission ECC de l’Académie des Technologies, et de Nicolas Bériot, en sa qualité de secrétaire général de l’ONERC.
Introduction
1La 21ème édition de la Conférence des Parties (COP21) se tiendra sur le site de Paris-Le Bourget du 30 novembre au 11 décembre 2015. Les « Parties » appelées à se réunir sont les pays ayant ratifié la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), c’est-à-dire, à ce jour, la quasi-totalité des pays du monde. En tant que pays d’accueil, la France présidera aux négociations. L’objectif affiché est d’aboutir à un accord international ambitieux permettant de limiter l’augmentation de la température moyenne globale à 2˚C à l’échéance 2100.
2Cependant, la plupart des observateurs s’accordent à dire qu’étant donné les contingences politiques, économiques et sociales, et en l’état actuel des connaissances scientifiques, le non dépassement de cette limite des 2°C sera extrêmement difficile à respecter. On espère néanmoins que les parties prenantes sauront s’entendre sur la mise en œuvre de politiques climatiques audacieuses, allant dans le sens d’une diminution significative des émissions globales de gaz à effet de serre et permettant d’aborder la problématique de l’adaptation dans de bonnes conditions.
3Le Conseil général de l’Économie a souhaité contribuer à l’effort de préparation de la COP21 en abordant le « problème du climat », non pas par le biais du diagnostic scientifique, mais par celui des solutions. Pour cela, il s’est rapproché de l’Association Française pour la Prévention des Catastrophes Naturelles (AFPCN), dont le conseil scientifique suit, depuis de nombreuses années, l’évolution de la recherche et des débats sur le climat [1]. Les deux partenaires ont jugé important d’associer à leurs réflexions la Commission sur l’énergie et le changement climatique (ECC) de l’Académie des technologies [2], et l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC) [3].
4Le présent avant-propos a pour objectif de présenter les réflexions qui ont orienté les choix du comité de pilotage [4] lors de la préparation de la journée du 30 juin 2015, la quelle a obtenu le label officiel de la COP21. Je reviendrai également sur quelques-uns des messages clés que ce travail a permis de dégager. Les articles publiés dans ce numéro de Responsabilité & Environnement en développeront les aspects les plus essentiels.
Réflexions ayant guidé les travaux de la journée du 30 juin 2015
5Aborder la question des solutions au « problème du climat » n’est pas trivial. Pour s’en convaincre, il suffit de se souvenir que l’adoption de la CCNUCC date de 1992. Faisant suite au premier rapport d’évaluation du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC), la Convention-cadre a permis de donner un cadre global à l’effort international en reconnaissant le système climatique comme une ressource partagée dont la stabilité pouvait être affectée par les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’origine anthropique. Vingt-deux ans et cinq rapports d’évaluation plus tard, les experts estiment cependant que nous sommes encore très loin d’atteindre l’objectif ultime de la convention qui est de « stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique », et ce, « dans un délai suffisant pour que les écosystèmes puissent s’adapter naturellement aux changements climatiques, que la production alimentaire ne soit pas menacée et que le développement économique puisse se poursuivre d’une manière durable » (article 2).
6Les difficultés rencontrées dans le traitement du problème climatique sont de diverses natures, mais la dimension planétaire du système climatique semble avoir joué un rôle déterminant. En donnant l’illusion d’un problème avant tout global, elle a induit une sorte de sidération fataliste, laquelle ne cesse d’entraver la mise en œuvre de solutions concrètes. Or ce « globalisme » n’est qu’apparent, car, dans les faits, le panel des acteurs concernés par les changements du climat est extrêmement divers. Tous détiennent une partie de la solution. Certes, parce qu’ils interviennent à des échelles, sur des territoires et dans des secteurs d’activité variés, leurs actions répondent à des logiques différentes, et il y a peu de chance pour qu’ils agissent spontanément de manière congruente eu égard au défi climatique. « Résoudre » le « problème du climat » requiert donc, en premier lieu, de trouver des outils qui permettent d’articuler intelligemment les différentes échelles de l’action ; c’est-à-dire des outils qui permettent de dépasser les frontières politiques, culturelles, sectorielles et institutionnelles.
