Notes
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[1]
Pour une vision d’ensemble des sources disponibles, il faut se référer à A. Vauchez et C. Caby (dir.), L’histoire des moines, chanoines et religieux au Moyen Âge : guide de recherche et documents, Turnhout, Brepols, L’Atelier du Médiéviste n° 9, 2003 ; P. Bertrand, « Ordres mendiants et renouveau spirituel du Bas Moyen Âge (fin du xiiie s.-xve s.) Esquisses d’historiographie », Le Moyen Âge, tome CVII, 2001/2, p. 305-315. Globalement, on s’intéressera à l’évolution de l’étude du « fait religieux » en consultant J. Foa, « Histoire du religieux », dans C. Delacroix, F. Dosse, P. Garcia, N. Offenstadt, Historiographies. Concepts et débats, t. 1, Paris, Gallimard, coll. « Folio histoire », 2010, p. 268-281 ; F. Hildesheimer, L’histoire religieuse, Publisud, 1996, 143 p.
-
[2]
L’ouvrage collectif mené sous la direction de N. Bériou et J. Chiffoleau, Économie et religion. L’expérience des ordres mendiants (xiiie-xve siècle), Lyon, PUF, coll. d’Histoire et d’Archéologie médiévales n° 21, 2009 est une référence en la matière.
-
[3]
N. Bériou, « Introduction », ibid., p. 19 : cinq axes de recherche : sources du quotidien ; typologie des biens et des revenus des frères et des sœurs ; modalités de l’acquisition des biens ; modalités des échanges ; rapport des frères aux biens, à l’argent, en contrepoint des références à la pauvreté et à la mendicité.
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[4]
AM Douai, BB 1, Registre aux « Consaulx ».
-
[5]
AM Douai, CC 840, 8 pièces en parchemin concernant l’affaire de la brasserie des dominicains de Douai (1488-1499) ; Archives Générales du Royaume (Bruxelles), Inventaire T 107, Grand Conseil de Malines, n° 304, Registre aux rôles des causes du 5 mai 1488 au 2 avril 1490 (713 fol.) : voir E. Van Den Bussche, Inventaire des Registres du Grand Conseil de Malines. Avec un supplément pour les nos 1186 à 1553 (requêtes et varia en portefeuilles), 107, Archives Générales du Royaume, Bruxelles, 1992 ; AGR, Inventaire I 004, Chambre des Comptes, Comptes du receveur des exploits du Grand Conseil, nos 21444, 21445 et 21446, Comptes de maître Jaques Le Muet respectivement du 1er avril 1482 au 31 mars 1486, du 1er avril 1486 au 31 mars 1488, du 1er avril 1488 au 31 mars 1490 : voir M. Gachard (dir.), Inventaires des Archives de la Belgique publiés par ordre du Gouvernement, t. 3, Bruxelles, 1851 ; concernant les archives du Grand Conseil, on consultera plus généralement R.-H. Bautier et J. Sornay, Les sources de l’histoire économique et sociale, Les États de la maison de Bourgogne, Archives centrales de l’État bourguignon (1384-1500), Archives des principautés territoriales du Sud et du Nord (supplément), Paris, Éd. du CNRS, vol. 1, fascicule 1, 2001, p. 16-20.
-
[6]
AM Douai, AA 257, Lettres de Thomas de La Pappoire, à ce moment député aux États Généraux des villes et châtellenies de Lille, Douai et Orchies (novembre 1488).
-
[7]
On pourra consulter R. Di Meglio, « Ordres mendiants et économie urbaine à Naples entre Moyen Âge et époque moderne. L’exemple de San Angostino », dans N. Bériou et J. Chiffoleau, Économie et religion…, op. cit., p. 591-636. Ou encore P. Bertrand, Commerce avec dame Pauvreté : structures et fonctions des couvents mendiants à Liège, xiiie-xive s., Genève, Droz, 2004, p. 147-430.
-
[8]
AD Nord, 126H, Dominicains de Douai, contient peu d’archives particulièrement pour la période médiévale. Concernant la gestion des archives économiques par les ordres mendiants eux-mêmes et la quantité relativement faible d’archives encore conservées, voir P. Bertrand, « Économie conventuelle, gestion de l’écrit et spiritualité des ordres mendiants. Autour de l’exemple liégeois (xiiie-xve s.) », dans N. Bériou et J. Chiffoleau, Économie et religion…, op. cit., p. 101-128, notamment la conclusion de l’article.
-
[9]
AM Douai, BB 1, fol. 65, Conseil du 28 février 1484.
-
[10]
Il leur fut ainsi permis avoir à tiltre d’achat la maison et héritage des tondeurs de grans forches en ladite ville adfin de le applicquier avec leur héritage et en faire leur pourfit attendu comme il devroit que la ville ne y avoit aulcun interest meismes que notre très redoubté seigneur et prince monseigneur le duc d’Austrice par lettres closes en faisoit requeste en faveur desdits religieux, AM Douai, BB 1, fol. 66 v°, Conseil du 18 juin 1484.
-
[11]
« Et qu’il ne polront jamais ne leurs sucesseurs faire brasserie ne huisine en ladite ville », AM Douai, BB 1, fol. 93 v°, Conseil du 28 juillet 1488, lignes 7 à 8.
-
[12]
Que néantmoins sous nagaires les religieux, prieur et couvent de leur voulenté indeue se sont ingérés de avoir fait faire et édisfier en leur couvent une brasserie et huisine à intention de y faire brasser boire boulli pour eulx et leur couvent et desja y ont fait brasser deux brassins sans avoir paié ledit droit d’assis, AM Douai, BB 1, fol. 94 v°, Conseil du 9 septembre 1488.
-
[13]
AM Douai, CC 840, Lettres du 30 septembre 1488.
-
[14]
AM Douai, CC 840, Lettres du 6 octobre 1488.
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[15]
AM Douai, CC 840, Lettres du 10 octobre 1488.
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[16]
AM Douai, CC 840, Lettres du 23 octobre 1488 éditées en annexe 1.
-
[17]
AM Douai, AA 257. La lettre du 24 novembre 1488 est éditée en annexe 2.
-
[18]
AGR, GCM, n° 304, fol. 205.
-
[19]
AGR, GCM, n° 304, fol. 247 v° et 248.
-
[20]
AGR, GCM, n° 304, fol. 281.
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[21]
AM Douai, CC 840, Lettres du 27 mars 1489 (deux pièces).
-
[22]
AM Douai, CC 840, Lettres du 30 juin 1489.
-
[23]
AM Douai, BB 1, fol. 98 v°, Conseil échevinal du 24 octobre 1489.
-
[24]
AM Douai, BB 1, fol. 103, Conseil échevinal du 6 juin 1491.
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[25]
AM Douai, BB 1, fol. 115, Conseil du 25 juin 1499. AM Douai CC 840, Lettres du 26 juin 1499.
-
[26]
Pour considéracion de l’honneste vie que maisnent iceulx religieulx de saint Dominicque, pour eulx et leurs sucesseurs, et tant et si longuement qu’ilz seront en reformacion vivans en commun et faisans demi couvent et non plus en ceste dicte ville, avons consenti et accordé, consentons et accordons par ces presentes que ilz facent faire edisfier et erigier en leur dit pourpris une brasserie et en icelle brasser jusques au nombre de cent et soixante tonneaulx de boire boully chacun an pour le despence de leur dit couvent sans pour ce paier aucun droit d’assis ou maltotte à ladite ville, pourveu que le pryeur regnant et ses sucesseurs en icellui couvent seront tenus de jurer, affermer et promettre chacun an es jours prouchains enssuivans la Toussaint es mains de deux des escevins regnans en ladite ville que ilz ne souffriront brasser plus grand nombre de tonneaulx que de cent et soixante que ilz n’en abuseront ne distribueront avant la ville, n’estoit pour subvenir à gens oppressez de malladie et en petite quantité, extrait AM Douai CC 840, Lettres du 26 juin 1499, lignes 10 à 15.
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[27]
« Industrie brassicole » est évidemment anachronique tandis que les sources révèlent volontiers les termes de « cambe de goudale », « d’usine de goudale », de « maison où l’on brasse », de « cambre franke » ou de « brasserie ». Les maîtres du métier étaient les « goudaliers », « cervoisiers » et « brasseurs » ou « brasseresses » pour ne pas omettre l’activité féminine dont on devine l’importance – un ban échevinal de 1250 réglementant les boissons fermentées stipule bien les deux appellations (AM Douai AA 95 fol. 128 et AM Douai, HH fol. 34-35 : pièces éditées en PJ 268 dans G. Espinas, La vie urbaine de Douai au Moyen Âge, t. 3, Paris, Éd. Alphonse Picard, 1913-1917, p. 213-215) – en rappelant que la communauté conjugale restait une unité de vie mais aussi de production (atelier, boutique). La participation de l’épouse était courante dans les domaines du textile, de l’alimentation ou des soins aux malades. J.-P. Leguay, Vivre en ville au Moyen Âge, Quintin, Éd. Jean-Paul Gisserot, 2012, p. 220-225. Citons l’exemple anglais de Denise Marlere (xive siècle) qui, veuve de Nicolas un ancien boucher de Bridgwater, réussit à faire du brassage une activité secondaire plus que rentable pour sa famille, activité à l’origine uniquement domestique. Elle légua finalement le matériel de brassage à sa servante, sa paroisse, son prêtre, à deux monastères locaux et à sa fille : un four, des sacs de malt, divers récipients, un poêlon de table, des cuves, une casserole, un mortier, un pilon, etc. Elle confia, sûrement sous la forme d’un texte, son procédé de brassage. La transmission d’une technique, fruit d’une expérience non négligeable, semblait aussi importante que celle d’un matériel qui serait vite devenu inapproprié. J. M. Bennett, Ale, beer and brewsters in England. Women’s work in a changing world, 1300-1600, Oxford University Press, 1996, p. 14-36.
-
[28]
Sur Maximilien et Philippe de Habsbourg : H. Noflatscher, M. A. Chisholm, B. Schnerb (dir.), Maximilian I. 1459-1519. Wahrnehmung - Übersetzungen - Gender, Innsbruck Historische Studien Band 27, 2011 ; L. Silver, Marketing Maximilian : the visual ideology of a Holy Roman Emperor, Oxford, Princeton University Press, 2008 ; J.-M. Cauchies, Philippe le Beau : le dernier duc de Bourgogne, Turnhout, Brepols, 2003 ; H. Bogdan, Histoire des Habsbourg des origines à nos jours, Perrin, 2002, p. 83-93 et J. Berenger, Histoire de l’Empire des Habsbourg. 1273-1918, Paris, Fayard, 1990, p. 135-150.
-
[29]
Sur le commerce du vin à Douai, on pourra consulter : S. Blondel, La municipalité d’une Bonne Ville : Douai à la fin du Moyen Âge (1384-1531), t. 1, thèse de doctorat d’histoire sous la direction de Denis Clauzel, Université Lille 3, 2009, p. 197-202.
-
[30]
D. Clauzel, « Le vin et la bière à Lille à la fin du Moyen Âge : approches quantitatives », Publications du Centre Européen d’Études Bourguignonnes (xive-xve s.), n° 47, 2007, p. 149-167 et S. Blondel, La municipalité…, op. cit., t. 2, p. 216. Situations identiques pour la fin du xve siècle à Saint-Omer et Valenciennes : C. Petillon, Économie, politique et finances à Saint-Omer au xve siècle, thèse de doctorat d’histoire sous la direction de Bertrand Schnerb, 7 vol., Université de Lille 3, Villeneuve-d’Ascq, 2003, p. 251-264 ; Y. Junot, Les bourgeois de Valenciennes. Anatomie d’une élite dans la ville (1500-1630), Villeneuve-d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2009, p. 122-125 et 127-130.
-
[31]
Par pragmatisme, seul le terme de « bière » sera employé dans cet article, pris ainsi dans son acception générale. Sachant qu’il est utilisé habituellement pour caractériser une boisson fermentée à base de céréales et de houblon. L’essor du commerce de la bière « houblonnée » s’observe à partir de la moitié du xive siècle dans les grands ports de la Ligue Hanséatique, Hambourg en tête avec 300 à 375 000 hectolitres de production au début du xve siècle dont une bonne partie réservée à l’exportation vers la Baltique, la Scandinavie, l’Allemagne du Nord et les Flandres (R. W. Unger, Beer in the Middle Ages and the Renaissance, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, first paperback edition, 2007, p. 60-73, p. 119). Derrière ce terme unique ici employé, on retrouve dans les sources douaisiennes les « boires boulis » dont les « boires de grains senz miel » à savoir la « goudale » (la plus répandue, de « good ale » en anglais), la cervoise, la « tatebaut », la « hacquebart », la « houppe », la « keute » ou simplement du « blancq boire » ou du « brun boire ». Autant de recettes différentes pour un marché extrêmement diversifié. Sur les différents termes rencontrés, voir aussi L. Moulin, « La bière, une invention médiévale », dans D. Menjot (éd.), Manger et boire au Moyen Âge, Actes du colloque de Nice (15-17 octobre 1982), t. 1 : Aliments et société, Paris, Les Belles Lettres, 1984, p. 13-25.
