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Article de revue

Nouvelles revues

Pages 119 à 131

Celebrity Café. Chroniques - Poésie expérimentale - Histoire des avant-gardes - Musique contemporaine - Danse - Arts plastiques - Intermedia

N° 1, juin 2013
Responsables de la publication : Jean-François Bory, Sarah Cassenti et Jacques Donguy
Adresse : A.D.L.M.
79, rue Saint-Martin
F-75004 Paris
ISSN : 2268-8846
304 pages, 15 €

Contemporanéité de la poésie expérimentale

1 Actuellement, il semblerait que la contemporanéité du champ de l’art contemporain se définisse largement par sa capacité à absorber ou réactualiser l’héritage des avant-gardes historiques et des néo avant-gardes. Ce phénomène s’observe dans les pratiques artistiques elles-mêmes, notamment à travers des stratégies d’appropriation et de réassemblage d’éléments du modernisme (transsubstantiation d’une chaise Eames et d’un vélo en refondant leurs métaux respectifs chez Simon Starling, installation citant le ballet d’Oskar Schlemmer de Haegue Yang, par exemple) et dans les récentes tendances curatoriales. En effet, un nombre significatif d’expositions est aujourd’hui consacré aux formes entretenant historiquement une relation ambivalente – voire antagoniste – avec le white cube et avec les institutions (comme la performance ou le cinéma expérimental), aux « redécouvertes » de figures « mineures », et de mouvements qui n’ont pas été canonisés par l’histoire et la critique d’art occidentale (entrée des conceptualismes est-européens consacrés par une certaine « ostalgia » en vogue), ou encore aux productions plus obscures d’artistes illustres, à l’instar des poèmes du sculpteur minimaliste Carl André. En ce qui concerne la poésie, – quand on la dit « concrète », « visuelle », ou encore « sonore » – sa présence dans les musées et espaces d’arts contemporains est en nette augmentation, principalement sous la forme d’exposition historiques (Dieter Roth au MoMa en 2004 et 2013, Kitasono Katue au LACMA, et respectivement l’exposition de Ferdinand Kriwet au Fri-Art et la double exposition consacrée au père de la poésie sonore, Henri Chopin, chez 1m3 et New Jerseyy, qui ont lieu en cette fin d’année en Suisse), ou à travers la réactualisation de ces pratiques chez des artistes comme Karl Holmqvist ou Young-Hae Chang Heavy Industries. Ce regain d’intérêt pour ces écritures hybrides, à la croisée de la poésie, de la typographie et des arts plastiques, se manifeste également au niveau de la production éditoriale, avec la publication récentes des poèmes à la machine à écrire du moine bénédictin et artiste Dom Sylvester Houedard chez Occasional Papers et la republication par Primary Information du volume phare An Anthology of Concrete Poetry édité par Emmett Williams en 1967, ou déjà les Complete Minimal Poems d’Aram Saroyan en 2007 chez Ugly Duckling Press.

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2 Éditée par Jacques Donguy, Sarah Cassenti et Jean-François Bory (respectivement poète et ex-galeriste, designer et poète), et dont la vocation est d’ancrer « la création d’aujourd’hui – en poésie, en musique, en danse, dans les arts plastiques et les pratiques intermedia – dans les avant-gardes du début du xx e siècle », ce premier numéro de la revue Celebrity Café, d’un peu plus de trois cents pages, apporte une contribution originale à cette reconfiguration de la sphère artistique. Dans l’éditorial et le texte qui inaugure le volume, « Vers la post-écriture ou la médiapoésie » signé Donguy, une généalogie des expérimentations en poésie est esquissée. Pour les éditeurs, il s’agit en effet de redonner sa place à l’« expérimental » comme noyau des productions du xx e siècle et de faire « l’inventaire » de cette période, entreprise qui nécessite de repartir de la multiplicité des procédés d’extension, de réduction et de déconstruction de la langue, trop souvent mal compris comme manifestation limite du langage. La poésie sonore – mégapneumes de Gil J. Wolman, crirythmes de François Dufrêne et audiopoèmes d’Henri Chopin – fait écho, nous dit Donguy, aux travaux de Cage et Henry dans le champ de la musique. Le Lettrisme et sa peinture hypergraphique, sa musique aphonique et ses principes esthétiques basés sur l’organisation des lettres et des phonèmes croise et anticipe la poésie concrète et l’art conceptuel. Quant à Augusto de Campos, ses recherches l’ont mené du concrétisme poétique à un travail d’animation numérique et à la production d’un CD-ROM.

