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Article de revue

Les principautés de Flandre et de Hainaut aux XIe-XIIe siècles : identité, perception, relations

Pages 15 à 40

Notes

  • [1]
    J. Nelson, Charles le Chauve, Paris, Aubier, 1994, p. 156 et carte 3, p. 370-371. Voir aussi A. Lottin (dir.), Deux mille ans du “Nord-Pas-de-Calais”, t. I : Des Gaulois à la veille de la Révolution, Lille, La Voix du Nord, 2002, carte p. 47 et les cartes de l’atlas de la Wallonie en ligne (http://connaitrelawallonie.wallonie.be/fr/histoire/atlas). Le rôle structurant de l’Escaut dans les régions septentrionales est cependant plus ancien : frontière entre la cité des Ménapiens et celle des Nerviens, il est à l’origine de celle des diocèses médiévaux de Cambrai et Tournai. Voir C. Mériaux, « De la cité antique au diocèse médiéval. Quelques observations sur la géographie ecclésiastique du Nord de la Gaule mérovingienne », dans Territoires et frontières en Gaule du Nord et dans les espaces septentrionaux francs, E. Santinelli, R. Soussignan (dir.), Revue du Nord, t. 85, n° 351 (juin-septembre 2003), p. 597 et carte p. 609.
  • [2]
    L’autorité princière se renforce en Flandre, dès la fin du ixe siècle, conséquence des pouvoirs renforcés octroyés par le roi Charles le Chauve à son gendre Baudouin Ier, chargé de défendre la région. Quant au Hainaut, progressivement organisé autour de Mons et Valenciennes, il devient à partir de la seconde moitié du xe siècle, avec le Cambrésis, l’un des pivots du système de défense mis en place par le souverain de Germanie en direction du royaume de Francie occidentale et de la puissante principauté flamande voisine. Voir, entre autres, L. Vanderkindere, La formation territoriale des principautés belges au Moyen Âge, 2 t., Bruxelles, H. Lamertin, 1902 ; plus récemment, L. Génicot, Études sur les principautés lotharingiennes, Louvain, Publication universitaire de Louvain, 1975 ; P. Pierrard, Histoire du Nord. Flandre, Artois, Hainaut, Picardie, Paris, Hachette, 1978, p. 58-61 ; H. Platelle, D. Clauzel (dir.), Histoire des Provinces françaises du Nord, t. II : Des principautés à l’Empire de Charles Quint (900-1519), Dunkerque, Westhoek éd., 1989, p. 9-23 ; T. de Hemptinne, « Vlaanderen en Henegouwen onder de erfgenamen van de Boudewijns (1070-1244) », dans Algemene Geschiedenis der Nederlanden, D. Blok, W. Prevenier, D.J. Roorda (dir.), t. 2, Haarlem, Fibula-Van Dishoeck, 1977, p. 372-402 ; plus précisément, sur le Hainaut, L. Génicot (dir.), Histoire de la Wallonie, Toulouse, Privat, 1973, p. 123-130 ; M. Bruwier, « Le Hainaut sous les Régnier, les Baudouin, les Avesnes et les Bavière », dans Hainaut d’hier et d’aujourd’hui, L. Philippart (dir.), Bruxelles, Labor, 1962, p. 117-130 ; Ead., « L’administration d’une principauté au Moyen Âge. Le Hainaut », Bulletin trimestriel du Crédit Communal de Belgique, n° 63, 1963, p. 29-37 et p. 42 ; M. DeWaha, « Du pagus de Brabant au comté de Hainaut. Éléments pour servir à l’histoire de la construction de la principauté », Annales du Cercle archéologique du canton de Soignies, 36, 1998, p. 25-111 ; J. Falmagne, Baudouin V, comte de Hainaut, 1150-1195, Montréal, Les Presses de l’université de Montréal, 1966 ; N. Ruffini-Ronzani, « L’analyse de réseaux, un outil pour relire l’émergence des principautés territoriales ? Premières réflexions sur le cas hennuyer », 2016 (https://www.academia.edu/28719802), ainsi que L. Génicot, J. Georges, A. Brunee, Atlas historique : les grandes étapes de l’histoire du monde et de la Belgique, Bruxelles, Didier Hatier, 1997, p. 46 et l’atlas historique de la Wallonie en ligne cité n. 1 ; et sur la Flandre, voir E. Le Glay, Histoire des comtes de Flandre et des Flamands au Moyen Âge, t. I [rééd. 1846], réimpr. Monein, Éditions Pyré Monde, 2006 ; F.-L. Ganshof, La Flandre sous les premiers comtes, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1943 ; J. Dhondt, Les origines de la Flandre et de l’Artois, Arras, 1944, et plus récemment D. Nicholas, Medieval Flanders, New York, Longman, 1992.
  • [3]
    Gislebert de Mons, Chronique du Hainaut, éd. L. Vanderkindere, La chronique de Gislebert de Mons, Bruxelles, Kiessling, 1904 [ensuite Gislebert], c. 215, p. 299 : principatu Flandrie (…) comitatus Hanoniensis ; C. Duvivier, « Codex Diplomaticus », dans Id., Le Hainaut ancien (pagus Hanoniensis) du viie au xiie siècle, Bruxelles, Librairie Ancienne de F.-J. Olivier, 1865 [ensuite Codex diplomaticus], n° 64 (1081) et 65 (1082), p. 430-432 : principatum (…) Flandrensis atque Hanonensis pagi. Les termes ont néanmoins parfois un sens territorial comme comitatus dans une charte de 1179, évoquant les droits détenus par Baudouin de Gand in comitatu Hainoensium notamment (codex diplomaticus, n° 144bis, p. 621) ou encore ducatus employé par Gislebert, à propos du duché de Louvain qui s’étend en Hainaut jusqu’à Tronc-Berenger (c. 170, p. 251), sans que cela corresponde pour autant à des circonscriptions forcément précisément définies.
  • [4]
    Parmi les études les plus récentes, voir G. Bührer-Thierry, S. Patzold, J. Schneider (dir.), Genèse des espaces politiques (ixe-xiie siècle) : Autour de la question spatiale dans les royaumes francs et post-carolingiens, Turnhout, Brepols, 2018, en particulier l’introduction et les articles de F. Mazel, M. Margue et P. Bauduin ; plus traditionnel, B. Demotz (dir.), Les principautés dans l’Occident médiéval. À l’origine des régions, Turnhout, Brepols, 2007 ; Synthèse de F. Mazel, Histoire de France : Féodalités, 888-1180, Paris, Belin, 2010, p. 38-48 (formation des principautés) et p. 554-569 (pouvoir princier au xiie s). Voir aussi G.A. Loud, J. Schenk (dir.), The origins of the german principalities, 1100-1350 : essays by German historians, Londres, Routlege Taylor & Francis group, 2017, notamment M. Margue, M. Pauly, « The territorial principalities in Lotharingia », p. 220-238.
  • [5]
    Sur la participation de la définition d’un territoire et de la maîtrise de l’espace au phénomène élitaire, voir P. Depreux, F. Bougard, R. Le Jan (dir.), Les Élites et leurs espaces. Mobilité, rayonnement, domination (du vie au xie siècle), Turnhout, Brepols, 2007.
  • [6]
    Cette territorialisation est notamment plus précoce en Flandre qu’en Hainaut : voir F. Mazel,… Féodalités…, op. cit., p. 46 et p. 554-555.
  • [7]
    Sur ce type de source, voir L. Génicot, Les généalogies, TSMAO 15, Turnhout, Brepols, 1975-1985. Sur les évolutions du xiie siècle, voir G. Duby, « Remarque sur la littérature généalogique en France aux xie-xiie siècles » [1967], rééd. dans Id., Hommes et structures du Moyen Âge, Paris, Mouton, 1973, p. 294-295
  • [8]
    Gislebert, trad. fr. G. Ménilglaise, dans Mémoires de la société historique et littéraire de Tournai, t. 14-15 (1874), trad. angl. L. Napran, Woodbridge, The Boydell Press, 2005. Les traductions données ensuite en français sont cependant personnelles. Sur Gislebert, sa chronique et la date de rédaction, voir l’introduction de L. Vanderkindere, p. XX-XXVI, ainsi que K. Huygens, « Sur la valeur historique de la chronique de Gislebert de Mons », Revue de l’instruction publique en Belgique, t. 32, 1889, p. 301-315 ; J. Pycke dans le Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, t. 21, Paris, Letouzey et Ané, 1986, col. 27-31 ; E. Santinelli-Foltz, « Mémoire et communauté familiale : le rôle de la littérature généalogique, à partir de l’exemple de la Chronique de Gislebert de Mons (xiie siècle) », dans Mémoire et communautés au haut Moyen Âge (vie-xiie siècle), C. Mériaux, L. Leleu (dir.), Turnhout, Brepols (à paraître).
  • [9]
    Histoire du meurtre de Charles le Bon, rédigée en 1127-1128, par Galbert de Bruges, clerc flamand, notaire dans la chancellerie comtale notamment sous Charles le Bon (1119-1127) et Guillaume Cliton (1127-1128), témoins des événements qu’il a notés au jour le jour et retranscrits quand il en avait le temps, en les commentant. Galbert de Bruges, Histoire du meurtre de Charles le Bon, éd. J. Rider, Galbertus notarius Brugensis : De multro, traditione, et occisione gloriosi Karoli comitis Flandriarum, Turnhout, Brepols, 1994 [ensuite Galbert] ; trad. fr. J. Gengoux, M. Buysse, dans Le meurtre de Charles le Bon, R.C. van Caenegem (dir.), Anvers, Fonds Mercator, 1978 ; trad. angl. J.-B. Ross, New York, Columbia U.P., 1960, et plus récemment J. Rider, Londres, Yale university press, 2013. Sur l’auteur et son œuvre, outre les introductions de H. Pirenne, J. Rider, J.-B. Ross, et R.C. van Caenegem, voir J. Dhondt, « Une mentalité du xiie siècle : Galbert de Bruges », Revue du Nord, t. 39, n° 154, avril-juin 1957, p. 101-109 ; J. Rider, A. V. Murray (dir.), Galbert of Bruges and the historiography of medieval Flanders, Washington, The Catholic university of America Press, 2009 ; L. Feller, L’assassinat de Charles le Bon, comte de Flandre, Paris, Perrin, 2012, p. 21-34.
    Histoire des comtes de Guînes et des seigneurs d’Ardres, écrite entre 1194 et 1206, par Lambert, curé d’Ardres, au service des comtes de Guînes, proposant aussi un point de vue partial à partir d’un échelon princier quelque peu inférieur. Lambert d’Ardres, Histoire des comtes de Guînes et des seigneurs d’Ardres, éd. I. Heller, MGH SS 24, Hanovre, Impensis bibliopolii Hahniani, 1964, p. 550-642 [ensuite Lambert d’Ardres] ; éd. et trad. G. Ménilglaise, Paris, Jules Renouard et Cie, 1865 ; trad. angl. L. Shopkow, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2007. Sur l’auteur, son œuvre et la date de rédaction, voir les introductions de I. Heller, p. 550-554 et de L. Shopkow, p. 2-8, ainsi que G. Tyl-Labory, « Lambert d’Ardres », dans Dictionnaire des Lettres françaises : Le Moyen Âge, G. Hasenohr, M. Zink (dir.), Paris, Fayard, 1992, p. 911-912 ; F.-L. Ganshof, « À propos de la chronique de Lambert d’Ardres », dans Mélanges d’histoire du Moyen Âge, offerts à M. Ferdinand Lot par ses amis et ses élèves, Paris, E. Champion, 1925, p. 205-234 ; G. Duby, « Structures de parenté et noblesse dans la France du Nord aux xie-xiie siècles » [1967], rééd. dans Id., Hommes et structures du Moyen Âge, Paris, Mouton, 1973, p. 278-284 et Id., Le chevalier, la femme, le prêtre. Le mariage dans la France féodale [1981], rééd. dans Féodalité, Paris, Gallimard, 1996, p. 1354-1377 ; plus récemment, les travaux de J.-F. Nieus, notamment « Lambert d’Ardres, chroniqueur (vers † 1206) », dans Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastique, t. 30, col. 12-14.
  • [10]
    Sans prétendre à l’exhaustivité, trois corpus ont été analysés : Actes des comtes de Flandre, 1071-1128, éd. F. Vercauteren, Bruxelles, Palais des académies, 1938 ; De oorkonden der Graven van Vlaanderen (Juli 1128-September 1191), éd. T. de Hemptinne, A. Verhulst, 3 t., Bruxelles, Palais des académies, 1988-2009 [ensuite De oorkonden] ; Actes et documents anciens intéressant la Belgique, nouvelle série, éd. C. Duvivier, Bruxelles, impr. Hayez, 1903 [ensuite Duvivier] ; « Codex Diplomaticus », éd. C. Duvivier, Le Hainaut ancien…, op. cit., p. 265-668 [ensuite Codex diplomaticus].
  • [11]
    I. Guyot-Bachy privilégie un point de vue externe en s’intéressant à la perception de l’espace flamand chez les chroniqueurs et historiens du royaume de France : I. Guyot-Bachy, « Quand et comment l’espace flamand s’est-il imposé aux chroniqueurs du royaume de France (xie-xive siècle) », dans Construction de l’espace au Moyen Âge : pratiques et représentations, Paris, Publications de la Sorbonne, 2007, p. 131-145.
  • [12]
    Toute identité se définit à la fois par rapport à l’individu, le groupe ou l’objet pris en considération, mais aussi par rapport aux autres. Pour un territoire et la population qui s’y trouve, elle se fonde à la fois sur ce qui fait leur unité, mais aussi ce qui les distingue des autres : sur la réflexion autour de l’identité et l’altérité, voir, entre autres, M. Wieviorka, J. Ohana (dir.), La différence culturelle. Une reformulation des débats, Paris, Éd. balland, 2001, ainsi que G. Ferréol, G. Jucquois (dir.), Dictionnaire de l’altérité et des relations interculturelles, Paris, A. Colin, 2003, et plus particulièrement pour le Moyen Âge, P. Josserand, J. Pysiak (dir.), À la rencontre de l’autre au Moyen Âge : In memoriam Jacques Le Goff, Rennes, PUR, 2017.
  • [13]
    Gislebert, c. 10, p. 15.
  • [14]
    Gislebert, c. 209, p. 294-295.
  • [15]
    Gislebert, c. 8, p. 11.
  • [16]
    Gislebert, c. 127, p. 194 : per mediam Hanoniam in longum transvolans.
  • [17]
    Gislebert, c. 206, p. 292.
  • [18]
    Gislebert, c. 211, p. 296.
  • [19]
    Par exemple, Codex diplomaticus, n° 51 (1065), p. 405 : in comitatu Hainau (…) in Flandria ; n° 100 (1111), p. 501 (in Hainau) ; n° 112 (1123), p. 531 (in comitatu Hainonensi) ; c. 121 (1142), p. 559 (in territorio Hanonensi) ; n° 155 (1195), p. 664 (in Hainoia) ; De oorkonden, n° 2 (1128), p. 15-16 (in Flandria, in comitatu Flandriae) ; etc.
  • [20]
    Sur l’association plus étroite à partir de l’époque carolingienne, de l’épouse à l’exercice du pouvoir, d’abord à l’échelon royal, puis dans l’aristocratie princière, voir entre autres R. Le Jan, Famille et pouvoir dans le monde franc (viie-xie siècle). Essai d’anthropologie sociale, Paris, Publications de la Sorbonne, 1995, p. 356-365 ; T. Evergates (dir.), Aristocratic women in medieval France, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1999.
  • [21]
    Par exemple, Duvivier, n° 85 (1193), p. 173.
  • [22]
    Les souverains sont le plus souvent dits rex Francorum, rex Anglorum ou rex/imperator Romanorum, plus rarement rex Francie ou Anglie. Par exemple, Gislebert, c. 150, p. 233 (rex Romanorum) ; c. 138, p. 206 (imperator Romanorum, rex Francorum, rex Anglorum) ; c. 184, p. 270-271 (rex Francie, rex Anglie) ; c. 189 et 191, p. 277 (rex Francorum). Codex diplomaticus, n° 564 (1081), p. 431 (regnante rege Romanorum Henrico) ; n° 89bis (1098), p. 479 (Philippo rege Francorum) ; c. 105 (1114 ou 1115), p. 514 (Ludovico rege Francorum) ; n° 127ter (1139-1154), p. 580 (S[tephanus] rex Anglie). Tous les diplômes de Philippe Auguste retiennent la titulature rex Francorum : Actes de Philippe Auguste, éd. H.F. Delaborde, J. Monicat, J. Boussard, M. Nortier, 5 t., Paris, Impr. nationale, 1916-2004.
  • [23]
    Voir Duvivier, à partir du n° 35. Pour Marguerite, comitissa Hanoensis ou Hanoie, ibid., n° 46 (1177), p. 90 ; n° 52 (1180), p. 103 ; n° 74 (1190), p. 151 ; n° 89-92 (1194), p. 180-189.
  • [24]
    Duvivier, nos 35, 36, 40, 42, 48, 50, 55, 59, 61, 63, 64, 65, 66, 67, 71, 85. Parmi les actes qui nous sont parvenus, Baudouin IV et Baudouin V ne sont présentés qu’une seule fois chacun avec la titulature comes Henoniensium / Hayonencium : codex diplomaticum, n° 135 (1166), p. 600 et n° 98bis (1181), p. 641.
  • [25]
    Par exemple Gislebert, c. 150, p. 233 (comes Hanoniensis, Lovaniensis, Namurcensis, Flandrie, Campanie ; rex Romanorum) ; c. 170, p. 251 et 179, p. 265 (comes Flandrensis / Flandrie) ; c. 138, p. 206 (imperator Romanorum, rex Francorum, rex Anglorum, comes Flandrie, comes Blesensis, comes Clarimontis) ; c. 190-191, p. 277 (comes Flandrensis et Hanoniensis et marchio Namurcensis, comes Flandrie, dux Loviensis, rex Francorum). On remarquera que la titulature associe certains princes à un territoire (Flandre, Hainaut, Champagne) et d’autres à un des centres de leur pouvoir (Namur, Louvain, Blois, Clermont).
  • [26]
    Gislebert, c. 118, p. 182.
  • [27]
    Gislebert, c. 76, p. 115-116.
  • [28]
    Sur la frontière, la polysémie du terme, ses formes, sa perception et son rôle au Moyen Âge, voir, entre autres, L. Genicot, « Ligne et zone : la frontière des principautés médiévales », Bulletin de la classe des lettres et des sciences morales et politiques, 1970, p. 29-42 ; P. Toubert, « Frontière et frontières : un objet historique », dans Frontière et peuplement dans le monde méditerranéen au Moyen Âge, Rome-Madrid, École française de Rome - Casa de Velazquez, 1992, p. 9-17 ; E. Santinelli, R. Soussignan (dir.), Territoires et frontières…, op. cit. ; M. Catala, J.-C. Meuret, D. Le Page (dir.), Frontières oubliées, frontières retrouvées. Marches et limites anciennes en France et en Europe, Rennes, PUR, 2011 ; O. Merisalo, P. Pahta (dir.), Frontiers in the middle Ages, Turnhout, Brepols, 2006 ; L. Moal, « Dans le royaume ou en marge ? Les frontières des principautés (xiiie-xve siècle) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, n° 121-2, 2014, p. 47-81 ; N. Baron, S. Boisselier, C. François, F. Sabaté (dir.), Ériger et borner diocèses et principautés au Moyen Âge, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2017, en particulier l’introduction de S. Boitelier et l’article de L. Bourgeois.
  • [29]
    Gislebert, c. 110, p. 164.
  • [30]
    Jacques d’Avesnes qui s’est rallié au comte de Flandre vient de lui remettre trois castra qu’il tenait du comte de Hainaut : Leuze, Landrecies, Avesnes (Gislebert, c. 113, p. 170).
  • [31]
    Gislebert, c. 114, p. 171.
  • [32]