-
[32]
D’autant que les accises, d’origine communale, n’étaient pas l’unique taxe sur le produit mais étaient exclusivement liées à sa consommation à partir de la fin du xive siècle. D’autres taxes, d’origine seigneuriale, présentes aux débuts de la commune voire bien avant, firent l’objet d’aliénations successives par de riches bourgeois ou par la ville. Sans vraiment disparaître, ces taxes perdaient parfois de leur valeur mais, non inscrites dans les comptabilités urbaines, elles sont désormais difficilement quantifiables ; sans omettre qu’elles persistaient aussi sous la forme de redevances en nature. Citons les droits de péage et de tonlieu du marché sur les céréales, les droits du prévôt, du seigneur de Saint-Albin et du châtelain de Douai sur l’eau, le « grut »/« gruyt » (ou grutum/scrutum), un mélange d’épices nécessaire à la fabrication de la cervoise, droit qu’on retrouve dans de nombreuses contrées dès le xe siècle, si ce n’est plus tôt, et perçu par des seigneurs laïcs ou ecclésiastiques (J. Deckers, « Recherches sur l’histoire des brasseries dans la région mosane au Moyen Âge », Le Moyen Âge : revue d’histoire et de philologie, vol. 76, n° 1, 1970, p. 463-466), les tourailles, les droits de franquet/d’afforage ainsi que les amendes relevant de « l’esgarderie » et du respect de la réglementation échevinale (A. Dujardin, La bière, les brasseurs et la brasserie à Douai au Moyen Âge, mémoire de Master sous la direction de Bertrand Schnerb, Université Lille 3, 2014, p. 71-72). À propos du tonlieu, Georges Espinas a précisé qu’il devenait finalement « une sorte de non-sens, ni nuisible, ni utile à la ville prouvant une opposition complète entre l’économie publique ancienne et l’économie urbaine nouvelle », G. Espinas, Les finances de la commune de Douai des origines au xve siècle, Paris, Éd. Alphonse Picard, 1902, p. 207-217.
-
[33]
AM Douai, CC 232.
-
[34]
AM Douai, CC 233.
-
[35]
Précisément, ces recrues portaient sur 10 203 tonneaux en 1478-1479 et 10 160 tonneaux en 1486-1487 soit une production d’environ 196 tonneaux taxés par semaine. La goudale, c’est-à-dire la « petite bière », la moins chère et la plus consommée parmi toutes les « cervoises et bières » proposées, n’était pas affectée par les recrues.
-
[36]
M. Rouche (dir.), Histoire de Douai, Paris, Éd. Le Téméraire, coll. Terres Septentrionales de France, 1998, p. 92-93.
-
[37]
Au temps de l’affaire de la brasserie du couvent des prêcheurs, du 7 février 1483 au 7 mars 1484, Jehan Chivore, brasseur de cervoise, était le cinquième échevin des douze en fonction. Du 7 mars 1484 au 7 avril 1485, Alexandre Le Libert brasseur et propriétaire de la brasserie de la Rose, échevin de Douai pour sa sixième et dernière fois depuis 1439 prit la place de Chivore. Du 7 juillet 1488 au 7 août 1489, Guerard Senellart, grand brasseur douaisien et propriétaire, entre autres, de la brasserie du Grand Hacquebart, beau-fils d’Alexandre Le Libert, était quatrième échevin. Il a finalement occupé huit fois le siège d’échevin entre 1485 et 1504. C’est compter aussi sans la présence des Le Fèvre qui avaient d’une manière ou d’une autre des liens avec les brasseries de la Massue et des Coquelets. AM Douai, BB 29, Registre de l’échevinage, fol. 53 v°, 54 r. et 56 r. : registre éditée dans J.-C. Lamendin, Les échevins de Douai de 1400 à 1634. Extrait de BB 29 des archives communales de Douai, 2006, p. 20-21. Sur l’échevinage douaisien et l’importance de la place occupée parmi les douze, voir A. Derville, « Les échevins de Douai de 1228 à 1527 », Mémoires de la Société d’agriculture, des sciences et des arts de Douai, 5e série, t. VIII (1980-1982), p. 39-48.
-
[38]
P. Leroy, « Évolution sociale de la rue des Foulons », Mémoires de la Société d’Agriculture de Douai, 5e série, t. 1-4 (1955-1974), p. 31-36.
-
[39]
J. Lepreux, Inventaire analytique des archives communales antérieures à 1790, Série BB (Administration communale), 1876, p. 4-6.
-
[40]
E. Lecuppre-Desjardin, Le Royaume inachevé des ducs de Bourgogne (xive-xve siècles), Belin, 2016, p. 22.
-
[41]
Politiquement bien sûr et économiquement : les quinze années de guerre qui ont suivi la mort de Charles le Téméraire furent un frein à la hausse du niveau de vie global, W. Prevenier et W. Blockmans, Les Pays-Bas bourguignons, Anvers, Fonds Mercator, 1983, p. 195.
-
[42]
AD Nord, B 3449 et B 3450, Comptes de l’Hôtel des ducs et duchesses de Bourgogne.
-
[43]
J.-M. Cauchies, Philippe le Beau…, op. cit., p. 14-15.
-
[44]
En complément, concernant la révolte brugeoise de 1488, R. Wellens, « La révolte brugeoise de 1488 », dans Handelingen van het Genootschap voor Geschiedenis « Société d’émulation » te Brugge, vol. 102, 1965, p. 6-52 ; Id., Les États Généraux des Pays-Bas des origines à la fin du règne de Philippe le Beau (1464-1506), Heule, UGA, 1972, p. 197-213 ; J. Haemers, De strijd om het regentschap over Filips de Schone. Opstand, facties en geweld in Brugge, Gent en Ieper (1482-1488), Gand, 2014.
-
[45]
Et d’extrapoler sur la difficulté pour le prince d’administrer un territoire avec des « outils » toujours plus techniques, requérant toujours plus de professionnels ou de spécialistes, confortant l’idée du « prince spécialiste de tout et par conséquent de rien » et d’un « roi qui règne mais ne gouverne pas », W. Paravicini, « Administrateurs professionnels et princes dilettantes. Remarques sur un problème de sociologie administrative à la fin du Moyen Âge », dans W. Paravicini et K. F. Werner, Histoire comparée de l’administration (ive-xviiie siècles), Munich, Beihefte der Francia : 9, 1980, p. 168-177. D’où la nécessité de déléguer une partie du pouvoir à diverses institutions. Mais cette administration s’avère parfois imparfaite, conséquence peut-être du très puissant système de patronage, A. Derville, « Pots-de-vin, cadeaux, racket, patronage. Essai sur les mécanismes de décision dans l’État bourguignon », Revue du Nord, t. 56, n° 222, 1974, p. 341-364.
-
[46]
B. Schnerb, « Les ducs de Bourgogne de la Maison de Valois et les frères mendiants : une approche documentaire », dans N. Bériou et J. Chiffoleau, Économie et religion…, op. cit., p. 271-317 ; pour témoignage, concernant les relations entre Jean sans Peur et les dominicaines de La Thieuloye-lès-Arras : entre persistance d’un patronage liée à la fondation du couvent au début du xive siècle, dévotion personnelle de Jean sans Peur, influence dominicaine auprès du duc, jeux de pouvoir, offrandes traditionnelles ou aides exceptionnelles, voir B. Schnerb, « Un acte de Jean sans Peur en faveur des dominicaines de La Thieuloye (1414) », Revue du Nord, t. 86, n° 356-357, 2004, p. 729-740.
-
[47]
AM Douai, CC 840, Lettres du 27 mars 1489, ligne 17.
-
[48]
J. Lorgnier, « Manifestations judiciaires d’une “tutelle” : les arrêts et dossiers du Grand Conseil de Malines (1465-1530) concernant les villes de la région Nord-Pas-de-Calais et Picardie », dans S. Dauchy et R. Martinage (dir.), Pouvoirs locaux et tutelle, Actes des journées internationales tenues à Furmes du 28 au 31 mai 1992, Lille, Centre d’Histoire Judiciaire, Collection Verte, 1993, p. 127.
-
[49]
Sur le Grand Conseil des Pays-Bas, R.-H. Bautier et J. Sornay, Les sources de l’histoire économique et sociale, Les États de la maison de Bourgogne, Archives centrales de l’État bourguignon (1384-1500), Archives des principautés territoriales du Sud et du Nord (supplément), Paris, éd. du CNRS, fasc. 1, 2001, p. 16-20 ; E. Aerts, M. Baelde et al., Les institutions du gouvernement central des Pays-Bas Habsbourgeois, traduit du néerlandais par C. De Moreau De Gerbehaye, Bruxelles, Archives Générales du Royaume, t. 1, 1995, p. 448-462 ; A. Wijfels, « Grand Conseil des Pays-Bas à Malines », Les institutions du gouvernement central des Pays-Bas habsbourgeois (1482-1795), Bruxelles, t. 1, 1995, p. 448-462.
-
[50]
G. Espinas, La vie urbaine de Douai…, op. cit., t. 1, p. 859.
-
[51]
À propos de Thomas de La Pappoire : A.J.M. Kerckhoffs De Heij, De Grote Raad en zijn functionarissen 1477-1531, t. 2, Amsterdam, 1980, p. 106-107 ; W. Paravicini, Guy de Brimeu. Der burgundische Staat und seine adlige Führungsschicht unter Karl dem Küchnen, Pariser Historische Studien : 12, 1975, p. 433 ; J. Van Rompaey, De Grote Raad van de hertogen van Bourgondië en het Parlement van Mechelen, Bruxelles, VKAWL, XXXV, 73, 1973, p. 222, 226, 506.
-
[52]
Sa lettre du 24 novembre 1488 est jointe en annexe de l’article.
-
[53]
AGR, CC, n° 21444, fol. 6 : à maître Thomas de La Pappoire, 35 livres 4 sous pour la conduite de quatre enquêtes concernant quatre procès devant le Grand Conseil ; AGR, CC, n° 21445 ne contient aucune mention concernant Thomas de La Pappoire ou Jehan Doublet ; AGR, CC, n° 21446, fol. 8 : à maître Jehan Doublet, conseiller et procureur général du Roi, 27 livres 12 sous pour frais de justice.
-
[54]
Il recevait ainsi des gages de 18 sous pour chacun de ses voyages en compagnie de l’Hôtel ducal à Bruges, L’Ecluse, Zierikzee, Cateau-Cambrésis, Bohain-en-Vermandois, Péronne, Abbeville, Bray-sur-Somme, Thionville, Chambley, Neuf-Brisach. D’après les écrous de l’Hôtel, AD Nord, B 3436, pièces nos 118738, 118790, 118802, 118808, 118811, 118814, 118817, 118819, 118823, 118824, 118825 ; B 3437, pièces nos 118951, 118953, 119034, 119039, 119040, 119041, 119042 ; références obtenues en consultant la base de données « Prosopographia Curiae Burgundicae », en ligne http://www.prosopographia-burgundica.org/. Les gages pour le personnel de l’hôtel étaient avant tout des frais de bouche basés sur une comptabilité simple : chaque bouche d’homme, de femme ou de cheval donnaient lieu à une rétribution de trois sous par jour, les montants définitifs étant donc des multiples de trois selon le personnel ou les bêtes affectés à un officier. Ces montants allaient de 3 à 36 sous pour les chambellans chevaliers bannerets, M. Sommé, « Que représente un gage journalier de trois sous pour l’officier d’un hôtel à la cour de Bourgogne au xve siècle ? », dans J.-P. Sosson, Cl. Thiry, S. Thonon, T. Van Hemelryck (éd.), Les niveaux de vie au Moyen Âge, Actes du colloque international de Spa, 21-25 octobre 1998, Academia-Bruylant, 1999, p. 298.