7La création du GIEC et la mise en place de la CCNUCC vont dans ce sens. Il aura toutefois fallu attendre plusieurs décennies avant qu’un consensus ne s’impose hors de la communauté des experts ; encore celui-ci reste-t-il relatif. Il semble raisonnable de dire que la plupart des acteurs s’accordent aujourd’hui à considérer que, quelle que soit l’ampleur effective des perturbations anthropiques, les changements du climat impacteront inévitablement nos modes d’existence - ne serait-ce que parce que les sociétés sont devenues plus sensibles et plus vulnérables à toute forme de modification de leur environnement. Il semble également admis que, même si cela se produira à des échéances plus ou moins rapprochées selon la nature des risques envisagés, il est essentiel de développer dès à présent des stratégies de réponse et de prévention adéquates. Sur ce point, les experts du GIEC insistent sur le fait que l’effort d’atténuation (visant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre) ne suffira pas et appellent au développement de stratégies combinant atténuation et adaptation (celle-ci visant à la diminution de l’exposition et de la vulnérabilité, à l’amélioration de la résilience).
8Répondre aux enjeux liés à l’adaptation, en sus de ceux liés à l’atténuation, nécessite d’impliquer une encore plus grande diversité d’acteurs. Dans ce contexte, il est devenu particulièrement ardu d’élaborer une vision d’ensemble des solutions possibles. Il est d’ores et déjà évident qu’il n’y aura pas une solution miracle, mais qu’une multitude d’actions seront nécessaires. Conduites et articulées intelligemment, celles-ci devraient permettre d’emprunter des trajectoires plus ou moins vertueuses. Mais cette articulation est difficile à penser, car elle implique une grande variété d’acteurs travaillant à des échelles différentes et s’inscrit dans une temporalité spécifique - le temps du climat est le temps long. A minima, nous savons que, pour organiser le passage entre le singulier et le pluriel et faire le pont entre hier, aujourd’hui et demain, il faut disposer de récits communs. À défaut, on voit mal comment construire un « itinéraire des solutions » qui soit en mesure de tenir compte de la diversité des dynamiques propres à chaque champ et à chaque échelle d’action tout en s’inscrivant dans un mouvement d’ensemble cohérent.
9Voilà qui résume les difficultés et les enjeux entourant l’organisation d’une journée d’étude sur les « solutions » au « problème du climat » aujourd’hui. Ce n’est pas un hasard si beaucoup des manifestions organisées dans la perspective de la COP21 s’adressent à des communautés d’acteurs spécialisées : la société civile se mobilise de son côté, les industriels de l’énergie se réunissent du leur, tandis que les académiciens débattent en cercle fermé. Chaque groupe d’acteurs se confronte à la question du climat dans le cadre bien maîtrisé de ses propres récits. Malgré les efforts de la CCNUCC, il semble que nous soyons encore loin de voir émerger des « récits du futur » véritablement communs. Le GIEC fournit des éléments essentiels, mais son domaine de prédilection est le diagnostic ; et, pour ne pas envahir la sphère des négociations politiques, les experts restent relativement vagues sur le chapitre des solutions. Or, la question posée par les changements du climat est justement celle de savoir dans quelle mesure, et de quelle manière, la multitude des acteurs concernés pourront s’entendre sur un « itinéraire des solutions » d’autant plus réaliste qu’il correspondra à la mise en œuvre d’une ambition partagée.
10En choisissant d’intituler cette journée d’étude « Changer avec le climat ! », le comité de pilotage a voulu marquer la nécessité d’un changement de dynamique dans la manière dont les acteurs eux-mêmes se saisissent de la question climatique. Dans cette optique, il a veillé à réunir des personnalités issues d’horizons sectoriels, culturels et générationnels différents. Chercheurs, ingénieurs, étudiants, membres de l’administration, d’académies, d’établissements publics ou d’universités, d’entreprises ou d’associations de la société civile, tous ont été invités à engager une réflexion aussi ouverte et prospective que possible, avec pour seule contrainte de considérer des itinéraires combinant atténuation et adaptation.
11Il a été décidé d’articuler la journée en deux grands blocs thématiques, la matinée étant consacrée aux enjeux et aux conditions de l’action et l’après-midi au cycle du carbone et à ses composés (voir le programme joint en annexe). Grands exposés et tables rondes ont été alternés de manière à respecter un certain équilibre entre visions d’ensemble et retours d’expériences.
12Placée sous la présidence de Christian Kert, la matinée visait à dresser un panorama exploratoire des solutions.
13Difficile d’engager un tel exercice sans commencer par parler des leviers politiques et économiques de l’atténuation. Pour cela, nous avons fait appel à François Valérian du Conseil général de l’Économie, historien et économiste, professeur associé au Conservatoire national des Arts et Métiers, en lui demandant de se projeter au-delà des négociations de décembre 2015 : peut-on évaluer l’impact économique des changements du climat ? Quels sont les biais liés aux mécanismes de taxation et de quotas ? En quoi la politique climatique de l’Europe est-elle singulière ?