3 Le texte d’Eugen Gomringer, à qui l’ont doit d’avoir inventé la poésie concrète en Suisse, au même moment qu’Oyvind Fahlström en Suède et les frères Augusto et Harold de Campos au Brésil, permet quant à lui de retracer une histoire alternative mais complémentaire à celle présentée en introduction. L’auteur de konstellationen, ideogramme, stundenbuch revient ici sur ses trois influences majeures, à savoir l’art concret et les principes définis par Max Bill, une conférence à l’Université de Berne dans les années 1940 sur l’œuvre d’Arno Holz et la cybernétique de Norbert Wiener. De façon cruciale pour l’histoire de ces objets, Gomringer précise aussi qu’il ne s’inscrit pas dans la continuité de Dada, et que ses méthodes de réduction et d’organisation typographique du mot participent plutôt d’une esthétique de l’information et de la communication telle que théorisée par Max Bense, philosophe proche des poètes concrétistes.

4 La singularité de chacune de ces pratiques et le champ hétérogène qu’elles dessinent qui sont articulés dans les textes de Donguy et Gomringer se retrouvent également dans la composition de la revue. Celebrity Café procède par montage de genres et de périodes. Les documents historiques (dossier consacré à Henri Chopin, textes et travaux des années 1960 de Bory, article de ce dernier sur Kitasono Katue et la poésie d’avant-garde japonaise des années 1920 entre autres) y côtoient textes théoriques (à l’instar de la contribution de Jean Ricardou sur la Textique, discipline qui ambitionne de développer « une théorie unifiante des structures de l’écrit », dont il est le fondateur) et la présentation de travaux actuels (par exemple les poèmes visuels « performatifs » de Jacques Demarcq qui rejouent les méthodologies artistiques d’un Malévitch ou d’un Calder et la proposition pour le film The Unplayed Notes du plasticien Loris Gréaud). Si le contenu de Celebrity Café est bel et bien interdisciplinaire, ses ambitions de réactualiser la pertinence et la force d’une culture intermédiatique telle qu’elle a été formulée par Dick Higgins dans sont texte Intermedia en 1966, synthétisée dans l’Expanded Arts Diagram de George Maciunas la même année, et déployée par les artistes de la nébuleuse Fluxus, souffre d’une dissonance entre les matériaux historiques et les productions contemporaines présent(é)es dans l’ouvrage. Des travaux tels que Aromapoetry (dont le titre parle pour lui-même) d’Eduardo Kac ou Contact (performance de poésie action numérique) du collectif HP Process (alias Hortense Gauthier et Philippe Boisnard) me paraissent problématiques quant à leur capacité à produire et définir un milieu pour la poésie expérimentale. En effet, dans leur volonté de l’élargir à d’autres domaines (sensoriel pour la première, centrée sur le médium pour la seconde), ces travaux tombent dans une forme de téléologie artistique, dont le corollaire, aujourd’hui, est un effet de désuétude. Contact, pour ne prendre que cet exemple, en combinant poésie et technologie numérique, inscrit la première dans une pensée linéaire du médium – traditionnel, intermédia, « nouveau » média, l’accélération culturelle et technique remettant en question ces catégories – plutôt que de soulever la pertinence de ces distinctions. Par ailleurs, la même critique peut être faite au design graphique de la revue, dont la typographie est paradoxalement, compte tenu des ambitions de la revue par rapport à l’héritage des avant-gardes historiques (nous pensons autant à Schwitters qu’à Tschichold), plus proche du langage infographique des années 1990 que des réactualisations actuelles en design de fontes telles que pratiquées par des studios comme Swisstypefaces.