-
[55]
W. Paravicini, Invitations au mariage : pratique sociale, abus de pouvoir, intérêt de l’Etat à la cour des ducs de Bourgogne : 1399-1489, Stuttgart, J. Thorbecke, Instrumenta : 6, 2001, p. 160.
-
[56]
AM Douai, FF 131.
-
[57]
J. Lepreux, Inventaire analytique…, op. cit., p. 7.
-
[58]
En fin de compte, Thomas était indéniablement proche de Maximilien, en tout cas à son service, et il l’était dans l’esprit de tous : en juin 1491, malgré les accusations de trahison au profit des Français à son encontre, il fut lavé de tout soupçon (S. Blondel, La municipalité…, op. cit., t. 3, p. 482). Mais, conseiller des échevins de Douai, il portait une « double casquette » qui le plaçait véritablement au centre de l’affaire.
-
[59]
Desquelz drois, possessions et saisines et pluiseurs autres pertinens et servans à ceste matière, lesdits exposans et chacun d’eulx ont joy et possesse de tel et si longtemps qu’il n’est mémoire du contraire au moins par temps souffisant et vaillable, extrait AM Douai, CC 840, Lettre du 30 septembre 1488, lignes 15 à 16.
-
[60]
M. Rouche, Histoire de Douai…, op. cit., p. 67.
-
[61]
A. De Meyer, La congrégation de Hollande ou la réforme dominicaine en territoire bourguignon 1465-1515, Liège, 1946, p. 34 et 47.
-
[62]
Ibid., p. 90.
-
[63]
J.-M. Cauchies, Philippe le Beau…, op. cit., p. VII.
-
[64]
Ibid., p. 34-36.
-
[65]
AD Nord, B 2165, Recette générale des Finances, 1er janvier 1499 – 31 décembre 1499, Dons en recompensacions extraordinaires, fol. 201 v°.
-
[66]
Soit une consommation d’environ 43 litres par jour. D’après AM Douai, CC 232 et 233 (comptes de la ville 1478-1479 et 1486-1487) le lot de « boires boullis » était à 2 deniers pour un tonneau à 6 sous 6 deniers soit 39 lots de bière par tonneau. Le lot de bière à Douai étant de deux litres et demi, le tonneau aurait eu une capacité de 97,5 litres à la fin du xve siècle. L’estimation semble convenable étant donné qu’à la même époque le tonneau de bière à Lille avait 98,9 litres de contenance et que le tonneau de cervoise à Douai était de 110 litres vers 1512. D’après « Tableau de comparaison des anciennes mesures en usage dans le département du Nord avec celles du système métrique », Annales de l’Est et du Nord, Paris, Berge-Levrault, 1906, p. 542-554 ; S. Blondel, La municipalité…, op. cit., p. 745 ; D. Clauzel, Finances et politique à Lille pendant la période bourguignonne, Dunkerque, Westhoek-Éditions, 1982, p. 280 ; C. Le Hamon, S’alimenter à Douai de 1598 à 1752, l’exemple des maisons charitables, Annexe, thèse de doctorat d’histoire sous la direction d’Alain Lottin, Université d’Artois, 2008, p. 15-16.
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[67]
On pourra consulter : E. Lecuppre-Desjardin, La ville des cérémonies. Essai sur la communication politique dans les Pays-Bas bourguignons, Brepols, Studies in European Urban History (1100-1800) n° 4, 2004 et sa riche bibliographie aux pages 341 à 368, et B. Schnerb, L’État bourguignon 1363-1477, Paris, Éd. Perrin, coll. Tempus, 2005, p. 328-330. Sur les Habsbourg en particulier : J.-M. Cauchies, « La signification politique des entrées princières dans les Pays-Bas : Maximilien d’Autriche et Philippe le Beau », Publications du Centre européen d’Études bourguignonnes, 34, 1994, p. 19-35 et F. Zanatta, « Pour une relecture du serment public entre le prince et les communautés d’habitants : l’exemple des joyeuses entrées des Archiducs », dans P. Guignet, C. Bruneel, R. Vermeir et J.-M. Duvosquel (dir.), Fidélité politique et rayonnement international des Pays-Bas méridionaux (cira 1600-cira 1630), Revue du Nord, t. 90, n° 377, 2008, p. 729-745.
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[68]
J.-M. Cauchies, Philippe le Beau…, op. cit., p. 40. Quand la Joyeuse Entrée est intégrée dans le cadre général des festivités urbaines visant à renforcer la cohésion sociale, les gens de la cité en même temps que les élites urbaines se les appropriaient pour leurs intérêts personnels, P. Monnet, Villes d’Allemagne au Moyen Âge, Paris, Éd. Picard, 2004, p. 187-199.
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[69]
Des relations entre le souverain et ses sujets dans la genèse d’un État moderne : un point complet, applicable pour Douai et appliqué en partie aux villes des Pays-Bas se retrouve dans W. Blockmans, « Princes conquérants et bourgeois calculateurs : le poids des réseaux urbains dans la formation des états », dans N. Bulst et J.-P. Genet (éd.), La ville, la bourgeoisie et la genèse de l’État moderne (xiie-xviiie siècle), Actes du colloque de Bielefeld (29 novembre-1er décembre 1985), Paris, Éd. du CNRS, 1988, p. 167-181.
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[70]
B. Schnerb, « La piété et les dévotions de Philippe le Bon, duc de Bourgogne (1419-1467) », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 149e année, n° 4, 2005, p. 1319-1344.
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[71]
AD Nord, B 2165, Recette générale des Finances, 1er janvier 1499-31 décembre 1499.
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[72]
B. Schnerb, « Les ducs de Bourgogne de la Maison de Valois… », op. cit., p. 289.
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[73]
Les 21 et 28 janvier 1499, quelques mois avant la Joyeuse Entrée de Philippe le Beau à Douai, à Arras, alors partie intégrante des Pays-Bas Habsbourgeois, une exemption de taxes sur les « boires boullus » fut confirmée en faveur du chapitre d’Arras. Ce privilège, dont les prévost, doien et chappitre de l’église d’Arras ont joy de tout temps et anciennement et par tel et si long temps qu’il n’est mémoire du contraire, était contesté par les fermiers et les échevins de la cité d’Arras. Ce fut néanmoins Louis XII, fraichement arrivé sur le trône, et son conseil royal qui, par l’intermédiaire du prévôt de Beauquesne, confirmèrent l’exemption. AD Pas-de-Calais, 3G 33, dossier n° 28.
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[74]
J. Huizinga, L’automne du Moyen Âge, Petite bibliothèque Payot, 2015, p. 273-275.
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[75]
Concernant le péché de gourmandise, C. Casagrande et S. Vecchio, Histoire des péchés capitaux au Moyen Âge, Paris, Aubier, 2003, p. 193-228. « La poésie et la littérature latine ont transmis à la tradition l’image du moine avide et glouton, de l’abbé “gras et rond”, qui entre dans le cloître “en ruminant dans sa tête et dans sa bouche non pas les psaumes mais les sauces” », ibid., p. 218.
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[76]
Cupidité, gourmandise et luxure ne sont pas inconnues aux hommes de Foi : les exemples de telles accusations, fondées ou non, sont légion. On me permettra « de lever fugacement le voile pudique que la bienséance jetait alors sur les mœurs de l’époque » (W. Prevenier et W. Blockmans) et de citer brièvement trois récits, plutôt humoristiques, extraits des Cent Nouvelles nouvelles qui plaisaient tant à Philippe le Bon dans les années 1460. Ainsi, la quatre-vingt troisième nouvelle présente un Carme du couvent d’Arras qui engloutit tant de mets divers et variés qu’une fois rassasié, il se permit d’ironiser en priant celui qui « repeut cinq mille hommes de cinq pains d’orge et de deux poissons ». La quarantième nouvelle raconte l’histoire d’un dominicain de Lille qui recevait au couvent nombre de citadines, dont une bouchère, avec lesquelles il festoyait, si ce n’est davantage, dans sa chambre autour de « vin, puis des pastez, puis des tartres, et tant de choses que merveille ». Étonnante façon de percevoir la dîme qui fait d’ailleurs écho à la trente-deuxième nouvelle concernant des franciscains de l’Observance d’Hostalrich en Catalogne et de rappeler cette fameuse réplique du seigneur : « Oncques ne me pleurent ces papelars [hypocrites], et si me jugeoit bien le cueur qu’ilz n’estoient pas telz par dedans qu’ilz se monstroient par dehors ». D’après Ms. Hunter 252 (U.4.10), Bibliothèque de l’université de Glasgow édité dans P. Champion, Les Cent Nouvelles nouvelles, Genève, Slatkine Reprints, 1977, p. 103-108 (32e nouvelle), p. 129-131 (40e nouvelle) et p. 225-227 (83e nouvelle). Certaines de ces amusantes scènes, quand bien même elles ne sont qu’illusion et déformation d’une réalité vue « d’en haut » proposant ainsi un monde en « trompe l’œil » (D. Queruel, « Mariage : promotion ou mésalliance ? La vie conjugale dans la littérature narrative des xive et xve siècles », dans J.-P. Sosson, C. Thiry, S. Thonon, T. Van Hemelryck (éd.), Les niveaux de vie au Moyen Âge, 1999, p. 225-247), reposent sur des faits véritables qu’on retrouve dans les documents administratifs et judiciaires de l’époque, W. Prevenier et W. Blockmans, Les Pays-Bas…, op. cit., p. 145-149. Voir aussi P. Champion, Les Cent Nouvelles nouvelles, op. cit., p. LXII-LXV avec de nombreux exemples, extraits de registres et lettres de rémission de l’audience, édités en p. LXVIII à CXV.
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[77]
L’organisation religieuse telle qu’elle existait en cette fin du xve siècle n’offrait pas toujours une image positive. L’irrévérence et le mépris envers le clergé, en particulier l’idéal clérical, étaient bien présents, notamment dans les rangs d’une noblesse chevaleresque bien souvent orgueilleuse. Au contraire du très grand respect qu’inspirait la sainteté du sacerdoce. Les ordres mendiants étaient d’autant plus visés à une époque où leur pauvreté était à relativiser par rapport à d’autres catégories sociales. J. Huizinga, L’automne…, op. cit., p. 231-267 et p. 270-271.
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[78]
G. Espinas, La vie urbaine…, op. cit., t. 1, p. 189-190.
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[79]
Sur l’intérêt du système de l’affermage, consulter : J. Favier, Finances et fiscalité au Bas Moyen Âge, Paris, Éd. SEDES, 1971, p. 212 et 226-238 ; exemple de la famille van den Dale de Courtrai qui possédait une des trois brasseries de la ville et qui apparaît seize fois comme fermier des accises sur la bière entre 1452 et 1480 et quatre fois comme fermier des accises sur le vin. Enrichissement et accords entre fermiers sont le quotidien des heureux bénéficiaires de ces collectes, W. Prevenier et W. Blockmans, Les Pays-Bas…, op. cit., p. 178 ; sur la remise de l’impôt des fermes aux receveurs des accises puis à l’office de la recette, G. Espinas, Les finances…, op. cit., p. 83-84 et 95-105.
-
[80]
J. Chiffoleau, « Conclusion », dans N. Bériou et J. Chiffoleau (dir.), Économie et religion…, op. cit., p. 708.
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[81]
De l’austérité dans la pauvreté, à une monumentalité austère, il n’y a qu’un pas. Les ambitions monumentales, la soif de constructions et d’acquisitions de biens au fil des siècles sont difficilement conciliables avec la pauvreté. Il n’en demeure pas moins que l’architecture, monumentale, tente d’y répondre en restant relativement simple. On pourra consulter : T. Coomans, « L’architecture médiévale des ordres mendiants (Franciscains, Dominicains, Carmes et Augustins) en Belgique et aux Pays-Bas », Revue Belge d’Archéologie et d’histoire de l’art, vol. 70, 2001, p. 3-111 ; H. Martin, Les ordres mendiants en Bretagne (vers 1230-vers 1530) : pauvreté volontaire et prédication à la fin du Moyen Âge, Paris, Librairie Klincksieck, 1975, p. 176-310 : dans le cadre général des difficultés rencontrées par les mendiants pour respecter les exigences de pauvreté y compris concernant l’architecture des couvents ; P. Volti, Les couvents des ordres mendiants et leur environnement à la fin du Moyen Âge. Le Nord de la France et les anciens Pays-Bas méridionaux, Paris, CNRS Éditions, 2003.
