Notes
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[1]
Le terme « famille » est ici appréhendé au sens large : il comprend le couple et la belle-famille.
-
[2]
Cette affaire s’inscrit dans le cadre de notre thèse sur la noblesse criminelle et violente en France, dirigée par le professeur Michel Figeac, à l’Université Bordeaux Montaigne (Sombre ou honorable ? La noblesse délinquante et violente en France au xviiie siècle, 2017).
-
[3]
AN, Tribunal des Maréchaux, AB/XIX/1195, dossier 91359, lettre B, opposant Bossu de Franclieu à son gendre Duquenet, tous deux gentilshommes du Soissonnais. L’affaire comprend la plainte pour « excès, violences et menaces » de la victime au Tribunal des Maréchaux (31 mai 1751), deux ensembles de procès-verbaux effectués par le cavalier de la Maréchaussée Dupré pour éclaircir les faits et circonstances de la plainte (24 juin 1751) et une lettre envoyant l’information par Varles fils du Procureur Général à Soissons (2 juillet 1751) au Tribunal des Maréchaux.
-
[4]
M. Nassiet, La violence, une histoire sociale. France, xvie-xviiie siècles, Seyssel, Champ Vallon, 2011 ; Id., Noblesse et pauvreté. La petite noblesse en Bretagne, xve-xviiie siècle, Rennes, Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, 1993.
-
[5]
M. Figeac, L’automne des gentilshommes. Noblesse d’Aquitaine, noblesse française au Siècle des Lumières, Paris, Honoré Champion, 2002, p. 258.
-
[6]
J. Doyon, L’atrocité du parricide au xviiie siècle. Le droit pénal dans les pratiques judiciaires du Parlement de Paris, thèse sous la direction de M.-J. Michel et F.-J. Ruggiu, Sorbonne Paris Cité, soutenue en 2015 ; Id., « Le “père dénaturé” au Siècle des Lumières », Annales de démographie historique, n° 118, 2009/2, p. 143-165. DOI 10.3917/adh.118.0143. URL : https://www.cairn.info/revue-annales-de-demographie-historique-2009-2-page-143.htm.
-
[7]
S. Minvielle, La famille à l’époque moderne, Paris Armand Colin, 2010.
-
[8]
B. Garnot, Crime et justice aux xviie et xviiie siècles, Paris, Imago, 2000.
-
[9]
M. Figeac, « Le hobereau et le curé : les Rousseau du Coulgens entre révolte et déchéance sociale », dans L’Aquitaine révoltée. Actes du LXVIe Congrès d’Études régionales de la FHSO, 2014 ; Id., « Un nœud de vipères dans l’Entre-Deux-Mers. L’affaire Dudon ou l’apport des sources judiciaires à l’histoire sociale », Revue historique de Bordeaux, troisième série, n° 19, 2013, p. 47-70 ; P. Serna, « Le Tribunal des Maréchaux… Outil pour une étude anthropologique de la violence nobiliaire au xviiie siècle : le cas d’un duel à Bordeaux », dans J. Pontet, M. Figeac, M. Boisson (dir.), La Noblesse de la fin du xvie au début du xxe siècle, un modèle social ?, t. 1, Anglet, Atlantica, 2002, p. 327-345.
-
[10]
Le sieur de Beuns ou de Bense : la première forme est retenue étant celle qui apparaît dans la source.
-
[11]
P. Serna, « Le Tribunal des Maréchaux… », op. cit., p. 327-345 ; R. Benoît, « Le Tribunal des Maréchaux de France au xviiie siècle », École des Chartes, entretien en ligne du 5 octobre 2017 (https://chartes.hypotheses.org/1997) ; Id., « L’intérêt est normand et l’honneur est gascon ». Le Tribunal des Maréchaux de France : agent régulateur du comportement et du crédit des nobles et militaires au xviiie siècle, thèse sous la direction d’H. Drévillon et O. Poncet, Paris, École nationale des chartes, soutenue en 2017.
-
[12]
L. Brassart, Gouverner le local en Révolution : État, pouvoirs et mouvements collectifs dans l’Aisne (1790-1795), Paris, Société des études robespierristes, 2013, p. 96-100.
-
[13]
Id., « “Plus de vingt paysanneries contrastées en révolution”. De la pluralité des dynamiques sociales du politique en milieu rural pendant la révolution », Annales historiques de la Révolution française [En ligne], 359 | janvier-mars 2010, mis en ligne le 1er mars 2013, consulté le 26 mars 2018. URL : http://journals.openedition.org/ahrf/11469 ; DOI : 10.4000/ahrf.11469.
-
[14]
D. Rolland, Architectures rurales en Picardie. Le Soissonnais, Nonette, Éditions Créer, 1998.
-
[15]
M. Figeac, L’automne des gentilshommes…, op. cit., p. 257.
-
[16]
AD Aisne, C551, C573 et C581.
-
[17]
Le cadrage démographique a pu être effectué à l’aide de la base de données Cassini de l’EHESS qui fournit le recensement des villes, villages et bourgs dès 1793 : http://cassini.ehess.fr/cassini/fr/html/index.htm.
-
[18]
L’incommunicabilité du registre AD Aisne C 561 pour Cuisy-en-Almont en 1788 ne nous permet pas de cerner une évolution comme pour Faucoucourt entre 1788 et 1789.
-
[19]
AN, Tribunal des Maréchaux, AB/XIX/1195, dossier 91359, fol. 1.
-
[20]
S. Minvielle, La famille à l’époque moderne, op. cit., p. 63.
-
[21]
Le sieur Duquenet est venu à Cuisy-en-Almont accompagné de son valet et de deux personnes, désignées comme des sergents par le sieur Bossu de Franclieu. Il est également venu avec une charrette tirée de trois chevaux, que le domestique conduisait.
-
[22]
« Par B… » : insulte récurrente dans les archives criminelles, dont la signification est absente dans la source même, supposant que c’est une injure suffisamment courante, et offensante, pour ne pas avoir besoin d’être explicitée. « Par B… » signifie ainsi « par bougre ». Une autre insulte n’est pas explicitée dans ces sources : « par F… », signifiant « par foutre ». Voir C. Duneton, S. Claval, Le Bouquet des expressions imagées. Encyclopédie thématique des locutions figurées de la langue française, Paris, Seuil, 1990.
-
[23]
B. Garnot, Crime et justice…, op. cit., p. 143-147 ; voir également H. Lecharny, « L’injure à Paris au xviiie siècle : un aspect de la violence au quotidien », Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. 36, n° 4, octobre-décembre 1989, p. 563. DOI : https://doi.org/10.3406/rhmc.1989.1514, https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1989_num_36_4_1514.
-
[24]
AD Aisne, 5Mi0957, lacunes 1740-1751. http://www.genealogie-aisne.com/old_genealogie/newmetiers/seigneur2.php?id=534.
-
[25]
C. d’Hozier, Armorial général de la France (1696-xviiie siècle), Carrés d’Hozier, fonds Chérin, BnF.
-
[26]
F.-A. A. de La Chesnaye des Bois, Dictionnaire de la noblesse, contenant les généalogies, l’histoire et la chronologie des familles nobles de France, 1771.
-
[27]
B. Garnot, « La justice pénale et les témoins en France au 18e siècle : de la théorie à la pratique », Dix-huitième siècle, 2007/1 (n° 39), p. 99-108. DOI : 10.3917/dhs.039.0099. URL : https://www.cairn.info/revue-dix-huitieme-siecle-2007-1-page-99.htm, § 1.
-
[28]
Information donnée par la lettre de « Varles fils du Procureur Général à Soissons » au Tribunal des Maréchaux du 2 juillet 1751.
-
[29]
B. Garnot, « La justice pénale et les témoins en France au 18e siècle […] », art. cit., § 2 ; B. Schnapper, « Testes inhabiles. Les témoins reprochables dans l’Ancien droit pénal », Revue d’Histoire du Droit, t. XXXIII, 1965, p. 575-616.
-
[30]
P. Serna, « Le Tribunal des Maréchaux… », op. cit., p. 327-345.
-
[31]
R. Benoît, « Le Tribunal des Maréchaux de France au xviiie siècle », op. cit., § 1 ; Id., « L’intérêt est normand et l’honneur est gascon… », op. cit.
-
[32]
J.-M. Carbasse, « Chapitre 2. L’évolution de la procédure pénale », dans J.-M. Carbasse (dir.), P. Vielfaure (coll.), Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, Paris, Presses Universitaires de France, 2014, p. 188-235, § 71. URL : https://www-cairn-info.ezproxy.u-bordeauxmontaigne.fr/histoire-du-droit-penal-et-de-la-justice-criminell—9782130631002-page-188.htm.
-
[33]
Ibid., « Chapitre 2. L’évolution de la procédure pénale », op. cit., § 72.
-
[34]
R. Benoît, « Le Tribunal des Maréchaux de France au xviiie siècle », op. cit, § 4 ; Id., « L’intérêt est normand et l’honneur est gascon… », op. cit.
-
[35]
Pour de plus amples informations sur la justice criminelle, voir J.-M. Carbasse, « Chapitre 2. L’évolution de la procédure pénale », op. cit., p. 188-235.
-
[36]
Il n’est pas possible d’identifier précisément cet homme ni sa charge : ce sont les seules informations à notre disposition. Il fait partie des rouages judiciaires du Tribunal des Maréchaux et de l’instruction préparatoire.
-
[37]
J. Doyon, « Le père dénaturé… », art. cit., § 28 : « les désordres familiaux n’ont pas vocation à s’étaler sur la place publique ».
-
[38]
K. Saule, « L’officialité diocésaine de Beauvais et les procès criminels inaboutis (xviie siècle) », dans B. Garnot et B. Lemesle (dir.), Autour de la sentence judiciaire du Moyen Âge à l’époque contemporaine, Dijon, Presses universitaires de Dijon, 2012, p. 60.
-
[39]
Ibid., « L’officialité diocésaine de Beauvais… », op. cit., p. 62.
-
[40]
E. Wenzel, « Une autre justice ? Les “voies alternatives” dans l’ancienne procédure criminelle », dans S. Dauchy, V. Demars-Sion, A. Deperchin, T. Le Marc’ hadour (dir.), La résolution des conflits. Justice publique et justice privée : une frontière mouvante, Rapport de recherche « Mission Droit et Justice », Lille, 2008, p. 74-78 ; voir aussi, pour l’infrajudiciaire, l’ouvrage de B. Garnot (dir.), L’Infrajudiciaire du Moyen Âge à l’époque contemporaine. Actes du colloque de Dijon, 5-6 octobre 1995, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 1996.