    Il y a à plusieurs reprises partage de l’héritage autour de ces deux entités : en 1071, les deux fils de Baudouin et Richilde reçoivent pour l’aîné, Arnoul, l’héritage paternel (la Flandre), et le cadet, Baudouin II, les droits maternels sur le Hainaut. À la fin du xiie siècle, Baudouin VI hérite de la Flandre, à la mort de sa mère Marguerite (1194), puis du Hainaut à celle de son père (1195), tandis que le Namurois revient à son frère, et à la génération suivante, les deux filles de Baudouin VI, Jeanne et Marguerite, récupèrent l’une après l’autre la Flandre et le Hainaut qui conservent néanmoins leur identité, ce dont témoigne le fait qu’en 1278, Marguerite abandonne le gouvernement de la Flandre à son fils Guy, tandis qu’elle continue d’exercer l’autorité en Hainaut : voir K. Nicholas, « Women as rulers : countesses Jeanne and Marguerite of Flanders », dans Queens, Regents and Potentates, T.M. Vann (dir.), Dallas, Academia, 1993, p. 73-89 et « Countesses as rulers in Flanders », dans Aristocratic women in medieval France, T. Evergates (dir.), op. cit., p. 115-116 et 133-134, ainsi que G. Sivery, « Jeanne et Marguerite de Constantinople, comtesses de Flandre et de Hainaut au xiiie siècle », dans Jeanne de Constantinople, Comtesse de Flandre et de Hainaut, N. Dessaux (dir.), Paris, Somogy, 2009, p. 16. Par ailleurs, l’union personnelle des deux comtés n’aboutit pas à leur fusion : au tournant du xiie et du xiiie siècle, l’unification des institutions, notamment de la chancellerie, n’exclut pas des officines et des pratiques propres à chaque comté, voir E. de Paermentier, « Une chancellerie complexe. La production d’actes dans l’entourage comtal pendant l’union personnelle des comtés de Flandre et de Hainaut (1191-1244) », Revue historique, n° 665/1, 2013, p. 23-56.
  • [33]
    Gislebert, c. 3, p. 3-4 ; Duvivier, n° 50 (1180), p. 100-101 ; n° 57 (1182), p. 117-118 ; n° 62 (1185), p. 126.
  • [34]
    Gislebert, c. 171, p. 255 (Marchionis Namurcensis et comitis Hanoniensis) ; c. 177, p. 262 (comitis Flandrensis et Hanoniensis et Marchionis Namurcensis) ; c. 215, p. 299, entre autres, pour les changements de sceaux du comte, en 1190 (droits reconnus sur le Marquisat de Namur), 1191 (héritage de la Flandre), 1194 (transmission de la Flandre à Baudouin VI, à la mort de Marguerite) ; Duvivier, nos 81-83 et nos 85-93 (1193-1195), p. 166-171 et p. 173-186. Sur les sceaux des comtes et comtesses de Flandre et de Hainaut, voir R. Laurent, Les sceaux des princes territoriaux belges du xe siècle à 1482, 2 t. en 3 vol., Bruxelles, Archives générales du royaume, 1993, t. II, pl. 22, nos 21-22, pl. 169-173, nos 6-10 (Baudouin V) et pl. 76, nos 102-104 (Marguerite).
  • [35]
    Philippe d’Alsace est l’un des princes les plus riches et puissants de son temps : voir notamment, T. de Hemptinne, « Aspects des relations de Philippe Auguste avec la Flandre au temps de Philippe d’Alsace », dans La France de Philippe Auguste. Le temps des mutations, R.H. Bautier (dir.), Paris, Éditions du CNRS, 1982, p. 255-261.
  • [36]
    Sur la participation de l’histoire à l’affirmation d’une identité collective, voir entre autres, O. de Laborderie, Histoire, mémoire et pouvoir. Les généalogies en rouleau des rois d’Angleterre (1250-1422), Paris, Classiques Garnier, 2013, p. 39 et 360-361 ; W. Pohl, « Introduction : ethnicity, religion and Empire », dans Visions of community in post-Roman world : the West, Byzantium and the Islamic world, 300-1100, W. Pohl, C. Gantner, R. Payne (dir.), Farhnam, Ashgate, 2012, p. 9.
  • [37]
    J.-M. Moeglin, « Une première histoire nationale flamande. L’Ancienne chronique de Flandre (xiie-xiiie siècles) », dans « Liber largitorius ». Études d’histoire médiévale offertes à Pierre Toubert par ses élèves, D. Barthélémy, J.-M. Martin (dir.), Genève, Droz, 2003, p. 455-476 : l’auteur montre qu’aux trois récits qui ont été composés entre le dernier tiers du xie siècle et le premier tiers du xiie siècle (avec remaniements vers 1164), s’ajoute, vers 1191, l’Ancienne chronique de Flandre, histoire « officieuse » de la Flandre et des comtes de Flandre, élaboré dans l’entourage de Philippe d’Alsace, peut-être à l’occasion de l’accord successoral au profit de sa sœur Marguerite et de son époux Baudouin V de Hainaut, pour exalter le prestige des comtes et légitimer la dynastie dont les destinées s’identifient à celle de la Flandre.
  • [38]
    P. Bauduin, « La perception d’une principauté territoriale : l’exemple de la Normandie, xie-xiie siècle », dans Genèse des espaces politiques…, op. cit., p. 238.
  • [39]
    Gislebert, c. 9, p. 13.
  • [40]
    Gislebert, c. 68, p. 108.
  • [41]
    Gislebert, c. 121, p. 189.
  • [42]
    Gislebert, c. 175, p. 258-259.
  • [43]
    Gislebert, c. 175, p. 259 : terras suas, Flandriam scilicet et Hanoniam.
  • [44]
    Lambert d’Ardres, c. 74, p. 596. Voir aussi J.-F. Nieus, « Aux marges de la principauté : les ‘comtés vassaux’ de la Flandre, fin xe-fin xiie siècle », dans Actes du sixième congrès de l’Association des cercles francophones d’histoire et archéologie de Belgique, t. 2, Mons, 2002, p. 309-324.
  • [45]
    Gislebert, par exemple, c. 80, p. 119-120 et c. 113, p. 169-170.
  • [46]
    M. Margue, « Au nom du comte. Quelques réflexions sur les modes d’inscription du pouvoir comtal dans l’espace lotharingien (xe-xiiie siècles) », dans Genèse des espaces politiques…, op. cit., p. 150-169.
  • [47]
    Gislebert, c. 175, p. 259.
  • [48]
    La chronique de Frédégaire (viie siècle) évoque la tournée réalisée par Dagobert pour imposer son autorité en Bourgogne lorsqu’il succède à son père en 629 : Frédégaire, Chronique, l. iv et continuations, éd. J.-M. Wallace-Hadrill et trad. fr. O. Devillers, J. Meyers, Chronique des temps mérovingiens, Turnhout, Brepols, 2001, IV, 58, p. 146-149.
  • [49]
    Gislebert, c. 167, p. 248-249. Philippe de Flandre a conservé des droits sur le Vermandois, après la mort de sa première épouse Élisabeth (1182) qui en était héritière : D. Nicholas, Medieval Flanders, op. cit., p. 71-72. Sur sa deuxième épouse, Mathilde, nommée Thérèse avant d’arriver en Flandre, fille du roi Ferrand de Portugal, désignée cohéritière du royaume avec son frère, ce qui lui vaut son surnom de « reine », voir K.S. Nicholas, « Countesses as rulers in Flanders », art. cit., p. 125-126 et T. de Hemptinne, « Thérèse, Ferrand, Isabelle et leurs époux. Les alliances matrimoniales portugaises des comtes et comtesses de Flandre (1184-1526) », dans Miscellanea in memoriam Pierre Cockshaw (1938-2008). Aspects de la vie culturelle dans les Pays-Bas Méridionaux (xive-xviiie siècle), Bruxelles, 2009, Archives et bibliothèques de Belgique, p. 128-129.
  • [50]
    Le modèle royal de l’époque carolingienne s’est ensuite diffusé dans le milieu princier, puis seigneurial : R. Le Jan, Famille…, op. cit., p. 361-364 ; E. Santinelli, Couples et conjugalité au haut Moyen Âge (vie-xiie siècles), Turnhout, Brepols, chapitre 4 (à paraître). Pour la situation au moment de la première croisade, Ead., « “… quand le mari quitta son épouse si chérie…” (Foucher de Chartres). De celles qui restent pendant la première croisade », dans Croisades ? Approches littéraires, historiques et philologiques, J.-C. Herbin, M.-G. Grossel (dir.), Valenciennes, 2009, PUV, p. 200-201 et 207-210.
  • [51]
    Gislebert, c. 175, p. 259 : ad custodiendas contra ducem Lovaniensem terras suas, Flandriam scilicet et Hanoniam. Le comte de Louvain est en fait duc de Lotharingie (titre détenu par les comtes de Louvain-Brabant depuis 1106) : sur l’évolution de ce pouvoir princier, P. Bonenfant, A.-M. Bonenfant-Feymans, « Du duché de Basse-Lotharingie au duché de Brabant », Revue belge de philologie et d’histoire, t. 46, fasc. 4, 1968, p. 1129-1165 et A. Dierkens, D. Guilardian, « Actes princiers et naissance des principautés territoriales : du duché de Basse-Lotharingie au duché de Brabant (xie-xiiie siècles) », Bulletin de la Commission royale d’Histoire, 176.2, 2010, p. 243-258.
  • [52]
    Sur la typologie des lieux fortifiés en Hainaut, leurs fonctions politiques, sociales et économiques, et leur rôle dans la constitution du paysage hainuyer, voir M. de Waha, « Châteaux et paysage dans le Hainaut Médiéval », dans Peasants & townsmen in medieval Europe. Studia in honorem Adriaan Verhulst, J.-M. Duvosquel, E. Thoen (dir.), Gand, Snoeck-Ducaju, 1995, p. 463-492.
  • [53]
    Gislebert, c. 40, p. 72-73 : Baudouin IV fonde ou fait construire tours ou murs au Quesnoy, à Bouchain, Valenciennes, Raismes, Ath et Braine-la-Whilote.
  • [54]
    Gislebert, c. 119, p. 185 : Baudouin V fait construire tours, fossés ou murs à Mons, Binche, Braine-la-Wilhote, Bouchain, Raismes, Valenciennes, Beaumont et Ath.
  • [55]
    Gislebert, c. 40, p. 73 : ad conservandum transitus illos contra Flandrenses, qui semper Hanoniam vastare moliebantur.
  • [56]
    Gislebert, c. 119, p. 185 : Haec enim ipse comes Hanoniensis, vir prudens et animosus, contra versutias quorumcumque hostium et adversariorum construebat.
  • [57]
    Gislebert, c. 114, p. 171 : in marchia contra regem Francorum.
  • [58]
    Gislebert, c. 10, p. 15.
  • [59]
    Gislebert, c. 155, p. 240 : ducis terram per Veterem Villam castellum suum intravit.
  • [60]
    Galbert, c. 101, p. 147.
  • [61]
    Galbert, c. 122, p. 169 : l’auteur précise que les castra en question sont Arras, Thérouanne, Saint-Omer, Lille et Aire, où Thierry a dû s’imposer par la force. La reconnaissance de son autorité lui permet alors de se présenter devant les rois de France et d’Angleterre (rex Franciae et rex Angliae) pour recevoir l’investiture des biens auparavant détenus par Charles le Bon. Sur l’opposition de plusieurs candidats à la succession flamande et la guerre civile qui en découle, voir L. Feller, L’assassinat…, op. cit., p. 197-204 et 277-297.
  • [62]
    Galbert, c. 95, p. 142.
  • [63]
    F. Mazel, « De quoi la principauté territoriale est le nom ? Réflexion sur les enjeux spatiaux des principautés “françaises” (xe-début xiie siècle) », dans Genèse des espaces politiques…, op. cit., p. 76-78.
  • [64]
    Gislebert, c. 5, p. 6.
  • [65]
    Gislebert, c. 233-251, p. 313-327 : les communautés bénéficiaires sont : la Chapelle de Valenciennes, Lobbes, Haumont, Broqueroye, Aulne, Brogne, Crespin, Saint-Aubert de Cambrai, l’abbaye Bonne Espérance, Sainte-Aldegonde de Maubeuge, l’Église de Cambrai, Mons, Saint-Pierre et Saint-Quentin de Maubeuge, l’Église de Condé, Soignies.
  • [66]
    Duvivier.
  • [67]
    De oorkonden.
  • [68]
    Gislebert évoque, par exemple, des chevaliers hainuyers et d’autres flamands (militum Hanoniensium (…) cum Flandrensibus) (c. 57, p. 97), ainsi que des nobles de Flandre (nobiles Flandriae) et des nobles hainuyers (nobilium Hanoniensium) (c. 5, p. 7). Lambert d’Ardres fait référence à la noblesse flamande (c. 90, p. 603 : Flandrensis nobilitatis) et à tous les barons de Flandre (c. 150, p. 639 : omnibus Flandriae baronibus).
  • [69]
    Gislebert, c. 74, p. 114 ; c. 103, p. 148 ; c. 204, p. 290 ; c. 213, p. 297.
  • [70]
    Gislebert justifie le refus de Baudouin V de tenir trois castra de Philippe d’Alsace, en avançant que le comte hainuyer craignait, s’il tenait des châteaux du comte flamand, que celui-ci ne le convoque selon sa volonté en Flandre (in Flandria) en tant que vassal (…) et le fasse provoquer en duel comme n’importe quel baron flamand (tamquam aliquem Baronem Flandrensem), comme c’est la coutume dans cette région (sicut moris est in regione illa) (c. 147, p. 226).
  • [71]
    Sur la pluralité des identités mobilisées par chacun en fonction du contexte et de ses besoins, voir notamment S. Body-Gendrol, « Culture et politique. Nouveaux défits », dans La différence culturelle…, op. cit., p. 44.
  • [72]
    Lambert qui vante les qualités de Baudouin au moment où il succède à son père comme comte de Guînes souligne qu’il s’illustrait dans la chevalerie par sa corpulence que nul n’égalait parmi tous les Flamands (c. 74, p. 596 : in militia pro quantitate corporis nulli per Flandriensium circuitum secundus aut posthabitus). De même, pour son fils aîné, Arnoul, « premier parmi les plus éminents jeunes de la noblesse flamande » (c. 90, p. 603 : primus inter primos Flandrensis nobilitatis juvenes). Quant à Arnoul, seigneur d’Ardres, il pouvait s’enorgueillir de la maison qu’il avait fait édifier à Ardres dont la qualité de construction surpassait celles de toute la Flandre de ce temps (c. 127, p. 624 : materie tocius Flandrie domos tunc temporis excellentem).
  • [73]
    Gislebert, c. 33, p. 60.
  • [74]
    Gislebert, c. 57, p. 97.
  • [75]
    Voir notamment G. Duby, Guillaume le Maréchal, ou le meilleur chevalier du monde [1984], rééd. dans Féodalité, op. cit., p. 1111-1140 (chapitre 4 consacré aux tournois).
  • [76]
    Entre autres, R. Le Jan, Famille…, op. cit., p. 289-291.
  • [77]
    Gislebert, c. 59, p. 99. Sur le rôle du mariage dans les stratégies élitaires, voir notamment R. Le Jan, Famille…, op. cit., ch. 9 et, pour le Moyen Âge central, M. Aurell (dir.), Les stratégies matrimoniales (ixe-xiiie siècles), Turnhout, Brepols, 2013. Sur le mariage de Baudouin V et Marguerite conclu dans le cadre des négociations de paix entre Flandre et Hainaut, voir E. Le Glay, Histoire des comtes de Flandre…, op. cit., p. 195-196 ; J. Falmagne, Baudouin V…, op. cit., p. 112.
  • [78]
    Gislebert, c. 28-29, p. 50-52.
  • [79]
    Gislebert, c. 35, p. 69.
  • [80]
    Par exemple, Gislebert, c. 99, p. 134-139 et c. 103, p. 148. Sur l’évolution des relations entre Philippe d’Alsace et Philippe Auguste, voir T. de Hemptinne, « Aspects des relations… », art. cit.
  • [81]
    Gislebert, c. 100, p. 140-142.
  • [82]
    Sur la compétition au haut Moyen Âge, voir F. Bougard, R. Le Jan, T. Lienhard (dir.), Agôn. La compétition, ve-xiie siècle, Turnhout, Brepols, 2012 ; P. Depreux, F. Bougard, R. Le Jan (dir.), La compétition et le sacré au haut Moyen Âge : entre médiation et exclusion, Turnhout, Brépols, 2015 ; V. Loré, G. Bührer-Thierry, R. Le Jan (dir.), Acquérir, prélever, contrôler : Les ressources en compétition (400-1100), Turnhout, Brepols, 2017 ; S. Joye, R. Le Jan (dir.), Genre et compétition dans les sociétés occidentales du haut Moyen Âge (ive-xie siècle), Turnhout, Brepols, 2018.
  • [83]
    Sur la coopétition qui associe coopération et compétition, voir, pour le haut Moyen Âge, R. Le Jan, G. Bührer-Thierry, S. Gasparri (dir.), Coopétition. Rivaliser, coopérer dans les sociétés du haut Moyen Âge (500-1100), Turnhout, Brepols, 2018.
  • [84]
    Gislebert, c. 57, p. 97 et c. 100, p. 140. Sur leur alliance auparavant, voir ci-dessus.
  • [85]
    Gislebert, c. 131, p. 197.
  • [86]
    Gislebert, c. 92, p. 127 (couronnement de Philippe Auguste en 1179) ; c. 94, p. 130 (couronnement et sacre de la reine Élisabeth, fille de Baudouin V en 1180).
  • [87]
    Gislebert, c. 170, p. 250-254.
  • [88]
    Gislebert, c. 47, p. 81 (Pierre) ; c. 76, p. 115 (Robert) ; c. 83, p. 122 (Roger de Wavrin).
  • [89]
    Voir notamment pour la Flandre J.-F. Nieus, « Les conflits familiaux et leur traitement dans l’Historia comitum de Lambert d’Ardres », dans La parenté déchirée : les luttes intrafamiliales au Moyen Âge, M. Aurell (dir.), Turnhout, Brepols, 2010, p. 343-358.
  • [90]
    Sur la participation des femmes aux entreprises militaires, même s’il reste difficile de savoir si elles combattaient véritablement, voir S. Cassagnes-Brouquet, Chevaleresses. Une chevalerie au féminin, Paris, Perrin, 2009, p. 27-36.
  • [91]
    Gislebert, c. 5, p. 6-7.
  • [92]
    Gislebert, c. 5, p. 6-7, c. 10, p. 15, c. 20, p. 34.
  • [93]
    Gislebert, c. 33, p. 60 et c. 39, p. 72.
  • [94]
    Gislebert, c. 114, p. 171-173 ; c. 116, p. 176.
  • [95]
    Gislebert, c. 118, p. 182.
  • [96]
    Gislebert, c. 113, p. 168 ; c. 116, p. 183 ; c. 137, p. 204.
  • [97]
    Gislebert, c. 112, p. 165-168 ; c. 116, p. 175-176 ; c. 122, p. 190 ; c. 151, p. 235 ; c. 154, p. 238 ; c. 170, p. 251 et 253.
  • [98]
    Gislebert, c. 121, p. 188 : rex Romanorum ad suggestionem comitis Flandrie (…) Leodium (…) venit, ad proquirendum auxilium contra regem Francorum et ad comitem Hanoniensem opprimendum, ut ab amore et confederatione regis Francorum separaretur, et eciam terra ejus per transitum regis Romanorum vastaretur. Pour Gislebert, le comte de Flandre cherche à faire pression sur le comte de Hainaut, en faisant passer les troupes impériales sur ses terres, pour le détacher de son alliance avec Philippe Auguste.
  • [99]
    Gislebert, c. 101, p. 145.
  • [100]
    Gislebert, c. 118, p. 181.
  • [101]
    Gislebert, c. 101, p. 144.
  • [102]
    Gislebert, c. 167, p. 248-249.
  • [103]
    Gislebert, c. 121, p. 188-189.
  • [104]
    Gislebert, c. 99, p. 134-139 ; c. 109, p. 153-154 et p. 162 ; c. 121, p. 188-189.
  • [105]
    Gislebert, c. 136, p. 201.
  • [106]
    Gislebert, c. 149, p. 232 ; c. 170, p. 250-254 ; c. 176, p. 261-262 ; c. 190, p. 277. Si le comte de Flandre prête hommage au roi des Francs pour l’essentiel de la principauté, il tient en fief de l’empereur, la partie orientale au-delà de l’Escaut (Flandre impériale).
  • [107]
    C’est notamment le cas pour la succession au comté de Namur : Gislebert, c. 129, p. 196 ; c. 132, p. 199 ; c. 139, p. 207-208 ; c. 148, p. 226-230 ; c. 170, p. 250-254.
  • [108]
    Gislebert, c. 94, p. 130 ; c. 110, p. 163 ; c. 113, p. 168.
  • [109]
    Gislebert, c. 101, p. 144.
  • [110]
    Gislebert, c. 147, p. 225.
  • [111]
    Gislebert, c. 113, p. 169-170 ; c. 116, p. 176 et 178.
  • [112]
    Gislebert, c. 98, p. 133.
  • [113]
    F. Mazel, « De quoi la principauté territoriale est le nom ?… », art. cit., p. 87.
  • [114]
    P. Bauduin, « La perception d’une principauté territoriale… », art. cit., p. 238.