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[82]
A. De Meyer, La congrégation de Hollande…, op. cit., p. 110.
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[83]
Et ce malgré les mesures urbaines de lutte contre l’accroissement des biens ecclésiastiques. En mai 1278, un ban échevinal interdisait aux dominicains tout nouvel achat ou échange de propriétés immobilières et leur ordonnait de vendre dans l’année même les immeubles qui leur auraient été donnés sous peine de confiscation. PJ 55 : édition de AM Douai, AA 94, fol. 42 dans G. Espinas, Les finances…, op. cit., p. 448-449. Voir aussi ibid., p. 353-355.
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[84]
P. Bertrand, Commerce avec dame Pauvreté…, op. cit., p. 151.
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[85]
AM Douai, BB 1, fol. 137.
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[86]
AM Douai, BB 12, fol. 173.
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[87]
AM Douai, BB 1, fol. 142 v°.
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[88]
AM Douai, CC 842.
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[89]
Sans toutefois omettre le vin : en 1518, Charles Quint interdit à quiconque d’aller boire ou acheter du vin aux religieux (S. Blondel, La municipalité…, op. cit., t. 4, p. 626). Ainsi, pour le vin comme pour la bière, la ville et le prince agissaient de concert avec les producteurs et artisans laïcs afin de lutter contre la concurrence déloyale des productions religieuses, problématiques lorsque celles-ci empiétaient sur le marché urbain et l’approvisionnement de la population. Le soutien princier aux productions religieuses lorsque celles-ci restaient privées n’impliquait pas nécessairement un soutien total, surtout si les finances urbaines et princières (accises) en étaient trop affectées. Pour l’exemple, on notera les affaires concernant la gestion de la cave aux vins de Saint-Amé du xiiie à la fin du xve siècle : AM Douai, CC 831 à 835, CC 837 et 839 : les importants stocks de vin des chanoines de Saint-Amé étaient francs de tous droits tant qu’ils restaient attachés à l’église. De fait, parce qu’il y a eu abus et revente, les contrôleurs mandatés par l’échevinage étaient particulièrement vigilants et prêts à punir la moindre infraction. Concernant le stockage des tonneaux de vins et de bières en caves, on pourra consulter J.-D. Clabaut, Les caves de Douai : la construction civile au Moyen Âge, Villeneuve-d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2007, p. 124-134.
1Une réflexion sur les liens entre économie et religion est intéressante à plus d’un titre, en particulier lorsque la question se pose à propos des ordres mendiants, et plus spécialement ici des dominicains de Douai à la fin du xve siècle. En effet la première notion venant à l’esprit est l’idéal de pauvreté, régissant originellement la vie des frères, dont le non-respect s’avère âprement critiqué. La recherche de cet idéal devait reléguer au second plan l’intégration à un quelconque circuit économique. L’intérêt est également suscité quand il s’agit de le confronter à la dure réalité de la vie sociale dans le cadre urbain et à la nécessité, pour une communauté religieuse, de subvenir à ses besoins quotidiens. On verra, du reste, dans les pages qui suivent, à travers les sources ici exploitées, que la réflexion dépasse l’espace urbain, qu’il soit géographique, économique ou politique, pour se poursuivre au-delà, vers l’action des instances supérieures à savoir le Grand Conseil siégeant à Malines et le prince, Philippe le Beau, archiduc d’Autriche.
2Ce n’est pas tant l’histoire de l’implantation des ordres mendiants dans les villes qui est au cœur de ce présent article – la bibliographie concernant ce thème est suffisamment abondante et accessible [1] – mais plutôt leur intégration au sein d’une société urbaine, dirigée par une élite échevinale défendant ses intérêts ; cette intégration nécessitait une implication dans un système juridique et économique ayant ses propres dispositions fiscales et administratives, défendu par des métiers visant à monopoliser certaines activités de production. Le but de ce travail est d’apporter une contribution à une historiographie récente centrée sur les liens entre économie et religion, particulièrement chez les ordres mendiants à la fin du Moyen Âge [2]. Pour reprendre les axes de recherche proposés en 2002 par Nicole Bériou [3], seront utilisées ici des sources diverses : archives produites par l’administration communale de Douai [4], actes de procédure et décisions du Grand Conseil siégeant à Malines ou de ses agents d’exécution [5], lettres écrites depuis Lille et destinées aux échevins de Douai [6].
3L’affaire nous amènera, là est son originalité, à aborder une activité économique particulière des frères prêcheurs, à savoir la production de bière. Ainsi, loin des revenus habituels mentionnés dans les comptabilités des couvents (cens, rentes, aumônes, dons, etc. [7]) pour lesquels nous n’avons aucun élément en ce qui concerne Douai [8], la brasserie constitue, pour la communauté, un revenu supplémentaire par la vente ou par l’économie réalisée via une production interne et exemptée d’accises. Malgré l’absence de données chiffrées, l’insistance et la persévérance des frères dans leurs relations avec les autorités urbaines et centrales pour préserver cette activité annexe prouvent indirectement l’intérêt que cette production représentait pour le couvent. À l’inverse, les poursuites judiciaires menées à l’initiative de l’administration échevinale et à l’encontre des dominicains témoignent du manque à gagner pour les finances de la ville et de la concurrence, considérée comme déloyale, faite aux brasseurs douaisiens. Cette concurrence devait être bien réelle : les frères prêcheurs, implantés au cœur du périmètre urbain, ayant une « clientèle » depuis longtemps assurée, pouvaient produire et vendre une bière bon marché – dont le prix n’était pas alourdi par les taxes – tout en échappant aux contrôles des autorités.
4Finalement, comme on le verra, grâce à l’intervention du prince en leur faveur, les frères démontrèrent, en cette occasion comme en d’autres, leurs capacités d’insertion dans le marché et le monde urbain. D’où l’importance de savoir si les frères pouvaient concilier cette production et les revenus qu’elle générait, avec un idéal de pauvreté, remis en cause par une intégration urbaine nécessaire mais contraignante, indissociable des fonctions sociale et religieuse du couvent. Ainsi, cette affaire de la brasserie des frères prêcheurs de Douai à la fin du xve siècle suscite un certain nombre d’interrogations : elle invite d’abord à poser la question de savoir comment un couvent dominicain pouvait s’intégrer à une économie et à une production urbaines sans pour autant compromettre les principes régissant la vie des frères. Ensuite, elle conduit à déterminer quels obstacles et quelles oppositions cette intégration put rencontrer et grâce à quels soutiens elle put réussir.
5Après un résumé chronologique de l’affaire, nous aborderons, dans une première partie, le contexte général et « l’économie brassicole » douaisienne de la fin du Moyen Âge. Une deuxième partie présentera les différents acteurs de notre affaire. La troisième partie sera l’occasion d’apprécier l’intervention finale du prince en faveur des religieux. En conclusion, on s’interrogera sur la relation délicate qu’entretenaient les frères mendiants avec l’idéal de pauvreté.
Les étapes de l’affaire
6Les frères prêcheurs de Douai avaient prévu, dès 1484 au moins, l’agrandissement de leur couvent et la construction d’une brasserie. La demande en avait préalablement été faite à l’archiduc Maximilien Ier avant d’être transmise par ce dernier à la halle échevinale de Douai pour avis consultatif. Le 28 février 1484, les échevins la rejetaient catégoriquement [9]. Trois mois et demi plus tard, une nouvelle lettre du souverain arriva indiquant que, malgré les réticences du conseil échevinal, le prince autorisait les dominicains à acquérir la Maison des tondeurs de grans forches et une parcelle de terrains communaux pour y construire un puits. Néanmoins, l’échevinage maintenait l’interdiction de construire une brasserie [10].
7Le 28 juillet 1488, les dominicains adressèrent en leur nom propre une nouvelle requête aux échevins. Celle-ci fut refusée [11]. Conséquence ou cause de cet épisode, lors du conseil échevinal du 9 septembre 1488, il fut constaté que, durant l’été, les religieux avaient indûment construit une brasserie au sein de leur domaine pour y produire clandestinement deux brassins de bière [12]. Puisque le droit d’accises n’avait pas été perçu par l’administration urbaine, la faute s’avérait suffisamment grave pour alerter les institutions centrales et justifier la présence de quatre officiers de la gouvernance lors du conseil échevinal.
8La réponse ne tarda point. Le 30 septembre 1488, à la demande des échevins et des fermiers des maltôtes et accises des « brais » (grains préparés et utilisés pour la bière) et « boires boulis » (boissons fermentées), une mission fut confiée au premier huissier et sergent d’armes du Grand Conseil de Malines [13]. Du fait que les dominicains continuaient de produire, boire et distribuer de la bière, l’officier avait pour ordre de les convoquer afin qu’ils démolissent la brasserie et qu’ils payent une amende de 300 livres augmentée de 60 sous parisis pour chaque nouveau brassin. Deux semaines plus tard, le 6 octobre 1488 au matin, Hercule de Hauteville, sergent à cheval et maître de la gouvernance de Lille à Douai, accompagné de Jehan Henbault, dit Hotelut, sergent à masse de Douai, se rendit au couvent des frères prêcheurs [14]. À deux heures de l’après-midi, furent présents, devant le portail du couvent, d’un côté, les échevins, le procureur de Douai et Quentin Salenghe (fermier des accises), de l’autre côté, le prieur accompagné de nombreux frères dominicains, les maçons Firmin et Andrieu Lelaine, et le cuvelier Andrieu de la Deule qui avaient contribué à la construction de la brasserie. À la lecture des lettres par les officiers du prince, les religieux refusèrent de coopérer et d’ouvrir les portes du couvent. Malgré l’insistance du sergent, l’opposition des religieux ne faiblit pas. Hercule demanda l’aide des badauds en leur commandant d’amener deux ou trois échelles afin de franchir le mur du couvent et d’accéder ainsi au jardin – partie profane de l’établissement religieux. C’était compter sans la résistance des prêcheurs qui repoussèrent les échelles et firent sonner les cloches asfin de esmouvoir le peuple. Devant tant de rébellion et de désobéissance, et afin d’apaiser la situation, les officiers décidèrent d’en rester là. Le 10 octobre 1488, le Grand Conseil prenait acte de l’échec de la mission et du tort causé à la ville [15].
9Le 23 octobre 1488, François de Wattrelos et Jehan Lefranc, huissiers d’armes du roi des Romains, accompagnés par Jacquemart Le Micquiel, sergent à masse de Douai, se rendirent à leur tour au couvent [16]. Une fois sur place, ils constatèrent que la porte était close, le prieur et les prêcheurs se tenant par les mains pour leur faire barrage. Il était nécessaire, en conséquence, d’avoir recours à la force : les huissiers d’armes ordonnèrent aux ouvriers Andrieu de la Deule, Firmin et Andrieu Lelaine, et à une foule d’autres hommes les accompagnant (charpentiers, maçons, officiers de la ville, etc.) de percer un passage à travers l’enclos du couvent. Équipés de picqz, hauweaux et aultres habillements, ils finirent par percer un mur de pierre pour passer par le jardin. L’ouverture ainsi réalisée, respectant par la même occasion et les religieux et le Saint Sacrement que ceux-ci brandissaient devant la grande porte, ils avancèrent en direction de la brasserie. Les religieux accoururent et se rassemblèrent derechef devant la porte du bâtiment, brandissant toujours le Corpus Christi face à la foule. Les officiers et leurs hommes décidèrent de contourner l’obstacle en perçant le mur de la brasserie. Une fois à l’intérieur, après avoir séparé les frères les uns des autres, les ouvriers affirmèrent que les chaudières et cuves de brasserie se trouvaient sous une table que les religieux avaient recouverte de reliquaires. La table ôtée, l’étonnement fit place à la suspicion puisque seul le fourneau était encore présent tandis que le matériel avait été enlevé. Le fourneau fut démoli et les hommes emportèrent comme preuve une petite pièce de drap. Le lendemain, ordre fut donné aux religieux de stopper tout brassage et obligation leur fut faite de comparaitre devant le Grand Conseil au début du mois de janvier 1489.
10Les 22 et 24 novembre 1488, Thomas de La Pappoire écrivait deux lettres depuis Lille à destination des échevins de Douai [17]. Dans ses lettres, où il rendait compte d’affaires en cours, il informait de son entretien avec le prieur des dominicains. Il conseillait aussi les échevins quant au déroulement de la procédure judiciaire. Le procès des prêcheurs devant le Grand Conseil se déroula à Malines les 13 janvier [18], 27 février [19] et 27 mars 1489 [20]. Le procureur maître Pierre Duhem défendait les échevins et fermiers des accises de Douai, tandis que son confrère Jehan Joly représentait les dominicains. Par la voix du chancelier Jean Carondelet, seigneur de Champvans, il fut décidé de placer le matériel de brasserie sous séquestre et hors du couvent [21].