-
[41]
L. Bourquin, La noblesse dans la France moderne (xvie-xviiie siècle), Paris, Belin Supérieur, 2002, p. 102-106.
-
[42]
http://www.cnrtl.fr/definition/jean-foutre. « Les grands dictionnaires des xviie et xviiie siècles se gardent bien de définir pareil langage et l’on y cherche en vain la présence de ces mots […] » (M. Biard, « Foutre et ses dérivés », Parlez-vous sans culotte ? Dictionnaire du Père Duchesne, (1790-1794), Paris, Tallandier, 2009, p. 239).
-
[43]
Pour les injures, voir : B. Garnot, Crime et justice…, op. cit., p. 143-147 ; R. Muchembled, Une histoire de la violence de la fin du Moyen Âge à nos jours, Paris, Points Histoire, 2012, p. 46 ; H. Lecharny, « L’injure à Paris au xviiie siècle… », art. cit., p. 559-585.
-
[44]
Sur l’honneur des femmes, on signale la thèse en cours de M. Carcanague (Des femmes d’honneur devant la justice. Honneur et réputations des femmes dans la France du xviiie siècle (v. 1700-1789)), sous la direction d’H. Drévillon, 2016.
-
[45]
R. Muchembled, Une histoire de la violence…, op. cit., p. 9.
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[46]
J. Doyon, « Le père dénaturé… », art. cit., § 8-9 : les parents Bossu de Franclieu continuent de prendre soin de leur fille, même si ce n’est plus dans leur rôle familial de le faire. Leur fille est mariée : les parents sont déchargés de leur obligation sociale et familiale, normalement au profit du mari. Ici, la solidarité parentale se poursuit.
-
[47]
Pour de plus amples informations sur les violences conjugales, se référer à T. Le Marc’ hadour, « La punition des mauvais maris. Stratégies judiciaires féminines devant l’échevinage de Lille au xviiie siècle », dans M. Cavina, B. Ribémont, Le donne e la giustizia fra medioevo ed età moderna. Il caso di Bologna a confronto, Bologne, Editions Pàtron, 2013 ; A. Lottin (dir.), La désunion du couple sous l’Ancien Régime. L’exemple du Nord, Lille-Paris, Éditions universitaires, 1975 ; S. Minvielle, La famille…, op. cit., 2011, p. 63-78.
-
[48]
S. Minvielle, La famille…, op. cit., p. 63.
-
[49]
A. Lottin, « La complainte des désunies », Histoire, Économie & Société, 2002, p. 173-180 : l’auteur évoque dans « Femmes battues et martyres » (p. 177-178) Merlin de Douai qui, dans le Répertoire de jurisprudence de Guyot (fin xviiie siècle) rappelle l’écart de tolérance de la violence entre gens du peuple et gens de qualité.
-
[50]
G. Murphy, « Atténuer la cruauté ? Justice et violences conjugales aux xviie et xviiie siècles », dans F. Chauvaud, A. Rauch, M. Tsykounas (dir.), Le Sarcasme du mal. Histoire de la cruauté de la Renaissance à nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, p. 31-47.
-
[51]
AN, AB/XIX/1195, dossier 90283, lettre B.
-
[52]
Cette affaire concerne : Catherine Salvaing de Boissieux, dame de Gizac (1738- ?), épouse dame de Montcelard en 1767 ; Joseph Antoine Vital Boyer de Montcelard, seigneur de Gizac (1746-1791). Le sieur et la dame de Montcelard ont eu cinq enfants : Anne de Montcelard (1769- ?), Claudine Charlotte Boyer de Montcelard (1770-1820), X de Montcelard (1771-1771), Anne Marie Joséphine de Montcelard (1774-) et Jean-Baptiste Boyer de Montcelard (1776-). https://gw.geneanet.org/symi43?lang=fr&p=joseph+antoine+vital&n=boyer+de+montcelard.
-
[53]
Ferme Duez, ou ferme d’Huez aujourd’hui, Faucoucourt, Aisne, Hauts-de-France.
-
[54]
A. Farge, « Les théâtres de la violence à Paris au xviiie siècle », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 34e année, n° 5, 1979, p. 984-1015. DOI : 10.3406/ahess.1979.294104. http://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1979_num_34_5_294104.
-
[55]
S. Minvielle, La famille…, op. cit., p. 65.
-
[56]
P. Serna, « Le Tribunal des Maréchaux… », op. cit., p. 327-345.
-
[57]
M. Figeac, L’automne des gentilshommes, op. cit., p. 258.
-
[58]
C. Regina, S. Minvielle, « Crimes familiaux. Tuer, voler, frapper les siens en Europe du xve au xixe siècle », Annales de démographie historique, 2015/2 (n° 130), p. 5-23. DOI : 10.3917/adh.130.0005. URL : https://www.cairn.info/revue-annales-de-demographie-historique-2015-2-page-5.htm.
-
[59]
Jeu de tamis ou « jeu de rebonds » ressemble au jeu de paume ou au tennis, mais sans raquette (les joueurs jouent à mains nues ou avec des gants). Le tamis est un cadre de bois arrondi, recouvert de tissu, monté sur trois pieds (dont l’un est plus court, de façon à incliner le tamis). Le but de ce jeu est de se renvoyer la balle d’un camp à l’autre en ciblant le tamis, afin de la faire rebondir sur ledit tamis puis de la renvoyer dans le camp adverse. M. Vigne, C. Dorville, « Les jeux traditionnels du Nord, entre tradition ludique culturelle et modernité sportive », Socio-logos [En ligne], 4 | 2009, mis en ligne le 21 octobre 2009, consulté le 5 mars 2018. URL : http://journals.openedition.org/sociologos/2332 ; E. Belmas, Jouer autrefois. Essai sur le jeu dans la France moderne (xvie-xviiie siècle), Paris, Champs Vallon, 2006.
-
[60]
À propos du lien entre boisson et morale, voir M. Lecoutre, Ivresse et ivrognerie dans la France moderne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 101-148.
-
[61]
N. Faret, L’honneste-homme ou L’art de plaire à la court, Paris, 1630, p. 44, dans M. Lecoutre, Ivresse et ivrognerie…, op. cit., p. 105.
-
[62]
M. Lecoutre, Ivresse et ivrognerie…, op. cit., p. 105.
-
[63]
M. Figeac, « Un nœud de vipères dans l’Entre-Deux-Mers… », art. cit., p. 65.
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[64]
A. Farge, « Les théâtres de la violence… », art. cit., p. 984-1015.
-
[65]
M. Lecoutre, Ivresse et ivrognerie…, op. cit., p. 142 : Lettre de Vauban à Louvois du 21 janvier 1672.
-
[66]
Voir H. Drévillon, D. Venturino, Penser et vivre l’honneur à l’époque moderne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011.
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[67]
M. Figeac, « Le hobereau et le curé… », art. cit.
« Notre fille a profité du jour de mercredi saint dernier [que son mari soit] parti […] pour s’en venir chez son père et sa mère, avec dessein de ne plus retourner chez lui. Mais le jour d’hier, il est venu avec trois quidams avec lui pour l’avoir morte ou vive ».
2Le gentilhomme Jean Bossu de Franclieu traduit ainsi en quelques lignes l’intense violence des relations au sein du couple de sa fille, mais annonce également le sort funeste des liens de cette famille [1] noble du Soissonnais [2]. Il porte plainte au Tribunal des Maréchaux [3] le 31 mai 1751 contre son gendre le sieur Duquenet pour violences et voies de fait réalisées le jour précédent contre sa personne. Il en profite pour évoquer les violences conjugales que subit sa fille, ainsi que les violences verbales et symboliques survenues au sein du couple. Les coups et menaces du sieur Duquenet constituent une des chaînes de ce foyer : ce cas nous permet ainsi de saisir la complexité des relations familiales faites de tensions et d’affrontements. Cette violence familiale agrège tout un univers noble dans le Soissonnais. On peut l’appréhender d’une part à travers ses codes, ses mentalités, son système de valeurs, et surtout son honneur et d’autre part, par la place de la femme dans la société du xviiie siècle et la question de la dégradation sociale et nobiliaire. Cette affaire s’intègre ainsi dans la lignée des travaux de Michel Nassiet [4], qui ont visé à comprendre le déclin de la violence homicide au prisme des évolutions sociales, en abordant les liens de parenté, les contraintes sociales et l’honneur et la pauvreté de la noblesse, à l’époque moderne. De plus, les études de Michel Figeac sur la plèbe nobiliaire, examinant les processus de dégradation de cet ordre, d’appauvrissement et de violences rurales demeurent un outil essentiel d’analyse de cette affaire : la « noblesse en rupture put parfois se réfugier dans la violence, perçue comme le seul remède contre [une] décadence » [5]. Les analyses des violences parricides conduites par Julie Doyon [6] ainsi que celles sur la famille, menées par Stéphane Minvielle [7], seront mobilisées pour comprendre l’agression du beau-père par son gendre. Ainsi, ce cas soissonnais violent et complexe se trouve à la croisée des études de la criminalité, en général, étudiée notamment par Benoît Garnot [8], et de la noblesse, en particulier. Il rejoint de nombreuses affaires de ce type, découvertes et analysées notamment par Pierre Serna ou Michel Figeac en Aquitaine [9] : du sieur de Beuns [10] aux Rousseau du Coulgens, en passant par le sieur de Cazenove, le sentiment que la violence de la noblesse n’est pas une banalité se dégage. Il devient un révélateur de la société de l’époque et des mentalités : la façon dont fut reçue cette agression familiale par la société et par l’instance judiciaire, le Tribunal des Maréchaux [11], nous permettra ainsi de saisir ses enjeux, ses biais et ses mécanismes sociaux, au-delà du cercle du deuxième ordre.
3Ainsi, dans quelle mesure la violence peut-elle apparaître ici comme la seule réponse possible à une déchéance nobiliaire et au déshonneur ?
4L’agression familiale, élément central, se déroule dans un cadre bien précis, au sein de membres de la noblesse soissonnaise. Ces derniers tentent de sauver les apparences de leur ordre et de l’honneur familial, en mobilisant à la fois le Tribunal du Point d’Honneur et la violence sous toutes ses formes. Ces expressions plurielles dévoilent finalement les mentalités de l’époque ainsi que les causes liées à cette violence familiale et nobiliaire.
