Notes
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[1]
Cet article, dont une première version a fait l’objet d’une communication au séminaire de l’Institut historique allemand à Paris, le 19 juin 2012, se veut une prolongation de la recherche résumée dans la présentation de notre édition de la correspondance entre Armand Petitjean et Jean Paulhan parue en 2011 : voir Paulhan-Petitjean, Correspondance 1934-1968, édition établie, préparée et annotée par Martyn Cornick, Gallimard, 2011 (ci-après Corr. JP-AP). La présente étude se fonde par ailleurs sur une riche documentation inédite retrouvée dans les archives laissées par Petitjean que nous avons l’intention d’exploiter plus abondamment dans sa biographie intellectuelle que nous préparons.
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[2]
Voir mon « Introduction », Corr. JP-AP, ainsi que M. Cornick, « Le renouveau critique à La NRF : Roger Caillois et Armand Petitjean », La Nouvelle Revue française. Les colloques du centenaire, Gallimard, 2013, p. 400-15 ; M. Cornick, « Voies et impasses en littérature : Armand Petitjean à La NRF de Jean Paulhan », disponible à http://www.fabula.org/colloques/document1722.php.
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[3]
Jean Paulhan-Gaston Gallimard, Correspondance, 1919-1968, édition établie, préparée et annotée par Laurence Brisset, Gallimard, 2011, p. 146.
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[4]
Tapuscrit autobiographique, Archives Petitjean.
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[5]
Corr. JP-AP, lettre 169, 5 juillet 1938, p. 195.
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[6]
A. Petitjean, « Dictature de la France », La NRF, avril 1938, p. 663-665.
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[7]
Voir lettres échangées entre Maurice Heine et Paulhan (Fonds Paulhan, IMEC, Abbaye d’Ardenne), la polémique avec Robert Aron dans La Flèche de Paris (Corr. JP-AP, p. 188-191). Dans une longue lettre du 7 avril 1938, Louis Blanchard (d’Esprit) reproche à Petitjean de fomenter une forme de « désespoir » (Archives Petitjean). Pour Monnier, voir sa Gazette des amis et des livres, juillet 1938, p. 45-49.
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[8]
Voir Esprit, mai 1938 ; Le Figaro, 8 avril 1938 ; L’Humanité, 2 et 3 juin 1938, et Jacques Duclos, Mémoires, t. 2, 1935-1939, Fayard, 1969, p. 297-311, surtout p. 299.
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[9]
A. Petitjean, « Après l’après-guerre », La NRF, septembre 1938, p. 478-488. Cf. l’important essai de Thierry Maulnier, « À propos de la décadence française », La Revue universelle, t. 74, 15 septembre 1938, p. 743-747.
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[10]
Corr. JP-AP, lettre 185, septembre 1938, p. 209.
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[11]
Corr. JP-AP, lettre 184, 20 septembre 1938, p. 207.
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[12]
Corr. JP-AP, lettre 187, 2 octobre 1938, p. 211.
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[13]
Voir « Leçon d’une mobilisation », Marianne, 9 novembre 1938 ; « Mussolini et Bismarck. Ce que le fascisme n’a pas changé », L’Ordre, 10 décembre 1938.
-
[14]
« Prière pour les Copains après la mobilisation de septembre 1938 », La NRF, novembre 1938, p. 757-760. Cf. Corr. JP-AP, lettre 187, 2 octobre 1938, p. 211.
-
[15]
Corr. JP-AP, lettre 189, 24 octobre 1938, p. 213.
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[16]
Voir l’important compte rendu par Petitjean du « magistral » livre-« monument » de Jacques Benoist-Méchin, dans « La “Victoire des vaincus”, Histoire de l’armée allemande depuis la guerre », Vendredi, 8 avril 1938. Tout cet article, écrit à la même époque que « Dictature de la France », serait à citer et à commenter.
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[17]
Corr. JP-AP, lettre 193, 4 novembre 1938, p. 215-216.
-
[18]
Ibid., p. 216.
-
[19]
Lettre datée du 8 novembre 1938, Archives Petitjean.
-
[20]
Lettre datée du 25 mars 1938, Archives Petitjean.
-
[21]
« Pour de Nouveaux Cahiers de la Quinzaine », prospectus [janvier-février 1939], Archives Petitjean. « Jean Guérin »-Paulhan y voit « moins le programme d’une revue que l’annonce d’une institution », et conclut à la nécessité de « réunir des États généraux » ; La NRF, mars 1939.
-
[22]
Notons que ce numéro aurait projeté l’inclusion d’études d’André Siegfried, Jacques Lacan, Paul Nizan…
-
[23]
A. Petitjean, « Péguy et nous », La NRF, juillet 1939, p. 5-13. Ici, Petitjean développe un discours déjà énoncé dans son article « Souvenirs, par Charles Péguy », Reflets de la semaine, 8 décembre 1938.
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[24]
Texte ms. sur deux feuillets, Archives Petitjean.
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[25]
Lettre de Georges Guy-Grand datée du 12 janvier 1939, Archives Petitjean. Commentant cette intervention, Benjamin Crémieux aurait traité Petitjean de « fasciste » ; Corr. JP-AP, lettre 223, 9 février 1939, p. 249. Nous reviendrons à cette question plus loin.
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[26]
A. Petitjean, « Introduction », Combats préliminaires, Gallimard, 1941, p. 9.
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[27]
Corr. JP-AP, lettre 232, 6 avril 1939, p. 260.
-
[28]
L’inédit de Péguy qui paraît dans La NRF de juillet 1939, présenté par Pierre Péguy, s’intitule « Par ce demi-clair matin », p. 14-42.
-
[29]
Lettres de Pierre et de Marcel Péguy des 19, 22, 27 février et du 10 mars 1939, Archives Petitjean. Il n’y a pas d’inédit de Péguy dans le Courrier.
-
[30]
Lettre d’André Ulmann datée du 13 mars 1939, Archives Petitjean.
-
[31]
Cf. François Furet, « Jacobinisme », dans F. Furet et M. Ozouf (dirs), Dictionnaire critique de la Révolution française, Flammarion, 1988, p. 752.
-
[32]
Archives de la Préfecture de Police, Paris, dossier 13.405, rapport daté du 4 mai 1939.
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[33]
Ce Soir, 5 mai 1939. Le mensuel Europe en donne le texte dans son numéro de juin 1939, p. 156-171, et Paulhan le signalera dans La NRF de juillet 1939, p. 176. Signalons enfin ce commentaire de Roger Ikor : « De toutes façons, les communistes sont vraiment les seuls constructeurs à gauche. Il est significatif que ta conférence manquée ait été publiée par Ce Soir » ; lettre datée du 24 mai 1939, Archives Petitjean.
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[34]
« La Condition du Mobilisable », Europe, 15 juin 1939, p. 157. C’est moi qui souligne le mot « consécration ».
-
[35]
Voir de Petitjean, « Ein künftiger Frontsoldat spricht zu Deutschland » [Un « mobilisable » parle à l’Allemagne], n° spécial « Frankreich-Deutschland » de Die Zukunft [L’Avenir], n° 17, 28 avril 1939, p. 13. Ce numéro est paru aussi en langue française. Début juin 1939, le rédacteur en chef de Die Zukunft invitera Petitjean à soumettre un article pour commémorer la Révolution française ; lettre de Werner Thormann datée du 7 juin 1939, Archives Petitjean. Sur les réseaux de Münzenberg, voir Stephen Koch, La fin de l’innocence : Les intellectuels d’Occident et la tentation stalinienne, trente ans de guerre secrète, Grasset, 1995.
-
[36]
Corr. JP-AP, lettre 234, 12 avril 1939, p. 262.
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[37]
Voir aussi Bruno Ackermann, Denis de Rougemont. Une biographie intellectuelle, Labor et Fides, 1996, I, p. 28.