5 L’intérêt de Celebrity Café réside plutôt dans le matériel glané en archive, à l’instar de l’excellent dossier consacré à Henri Chopin, qui inclut notamment des extraits de sa longue (1963-1971) correspondance avec le dadaïste Raoul Hausmann. Connu pour ses poèmes sonores, à la machine à écrire et comme éditeur de la revue Ou, on lui doit aussi deux films : Pêche de nuit (1957) et L’énergie du sommeil (1966). Celebrity Café republie un texte de Chopin de 1963 sur ce premier travail, resté jusqu’à présent presque inaccessible au lectorat francophone. Pêche de nuit est basé sur un audio-poème homonyme de Chopin ; le son précède donc l’image, créée à partir d’éléments graphiques abstraits du peintre belge Luc Peire, le film étant réalisé par le cinéaste amateur Tjerk Wicky. D’une durée de 12 minutes, le film voit les composantes de Peire s’assembler avec des éléments (des gouttes d’eau) filmées par Wicky, pièce qui évoque formellement Ein Lichtspiel Schwarz Weiss Grau de Moholy-Nagy. Conformément au projet de Chopin, Pêche de nuit est présenté au festival du cinéma d’avant-garde de Knokke-le-Zoute en août 1963 et remporte le prix Signal du film expérimental à Anvers la même année.

6 Une partie de son œuvre est depuis peu régulièrement exposée en musée et galeries ; dans le contexte du soi-disant « tournant cinématographique » de l’art, ses films sont redécouverts. Plus globalement, ce phénomène peut être appréhendé selon les termes de ce que le théoricien Christophe Hanna a qualifié d’« artification de la poésie » c’est-à-dire la dynamique de reconfiguration d’une pratique devenu identifiable par ce processus même par rapport à « une représentation dominante de l’art en général ». Cette reconfiguration de la poésie en « art contemporain », si elle est critiquable à bien des égards, permet d’indiquer ce qui s’identifie en tant que contemporain, l’œuvre d’art ne pouvant plus être appréhendée d’après ses qualités prétendues intrinsèques, mais ouvrant sur ses potentialités de redéfinition du monde sensible. Si le poète anglais Bob Cobbing célébrait Chopin pour avoir transcendé l’intellect, réalisé la réunion de la poésie et de la musique et nous avoir fait entrer dans « l’ère gazeuse », Celebrity Café peut être saluée pour sa collection riche de pratiques qui renégocient les relations entre le langage, écrit et son, de façon bien concrète.

7 Adeena Mey

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Échappées. Revue annuelle d’art et de design Recherches de l’École supérieure d’art des Pyrénées, Pau /Tarbes

N° 1, décembre 2012
Responsable de la publication : Martine Moureu
Adresse : École supérieure d’art des Pyrénées Pau-Tarbes
74, allées de Morlaàs
F-64000 Pau
Tél. : 05 59 02 20 06
Courriel : administration-pau@esapyrenees.fr
http://recherche.esapyrenees.fr/echappees
100 pages, 12 €

8 On aurait presque parié que les écoles d’art et de design seraient plutôt tentées par la dématérialisation et joueraient davantage la carte des revues électroniques. Erreur grossière ! L’afflux d’informations sur le net dans ces domaines spécialisés conduit à tirer une conséquence tactique. Pour rendre visible un travail original, le print (comme on dit dans ces milieux) n’a rien perdu de son charme. C’est pourquoi l’on voit fleurir ces derniers temps les revues d’écoles supérieures d’art et de design.

9 Il convient de préciser que l’objet revue remplit, en l’occurrence, certaines fonctions particulières, lorsqu’elle est élaborée dans un temps dédié avant tout à la formation de jeunes artistes ou designers. Elle répond autant au désir de mettre en circulation des recherches d’ordre théorique qu’à l’ambition de publier des travaux d’élèves : les jeux de l’amour et du hasard appliqués aux catégories indépassables de la théorie et de la pratique.

10 Pédagogie et recherche sont les deux exigences affirmées en édito par les deux créatrices et responsables de la rédaction Échappées, Corinne Melin et Chrystelle Desbordes. L’articulation théorie/pratique doit aussi devenir l’obsession des étudiants apprentis artistes ou designers. Le résultat est tout à fait convaincant.