Coups et coup de sang : une agression familiale au cœur de la plainte
Le cadre géographique entre Soissonnais et Laonnois
5L’affaire criminelle se déroule dans l’actuel département de l’Aisne, dans une zone géographique recouvrant une partie du Soissonnais et du Laonnois. L’agression du sieur Bossu de Franclieu par son gendre le sieur Duquenet se déroule dans la maison des beaux-parents, à Cuisy-en-Almont, à environ huit kilomètres au nord-ouest de Soissons. En revanche, les violences conjugales ont lieu dans la demeure du sieur et de la dame Duquenet : à Faucoucourt, proche d’Anizy-le-Château, à environ vingt-trois kilomètres au nord de Cuisy-en-Almont et à environ quinze kilomètres au sud-ouest de Laon, en lisière des espaces forestiers. La violence au cœur de cette affaire peut s’expliquer par différents problèmes socio-économiques propres à la région. Ainsi, selon Laurent Brassart [12], Cuisy-en-Almont se trouve dans un système agro-rural de « type bipolaire », marqué par de grandes exploitations puissantes et de nombreuses micro-exploitations. Le Laonnois, où se trouve la ferme Duez appartenant aux Duquenet, se détermine par un système de « type étagé », caractérisé par la diversité équilibrée des exploitations et de leur taille. Dans notre zone d’étude, ces systèmes se confrontent et cohabitent. La proximité du Soissonnais avec Paris permet aux exploitants de rentabiliser leurs fermes, à la différence du Laonnois, plus éloigné et moins fertile [13]. Cela peut expliquer les difficultés socio-économiques du sieur Duquenet dans sa ferme laonnoise.
6Quant aux « architectures rurales du Soissonnais » [14], elles concentrent les fermes et les manoirs. Nous pouvons supposer que les Duquenet vivent dans la ferme Duez. Selon Michel Figeac, les nobles les moins fortunés vivent généralement « dans une grosse maison rurale » [15]. Le sieur Bossu de Franclieu, dans sa plainte au Tribunal des Maréchaux, évoque la résidence récente du sieur Duquenet à Faucoucourt : il devait probablement vivre dans la même paroisse que ses beaux-parents avant le mariage et a peut-être choisi de changer de résidence pour acheter ladite ferme Duez et ainsi subvenir au besoin de son couple. Ces fermes connaissent un mouvement de regroupement économique au xviiie siècle, afin de gagner en productivité : ainsi, les petites fermes disparaissent au profit de grandes exploitations, fragilisant la situation socio-économique du sieur Duquenet. Le niveau de fortune dans la région peut être estimé grâce aux rôles de répartition de la contribution pour les travaux des routes de 1788 et 1789 [16], que l’on peut facilement croiser avec les données relatives à la population [17]. Ainsi, les impositions ordinaires en 1788 pour la commune de Faucoucourt (peuplée de 543 habitants en 1793) s’élèvent à 2 750 livres, celles pour les routes à 469 livres et 9 sols (avec les frais de confection de rôle et de recouvrement de ladite contribution). En 1789, elles sont respectivement de 1 749 livres et de 469 livres et 9 sols. La contribution de voirie ne change pas, alors que les impositions ordinaires chutent de plus de 36 %, signe d’un appauvrissement de la population. La quotité de contribution directe par habitant varie donc entre 5,06 livres et 3,22 livres. Les impositions en 1789 de Cuisy-en-Almont (283 habitants en 1793) sont bien plus importantes : les impositions ordinaires montent à 4 128 livres et 12 sols, avec une contribution pour les travaux des routes de 684 livres [18]. La commune des beaux-parents est bien plus imposée que celle du gendre : presque deux fois moins peuplée, elle est presque deux fois plus taxée que sa voisine, avec une quotité par tête de 14,58 livres. Cela dénote une richesse plus conséquente et un niveau d’aisance plus élevé des habitants. C’est donc dans une région aux fortes disparités économiques et rurales que se déroulent ces violences familiales.
« Violences, excès et menaces » : les faits dont découle la plainte
7Plusieurs faits de violence sont relatés dans la plainte du 31 mai 1751 [19] du sieur Bossu de Franclieu : des violences conjugales, mais avant tout la terrible agression dont il a été victime, par son gendre. Celle-ci a eu lieu « le dimanche jour de la Pentecôte, 30 du mois de mai dernier [1751] », sur les onze heures du matin, à la sortie de la messe, et s’explique par la fuite du domicile conjugal de la dame Duquenet le mercredi saint précédent. Le temps du crime n’est pas anodin : le sieur Duquenet, en se rendant à Cuisy-en-Almont, un dimanche, jour de fête chrétienne de surcroît, se met en scène pour légitimer son action. Il se poste devant l’église, à la vue de tous, dans le but affirmé et délibéré de récupérer sa femme à la fin de la célébration de la Pentecôte. Ainsi, il inscrit son action dans une légitimité religieuse : il ne commet pas cet acte et ses possibles débouchés violents en temps pascal. Il donne une portée publique et symbolique à sa revendication. De plus, c’est à la sortie de la messe qu’il a logiquement le plus de chance de rencontrer son épouse et donc de la ramener avec lui. Mais cela l’inscrit également dans la continuité symbolique des liens sacrés du mariage et de la promesse d’obéissance de la femme à son époux et de sa soumission à l’autorité maritale : la supériorité de l’homme dans le couple est indéniable [20]. En fuyant le domicile conjugal, la dame Duquenet a rompu ce lien sacré et le sieur Duquenet entend bien en agissant de la sorte le faire savoir : il se pose en mari blessé et souhaite imposer sa volonté en la récupérant publiquement.
8Ne voyant pas paraître son épouse, alors que les habitants de la commune sont déjà sortis de l’église, le sieur Duquenet se rend au domicile des Bossu de Franclieu. En route, il rencontre sa belle-mère (seule, alors qu’on sait que le sieur Bossu de Franclieu était à la messe) : la saluant cordialement (selon les témoins), il lui demande sa femme, à quoi elle répond fermement qu’il « ne l’aurait pas ». Piqué au vif, Duquenet, à cheval, se dirige au galop vers la demeure familiale. La dame Duquenet, ayant vu son mari arriver, se réfugie dans la cour de la maison de son père, où Duquenet la suit pour l’attraper. C’est à cet instant que les violences commencent. Le sieur Bossu de Franclieu déclare avoir vu, à son retour de la messe, son gendre violenter sa femme et sa fille, alors que les témoins agglutinés dans la rue devant la maison ne mentionnent pas ces faits. La violence du sieur Duquenet se déchaîne ensuite contre son beau-père. En effet, le gendre, le voyant, aurait promptement tiré son sabre, se serait jeté sur lui comme un furieux, l’aurait renversé à terre avec l’aide d’un de ses complices [21] et lui aurait fendu le crâne si Bossu de Franclieu n’avait pu parer le coup avec sa canne. S’ensuit un corps à corps violent et agité, où le beau-père ne doit la vie qu’à l’intervention salutaire de sa femme et de sa servante. Le sabre tombe à terre : récupéré par la servante, il est donné à Sébastien Lautrichet, témoin présent dans la rue. Un des dangers est déjà écarté. Mais Bossu de Franclieu, victime de l’ire de son gendre, ne voit qu’une issue pour sauver sa vie : la fuite. Il court se réfugier dans sa chambre, qu’il barricade. Le sieur Duquenet, hors de lui, le poursuit avec rage et tente d’enfoncer la porte avec une bûche : son beau-père ne doit pas lui échapper ! Craignant pour sa vie, le sieur de Franclieu se voit dans l’ultime obligation de le mettre en joue avec un pistolet pour le tenir en respect et l’obliger à se retirer. Tout peut encore basculer. Finalement, Duquenet, vaincu, « en jurant et blasphémant et faisant plusieurs fortes menaces », s’en va. Mais son ombre menaçante plane encore sur la maison : « Par B. [22] […] j’aurai ta vie et si ta maison était hors du voisinage, j’y mettrais le feu et vous brûlerais tous trois dedans ».
9Les armes de la violence sont multiples : le sieur Duquenet est armé d’un sabre, ses compagnons d’un sabre et d’un bâton. Puis il menace avec une bûche. Mais la violence passe aussi par l’attitude : les mots, forts, attisent les flammes du conflit entre insultes, menaces et blasphèmes. Pour Benoît Garnot [23], la mention de blasphèmes dans les crimes et délits permet d’ajouter un poids à sa plainte et ainsi d’exacerber la culpabilité du prévenu quand elle est prise en compte dans le contentieux. De plus, la menace d’incendie est un classique de la violence verbale. Ici se concentrent donc plusieurs types de violences : physiques, verbales et morales, mais également symboliques. La violence est ainsi utilisée comme un moyen de domination de Duquenet sur son beau-père et sa famille et comme un acte de légitimation de ses revendications, au regard des habitants de Cuisy-en-Almont, qui ne sont finalement que le réceptacle indispensable de la mise en scène de Duquenet pour légitimer son action. Duquenet n’agit pas sournoisement, un soir, à l’aube ou au crépuscule, temps classiques de la violence criminelle, dans une ruelle mal éclairée ou dans le secret de la maison familiale. Il développe tout un scénario pour donner un caractère théâtral à son plan : les habitants de la paroisse le suivent d’ailleurs à la sortie de la messe attirés par les possibles débouchés violents de cette affaire familiale noble.
Une sombre histoire de nobles : protagonistes et témoins
10L’intérêt de ce cas violent réside dans le lien familial entre les deux hommes. De nombreux témoins sont convoqués tout au long de la procédure pour tenter de comprendre la complexité de cette agression : des habitants du village des parents, ainsi que des voisins et des connaissances du sieur Duquenet dans son propre village.
11L’identification de l’agresseur est directement permise par la plainte et le témoignage de Bossu de Franclieu et par les auditions de témoins. Il s’agit du sieur Jean Duquenet, gentilhomme soissonnais, uni aux Bossu de Franclieu par son mariage avec leur fille le 8 février 1750, environ dix-huit mois avant les faits violents. Il nous est relativement inconnu, mais nous savons qu’il est gentilhomme [24]. L’information du Tribunal des Maréchaux nous permet également de découvrir qu’il est endetté et désargenté.