11Le 30 juin 1489, une heure après dîner, Laurent du Chastel, sergent du roi et Etienne de Somain, bailli de Lille, Douai et Orchies, se rendirent au couvent, accompagnés par Michel Caulier et Jacotin l’Apostole dit Bouteille, sergents à masse de Douai [22]. Ayant interdiction religieuse d’entrer, ils donnèrent lecture de la décision du Conseil en pleine rue, devant la grande porte, en la présence du sous-prieur Jehan Finet, du procureur Jacques Le Bertoul et d’un certain nombre de frères. Les officiers exigèrent la remise du matériel de brasserie. Néanmoins, un nouvel événement vint compromettre cette restitution puisque les dominicains affirmèrent à leur samblant avoir vendu le matériel depuis Noël 1488. Les officiers se contentèrent de cette réponse.
12Le 24 octobre 1489, lors du conseil échevinal, fut examinée la remontrance du prieur du couvent des frères prêcheurs de Lille venu proposer une solution intermédiaire afin de prévenir d’user de le brasserie des dominicains douaisiens [23]. L’idée était de les autoriser à brasser leur consommation personnelle (exemptée de taxes) chez les religieux de l’abbaye de Sin située à Douai ou dans une autre brasserie de la ville. Finalement, il ne leur fut accordé qu’une exemption partielle. Le 6 juin 1491, malgré la requête du gouverneur de Lille en faveur des frères prêcheurs, le conseil échevinal refusa de leur accorder le droit de brasser et que il y sera résisté par tous moyens possibles [24]. Sept ans après le début de l’affaire, on constate donc un retour à la situation de 1484. Mais huit ans plus tard, la situation allait être favorable aux religieux.
13Le 23 juin 1499, après la Joyeuse Entrée de Philippe le Beau à Douai, et à sa demande, il fut finalement accordé aux prêcheurs de construire une brasserie en leur pourpris [25]. Les frères s’engagèrent à ne pas brasser plus de 160 tonneaux de bière par an, avec exemption du droit d’accise et de maltôte. Cette exemption, autorisée par le prince, semble exclusive au couvent. Précisons aussi qu’elle n’était accordée qu’aux dominicains réformés. Les religieux prêtèrent serment de ne pas abuser de l’octroi qui leur était fait ni de distribuer de la bière dans la ville, si ce n’est en petite quantité et pour subvenir à gens oppressez de malladie [26]. Chaque année, à la Toussaint, les religieux – et leurs successeurs – étaient tenus de renouveler le serment devant deux échevins.
Une industrie brassicole en plein essor [27] dans un contexte général tumultueux
14La période dans laquelle s’inscrit l’affaire est troublée. Sur le terrain de la grande politique, les relations entre le royaume de France et les Pays-Bas bourguignons étaient tumultueuses depuis la mort du duc Charles le Téméraire le 5 janvier 1477 devant Nancy et le mariage de sa fille Marie de Bourgogne, avec l’archiduc Maximilien le 19 août suivant. De ce mariage naquit Philippe le Beau, à Bruges, le 22 juin 1478, qui apparaissait comme l’héritier légitime des possessions bourguignonnes. Après la mort de la duchesse Marie, le 27 mars 1482, Maximilien assura la régence des Pays-Bas jusqu’à la majorité de son fils [28]. Pour préserver ce qui pouvait l’être, il fut contraint d’affronter la puissance française.
15De ce contexte politique tendu avec la France, les relations commerciales ne pouvaient que pâtir. Ainsi en alla-t-il, par exemple, du commerce du vin [29]. Denis Clauzel a montré comment, à Lille, les revenus des accises du vin avaient diminué et étaient devenus inférieurs aux revenus des accises de la bière : ce phénomène, traduit graphiquement par des courbes « en ciseau », a lieu dans la dernière décennie du xve siècle [30]. Semblable situation se retrouvait à Douai dès la fin des années 1470. À partir de ce moment, les accises sur la bière (accises sur les « brais », c’est-à-dire les céréales destinées à la production de bière, cumulées aux accises sur les « boires boullis », à savoir les différentes sortes de bières et de cervoises [31]) représentaient certaines années la moitié du revenu total des accises de la ville, le vin et les blés se partageant l’autre moitié. Précisons qu’un quart du montant total des accises était destiné aux finances du prince. Le revenu était loin d’être négligeable [32] puisqu’il s’agissait de 6 625 livres provenant des accises des bières pour des recettes totales urbaines s’élevant à 15 302 livres (43,3 %) pour le compte du 1er novembre 1478 au 31 octobre 1479 [33] ; ou de 6 480 livres sur un total de 13 082 livres de recettes (49,5 %) pour le compte du 1er novembre 1486 au 31 octobre 1487 [34]. Ces deux années étaient néanmoins particulières puisque les accises des bières y furent augmentées d’une recrue « exceptionnelle » de 2 deniers par lot soit 6 sous 6 deniers au tonneau, représentant environ 3 000 livres supplémentaires [35].
16Mais les faits sont là : après la mort de Charles le Téméraire, les Français menèrent quelques escarmouches aux alentours de Douai et tentèrent de s’en emparer en 1479. Leur échec cuisant fit naître un sentiment anti-français qui persista pendant des siècles : dès 1481, les autorités douaisiennes organisaient une procession solennelle pour commémorer l’événement [36]. Il n’en demeure pas moins que dans ces conditions, mais pas uniquement, la sécurité d’une production brassicole située intra-muros combinée à l’existence de stocks importants de céréales restait un atout essentiel pour assurer l’approvisionnement de la population. Qui plus est, une vingtaine de brasseries existaient à Douai au cours du xve siècle : l’activité était donc loin d’être négligeable. Par ailleurs, gardons à l’esprit qu’il existait des brasseurs influents au sein du conseil échevinal [37], que les revenus d’une telle activité étaient confortables pour la ville et que l’échevinage portait une attention particulière à la réglementation du métier. Au cours du xvie siècle, une dizaine de nouvelles brasseries sortaient de terre, dont cinq lors de la réaffectation de la rue des Foulons [38] à proximité, du reste, du couvent des dominicains.
17Après l’échec des Français aux portes de la ville, les relations avec le pouvoir princier restaient fluctuantes [39]. Le 14 mai 1483, la ville avait prêté serment au jeune Philippe le Beau, reconnu comme seul prince légitime. Après avoir envoyé des députés à Gand le 21 juillet 1483 pour traiter « des affaires de Flandre » et du serment des États à Philippe, la ville, favorable, réserva toutefois le droit de bail ou de tutelle à Maximilien, droit qui semble d’ailleurs contesté par la suite. Cependant, le 27 janvier 1484, Maximilien entrait à Douai pour recevoir le serment des échevins. Le 12 février, des lettres de reproches et de menaces de l’Assemblée de Gand furent envoyées à la ville au sujet de cette réception. D’autres événements politiques du même genre se déroulèrent jusqu’en 1488, année charnière pour Maximilien et notre affaire de brasserie dominicaine. Il est convenu que la situation aux Pays-Bas était particulièrement délicate pour le roi des Romains qui rencontrait les plus grandes difficultés pour faire accepter son autorité [40] : il devait, en effet, faire face à un pouvoir local fort (oligarchie urbaine et aristocratie foncière) qui d’une part, le considérait comme illégitime, et d’autre part, attendait la majorité du « seigneur naturel » Philippe. Certes, en cette période troublée [41], les actes princiers portaient les mentions simultanées de Maximilien et de Philippe : le cas se présente pour toutes les archives émanant ou à destination du Grand Conseil ; il est difficile, toutefois, de croire que Philippe le Beau, en sécurité au palais de Marguerite d’York à Malines [42] mais encore bien jeune, pût passer pour partie prenante des choix politiques de la fin des années 1480 [43]. Les grandes villes flamandes, remettaient en question les exigences du roi des Romains, d’autant qu’il était souvent absent des terres septentrionales – même s’il n’y avait pas unanimité comme le montre l’exemple de Douai. La crise connut son point culminant avec sa séquestration à Bruges du 5 février au 16 mai 1488 [44].
Une situation favorable au pouvoir urbain et à la juridiction laïque aux dépens de l’influence dominicaine
18L’hypothèse envisagée est celle d’une situation pendant laquelle Maximilien, contesté politiquement et occupé militairement, ne pouvait s’imposer davantage dans les affaires locales, encore moins quand il bénéficiait du soutien, fragile, d’une bonne ville [45]. L’influence du souverain se retrouvait considérablement affaiblie, tandis que l’autorité urbaine et l’influence de ses réseaux se fortifiaient. Le constat se fait dès 1484 quand, malgré la requête du prince, le conseil échevinal refusa catégoriquement la construction d’une brasserie par les prêcheurs. Ces derniers, habitués aux faveurs des souverains bourguignons [46], furent condamnés par la juridiction du Grand Conseil de Malines, à l’instance des autorités douaisiennes, parce qu’ils avaient brassé clandestinement. Il y avait litispendance [47] du fait d’un litige entre juridiction échevinale et juridiction ecclésiastique nécessitant le recours à la cour supérieure de justice des Pays-Bas, qui, lorsque les conflits de juridiction dépassaient la compétence et le ressort des conseils provinciaux, était habilitée à départager les parties [48]. Cette affaire ayant démarré en 1488, il est possible d’émettre l’hypothèse que, à supposer que la production de bière dominicaine ait été antérieure à l’été 1488, les échevins de Douai, eu égard au contexte politique, aient voulu profiter d’une conjoncture favorable à une confrontation avec les religieux en raison de l’affaiblissement momentané du pouvoir princier. Toutefois, rien ne permet de l’affirmer. L’hypothèse en reste une. En tout cas, l’affaire échappa à la juridiction urbaine à partir du 9 septembre 1488 quand quatre officiers de la gouvernance vinrent constater le non-paiement des accises par les dominicains et la construction illégale de leur brasserie. À la fin du mois, le Grand Conseil décidait d’envoyer un agent sur place.
19Depuis l’abolition de l’ordonnance de Thionville en 1477, le Grand Conseil [49], né à l’origine au sein de la curia ducis, était redevenu une institution judiciaire itinérante. Néanmoins, le conseil siégeait le plus souvent à Malines où a été produite une partie des actes concernant notre affaire. Dans celle-ci, il était compétent rationae personnae à l’égard des institutions et sous la « sauvegarde » du souverain, en cela il s’exprimait au nom de ce dernier, bien qu’il disposât d’un appareil administratif indépendant : présidence, conseillers, maîtres des requêtes, greffiers, procureurs, avocats et huissiers qui assistaient aux séances et exécutaient les mandements et sentences. Hommes d’armes et d’actions s’il en est, les agents d’exécution devaient lire les jugements et transmettre les résultats aux autorités. Hercule de Hauteville était sergent à cheval, François de Wattrelos et Jehan Lefranc huissiers d’armes, Laurent Du Chastel sergent du roi, Etienne de Somain bailli de Lille, Douai et Orchies. Ils étaient assistés sur place par des sergents à masse de la ville, habituellement aux ordres du bailli [50], et selon les circonstances, par une foule d’autres intervenants. Force est de constater leur organisation méthodique, leur détermination, leurs réactions mesurées face aux circonstances et le respect formel des lieux, des temps (deux heures après le dîner) et des objets sacrés. Hercule de Hauteville préféra rebrousser chemin devant la première opposition, surprenante, des religieux. Son « exploit » ne fut pas accompli et on imagine qu’il ne toucha pas ses indemnités judiciaires. François de Wattrelos et Jehan Lefranc, avertis à l’avance du caractère contestataire des dominicains, menèrent leur mission jusqu’au bout, soutenus par nombre d’hommes, tout en respectant et le Saint Sacrement et les espaces sacrés du couvent. Laurent Du Chastel et Etienne de Somain ont cru sur paroles les affirmations des frères prêcheurs et terminèrent leur mission sans emporter le matériel de brasserie, vendu auparavant. Entre ces deux dates, au début de l’année 1489, l’affaire était venue devant le Conseil de Malines. Le 27 mars 1489, le chancelier, Jean Carondelet, seigneur de Champvans, décidait de poursuivre la confiscation des biens liés à la brasserie.