-
[38]
Courrier de Paris et de la Province, « numéro 0 », p. 100-101.
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[39]
André Billy, « Propos de samedi », Le Figaro, 12 août 1939.
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[40]
Par ex., tapuscrit intitulé « Dantzig et l’Europe », daté du 22 août [1939], Archives Petitjean.
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[41]
Corr. JP-AP, lettre 264, 4 septembre 1939, p. 286. En 1917, Paulhan avait publié un livre intitulé Le Guerrier appliqué, chez Sansot.
-
[42]
P.-F. Charpentier, La drôle de guerre des intellectuels français (1939-1940), Lavauzelle, 2008, p. 57.
-
[43]
Corr. JP-AP, lettre 264, 4 septembre 1939, p. 287.
-
[44]
Corr. JP-AP, lettre 286, 3 novembre 1939, p. 316.
-
[45]
Par exemple, sur le « repos » : « J’ai toujours pensé que toute scorie, toute crasse humaines viennent du repos : qu’elles ne se brûlent que par l’exercice. Un homme qui ne cesserait d’être en éveil, écrivais-je à 17 ans (et il y avait vraiment là quelque chose de maniaque) serait immortel. Ce n’est pas la fatigue, mais le repos qui tue » ; Corr. JP-AP, lettre 305, 7 février 1940, p. 341.
-
[46]
Corr. JP-AP, lettre 306, 10 février 1940, p. 342.
-
[47]
Corr. JP-AP, lettres 274 et 276, 9 et 14 octobre 1939, p. 300 et 302-3.
-
[48]
Corr. JP-AP, lettre 276, 14 octobre 1939, p. 303.
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[49]
Corr. JP-AP, lettre 305, 7 février 1940, p. 342.
-
[50]
Dans ce texte, Petitjean traite de la question qui l’exaspère : « Qu’avons-nous fait en cinq mois de guerre ? […] Tranchées, permissions et repos… » ; Combats préliminaires, p. 139.
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[51]
Corr. JP-AP, lettre 322, 1er mai 1940, p. 359.
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[52]
Introduction de Petitjean aux « Témoignages sur la guerre », La NRF, juin 1940, p. 723.
-
[53]
Corr. JP-AP, lettre 326, 8 mai 1940, p. 363.
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[54]
Claire Paulhan nous a aimablement communiqué une copie des placards de ces textes avant censure (Fonds Paulhan, IMEC).
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[55]
J.-L. Crémieux-Brilhac, Les Français de l’An 40, II, Ouvriers et soldats, Gallimard, 1990, p. 514. Nous croyons avoir identifié « R.L. » Il s’agit de Roger Lardenois, dont nous avons repéré un tapuscrit incomplet.
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[56]
Tapuscrit intitulé « Nuits de noces à Forbach (mai 1940) », Archives Petitjean.
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[57]
Corr. JP-AP, lettre 334, 28 mai 1940, p. 369.
-
[58]
Lettres datées du 6 et du 9 juillet 1940, Archives Jean Ballard/Cahiers du Sud, Marseille ; sur Paulhan, voir Paul Giro, « Un véritable “séjour à Paris”. La NRF chez Joe Bousquet (juin-septembre 1940) », La Nouvelle Revue française. Les colloques du centenaire (op.cit.), p. 459-477.
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[59]
R. Ikor, Ô soldats de quarante !, Albin Michel, 1986.
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[60]
Corr. JP-AP, lettre 341, 17 juin 1940, p. 375-6.
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[61]
Corr. JP-AP, lettre 343, 17 juillet 1940, p. 377.
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[62]
Corr. JP-AP, lettre 349, 10 août 1940, p. 386-7.
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[63]
Corr. JP-AP, lettre 343, 17 juillet 1940, p. 378, et lettre de Lise Deharme datée du 23 juillet 1940, Archives Petitjean : « Tout à fait d’accord avec toi pour un vrai fascisme, d’ailleurs il est non seulement nécessaire mais urgent, car on attend le moindre prétexte pour rétablir l’ordre… »
-
[64]
Pour ce qui relève spécifiquement du projet de Petitjean, cf. R. Girardet, « Note sur l’esprit d’un fascisme français, 1934-1939 », Revue française de science politique, 5e année, n° 3, 1955, p. 529-546 ; G. Mosse, « Fascism and the French Revolution », Journal of Contemporary History, 24/1, 1989, p. 5-26 ; et S. Sand, « Les représentations de la Révolution dans l’imaginaire historique du fascisme français », Mil neuf cent, vol. 9, n° 9, 1991, p. 29-47.
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[65]
Lettre non datée [fin juillet/début août 1940], Archives Petitjean. Plus tard, Boutelleau se retrouvera dans les services de la jeunesse en Tunisie, jusqu’à son arrestation et déportation par les Allemands en juillet 1943 pour « activités gaullistes ».
-
[66]
Corr. JP-AP, lettre 351, 27 août 1940, p. 393-4.
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[67]
Cette note sera republiée dans le premier numéro de La NRF sous la direction de Drieu la Rochelle : « Le Moment de la Honte », La NRF, décembre 1940, p. 127-128.
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[68]
Corr. JP-AP, lettre 351, 27 août 1940, p. 393-4.
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[69]
Expression empruntée à Bernard Comte, dans Esprit : de novembre 1940 à août 1941, reproduction intégrale, éditions Esprit, 2004, p. 1155.
1 Pourquoi examiner la création du Courrier de Paris et de la Province, revue fondée par Armand Petitjean, codirigée par André Ulmann, et soutenue par Jean Paulhan au cours des mois qui précèdent et qui suivent l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale [1] ? L’intérêt ne relève pas du seul contexte historique, mais aussi du fait que les créateurs de la revue ont explicitement souhaité la placer sous le signe du souvenir de Charles Péguy. Le Courrier se voulait créer un lieu de rassemblement, de mobilisation et d’expression d’une puissante volonté d’action révolutionnaire face au climat politique du moment. Cette entreprise intellectuelle et revuiste originale a finalement été engloutie dans la guerre, cette guerre qui couvait déjà lors de la naissance du projet de la revue aux lendemains de l’Anschluss et des Accords de Munich en 1938. Le premier numéro – le numéro « zéro », d’essai – a vu le jour en juillet 1939 alors que la guerre était imminente. Le vrai numéro un, longuement préparé pendant la « drôle de guerre », ne paraîtra jamais. L’aventure du Courrier est d’autant plus passionnante qu’elle s’est poursuivie au-delà de l’éclatement de la guerre. Petitjean fera tous les efforts pour concevoir et continuer la composition de futurs numéros, tout en étant mobilisé au 8e régiment des Chasseurs à pied, actif sur le front de la Sarre dès septembre 1939, où les combats seront acharnés. Il sera indéfectiblement appuyé par Jean Paulhan, œuvrant en faveur du projet depuis ses postes d’observation à Paris et à Sartilly (Manche) où s’est réfugiée La NRF dès la déclaration de la guerre.
2 Nous ne reviendrons pas ici sur la manière dont Armand Petitjean est parvenu à occuper, si jeune et si vite, une place importante dans la vie intellectuelle à tel point qu’en juillet 1937, Jean Paulhan pouvait le qualifier de « génie » auprès de Gaston Gallimard [2] :
Je me demande si je vous ai dit, avec assez de conviction […], que Petitjean est un homme de génie ; […] qu’il pourrait devenir un très grand écrivain (et même qu’il le doit). […] Et je n’y mettrai jamais assez d’admiration. (Pour l’instant, il prépare les ambassades.) [3]
4 Il s’agira ici d’une part de chercher à comprendre l’engagement revuiste de ce jeune intellectuel face à la menace de la guerre, avec la préparation du premier numéro sorti en juillet 1939 ; et d’autre part d’approcher et d’analyser les témoignages cueillis sur le vif de la « drôle de guerre » par Petitjean pour le vrai premier numéro du Courrier.