12L’autre protagoniste de cette affaire conflictuelle, aussi peu connu que le gendre, est le sieur Jean Bossu de Franclieu, la victime. Il appartient également à la gentilhommerie soissonnaise. Il ne semble pas y avoir de thèse ou d’ouvrage sur la noblesse de la région et ces nobles n’apparaissent pas dans l’armorial de d’Hozier [25], ou dans le Dictionnaire de noblesse de La Chesnaye des Bois [26]. Les seuls éléments permettant d’établir clairement et définitivement leur qualité de nobles résident dans les mentions du titre d’« écuyer » dans les registres paroissiaux et dans le fait que le conflit est réglé par le Tribunal des Maréchaux : s’ils n’étaient pas nobles, le Tribunal aurait rejeté l’affaire.
Arbre généalogique Bossu de Franclieu – Duquenet
Arbre généalogique Bossu de Franclieu – Duquenet
13Par ailleurs, l’identification précise des « trois quidams avec » le sieur Duquenet lors de l’agression est plus difficile. L’audition des témoins nous permet d’établir la présence du valet du sieur Duquenet (armé d’un bâton). Les deux autres complices semblent être des compagnons et sont identifiés par la victime dans sa plainte comme des sergents (armés de sabres) : nous n’en savons pas davantage.
14Cette agression nobiliaire complexe nécessite des témoins pour « éclaircir les faits et circonstances de la plainte ». Ceux-ci sont convoqués, pendant l’instruction ou le procès, pour établir la vérité judiciaire : les magistrats recherchent désormais, au xviiie siècle, des preuves rationnelles et fiables pour dégager cette vérité [27]. La preuve indéniable est l’aveu : mais dans la mesure où ce dernier est rare et difficile à obtenir de la part des accusés, le témoignage constitue un outil de poids indispensable pour établir les faits et les culpabilités. Dans le cas qui nous intéresse, le sieur Duquenet nie une partie des faits qui lui sont imputés [28]. De nombreuses personnes ont été présentes sur les lieux de l’agression, mentionnées dans les procès-verbaux du cavalier de la maréchaussée Dupré, mais toutes ne sont pas auditionnées : la servante du sieur de Franclieu, qui a pourtant assisté à toute la scène, Sébastien Lautrichet à qui la servante a donné le sabre tombé à terre et « plusieurs habitants qui étaient devant la porte ». La servante ne constitue pas un témoin recevable : en effet, élément notamment réaffirmé depuis l’ordonnance criminelle de 1670, les domestiques sont des témoins « inhabiles » voire « suspects » [29], du fait de leur lien de dépendance. Les témoins mobilisés sont deux manouvriers demeurant à Cuisy-en-Almont : Nicolas Le Bigue, âgé de 35 ans, et Pierre Lefebvre, âgé de 40 ans. Ils nous racontent surtout les prémices de l’offensive et restent relativement évasifs sur le cœur de l’agression.
15À propos de la conduite du sieur Duquenet dans le pays, Dupré s’est adressé aux personnes les plus habilitées à connaître son attitude et sa réputation. Il s’agit du sieur Dambrevaly de Vain, lieutenant au régiment de Poitou, demeurant à Locq, paroisse d’Anizy-le-Château, et du nommé Barbier, maître de l’hôtellerie du Cygne audit lieu d’Anizy. Un notable est convoqué, de par sa position sociale, ainsi que l’hôtelier : ce dernier, par son métier et son rôle relationnel connaît les rumeurs, les pensées, les attitudes et habitudes des habitants de la paroisse, surtout que le sieur Duquenet était connu pour boire : il devait donc le rencontrer régulièrement. Dupré mentionne également que « plusieurs autres personnes » sont interrogées, sans précision aucune.
16Cette agression familiale aux multiples ressorts concentre de nombreux éléments relatifs à l’honneur et à la position sociale des parties : aussi, seul l’auguste Tribunal chargé des affaires d’honneur pouvait être saisi. Il s’agit de percevoir les nombreuses stratégies mobilisées pour conserver les réputations et ne pas entacher les dignités, au-delà des violences effectuées.
Sauver les apparences : entre justice et violences admises ?
Une affaire saisie par le Tribunal des Maréchaux : compétences et procédure
17Le Tribunal des Maréchaux est une instance judiciaire traitant des affaires d’honneur entre nobles. Créé par Henri IV afin d’éviter les duels entre les membres du deuxième ordre, il a évolué et s’est institué à la suite de nombreux édits. Le Tribunal avait pour rôle principal de régler les conflits d’honneur, c’est-à-dire de réputation, de codes et de vertus morales, entre nobles. Il pouvait juger de ce fait tous les litiges entre nobles, comme justice d’instance ou justice d’appel [30] et « était censé résoudre, avant qu’ils n’entraînent un affrontement armé, les querelles nées d’insultes ou d’affronts, les conflits de préséance, ceux de fiefs… bref, tous les litiges privés où l’honneur était en jeu » [31]. Mais parfois l’agression, trop soudaine, ne pouvait être évitée : c’est le cas ici. Les plaignants, ainsi que les prévenus, y livrent dans leurs lettres, plaintes et informations, leurs vérités et leur conception de l’honneur nobiliaire de façon implicite, mais également le déroulement des faits, plus ou moins précisément. Ce dernier aspect était ensuite confronté aux déclarations de témoins, nobles ou roturiers. Ce fonds nous permet donc de découvrir les modalités, les réactions, ainsi que les symboles et mécanismes de la violence nobiliaire, en lien avec l’honneur : la procédure du Tribunal nous invite en effet à confronter et à analyser de nombreuses sources et informations de natures différentes : plaintes, auditions, lettres internes au Tribunal entre agents judiciaires… Au xviiie siècle, la procédure voulait qu’une plainte soit tout d’abord déposée au Tribunal des Maréchaux, ou à son lieutenant dans la province, dans le cadre de la « mise en mouvement de l’action publique » [32]. Le sieur Bossu de Franclieu la réalise le lendemain des faits violents, le 31 mai 1751. Elle était transmise aux Maréchaux de France par leur secrétaire général. Ils décidaient alors, ou non, d’une « instruction préparatoire » [33] : c’est le temps de la collecte des procès-verbaux et de l’« information » (c’est-à-dire l’audition des témoins). La personne mise en cause (ici le sieur Duquenet) avait un droit de réponse. « Cette réponse, accompagnée de la réplique du plaignant, était portée devant les maréchaux qui, à ce moment-là, rendaient une ordonnance de condamnation ou bien de renvoi de l’affaire devant la justice ordinaire si elle était trop complexe » [34]. Mais cette procédure [35] est difficile à percevoir ici. En effet, la difficulté majeure de traitement de ce fonds réside dans l’absence de sentences (détruites), dans l’isolement des pièces, leur éparpillement et leurs lacunes. Nous ne savons donc pas quelles ont été précisément les suites et issues judiciaires (ou non) des plaintes, requêtes et différentes instructions soumises à la juridiction du Tribunal des Maréchaux.
Sauver l’honneur nobiliaire et la réputation familiale : une affaire à l’issue incertaine
18Après des faits d’une telle violence, et même si l’issue n’a pas été fatale pour le sieur Bossu de Franclieu, on ne s’attend nullement à une fin heureuse entre les deux familles. Pourtant, de manière tout à fait surprenante, l’affaire se termine… plutôt bien. Le sieur Duquenet s’est rendu chez ses beaux-parents « faire ses excuses de ce qu’il s’était passé », mais en niant une partie des accusations. Il vient finalement « faire amende honorable », selon le sens actuel. Il ne s’agit pas ici de la peine judiciaire infamante : le sieur Duquenet reconnaît seulement sa faute à sa famille et en demande pardon. En avouant ses torts (une partie), il purifie ainsi son honneur bafoué par ses crimes. Cela a l’effet escompté : sa femme lui est rendue. Rien n’indique que la dame Duquenet a eu son mot à dire… Ces excuses ont permis le rétablissement des contacts entre les deux familles : la dame Bossu de Franclieu a repris les visites chez sa fille et son gendre, à Faucoucourt. Les apparences sont sauves. Aux yeux du monde, les membres de cette famille noble ont dépassé les querelles et ont renoué des liens familiaux et de sociabilité, brisés par les rancœurs, le déshonneur et les attaques. Les faits d’agression datant du 30 mai 1751, la plainte du 31 mai, l’information du Tribunal des Maréchaux du 18 juin et la lettre de Varles fils du Procureur Général à Soissons [36] du 2 juillet, les deux familles sont restées brouillées près d’un mois. Après les excuses, les faits de violence ne constituent plus un obstacle à la reprise des relations familiales : elles ont effacé les actes et la confiance semble rétablie. Le sieur Duquenet promettant même de « bien vivre avec eux et la dame son épouse ». Mais dans la mesure où il n’a pas reconnu tous les faits, notamment les accusations portant sur les violences conjugales, il est difficile de cerner la portée de telles propositions.
19De plus, la réconciliation ne peut passer que par le règlement des dettes du sieur Duquenet, en partie à l’origine des conflits et de la situation explosive dans laquelle sont ces nobles. Ainsi, selon Varles fils, « ledit sieur Duquenet se trouvant hors d’état de soutenir son entreprise, a pris le parti de louer sa ferme, et prend aussi celui de se défaire des emplettes qu’il a faites ». C’est la seule solution qu’il lui reste pour assainir ses finances et en finir avec ses difficultés financières et économiques.