14Dans un second temps, nous avons souhaité aborder la question des solutions technologiques. Entre croyance aveugle dans les miracles de la science et scepticisme systématique, comment raison garder ? Au-delà des effets d’annonce, quelle est la contribution relative des différentes solutions « bas carbone » (énergies renouvelables, biomasse, nucléaire, etc.) au bilan énergétique actuel ? Quelles évolutions peut-on envisager ? Des progrès des énergies renouvelables aux enjeux du stockage de l’électricité en passant par la séquestration de CO2, quelle est la part de défi et quelle est la part d’utopie ? Quel est le rôle joué par les subventions étatiques sur la viabilité des modèles économiques de technologies telles que le captage et le stockage du CO2 (CCS) ? Quels sont les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre ? Olivier Appert, président du Conseil français de l’Énergie, ex-président de l’IFPen, et membre de la Commission sur l’énergie et le changement climatique de l’Académie des Technologie, a bien voulu nous faire part de son point de vue sur ces sujets.
15Dans un troisième temps, il nous a paru important d’ouvrir le débat aux enjeux de société. Nous avons préféré la formule de la table ronde à celle de l’exposé magistral, afin de laisser la place à des récits différents. Thierry Gaudin, président de Prospective 2100, a accepté de piloter l’exercice, s’entourant pour cela d’Eric Brun, chercheur à Météo France et chargé de mission auprès de l’ONERC, de Vaia Tuuhia, déléguée générale de l’association 4D, et d’Yves Le Bars, président du Comité français pour la solidarité internationale. La société civile a un rôle essentiel à jouer dans la résolution du problème du climat. D’une part, la transformation, à l’échelle collective, des modes de production et de consommation ne peut se faire sans un profond bouleversement des comportements individuels. D’autre part, les politiques d’atténuation et d’adaptation sont toujours mises en œuvre in fine à l’échelle des territoires. C’est pourquoi il est crucial de s’intéresser à la manière dont les citoyens imaginent leur vie future sachant que le climat va changer - ce qu’a exploré l’association 4D - et de réfléchir à la manière dont les politiques climatiques nationales et internationales pourraient être articulées avec les initiatives de terrain. Les récits experts établis par le GIEC permettent d’opérer certains sauts d’échelle, mais le passage du constat à l’action reste difficile. On se heurte inévitablement à la question des inégalités. Toutes les populations ne sont pas égales face aux risques climatiques, ni en termes d’exposition aux aléas, ni en termes de vulnérabilité, ni en termes de capacités d’adaptation. Un exemple est la raréfaction des ressources en eau potable. C’est un enjeu qui concerne plus particulièrement certains territoires, mais qui peut devenir un problème régional voire global si, comme certains le supposent, le manque d’eau potable induit des mouvements migratoires massifs. L’inégalité géographique ne touche pas que les populations humaines, elle impacte également les écosystèmes. Le défi climatique s’articule donc intimement avec ces autres défis que sont la lutte pour le développement humain et celle pour la préservation de la biodiversité.
16La séance de l’après-midi, présidée par Guillaume Benoit du Conseil général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces ruraux (CGAAER), avait pour ambition d’établir un lien entre les connaissances scientifiques sur le cycle du carbone et trois champs d’action possibles. Les zones d’interaction entre le cycle du carbone et les activités humaines sont autant de fenêtres d’action possibles pour réguler les déséquilibres induits par les activités humaines. Nous avons choisi de nous intéresser à la zone, particulièrement critique, qui s’étend du sous-sol aux sols mobilisés à des fins agricoles et forestières. Celle-ci est symptomatique de la complexité des interactions à l’œuvre entre le système naturel et le système humain. Elle illustre bien le contexte d’incertitude dans lequel se place le processus de décision sur la question climatique, tout en montrant qu’il existe des opportunités à ne pas manquer. En dépit de son importance, elle est pourtant assez peu présente dans les débats actuels qui lui préfèrent en général des questions plus « urbaines », comme les transports ou la rénovation des bâtiments.
17Nous avons invité Philippe Ciais, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, à présenter brièvement le diagnostic scientifique établi par le GIEC sur le fonctionnement du cycle du carbone. Trois tables rondes ont été programmées ensuite, qui ont servi de cadre à une réflexion très concrète sur l’articulation entre diagnostic scientifique, enjeux politiques et économiques, et filières et territoires.