1Dans le cadre de la réflexion collective sur la longue durée consacrée aux disparités perceptibles dans les territoires septentrionaux – aujourd’hui en France et Belgique –, nous avons choisi de privilégier la période des xie-xiie siècles qui nous est familière et une optique socio-politique. Le contexte y est à l’émiettement du pouvoir : il existe bien toujours des royaumes, notamment celui des Francs (ou Francie occidentale, voire France) et l’Empire (restauré en 962) centré sur la Germanie, l’Escaut correspondant à peu près, depuis le traité de Verdun (843), à la frontière entre les deux royaumes [1]. À partir de la fin du ixe siècle, le pouvoir tend néanmoins à être exercé de manière autonome à l’échelon local par les princes, en particulier, sur les marges de chacun des royaumes, en Flandre et en Hainaut [2], où le pouvoir princier s’affirme plus nettement aux xie-xiie siècles, ce qui n’exclut pas résistances et contestations, ni l’exercice de l’autorité de manière plus ou moins autonome par d’autres que ces princes à un échelon encore plus local. Les historiens désignent l’espace régional dans lequel les princes médiatisent l’autorité royale, par le terme de « principauté », bien que celui-ci apparaisse peu dans les sources et que principatus renvoie davantage, comme comitatus ou ducatus, à une autorité (princière, comtale ou ducale) qu’à un territoire [3]. Si la recherche récente remet d’ailleurs en cause le concept de « principauté territoriale » dans la mesure où les princes cherchent à contrôler les hommes plus qu’un territoire et s’appuient sur des points forts – des pôles – plus ou moins dispersés plus qu’ils n’exercent une souveraineté sur une étendue spatiale [4], cela n’exclut pas un marquage territorial de l’autorité princière, voire l’affirmation d’un pouvoir de nature territoriale [5] – selon une chronologie [6] et des modalités variables –, dont il s’agit de mieux cerner les formes pour les espaces qui retiennent notre attention. La situation des deux principautés, voisines mais relevant de royaumes distincts sur les marges desquels chacune se trouve, conduit à des rivalités, voire des conflits, multiformes, tant politiques et militaires, que sociaux et économiques, qui contribuent à forger leur identité, mais elle favorise aussi les alliances, voire des unions politiques temporaires, ainsi que des relations de voisinage tout aussi diverses, de part et d’autre d’une frontière fluctuante.

2L’objectif sera donc de mesurer, à partir de l’étude des relations sociales dans les sources narratives et diplomatiques, la perception des distinctions entre les deux principautés, leurs natures et leurs évolutions. L’argumentaire proposé met l’accent sur une approche territoriale : les contemporains avaient-ils conscience de l’existence de territoires distincts ? Dans l’affirmative, quels éléments contribuent à l’affirmation identitaire de chacun et à la perception de la différence de l’autre ? Existait-il un sentiment d’appartenance à un territoire ? Comment les populations de chaque espace considèrent-elles celles de la principauté voisine ? Percevait-on l’existence d’une hiérarchie entre les deux principautés ? Dans une société, où les relations sont éminemment personnelles, ce qui n’exclut pas la recherche d’un ancrage territorial, comment les différents groupes construisent-ils des réseaux avec ou contre ceux de la principauté voisine, transcendant ou non la frontière ? L’analyse s’appuiera principalement sur la Chronique, à caractère généalogique [7], écrite en 1196, par Gislebert de Mons, clerc exerçant des fonctions religieuses, administratives et diplomatiques pour Baudouin V, comte de Hainaut de 1171 à 1195, sur le principat duquel elle est centrée, après avoir évoqué les quatre générations précédentes qui ont exercé avant lui le pouvoir comtal. L’œuvre est rédigée à la gloire du comte qui a nettement accru la puissance comtale hainuyère, notamment en prenant le contrôle de la Flandre dont Baudouin V est devenu comte en 1190 : l’auteur qui lui était dévoué s’attache à légitimer ses droits et exalter sa mémoire. Partiale, la chronique n’en livre pas moins des informations de premier ordre sur le Hainaut, mais aussi les puissances voisines – à commencer par la Flandre –, du fait que Gislebert a été un témoin privilégié – quand ce n’était pas un acteur – et qu’il avait accès aux archives comtales. Cela n’exclut cependant pas que sa reconstruction du passé ne reflète qu’imparfaitement la réalité [8]. Les données fournies par ce récit seront complétées par celles livrées par d’autres sources narratives rédigées en Flandre [9], ainsi que par les actes diplomatiques [10]. C’est donc un point de vue interne à ces territoires septentrionaux qui sera ici retenu [11]. La documentation ayant principalement vocation à justifier les droits des puissants (laïques ou religieux), l’approche sera limitée aux élites et à la question du pouvoir. Elle permettra néanmoins de proposer quelques pistes de réflexion, en envisageant d’abord comment étaient perçues les deux principautés, puis quels types de relations elles entretenaient.

La perception de deux territoires à l’identité affirmée

3La question de la disparité dans les espaces septentrionaux invite à s’interroger sur la perception que pouvaient avoir les contemporains – ou du moins de certains – de la Flandre et du Hainaut comme des territoires distincts et sur ce qui faisait leur distinction, donc fondait leur identité [12]. Les deux aspects seront successivement envisagés.

Deux territoires distincts : Flandria et Hano(n)ia

4Si la documentation use davantage des adjectifs « flamand » (flandrensis) et « hainuyer » (hanoniensis), il arrive qu’elle emploie les noms propres de Flandria et Hanonia, dans des contextes qui témoignent que les régions sont envisagées dans leur dimension géographique. Il s’agit de préciser les éléments qui témoignent de leur perception comme territoires relativement bien définis.

5Les sources narratives mentionnent des individus, seuls ou en groupes plus ou moins nombreux, qui entrent ou sortent de Flandre ou du Hainaut, en partent et y reviennent, ou encore les traversent. Gislebert de Mons qui rappelle, au début de son œuvre, comment les ancêtres de Baudouin V, après avoir réuni Flandre et Hainaut, ont perdu la première au profit de Robert le Frison, explique ainsi que celui-ci a mobilisé son armée pour venir dans le comté hainuyer (in comitatum Hanoniensiem venit) et qu’après avoir remporté la victoire sur les Hainuyers à Broqueroie (près de Mons), il a traversé le Hainaut (per Hanoniam transeundo) et est rentré en Flandre (in Flandriam) [13]. À la fin de la chronique, pour ne prendre que ce deuxième exemple, il précise que le comte Baudouin V, traversant le Hainaut (per Hanonia transiens), convoqua toute son armée pour attaquer Namur et, après la victoire [1194], revint en Hainaut (in Hanoniam revertens) [14]. Il arrive par ailleurs à Gislebert de localiser certains événements ou lieux par rapport aux deux régions : en 1071, Richilde offre à l’évêque de Liège tous ses alleux in Hanonia[15] ; en 1186, une violente tempête traverse « le centre du Hainaut dans sa longueur » [16] ; en 1194, la comtesse Marguerite tombe gravement malade in Flandria[17] ; la même année, un rival du comte Baudouin V organise des attaques depuis les îles situées prope Flandriam[18]. Le chroniqueur offre donc la représentation de deux régions clairement identifiées. Il ne s’agit pas d’une perception qui lui serait propre, puisqu’il arrive, même si d’autres référents géographiques sont plus fréquents, que les actes diplomatiques qui donnent la situation des biens concernés par une transaction précisent qu’ils sont en Hainaut ou en Flandre [19], ce qui témoigne à la fois d’une capacité – au moins dans les élites – à localiser en différenciant les ensembles régionaux, dans un souci juridique, voire pour justifier certains choix, mais aussi parfois d’une volonté de souligner les droits détenus dans chacun d’eux, et donc les réseaux ainsi établis entre eux.