20Cette affaire révèle une dichotomie entre les pratiques explicites de la noblesse et celles judiciaires, plus implicites, de la société. La justice n’intervient que pour créer les conditions d’une réconciliation familiale. La justice n’a été saisie par le sieur de Franclieu que parce qu’il fallait mettre un terme à une violence trop importante. Mais c’est cette saisine qui a obligé les nobles à régler leurs affaires en interne, pour en contrer la mise sur la scène publique [37]. L’honneur, marqueur social explicite de la noblesse, s’oppose au recours à la justice, plus évident pour les autres groupes sociaux. Ce qui importe avant tout, c’est de lutter contre la publicité du déshonneur et de la désunion de cette famille noble. C’est en partie ce va-et-vient entre affaire familiale et saisine judiciaire qui peut expliquer l’issue incertaine de cette affaire, au-delà de l’absence des sentences, détruites. Cela ne signifie pas qu’« aucune décision n’a été prise » [38]. Il semblerait ici que l’auguste Tribunal n’a pas condamné le sieur Duquenet, du fait de ses excuses et de la reprise des contacts familiaux : la promesse de mieux se comporter à l’avenir suffit parfois à arrêter la procédure [39]. Une transaction devant un tiers, un notaire, peut mettre fin aux poursuites, mais nous ne sommes pas en mesure de déterminer l’origine contraignante ou non de ces excuses. « Reconnaître ses torts » permet aussi de « terminer une affaire à moindre frais », sans aller jusqu’à l’abandon négocié : ces procédures alternatives étudiées par E. Wenzel [40] participent ici d’une stratégie familiale de l’infrajudiciaire. La plainte a ouvert la voie à une information mais celle-ci s’est terminée, selon toute vraisemblance, sur une remédiation et non sur une condamnation. Il s’agissait probablement pour les sieurs et dames Bossu de Franclieu et Duquenet d’éviter la honte du procès : cette affaire ayant éclaté en public se termine en famille. La dangerosité des relations familiales a laissé place à des relations apaisées et cordiales, plus conformes avec le principe de l’honnête homme, éclairé et policé. Il fallait donc sauver les apparences nobiliaires et l’honneur de la famille, en montrant aux yeux du Tribunal du Point d’Honneur et aux regards extérieurs un apaisement des tensions plus compatible avec le code d’honneur de la noblesse. Toutefois, on ne peut affirmer que le sieur Bossu de Franclieu a retiré sa plainte et qu’il y a eu abandon des poursuites. Varles fils dans sa lettre du 2 juillet 1751 (la dernière du fonds) renvoie la plainte dudit de Franclieu au Tribunal, avec les écrits et auditions éclaircissant les situations évoquées : cela pourrait supposer que la procédure se poursuit. C’est l’honneur et la crainte de la violence qui ont généré cette instruction du Souverain Tribunal, il semble que c’est l’honneur et la crainte de salir sa réputation qui ont finalement tenté de la contenir et de l’arrêter. Aux yeux du monde, ces familles nobles doivent apparaître irréprochables, dignes et « nobles », c’est-à-dire ayant de grandes qualités morales et vertueuses, et donc éviter à tout prix toute publicité contraire à leur honneur.
Violences conjugales et maltraitance : une violence ordinaire ?
21L’agression du sieur Duquenet du 30 mai 1751 n’est pas son premier fait violent. Le sieur Bossu de Franclieu nous livre dans sa plainte un portrait sans concession de son gendre : homme violent, prompt à l’insulte et dont le comportement désespère. Dès le premier paragraphe de sa plainte, il témoigne en effet son affliction d’être lié à un tel homme : « qui à notre malheur a épousé notre fille unique ». Il insiste sur la relation difficile qu’il entretient avec son gendre, mais surtout sur la mauvaise union qui s’est faite. Le sieur Bossu de Franclieu n’a pas d’autres enfants : il lui est impossible de compenser cette mésalliance par des mariages plus avantageux. La noblesse est principalement tentée par l’homogamie : les alliances matrimoniales sont souvent préparées avec le plus grand soin, afin de conserver l’honneur du lignage. L’homogamie reste le modèle dominant de la noblesse, même si celle-ci pratique parfois d’autres stratégies, comme l’hypogamie, avec des familles moins riches, afin de ne pas avoir à payer de trop lourdes dots [41]. Nous n’avons que peu d’informations et de sources sur les Bossu de Franclieu et les Duquenet : on peut légitimement penser qu’il s’agit de petits nobles de province, assez désargentés. Cela expliquerait le choix du sieur Duquenet pour gendre, la famille de Franclieu ne pouvant, du fait de sa situation (de son capital social, économique et familial), espérer mieux.
22Le sieur Duquenet est ainsi accusé par son beau-père de violences conjugales perpétrées dès les premiers mois du mariage : tout d’abord les violences verbales, puis les violences physiques. Il évoque ainsi en premier lieu le manque de considération du sieur Duquenet envers sa femme, la traitant « comme une esclave », et l’insultant : « Il ne la traitait pas autrement que par J. F. [Jean-Foutre] et d’autres injures encore plus atroces ». En la qualifiant de « Jean-Foutre », insulte peu courante envers une femme, le sieur Duquenet considère son épouse avec mépris : elle est ainsi « présentée comme incapable, indigne ou moralement condamnable » [42]. Cette injure met en cause l’attitude de la victime, et peut donc être cruellement ressentie. Pour les nobles, les injures touchent leur sensibilité, surtout si elles concernent les femmes [43]. En effet, la pureté des mœurs des femmes est une des garanties de l’honneur et du prestige des hommes, et des femmes [44], de la famille. Dans le cas d’une femme noble, c’est aussi s’attaquer au lignage : le second ordre est très pointilleux sur les questions de l’honneur. Le sieur de Franclieu, comme la victime et sa famille, ne peuvent donc entendre cette injure : cela remet en cause leur position sociale et leur capital honorifique.
23Puis le sieur de Franclieu évoque la violence physique : « Et souvent l’a frappée à coups de pied et à coups de poing et en la menaçant de lui couper un bras ou une jambe avec son sabre, et l’a poursuivie un jour avec. Et elle s’est échappée de lui qu’à la faveur de ses jambes ». Les violences conjugales sont d’une extrême intensité : la jeune femme est battue et son intégrité physique est clairement menacée par son mari. Généralement, les violences envers les femmes ne s’appliquent ni sur le visage, ni sur le ventre, ni sur les organes reproducteurs, comme si elles n’étaient réduites qu’à leur rôle d’enfantement et de perpétuation d’une lignée [45]. On ne sait ici où ont été donnés les coups. Enfin, le sieur de Franclieu, parlant de « mauvais traitements » et de manque de biens dans la maison, s’applique à justifier la réaction de sa fille, à savoir la fuite, pour sauver sa vie. Il en est de même pour la dame de Franclieu : le couple fait front commun dans la défense de leur fille contre les violences conjugales [46]. Face à ce genre d’actes, plusieurs solutions étaient possibles pour les victimes ou la famille : les lettres de cachet, les séparations de corps ou encore les interventions policières [47]. Pourtant, les témoins entendus par le cavalier de la maréchaussée Dupré ne mentionnent pas ces violences conjugales. Se rendant à Faucoucourt, il convoque plusieurs habitants de la paroisse, afin d’en savoir plus sur les circonstances de la plainte et sur le sieur Duquenet. Ces personnes « n’ont point de connaissance s’il a eu quelque mauvaise humeur ou manière d’agir envers la dame son épouse, que ladite dame son épouse l’a quitté pendant quelque temps, n’étant pas une personne des plus spirituelles […] ». Serait-ce donc une invention des beaux-parents pour accabler le gendre ? C’est possible. Mais n’oublions pas que les violences conjugales sont des violences cachées, intimes, dans le cadre feutré de la demeure conjugale : on se marie « pour le meilleur ou pour le pire » [48]. S’il y a coups, ceux-ci ne doivent pas être apparents, de façon à ne pas laisser de traces et être visibles par le voisinage : cela pourrait expliquer que le visage soit épargné. Ce qui peut surprendre également dans ces témoignages, c’est que la dame Duquenet est réduite à son peu de spiritualité, au sens de la pratique et de la croyance religieuses (il semble qu’elle ne se soit pas rendue à la messe le jour de l’agression) : est-ce considéré par les voisins comme un facteur explicatif à ces violences ? Il semblerait dans tous les cas que cela relève de l’ordre privé, tant dans les causes que dans leur expression violente. En remettant en cause la position sociale de son mari et en critiquant ses échecs, la dame Duquenet s’est attiré les foudres de son époux, et celle-ci est remise à sa place, par la violence. Le peu de cas du voisinage face à ces maltraitances peut révéler soit une forme d’accommodement à cette violence (violence légitimée et quotidienne de la maltraitance conjugale), soit une lâcheté à se mêler d’une affaire nobiliaire, soit une solidarité à l’égard du prévenu. Pourtant, les violences conjugales au sein des élites ne sont pas admises au xviiie siècle [49]. Une approche psychanalytique serait intéressante pour percevoir la complexité et la part d’ombre de l’esprit de Duquenet, présenté par ses beaux-parents comme un homme extrêmement violent, un animal social fortement agressif et dénué de mesure quant à l’expression de son ressentiment. Il est décrit comme un homme déviant, dont la violence peut être une forme d’expression récurrente. Finalement, cette violence conjugale, ordinaire, semble atténuée voire camouflée par la population, mais mobilisée par les beaux-parents pour aggraver le cas de leur gendre : la violence peut alors apparaître consubstantielle de la défense de son honneur, voire de la déchéance sociale.
24Les violences conjugales apparaissent néanmoins dans les sources et ne commencent à être criminalisées qu’à partir du xviiie siècle [50]. Prenons pour exemple l’affaire auvergnate présentée au Tribunal des Maréchaux [51] par Catherine de Boissieux, épouse dame de Montcelard, contre son mari Vital Boyer, écuyer sieur de Montcelard, en 1788 : la dame de Montcelard, craignant pour sa vie et celle de ses enfants [52], demande à l’auguste Tribunal de garder son mari violent en prison à Pierre-Encise au lieu d’Issoire, afin de limiter son influence près de leur résidence et de réduire les risques d’évasion. Elle nous dit :
« Ce mari me fut rendu pour mon malheur et pour le malheur de mes enfants : toujours aussi barbare, aussi dangereux pour mes jours, et pour les jours de mes enfants. J’ai souffert dans le silence et la douleur pendant vingt ans de mariage, des soufflets, des coups de pierre et autres mauvais traitements : obligée, avec mes pauvres enfants, de passer tant des nuits entières dans le bois voisin de la maison pour nous soustraire à la fureur de ce mauvais mari. Je souffrirais encore si ma vie n’était exposée, et aujourd’hui je n’ai que vous Mes Seigneurs, pour me la prolonger […] ».
26Elle évoque ensuite l’impossibilité pour elle de mener une séparation en justice, craignant la violence de son époux en cas de procédure judiciaire. Dans ces deux cas, les femmes sont obligées de fuir les violences conjugales : l’une en repartant chez ses parents, l’autre en se réfugiant dans le bois voisin pour éviter les violences.
27L’histoire agressive qui unit les Bossu de Franclieu et les Duquenet révèle des mécanismes juridiques et sociaux mobilisés pour sauver les apparences de ces deux familles nobles du Soissonnais : rien ne doit entacher leur honneur. Pourtant, c’est bien ce code moral qui est au cœur des relations explosives au sein de la famille.