11 Compte tenu de ces conditions de réalisation, la revue devient également par la force des choses un objet de promotion d’une école, de ses étudiants les plus brillants et de ses enseignants. Ces derniers ont dû certainement faire preuve d’une belle détermination pour aboutir à un tel résultat né de l’association de deux écoles supérieures d’art (ESA) de la région Pyrénées, divisées en deux sites complémentaires à Pau et à Tarbes. La maquette, d’une conception graphique sophistiquée et efficace, a été mise au point par une étudiante de Pau. Elle est conçue sur le principe de la division : pas de jaloux, chaque école se voit affectée la moitié du numéro, afin de développer son propos en toute égalité avec l’autre site pyrénéen. À mi-parcours, le lecteur retourne la revue pour passer à un autre questionnement. Deux versants sont au sommaire, correspondant chacun à un séminaire : « L’invisible est réel » pour Tarbes et « Les pensées du design » pour Pau.

12 L’invisible est ce qui tend à devenir visible, pourrait-on hasarder, un peu comme André Breton a dit de l’imagination qu’elle aspire à devenir le réel. La question de l’invisible se formule ici à partir de présupposés théoriques empruntés tant à Merleau-Ponty qu’à Didi-Huberman ou Arasse. Quant aux fantômes de Warburg, ils n’en finissent pas de nous hanter. On retiendra, particulièrement dans cette section, la stimulante approche proposée par Dominique Allios qui souligne l’intérêt synchrone, à partir des années 60, des archéologues et des artistes italiens de l’Arte Povera pour le rebut et les matériaux humbles. L’archéologue ou le tracéologue, comme l’artiste, s’emparent des vestiges modestes du passé pour donner sens, à partir d’eux, à l’invisible. Les recherches plastiques des étudiants se sont donc orientées sur cet apparent paradoxe d’un invisible accompagnant le visible comme son ombre.

13 Dans la partie consacrée aux Pensées du design, Bruce Bégout réfléchit à ce que signifie véritablement une authentique philosophie du quotidien, sensible à son arrière-plan d’inquiétante étrangeté et réclamant « autre chose que la chronique mielleuse des choses ordinaires que l’on bourre de citations d’auteurs classiques comme une dinde de Noël pour se donner le bon goût de penser. » Deux sociologues, Jérôme Denis et David Pontille, proches complices de Philippe Artières dans le travail d’enquête du site www.scriptopolis.fr, s’interrogent sur l’espace public comme lieu de l’écrit élargi. Ils prennent aussi en considération la masse réputée insignifiante de la « paperasserie » pour restituer la complexe « fabrique scripturale du monde ». Enfin, l’usager de l’objet est désormais placé au cœur de l’interrogation du designer et Échappées l’intègre à son désir de fonder ce que serait une pensée du design, en sollicitant une sociologue des usages et Tim Brown, le co-auteur de Design thinking, qui revisite la relation entre le concepteur et l’usager.

14 Dans la revue, la couleur orange ou bleue est réservée aux pages dédiées aux travaux des étudiants. Même si la place du discours est prédominante à travers les articles d’intervenants de divers disciplines invités par les deux écoles, les réalisations des étudiants n’ont pas un statut secondaire et constituent peut-être aussi les véritables moments d’échappées, lorsque s’ouvre l’horizon des sens multiples.

15 Jérôme Duwa

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Kanyar

N° 1, avril 2013, n° 2, novembre 2013
Directeur de la publication : André Pangrani
Adresse : 57, rue Pixérécourt
F-75020 Paris
Tél. : +33 642 632 799
Courriel : redaction@revuekanyar.com
Internet : www.revuekanyar.com
ISSN : 2266-7962
18 x 24 cm, 208/216 pages, 19 €

16 Courant juillet ou août, la formule peut légitimement fuser, tout du moins les bonnes années : « Quel kanyar ! » Mais il est douteux que si d’aventure on l’écrivait, on opterait spontanément pour cette orthographe réunionnaise. Que signifie au juste ce kanyar-là ?

17 On le découvre mis en situation dès la première nouvelle de cette revue, dont la maquette est tout à fait réussie : « Soixante kanyar somnolents au regard vaguement menaçant s’étaient réveillés, d’un seul bloc. Un bon point, avait d’abord pensé Lando, ils étaient venus, ils étaient là. » Le glossaire opportunément placé à la fin du récit précise pour le profane qu’un kanyar désigne en créole un vaurien, mi-paresseux, mi-voyou.