Le « Mobilisable » : l’engagement revuiste d’Armand Petitjean au seuil de la guerre
5 En été 1937, comme évoqué dans la citation ci-dessus, Petitjean songeait à la possibilité de se présenter au concours d’entrée au quai d’Orsay. Auguste Bréal, ami de la famille Petitjean et mentor du jeune Armand, entretenait l’idée de le faire entrer dans la carrière de diplomate en exploitant ses relations, Philippe Berthelot et Jean Giraudoux. Petitjean y voit notamment un moyen de s’établir et de gagner sa vie [4]. Mais il doit abandonner cette ambition car ses prises de position politiques s’accommodent mal de celles de ses professeurs ou du Quai d’Orsay. Il échoue au concours peu après la parution de sa chronique dans La NRF d’avril 1938, « Dictature de la France », qui aurait « horripilé » ses professeurs [5]. Et, s’il garde quelques mois l’espoir de se présenter à nouveau, le durcissement de ses critiques à l’égard de la politique étrangère française compromettra définitivement tout projet personnel de carrière au Quai d’Orsay. Car, au plan international, si la réoccupation de la Rhénanie par les Allemands en mars 1936 avait représenté un événement porteur de menaces pour les Français, le plus grand choc survient en mars 1938 par la nouvelle de l’Anschluss, l’annexion de l’Autriche par les Nazis. C’est précisément à partir de ce moment que s’opère à La NRF un retournement patriotique, sinon nationaliste, porté principalement par Petitjean, soutenu par Paulhan et Jean Schlumberger. Devant l’événement, Petitjean lance un véritable avertissement : « La France est menacée […] comme jamais au cours de l’histoire » ; « Nous sommes menacés sur trois frontières ». Il constate qu’« aucun peuple n’est aussi mal représenté par sa politique, par sa littérature, que le peuple de France », et proclame sa frustration devant l’inertie des gouvernants : « Eh bien, nous en avons assez ». « Je suis l’un des quelques millions de jeunes hommes de France qui sont mobilisables. » En faisant appel enfin à « la Dictature de la France sur les Français », il prône la défense du « pays que j’aime, et qui est le mien » : « nous ne voulons pas d’une mort inutile, d’une mort non préparée. Nous nous tournons alors vers la face d’ombre, vers la face énergique et guerrière de notre pays ; vers la grande tradition jacobine qui fait la guerre pour la Nation, par elle et avec elle toute entière » [6].
6 Avec cette chronique, Petitjean se lance ainsi dans une campagne acharnée contre ce qu’il perçoit comme l’impréparation guerrière et la lassitude morale de la nation, campagne qui lui vaudra tour à tour les accusations de faire virer La NRF à droite, d’être « bourreur de crâne tricolore », ou même de débiter le « désespoir » ; Adrienne Monnier « se scandalisera » de la publication de cette chronique par La NRF [7]. Si Esprit accuse La NRF de livrer le « premier texte d’un véritable fascisme français », Le Figaro peut applaudir sa prise de position. Ce cri du cœur de Petitjean est aussi entendu par Louis Aragon, qui y fait allusion dans ses propos précédant le grand discours de Jacques Duclos prononcé le 1er juin 1938 à la Maison de la Chimie, devant « un millier d’intellectuels » [8]. Quoi qu’il en soit, Petitjean revient à la charge, publiant dans La NRF de septembre 1938 sa chronique « Après l’après-guerre » écrite dans l’été, comme une suite à « Dictature de la France » [9]. Et puis arrive la mobilisation du mois de septembre 1938, qui le rappelle, en tant que réserviste, à Toul, pendant les deux semaines d’attente avant les accords de Munich. Il retrouve ses camarades du service militaire, et il écrit à Paulhan : « Très content de cette plongée, sur un pied d’égalité absolu, dans la masse de mes camarades » [10]. Et c’est précisément dans cette situation qu’il se trouve confronté à la question pour lui primordiale : « comment leur faire prendre conscience de leurs ressources, de leurs “privilèges”, comment leur faire comprendre qu’ils sont partout contestés en Europe [11] » ?
7 Après le « lâche soulagement » de Munich, Petitjean rentre chez lui le 2 octobre, absolument déterminé par cette expérience à « passer à l’action ». Quelle forme va revêtir cette action ? D’abord, il se convainc que la France ne peut plus être la même :
Il est insensé que l’on puisse retrouver Paris sensiblement dans le même état où il était voici un mois – alors que quelques millions d’hommes ont été plongés dans ces formes merveilleusement populaires de méditation sur la mort que ne peut manquer de susciter une mobilisation semi-générale [12].
9 Il entame résolument une nouvelle campagne, cette fois en écrivant des articles pour la presse antimunichoise [13]. Pour célébrer cette « mobilisation vue du dedans », il compose une « Prière pour les copains après la mobilisation de septembre 1938 [14] », qui paraît dans le numéro de novembre de La NRF, numéro qui, avec les contributions de Jean Schlumberger et Julien Benda, sera vu par l’opinion majoritairement munichoise comme un virage de La NRF vers le camp « belliciste ».
10 D’autant plus cruciale est la décision prise par Petitjean de former ce qu’il appelle un « corps franc » : « Ces Messieurs [du Quai d’Orsay], s’ils continuent, vont nous forcer à cette forme extrême de désertion qui s’appelle les corps francs [15] ». Cette idée serait en partie inspirée de l’exemple des Freikorps allemands, unités irrégulières nées en 1919 du « désespoir » de certains officiers face au « péril de mort » de la Reichswehr provoqué par les exigences des Alliés à Versailles [16]. Contre cette humiliation, les Freikorps antibolchevistes étaient là pour entretenir la flamme sacrée de l’armée allemande, et ils contribueront à frayer le chemin vers le nazisme. En 1938, en France, menacée par-dessus tout sur sa frontière à l’est, et face aux apathies des « beaux esprits » et des gouvernants du pays, « abandonnant ses responsabilités politiques en Europe », Petitjean, dont la voix résonnait comme celle de Cassandre, exige un rappel « au sentiment de la réalité, et tout d’abord à celui de notre situation géographique ». Bref, son corps franc se concevrait comme un réflexe national pour contrer, sinon pour transcender, les défaillances institutionnelles du pays.
11 Petitjean explique comment il envisage son « action ». Il rejette d’abord la suggestion faite par Paulhan de se joindre au Collège de Sociologie (où agit son ami Roger Caillois) dont les préoccupations intellectuelles sont, selon lui, sans rapport suffisant avec les problèmes du moment : « aucun d’eux [n’est] mobilisable » [17]. L’action implique en effet, pour cet homme ardent, l’engagement total et donc l’abandon de la littérature, sans doute aussi l’abandon d’une vie normale et heureuse. L’action implique surtout la fondation d’une revue visant non seulement à mobiliser les esprits, mais aussi à fournir le moyen de témoigner de cette mobilisation. C’est tout le projet de la future revue qui se dessine ici, projet confondu avec celui de la constitution d’un « corps franc » intellectuel et si nettement inspiré des Cahiers de la Quinzaine de Charles Péguy qu’il en porte le nom pendant des mois, avant de trouver – pour des raisons que l’on verra – son titre définitif. Un mois à peine après la fin de la mobilisation de septembre 1938, l’équipe se constitue, et Petitjean cherche un financement : « Mon corps franc à moi, voici à peu près où il en est. Les jurés auxquels je fais allusion, c’est [Georges] Pelorson, pour le fond et l’imagination, et c’est [André] Ulmann, pour la surface et le sens pratique. Je suis actuellement livré à la pêche aux capitaux. [18] » Il a fait la connaissance d’Ulmann (associé dès 1932 à la fondation du mouvement « Esprit ») dans les bureaux de Vendredi, hebdomadaire du Front populaire dont il est secrétaire de la rédaction. Quant à Pelorson, il est écrivain, traducteur et enseignant. Petitjean l’avait rencontré par l’intermédiaire de Maria et Eugene Jolas (animateurs de la revue transition). Les deux jeunes hommes s’y sont retrouvés, et partagent une admiration pour Joyce. Pelorson finit par ne pas participer au projet du Courrier ; il s’occupe de diriger sa propre revue Volontés, qui eut vingt numéros entre décembre 1937 et août 1939.