6Les deux territoires sont par ailleurs étroitement associés aux comtes qui y ancrent leur pouvoir, comme en témoigne leur titulature, ainsi que celle de leurs épouses, associées à leur pouvoir [20], qui intègre en Flandre, puis en Hainaut une dimension géographique, sous des formes diverses : référence aux peuples (comes Flandrensium / Hano(n)ensium) [21], ce qui est fréquemment le cas dans une société où l’autorité s’exerce d’abord sur les hommes et reste la norme à la fin du xiie siècle pour les souverains, même si les choses sont en cours d’évolution [22] ; mais de plus en plus utilisation de l’adjectif (comes/comitissa Flandriensis ; comes/comitissa Hanoniensis) et du nom propre (comes/comitissa Flandrie ; comes/comitissa Hanonie). Pour le Hainaut où l’évolution a été plus tardive qu’en Flandre, les actes réunis par C. Duvivier, certes peu nombreux, permettent de préciser la chronologie des transformations de la titulature, plus généralement observées pour les princes, qui accompagnent celles de l’assise territoriale de leur pouvoir : alors que dans la seconde moitié du xie siècle, les trois premières générations de comtes et comtesses sont identifiées par leur titre comtal (comes, comitissa), tantôt sans autre indication, tantôt suivi de « de Hainau » ou « de Mons », à partir de Baudouin IV (1120-1171), la titulature intègre toujours une indication géographique qui privilégie, à la génération suivante, pour Baudouin V comme Marguerite, la référence au Hainaut (plus des 2/3 des actes) [23], et à un moindre degré aux Hainuyers (moins du 1/3) [24]. Gislebert n’use jamais de la seconde forme dans sa chronique, employant pour le comte de Hainaut comme pour celui de Flandre, l’adjectif ou le nom propre, comme pour la plupart des autres princes contrairement aux souverains [25] : il en résulte la représentation d’un pouvoir princier qui s’exerce en Flandre comme en Hainaut, sur un territoire, alors que le pouvoir royal est encore perçu comme une autorité sur les hommes.

7Cette perception n’est pas spécifique à l’entourage princier, ce dont témoignent certaines pratiques. En effet, le fait de solliciter des saufs-conduits auprès d’une autorité pour traverser les régions que celle-ci contrôle traduit la conscience de relever d’un territoire qu’il faut parfois quitter temporairement pour un autre, auquel on est étranger. Si l’on en croit Gislebert, en 1185, quand le roi Philippe Auguste et le comte de Flandre Philippe d’Alsace convient le comte Baudouin V de Hainaut à la rencontre décidée ensemble, celui-ci se rend auprès du roi « en traversant la terre du comte de Flandre » (per terram comitis Flandrie), après en avoir reçu « l’autorisation et un sauf-conduit » (licentia et conductu) [26]. Il en est de même pour les ecclésiastiques : selon la chronique, lorsqu’en 1174, Robert, évêque de Cambrai, veut se rendre dans l’un des domaines de l’évêché situé en Brabant – ce qui implique la traversée du Hainaut -, il demande un sauf-conduit (conductum securum) au comte Baudouin V qui lui fournit l’un de ses fidèles comme guide (conductorem) [27]. La dispersion du patrimoine et des droits conduit certes à une conception discontinue de l’espace, mais sans remettre en cause la notion de territoire qui associe un ou des individus à un espace déterminé du fait des usages ou de l’autorité qu’ils y ont. Chacun, au moins au sein des élites, perçoit donc non seulement un territoire auquel il s’identifie, mais aussi ceux, voisins ou plus éloignés, dont il ne fait pas partie, même s’il peut y être de passage dans certaines conditions.

8Cette conscience de l’existence de territoires distincts se traduit aussi par la perception de leurs limites, qualifiées de marc(h)iae, qui apparaissent dans le discours des chroniqueurs comme des zones, plus ou moins floues et mouvantes : frontières épaisses, selon la terminologie classique des historiens qui les distinguent des frontières linéaires. En limites, elles apparaissent tantôt comme des barrières symboliques à l’égard des autres, tantôt comme des zones de contacts, conflictuels ou pacifiques, avec eux. Situées en marge, elles n’en ont donc pas moins toute leur importance et sont considérées comme partie intégrante du territoire dont chaque prince s’attache à s’assurer le contrôle [28]. Gislebert évoque ainsi la rencontre « à la frontière de sa terre » (in marchia terrae suae) que le comte Baudouin V de Hainaut propose, en 1184, au comte Philippe de Flandre pour dissiper un malentendu [29], ce qui est une pratique fréquente pour les négociations entre puissants. Plus souvent, il est question des marchiae, lorsque telle ou telle principauté est menacée. Si l’on en croit la Chronique du Hainaut, quand, peu après, le comte de Flandre se trouve en conflit contre Philippe Auguste et Baudouin V, il renforce la garnison des castra de sa terre à la frontière avec le roi (in marchia contra regem Francorum), ainsi qu’à Grammont, Leuze, Douai, Cateau-Cambrésis, Landrecies, Avesnes – situés sur les marges orientales de la Flandre et celles méridionales du Hainaut [30] – contre le comte de Hainaut (contra comitem Hanoniensem) [31].

9Enfin, la perception de deux territoires distincts se manifeste nettement lorsque leur union politique temporaire n’en conduit pas moins à conserver à chacun son identité. Aux xie-xiie siècles, à deux reprises, les stratégies matrimoniales princières aboutissent à réunir Flandre et Hainaut : dans les années 1067-1070, à la suite du mariage de Baudouin VI de Flandre et de Richilde de Hainaut ; en 1191, conséquence de celui de Baudouin V héritier du Hainaut, à la mort de son père (1171) et de Marguerite, héritière de la Flandre, à celle de son frère Philippe d’Alsace (1191). Pour autant, les deux principautés ne s’en trouvent pas diluées dans un vaste ensemble [32] ; le pouvoir des comtes et comtesses, avec différentes assises territoriales, se cumule. À la fin du xiie siècle, la chronique de Gislebert et les actes diplomatiques rappellent en effet que Baudouin Ier possédait avec Richilde la Flandre et le Hainaut [33], et présentent Baudouin V et Marguerite comme comte et comtesse de Flandre et de Hainaut, titre auquel s’ajoute celui de marquis et marquise de Namur, ce que confirment les sceaux qui nous sont parvenus [34]. Le fait que Baudouin V fasse passer dans sa titulature le titre de comte de Flandre avant celui de comte de Hainaut peut laisser supposer une puissance et un prestige supérieur associé au titre comtal flamand. Il n’est, d’ailleurs, pas impossible que l’un des objectifs de Gislebert – discret sur la puissance de Philippe d’Alsace [35] pour ne pas faire ombrage à Baudouin V – ait été, au moment où Baudouin VI reçoit le double héritage, de renforcer l’identité du Hainaut en lui donnant une histoire [36], alors que la Flandre dispose déjà de plusieurs récits historiques [37], ce qui participe, par ailleurs comme Pierre Bauduin l’a montré pour la Normandie, « à une appropriation symbolique du territoire » [38]. Si la Flandre et le Hainaut sont bien perçus comme deux territoires distincts, il reste à saisir ce qui fait leur distinction, ce qui revient à s’interroger sur les référents identitaires des deux principautés.

Des référents identitaires propres

10L’appartenance à un même espace culturel n’exclut pas des spécificités, permettant l’identification de chacune des régions. Celles-ci relèvent des représentations, que l’on envisagera à partir du point de vue de Gislebert de Mons qui s’intéresse au Hainaut et à la Flandre – puisque Baudouin V et Marguerite qui concentrent son attention en sont venus à contrôler les deux territoires avant de les transmettre à leur fils Baudouin VI. Le chroniqueur évoque le même type de référents identitaires pour l’un et l’autre espace, mais avec une déclinaison flamande et hainuyère, ce qui participe à leur distinction. Pour l’auteur qui s’attache principalement à justifier les droits de Baudouin V, le Hainaut et la Flandre désignent d’abord les territoires sous l’autorité de leurs comtes et comtesses respectives. Ainsi en est-il lorsqu’il détaille les conditions dans lesquelles le comte de Hainaut (comes Hanoniensis) reprend en fief de l’évêque de Liège les alleux donnés par Richilde en 1071, ce que l’auteur assimile à sa terre (terra sua), et qui prévoient notamment les modalités de participation militaire et matérielle de l’église liégeoise si la terre hainuyère (terram Hanoniensem) est attaquée ou si le comte sort du comté de Hainaut (comitatu Hanoniensi) à la demande de l’évêque [39]. Plus loin, la chronique rappelle que Baudouin V fait hommage à l’évêque de Liège pour le Hainaut (pro Hanonia) [40] et qu’il tient de celui-ci toute la terre Hainuyère (terram totam Hanoniensem) [41]. Côté flamand, il explique qu’en 1191, à la mort de Philippe d’Alsace, alors que le roi Philippe Auguste cherche à s’emparer de toute la terre du comte de Flandre (tota terra comitis Flandrie) au détriment de Baudouin V, celui-ci occupe la terre flamande (terram flandrensem) qui revient à sa femme, la comtesse Marguerite, par droit héréditaire [42]. Quand Baudouin V a réuni les deux comtés, Gislebert précise que ses terres, ce sont la Flandre et le Hainaut [43]. Pour autant, l’assimilation de la Flandre et du Hainaut à la terre du comte n’exclut pas que nombre d’enclaves, soumises à des seigneurs qui monnaient alliances et fidélités, ne relèvent pas de son autorité directe, à l’image, à la fin du xiie siècle, du comté de Guînes en Flandre [44], ou des possessions de Jacques d’Avesnes en Hainaut [45]. L’une et l’autre principautés apparaissent comme une mosaïque de droits et de pouvoirs enchevêtrés, ce qui n’exclut pas que les princes aient cherché à imposer leur autorité à leurs détenteurs, ni à inscrire leur pouvoir dans l’espace [46]. Ainsi en est-il, par exemple, de la tournée inaugurale qu’en fait parfois le comte au moment de son accession. C’est notamment le cas de Baudouin V, après la mort de Philippe d’Alsace dont il est héritier : « il fait le tour de la Flandre » (Flandriam circuibat), « pour en prendre possession » (ad saisandum) [47]. Certes, le rituel, très ancien [48], est principalement évoqué lorsqu’il y a contestation (ici par le roi Philippe Auguste et la veuve du comte de Flandre Mathilde) dans la mesure où il permet au vainqueur d’imposer son autorité localement, mais il n’en traduit pas moins la volonté d’ancrer le pouvoir dans un espace défini, même si le tour peut davantage correspondre à celui des principaux centres de pouvoir qu’aux limites frontalières.

11Dans les représentations, chacune des principautés, identifiée comme la terre sur laquelle le comte exerce son autorité, relève de sa protection, étroitement liée à l’exercice de l’autorité au haut Moyen Âge. Gislebert rapporte qu’en 1190, dans le cadre d’une cérémonie publique, le comte Philippe de Flandre et Vermandois (comes Flandrie et Viromandie) confie, avant de partir pour la croisade, « la garde et la protection de sa terre » (terram suam custodie et protectioni (…) commisit) à son épouse Mathilde(-Reine) [49], ce qui est alors habituel, l’association au pouvoir de l’épouse la préparant à se substituer à son mari en son absence [50], et précise – comme on l’a vu – quelques chapitres plus loin que les terres de Baudouin V, ce sont la Flandre et le Hainaut, lorsqu’il est question pour le comte d’en assurer la défense, ici contre celui que Gislebert qualifie de « duc de Louvain » [51], voisin de l’une comme l’autre région. Cela se traduit, notamment, par une politique de fortification [52], en particulier dans les régions frontalières, qui participe autant à la défense de l’espace et des populations sous l’autorité du comte, et donc à la délimitation visible du territoire, qu’à l’affirmation – tout aussi visible – du pouvoir princier, à l’égard des populations locales comme à l’intention des voisins rivaux. Gislebert détaille ainsi la politique de fortification de Baudouin IV [53], poursuivie par son fils [54], en particulier aux limites de la principauté, principalement orientales, mais aussi sur l’Escaut (Bouchain, Raismes, Valenciennes), précisant pour Raismes, fondée par Baudouin IV, qu’il s’agit de défendre le passage contre les Flamands toujours prêts à dévaster le Hainaut [55] et, pour le renforcement par Baudouin V des fortifications en divers lieux, tous frontaliers à l’exception de Mons, qu’il agit par précaution contre les fourberies de ses ennemis et adversaires [56]. Côté flamand, aux dire du chroniqueur, le comte de Flandre, en conflit avec le roi Philippe Auguste et Baudouin V, s’appuie sur ses castra à la frontière avec le roi – sans préciser lesquels, puisque sans intérêt pour son propos –, ainsi que sur Grammont et Douai [57], aux portes nord et ouest du Hainaut. Essentielles dans la politique défensive, les fortifications en frontière participent aussi aux stratégies offensives. Gislebert rapporte ainsi qu’après avoir organisé une expédition victorieuse en Hainaut, le comte de Flandre, Robert le Frison fait élever un ouvrage fortifié à Wavrechain-sur-l’Escaut où il laisse 300 chevaliers « qui attaquent continuellement le Hainaut » (Hanoniam (…) assidue infestabant) [58]. Quant au comte de Hainaut Baudouin V, il pénètre, en représailles, dans les terres du comte de Louvain par son castellum de Viesville [59]. Si les fortifications participent à la définition de la frontière, elles contribuent tantôt à en empêcher le passage, tantôt à le favoriser.

12Si le propos de Gislebert le conduit à s’intéresser essentiellement aux fortifications frontalières, le récit de Galbert de Bruges souligne les enjeux que celles-ci représentent plus généralement pour le pouvoir princier quelle que soit leur situation dans la principauté. Si l’on en croit son récit, Thierry d’Alsace, candidat à la succession au comté de Flandre en 1128, est conduit par les représentants de Gand dans les différents lieux fortifiés de Flandre (per castra Flandriae) pour y être reconnu comte par le peuple et les chevaliers [60], la suite du texte montrant que Gand, Bruges, Saint-Omer, Bourbourg, Ypres, Oudenbourg, Ghistelle, Lille et Winendale notamment, localités identifiées à leurs fortifications, situées au centre comme sur les marges de la Flandre, sont au cœur des enjeux, et le récit se clôt sur le pouvoir reconnu à Thierry, après la mort de son compétiteur, dans les différents lieux fortifiés où il s’est successivement rendu (peragratis castris) [61]. Cela ne signifie pas que tous sont perçus de la même manière : Ypres est ainsi considéré comme lieu situé « au centre » (in medio) de la terre du comte de Flandre, donc pratique pour réunir des représentants de toute part en cas de nécessité, si l’on en croit le discours de ceux de Gand, reproduit par Galbert [62], ce qui laisse supposer une conscience géographique assez nette du territoire flamand, tout en offrant l’image d’un pouvoir princier, reposant sur le contrôle de points forts plus ou moins dispersés, au premier rang desquels figurent les lieux fortifiés [63] (voir carte 1).

Carte 1

Pouvoir comtal et lieux fortifiés

Carte 1

Pouvoir comtal et lieux fortifiés

D’après Le Hainaut sous les Baudouin (1098-1195), Atlas de la Wallonie, op. cit.