Une affaire révélatrice des mentalités et de difficultés nobiliaires : les causes des violences
Le sieur Duquenet, un noble endetté
28Dans cette affaire de violence nobiliaire, tous les témoignages concordent sur l’une des causes principales de cette situation : l’endettement et les difficultés socio-économiques du sieur Duquenet. Le sieur Bossu de Franclieu explique la fuite de sa fille par les mauvais traitements qu’elle subit, certes, mais également par le fait que « tout manquait chez lui pour la vie ». Duquenet est présenté par son beau-père comme un indigent. Le sieur Dambrevaly de Vain, le nommé Barbier, hôtelier, et les autres personnes de la paroisse de Duquenet auditionnés par Dupré mettent en avant le fait « que le sieur Duquenet n’est pas absolument des plus à son aise ». Le tableau est déjà plus nuancé. Mais il ne semble pas faire honneur au mode de vie nobiliaire. Le beau-père évoque l’endettement du sieur Duquenet pour financer la mise en valeur sa ferme Duez [53] à Faucoucourt comme à l’origine de cette mauvaise situation. Il a acheté à crédit bestiaux et équipages : un premier de 1 350 livres pour cent moutons et autres bestiaux et un second pour 700 livres.
29Or, il n’a pas réussi à faire fructifier son investissement. Pour honorer le remboursement de ses emprunts, il a été obligé de se séparer d’une partie de son bétail, tandis que l’autre moitié fut saisie par les huissiers au mois de février. Ce coup dur « l’a mis hors d’état de pouvoir continuer à faire valoir sa ferme, ce qui l’a dérangé dans ses affaires ». Déjà endetté avant son mariage, ses dettes ont augmenté par la suite : ces saisies et cet échec ont achevé de le ruiner. Varles fils indique clairement que la dame Duquenet, logiquement, n’était pas satisfaite de sa vie, ce qui explique la fuite chez son père :
« La jeune dame, qui n’était pas contente de cette entreprise, qui peut-être ne l’était pas du tout de la conduite de son mari, étourdie d’ailleurs que quelques créanciers firent faire chez eux pour quoi ledit sieur Duquenet fut obligé de vendre une partie de ses bêtes à laine, a pris le parti pendant son absence de retourner chez le sieur de Franclieu son père ».
31La dame Duquenet n’acceptait pas cette activité agricole de son mari, c’est la première chose : elle s’est mariée avec un noble, pas avec un fermier. Mais surtout, les conditions et le niveau de vie de son époux devaient lui sembler indignes : son père avait probablement une meilleure situation et elle pouvait ressentir ainsi une forme de déclassement social par son mariage. Arlette Farge [54] explique que les problèmes de budget sont « au centre de la discorde » dans le cadre des conflits familiaux : selon elle, « l’homme ne laisse pas assez d’argent à sa femme, dépensant ses ressources au cabaret ou bien il s’empare sans vergogne des revenus de son épouse ne la laissant pas en jouir ». Au sein de la famille, c’est l’homme qui impose ses conditions, qui gère le ménage et ses biens, et ce, comme il l’entend [55]. Nous avons, ainsi, probablement affaire ici à un petit noble de province, un hobereau désargenté. La pauvreté, ou du moins les difficultés financières, peuvent être désignées comme une cause de la violence du sieur Duquenet : le noble se retrouve déclassé dans sa société, ne pouvant convenablement subvenir aux besoins de son épouse et de limiter ses dettes. Il devient difficile dans un tel cas de distinguer ce noble rural d’un paysan. Un riche laboureur devait sûrement afficher avec plus d’élégance sa réussite sociale, face à ce déclassement nobiliaire. Tout comme M. de Beuns [56], noble déclassé de Bordeaux, la violence est la seule réponse à cette situation : il attaque M. Bonneau, commissaire des chasses, participant à la prospérité économique de la cité bordelaise et symbole de l’ascension sociale. Le déshonneur causé par le déclassement pousse le sieur de Beuns à reconstruire sa légitimité et son rang social par l’épée. Les symboles du paraître noble ne sont plus [57] ou les rangs sociaux sont inversés : la dame Duquenet ressent cruellement cette situation et ne peut l’accepter. Elle l’exprime par la fuite, son mari, lui, par la violence envers elle et envers sa famille. Ces violences familiales « apparaissent [parfois] comme la seule alternative afin de se libérer d’une situation familiale ou sociale inextricable et intolérable » [58].
Noblesse et cabaret ne font pas bon ménage
32L’endettement n’est pas la seule cause des faits de violence de la part du sieur Duquenet : celui-ci est un homme porté sur la boisson. Le beau-père nous en informe dès le début de sa plainte : « Elle n’a pas été deux mois avec lui, il l’a traitée comme une esclave, allant tous les dimanches et fêtes jouer au tamis [59] avec toutes sortes de paysans, ensuite au cabaret jusqu’à dix ou onze heures du soir ». Dupré collecte des témoignages convergents des habitants de la paroisse du sieur Duquenet : il « est une personne qui va assez volontiers boire bouteille avec différentes personnes sans dérangement ». Enfin, Varles fils nous dit : « Le sieur Duquenet âgé de 27 ans, […], aime un peu la bouteille et boit avec toutes sortes de gens ». L’ivrognerie ou du moins le caractère débauché du sieur Duquenet sont mis en avant, ce qui explique que la dame Duquenet « n’était pas tout à fait contente […] de la conduite de son mari » : celui-ci ne se comporte pas en « honnête homme » [60]. En effet, selon le manuel de savoir-vivre de Nicolas Faret [61], l’honnête homme doit acquérir la modération qui sied à son rang par « la bonne éducation, la diligence et le travail, les bonnes habitudes, la fréquentation des gens de bien […] ». C’est l’occupation de l’esprit qui permet de limiter l’ivrognerie [62], ce que fait mal le sieur Duquenet et qui lui est donc reproché. Le sieur Varles fils lui fit donc, sous l’autorité des Maréchaux, « les remontrances convenables en pareil cas ». Le lien entre violences et débauche a déjà pu être établi, notamment par Michel Figeac dans son étude du meurtre sanglant de la demoiselle Dudon par le noble Cazenove, dans la nuit du 4 au 5 juin 1761 à Baurech dans l’Entre-deux-Mers [63]. Cazenove est présenté comme un noble débauché et violent, aux difficultés financières certaines : ce hobereau est décrit comme un ivrogne. Par ailleurs, non seulement Duquenet est endetté, mais il passe des journées entières au cabaret, risquant, par le jeu, d’accroître ses dettes : le cabaret est clairement identifié par Arlette Farge [64] comme un lieu privilégié de la violence dans la société. L’homme, qui le fréquente, participe à l’opprobre familial : sa débauche et ses difficultés financières concourent à la mise en difficulté du ménage, ici modérée par l’absence d’enfants. Ainsi, Vauban déclarait déjà au xviie siècle : « Les cabarets sont les lieux du monde les plus propres à se ruiner à petit bruit et sans façon […] » [65]. Mais ce n’est pas tant la boisson, le jeu ou son comportement qui sont décriés par le sieur de Franclieu : tous les témoignages nous indiquent que le sieur Duquenet joue et boit avec « toutes sortes de gens », voire des « paysans ». C’est le statut social des compagnons de Duquenet qui pose problème à son beau-père. Il se déshonore en côtoyant des gens qui lui sont inférieurs. Pour le sieur de Franclieu, cette attitude est indigne d’un gentilhomme. Dans le cas Cazenove, étudié par M. Figeac, l’homme est également présenté comme appréciant les compagnies paysannes au cabaret : cette attitude lui est reprochée par les habitants de la paroisse et notamment par sa femme : « Il menait une vie assez déréglée, allant boire avec les paysans dans les cabarets […] ». En agissant de la sorte, ces nobles rompent avec les sociabilités nobiliaires : ils effacent la préséance que leur qualité de noble leur octroie et se confondent avec des hommes peu dignes d’eux socialement. C’est là une question d’éthique nobiliaire et d’honneur.
Finalement, une histoire de déchéance sociale
33Appartenant au deuxième ordre, le sieur Duquenet doit se montrer digne de son nom, de son lignage et donc de son honneur : la noblesse est définie par ses codes moraux et ses principes qui la distinguent du reste de la société [66]. Le noble est attaché à la haute valeur de son « propre être social » : il cherche donc à la préserver et à la maintenir, sous toutes ses formes et avec force intensité. En fonction de leur place dans la hiérarchie sociale, et donc de leur rang dans la noblesse, ces gentilshommes ont des codes sociaux honorifiques plus ou moins intangibles. Porteurs d’une idée plus grande que leur être, c’est-à-dire leur honneur et la conscience de leur supériorité sociale et morale, les nobles doivent se distinguer et marquer ce phénomène par leur exemplarité dans leur attitude, leur conduite et leurs vertus. Par ses agissements, le sieur Duquenet se désavoue, s’abaisse et cela est insupportable pour le sieur de Franclieu son beau-père. Il s’est allié à cette famille : elle ne doit donc pas ternir sa propre dignité et son propre honneur. La conjonction de la boisson, de l’endettement, et des difficultés économiques du sieur Duquenet peuvent participer à la perception d’une forme de déchéance sociale de ce noble, difficile à accepter. Il peut donc s’exprimer de façon violente et délinquante à l’égard de ses proches pour tenter de pallier sa dégradation sociale et la perte de son capital honorifique. Son échec à mettre en valeur ses terres, à payer ses dettes, les saisies par les huissiers et enfin la fuite de sa femme ont pu être le catalyseur d’une rancune et d’une honte, une atteinte à son honneur et à sa virilité, qu’il n’a pu probablement essayer de pallier que par le recours à la violence et à une expression physique de sa force. Le même processus est à l’œuvre pour les deux frères Rousseau du Coulgens [67] : ces deux hommes, deux nobles déclassés, débauchés et d’une violence extrême, s’en prennent à leur protecteur, le curé Rollier, qui n’a pour seule issue que le recours au Tribunal des Maréchaux pour sauver sa vie des violences et menaces quotidiennes que lui font subir ces deux hobereaux désargentés. Humiliés par leur déchéance sociale liée à leur pauvreté, ces deux nobles n’ont pour remède et soulagement à leur honte qu’une violence déchaînée, qui traduit une perte de repères et une jeunesse égarée. Ainsi, la violence semble être, une fois encore, un moyen pour compenser une dégradation sociale et un déshonneur implacable.