18La première table ronde, pilotée par Guillaume Benoit, réunissait Jean-François Soussana de l’Institut national de la recherche agronomique, David Crespo, fondateur de l’entreprise Fertiprado, et Bernard Tardieu de l’Académie des Technologies. Elle était dédiée à l’utilisation des sols pour l’agriculture et l’élevage face au double enjeu du défi climatique et de la sécurité alimentaire. Le sujet est d’autant plus complexe que les territoires concernés sont encore une fois très inégaux, aussi bien en termes de qualité des sols que de ressources en eau, ou bien encore quant à leur capacité de résistance aux impacts des changements du climat. Dans quelle mesure une transformation des usages pourrait-elle permettre de réduire le carbone en excès, que ce soit par stockage ou par substitution ? Est-on capable aujourd’hui de procéder à des inventaires chiffrés ? Quels scénarios imaginer qui combineraient atténuation et adaptation ? Le CO2, molécule autour de laquelle se cristallisent les négociations internationales, est-il la seule molécule importante à considérer ? Qu’en est-il par exemple du méthane ?
19La seconde table ronde, consacrée aux forêts et à la filière bois, était pilotée par Jean-Luc Peyron du GIP ECOFOR et réunissait Antoine Colin de l’IGN et Estelle Vial de l’Institut technologique FCBA. Les forêts agissent comme des puits de carbone, mais elles fournissent aussi du bois qui peut servir de matériau de substitution. Se pose là encore la question de trouver un équilibre entre effet de stockage et effet de substitution, dans un contexte où il semble particulièrement difficile de réaliser des inventaires exhaustifs.
20La dernière table ronde, pilotée par Didier Bonijoly du BRGM, était dédiée à la séparation, la séquestration et la valorisation du CO2 et réunissait Anne de Béthencourt de la Fondation Nicolas Hulot, Daniel Clément de l’ADEME, Valérie Czop d’EDF et François Clin du BRGM. Peut-on intégrer le carbone dans un modèle d’économie circulaire ? Les efforts réalisés par les industriels de la filière de séquestration du CO2 sont indéniables, mais ils s’avèrent peu rentables dans le contexte économique et politique actuel. S’agit-il de la seule voie d’avenir ? Quelles sont les perspectives ouvertes par l’ingénierie chimique ?
Perspectives
21S’il ne fallait retenir que quelques-uns des nombreux messages de la journée du 30 juin 2015, on pourrait retenir les suivants.
- Il est difficile d’évaluer l’impact économique exact des changements du climat, mais le coût de l’inaction peut s’avérer élevé alors qu’une action raisonnée permettra toujours de dégager des co-bénéfices.
- Il est important de prendre conscience du fait qu’en raison de la forte dépendance de l’économie mondiale vis-à-vis des énergies fossiles, la transition vers une énergie bas carbone prendra du temps.
- Il ne faut pas s’attendre à ce qu’une solution technologique soit capable à elle seule de résoudre miraculeusement le « problème du climat », mais l’investissement dans la recherche et l’innovation doit permettre de mieux anticiper les changements à venir et de diversifier le panel des solutions envisageables. À cet égard, le stockage de l’électricité est un enjeu technologique majeur, tandis que l’ingénierie chimique semble être en mesure d’ouvrir à terme des perspectives intéressantes.
- Les « itinéraires de solutions » passent par une transformation des usages dans différents secteurs. Le « secteur des terres » (AFOLU en anglais : Agriculture, Forestry and Other Land Use) est un champ d’action déterminant tant du point de vue de l’atténuation que de l’adaptation.
22On peut se féliciter du fait que la conférence ait atteint son objectif de transversalité. Accueillie dans le Centre de conférence Pierre Mendès-France à Bercy, elle a été ouverte et clôturée par un représentant du ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique (Luc Rousseau, vice-président du Conseil général de l’Économie), un représentant de la ministre de l’Écologie et du Développement durable (Pascal Dupuis, chef du service Climat et Efficacité énergétique) et un représentant de l’Assemblée nationale (Christian Kert, qui est également le président de l’AFPCN). Elle s’est déroulée devant une assistance composée d’environ 80 personnes issues d’horizons variés : membres du Conseil général de l’Économie, du Conseil général de l’Environnement et du Développement durable, du Conseil général de l’Agriculture, membres de l’AFPCN et de ses institutions partenaires, mais aussi scientifiques, experts, professionnels de la gestion des risques, représentants du monde associatif et de la société civile, élus locaux ou encore étudiants.