18 S’il renvoie à une réalité sociale repérable à La Réunion, il ne faudrait cependant pas confondre cette revue avec un organe explorant de manière exclusive ce DROM (Département et région d’outremer), comme on dit maintenant, de l’océan indien. Disons plutôt que l’île constitue le centre ou, pour faire plus couleur locale, le Chaudron, dans lequel cette revue mijote sous l’œil d’André Pangrani, à la fois directeur et auteur de deux textes dans ce numéro. Ses diverses expériences personnelles dans le domaine du livre, comme éditeur, scénariste de bandes dessinées ou rédacteur en chef de magazine transparaissent dans l’évidente qualité éditoriale de Kanyar et sans doute aussi dans le succès rencontré par cette première livraison tirée à 1 000 exemplaires.

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19 Comment caractériser au juste l’ambition de cette revue ? Elle tient peut-être dans son sous-titre : « On vous raconte des histoires ». Naturellement, cela peut s’entendre comme un avertissement ou un programme. L’ère du soupçon est derrière nous. Kanyar aborde sans prévention aux terres multiples de la fiction, c’est-à-dire qu’elle entend satisfaire autant que possible notre insatiable désir d’histoires avec une pointe de critique sociale. On ne cherchera donc pas ici de rubriques ou de fil directeur thématique. En revanche, on pourra y lire des nouvelles inédites, parfois attachantes. Citons, par exemple, le récit d’ouverture d’Emmanuel Genvrin, Tulé ! Tulé !, qui esquisse le portrait d’un jeune kanyar, dont le destin bascule lors d’un séjour à Madagascar organisé dans le cadre politiquement correct d’une mission de solidarité.

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20 On retrouve une autre trajectoire marquée par la violence dans le récit Les Garçons d’Edward Roux. Après une rencontre avec Jésus en chair et en os dans Le Pouvoir de Cordélia de Xavier Marotte et une descente du fleuve Congo entre un prophète et Miss Équateur (Olivier Appollodorus), le lecteur s’abandonne avec plaisir à la densité végétale que dégage le texte de Cécile Antoir : Chambre verte. Laissons-nous prendre : « Il est trop tard pour s’extraire de cette clairière, j’ai trop d’air, trop de mousse, trop de feuilles dans le corps ». L’auteur fait partie des écrivains qu’on peut retrouver au sommaire de Kanyar n° 2, lequel a paru en novembre 2013, sous une couverture très efficace de Conrad Botes.

21 Jérôme Duwa

Mét(r)onymie

N° 1, avril 2013, n° 2, juin 2013, n° 3, décembre 2013
Directeurs de la publication : David et Raphaël Barral
Adresse : 16, rue Sainte-Anastase
75003 Paris
Internet : www.metronymie.com
ISSN : 2266-4971
16 x 24 cm, 48/62 pages, 3/4 €

22 À l’heure des mornes séjours dans les transports en commun, il est encore des gens pour lever le nez de leur journal gratuit et regarder dans les yeux le métro filer sa course folle ! D’autant plus folle que le voilà lancé dans une ronde autour de Paris qui le verra se courir après la grande boucle quelques longues années avant que le « Grand Paris » ne dessine de nouvelles frontières à la capitale. Ces frontières, ce sont justement celles que la revue Mét(r)onymie s’est mis en tête d’interroger, de secouer, de traverser d’un pas alerte à la recherche de ce qui dessine la vraie carte sensible d’un vivre ensemble métropolitain se lovant tant bien que mal dans les détours des boucles de la Seine.

23 Déjà trois numéros et la fougue ne tarit pas, la naïveté rafraîchissante vient secouer le cocotier des édiles et des urbanistes de tout poil dans un patchwork de formes qui vous fait voyager d’un bout à l’autre des numéros suivant vos humeurs.

24 Et n’attendez pas de cette entreprise familiale qu’elle vous ressasse les mille petites anecdotes de Fulgence Bienvenüe et des inondations de 1910. Son terrain de jeu est ce « présent qui se cherche un futur » qui nous passe volontiers à côté et qui transforme la ville sans qu’on s’en aperçoive. Prendre son destin en main, et relever le gant des politiques pour voir si finalement se dégage, au fil des mots, un dessein à ce « Grand Paris » déjà statufié avant de naître, tel est l’ambition de Mét(r)onymie.