12 Considérons maintenant les actions de Petitjean et d’Ulmann jusqu’à la déclaration de la guerre en septembre 1939.
13 D’abord, Petitjean se renseigne sur les techniques modernes de propagande au cours de ces mois, et avec Ulmann ils ouvrent grand leurs carnets d’adresses afin de faire connaître leur projet et de susciter des réactions. Par exemple, en novembre 1938 déjà, le député socialiste Pierre Viénot est sollicité. Félicitant Petitjean de sa « Prière pour les copains », il répond favorablement, bien qu’avec quelques réserves pour lui-même :
J’estime qu’il y aurait le plus grand intérêt que des hommes comme vous, appartenant à votre génération, aient la possibilité de s’exprimer librement, et la formule que vous envisagez me paraît fort bonne. Mais hélas, je suis tout à fait hors d’état à vous aider utilement… Si cependant vous voulez bien venir causer avec moi de votre projet, ai-je besoin de vous dire que j’aurai très grand plaisir à en discuter avec vous. […] Votre « Prière » dans le dernier numéro de La NRF, est admirable. [19]
15 L’appel épistolaire va continuer inlassablement au cours des mois suivants. L’un des soutiens les plus assidus dans cette entreprise est donné par Roger Ikor, ancien camarade de Petitjean au lycée Condorcet, qui suivra de près le projet, et ceci dès l’Anschluss. Dans une lettre commentant une première version de « Dictature de la France », Ikor manifeste un enthousiasme raisonné :
J’ai presque cru que ça y était, cette fois. […] Pas tout à fait d’accord avec ton exaspération nationaliste, du moins dans la mesure où elle écarte les mots d’ordre démocratique. […] [J]e crois comme toi à la nécessité du jacobinisme : du reste, depuis les débuts du Front populaire au pouvoir, j’ai cru indispensable de travailler les droits, et de les neutraliser, par le conflit entre fascisme et nationalisme-fascisme et France réelle […] Mais de là à faire l’apologie du nationalisme en soi… Non ! Il ne faut pas oublier notre mission essentielle. Croire en la France, la placer à la tête de la civilisation et tout, lui redonner une force d’expansion tant que tu voudras [20].
17 À l’époque Ikor est enseignant à Avignon et, par courrier depuis sa province, il informe Petitjean des réactions de son entourage devant leur initiative, et fait la collecte de renseignements susceptibles d’affiner le projet ; ses lettres seront abondamment citées dans le numéro « zéro » de la revue.
18 Puis Petitjean et Ulmann rédigent des prospectus et bulletins de souscription, afin d’attirer des fonds et des abonnés. La nouvelle génération « en train de mûrir », écrivent-ils dans le bulletin (reproduit dans La NRF en février 1939), « croit à la nécessité d’une Révolution nationale et populaire, nationale parce que populaire. Ces conclusions de Péguy seront sa base de départ ». [21] L’effort de Péguy, « poursuivi [par lui] sur une base restreinte », sera repris « en utilisant tous les moyens de propagande et d’organisation modernes ». Parmi les thèmes à traiter, sont prévus « Famille [22], Armée, Métiers, Instituteurs, Groupements de Jeunes […], le Racisme et la France », etc., incorporant des études de « spécialistes », accompagnées d’un « certain nombre de témoignages populaires que nous obtiendrons grâce aux réseaux d’amis », le tout ayant pour but, selon une formule à résonance fort jacobine, de « faire circuler le sang à la fois de haut en bas et de bas en haut ». L’engagement péguyste de Petitjean se fonde sur l’affirmation que le créateur des Cahiers de la Quinzaine, tué lors des premiers combats en 1914, représente la génération sacrifiée, comme Petitjean l’écrit dans son essai « Péguy parmi nous » en tête du numéro de juillet 1939 de La NRF, au point culminant des commémorations du 150e anniversaire de la Révolution française. Petitjean invoque ici Péguy « comme un véritable père, comme le plus vivant des vivants ». Au lendemain des accords de Munich, « rien n’est plus rassurant que de voir se dresser, prochain, solide, à toucher, notre Péguy vivant ». Bref, parce que Péguy aurait su rassembler Dreyfusards et catholiques en 1913 en anticipation de l’Union sacrée, Petitjean, qui dans une certaine mesure s’offre comme un nouveau Péguy version 1939, se sent interpellé par cet « homme qui sentait sourdre en lui l’histoire et qui s’en nourrissait » [23].
19 À partir de ce moment, et en parallèle avec son action de mobilisation des esprits – son « corps franc » –, Petitjean entame la rédaction d’un essai important, « La Nouvelle Révolution française », comme pour donner une assise idéologique à son action. Selon de nombreux textes inédits retrouvés dans ses archives, Petitjean est souvent sollicité durant la première moitié de 1939 pour faire des causeries, des articles et des conférences autour de la thématique de cet ouvrage en cours. Citons l’exemple suivant, choisi parmi plusieurs inédits où l’idée maîtresse se présente :
…voici où je voulais en venir. Les conditions d’une Nouvelle Révolution française se résument en ceci : elle est objectivement nécessaire, toutes les conditions négatives s’en trouvent réalisées. Mais jamais une chose ne se fait parce qu’elle doit se faire, si elle n’est pas voulue. […] Y a-t-il aspiration révolutionnaire en France ? Autrement dit, y a-t-il dans le pays une nouvelle génération pour qui cette révolution soit d’ores et déjà un fait accompli, pour qui l’horizon historique soit absolument transformé ? Je le crois, parce que je l’ai vu en septembre. Ce mouvement de septembre a surpris tout le monde à l’étranger et en France, à commencer par nos officiers, à commencer par nous-mêmes. [24]
21 Petitjean identifie ainsi pour la « nouvelle génération » une vocation révolutionnaire inspirée par la réaction positive et l’enthousiasme qu’il a rencontrés dans son régiment, en septembre 1938. Il poursuivra la diffusion de ses idées en tirant des arguments similaires pour faire une intervention à L’Union pour la Vérité, en février 1939 [25]. Le manuscrit de « La Nouvelle Révolution française » sera travaillé, peaufiné, annoncé maintes fois (à Paulhan surtout) pendant plus d’un an, mais il ne paraîtra jamais parce qu’il sera détruit « à Forbach » [26] avant d’être dépassé par l’Histoire…
22 Vient le moment de la préparation du premier numéro. Petitjean partage avec Paulhan ses déceptions lorsque certains contributeurs sollicités finissent par se désister : « Quant aux Cahiers, je […] vais de déconvenue en déconvenue. Après le texte insuffisant du Général, après l’abandon de Malraux, voici maintenant Mme Péguy qui m’annonce, sèchement, qu’elle ne m’accorde pas l’autorisation de publier ces quelques pages… Mon premier numéro se trouve décapité » [27]. Paulhan donne régulièrement son soutien, y compris par la mise en contact avec la famille de Péguy afin de solliciter ce texte inédit pour accompagner et le numéro de la revue de Petitjean et l’hommage donné dans La NRF [28]. Mais la veuve de Péguy refuse l’emprunt du titre de la revue de son mari [29]. Ulmann est d’accord que, pour ménager la famille et pouvoir conserver l’inédit de Péguy, l’on doive sacrifier le titre de Nouveaux Cahiers de la Quinzaine. Devant les titres suggérés par Petitjean, Ulmann affirme : « Courrier me plaît beaucoup », mais il propose aussi « Témoins de France, Actes de Paris et de la Province, Actes des Français » [30]. On choisit enfin le Courrier de Paris et de la Province. Dans sa volonté énoncée depuis « Dictature de la France » de revivifier la « grande tradition jacobine », Petitjean savait fort bien, sans doute, que les Jacobins dont il s’inspire avaient, dès 1790, établi un solide réseau de correspondants un peu partout en France, reliés par un courrier « Paris – province » et « province – Paris », où se diffusaient doctrines, revendications et nouvelles du progrès révolutionnaire [31].