13Parmi les pôles sur lesquels repose l’assise spatiale du pouvoir princier, figurent aussi les communautés religieuses, dont la recherche a montré le rôle politique et social, cumulé aux fonctions religieuses, dans la mesure où elles constituent notamment des relais de l’autorité à l’échelon local et des intermédiaires avec les élites : cela justifie que les princes veillent à entretenir des liens avec elles, en y plaçant des proches, en leur faisant des concessions de manière à les compter dans leur réseau ou en usant d’autres procédés. Gislebert explique au début de sa chronique que Baudouin (VI de Flandre / I de Hainaut), mortellement malade ordonne que lui soient apportés « tous les corps des saints de toutes les églises de Flandre (omnium ecclesiarum Flandriae) et toutes les reliques des saints ». Sous leur protection, il procède à la répartition entre ses fils de son héritage – la Flandre et le Hainaut – en présence de tous ses fidèles convoqués pour l’occasion [64]. La mise en scène, qu’elle soit réelle ou inventée, apparaît comme le moyen de souligner sa prétention à affirmer symboliquement son autorité sur l’ensemble de la Flandre, héritée depuis peu, par le biais de ses églises réparties sur l’ensemble du territoire, et à donner une caution spirituelle à son geste politique. L’analyse des bénéficiaires des concessions princières permet de saisir plus concrètement les points d’ancrage du pouvoir comtal. À la fin de son œuvre, Gislebert évoque les donations réalisées par Baudouin V juste avant de mourir [65], à un moment où il se soucie certes de son salut, mais où il faut aussi compter les soutiens pour assurer la transition qui se prépare entre le père et le fils, ce qui permet d’avoir un aperçu des communautés avec lesquelles le pouvoir comtal privilégie les liens. Cela permet d’identifier, en Hainaut, un centre situé entre Haine, Sambre et Escaut. Les actes qui nous sont parvenus confirment ce réseau d’églises et de monastères auquel s’ajoutent, dans les années 1193-1195, quelques communautés extra-hainuyères, en particulier dans le comté flamand (Hasnon, Saint-Amand, Anchin, ainsi que Warneton et Loos bénéficiaires des largesses de Marguerite) [66], moyen de renforcer l’assise du pouvoir comtal dans la Flandre acquise depuis peu. Pour la Flandre, les actes de Philippe d’Alsace (1157/1168-1191) [67], contemporain de Baudouin V, révèlent quant à eux un rayonnement beaucoup plus large, dans un espace situé entre Escaut, Scarpe, Aa et la mer, qui confirme la prééminence, déjà supposée, de la Flandre sur le Hainaut (voir carte 2).

Carte 2

Pouvoir comtal et communautés religieuses

Carte 2

Pouvoir comtal et communautés religieuses

D’après C. Mériaux, Gallia irradiata. Saints et sanctuaires dans le nord de la Gaule au haut Moyen Âge, Stuttgart, 2006, p. 344.

14Lieux fortifiés et communautés religieuses, tout en opérant un marquage territorial du pouvoir princier, contribuent à structurer les espaces et à définir centre et périphérie : ils participent en ce sens à l’identité du Hainaut comme de la Flandre. Si la documentation tend à lier étroitement cette identité à leur comte respectif, divers indices laissent supposer qu’elle a plus généralement une consistance régionale. C’est d’abord le fait que les populations, à commencer par les chevaliers ou les nobles, se trouvent reconnus comme Hainuyers (Hanonienses) ou Flamands (Flandrenses) [68], mais aussi que l’on identifie une armée flamande (exercitum Flandrensem) et une armée hainuyère (exercitum Hanoniensem) [69], certes toujours levées ou dirigées par le comte, voire la comtesse en son absence, ou encore que certaines coutumes sont particulières à l’une des deux régions [70]. La perception d’une identité hainuyère ou flamande n’exclut cependant pas la reconnaissance d’autres identités, notamment plus locales, qui se cumulent [71]. Pour Lambert d’Ardres qui témoigne des perceptions locales, les populations du comté de Guînes et de la seigneurie d’Ardres sont davantage identifiées comme guînoises et ardrésiennes que comme flamandes, même si elles ont aussi conscience de faire pleinement partie du monde flamand [72]. La distinction entre les deux principautés et l’identité propre reconnue à chacune d’elles ne conduisent cependant pas l’une et l’autre à fonctionner en s’ignorant. Leur situation de voisinage entraîne des relations multiformes qu’il convient d’analyser.

Deux territoires en interrelation

15La question de la disparité dans les espaces qui nous intéressent invite à s’interroger aussi sur la conscience d’être voisins et les conséquences susceptibles d’en découler. Gislebert de Mons note que Baudouin IV de Hainaut doit supporter de nombreuses attaques de la part de ses voisins (contra vicinos suos), et principalement de Thierry, comte flamand (comitem flandrensem) et de sa femme Sibylle [73], preuve de la perception d’autres forces aux portes de la principauté et, en particulier, du voisinage avec la Flandre. En outre, dans une société où l’émiettement du pouvoir renforce la compétition entre les élites, le prince voisin constitue une menace. Cela n’exclut cependant pas d’autres types de relations entre princes voisins, mais aussi entre chacun des princes et les élites de la principauté voisine, voire plus généralement entre les populations relevant des deux entités territoriales voisines. Il importe donc de préciser la nature de ces relations et ce qu’il en résulte sur un plan identitaire, puis de saisir leur traduction spatiale.

Entre alliance, compétition et conflits

16La situation géographique de la Flandre et du Hainaut conduit chacune des principautés à entretenir avec l’autre des relations qui oscillent, en fonction du contexte intérieur et extérieur, entre alliance, compétition et conflit. La proximité des deux territoires conduit, en effet, régulièrement à des alliances, plus ou moins temporaires, pour unir leurs forces face à d’autres, sans pour autant remettre en cause leur identité. Ces alliances prennent des formes diverses. Si l’on en croit Gislebert de Mons, à la fin des années 1160, dans les tournois, « c’était la coutume que les chevaliers hainuyers soient avec les Flamands et les Vermandisiens » (consuetudo esset militum Hanoniensium in tornamentis (…) cum Flandrensibus et Viromandensibus esse) [74]. Dans ces jeux compétitifs où rivalisent les élites pour se divertir, mais aussi acquérir ou conforter gloire et richesses [75], les équipes ont un recrutement régional, ou du moins se trouvent associées aux principautés dont elles défendent l’honneur. Les alliances auxquelles elles donnent parfois lieu, comme ici entre Hainuyers et Flamands, n’en gomment cependant pas l’identité reconnue aux uns et aux autres. Les alliances sont aussi nouées par le biais des mariages, dont c’est l’un des rôles au haut Moyen Âge [76]. Gislebert précise que le mariage, en 1169, du jeune Baudouin V et de Marguerite qui garantit la paix conclue entre les comtes de Hainaut et de Flandre, s’accompagne du serment des deux comtes, respectivement père et frère des mariés, de respecter leur alliance (confederatio) et de se soutenir mutuellement. Il ajoute que cette union a été décidée « sur le conseil, avec le consentement et l’accord des Flamands et Hainuyers » (mediante Flandrensium et Hanoniensium consilio, consensuque et concordi) [77], du moins ceux de l’entourage comtal. Le mariage s’intégrant dans des stratégies qui concernent les groupes dans lesquels s’insèrent les individus, les membres du groupe se trouvent associés à l’alliance conclue, ce qui justifie leur participation aux décisions. Les mariages qui unissent Hainuyers et Flamands concernent aussi les branches collatérales de la famille princière, ce qui participe tout autant à ces stratégies. Gislebert évoque ainsi le mariage d’une petite-fille (Ada) de Baudouin II et Ide, couple comtal hainuyer, avec Gossuin [de Wavrin], chevalier flamand (miles Flandrensis), celui d’une arrière-petite-fille (Yolende) avec le seigneur de Scheldewindeke (Winti) en Flandre (in Flandria) [78], ou encore d’une petite-fille (Ada) de Baudouin IV et d’Alix avec un noble de Flandre (vir nobilis in Flandria), châtelain de Dixmude [79]. S’il y a volonté de situer aussi précisément que possible les individus et les lieux, il y a aussi probablement, derrière ces données géographiques, la volonté d’indiquer les relais et les soutiens dont disposent les comtes de Hainaut en Flandre. Il en résulte, si le discours de l’auteur veut porter, une conscience nette de qui est hainuyer et qui flamand, et la volonté d’en tirer parti, aussi bien à l’échelon princier, auquel s’intéresse Gislebert, que dans le reste de l’aristocratie. Les alliances matrimoniales se traduisent en effet parfois concrètement sur un plan politique et militaire, lorsque l’une des parties se trouve menacée. Gislebert évoque le secours apporté à plusieurs reprises par Baudouin V accompagné de ses troupes à Philippe d’Alsace en conflit avec le roi Philippe Auguste [80], ainsi que l’appel à l’aide lancé par Baudouin V à ses amis pour défendre une de ses possessions dont s’est emparée Henri, fils du comte de Louvain, ce qui conduit au rassemblement d’une armée considérable, comptant notamment de nombreux nobles de Flandre (multos Flandriae nobiles), aux côtés de ses fidèles hainuyers (suos Hanonienses) [81]. Il en résulte l’image de forces armées d’origines diverses, réunies pour défendre certains intérêts partagés, mais conservant leur identité au sein de l’ensemble ainsi constitué.

17Les alliances qui impliquent coopération, n’excluent pas la compétition [82], ce que recouvre le concept de coopétition, repris par les hauts médiévistes aux sciences sociales [83]. Gislebert de Mons témoigne de la diversité de ses formes. Elle se manifeste dans le cadre des tournois : à partir de 1168, à la suite d’un différend entre Baudouin V et Philippe d’Alsace, la coutume n’est plus que les Hainuyers fassent équipe avec les Flamands mais contre eux [84]. Les rivalités se traduisent aussi dans l’entourage des souverains. Gislebert qui écrit certes à la gloire de Baudouin V, rapporte que celui-ci finit en 1187, par se voir confier par Philippe Auguste le commandement de l’avant-garde de l’armée aux dépens du comte de Flandre qui y prétendait [85]. En revanche, Philippe d’Alsace s’illustre en portant l’épée royale lors de plusieurs cérémonies auxquelles assiste Baudouin [86]. Il en est de même du côté de l’Empire. Le chroniqueur se plaît à souligner le soutien reçu par le comte de Hainaut de la part de l’empereur ou de son fils, malgré les manœuvres du comte de Flandre et ses alliés [87], parce que cela renforce autant l’honneur que le pouvoir de Baudouin V. Mais, au-delà de son parti pris, il témoigne des compétitions princières pour faire pencher l’autorité impériale en faveur des intérêts de l’un plutôt que de l’autre. Gislebert souligne par ailleurs l’enjeu que constitue le siège épiscopal de Cambrai qui permet à son détenteur d’exercer l’autorité religieuse sur le Hainaut et une partie de la Flandre, en plus des fonctions comtales dans le Cambrésis et des pouvoirs politiques, économiques et culturels détenus par tout évêque, ce qui conduit les comtes de Flandre et de Hainaut à rivaliser pour y faire désigner un de leurs alliés. Après Pierre, frère de Philippe d’Alsace, puis Robert, qui bénéficie des faveurs du comte de Flandre, c’est Roger de Wavrin, bénéficiant du soutien de Baudouin V, qui finit, après une phase d’opposition entre plusieurs candidats, par être élu évêque de Cambrai [88]. La nécessité pour les compétiteurs d’affirmer leurs atouts face aux autres et pour les arbitres de tenir compte des rapports de force, tout en veillant à maintenir l’équilibre des forces avec lesquelles ils doivent compter, contribue à identifier celles-ci précisément, ici comme flamandes ou hainuyères. La compétition permet ainsi à la fois de renforcer la perception de l’autre et d’affirmer l’identité du territoire ou du groupe à l’égard de l’autre. Cela n’exclut pas, par ailleurs, des rivalités internes à chacune des principautés [89].

18La compétition débouche néanmoins parfois sur des conflits, autre type de relation attesté entre la Flandre et le Hainaut. Certains conflits opposent directement comtes et comtesses [90] des deux principautés, avec leurs armées, ce qui n’exclut pas des phases intermédiaires de trêves, voire de réconciliation. Gislebert mentionne la bataille de Cassel qui oppose, en 1071, les Flamands (Flandrienses) et les Hainuyers (Hanonienses) ainsi que leurs alliés respectifs [91], de même que les guerres continuelles menées par la comtesse Richilde et son fils (qui gouvernent en Hainaut), ainsi que les Hainuyers (Hanoniensium), contre Robert le Frison (qui s’est emparé de la Flandre à leur détriment) et ses Flamands (ejus Flandrensibus), ce qui provoque, en riposte, des campagnes militaires de celui-ci en Hainaut [92]. Le chroniqueur hainuyer insiste aussi sur les attaques continuelles que Baudouin IV subit, quelques décennies plus tard, de la part du comte flamand Thierry et de sa femme Sibylle [93]. À la génération suivante, le comte de Flandre attaque à plusieurs reprises avec ses hommes la terre du comte de Hainaut [94], prêt à riposter en envahissant les possessions du comte de Flandre [95]. Si Gislebert enregistre davantage les attaques menées en Hainaut par les Flamands que l’inverse, parce que son objectif est de souligner la grandeur des comtes hainuyers qui y résistent et de justifier leurs choix politiques et militaires pour y répondre, il n’en témoigne pas moins de conflits réguliers entre les deux principautés voisines, ce qui conduit à renforcer la cohésion des forces de chacune pour s’imposer à celles de l’autre clairement ciblées, et donc à participer à l’affirmation des identités hainuyère et flamande. Le chroniqueur évoque aussi, pour le principat de Baudouin V qui retient plus particulièrement son attention, des conflits qui prennent une forme indirecte qui se traduit par alliés interposés, ce qui n’exclut pas qu’elle s’accompagne parfois de la participation des forces armées qui pénètrent dans la principauté voisine ou font pression sur elle. Le récit de Gislebert rapporte que Baudouin V finit par soutenir Philippe Auguste dans le conflit qui oppose le comte de Flandre au roi [96]. Philippe d’Alsace soutient quant à lui les comtes de Namur et de Louvain en lutte contre le comte de Hainaut [97] et pousse l’empereur à intervenir contre Philippe Auguste pour opprimer le comte de Hainaut [98]. Ces conflits armés s’accompagnent, par intérêt autant politique et stratégique qu’économique, de pillages et de destructions qui affectent territoires et populations. Gislebert de Mons précise ainsi que le conflit relatif à Lembeke qui opposent le comte de Hainaut au comte de Louvain, et ses alliés – dont le comte de Flandre –, conduit « à la traversée en long et en large du comté du Hainaut par des armées qui en ont détruit la majeure partie par le feu » (comitatus Hanoniensis longe lateque supervenientibus exercitibus in majori parti igne concrematus est) [99], et que, quand en 1185, le comte de Flandre, en conflit avec Philippe Auguste et Baudouin V de Hainaut, renforce les garnisons des places fortes aux frontières, ses hommes « avec des possessions frontalières (in marchia) n’osent rejoindre son armée, retenus par la défense de leurs propres biens » (pro custodia suarum) [100]. Il en résulte une distinction accrue à tous les échelons de la société entre le territoire de sa principauté, à protéger, et celui de l’autre, à dévaster, qui renforce le sentiment d’appartenance à chacune d’elles. Cela n’exclut néanmoins pas de multiples perméabilités.

Deux zones perméables

19Les relations multiformes entre les deux principautés et la conscience de l’altérité du voisin ont des traductions spatiales qu’il convient d’analyser pour mesurer la perception du territoire qu’en avaient les contemporains. Le voisinage des deux principautés favorise d’abord les déplacements de l’une à l’autre. Ces déplacements peuvent être pacifiques, comme lorsque l’un des comtes rend visite à l’autre, ce qui relève, sous les principats de Baudouin V et de Philippe d’Alsace qui sont beaux-frères, autant des relations familiales que politiques. Gislebert enregistre ainsi le déplacement, en 1183, du comte de Flandre à Mons, où il vient visiter le comte de Hainaut, la comtesse Marguerite, sa sœur, et leurs enfants encore jeunes [101], et inversement, en 1190, celui de Baudouin V, Marguerite et leurs enfants à Gand où ils sont auprès de Philippe d’Alsace et de sa femme Mathilde/Reine [102]. Même si le chroniqueur hainuyer les évoque peu, parce que cela n’est pas son propos, les déplacements pacifiques entre Hainaut et Flandre concernent d’autres membres de l’élite, notamment marchande et religieuse, amenés pour leurs affaires à passer de l’une à l’autre principauté. Les alliances comme les conflits conduisent cependant aussi à des déplacements plus massifs, ceux des troupes, appelées en soutien par la principauté voisine menacée, voire sollicitées de plus loin dans le cadre d’une alliance, ou encore chargées de piller et de dévaster pour affirmer la puissance de l’une et ses prétentions à l’égard de l’autre.