23Quelques jours plus tard, s’est tenue la conférence scientifique de la COP21. L’intitulé choisi par les organisateurs, « Notre avenir commun face au changement climatique », soulignait lui aussi l’importance d’inscrire « le problème climatique » dans le récit d’un avenir commun. La conférence scientifique de la COP21 a montré l’extraordinaire diversité des approches actuellement développées par les chercheurs et a confirmé la pluralité des solutions. Elle a été aussi l’occasion d’interroger la pertinence de la formulation actuelle du « problème du climat ». De plus en plus d’observateurs considèrent en effet que l’institutionnalisation de la question climatique en a gêné la résolution. Leur raisonnement est le suivant : si la création du GIEC et la mise en place de la Convention internationale sur le changement climatique ont eu le mérite d’inscrire le « problème du climat » à l’ordre du jour des négociations internationales, ils ont eu pour effet pervers d’enclaver la question climatique en l’isolant, un peu artificiellement, d’autres questions qui lui sont pourtant corrélées, comme celles des modes de production et de consommation, du développement, de l’utilisation des ressources et des politiques énergétiques des pays. En d’autres termes, il se peut qu’en ayant pensé, dès l’origine, le problème du climat à l’échelle globale, on ait fait abstraction des enjeux et des conditions de l’action à l’échelle nationale et locale. Avancer dans le traitement du « problème du climat » peut alors consister à inventer des stratégies politiques globales tout en gardant à l’esprit que celles-ci ne deviendront effectives qu’en s’inscrivant dans le maillage complexe des acteurs concernés, qui est avant tout ancré dans les territoires. En quelque sorte, il s’agit de nous autoriser à rêver, tout en restant pragmatiques…
24En ayant permis à des acteurs venant d’horizons différents de se réunir pour échanger, la journée du 30 juin 2015 aura été l’occasion de faire un pas dans cette direction. Espérons que la publication de ce numéro de Responsabilité & Environnement permettra à ces ébauches de « récits du futur » communs de faire leur chemin. De son côté, l’AFPCN continue à travailler sur ces questions et prépare déjà plusieurs autres manifestations, dont une conférence-débat au sein des espaces Générations climat de la COP21 qui se déroulera le 8 décembre 2015. Celle-ci sera dédiée à l’intégration de la question climatique dans le cadre de la gestion des risques au travers de l’exemple concret des risques littoraux. Le groupe de travail du conseil scientifique ouvrira ensuite un cycle de réflexion sur la question de l’eau. En parallèle à ces travaux, l’AFPCN poursuit depuis plusieurs années une réflexion sur l’organisation de l’expertise sur le climat, qui a donné lieu à la diffusion d’un rapport en 2014. À l’issue de la COP21, il proposera une série de recommandations sur l’évolution future de l’expertise. La journée du 30 juin aura permis de poser des jalons supplémentaires à cette réflexion.
Notes
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[1]
Le conseil scientifique a mis en place un groupe de travail dédié à l’évaluation et à la gestion des risques liés au changement climatique. Après avoir organisé plusieurs séances de conférence/ débat suite à la publication du 5ème rapport d’évaluation du GIEC, il envisageait justement de s’intéresser aux enjeux et aux conditions de l’action contre les effets du changement climatique.
Site : http://afpcn.org/recherche-et-expertise/changement-climatique/. -
[2]
La Commission sur l’énergie et le changement climatique de l’Académie des Technologies s’attache à explorer les différents volets de la transition énergétique, et ce afin de préparer la concertation nationale en cours. Le défi climatique est un de ces volets.
Site : http://www.academie-technologies.fr/fr/commissions/ECC. -
[3]
L’ONERC est le point focal du GIEC en France. Rattaché au ministère de l’Écologie et du Développement durable, sa mission consiste en outre à collecter et à diffuser les informations liées au changement climatique. Il est aussi chargé de formuler des recommandations sur les mesures d’adaptation à envisager pour limiter les impacts de ce changement.
Site : http://www.developpement-durable.gouv.fr/-Observatoire-National-sur-les-.html. -
[4]
Le comité de pilotage de la journée du 30 juin 2015 était composé de Maud Devès et Paul-Henri Bourrelier, pour le conseil scientifique de l’AFPCN, de Pierre Couveinhes et François Valérian, pour le Conseil général de l’Économie, de Bernard Tardieu, en tant que président de la commission ECC de l’Académie des Technologies, et de Nicolas Bériot, en sa qualité de secrétaire général de l’ONERC.