23 Avec le choc de l’invasion allemande de la Bohème-Moravie à la mi-mars 1939, l’atmosphère internationale se tend encore, et il y a une nouvelle et courte mobilisation en France. Cette fois-ci, Petitjean n’est pas rappelé, et poursuit néanmoins son engagement en préparant une conférence, intitulée « Mobilisable », qui sera interdite par la police au dernier moment, le 3 mai 1939 [32]. Selon le communiste (et sarcastique) Ce Soir, dont le directeur est Louis Aragon, la police aurait craint « on ne sait quel défaitisme périlleux, peu vraisemblable chez un jeune écrivain dont les positions, définies par ces articles notamment dans La NRF, ne sont pas sans analogie avec celles de Charles Péguy » [33]. Dans le texte publié par Europe, il continue tout droit dans la lignée péguyste, argumentant que « la condition du mobilisable n’est pas seulement un état de fait, mais un état d’esprit. Et cet état d’esprit a trouvé sa consécration lors de la mobilisation partielle en septembre dernier » [34]. Le lecteur d’aujourd’hui peut sans doute s’étonner, en découvrant ainsi que le discours rassembleur et national de Petitjean ait trouvé, à l’orée de la guerre, l’appui de Ce Soir. Ajoutons que Petitjean publie dans cette même période un article sur le « Mobilisable » pour l’hebdomadaire Die Zukunft, journal qui prônait alors une « Union franco-allemande » antifasciste, et ceci sous la houlette de Willi Münzenberg, militant de l’Internationale communiste et animateur en France de plusieurs organisations culturelles agissant en faveur de l’URSS [35].
24 Quant à la revue de Petitjean et d’Ulmann, le « numéro zéro » se compose enfin : « Changement de batterie, pour le premier Cahier. […] J’interroge (en leur opposant les principes et les projets d’action de la Revue) ceux qui m’ont précédé dans la voie du Courrier, et qui ont eu une action « pratique », sur leurs déceptions et leurs espoirs [36] ». Intitulé « Éléments d’une génération – Bilan des échecs et des espoirs avant l’action », il s’ouvre sur un texte de Petitjean, une « lettre-réponse » de Drieu La Rochelle, et continue avec des contributions de Léo Lagrange, Emmanuel Mounier, Hubert Beuve-Méry, Thierry Maulnier, Georges Izard, etc. Le numéro veut faire d’abord le bilan d’« une réalité et une conscience générationnelles » évoquées déjà par Petitjean dans son premier essai-« manifeste » sur la « Disponibilité de la jeunesse française », paru dans La NRF en janvier 1937. Les contributeurs sont choisis afin de refléter les différents tempéraments de cette nouvelle génération née à l’orée de la Grande Guerre, et pour la plupart atteignant l’âge mûr vers la fin des années trente [37]. Après les textes de fond, se trouve comme prévu la longue section sur vingt pages de la « Correspondance », contenant des extraits de lettres reçues et de commentaires de « la base », y compris de l’ouvrier-camarade de l’époque du service militaire, Raymond Defente, et de Roger Ikor, ainsi que d’autres enseignants jusqu’à d’éminents professeurs tels que le germaniste antinazi Edmond Vermeil, et l’historien Guglielmo Ferrero, de l’Université de Genève. Expliquant l’un des principes clés de leur « action », Petitjean et Ulmann privilégient celui de la « Nation » :
Ce n’est que dans l’exaltation de notre vie nationale que nous retrouverons vivace et pure notre conception à nous de la vie internationale, dont l’Europe de demain aura le plus grand besoin : l’idée de l’égalité des races, celle du genre humain. Sans l’intensité de ses vies provinciales, jamais la nation française elle-même ne se fût accomplie.
Il est évident que cette conception de la nation, source positive d’énergies européennes, rompt absolument à la fois avec le nationalisme conservateur ou réactionnaire d’avant-guerre, et avec le fascisme d’après. De vrai, nous ne faisons que reprendre à Maurras, en lui rendant son sens, ce patriotisme qu’il avait subrepticement ravi aux jacobins de 1793. […] Notre nation à nous ne peut être que révolutionnaire [38].
Le numéro « zéro » du Courrier de Paris et de la Province
Le numéro « zéro » du Courrier de Paris et de la Province
26 La revue paraît le 20 juillet 1939. Imprimée à 10 000 exemplaires, mais mal diffusée, elle sera peu remarquée dans la confusion de l’été 1939, même si André Billy a pu relever que « l’ambition de Petitjean et de ses Cahiers de donner une voix [aux jeunes] marque une date dans l’histoire du redressement moral de la France après Munich » [39]. Entre temps, Petitjean, convaincu que la guerre allait éclater à Dantzig, part en reportage en Pologne pour les hebdomadaires La Lumière et Marianne. Les deux articles qu’il en rapporte, dix jours à peine avant la déclaration de la guerre sont, assurément, trop vite dépassés par l’événement pour être publiés [40].
Le destin du Courrier de Petitjean sur le front de la guerre
27 À la déclaration de la guerre, le 3 septembre 1939, Petitjean se trouve mobilisé à nouveau. « Me voici donc réduit à la condition de guerrier appliqué », observe-t-il à son arrivée, avec un clin d’œil à Paulhan [41]. Pierre-Frédéric Charpentier a raison d’écrire que, parmi les intellectuels au front, Petitjean sera « celui qui été le plus confronté à la guerre [42] », alors que Paulhan accompagne La NRF évacuée à Mirande, en Normandie. Dès le 4 septembre, Petitjean affirme sobrement : « Depuis “Dictature de la France” je ne crois pas m’être trop trompé. C’est là une consolation assez maigre de ma peur imbécile. Mais ce qui me plaît davantage, c’est que le Courrier […] et “La Condition de Mobilisable” fassent vraiment le tour du bataillon » [43].
28 Quant à son unité, le 8e Bataillon de Chasseurs à Pied (BCP), elle sera engagée dans de durs combats au début et au dénouement de la « drôle de guerre ». Le 8e BCP quitte Toul et pousse jusqu’au village de Kleinbittersdorf, du côté allemand de la Sarre. Contrairement à d’autres unités, le 8e BCP aura ainsi participé à de nombreux combats au cours de ces premières semaines. Début novembre, le régiment connaît toujours l’action : « nous luttons par la pelle et la pioche contre le canon, la neige et le froid… » [44]. Peu après, pourtant, la guerre va stagner sur tous les secteurs. Dans cette guerre immobile, il y a le problème du cafard qui survient pendant les moments de « repos » [45]. Petitjean enrage, l’inactivité lui est insupportable, et en février 1940 il dira à Paulhan : « Bien décidé, après avoir pris ma seconde permission, tout au début de mars, à remonter en ligne, quoique fasse le Bataillon (employé pour le moment à des gardes spectaculaires) » ; et d’insister : « Quels moyens de se faire accepter comme volontaire pour remonter en ligne ? – Je ne redoute rien tant en effet (et pas seulement, je pense, pour des raisons personnelles) qu’une continuation de la guerre par la bande » [46]. Cette fois-ci, le corps franc de Petitjean agira au front, les armes à la main.