20La perméabilité des deux territoires est néanmoins surtout perceptible aux liens personnels établis entre les élites de Flandre et de Hainaut. La compétition qui les anime et le système d’alliance qui est nécessaire pour s’imposer conduisent à la constitution de réseaux, ancrés dans la principauté, mais aussi en dehors, et en particulier dans la principauté voisine. Si les liens sont personnels, la recherche d’alliés ou de fidèles dont le pouvoir est ancré dans tel territoire, peut laisser supposer des stratégies qui intègrent une dimension territoriale. Les deux principautés jouent de leur situation frontalière. Gislebert témoigne de la conscience pour le Hainaut d’être placé « à la frontière » (in marchia) de l’Empire et du royaume des Francs : si cela présente des inconvénients lorsqu’il y a conflit entre les deux puissances, du fait du passage des troupes [103], cela facilite aussi les relations avec le royaume voisin. Le chroniqueur témoigne de tels liens pour l’un et l’autre princes. Le comte de Flandre, principalement lié à Philippe Auguste, sollicite et obtient, à partir du moment où il est en conflit avec celui-ci, le soutien des forces impériales [104]. Inversement, le comte de Hainaut est considéré membre de l’empire (de imperio erat), ce qui le conduit à soutenir l’empereur, même s’il ne lui doit aucune obligation [105] avant d’hériter de la Flandre et du comté de Namur [106], et à rechercher son appui, accordé notamment lorsque cela permet de protéger les intérêts de l’Empire face aux prétentions des élites du royaume voisin [107]. Mais cela n’empêche pas Baudouin V de nouer aussi des liens avec Philippe Auguste – devenu son gendre en 1180 –, intéressé par son alliance pour contrer les ambitions du comte de Flandre [108]. Chacun des deux princes s’appuie par ailleurs sur des parents, amis, alliés, fidèles et droits implantés dans la principauté voisine voire au-delà, qui permettent à la fois de soutenir ses intérêts et d’affaiblir ses adversaires. Gislebert précise ainsi qu’en 1182, l’armée que Baudouin V a rassemblée à Lembeke, pour y faire valoir ses droits contestés par le comte de Louvain et son fils, réunit « ses hommes hainuyers » (homines suos Hanonienses), mais aussi de nombreux amis « relevant de l’Empire et du royaume de France » (de Imperio et de regno Franciae) [109]. Il rappelle aussi qu’en 1185, Baudouin V compte, parmi les Flamands, des vassaux, des amis et des consanguins de sa femme Marguerite. Si, dans le cadre du conflit qui l’oppose au comte de Flandre, ceux-ci ne peuvent lui apporter aucun soutien, par crainte de Philippe d’Alsace selon l’explication donnée par Gislebert [110], le réseau n’en existe pas moins et est susceptible de fonctionner avec plus ou moins d’efficacité en fonction du rapport de force et de la nature des relations entre les princes. Inversement, le comte de Flandre bénéficie de l’appui, en Hainaut, de Jacques d’Avesnes [111] qui défend ses intérêts en même temps qu’il soutient les prétentions de Philippe d’Alsace. Il en est de même pour les élites de chacune des principautés dont les stratégies les conduisent à entretenir des liens avec l’un et l’autre prince, ainsi qu’avec des aristocrates établis dans l’une ou l’autre principauté. Gislebert évoque ainsi le cas de Gérard, prévôt de Douai, qui s’appuie sur « une parenté nombreuse tant en Hainaut, qu’en Flandre et Vermandois » (parentela magna tam in Hanonia, quam in Flandria et Viromandia) et tient « de nombreux biens en fief lige du comte de Flandre et de celui du Hainaut » (a comite Flandrensi et a comite Hanoniensi multa bona in feodo ligio habebat) [112]. La constitution de réseaux qui transcendent les frontières laisse donc supposer la perception de deux identités territoriales, tout en contribuant à brouiller les distinctions, du fait de l’enchevêtrement des liens et des droits. Il en résulte l’image de relations complexes, dans et entre les deux principautés, qui font alterner, en fonction du contexte politique et du positionnement de chacun, des gestes de solidarité et d’exclusion, d’alliance et de conflits, de soumission et de contestations, qui traduisent autant l’affirmation de l’identité de chacune et la reconnaissance de l’autre, que le cumul avec d’autres identités à une échelle plus grande ou plus petite.

Conclusion

21Le corpus étudié, pour réduit qu’il soit, permet de dégager trois conclusions majeures que d’autres dépouillements ne manqueront pas de compléter et nuancer. Il en ressort d’abord la perception et la reconnaissance, dans ces régions aux confins de la France et de la Germanie, de deux territoires distincts, chacun nettement associés au pouvoir princier, structurés autour d’un réseau de sites fortifiés et de monastères participant à leur identité et contribuant à la définition d’un centre et d’une périphérie. Les populations de chacun d’eux semblent s’y identifier aussi assez clairement, en particulier les élites, ce qui se traduit par des gestes, collectifs ou individuels, favorisant la cohésion interne tout en s’affirmant par rapport aux autres, à commencer par les voisins. La distinction entre la Flandre et le Hainaut se fait néanmoins davantage par l’affirmation de ce qui fait l’identité de chacune des principautés que par la mise en avant des différences, dans la mesure où les fondements du pouvoir y sont les mêmes. L’attachement des élites aux dynasties princières qui ont su imposer leur autorité, non sans contestation [113], et « l’écriture du passé, associée étroitement à la glorification de la dynastie » [114] princière contribuent notamment à fonder les identités régionales. Mais divers indices laissent supposer la supériorité politique de la Flandre sur le Hainaut, même si c’est le comte hainuyer qui finit par s’imposer, à la fin du xiie siècle, à la tête des deux principautés. Le corpus témoigne ensuite des relations multiformes, pacifiques ou conflictuelles, créées par le voisinage des deux principautés qui les conduit à être sans cesse en compétition, mais tantôt l’une contre l’autre, tantôt ensemble contre les autres, alors que le mode de fonctionnement de la société et de l’exercice du pouvoir aboutit à la constitution de réseaux d’alliance et de fidélité transcendant les frontières, sans pour autant, dans un cas comme dans l’autre, remettre en cause l’identité de chacune des principautés. Enfin, l’identification claire des deux territoires n’exclut pas pour autant la reconnaissance d’entités territoriales plus petites (seigneuries) ou plus grandes (royaumes) à l’identité tout autant affirmée, compte tenu de la configuration des principautés sous la forme d’une mosaïque de droits et de la capacité de chacun à relever d’identités multiples.


Mots-clés éditeurs : Hainaut, territoire, identité, principautés, frontière, pouvoir, Flandre, réseau