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25 Un petit rappel pour ceux qui ont loupé le coche, ou que les turpitudes péri-périphériques laissent de marbre. En 2007, dans un élan de grand projet présidentiel mâtiné de jalousie à peine voilée vis-à-vis du Grand Londres de la perfide Albion d’en face, Nicolas Sarkozy met en branle un pseudo-concours international assez franco-français, en vue de repousser les limites étriquées des antiques fortifs, devenues au gré des trente glorieuses la plus circulaire des prisons autoroutières. Tout le gratin des urbanistes, architectes et penseurs de la ville se rue avec une ardeur non feinte dans la brèche, et sort en quelques mois dix projets tonitruants repoussant les limites de la timide ville lumière, qui jusqu’à Aubervilliers ou la Plaine Saint-Denis, qui jusqu’au Havre de Grâce. Las, l’enthousiasme présidentiel s’étant vite détourné vers d’autres cieux, que reste-t-il aujourd’hui de ce flamboiement initial ? Un vaste projet de transport (le Grand Paris Express) et une esquisse de moment historique, pris aux mots par la revue Mét(r)onymie, histoire ne pas rater l’occasion d’ouvrir en grand un questionnement voué à se rabougrir après que la fougue performative sarkozyenne l’a abandonné sur la margelle des fonts baptismaux, sans parrain ni marraine.

26 Qu’à cela ne tienne, la joyeuse bande de Mét(r)onymie ne s’en laisse pas compter et part à la recherche du Golem, bien décidée à n’esquiver nul obstacle. Foutraque à souhait mais animée d’un louable désir de comprendre, la revue bat le pavé et apostrophe sur son passage architectes, urbanistes, politiques, grand commis et petit faiseur, dans des entretiens qui laissent le temps à l’interlocuteur d’apporter sa petite pierre à la réflexion en cours, d’exposer sa vision et de confronter ses approches au fil des numéros.

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27 Mais n’allez pas croire que seuls la sociologie et l’urbanisme théorique ont droit de cité. La Bête a de nombreuses têtes, et Mét(r)onymie n’est pas du genre à se laisser pétrifier par la première Méduse venue. Elle sait aussi aiguiser son regard sur la ville auprès de regardeurs en tous genres, cinéaste ou photographe, et se plaît à alléger son propos en parsemant ses pages de rubriques joviales, comme ce championnat des maires d’Île -de-France, que l’on suit de numéro en numéro et qui tricote, sous couvert de métaphores footballistiques récréatives, un feuilleton très amusant des pratiques comparées des édiles de nos arrondissements et de nos banlieues. De la loi SRU aux « pratiques culturelles » et autre cumul des mandats, elle distribue les bonnes notes et les coups de crampons, et l’on égrène le classement avec intérêt et amusement (il se trouve p. 19 du numéro 3). Nul doute que les élections de mars prochain chambouleront le classement !

28 Si Mét(r)onymie peut donner l’impression de battre le pavé avec l’air dégagé du titi bien connu, elle refuse témérairement de laisser le grand projet se faire en catimini dans les arcanes ministérielles, visiblement refroidie par les expériences du passé, des grands ensembles aux villes nouvelles. On le serait à moins ! L’urbanisme serait-il une chose trop grave pour le laisser aux politiques ? Raison de plus pour ne pas oublier de sonder les méthodes bien françaises qui ont présidé aux ravages passés (voir l’article « L’art français des grands travaux » dans ce même numéro 3) tout en ponctuant sa réflexion de leitmotive réels ou imaginaires comme autant de vade-mecum à mâchonner. Exemple, cette sentence de Louis Chevalier à propos des villes nouvelles : « On a fini, en peu de saisons, par prendre au sérieux ce qui précédemment eût indigné, par accepter avec résignation […] ce sur quoi l’on avait bataillé. »

29 Pour accompagner leur vigilant enthousiasme, je leur en proposerais bien une autre pour qu’elle leur porte bonheur dans les numéros à venir. J’eus un jour la surprise de retrouver cette phrase de Faulkner en tête d’un discours de Christian Blanc, premier secrétaire d’État au Grand Paris, rapidement consumé dans les vapeurs de Havane : « Avoir des rêves assez grands pour ne pas les perdre de vue pendant qu’on les poursuit. »