29 Dans la tourmente de l’entrée en guerre, que devient le Courrier ? Le numéro « zéro » avait annoncé la parution, pour la fin septembre, d’un numéro sur « L’Armée ». Évidemment, il n’en est plus question, et le sort de la revue passe un peu aux oubliettes. Mais dès le 9 octobre, c’est Paulhan qui revient à la charge, proposant de recueillir les réactions autour de lui, tout en émettant des critiques quant à la maquette, qu’il faudrait revoir. Il offre de s’occuper de la partie technique ; il y aura également des questions autour de l’imprimeur [47]. Petitjean annonce enfin qu’en accord avec Ulmann, qui est également au front, il a bien l’intention de poursuivre le Courrier. « Quant à la matière, elle est toute trouvée : mais trouver le point de vue le meilleur est très délicat » [48]. Voici donc énoncée l’idée du véritable n° 1 du Courrier portant sur les « Témoignages de guerre » pour lesquels commencent enquêtes et collecte de témoignages qui s’échelonnent pendant toute la « drôle de guerre ». Le temps dont dispose Petitjean est évidemment plus limité, car ce n’est que pendant les périodes de « repos » ou « relèves » qu’il a le loisir de travailler.
30 Composer une telle revue depuis le front, avec tous les aléas du service postal et dans la constante incertitude devant la censure, ne constitue rien moins qu’une tâche herculéenne. En février 1940, il envisage une revue de « 100 pages environ », en « 10.000 exemplaires, distribués moitié par nous, moitié par Hachette, pour la fin mars » [49]. À la même époque, il entame la rédaction d’une étude de fond, « Nous sortirons de la guerre », que Paulhan accueille positivement ; mais cet essai ne pourra paraître que plus tard, dans le livre Combats préliminaires [50]. Enfin, au tout début de mai, à dix jours seulement du début de l’attaque allemande, Petitjean envoie à Paulhan une partie de son numéro, représentant « un peu plus de la moitié des témoignages, avec la section « correspondance » […], « Nous sortirons de cette guerre », […] et un long article d’Ulm[ann], pas assez articulé et très mal écrit, comme d’habitude, mais extraordinairement concret (il me semble) » [51]. Et de promettre le tout, destiné enfin à l’imprimeur, pour la mi-mai 1940… La richesse des témoignages récoltés parmi les lettres des correspondants est extraordinaire : « Il n’y a nul dilettantisme à partir, dans cette guerre, d’une assiette aussi large que possible » [52]. Le 8 mai enfin, Petitjean donne le feu vert à Paulhan pour la prépublication d’une partie du Courrier dans La NRF, tant il est pressé : « En hâte, réponse à votre mot de dimanche. Personnellement, je ne vois aucune objection (au contraire) à la reproduction en question. J’écris même à ma sœur de vous compléter le dossier – et en même temps, demande à Ulmann son accord, qui ne doit pas faire difficulté » [53]. Le numéro de juin de La NRF contient une douzaine de témoignages et une présentation par Petitjean, destinés au premier numéro du Courrier, qui seront partiellement censurés [54].
31 Bien que de nombreux éléments du Courrier n° 1 aient été perdus sur le champ de bataille, nous travaillons à reconstituer ce trésor de documents écrits sur le vif et cueillis au cours de la « drôle de guerre », avant que la catastrophe ne frappe la France à partir du 10 mai 1940. Il y a des lettres d’écrivains : Montherlant, Malraux, Claude Roy, Henri Massis, Caillois, Nizan, Raymond Dumay ; de parlementaires, la plupart, forcément anonymes, mais comprenant Georges Boris ; d’une femme, Colette Max ; de professeurs, à l’arrière, ou « en pleine bagarre », par exemple un André Chastel ou un Roger Ikor… Ces témoignages offrent un rare instantané de l’état des esprits en France avant le désastre. Jean-Louis Crémieux-Brilhac, témoignant lui-même du « redressement [du moral des armées] du printemps 1940 », affirmera que « la lettre du front que publie La NRF [de juin] est véridique ». Cette lettre incluse dans le Courrier est de « R.L., adjudant de réserve dans un régiment de ligne » [55].
32 Le 14 mai 1940, Petitjean est grièvement blessé sur le champ de bataille, devant Forbach. Il perdra deux doigts de sa main droite. Dans un texte inédit, « Nuits de noces à Forbach », écrit peu après sa blessure, on ne peut qu’être profondément frappé par le symbolisme des mots de la fin : …« Ssspaf une flamme en plein’gueul’ puis plus rien pour un(e) éternité ma montre s’est arrêtée le quatorze mai à deux heures du matin----------- » [56]. Il y perd également le manuscrit de la « Nouvelle Révolution française », ainsi que des éléments du Courrier, pertes qui devaient être, croyait-il, réparées « dans dix jours [57] ». Suit une épopée dans laquelle le jeune homme, évacué d’hôpital en hôpital vers le Midi, assiste avec rage et avec désespoir à la Débâcle, tandis que sa main se surinfecte et que se cumulent opérations et amputations. Dès son installation le 6 juillet à Marseille (où il fera sa convalescence), il sollicite Jean Ballard, directeur des Cahiers du Sud, pour obtenir l’adresse de Paulhan. Accompagnant la caravane de La NRF, celui-ci s’est réfugié près de Carcassonne, chez Joë Bousquet [58]. De son côté, Ulmann est fait prisonnier de guerre, tout comme Roger Ikor [59].
33 Pour Petitjean, l’écroulement dans la Défaite de tous ses espoirs de redressement de la France, l’échec de sa vision de la « Dictature de la France sur les Français », son manuscrit de « La Nouvelle Révolution française » englouti par le champ de bataille, tout cela va provoquer chez lui une profonde amertume : le 17 juin 1940 déjà (jour de l’appel à « cesser le combat » de Pétain), il écrit : « je jure aujourd’hui de tout faire pour que soient vaincus, après nos corps et nos illusions, l’esprit de défaite et de lâcheté, et ce que depuis quelques années je hais d’une haine croissante » [60]. Très vite, l’amertume et la rage se transformeront en volonté d’action, action à but directement politique cette fois. Courant juillet 1940 : « Les Français dans leur écrasante majorité me paraissent avoir parfaitement mérité leur destin actuel, il était très vain de leur parler de la France » ; et « il faut […] répandre les prodigieux enseignements de ces deux derniers mois [61] ». Le 10 août, il est d’accord avec Paulhan : « il ne suffit plus d’écrire – et j’organise avec mes camarades les premiers groupes d’action révolutionnaire [62] ». L’on retrouve ici l’idée d’« action révolutionnaire », telle qu’elle s’était dessinée dans l’esprit révolté de Petitjean, inspirée du redressement jacobin dès l’automne 1938. Mais devant la nouvelle donne (et tel qu’il s’exprime à ses correspondants à partir de la mi-juillet 1940), sa pensée évolue rapidement, et Petitjean de se demander : « En particulier, que ferait le “gouvernement” s’il avait affaire à de vrais fascistes français » ; la France en aurait aussi besoin pour « rétablir l’ordre » [63]. Dans ce contexte franco-français, et à suivre l’historiographie (Raoul Girardet, George Mosse, Shlomo Sand [64]), il y a certes interpénétration (ou élision) entre nationalisme extrême et fascisme. Bien que complexe, et sachant que cette question continue de faire l’objet de débats entre historiens, contentons-nous ici de proposer que l’action de Petitjean se comprend dans une perspective conjoncturelle où le jacobinisme et sa symbolique « révolutionnaire » privilégiant la jeunesse peuvent s’interpréter comme une forme extrême de nationalisme, si bien que son engagement a pu aisément présenter l’apparence, sinon une volonté, fasciste.