34Ainsi, cette affaire familiale opposant le sieur Bossu de Franclieu à son gendre le sieur Duquenet nous permet de saisir certains aspects de la déchéance sociale de la petite noblesse de campagne, désargentée, dégradée socialement, et qui semble n’avoir plus que la violence comme réponse à la perte de son honneur et de son rang social. On y découvre des caractéristiques de la violence d’une partie de la noblesse et ses causes possibles. La pauvreté, l’endettement et la boisson semblent porter un coup fatal à l’honneur du sieur Duquenet, hobereau du Soissonnais : sa réputation et sa dignité sont remises en cause par la fuite de sa femme, par ses dettes et ses attitudes, particulièrement impropres à la sociabilité et à la vertu d’un membre du deuxième ordre, mais non spécifiques à ce groupe. Il est donc contraint, pour réparer ses blessures, de mobiliser plusieurs formes de violence (physique, morale, verbale et symbolique), afin de rétablir son honneur perdu : que ce soit par la mise en scène de l’agression de son beau-père ou par l’intimité de la maltraitance conjugale. Le statut de la femme, fragile, est aussi rappelé dans cette affaire : la dame Duquenet n’a pu faire état de sa situation d’une part, exprimer ses revendications d’autre part, que par la fuite. Elle a dû se plier aux décisions parentales et accepter en silence la recherche du compromis familial, pour sauver les apparences et surtout l’honneur du clan. Pour les nobles, il y a donc une imbrication entre l’impossibilité de résoudre par des arrangements courants leurs conflits et leur propre qualité nobiliaire : ils ne sont pas des gens ordinaires, mais exemplaires. Le recours à la violence les déclasse et le recours à la justice les expose. Après la saisine du beau-père et la publicité honteuse de sa plainte, les nobles tentent donc de régler en interne leurs antagonismes pour sauver la représentation qu’ils doivent donner d’eux-mêmes à la société, en référence à leur honneur et aux codes sociaux et moraux qui leur sont propres.
35Ce type d’affaire n’est sûrement pas un cas isolé ou typique de la noblesse : la violence comme réponse à la déchéance sociale et au déshonneur répond davantage d’un phénomène commun que nobiliaire. Elle peut être valable pour d’autres groupes sociaux : il ne semble pas y avoir de spécificité nobiliaire de la violence comme réponse à la déchéance. Tout individu peut se sentir attaqué dans son être et sa virilité et répondre violemment au déshonneur. En revanche, c’est la conduite de l’affaire davantage que l’acte violent qui est singulière. Cette gestion judiciaire paraît davantage nobiliaire voire élitaire que populaire. Tout le cadre honorifique de l’ordre, du lignage et du rang s’inscrit dans un schéma propre au groupe social de la noblesse et des élites. Face au déclassement social, à la dégradation nobiliaire, au déshonneur et à la violence, tout un mécanisme de défense familial et nobiliaire se déploie afin de limiter l’exposition publique. C’est là que se situe tout l’enjeu et toute la spécificité de cette affaire violente du noble Duquenet et de sa famille.
36Finalement, cette histoire dévoile un cas parmi d’autres de violence nobiliaire. La violence n’est pas le domaine réservé de la noblesse, mais semble une réponse et un marqueur de la déchéance sociale. Elle peut être aussi un moyen d’expression de l’honneur perdu, qu’ici un noble cherche à rétablir, parfois, par la force. Cause ou conséquence de la dégradation sociale, la violence nobiliaire s’articule au gré des situations, mais surtout des jugements et de leur gestion.
Mots-clés éditeurs : déchéance sociale, violence, Soissonnais, honneur, noblesse
Mise en ligne 08/10/2019
https://doi.org/10.3917/rdn.427.0759Notes
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[1]
Le terme « famille » est ici appréhendé au sens large : il comprend le couple et la belle-famille.
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[2]
Cette affaire s’inscrit dans le cadre de notre thèse sur la noblesse criminelle et violente en France, dirigée par le professeur Michel Figeac, à l’Université Bordeaux Montaigne (Sombre ou honorable ? La noblesse délinquante et violente en France au xviiie siècle, 2017).
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[3]
AN, Tribunal des Maréchaux, AB/XIX/1195, dossier 91359, lettre B, opposant Bossu de Franclieu à son gendre Duquenet, tous deux gentilshommes du Soissonnais. L’affaire comprend la plainte pour « excès, violences et menaces » de la victime au Tribunal des Maréchaux (31 mai 1751), deux ensembles de procès-verbaux effectués par le cavalier de la Maréchaussée Dupré pour éclaircir les faits et circonstances de la plainte (24 juin 1751) et une lettre envoyant l’information par Varles fils du Procureur Général à Soissons (2 juillet 1751) au Tribunal des Maréchaux.
-
[4]
M. Nassiet, La violence, une histoire sociale. France, xvie-xviiie siècles, Seyssel, Champ Vallon, 2011 ; Id., Noblesse et pauvreté. La petite noblesse en Bretagne, xve-xviiie siècle, Rennes, Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, 1993.
-
[5]
M. Figeac, L’automne des gentilshommes. Noblesse d’Aquitaine, noblesse française au Siècle des Lumières, Paris, Honoré Champion, 2002, p. 258.
-
[6]
J. Doyon, L’atrocité du parricide au xviiie siècle. Le droit pénal dans les pratiques judiciaires du Parlement de Paris, thèse sous la direction de M.-J. Michel et F.-J. Ruggiu, Sorbonne Paris Cité, soutenue en 2015 ; Id., « Le “père dénaturé” au Siècle des Lumières », Annales de démographie historique, n° 118, 2009/2, p. 143-165. DOI 10.3917/adh.118.0143. URL : https://www.cairn.info/revue-annales-de-demographie-historique-2009-2-page-143.htm.
-
[7]
S. Minvielle, La famille à l’époque moderne, Paris Armand Colin, 2010.
-
[8]
B. Garnot, Crime et justice aux xviie et xviiie siècles, Paris, Imago, 2000.
-
[9]
M. Figeac, « Le hobereau et le curé : les Rousseau du Coulgens entre révolte et déchéance sociale », dans L’Aquitaine révoltée. Actes du LXVIe Congrès d’Études régionales de la FHSO, 2014 ; Id., « Un nœud de vipères dans l’Entre-Deux-Mers. L’affaire Dudon ou l’apport des sources judiciaires à l’histoire sociale », Revue historique de Bordeaux, troisième série, n° 19, 2013, p. 47-70 ; P. Serna, « Le Tribunal des Maréchaux… Outil pour une étude anthropologique de la violence nobiliaire au xviiie siècle : le cas d’un duel à Bordeaux », dans J. Pontet, M. Figeac, M. Boisson (dir.), La Noblesse de la fin du xvie au début du xxe siècle, un modèle social ?, t. 1, Anglet, Atlantica, 2002, p. 327-345.
-
[10]
Le sieur de Beuns ou de Bense : la première forme est retenue étant celle qui apparaît dans la source.
-
[11]
P. Serna, « Le Tribunal des Maréchaux… », op. cit., p. 327-345 ; R. Benoît, « Le Tribunal des Maréchaux de France au xviiie siècle », École des Chartes, entretien en ligne du 5 octobre 2017 (https://chartes.hypotheses.org/1997) ; Id., « L’intérêt est normand et l’honneur est gascon ». Le Tribunal des Maréchaux de France : agent régulateur du comportement et du crédit des nobles et militaires au xviiie siècle, thèse sous la direction d’H. Drévillon et O. Poncet, Paris, École nationale des chartes, soutenue en 2017.
-
[12]
L. Brassart, Gouverner le local en Révolution : État, pouvoirs et mouvements collectifs dans l’Aisne (1790-1795), Paris, Société des études robespierristes, 2013, p. 96-100.
-
[13]
Id., « “Plus de vingt paysanneries contrastées en révolution”. De la pluralité des dynamiques sociales du politique en milieu rural pendant la révolution », Annales historiques de la Révolution française [En ligne], 359 | janvier-mars 2010, mis en ligne le 1er mars 2013, consulté le 26 mars 2018. URL : http://journals.openedition.org/ahrf/11469 ; DOI : 10.4000/ahrf.11469.
-
[14]
D. Rolland, Architectures rurales en Picardie. Le Soissonnais, Nonette, Éditions Créer, 1998.
-
[15]
M. Figeac, L’automne des gentilshommes…, op. cit., p. 257.
-
[16]
AD Aisne, C551, C573 et C581.
-
[17]
Le cadrage démographique a pu être effectué à l’aide de la base de données Cassini de l’EHESS qui fournit le recensement des villes, villages et bourgs dès 1793 : http://cassini.ehess.fr/cassini/fr/html/index.htm.
-
[18]
L’incommunicabilité du registre AD Aisne C 561 pour Cuisy-en-Almont en 1788 ne nous permet pas de cerner une évolution comme pour Faucoucourt entre 1788 et 1789.
-
[19]
AN, Tribunal des Maréchaux, AB/XIX/1195, dossier 91359, fol. 1.
-
[20]
S. Minvielle, La famille à l’époque moderne, op. cit., p. 63.
-
[21]
Le sieur Duquenet est venu à Cuisy-en-Almont accompagné de son valet et de deux personnes, désignées comme des sergents par le sieur Bossu de Franclieu. Il est également venu avec une charrette tirée de trois chevaux, que le domestique conduisait.
-
[22]
« Par B… » : insulte récurrente dans les archives criminelles, dont la signification est absente dans la source même, supposant que c’est une injure suffisamment courante, et offensante, pour ne pas avoir besoin d’être explicitée. « Par B… » signifie ainsi « par bougre ». Une autre insulte n’est pas explicitée dans ces sources : « par F… », signifiant « par foutre ». Voir C. Duneton, S. Claval, Le Bouquet des expressions imagées. Encyclopédie thématique des locutions figurées de la langue française, Paris, Seuil, 1990.
-
[23]
B. Garnot, Crime et justice…, op. cit., p. 143-147 ; voir également H. Lecharny, « L’injure à Paris au xviiie siècle : un aspect de la violence au quotidien », Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. 36, n° 4, octobre-décembre 1989, p. 563. DOI : https://doi.org/10.3406/rhmc.1989.1514, https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1989_num_36_4_1514.
-
[24]
AD Aisne, 5Mi0957, lacunes 1740-1751. http://www.genealogie-aisne.com/old_genealogie/newmetiers/seigneur2.php?id=534.