30 Luc Guégan

31 (revue Sprezzatura)

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Politiques de communication

N° 1, novembre 2013
Éditeur : PUG Presses Universitaires de Grenoble
Responsable éditorial : Stéphane Olivesi
Adresse : Faculté de droit et de science politique
Univ. de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
3, rue de la Division Leclerc
F-78280 Guyancourt
Internet : www.revuepolitiquesdecom.uvsq.fr
Courriel : politiquesdecom.revue@uvsq.fr
ISSN : 2271-068X
15 x 22 cm, 268 pages, 25 €

32 Le n° 1 de la nouvelle revue Politiques de communication a paru à l’automne 2013, aux Presses universitaires de Grenoble. C’est une revue universitaire, de chercheurs et pour les chercheurs, elle « se propose d’éclairer la communication dans ses dimensions sociale et politique. Elle se fixe comme objectif la production de connaissances rigoureuses, étayées méthodologiquement, visant la mise au jour des logiques de la communication. »

33 La revue est constituée d’un dossier thématisé, ici « Journalisme : retour aux sources », et la première livraison est coordonnée par deux spécialistes de la sociologie du journalisme et des medias et de la sociologie de la communication, Jérémie Nollet (IEP de Toulouse) et Nicolas Kaciaf (IEP de Lille). Donc, ce premier dossier interroge la notion de « sources », en « se focalisant sur les interactions entre les journalistes et leurs interlocuteurs », dans leurs rapports de sollicitation ou d’évitement. Les articles répondent ainsi et naturellement aux axes principaux de la ligne éditoriale de la revue : la dimension politique de la communication, le politique dans la communication et la communication du politique. Il est difficile de résumer les approches complexes sans les caricaturer, mais prenons deux articles, pour illustrer à la fois la diversité des approches, des sujets eux-mêmes, et leurs analyses, qui ouvrent des pistes de réflexion sur le rôle des médias, et des acteurs de l’information.

34 « Sommets d’information » par exemple, décrit la logique de la présence des ONG dans les sommets internationaux de chefs d’État (ici le G8 de 2007 à Heiligendamm, en Allemagne) et décrypte les rapports des organisations avec les journalistes : un subtil jeu d’intérêts croisés et d’utilisation réciproque, aux effets rarement immédiats, parfois différés (objectif atteint pour l’ONG). Où l’on voit par cette étude que le professionnel des medias est à la fois une cible en soi et un « maillon » dans une longue chaîne allant de l’ONG au politique. « Du vestiaire à la une, de la une au vestiaire » analyse quant à lui l’emballement médiatique qui suivit l’altercation d’Anelka et de Domenech dans un vestiaire lors de la mi-temps de la coupe du monde masculine de football en Afrique du Sud : loin de n’être qu’un reflet de la réalité, le récit journalistique d’un événement créé un événement, devenant un « fragment du réel », une composante de la réalité sociale.

35 On pose la revue avec une envie de lire toute la littérature portant sur le sujet des sources, mais également celle de travailler la bibliographie très fournie de chaque article. On ne le fera pas bien sûr, on attendra plutôt le prochain numéro : les thématiques des dossiers sont bouclées jusqu’en 2016, les appels à contributions sont consultables sur le site de la revue.

36 Voici ces thématiques :

  • n° 2 : De la Démocratie en entreprise. Dialogue social et représentation des salariés, printemps 2014 ;
  • n° 3 : S’engager sur internet, automne 2014 ;
  • n° 4 : Les ancrages sociaux de la réception ;
  • n° 5 : La fabrique du goût ;
  • n° 6 : Des “vraies gens” aux “followers”. Les mises en scène médiatiques de la parole publique à l’heure du numérique

37 Il faudra être patient jusqu’à l’automne 2015 pour lire le n° 5, qui traitera d’un phénomène contemporain particulièrement médiatisé. Et 2015, forcément, c’est loin : on aurait pu imaginer que le comité de rédaction soit plus audacieux et impose un rythme plus soutenu à la revue.

38 Elvire Lilienfeld

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