Date de mise en ligne : 12/03/2020

https://doi.org/10.3917/rdn.429.0015

Notes

  • [1]
    J. Nelson, Charles le Chauve, Paris, Aubier, 1994, p. 156 et carte 3, p. 370-371. Voir aussi A. Lottin (dir.), Deux mille ans du “Nord-Pas-de-Calais”, t. I : Des Gaulois à la veille de la Révolution, Lille, La Voix du Nord, 2002, carte p. 47 et les cartes de l’atlas de la Wallonie en ligne (http://connaitrelawallonie.wallonie.be/fr/histoire/atlas). Le rôle structurant de l’Escaut dans les régions septentrionales est cependant plus ancien : frontière entre la cité des Ménapiens et celle des Nerviens, il est à l’origine de celle des diocèses médiévaux de Cambrai et Tournai. Voir C. Mériaux, « De la cité antique au diocèse médiéval. Quelques observations sur la géographie ecclésiastique du Nord de la Gaule mérovingienne », dans Territoires et frontières en Gaule du Nord et dans les espaces septentrionaux francs, E. Santinelli, R. Soussignan (dir.), Revue du Nord, t. 85, n° 351 (juin-septembre 2003), p. 597 et carte p. 609.
  • [2]
    L’autorité princière se renforce en Flandre, dès la fin du ixe siècle, conséquence des pouvoirs renforcés octroyés par le roi Charles le Chauve à son gendre Baudouin Ier, chargé de défendre la région. Quant au Hainaut, progressivement organisé autour de Mons et Valenciennes, il devient à partir de la seconde moitié du xe siècle, avec le Cambrésis, l’un des pivots du système de défense mis en place par le souverain de Germanie en direction du royaume de Francie occidentale et de la puissante principauté flamande voisine. Voir, entre autres, L. Vanderkindere, La formation territoriale des principautés belges au Moyen Âge, 2 t., Bruxelles, H. Lamertin, 1902 ; plus récemment, L. Génicot, Études sur les principautés lotharingiennes, Louvain, Publication universitaire de Louvain, 1975 ; P. Pierrard, Histoire du Nord. Flandre, Artois, Hainaut, Picardie, Paris, Hachette, 1978, p. 58-61 ; H. Platelle, D. Clauzel (dir.), Histoire des Provinces françaises du Nord, t. II : Des principautés à l’Empire de Charles Quint (900-1519), Dunkerque, Westhoek éd., 1989, p. 9-23 ; T. de Hemptinne, « Vlaanderen en Henegouwen onder de erfgenamen van de Boudewijns (1070-1244) », dans Algemene Geschiedenis der Nederlanden, D. Blok, W. Prevenier, D.J. Roorda (dir.), t. 2, Haarlem, Fibula-Van Dishoeck, 1977, p. 372-402 ; plus précisément, sur le Hainaut, L. Génicot (dir.), Histoire de la Wallonie, Toulouse, Privat, 1973, p. 123-130 ; M. Bruwier, « Le Hainaut sous les Régnier, les Baudouin, les Avesnes et les Bavière », dans Hainaut d’hier et d’aujourd’hui, L. Philippart (dir.), Bruxelles, Labor, 1962, p. 117-130 ; Ead., « L’administration d’une principauté au Moyen Âge. Le Hainaut », Bulletin trimestriel du Crédit Communal de Belgique, n° 63, 1963, p. 29-37 et p. 42 ; M. DeWaha, « Du pagus de Brabant au comté de Hainaut. Éléments pour servir à l’histoire de la construction de la principauté », Annales du Cercle archéologique du canton de Soignies, 36, 1998, p. 25-111 ; J. Falmagne, Baudouin V, comte de Hainaut, 1150-1195, Montréal, Les Presses de l’université de Montréal, 1966 ; N. Ruffini-Ronzani, « L’analyse de réseaux, un outil pour relire l’émergence des principautés territoriales ? Premières réflexions sur le cas hennuyer », 2016 (https://www.academia.edu/28719802), ainsi que L. Génicot, J. Georges, A. Brunee, Atlas historique : les grandes étapes de l’histoire du monde et de la Belgique, Bruxelles, Didier Hatier, 1997, p. 46 et l’atlas historique de la Wallonie en ligne cité n. 1 ; et sur la Flandre, voir E. Le Glay, Histoire des comtes de Flandre et des Flamands au Moyen Âge, t. I [rééd. 1846], réimpr. Monein, Éditions Pyré Monde, 2006 ; F.-L. Ganshof, La Flandre sous les premiers comtes, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1943 ; J. Dhondt, Les origines de la Flandre et de l’Artois, Arras, 1944, et plus récemment D. Nicholas, Medieval Flanders, New York, Longman, 1992.
  • [3]
    Gislebert de Mons, Chronique du Hainaut, éd. L. Vanderkindere, La chronique de Gislebert de Mons, Bruxelles, Kiessling, 1904 [ensuite Gislebert], c. 215, p. 299 : principatu Flandrie (…) comitatus Hanoniensis ; C. Duvivier, « Codex Diplomaticus », dans Id., Le Hainaut ancien (pagus Hanoniensis) du viie au xiie siècle, Bruxelles, Librairie Ancienne de F.-J. Olivier, 1865 [ensuite Codex diplomaticus], n° 64 (1081) et 65 (1082), p. 430-432 : principatum (…) Flandrensis atque Hanonensis pagi. Les termes ont néanmoins parfois un sens territorial comme comitatus dans une charte de 1179, évoquant les droits détenus par Baudouin de Gand in comitatu Hainoensium notamment (codex diplomaticus, n° 144bis, p. 621) ou encore ducatus employé par Gislebert, à propos du duché de Louvain qui s’étend en Hainaut jusqu’à Tronc-Berenger (c. 170, p. 251), sans que cela corresponde pour autant à des circonscriptions forcément précisément définies.
  • [4]
    Parmi les études les plus récentes, voir G. Bührer-Thierry, S. Patzold, J. Schneider (dir.), Genèse des espaces politiques (ixe-xiie siècle) : Autour de la question spatiale dans les royaumes francs et post-carolingiens, Turnhout, Brepols, 2018, en particulier l’introduction et les articles de F. Mazel, M. Margue et P. Bauduin ; plus traditionnel, B. Demotz (dir.), Les principautés dans l’Occident médiéval. À l’origine des régions, Turnhout, Brepols, 2007 ; Synthèse de F. Mazel, Histoire de France : Féodalités, 888-1180, Paris, Belin, 2010, p. 38-48 (formation des principautés) et p. 554-569 (pouvoir princier au xiie s). Voir aussi G.A. Loud, J. Schenk (dir.), The origins of the german principalities, 1100-1350 : essays by German historians, Londres, Routlege Taylor & Francis group, 2017, notamment M. Margue, M. Pauly, « The territorial principalities in Lotharingia », p. 220-238.
  • [5]
    Sur la participation de la définition d’un territoire et de la maîtrise de l’espace au phénomène élitaire, voir P. Depreux, F. Bougard, R. Le Jan (dir.), Les Élites et leurs espaces. Mobilité, rayonnement, domination (du vie au xie siècle), Turnhout, Brepols, 2007.
  • [6]
    Cette territorialisation est notamment plus précoce en Flandre qu’en Hainaut : voir F. Mazel,… Féodalités…, op. cit., p. 46 et p. 554-555.
  • [7]
    Sur ce type de source, voir L. Génicot, Les généalogies, TSMAO 15, Turnhout, Brepols, 1975-1985. Sur les évolutions du xiie siècle, voir G. Duby, « Remarque sur la littérature généalogique en France aux xie-xiie siècles » [1967], rééd. dans Id., Hommes et structures du Moyen Âge, Paris, Mouton, 1973, p. 294-295
  • [8]
    Gislebert, trad. fr. G. Ménilglaise, dans Mémoires de la société historique et littéraire de Tournai, t. 14-15 (1874), trad. angl. L. Napran, Woodbridge, The Boydell Press, 2005. Les traductions données ensuite en français sont cependant personnelles. Sur Gislebert, sa chronique et la date de rédaction, voir l’introduction de L. Vanderkindere, p. XX-XXVI, ainsi que K. Huygens, « Sur la valeur historique de la chronique de Gislebert de Mons », Revue de l’instruction publique en Belgique, t. 32, 1889, p. 301-315 ; J. Pycke dans le Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, t. 21, Paris, Letouzey et Ané, 1986, col. 27-31 ; E. Santinelli-Foltz, « Mémoire et communauté familiale : le rôle de la littérature généalogique, à partir de l’exemple de la Chronique de Gislebert de Mons (xiie siècle) », dans Mémoire et communautés au haut Moyen Âge (vie-xiie siècle), C. Mériaux, L. Leleu (dir.), Turnhout, Brepols (à paraître).
  • [9]
    Histoire du meurtre de Charles le Bon, rédigée en 1127-1128, par Galbert de Bruges, clerc flamand, notaire dans la chancellerie comtale notamment sous Charles le Bon (1119-1127) et Guillaume Cliton (1127-1128), témoins des événements qu’il a notés au jour le jour et retranscrits quand il en avait le temps, en les commentant. Galbert de Bruges, Histoire du meurtre de Charles le Bon, éd. J. Rider, Galbertus notarius Brugensis : De multro, traditione, et occisione gloriosi Karoli comitis Flandriarum, Turnhout, Brepols, 1994 [ensuite Galbert] ; trad. fr. J. Gengoux, M. Buysse, dans Le meurtre de Charles le Bon, R.C. van Caenegem (dir.), Anvers, Fonds Mercator, 1978 ; trad. angl. J.-B. Ross, New York, Columbia U.P., 1960, et plus récemment J. Rider, Londres, Yale university press, 2013. Sur l’auteur et son œuvre, outre les introductions de H. Pirenne, J. Rider, J.-B. Ross, et R.C. van Caenegem, voir J. Dhondt, « Une mentalité du xiie siècle : Galbert de Bruges », Revue du Nord, t. 39, n° 154, avril-juin 1957, p. 101-109 ; J. Rider, A. V. Murray (dir.), Galbert of Bruges and the historiography of medieval Flanders, Washington, The Catholic university of America Press, 2009 ; L. Feller, L’assassinat de Charles le Bon, comte de Flandre, Paris, Perrin, 2012, p. 21-34.
    Histoire des comtes de Guînes et des seigneurs d’Ardres, écrite entre 1194 et 1206, par Lambert, curé d’Ardres, au service des comtes de Guînes, proposant aussi un point de vue partial à partir d’un échelon princier quelque peu inférieur. Lambert d’Ardres, Histoire des comtes de Guînes et des seigneurs d’Ardres, éd. I. Heller, MGH SS 24, Hanovre, Impensis bibliopolii Hahniani, 1964, p. 550-642 [ensuite Lambert d’Ardres] ; éd. et trad. G. Ménilglaise, Paris, Jules Renouard et Cie, 1865 ; trad. angl. L. Shopkow, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2007. Sur l’auteur, son œuvre et la date de rédaction, voir les introductions de I. Heller, p. 550-554 et de L. Shopkow, p. 2-8, ainsi que G. Tyl-Labory, « Lambert d’Ardres », dans Dictionnaire des Lettres françaises : Le Moyen Âge, G. Hasenohr, M. Zink (dir.), Paris, Fayard, 1992, p. 911-912 ; F.-L. Ganshof, « À propos de la chronique de Lambert d’Ardres », dans Mélanges d’histoire du Moyen Âge, offerts à M. Ferdinand Lot par ses amis et ses élèves, Paris, E. Champion, 1925, p. 205-234 ; G. Duby, « Structures de parenté et noblesse dans la France du Nord aux xie-xiie siècles » [1967], rééd. dans Id., Hommes et structures du Moyen Âge, Paris, Mouton, 1973, p. 278-284 et Id., Le chevalier, la femme, le prêtre. Le mariage dans la France féodale [1981], rééd. dans Féodalité, Paris, Gallimard, 1996, p. 1354-1377 ; plus récemment, les travaux de J.-F. Nieus, notamment « Lambert d’Ardres, chroniqueur (vers † 1206) », dans Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastique, t. 30, col. 12-14.
  • [10]
    Sans prétendre à l’exhaustivité, trois corpus ont été analysés : Actes des comtes de Flandre, 1071-1128, éd. F. Vercauteren, Bruxelles, Palais des académies, 1938 ; De oorkonden der Graven van Vlaanderen (Juli 1128-September 1191), éd. T. de Hemptinne, A. Verhulst, 3 t., Bruxelles, Palais des académies, 1988-2009 [ensuite De oorkonden] ; Actes et documents anciens intéressant la Belgique, nouvelle série, éd. C. Duvivier, Bruxelles, impr. Hayez, 1903 [ensuite Duvivier] ; « Codex Diplomaticus », éd. C. Duvivier, Le Hainaut ancien…, op. cit., p. 265-668 [ensuite Codex diplomaticus].
  • [11]
    I. Guyot-Bachy privilégie un point de vue externe en s’intéressant à la perception de l’espace flamand chez les chroniqueurs et historiens du royaume de France : I. Guyot-Bachy, « Quand et comment l’espace flamand s’est-il imposé aux chroniqueurs du royaume de France (xie-xive siècle) », dans Construction de l’espace au Moyen Âge : pratiques et représentations, Paris, Publications de la Sorbonne, 2007, p. 131-145.
  • [12]
    Toute identité se définit à la fois par rapport à l’individu, le groupe ou l’objet pris en considération, mais aussi par rapport aux autres. Pour un territoire et la population qui s’y trouve, elle se fonde à la fois sur ce qui fait leur unité, mais aussi ce qui les distingue des autres : sur la réflexion autour de l’identité et l’altérité, voir, entre autres, M. Wieviorka, J. Ohana (dir.), La différence culturelle. Une reformulation des débats, Paris, Éd. balland, 2001, ainsi que G. Ferréol, G. Jucquois (dir.), Dictionnaire de l’altérité et des relations interculturelles, Paris, A. Colin, 2003, et plus particulièrement pour le Moyen Âge, P. Josserand, J. Pysiak (dir.), À la rencontre de l’autre au Moyen Âge : In memoriam Jacques Le Goff, Rennes, PUR, 2017.
  • [13]
    Gislebert, c. 10, p. 15.
  • [14]
    Gislebert, c. 209, p. 294-295.
  • [15]
    Gislebert, c. 8, p. 11.
  • [16]
    Gislebert, c. 127, p. 194 : per mediam Hanoniam in longum transvolans.
  • [17]
    Gislebert, c. 206, p. 292.
  • [18]
    Gislebert, c. 211, p. 296.
  • [19]
    Par exemple, Codex diplomaticus, n° 51 (1065), p. 405 : in comitatu Hainau (…) in Flandria ; n° 100 (1111), p. 501 (in Hainau) ; n° 112 (1123), p. 531 (in comitatu Hainonensi) ; c. 121 (1142), p. 559 (in territorio Hanonensi) ; n° 155 (1195), p. 664 (in Hainoia) ; De oorkonden, n° 2 (1128), p. 15-16 (in Flandria, in comitatu Flandriae) ; etc.
  • [20]
    Sur l’association plus étroite à partir de l’époque carolingienne, de l’épouse à l’exercice du pouvoir, d’abord à l’échelon royal, puis dans l’aristocratie princière, voir entre autres R. Le Jan, Famille et pouvoir dans le monde franc (viie-xie siècle). Essai d’anthropologie sociale, Paris, Publications de la Sorbonne, 1995, p. 356-365 ; T. Evergates (dir.), Aristocratic women in medieval France, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1999.
  • [21]
    Par exemple, Duvivier, n° 85 (1193), p. 173.
  • [22]
    Les souverains sont le plus souvent dits rex Francorum, rex Anglorum ou rex/imperator Romanorum, plus rarement rex Francie ou Anglie. Par exemple, Gislebert, c. 150, p. 233 (rex Romanorum) ; c. 138, p. 206 (imperator Romanorum, rex Francorum, rex Anglorum) ; c. 184, p. 270-271 (rex Francie, rex Anglie) ; c. 189 et 191, p. 277 (rex Francorum). Codex diplomaticus, n° 564 (1081), p. 431 (regnante rege Romanorum Henrico) ; n° 89bis (1098), p. 479 (Philippo rege Francorum) ; c. 105 (1114 ou 1115), p. 514 (Ludovico rege Francorum) ; n° 127ter (1139-1154), p. 580 (S[tephanus] rex Anglie). Tous les diplômes de Philippe Auguste retiennent la titulature rex Francorum : Actes de Philippe Auguste, éd. H.F. Delaborde, J. Monicat, J. Boussard, M. Nortier, 5 t., Paris, Impr. nationale, 1916-2004.
  • [23]
    Voir Duvivier, à partir du n° 35. Pour Marguerite, comitissa Hanoensis ou Hanoie, ibid., n° 46 (1177), p. 90 ; n° 52 (1180), p. 103 ; n° 74 (1190), p. 151 ; n° 89-92 (1194), p. 180-189.
  • [24]
    Duvivier, nos 35, 36, 40, 42, 48, 50, 55, 59, 61, 63, 64, 65, 66, 67, 71, 85. Parmi les actes qui nous sont parvenus, Baudouin IV et Baudouin V ne sont présentés qu’une seule fois chacun avec la titulature comes Henoniensium / Hayonencium : codex diplomaticum, n° 135 (1166), p. 600 et n° 98bis (1181), p. 641.
  • [25]
    Par exemple Gislebert, c. 150, p. 233 (comes Hanoniensis, Lovaniensis, Namurcensis, Flandrie, Campanie ; rex Romanorum) ; c. 170, p. 251 et 179, p. 265 (comes Flandrensis / Flandrie) ; c. 138, p. 206 (imperator Romanorum, rex Francorum, rex Anglorum, comes Flandrie, comes Blesensis, comes Clarimontis) ; c. 190-191, p. 277 (comes Flandrensis et Hanoniensis et marchio Namurcensis, comes Flandrie, dux Loviensis, rex Francorum). On remarquera que la titulature associe certains princes à un territoire (Flandre, Hainaut, Champagne) et d’autres à un des centres de leur pouvoir (Namur, Louvain, Blois, Clermont).
  • [26]
    Gislebert, c. 118, p. 182.
  • [27]
    Gislebert, c. 76, p. 115-116.
  • [28]
    Sur la frontière, la polysémie du terme, ses formes, sa perception et son rôle au Moyen Âge, voir, entre autres, L. Genicot, « Ligne et zone : la frontière des principautés médiévales », Bulletin de la classe des lettres et des sciences morales et politiques, 1970, p. 29-42 ; P. Toubert, « Frontière et frontières : un objet historique », dans Frontière et peuplement dans le monde méditerranéen au Moyen Âge, Rome-Madrid, École française de Rome - Casa de Velazquez, 1992, p. 9-17 ; E. Santinelli, R. Soussignan (dir.), Territoires et frontières…, op. cit. ; M. Catala, J.-C. Meuret, D. Le Page (dir.), Frontières oubliées, frontières retrouvées. Marches et limites anciennes en France et en Europe, Rennes, PUR, 2011 ; O. Merisalo, P. Pahta (dir.), Frontiers in the middle Ages, Turnhout, Brepols, 2006 ; L. Moal, « Dans le royaume ou en marge ? Les frontières des principautés (xiiie-xve siècle) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, n° 121-2, 2014, p. 47-81 ; N. Baron, S. Boisselier, C. François, F. Sabaté (dir.), Ériger et borner diocèses et principautés au Moyen Âge, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2017, en particulier l’introduction de S. Boitelier et l’article de L. Bourgeois.
  • [29]
    Gislebert, c. 110, p. 164.
  • [30]
    Jacques d’Avesnes qui s’est rallié au comte de Flandre vient de lui remettre trois castra qu’il tenait du comte de Hainaut : Leuze, Landrecies, Avesnes (Gislebert, c. 113, p. 170).
  • [31]
    Gislebert, c. 114, p. 171.
  • [32]