20Entre les évènements à Douai même et le procès proprement dit devant le Grand Conseil, le rôle en apparence isolé de Thomas de La Pappoire [51] est intriguant à plus d’un titre : à Lille en novembre 1488 pendant que la situation dans les campagnes semblait conflictuelle [52], il recevait personnellement le prieur des dominicains et écrivait à deux reprises aux échevins de Douai au sujet de la brasserie des prêcheurs. Il les conseillait notamment sur la procédure judiciaire en cours et à suivre. Douaisien d’origine, après avoir été avocat, conseiller et substitut du procureur général, il devint, en 1473, procureur général au Grand Conseil (y défendant donc les intérêts du prince), et conserva cette fonction probablement jusqu’en 1486. Il fut remplacé à cette charge par maître Jehan Doublet à partir de 1488 [53]. Entre le 20 juillet 1472 et le 31 décembre 1473, portant le titre de maître, il accompagna l’hôtel de Charles le Téméraire dans ses déplacements [54]. En février 1476, « à l’occasion du mariage de la nièce du procureur général (à savoir Thomas de La Pappoire) », la ville de Bruges offrit vingt florins (quatre livres) et la ville de Gand trois livres de gros [55]. En 1488, il endossait le rôle de député aux États Généraux des villes de Lille, Douai, Orchies. Il fut conseiller et maître des requêtes au sein du Grand Conseil en 1492, suspecté de trahison la même année [56] mais finalement acquitté, député en Angleterre par l’archiduc en 1498 [57], et, ironie de l’histoire, enterré au couvent des dominicains de Douai le 11 mai 1511. De fait, son rôle n’était pas si isolé qu’il n’y paraît : il semble, par sa fonction – mais il n’est mentionné dans aucune pièce du procès – en tout cas par sa personne maintenir un lien entre les autorités douaisiennes, le Grand Conseil et le « bloc dominicain » [58].
21Aucune exagération pour ce dernier terme puisque ce « bloc » prenait forme en une chaîne humaine, les frères se tenant par les mains et faisant face aux bras armés des représentants de la loi. Les religieux se rebellaient, alertaient le public des agissements répressifs de l’autorité laïque, jouaient sur leurs témoignages : quand bien même ils auraient bénéficié d’un privilège de brasser depuis longtemps admis, les preuves n’étaient plus archivées [59]. La « révolte religieuse » était plutôt farouche et utilisait tous les moyens pour protéger les biens du couvent : portes fermées, chaîne humaine, cloches qui sonnaient, ostension du Saint Sacrement et reliques posées sur le fourneau. Les frères, d’ordinaire paisibles, se heurtaient ici à la dure réalité d’une justice soucieuse de mener à bien sa mission et lui opposaient une forme de résistance non-violente, mais non pas passive. Si les dominicains s’étaient installés à Douai au cours du xiiie siècle [60], le couvent s’était bien embelli depuis cette date et avait connu quelques heures de gloire. En 1464, il fut réformé et rejoignit la jeune congrégation de Hollande avec l’aide de son nouveau prieur, André Boucher [61]. L’adoption de l’Observance fut un élément essentiel en 1499 pour l’autorisation de brasser la bière. Évidemment, dans cette affaire, les dominicains étaient loin d’être isolés : Nicolas Gonor, prieur du couvent réformé de Valenciennes et maître en théologie [62] était présent le 24 octobre 1488 accompagné des clercs séculiers de Saint-Amé (paroisse originelle de Douai) ; le prieur des frères prêcheurs de Lille permit d’obtenir, le 24 octobre 1489, un compromis, appuyé par les religieux de l’abbaye de Sin. Néanmoins, la situation s’était de nouveau figée le 6 juin 1491 : la fin de l’exemption partielle fut subitement prononcée par le conseil échevinal et dura huit ans.
« Qui vouldra » : le jour où le prince voulut
22Si Philippe le Beau a longtemps fait figure « d’oublié de l’Histoire » [63], mort jeune, en pleine ascension politique, victime de la notoriété de ses parents et plus encore de celle de son fils aîné, il ne passa certainement pas inaperçu aux yeux des dominicains de Douai.
23En 1494 Philippe atteignit l’âge de la majorité ; l’année marquait les débuts effectifs du jeune prince, que tous reconnaissaient comme légitime, dans le jeu politique. Peu de temps après, il commençait ses nombreuses visites dans les villes de Flandre et de Hollande. Il prêta serment à Douai le 23 juin 1499 avec entrée solennelle la veille au soir et spectacle d’usage [64]. Dans sa grande bonté – sinon par largesse chevaleresque –, il distribua six livres de grace especial à dix compagnons à cheval de Douai qui l’escortaient jusqu’aux portes de la ville asfin de savoir sil y avoit aucuns gens d’armes par les champs avant de rejoindre Arras [65]. Décidément d’humeur généreuse – sinon pour satisfaire les demandes de ses sujets –, il accorda aux dominicains réformés de Douai, et à eux seuls, le droit de brasser 160 tonneaux [66] de bière par an. L’importance de la cérémonie d’entrée dans l’affirmation des pouvoirs du souverain est bien connue [67] et, comme tout événement de ce genre, la tournée inaugurale de Philippe le Beau fournissait « l’occasion d’attester les bonnes relations, d’éclairer certains choix politiques, d’orchestrer une propagande » [68]. Évidemment, à travers cette affaire, on devine les jeux de pouvoirs et d’influence entre autorité princière, juridiction centrale, autorités échevinale et religieuse. Les dominicains nous semblent persécutés, soumis à l’acharnement de l’échevinage et des agents du Grand Conseil ; cependant, en rappelant leur forte influence au sein même de la ville, n’était-ce pas aussi l’occasion pour le pouvoir urbain de saper leur assise ? L’intervention de Philippe le Beau venait finalement redistribuer les cartes et contourner les prétentions de l’oligarchie douaisienne [69]. Le souverain décidait de prouver aux dominicains un soutien qu’il n’avait pu concrétiser auparavant.
24Il ne manquerait pas d’intérêt d’intégrer cette intervention princière aux réflexions portant sur la piété et les dévotions de Philippe le Beau, héritier, en ce domaine, des traditions des ducs de Bourgogne. Ne faut-il pas penser que ces interventions n’étaient pas uniquement politiques mais qu’elles furent aussi le fruit d’une décision personnelle et dévotionnelle ? Si Bertrand Schnerb a contribué à l’étude de la question pour Philippe le Bon [70], et d’une manière plus générale pour les relations entre les ducs de Bourgogne et les frères mendiants, la continuité avec les Habsbourg s’avère tout aussi intéressante. En tout cas, la lecture des comptes de la recette générale des finances des « pays de par-deçà » pour 1499 [71], montre que les dons aux religieux étaient nombreux et variés. Qui plus est, Philippe le Beau, dans l’affaire des frères prêcheurs de Douai, imitait bel et bien la politique de ses ancêtres bourguignons : en août 1467, Charles le Téméraire autorisait les sœurs de l’ordre de Notre-Dame du Mont-des-Carmes à s’installer aux abords de Namur, les faisant bénéficier d’une exemption fiscale sur les droits d’assis des buvrages qu’elles et les serviteurs de leur couvent despenseront en icellui couvent et par ainsi, touteffois, qu’elles n’en vendent ne distribuent en gros ne a detail ne permettront fraude en aucune manière. De la même manière, Philippe le Hardi octroyait en 1397 une exemption d’accises sur le vin aux frères mineurs de Lille et aux dominicaines de la Neuve-Abbiette [72]. Que de telles exemptions sur les boissons alcoolisées aient été un privilège longtemps accordé aux religieux ou aux nobles, c’est un fait. Qu’elles soient contestées au sein des villes par les fermiers des accises et indirectement par l’échevinage, en voici un autre. Qu’elles aient servi le souverain pour sa politique visà-vis des villes et assurer ainsi son autorité [73], voire qu’elles soient l’expression d’une dévotion sincère, c’est envisageable. Il nous est évidemment impossible d’aller plus loin dans la compréhension des motivations inter et intrapersonnelles d’une élite nobiliaire qui tenait alors les rênes du pouvoir. D’autant plus dans une société médiévale où deux conceptions de vie tentaient de s’équilibrer. Dans une tension permanente, l’homme du xve siècle se devait de jongler entre « une dévotion austère » et un « faste bizarre » [74]. Autrement dit, un besoin d’allier la piété et l’esprit mondain pour éviter que le « monde pécheur » ne prenne le dessus sur le « royaume de Dieu ».
25Les dominicains de Douai avaient-ils besoin d’une brasserie ? Il semble difficile d’aller à l’encontre du « oui » au regard des quinze années de persévérance, si ce n’est plus, qu’il leur a fallu pour atteindre leur but.
26Qu’on leur prête une vie de gloutonnerie [75], thème souvent abordé par leurs détracteurs [76], serait excessif au vu des éléments en notre possession. Les raisons d’un tel besoin paraissent plus sérieuses et pragmatiques, on s’en doute. Ce droit de brasser de la bière, privilège acquis antérieurement mais pour lequel les dominicains n’avaient plus aucune preuve, est avant tout un moyen de réaliser des économies dans un contexte où le vin se raréfiait et où le marché de la bière prenait de l’importance ; c’était aussi un moyen de venir en aide aux nécessiteux ou de recevoir des invités pour les abreuver d’une boisson préparée au couvent ; c’était, enfin, un moyen de réaliser probablement quelques ventes clandestines et permettre ainsi quelques rentrées d’argent. La mendicité, longtemps critiquée quand elle était pratiquée par une élite religieuse [77], n’était évidemment pas le seul moyen pour les dominicains de subvenir à leurs besoins : l’intégration à l’économie urbaine supposait d’autres types de revenus. Du reste, le problème principal survint quand les religieux agirent de leur propre chef, s’opposèrent aux décisions échevinales et aux représentants du Grand Conseil, évitant de payer les taxes en se réclamant d’un statut privilégié antérieur. Comme le souligne Georges Espinas l’exercice du pouvoir urbain était purement laïc : la ville protégeait les religieux sans faire de zèle, leur permettant d’exercer leur mission spirituelle [78]. Au-delà, le risque pour les dominicains s’avérait d’être confrontés aux règles de l’économie urbaine – ici au marché de la bière – en y étant inégalement intégrés. En face, les producteurs locaux redoutaient une concurrence déloyale. Si l’on ajoute l’influence de certains grands brasseurs au sein de l’échevinage, à plus forte raison lorsqu’ils occupaient les postes de collecteurs – fermiers des accises – et qu’ils engageaient une partie de leurs revenus dans la perception de ces taxes [79], on peut facilement deviner les frictions sous-jacentes à notre affaire. Le recours au Grand Conseil – la procédure semble justifiée – ne pouvait qu’engendrer le succès de la plainte des autorités douaisiennes. C’était compter sans la position délicate et controversée de Maximilien ou le rôle et l’influence d’un Thomas de la Pappoire, conseiller des échevins de Douai et ancien membre du Grand Conseil.
27« Il semble en effet parfois beaucoup plus facile de rester simplement pauvres que de devenir modérément riches, ou au moins de s’installer dans une sécurité relative » [80] : la pugnacité des frères prêcheurs, eux-mêmes protégés par un mur de pierre et par une lourde porte, suffisait parfois à faire du couvent un lieu isolé et sûr [81], cependant que la frontière entre « vie pauvre » et « vie riche » paraissait plus illusoire. Que les dominicains de Douai se soient remis sans cesse en question ou qu’ils aient été obnubilés par ce choix primordial, nous ne pouvons en être certains. Dans le cas présent, réformés depuis une quarantaine d’années, ils se devaient d’être rigoureux quant à leur idéal de pauvreté : une vie commune totale, rien de personnel, pas de pécule, pas de dépôts, le prieur devant fournir à tous le nécessaire mais pas le superflu [82]. Cela n’empêchait pas l’acquisition de nouveaux biens [83], la lutte pour la survie, le partage et l’intégration dans la ville. Finalement, troublante est la combinaison, nécessaire pour les mendiants, du respect d’une règle originelle et d’une législation canonique qui les soumettaient à la pauvreté par le refus de toute propriété individuelle et collective, d’une réalité qui les obligeait à prendre des décisions plus pragmatiques afin d’assurer la survie de la communauté et d’une rencontre avec le « droit des choses », le « droit réel », « enferré voire enterré dans les contingences juridiques et économiques locales, enfoncé dans la terre, au-delà de toute distinction laïque-ecclésiastique » [84].