-
[25]
C. d’Hozier, Armorial général de la France (1696-xviiie siècle), Carrés d’Hozier, fonds Chérin, BnF.
-
[26]
F.-A. A. de La Chesnaye des Bois, Dictionnaire de la noblesse, contenant les généalogies, l’histoire et la chronologie des familles nobles de France, 1771.
-
[27]
B. Garnot, « La justice pénale et les témoins en France au 18e siècle : de la théorie à la pratique », Dix-huitième siècle, 2007/1 (n° 39), p. 99-108. DOI : 10.3917/dhs.039.0099. URL : https://www.cairn.info/revue-dix-huitieme-siecle-2007-1-page-99.htm, § 1.
-
[28]
Information donnée par la lettre de « Varles fils du Procureur Général à Soissons » au Tribunal des Maréchaux du 2 juillet 1751.
-
[29]
B. Garnot, « La justice pénale et les témoins en France au 18e siècle […] », art. cit., § 2 ; B. Schnapper, « Testes inhabiles. Les témoins reprochables dans l’Ancien droit pénal », Revue d’Histoire du Droit, t. XXXIII, 1965, p. 575-616.
-
[30]
P. Serna, « Le Tribunal des Maréchaux… », op. cit., p. 327-345.
-
[31]
R. Benoît, « Le Tribunal des Maréchaux de France au xviiie siècle », op. cit., § 1 ; Id., « L’intérêt est normand et l’honneur est gascon… », op. cit.
-
[32]
J.-M. Carbasse, « Chapitre 2. L’évolution de la procédure pénale », dans J.-M. Carbasse (dir.), P. Vielfaure (coll.), Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, Paris, Presses Universitaires de France, 2014, p. 188-235, § 71. URL : https://www-cairn-info.ezproxy.u-bordeauxmontaigne.fr/histoire-du-droit-penal-et-de-la-justice-criminell—9782130631002-page-188.htm.
-
[33]
Ibid., « Chapitre 2. L’évolution de la procédure pénale », op. cit., § 72.
-
[34]
R. Benoît, « Le Tribunal des Maréchaux de France au xviiie siècle », op. cit, § 4 ; Id., « L’intérêt est normand et l’honneur est gascon… », op. cit.
-
[35]
Pour de plus amples informations sur la justice criminelle, voir J.-M. Carbasse, « Chapitre 2. L’évolution de la procédure pénale », op. cit., p. 188-235.
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[36]
Il n’est pas possible d’identifier précisément cet homme ni sa charge : ce sont les seules informations à notre disposition. Il fait partie des rouages judiciaires du Tribunal des Maréchaux et de l’instruction préparatoire.
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[37]
J. Doyon, « Le père dénaturé… », art. cit., § 28 : « les désordres familiaux n’ont pas vocation à s’étaler sur la place publique ».
-
[38]
K. Saule, « L’officialité diocésaine de Beauvais et les procès criminels inaboutis (xviie siècle) », dans B. Garnot et B. Lemesle (dir.), Autour de la sentence judiciaire du Moyen Âge à l’époque contemporaine, Dijon, Presses universitaires de Dijon, 2012, p. 60.
-
[39]
Ibid., « L’officialité diocésaine de Beauvais… », op. cit., p. 62.
-
[40]
E. Wenzel, « Une autre justice ? Les “voies alternatives” dans l’ancienne procédure criminelle », dans S. Dauchy, V. Demars-Sion, A. Deperchin, T. Le Marc’ hadour (dir.), La résolution des conflits. Justice publique et justice privée : une frontière mouvante, Rapport de recherche « Mission Droit et Justice », Lille, 2008, p. 74-78 ; voir aussi, pour l’infrajudiciaire, l’ouvrage de B. Garnot (dir.), L’Infrajudiciaire du Moyen Âge à l’époque contemporaine. Actes du colloque de Dijon, 5-6 octobre 1995, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 1996.
-
[41]
L. Bourquin, La noblesse dans la France moderne (xvie-xviiie siècle), Paris, Belin Supérieur, 2002, p. 102-106.
-
[42]
http://www.cnrtl.fr/definition/jean-foutre. « Les grands dictionnaires des xviie et xviiie siècles se gardent bien de définir pareil langage et l’on y cherche en vain la présence de ces mots […] » (M. Biard, « Foutre et ses dérivés », Parlez-vous sans culotte ? Dictionnaire du Père Duchesne, (1790-1794), Paris, Tallandier, 2009, p. 239).
-
[43]
Pour les injures, voir : B. Garnot, Crime et justice…, op. cit., p. 143-147 ; R. Muchembled, Une histoire de la violence de la fin du Moyen Âge à nos jours, Paris, Points Histoire, 2012, p. 46 ; H. Lecharny, « L’injure à Paris au xviiie siècle… », art. cit., p. 559-585.
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[44]
Sur l’honneur des femmes, on signale la thèse en cours de M. Carcanague (Des femmes d’honneur devant la justice. Honneur et réputations des femmes dans la France du xviiie siècle (v. 1700-1789)), sous la direction d’H. Drévillon, 2016.
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[45]
R. Muchembled, Une histoire de la violence…, op. cit., p. 9.
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[46]
J. Doyon, « Le père dénaturé… », art. cit., § 8-9 : les parents Bossu de Franclieu continuent de prendre soin de leur fille, même si ce n’est plus dans leur rôle familial de le faire. Leur fille est mariée : les parents sont déchargés de leur obligation sociale et familiale, normalement au profit du mari. Ici, la solidarité parentale se poursuit.
-
[47]
Pour de plus amples informations sur les violences conjugales, se référer à T. Le Marc’ hadour, « La punition des mauvais maris. Stratégies judiciaires féminines devant l’échevinage de Lille au xviiie siècle », dans M. Cavina, B. Ribémont, Le donne e la giustizia fra medioevo ed età moderna. Il caso di Bologna a confronto, Bologne, Editions Pàtron, 2013 ; A. Lottin (dir.), La désunion du couple sous l’Ancien Régime. L’exemple du Nord, Lille-Paris, Éditions universitaires, 1975 ; S. Minvielle, La famille…, op. cit., 2011, p. 63-78.
-
[48]
S. Minvielle, La famille…, op. cit., p. 63.
-
[49]
A. Lottin, « La complainte des désunies », Histoire, Économie & Société, 2002, p. 173-180 : l’auteur évoque dans « Femmes battues et martyres » (p. 177-178) Merlin de Douai qui, dans le Répertoire de jurisprudence de Guyot (fin xviiie siècle) rappelle l’écart de tolérance de la violence entre gens du peuple et gens de qualité.
-
[50]
G. Murphy, « Atténuer la cruauté ? Justice et violences conjugales aux xviie et xviiie siècles », dans F. Chauvaud, A. Rauch, M. Tsykounas (dir.), Le Sarcasme du mal. Histoire de la cruauté de la Renaissance à nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, p. 31-47.
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[51]
AN, AB/XIX/1195, dossier 90283, lettre B.
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[52]
Cette affaire concerne : Catherine Salvaing de Boissieux, dame de Gizac (1738- ?), épouse dame de Montcelard en 1767 ; Joseph Antoine Vital Boyer de Montcelard, seigneur de Gizac (1746-1791). Le sieur et la dame de Montcelard ont eu cinq enfants : Anne de Montcelard (1769- ?), Claudine Charlotte Boyer de Montcelard (1770-1820), X de Montcelard (1771-1771), Anne Marie Joséphine de Montcelard (1774-) et Jean-Baptiste Boyer de Montcelard (1776-). https://gw.geneanet.org/symi43?lang=fr&p=joseph+antoine+vital&n=boyer+de+montcelard.
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[53]
Ferme Duez, ou ferme d’Huez aujourd’hui, Faucoucourt, Aisne, Hauts-de-France.
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[54]
A. Farge, « Les théâtres de la violence à Paris au xviiie siècle », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 34e année, n° 5, 1979, p. 984-1015. DOI : 10.3406/ahess.1979.294104. http://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1979_num_34_5_294104.
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[55]
S. Minvielle, La famille…, op. cit., p. 65.
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[56]
P. Serna, « Le Tribunal des Maréchaux… », op. cit., p. 327-345.
-
[57]
M. Figeac, L’automne des gentilshommes, op. cit., p. 258.
-
[58]
C. Regina, S. Minvielle, « Crimes familiaux. Tuer, voler, frapper les siens en Europe du xve au xixe siècle », Annales de démographie historique, 2015/2 (n° 130), p. 5-23. DOI : 10.3917/adh.130.0005. URL : https://www.cairn.info/revue-annales-de-demographie-historique-2015-2-page-5.htm.
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[59]
Jeu de tamis ou « jeu de rebonds » ressemble au jeu de paume ou au tennis, mais sans raquette (les joueurs jouent à mains nues ou avec des gants). Le tamis est un cadre de bois arrondi, recouvert de tissu, monté sur trois pieds (dont l’un est plus court, de façon à incliner le tamis). Le but de ce jeu est de se renvoyer la balle d’un camp à l’autre en ciblant le tamis, afin de la faire rebondir sur ledit tamis puis de la renvoyer dans le camp adverse. M. Vigne, C. Dorville, « Les jeux traditionnels du Nord, entre tradition ludique culturelle et modernité sportive », Socio-logos [En ligne], 4 | 2009, mis en ligne le 21 octobre 2009, consulté le 5 mars 2018. URL : http://journals.openedition.org/sociologos/2332 ; E. Belmas, Jouer autrefois. Essai sur le jeu dans la France moderne (xvie-xviiie siècle), Paris, Champs Vallon, 2006.
-
[60]
À propos du lien entre boisson et morale, voir M. Lecoutre, Ivresse et ivrognerie dans la France moderne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 101-148.
-
[61]
N. Faret, L’honneste-homme ou L’art de plaire à la court, Paris, 1630, p. 44, dans M. Lecoutre, Ivresse et ivrognerie…, op. cit., p. 105.
-
[62]
M. Lecoutre, Ivresse et ivrognerie…, op. cit., p. 105.
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[63]
M. Figeac, « Un nœud de vipères dans l’Entre-Deux-Mers… », art. cit., p. 65.
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[64]
A. Farge, « Les théâtres de la violence… », art. cit., p. 984-1015.
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[65]
M. Lecoutre, Ivresse et ivrognerie…, op. cit., p. 142 : Lettre de Vauban à Louvois du 21 janvier 1672.
-
[66]
Voir H. Drévillon, D. Venturino, Penser et vivre l’honneur à l’époque moderne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011.
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[67]
M. Figeac, « Le hobereau et le curé… », art. cit.