34 Mobilisé depuis trois ans en faveur de l’éveil de la conscience des jeunes, dont il est reconnu comme chef de file, Petitjean reste – cet été 1940 passé à l’hôpital de Marseille – aux aguets des possibilités d’action. Une lettre vient lui apporter de l’espoir en ce sens. Il s’agit d’une lettre de Gérard Boutelleau, fils de Jacques Chardonne, dont l’estime pour Petitjean s’avère « très profonde ». Fin juillet 1940, Boutelleau, l’« un des rares survivants d’un groupe de reconnaissance », arrive « à bicyclette à Vichy » d’où il fait savoir à Petitjean que s’organise « un mouvement qui s’appelle les Compagnons de France » :
Il est facile de rester en dehors ; de tout rejeter, de dire comme certains « Nous ferons un mouvement de jeunesse mais nous le ferons sans vous ». Je crois qu’il vaut mieux être là, essayer de sortir quelque chose des décombres.
Le désordre dans lequel nous sommes plongés a permis de grouper quelques éléments sains et c’est sur eux que je fonde un très modeste espoir… [65]
36 Petitjean se sent aussitôt interpellé, et fin août il annonce à Paulhan : « Pour moi, les jeux sont faits. […] Ce voyage [à Vichy] décidera si […] je mènerai la lutte du dedans (p. ex. au Ministère de la Jeunesse, où il y a des éléments sûrs, et où je suis sollicité d’entrer – inutile de vous dire si je pèserai le pour et le contre) – ou du dehors, par l’action clandestine. [66] » Il optera pour « la lutte du dedans » : à partir de l’automne 1940, il est nommé Chef du Bureau de Presse (Propagande) au Secrétariat général à la Jeunesse, et il contribue au premier numéro du journal des Compagnons de France où il retrouve son ami Jean Maze, ancien rédacteur en chef du journal bergeryste, La Flèche de Paris [67]. Son choix est fait : « je serai sans doute pour octobre à nouveau en région non occupée. Et il faudrait que je désespère tout à fait de ce pays, pour le quitter et aller là où se poursuit la lutte militaire – la plus facile [68]. »
37 Tandis que Jean Paulhan ne tardera pas à faire le choix de la Résistance clandestine, qu’Ulmann prend appui sur le communisme pour ne pas sombrer dans le camp de Mauthausen puis pour rejoindre la Résistance, la décision de Petitjean est prise de continuer son action en France, à Vichy et à Paris, de continuer sa recherche des moyens (y compris dans la presse autorisée) de faire, en radicalisant encore ses positions, sa « révolution de la volonté [69] ».
Notes
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[1]
Cet article, dont une première version a fait l’objet d’une communication au séminaire de l’Institut historique allemand à Paris, le 19 juin 2012, se veut une prolongation de la recherche résumée dans la présentation de notre édition de la correspondance entre Armand Petitjean et Jean Paulhan parue en 2011 : voir Paulhan-Petitjean, Correspondance 1934-1968, édition établie, préparée et annotée par Martyn Cornick, Gallimard, 2011 (ci-après Corr. JP-AP). La présente étude se fonde par ailleurs sur une riche documentation inédite retrouvée dans les archives laissées par Petitjean que nous avons l’intention d’exploiter plus abondamment dans sa biographie intellectuelle que nous préparons.
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[2]
Voir mon « Introduction », Corr. JP-AP, ainsi que M. Cornick, « Le renouveau critique à La NRF : Roger Caillois et Armand Petitjean », La Nouvelle Revue française. Les colloques du centenaire, Gallimard, 2013, p. 400-15 ; M. Cornick, « Voies et impasses en littérature : Armand Petitjean à La NRF de Jean Paulhan », disponible à http://www.fabula.org/colloques/document1722.php.
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[3]
Jean Paulhan-Gaston Gallimard, Correspondance, 1919-1968, édition établie, préparée et annotée par Laurence Brisset, Gallimard, 2011, p. 146.
-
[4]
Tapuscrit autobiographique, Archives Petitjean.
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[5]
Corr. JP-AP, lettre 169, 5 juillet 1938, p. 195.
-
[6]
A. Petitjean, « Dictature de la France », La NRF, avril 1938, p. 663-665.
-
[7]
Voir lettres échangées entre Maurice Heine et Paulhan (Fonds Paulhan, IMEC, Abbaye d’Ardenne), la polémique avec Robert Aron dans La Flèche de Paris (Corr. JP-AP, p. 188-191). Dans une longue lettre du 7 avril 1938, Louis Blanchard (d’Esprit) reproche à Petitjean de fomenter une forme de « désespoir » (Archives Petitjean). Pour Monnier, voir sa Gazette des amis et des livres, juillet 1938, p. 45-49.
-
[8]
Voir Esprit, mai 1938 ; Le Figaro, 8 avril 1938 ; L’Humanité, 2 et 3 juin 1938, et Jacques Duclos, Mémoires, t. 2, 1935-1939, Fayard, 1969, p. 297-311, surtout p. 299.
-
[9]
A. Petitjean, « Après l’après-guerre », La NRF, septembre 1938, p. 478-488. Cf. l’important essai de Thierry Maulnier, « À propos de la décadence française », La Revue universelle, t. 74, 15 septembre 1938, p. 743-747.
-
[10]
Corr. JP-AP, lettre 185, septembre 1938, p. 209.
-
[11]
Corr. JP-AP, lettre 184, 20 septembre 1938, p. 207.
-
[12]
Corr. JP-AP, lettre 187, 2 octobre 1938, p. 211.
-
[13]
Voir « Leçon d’une mobilisation », Marianne, 9 novembre 1938 ; « Mussolini et Bismarck. Ce que le fascisme n’a pas changé », L’Ordre, 10 décembre 1938.
-
[14]
« Prière pour les Copains après la mobilisation de septembre 1938 », La NRF, novembre 1938, p. 757-760. Cf. Corr. JP-AP, lettre 187, 2 octobre 1938, p. 211.
-
[15]
Corr. JP-AP, lettre 189, 24 octobre 1938, p. 213.
-
[16]
Voir l’important compte rendu par Petitjean du « magistral » livre-« monument » de Jacques Benoist-Méchin, dans « La “Victoire des vaincus”, Histoire de l’armée allemande depuis la guerre », Vendredi, 8 avril 1938. Tout cet article, écrit à la même époque que « Dictature de la France », serait à citer et à commenter.
-
[17]
Corr. JP-AP, lettre 193, 4 novembre 1938, p. 215-216.
-
[18]
Ibid., p. 216.
-
[19]
Lettre datée du 8 novembre 1938, Archives Petitjean.
-
[20]
Lettre datée du 25 mars 1938, Archives Petitjean.
-
[21]
« Pour de Nouveaux Cahiers de la Quinzaine », prospectus [janvier-février 1939], Archives Petitjean. « Jean Guérin »-Paulhan y voit « moins le programme d’une revue que l’annonce d’une institution », et conclut à la nécessité de « réunir des États généraux » ; La NRF, mars 1939.
-
[22]
Notons que ce numéro aurait projeté l’inclusion d’études d’André Siegfried, Jacques Lacan, Paul Nizan…
-
[23]
A. Petitjean, « Péguy et nous », La NRF, juillet 1939, p. 5-13. Ici, Petitjean développe un discours déjà énoncé dans son article « Souvenirs, par Charles Péguy », Reflets de la semaine, 8 décembre 1938.
-
[24]
Texte ms. sur deux feuillets, Archives Petitjean.
-
[25]
Lettre de Georges Guy-Grand datée du 12 janvier 1939, Archives Petitjean. Commentant cette intervention, Benjamin Crémieux aurait traité Petitjean de « fasciste » ; Corr. JP-AP, lettre 223, 9 février 1939, p. 249. Nous reviendrons à cette question plus loin.
-
[26]
A. Petitjean, « Introduction », Combats préliminaires, Gallimard, 1941, p. 9.
-
[27]
Corr. JP-AP, lettre 232, 6 avril 1939, p. 260.