28Troublantes mais non moins surprenantes à nos yeux sont les conséquences de cette affaire : le 11 août 1512 [85], les échevins décidaient de poursuivre les franciscains de Douai du fait d’avoir érigé une brasserie meismes que desia ilz ont assiz leur caudière, bien qu’une offre de 200 tonneaux de cervoise exemptés d’accises leur ait été proposée, ce qui est plus que la portée du boire qu’ilz dispenssent. Les commissaires de la Chambre des comptes en furent avertis. Finalement, le 27 septembre 1512 [86], il leur était permis de brasser par eux-mêmes 200 tonneaux exemptés d’accises à la suite de l’intervention de Marguerite d’Autriche, sœur de Philippe le Beau ; le 10 octobre 1517 [87], ils reçurent l’autorisation de moudre leurs grains de brasserie au moulin « au brai » de Douai sans y payer les taxes.
29Ainsi, la brasserie des dominicains a su profiter aux franciscains, dont la brasserie a d’ailleurs elle-même profité aux chanoines de Saint-Amé, lorsque ces derniers, après l’avoir visitée vers la fin de l’année 1512 [88] pour sur icelle prendre son patron, décidèrent de plus facilement procéder à l’édisfication de la brasserie desdits de Saint-Amé. Le réseau religieux de production de bières poursuivait son extension [89].
Pièce justificative n° 1
301488, 24 octobre - Douai.
31Rapport fait par François de Wattrelos et Jean Le Franc, huissiers d’armes, concernant leur intervention visant à détruire la brasserie du couvent dominicain de Douai.
32A. Original sur parchemin (larg. 510 mm x haut. 378 mm). Deux sceaux en cire rouge aux noms et armoiries de Jehan Lefrancq (diam. 32 et 29 mm). AM Douai, CC 840.
33A noz très grandz, honnourez et doubtez seigneurs nos seigneurs du grant conseil du Roy des Romains nostre seigneur et de nostre très redoubté seigneur et prince monseigneur l’archiduc Phelippe d’Austrice, son filz, ducz de Bourgoingne, contes de Flandres, estans lez eulx, Franchois de Watrelers et Jehan Le Francq, huissiers d’armes du roy et de nostredit très redoubté seigneurs, submis et appareilliés a tous vous comandemens et plaisirs. Noz très grands, honnourez et doubtez seigneurs, plaise vous savoir que par vertu des lettres patentes du Roy des Romains et de nostredit très redoubté seigneur contenans anticipacion d’appel et furnissement de complainte sur nouvellité obtenues a nous presentées et requises estre entérinées de la partie de honnourables et saiges messeigneurs les eschevins de la ville de Douay, du procureur general de ladite ville et des fermiers des maltotes et assis des brais et boires boullis aians cours en icelle ville au marge desquelles ceste notre rellacion est atachié soubz le seau de moy, Jehan le Francq et le saing manuel de moy, Franchois de Watrelers. Et pour icelles enteriner a le requeste desdis impetrans le XXIIIe jour du moix d’octobre l’an mil CCCC quatre vingtz et huit, nous transportasmes en ladite ville de Douay après assistence par nous requise et acordee par le justice dudit lieu, present et avecq nous Jacquemart Le Micquiel, sergent a mache de ladite ville ; auquel lieu après que il nous fut apparu de aultres lettres patentes contenant fourme de complainte sur nouvellité obtenues par lesdits impetrans de nosdis seigneurs en dacte du penultiesme jour de septembre darrain passé a l’encontre des religieulx, prieur et couvent des freres prescheurs en icelle ville, au-devant et au plus près de la grant porte dudit couvent a intencion de y entrer et faire le restablissement réel en furnissant le contenu esdites premières lettres de complainte ainsi que le Roy et nostre très redoubté seigneur le veullent et mandent par icelles lettres. Laquelle porte et entree nous trouvasmes close et serree et au devant dicelle le prieur et pluiseurs desdis religieulx tenans l’un l’autre par les mains ausquelz nous feismes ostencion et lecture desdites secondes lettres en faisant laquelle lecture et en nous baillant empeschement dirent que ilz appelloient de nous et de nostredit exploit, desquelles lesdits impetrans nous requirent l’interinement en tant qu’il touchoit ledit furnissement de complainte par ce que quant à l’anticipacion n’estoit besoing faire exploit attendu que lesdis religieulx avoient relevé et pour y proceder nous, en vertu d’icelles feismes commandement ausdis religieux, prieur et couvent que ilz abatissent et demolissent la brasserie mentionnee esdites lettres par lever les caudiere, cuves, tonneaulx et aultres ostieulx servans au fait d’icelle brasserie. Lesquelz religieulx furent du tout reffusans de ce faire ne obeyr lesdites lettres du roy en déclarant qu’elles estoient fausses et le contenu en icelles non veritable. Oye laquelle reponce nous leur feismes de rechief commandement que ilz nous feisent ouverture pour, par nous faire, ledit restablissement et prendre la chose contempcieuse en la main de nosdis seigneurs comme souveraine dont pareillement ilz furent reffusans ; veans par nous lequel reffus et l’empeschment que nous bailloient lesdits religieux, feismes commandement, de par le roy et nostredit très redoubté seigneur, a pluiseurs carpentiers, machons et aultres gens et officiers de ladite ville illecq assamblé, meismement à Fremin et Andrieu Laleaine, machons, et à Andrieu de Le Deulle, cuvelier, qui avoient fait ladite brasserie, que ilz nous assistassent a faire ouverture pour aller abattre et demolir ladite brasserie, lesquelz en obeïssant auxdis commandemens, au moyen de plusieurs picqz, hauweaux et aultres habillemens en nostre ayde, commencherent a frapper, trauer et perchier ung mur de pierre faisant cloture de ung gardin, terre prophane ou estoit ladite brasserie, a l’encontre du flegart ; lesquelz religieux ce percepvans firent pluiseurs resistences en tenant en leurs mains le Saint Sacrement ; et quant ilz perchurent que il y avoit entrée ou gardin par ledit mur et que avions differé faire ouverture par ladite porte pour reverence dudit Saint Sacrement, iceulx religieulx ouvrirent ladite porte et allerent ou gardin ou ladite brasserie avoit esté faicte et pareillement nous, a grand multitude de peuple jusques au lieu de ladite brasserie auquel aucuns desdis religieulx entrerent par l’uis et les aultres se tindre [sic] au devant dudit huis a tout le Saint Sacrement. Et pour ce ne nous fut possible entrer par ledit huis en ladite brasserie ; pour le resistence, rebellion et desobeïssance que nous firent lesdis religieulx, feismes de rechief commandement ausdis carpentiers et aultres assistens de faire aultre ouverture en ladite brasserie ce qu’ilz firent et entrasmes dedens avecq pluiseurs aultres que a nostre commandement nous assisterent, separans lesdis religieulx les ungs des aultres qui tenoient l’un l’autre par les mains. Et lors, après que eusmes fait rester pluiseurs relicquiaires estans sur une table que entendions estre mise et assise sur les caudières et cuves contempcieulx, comme les ouvriers nous certiffierent, levasmes ladite table et ce fait et que tout fut desblayé perchusmes que lesdits religieulx ou aultres de par eulx au paravant nostre venue avoient osté les caudieres, cuves et aultres hostieulx servans au fait de ladite brasserie et ne trouvasmes que le fourneau sur lequel le caudiere avoit esté et une minette, lequel fourneau nous demolimes et primes ladite minette en nostre main pour toutes choses contempcieuses, et meismes en la main des nosdis seigneurs comme souveraine. Et pour ce que ne y trouvasmes autre chose, sinon le fourniel, feismes par pluiseurs et diverses fois commandement a frere Jehan Fanet et pluiseurs aultres desdits religieulx que ilz nous declaraissent ou estoient lesdites caudieres, cuves et aultres hostieulx servans a icelle brasserie adfin de les prendre et mettre en la main du roy et de nostredit très redouté seigneur, dont ilz ne volrent riens faire. Le meisme jour sur l’après disgner s’aprochoient de nous ledit frere Jehan Finet et ung aultre desdits religieulx et nous requirent coppie desdites lettres et de tout nostre exploit ausquelz fut par nous répondu que quant ilz aueroient obey et furny de leur part et que auerions parfait notre exploit, voullentiers leur baillerions ladite coppie, offrans de rechief aller audit couvent pour savoir leur intencion, ce que feismes environ deux heures après disgner. Auquel lieu en parlant audit prieur et aultres religieulx, feismes de rechief commandement de mettre en nos mains lesdis caudieres, cuves et hostieulx, ou au moins que ilz les nous monstrassent et exhibassent pour, par nous, les prendre et furnir ledit restablissement, dont ilz furent reffusans, requerant tous jours et persistant avoir coppie de nostredit exploit, offrant nous bailler argent pour icelle. A quoy par nous leur fut repondu que nostre exploit parfait voullentiers leur baillerions. Et derechief lendemain XXIIIIe jour dudit moix nous transportasmes ou couvent desdis prescheurs au devant de l’uis de l’eglise dudit couvent, auquel lieu en parlant a la personne de frere Nicole Gonnor, prieur d’icellui couvent, et en la presence de frere Jehan Finet, l’un desdits religieux, de monseigneur l’escolastre de Saint Amé et de pluiseurs seculiers, feismes ausdits religieux, prieur et couvent deffence de par nosdis seigneurs de n’en plus rasseoir lesdis caudiere, cuves et hostieulx ou lieu ou ilz estoient nagueres ne en aultre lieu dudit couvent ne de y plus brasser ne faire brasserie tant et jusques a ce que par vous, nosdis seigneurs, parties oyes, en seroit aultrement appointtié ; par lequel prieur nous fut dit et repondu que il ouyt bien ce que lui disiens, en nous requeirant itéraisnement coppie de nostredit exploit, ce que lui acordasmes a ses despens et au surplus adjournasmes lesdis religieulx, prieur et couvent a estre et comparoir par devant vous, nosdis très grandz, honnourez et doubtez seigneurs, au premier mardi après le jour des Roix prouchains venant, a l’encontre desdits impetrans ou de leur procureur pour iceulx impetrans ou leurdit procureur veoir precisement maintenir et garder es drois, possessions et saisines declarés esdites premières lettres et tout selon le fourme et teneur d’icelles et desdites secondes lettres. Nos très grandz, honnourez et doubtez seigneurs, ce dessusdit vous certiffions nous estre vray par ceste nostre rellacion seellée, seignée, faicte et escripte l’an et jours dessusdis.
34De Watrelers Jehan Lefrancq.
Pièce justificative n° 2
35[1488], 24 novembre – Lille.
36Lettre autographe de Thomas de La Pappoire adressée aux échevins de Douai concernant le procès des frères prêcheurs.
37A. Original sur papier (larg. 217 mm x haut. 294 mm). Sceau en cire rouge manquant (empreinte : diam. 12 mm). AM Douai, AA 257.
38[Au dos :] Mes très honnourés seigneurs messeigneurs eschevins de la ville de Douay.
39Messeigneurs je me recommande a vostre bonne grace parce que sans attendre le retour du mediateur je ne vous scauroie que escripre de la principale matière pour laquelle je suy icy. Monseigneur le gouverneur me doibt aujourduy parler du fait des prescheurs de Douay qui ont obtenu du Roy certaines lettres affin d’estre remis au cloistre. Quant je auray veu et leu ses lettres et continué aveucq luy sans toutesvoies vous lier car aussy je n’en ay point la creance, je vous rescripv[r]ay au long de l’intencion de mondit seigneur le gouverneur. Neantmoins je vous advertis que la cause d’appel desdis prescheurs appellans servira au Grand Conseil le mardi après le jour Saint Andrieu. Parquoy est besoing que Hercules passe procuracion comme partie adjournée et que l’en rescripve a maistre Pierre Duhem qu’il se presente et luy soient menés les coppies des exploix en cas d’appel affin de obtenir congié de court ou cas que lesdis prescheurs ne se presentent et ou cas qu’ilz se presentent et font plaidoier leur cause d’appel, soit par ledit maistre Pierre Duhem prins jour pour respondre aulx prochains plais après le jour des Rois que lors la cause principale doibt servir. Et s’il advenoit que lesdis prescheurs requissent leur apellacion estre muee en appointement, leur soit respondu que le restablissement parfurni par rendicion des chaudières, cuves et aultres hostieulx servans a brasserie es mains de Hercules, executeur de ladite complainte, au lieutenant de monseigneur le gouverneur, l’en leur consentira volentiers leurdite appellacion estre muee en appointement pour proceder sur le principal de ladite complainte ausdis prochains plais.