    Il y a à plusieurs reprises partage de l’héritage autour de ces deux entités : en 1071, les deux fils de Baudouin et Richilde reçoivent pour l’aîné, Arnoul, l’héritage paternel (la Flandre), et le cadet, Baudouin II, les droits maternels sur le Hainaut. À la fin du xiie siècle, Baudouin VI hérite de la Flandre, à la mort de sa mère Marguerite (1194), puis du Hainaut à celle de son père (1195), tandis que le Namurois revient à son frère, et à la génération suivante, les deux filles de Baudouin VI, Jeanne et Marguerite, récupèrent l’une après l’autre la Flandre et le Hainaut qui conservent néanmoins leur identité, ce dont témoigne le fait qu’en 1278, Marguerite abandonne le gouvernement de la Flandre à son fils Guy, tandis qu’elle continue d’exercer l’autorité en Hainaut : voir K. Nicholas, « Women as rulers : countesses Jeanne and Marguerite of Flanders », dans Queens, Regents and Potentates, T.M. Vann (dir.), Dallas, Academia, 1993, p. 73-89 et « Countesses as rulers in Flanders », dans Aristocratic women in medieval France, T. Evergates (dir.), op. cit., p. 115-116 et 133-134, ainsi que G. Sivery, « Jeanne et Marguerite de Constantinople, comtesses de Flandre et de Hainaut au xiiie siècle », dans Jeanne de Constantinople, Comtesse de Flandre et de Hainaut, N. Dessaux (dir.), Paris, Somogy, 2009, p. 16. Par ailleurs, l’union personnelle des deux comtés n’aboutit pas à leur fusion : au tournant du xiie et du xiiie siècle, l’unification des institutions, notamment de la chancellerie, n’exclut pas des officines et des pratiques propres à chaque comté, voir E. de Paermentier, « Une chancellerie complexe. La production d’actes dans l’entourage comtal pendant l’union personnelle des comtés de Flandre et de Hainaut (1191-1244) », Revue historique, n° 665/1, 2013, p. 23-56.
  • [33]
    Gislebert, c. 3, p. 3-4 ; Duvivier, n° 50 (1180), p. 100-101 ; n° 57 (1182), p. 117-118 ; n° 62 (1185), p. 126.
  • [34]
    Gislebert, c. 171, p. 255 (Marchionis Namurcensis et comitis Hanoniensis) ; c. 177, p. 262 (comitis Flandrensis et Hanoniensis et Marchionis Namurcensis) ; c. 215, p. 299, entre autres, pour les changements de sceaux du comte, en 1190 (droits reconnus sur le Marquisat de Namur), 1191 (héritage de la Flandre), 1194 (transmission de la Flandre à Baudouin VI, à la mort de Marguerite) ; Duvivier, nos 81-83 et nos 85-93 (1193-1195), p. 166-171 et p. 173-186. Sur les sceaux des comtes et comtesses de Flandre et de Hainaut, voir R. Laurent, Les sceaux des princes territoriaux belges du xe siècle à 1482, 2 t. en 3 vol., Bruxelles, Archives générales du royaume, 1993, t. II, pl. 22, nos 21-22, pl. 169-173, nos 6-10 (Baudouin V) et pl. 76, nos 102-104 (Marguerite).
  • [35]
    Philippe d’Alsace est l’un des princes les plus riches et puissants de son temps : voir notamment, T. de Hemptinne, « Aspects des relations de Philippe Auguste avec la Flandre au temps de Philippe d’Alsace », dans La France de Philippe Auguste. Le temps des mutations, R.H. Bautier (dir.), Paris, Éditions du CNRS, 1982, p. 255-261.
  • [36]
    Sur la participation de l’histoire à l’affirmation d’une identité collective, voir entre autres, O. de Laborderie, Histoire, mémoire et pouvoir. Les généalogies en rouleau des rois d’Angleterre (1250-1422), Paris, Classiques Garnier, 2013, p. 39 et 360-361 ; W. Pohl, « Introduction : ethnicity, religion and Empire », dans Visions of community in post-Roman world : the West, Byzantium and the Islamic world, 300-1100, W. Pohl, C. Gantner, R. Payne (dir.), Farhnam, Ashgate, 2012, p. 9.
  • [37]
    J.-M. Moeglin, « Une première histoire nationale flamande. L’Ancienne chronique de Flandre (xiie-xiiie siècles) », dans « Liber largitorius ». Études d’histoire médiévale offertes à Pierre Toubert par ses élèves, D. Barthélémy, J.-M. Martin (dir.), Genève, Droz, 2003, p. 455-476 : l’auteur montre qu’aux trois récits qui ont été composés entre le dernier tiers du xie siècle et le premier tiers du xiie siècle (avec remaniements vers 1164), s’ajoute, vers 1191, l’Ancienne chronique de Flandre, histoire « officieuse » de la Flandre et des comtes de Flandre, élaboré dans l’entourage de Philippe d’Alsace, peut-être à l’occasion de l’accord successoral au profit de sa sœur Marguerite et de son époux Baudouin V de Hainaut, pour exalter le prestige des comtes et légitimer la dynastie dont les destinées s’identifient à celle de la Flandre.
  • [38]
    P. Bauduin, « La perception d’une principauté territoriale : l’exemple de la Normandie, xie-xiie siècle », dans Genèse des espaces politiques…, op. cit., p. 238.
  • [39]
    Gislebert, c. 9, p. 13.
  • [40]
    Gislebert, c. 68, p. 108.
  • [41]
    Gislebert, c. 121, p. 189.
  • [42]
    Gislebert, c. 175, p. 258-259.
  • [43]
    Gislebert, c. 175, p. 259 : terras suas, Flandriam scilicet et Hanoniam.
  • [44]
    Lambert d’Ardres, c. 74, p. 596. Voir aussi J.-F. Nieus, « Aux marges de la principauté : les ‘comtés vassaux’ de la Flandre, fin xe-fin xiie siècle », dans Actes du sixième congrès de l’Association des cercles francophones d’histoire et archéologie de Belgique, t. 2, Mons, 2002, p. 309-324.
  • [45]
    Gislebert, par exemple, c. 80, p. 119-120 et c. 113, p. 169-170.
  • [46]
    M. Margue, « Au nom du comte. Quelques réflexions sur les modes d’inscription du pouvoir comtal dans l’espace lotharingien (xe-xiiie siècles) », dans Genèse des espaces politiques…, op. cit., p. 150-169.
  • [47]
    Gislebert, c. 175, p. 259.
  • [48]
    La chronique de Frédégaire (viie siècle) évoque la tournée réalisée par Dagobert pour imposer son autorité en Bourgogne lorsqu’il succède à son père en 629 : Frédégaire, Chronique, l. iv et continuations, éd. J.-M. Wallace-Hadrill et trad. fr. O. Devillers, J. Meyers, Chronique des temps mérovingiens, Turnhout, Brepols, 2001, IV, 58, p. 146-149.
  • [49]
    Gislebert, c. 167, p. 248-249. Philippe de Flandre a conservé des droits sur le Vermandois, après la mort de sa première épouse Élisabeth (1182) qui en était héritière : D. Nicholas, Medieval Flanders, op. cit., p. 71-72. Sur sa deuxième épouse, Mathilde, nommée Thérèse avant d’arriver en Flandre, fille du roi Ferrand de Portugal, désignée cohéritière du royaume avec son frère, ce qui lui vaut son surnom de « reine », voir K.S. Nicholas, « Countesses as rulers in Flanders », art. cit., p. 125-126 et T. de Hemptinne, « Thérèse, Ferrand, Isabelle et leurs époux. Les alliances matrimoniales portugaises des comtes et comtesses de Flandre (1184-1526) », dans Miscellanea in memoriam Pierre Cockshaw (1938-2008). Aspects de la vie culturelle dans les Pays-Bas Méridionaux (xive-xviiie siècle), Bruxelles, 2009, Archives et bibliothèques de Belgique, p. 128-129.
  • [50]
    Le modèle royal de l’époque carolingienne s’est ensuite diffusé dans le milieu princier, puis seigneurial : R. Le Jan, Famille…, op. cit., p. 361-364 ; E. Santinelli, Couples et conjugalité au haut Moyen Âge (vie-xiie siècles), Turnhout, Brepols, chapitre 4 (à paraître). Pour la situation au moment de la première croisade, Ead., « “… quand le mari quitta son épouse si chérie…” (Foucher de Chartres). De celles qui restent pendant la première croisade », dans Croisades ? Approches littéraires, historiques et philologiques, J.-C. Herbin, M.-G. Grossel (dir.), Valenciennes, 2009, PUV, p. 200-201 et 207-210.
  • [51]
    Gislebert, c. 175, p. 259 : ad custodiendas contra ducem Lovaniensem terras suas, Flandriam scilicet et Hanoniam. Le comte de Louvain est en fait duc de Lotharingie (titre détenu par les comtes de Louvain-Brabant depuis 1106) : sur l’évolution de ce pouvoir princier, P. Bonenfant, A.-M. Bonenfant-Feymans, « Du duché de Basse-Lotharingie au duché de Brabant », Revue belge de philologie et d’histoire, t. 46, fasc. 4, 1968, p. 1129-1165 et A. Dierkens, D. Guilardian, « Actes princiers et naissance des principautés territoriales : du duché de Basse-Lotharingie au duché de Brabant (xie-xiiie siècles) », Bulletin de la Commission royale d’Histoire, 176.2, 2010, p. 243-258.
  • [52]
    Sur la typologie des lieux fortifiés en Hainaut, leurs fonctions politiques, sociales et économiques, et leur rôle dans la constitution du paysage hainuyer, voir M. de Waha, « Châteaux et paysage dans le Hainaut Médiéval », dans Peasants & townsmen in medieval Europe. Studia in honorem Adriaan Verhulst, J.-M. Duvosquel, E. Thoen (dir.), Gand, Snoeck-Ducaju, 1995, p. 463-492.
  • [53]
    Gislebert, c. 40, p. 72-73 : Baudouin IV fonde ou fait construire tours ou murs au Quesnoy, à Bouchain, Valenciennes, Raismes, Ath et Braine-la-Whilote.
  • [54]
    Gislebert, c. 119, p. 185 : Baudouin V fait construire tours, fossés ou murs à Mons, Binche, Braine-la-Wilhote, Bouchain, Raismes, Valenciennes, Beaumont et Ath.
  • [55]
    Gislebert, c. 40, p. 73 : ad conservandum transitus illos contra Flandrenses, qui semper Hanoniam vastare moliebantur.
  • [56]
    Gislebert, c. 119, p. 185 : Haec enim ipse comes Hanoniensis, vir prudens et animosus, contra versutias quorumcumque hostium et adversariorum construebat.
  • [57]
    Gislebert, c. 114, p. 171 : in marchia contra regem Francorum.
  • [58]
    Gislebert, c. 10, p. 15.
  • [59]
    Gislebert, c. 155, p. 240 : ducis terram per Veterem Villam castellum suum intravit.
  • [60]
    Galbert, c. 101, p. 147.
  • [61]
    Galbert, c. 122, p. 169 : l’auteur précise que les castra en question sont Arras, Thérouanne, Saint-Omer, Lille et Aire, où Thierry a dû s’imposer par la force. La reconnaissance de son autorité lui permet alors de se présenter devant les rois de France et d’Angleterre (rex Franciae et rex Angliae) pour recevoir l’investiture des biens auparavant détenus par Charles le Bon. Sur l’opposition de plusieurs candidats à la succession flamande et la guerre civile qui en découle, voir L. Feller, L’assassinat…, op. cit., p. 197-204 et 277-297.
  • [62]
    Galbert, c. 95, p. 142.
  • [63]
    F. Mazel, « De quoi la principauté territoriale est le nom ? Réflexion sur les enjeux spatiaux des principautés “françaises” (xe-début xiie siècle) », dans Genèse des espaces politiques…, op. cit., p. 76-78.
  • [64]
    Gislebert, c. 5, p. 6.
  • [65]
    Gislebert, c. 233-251, p. 313-327 : les communautés bénéficiaires sont : la Chapelle de Valenciennes, Lobbes, Haumont, Broqueroye, Aulne, Brogne, Crespin, Saint-Aubert de Cambrai, l’abbaye Bonne Espérance, Sainte-Aldegonde de Maubeuge, l’Église de Cambrai, Mons, Saint-Pierre et Saint-Quentin de Maubeuge, l’Église de Condé, Soignies.
  • [66]
    Duvivier.
  • [67]
    De oorkonden.
  • [68]
    Gislebert évoque, par exemple, des chevaliers hainuyers et d’autres flamands (militum Hanoniensium (…) cum Flandrensibus) (c. 57, p. 97), ainsi que des nobles de Flandre (nobiles Flandriae) et des nobles hainuyers (nobilium Hanoniensium) (c. 5, p. 7). Lambert d’Ardres fait référence à la noblesse flamande (c. 90, p. 603 : Flandrensis nobilitatis) et à tous les barons de Flandre (c. 150, p. 639 : omnibus Flandriae baronibus).
  • [69]
    Gislebert, c. 74, p. 114 ; c. 103, p. 148 ; c. 204, p. 290 ; c. 213, p. 297.
  • [70]
    Gislebert justifie le refus de Baudouin V de tenir trois castra de Philippe d’Alsace, en avançant que le comte hainuyer craignait, s’il tenait des châteaux du comte flamand, que celui-ci ne le convoque selon sa volonté en Flandre (in Flandria) en tant que vassal (…) et le fasse provoquer en duel comme n’importe quel baron flamand (tamquam aliquem Baronem Flandrensem), comme c’est la coutume dans cette région (sicut moris est in regione illa) (c. 147, p. 226).
  • [71]
    Sur la pluralité des identités mobilisées par chacun en fonction du contexte et de ses besoins, voir notamment S. Body-Gendrol, « Culture et politique. Nouveaux défits », dans La différence culturelle…, op. cit., p. 44.
  • [72]
    Lambert qui vante les qualités de Baudouin au moment où il succède à son père comme comte de Guînes souligne qu’il s’illustrait dans la chevalerie par sa corpulence que nul n’égalait parmi tous les Flamands (c. 74, p. 596 : in militia pro quantitate corporis nulli per Flandriensium circuitum secundus aut posthabitus). De même, pour son fils aîné, Arnoul, « premier parmi les plus éminents jeunes de la noblesse flamande » (c. 90, p. 603 : primus inter primos Flandrensis nobilitatis juvenes). Quant à Arnoul, seigneur d’Ardres, il pouvait s’enorgueillir de la maison qu’il avait fait édifier à Ardres dont la qualité de construction surpassait celles de toute la Flandre de ce temps (c. 127, p. 624 : materie tocius Flandrie domos tunc temporis excellentem).
  • [73]
    Gislebert, c. 33, p. 60.
  • [74]
    Gislebert, c. 57, p. 97.
  • [75]
    Voir notamment G. Duby, Guillaume le Maréchal, ou le meilleur chevalier du monde [1984], rééd. dans Féodalité, op. cit., p. 1111-1140 (chapitre 4 consacré aux tournois).
  • [76]
    Entre autres, R. Le Jan, Famille…, op. cit., p. 289-291.
  • [77]
    Gislebert, c. 59, p. 99. Sur le rôle du mariage dans les stratégies élitaires, voir notamment R. Le Jan, Famille…, op. cit., ch. 9 et, pour le Moyen Âge central, M. Aurell (dir.), Les stratégies matrimoniales (ixe-xiiie siècles), Turnhout, Brepols, 2013. Sur le mariage de Baudouin V et Marguerite conclu dans le cadre des négociations de paix entre Flandre et Hainaut, voir E. Le Glay, Histoire des comtes de Flandre…, op. cit., p. 195-196 ; J. Falmagne, Baudouin V…, op. cit., p. 112.
  • [78]
    Gislebert, c. 28-29, p. 50-52.
  • [79]
    Gislebert, c. 35, p. 69.
  • [80]
    Par exemple, Gislebert, c. 99, p. 134-139 et c. 103, p. 148. Sur l’évolution des relations entre Philippe d’Alsace et Philippe Auguste, voir T. de Hemptinne, « Aspects des relations… », art. cit.
  • [81]
    Gislebert, c. 100, p. 140-142.
  • [82]
    Sur la compétition au haut Moyen Âge, voir F. Bougard, R. Le Jan, T. Lienhard (dir.), Agôn. La compétition, ve-xiie siècle, Turnhout, Brepols, 2012 ; P. Depreux, F. Bougard, R. Le Jan (dir.), La compétition et le sacré au haut Moyen Âge : entre médiation et exclusion, Turnhout, Brépols, 2015 ; V. Loré, G. Bührer-Thierry, R. Le Jan (dir.), Acquérir, prélever, contrôler : Les ressources en compétition (400-1100), Turnhout, Brepols, 2017 ; S. Joye, R. Le Jan (dir.), Genre et compétition dans les sociétés occidentales du haut Moyen Âge (ive-xie siècle), Turnhout, Brepols, 2018.
  • [83]
    Sur la coopétition qui associe coopération et compétition, voir, pour le haut Moyen Âge, R. Le Jan, G. Bührer-Thierry, S. Gasparri (dir.), Coopétition. Rivaliser, coopérer dans les sociétés du haut Moyen Âge (500-1100), Turnhout, Brepols, 2018.
  • [84]
    Gislebert, c. 57, p. 97 et c. 100, p. 140. Sur leur alliance auparavant, voir ci-dessus.
  • [85]
    Gislebert, c. 131, p. 197.
  • [86]
    Gislebert, c. 92, p. 127 (couronnement de Philippe Auguste en 1179) ; c. 94, p. 130 (couronnement et sacre de la reine Élisabeth, fille de Baudouin V en 1180).
  • [87]
    Gislebert, c. 170, p. 250-254.
  • [88]
    Gislebert, c. 47, p. 81 (Pierre) ; c. 76, p. 115 (Robert) ; c. 83, p. 122 (Roger de Wavrin).
  • [89]
    Voir notamment pour la Flandre J.-F. Nieus, « Les conflits familiaux et leur traitement dans l’Historia comitum de Lambert d’Ardres », dans La parenté déchirée : les luttes intrafamiliales au Moyen Âge, M. Aurell (dir.), Turnhout, Brepols, 2010, p. 343-358.
  • [90]
    Sur la participation des femmes aux entreprises militaires, même s’il reste difficile de savoir si elles combattaient véritablement, voir S. Cassagnes-Brouquet, Chevaleresses. Une chevalerie au féminin, Paris, Perrin, 2009, p. 27-36.
  • [91]
    Gislebert, c. 5, p. 6-7.
  • [92]
    Gislebert, c. 5, p. 6-7, c. 10, p. 15, c. 20, p. 34.
  • [93]
    Gislebert, c. 33, p. 60 et c. 39, p. 72.
  • [94]
    Gislebert, c. 114, p. 171-173 ; c. 116, p. 176.
  • [95]
    Gislebert, c. 118, p. 182.
  • [96]
    Gislebert, c. 113, p. 168 ; c. 116, p. 183 ; c. 137, p. 204.
  • [97]
    Gislebert, c. 112, p. 165-168 ; c. 116, p. 175-176 ; c. 122, p. 190 ; c. 151, p. 235 ; c. 154, p. 238 ; c. 170, p. 251 et 253.
  • [98]
    Gislebert, c. 121, p. 188 : rex Romanorum ad suggestionem comitis Flandrie (…) Leodium (…) venit, ad proquirendum auxilium contra regem Francorum et ad comitem Hanoniensem opprimendum, ut ab amore et confederatione regis Francorum separaretur, et eciam terra ejus per transitum regis Romanorum vastaretur. Pour Gislebert, le comte de Flandre cherche à faire pression sur le comte de Hainaut, en faisant passer les troupes impériales sur ses terres, pour le détacher de son alliance avec Philippe Auguste.
  • [99]
    Gislebert, c. 101, p. 145.
  • [100]
    Gislebert, c. 118, p. 181.
  • [101]
    Gislebert, c. 101, p. 144.
  • [102]
    Gislebert, c. 167, p. 248-249.
  • [103]
    Gislebert, c. 121, p. 188-189.
  • [104]
    Gislebert, c. 99, p. 134-139 ; c. 109, p. 153-154 et p. 162 ; c. 121, p. 188-189.
  • [105]
    Gislebert, c. 136, p. 201.
  • [106]
    Gislebert, c. 149, p. 232 ; c. 170, p. 250-254 ; c. 176, p. 261-262 ; c. 190, p. 277. Si le comte de Flandre prête hommage au roi des Francs pour l’essentiel de la principauté, il tient en fief de l’empereur, la partie orientale au-delà de l’Escaut (Flandre impériale).
  • [107]
    C’est notamment le cas pour la succession au comté de Namur : Gislebert, c. 129, p. 196 ; c. 132, p. 199 ; c. 139, p. 207-208 ; c. 148, p. 226-230 ; c. 170, p. 250-254.
  • [108]
    Gislebert, c. 94, p. 130 ; c. 110, p. 163 ; c. 113, p. 168.
  • [109]
    Gislebert, c. 101, p. 144.
  • [110]
    Gislebert, c. 147, p. 225.
  • [111]
    Gislebert, c. 113, p. 169-170 ; c. 116, p. 176 et 178.
  • [112]
    Gislebert, c. 98, p. 133.
  • [113]
    F. Mazel, « De quoi la principauté territoriale est le nom ?… », art. cit., p. 87.
  • [114]
    P. Bauduin, « La perception d’une principauté territoriale… », art. cit., p. 238.

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