-
[28]
L’inédit de Péguy qui paraît dans La NRF de juillet 1939, présenté par Pierre Péguy, s’intitule « Par ce demi-clair matin », p. 14-42.
-
[29]
Lettres de Pierre et de Marcel Péguy des 19, 22, 27 février et du 10 mars 1939, Archives Petitjean. Il n’y a pas d’inédit de Péguy dans le Courrier.
-
[30]
Lettre d’André Ulmann datée du 13 mars 1939, Archives Petitjean.
-
[31]
Cf. François Furet, « Jacobinisme », dans F. Furet et M. Ozouf (dirs), Dictionnaire critique de la Révolution française, Flammarion, 1988, p. 752.
-
[32]
Archives de la Préfecture de Police, Paris, dossier 13.405, rapport daté du 4 mai 1939.
-
[33]
Ce Soir, 5 mai 1939. Le mensuel Europe en donne le texte dans son numéro de juin 1939, p. 156-171, et Paulhan le signalera dans La NRF de juillet 1939, p. 176. Signalons enfin ce commentaire de Roger Ikor : « De toutes façons, les communistes sont vraiment les seuls constructeurs à gauche. Il est significatif que ta conférence manquée ait été publiée par Ce Soir » ; lettre datée du 24 mai 1939, Archives Petitjean.
-
[34]
« La Condition du Mobilisable », Europe, 15 juin 1939, p. 157. C’est moi qui souligne le mot « consécration ».
-
[35]
Voir de Petitjean, « Ein künftiger Frontsoldat spricht zu Deutschland » [Un « mobilisable » parle à l’Allemagne], n° spécial « Frankreich-Deutschland » de Die Zukunft [L’Avenir], n° 17, 28 avril 1939, p. 13. Ce numéro est paru aussi en langue française. Début juin 1939, le rédacteur en chef de Die Zukunft invitera Petitjean à soumettre un article pour commémorer la Révolution française ; lettre de Werner Thormann datée du 7 juin 1939, Archives Petitjean. Sur les réseaux de Münzenberg, voir Stephen Koch, La fin de l’innocence : Les intellectuels d’Occident et la tentation stalinienne, trente ans de guerre secrète, Grasset, 1995.
-
[36]
Corr. JP-AP, lettre 234, 12 avril 1939, p. 262.
-
[37]
Voir aussi Bruno Ackermann, Denis de Rougemont. Une biographie intellectuelle, Labor et Fides, 1996, I, p. 28.
-
[38]
Courrier de Paris et de la Province, « numéro 0 », p. 100-101.
-
[39]
André Billy, « Propos de samedi », Le Figaro, 12 août 1939.
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[40]
Par ex., tapuscrit intitulé « Dantzig et l’Europe », daté du 22 août [1939], Archives Petitjean.
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[41]
Corr. JP-AP, lettre 264, 4 septembre 1939, p. 286. En 1917, Paulhan avait publié un livre intitulé Le Guerrier appliqué, chez Sansot.
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[42]
P.-F. Charpentier, La drôle de guerre des intellectuels français (1939-1940), Lavauzelle, 2008, p. 57.
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[43]
Corr. JP-AP, lettre 264, 4 septembre 1939, p. 287.
-
[44]
Corr. JP-AP, lettre 286, 3 novembre 1939, p. 316.
-
[45]
Par exemple, sur le « repos » : « J’ai toujours pensé que toute scorie, toute crasse humaines viennent du repos : qu’elles ne se brûlent que par l’exercice. Un homme qui ne cesserait d’être en éveil, écrivais-je à 17 ans (et il y avait vraiment là quelque chose de maniaque) serait immortel. Ce n’est pas la fatigue, mais le repos qui tue » ; Corr. JP-AP, lettre 305, 7 février 1940, p. 341.
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[46]
Corr. JP-AP, lettre 306, 10 février 1940, p. 342.
-
[47]
Corr. JP-AP, lettres 274 et 276, 9 et 14 octobre 1939, p. 300 et 302-3.
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[48]
Corr. JP-AP, lettre 276, 14 octobre 1939, p. 303.
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[49]
Corr. JP-AP, lettre 305, 7 février 1940, p. 342.
-
[50]
Dans ce texte, Petitjean traite de la question qui l’exaspère : « Qu’avons-nous fait en cinq mois de guerre ? […] Tranchées, permissions et repos… » ; Combats préliminaires, p. 139.
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[51]
Corr. JP-AP, lettre 322, 1er mai 1940, p. 359.
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[52]
Introduction de Petitjean aux « Témoignages sur la guerre », La NRF, juin 1940, p. 723.
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[53]
Corr. JP-AP, lettre 326, 8 mai 1940, p. 363.
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[54]
Claire Paulhan nous a aimablement communiqué une copie des placards de ces textes avant censure (Fonds Paulhan, IMEC).
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[55]
J.-L. Crémieux-Brilhac, Les Français de l’An 40, II, Ouvriers et soldats, Gallimard, 1990, p. 514. Nous croyons avoir identifié « R.L. » Il s’agit de Roger Lardenois, dont nous avons repéré un tapuscrit incomplet.
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[56]
Tapuscrit intitulé « Nuits de noces à Forbach (mai 1940) », Archives Petitjean.
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[57]
Corr. JP-AP, lettre 334, 28 mai 1940, p. 369.
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[58]
Lettres datées du 6 et du 9 juillet 1940, Archives Jean Ballard/Cahiers du Sud, Marseille ; sur Paulhan, voir Paul Giro, « Un véritable “séjour à Paris”. La NRF chez Joe Bousquet (juin-septembre 1940) », La Nouvelle Revue française. Les colloques du centenaire (op.cit.), p. 459-477.
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[59]
R. Ikor, Ô soldats de quarante !, Albin Michel, 1986.
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[60]
Corr. JP-AP, lettre 341, 17 juin 1940, p. 375-6.
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[61]
Corr. JP-AP, lettre 343, 17 juillet 1940, p. 377.
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[62]
Corr. JP-AP, lettre 349, 10 août 1940, p. 386-7.
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[63]
Corr. JP-AP, lettre 343, 17 juillet 1940, p. 378, et lettre de Lise Deharme datée du 23 juillet 1940, Archives Petitjean : « Tout à fait d’accord avec toi pour un vrai fascisme, d’ailleurs il est non seulement nécessaire mais urgent, car on attend le moindre prétexte pour rétablir l’ordre… »
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[64]
Pour ce qui relève spécifiquement du projet de Petitjean, cf. R. Girardet, « Note sur l’esprit d’un fascisme français, 1934-1939 », Revue française de science politique, 5e année, n° 3, 1955, p. 529-546 ; G. Mosse, « Fascism and the French Revolution », Journal of Contemporary History, 24/1, 1989, p. 5-26 ; et S. Sand, « Les représentations de la Révolution dans l’imaginaire historique du fascisme français », Mil neuf cent, vol. 9, n° 9, 1991, p. 29-47.
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[65]
Lettre non datée [fin juillet/début août 1940], Archives Petitjean. Plus tard, Boutelleau se retrouvera dans les services de la jeunesse en Tunisie, jusqu’à son arrestation et déportation par les Allemands en juillet 1943 pour « activités gaullistes ».
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[66]
Corr. JP-AP, lettre 351, 27 août 1940, p. 393-4.
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[67]
Cette note sera republiée dans le premier numéro de La NRF sous la direction de Drieu la Rochelle : « Le Moment de la Honte », La NRF, décembre 1940, p. 127-128.
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[68]
Corr. JP-AP, lettre 351, 27 août 1940, p. 393-4.
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[69]
Expression empruntée à Bernard Comte, dans Esprit : de novembre 1940 à août 1941, reproduction intégrale, éditions Esprit, 2004, p. 1155.