40Des nouvelles la sepmaine passee, Allemans et aultres gens de guerres ruerent jus grand nombre de François et Flamens au West pays de Flandres. Soyés songneulx de bien faire garder les barrieres des portes, affin que Franchois, contrefaisant les Bourguignons, ne sousprendent vostre guet. Dieu soit garde de vous et de la bonne ville. Escript a Lille ce landi XXIIIIe de novembre.
41Le tout vostre Thomas de La Pappoire.
Mots-clés éditeurs : bière, Douai, Philippe le Beau, dominicains, brasserie
Date de mise en ligne : 08/10/2019.
https://doi.org/10.3917/rdn.427.0705Notes
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[1]
Pour une vision d’ensemble des sources disponibles, il faut se référer à A. Vauchez et C. Caby (dir.), L’histoire des moines, chanoines et religieux au Moyen Âge : guide de recherche et documents, Turnhout, Brepols, L’Atelier du Médiéviste n° 9, 2003 ; P. Bertrand, « Ordres mendiants et renouveau spirituel du Bas Moyen Âge (fin du xiiie s.-xve s.) Esquisses d’historiographie », Le Moyen Âge, tome CVII, 2001/2, p. 305-315. Globalement, on s’intéressera à l’évolution de l’étude du « fait religieux » en consultant J. Foa, « Histoire du religieux », dans C. Delacroix, F. Dosse, P. Garcia, N. Offenstadt, Historiographies. Concepts et débats, t. 1, Paris, Gallimard, coll. « Folio histoire », 2010, p. 268-281 ; F. Hildesheimer, L’histoire religieuse, Publisud, 1996, 143 p.
-
[2]
L’ouvrage collectif mené sous la direction de N. Bériou et J. Chiffoleau, Économie et religion. L’expérience des ordres mendiants (xiiie-xve siècle), Lyon, PUF, coll. d’Histoire et d’Archéologie médiévales n° 21, 2009 est une référence en la matière.
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[3]
N. Bériou, « Introduction », ibid., p. 19 : cinq axes de recherche : sources du quotidien ; typologie des biens et des revenus des frères et des sœurs ; modalités de l’acquisition des biens ; modalités des échanges ; rapport des frères aux biens, à l’argent, en contrepoint des références à la pauvreté et à la mendicité.
-
[4]
AM Douai, BB 1, Registre aux « Consaulx ».
-
[5]
AM Douai, CC 840, 8 pièces en parchemin concernant l’affaire de la brasserie des dominicains de Douai (1488-1499) ; Archives Générales du Royaume (Bruxelles), Inventaire T 107, Grand Conseil de Malines, n° 304, Registre aux rôles des causes du 5 mai 1488 au 2 avril 1490 (713 fol.) : voir E. Van Den Bussche, Inventaire des Registres du Grand Conseil de Malines. Avec un supplément pour les nos 1186 à 1553 (requêtes et varia en portefeuilles), 107, Archives Générales du Royaume, Bruxelles, 1992 ; AGR, Inventaire I 004, Chambre des Comptes, Comptes du receveur des exploits du Grand Conseil, nos 21444, 21445 et 21446, Comptes de maître Jaques Le Muet respectivement du 1er avril 1482 au 31 mars 1486, du 1er avril 1486 au 31 mars 1488, du 1er avril 1488 au 31 mars 1490 : voir M. Gachard (dir.), Inventaires des Archives de la Belgique publiés par ordre du Gouvernement, t. 3, Bruxelles, 1851 ; concernant les archives du Grand Conseil, on consultera plus généralement R.-H. Bautier et J. Sornay, Les sources de l’histoire économique et sociale, Les États de la maison de Bourgogne, Archives centrales de l’État bourguignon (1384-1500), Archives des principautés territoriales du Sud et du Nord (supplément), Paris, Éd. du CNRS, vol. 1, fascicule 1, 2001, p. 16-20.
-
[6]
AM Douai, AA 257, Lettres de Thomas de La Pappoire, à ce moment député aux États Généraux des villes et châtellenies de Lille, Douai et Orchies (novembre 1488).
-
[7]
On pourra consulter R. Di Meglio, « Ordres mendiants et économie urbaine à Naples entre Moyen Âge et époque moderne. L’exemple de San Angostino », dans N. Bériou et J. Chiffoleau, Économie et religion…, op. cit., p. 591-636. Ou encore P. Bertrand, Commerce avec dame Pauvreté : structures et fonctions des couvents mendiants à Liège, xiiie-xive s., Genève, Droz, 2004, p. 147-430.
-
[8]
AD Nord, 126H, Dominicains de Douai, contient peu d’archives particulièrement pour la période médiévale. Concernant la gestion des archives économiques par les ordres mendiants eux-mêmes et la quantité relativement faible d’archives encore conservées, voir P. Bertrand, « Économie conventuelle, gestion de l’écrit et spiritualité des ordres mendiants. Autour de l’exemple liégeois (xiiie-xve s.) », dans N. Bériou et J. Chiffoleau, Économie et religion…, op. cit., p. 101-128, notamment la conclusion de l’article.
-
[9]
AM Douai, BB 1, fol. 65, Conseil du 28 février 1484.
-
[10]
Il leur fut ainsi permis avoir à tiltre d’achat la maison et héritage des tondeurs de grans forches en ladite ville adfin de le applicquier avec leur héritage et en faire leur pourfit attendu comme il devroit que la ville ne y avoit aulcun interest meismes que notre très redoubté seigneur et prince monseigneur le duc d’Austrice par lettres closes en faisoit requeste en faveur desdits religieux, AM Douai, BB 1, fol. 66 v°, Conseil du 18 juin 1484.
-
[11]
« Et qu’il ne polront jamais ne leurs sucesseurs faire brasserie ne huisine en ladite ville », AM Douai, BB 1, fol. 93 v°, Conseil du 28 juillet 1488, lignes 7 à 8.
-
[12]
Que néantmoins sous nagaires les religieux, prieur et couvent de leur voulenté indeue se sont ingérés de avoir fait faire et édisfier en leur couvent une brasserie et huisine à intention de y faire brasser boire boulli pour eulx et leur couvent et desja y ont fait brasser deux brassins sans avoir paié ledit droit d’assis, AM Douai, BB 1, fol. 94 v°, Conseil du 9 septembre 1488.
-
[13]
AM Douai, CC 840, Lettres du 30 septembre 1488.
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[14]
AM Douai, CC 840, Lettres du 6 octobre 1488.
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[15]
AM Douai, CC 840, Lettres du 10 octobre 1488.
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[16]
AM Douai, CC 840, Lettres du 23 octobre 1488 éditées en annexe 1.
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[17]
AM Douai, AA 257. La lettre du 24 novembre 1488 est éditée en annexe 2.
-
[18]
AGR, GCM, n° 304, fol. 205.
-
[19]
AGR, GCM, n° 304, fol. 247 v° et 248.
-
[20]
AGR, GCM, n° 304, fol. 281.
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[21]
AM Douai, CC 840, Lettres du 27 mars 1489 (deux pièces).
-
[22]
AM Douai, CC 840, Lettres du 30 juin 1489.
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[23]
AM Douai, BB 1, fol. 98 v°, Conseil échevinal du 24 octobre 1489.
-
[24]
AM Douai, BB 1, fol. 103, Conseil échevinal du 6 juin 1491.
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[25]
AM Douai, BB 1, fol. 115, Conseil du 25 juin 1499. AM Douai CC 840, Lettres du 26 juin 1499.
-
[26]
Pour considéracion de l’honneste vie que maisnent iceulx religieulx de saint Dominicque, pour eulx et leurs sucesseurs, et tant et si longuement qu’ilz seront en reformacion vivans en commun et faisans demi couvent et non plus en ceste dicte ville, avons consenti et accordé, consentons et accordons par ces presentes que ilz facent faire edisfier et erigier en leur dit pourpris une brasserie et en icelle brasser jusques au nombre de cent et soixante tonneaulx de boire boully chacun an pour le despence de leur dit couvent sans pour ce paier aucun droit d’assis ou maltotte à ladite ville, pourveu que le pryeur regnant et ses sucesseurs en icellui couvent seront tenus de jurer, affermer et promettre chacun an es jours prouchains enssuivans la Toussaint es mains de deux des escevins regnans en ladite ville que ilz ne souffriront brasser plus grand nombre de tonneaulx que de cent et soixante que ilz n’en abuseront ne distribueront avant la ville, n’estoit pour subvenir à gens oppressez de malladie et en petite quantité, extrait AM Douai CC 840, Lettres du 26 juin 1499, lignes 10 à 15.
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[27]
« Industrie brassicole » est évidemment anachronique tandis que les sources révèlent volontiers les termes de « cambe de goudale », « d’usine de goudale », de « maison où l’on brasse », de « cambre franke » ou de « brasserie ». Les maîtres du métier étaient les « goudaliers », « cervoisiers » et « brasseurs » ou « brasseresses » pour ne pas omettre l’activité féminine dont on devine l’importance – un ban échevinal de 1250 réglementant les boissons fermentées stipule bien les deux appellations (AM Douai AA 95 fol. 128 et AM Douai, HH fol. 34-35 : pièces éditées en PJ 268 dans G. Espinas, La vie urbaine de Douai au Moyen Âge, t. 3, Paris, Éd. Alphonse Picard, 1913-1917, p. 213-215) – en rappelant que la communauté conjugale restait une unité de vie mais aussi de production (atelier, boutique). La participation de l’épouse était courante dans les domaines du textile, de l’alimentation ou des soins aux malades. J.-P. Leguay, Vivre en ville au Moyen Âge, Quintin, Éd. Jean-Paul Gisserot, 2012, p. 220-225. Citons l’exemple anglais de Denise Marlere (xive siècle) qui, veuve de Nicolas un ancien boucher de Bridgwater, réussit à faire du brassage une activité secondaire plus que rentable pour sa famille, activité à l’origine uniquement domestique. Elle légua finalement le matériel de brassage à sa servante, sa paroisse, son prêtre, à deux monastères locaux et à sa fille : un four, des sacs de malt, divers récipients, un poêlon de table, des cuves, une casserole, un mortier, un pilon, etc. Elle confia, sûrement sous la forme d’un texte, son procédé de brassage. La transmission d’une technique, fruit d’une expérience non négligeable, semblait aussi importante que celle d’un matériel qui serait vite devenu inapproprié. J. M. Bennett, Ale, beer and brewsters in England. Women’s work in a changing world, 1300-1600, Oxford University Press, 1996, p. 14-36.
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[28]
Sur Maximilien et Philippe de Habsbourg : H. Noflatscher, M. A. Chisholm, B. Schnerb (dir.), Maximilian I. 1459-1519. Wahrnehmung - Übersetzungen - Gender, Innsbruck Historische Studien Band 27, 2011 ; L. Silver, Marketing Maximilian : the visual ideology of a Holy Roman Emperor, Oxford, Princeton University Press, 2008 ; J.-M. Cauchies, Philippe le Beau : le dernier duc de Bourgogne, Turnhout, Brepols, 2003 ; H. Bogdan, Histoire des Habsbourg des origines à nos jours, Perrin, 2002, p. 83-93 et J. Berenger, Histoire de l’Empire des Habsbourg. 1273-1918, Paris, Fayard, 1990, p. 135-150.
-
[29]
Sur le commerce du vin à Douai, on pourra consulter : S. Blondel, La municipalité d’une Bonne Ville : Douai à la fin du Moyen Âge (1384-1531), t. 1, thèse de doctorat d’histoire sous la direction de Denis Clauzel, Université Lille 3, 2009, p. 197-202.
-
[30]
D. Clauzel, « Le vin et la bière à Lille à la fin du Moyen Âge : approches quantitatives », Publications du Centre Européen d’Études Bourguignonnes (xive-xve s.), n° 47, 2007, p. 149-167 et S. Blondel, La municipalité…, op. cit., t. 2, p. 216. Situations identiques pour la fin du xve siècle à Saint-Omer et Valenciennes : C. Petillon, Économie, politique et finances à Saint-Omer au xve siècle, thèse de doctorat d’histoire sous la direction de Bertrand Schnerb, 7 vol., Université de Lille 3, Villeneuve-d’Ascq, 2003, p. 251-264 ; Y. Junot, Les bourgeois de Valenciennes. Anatomie d’une élite dans la ville (1500-1630), Villeneuve-d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2009, p. 122-125 et 127-130.
-
[31]
Par pragmatisme, seul le terme de « bière » sera employé dans cet article, pris ainsi dans son acception générale. Sachant qu’il est utilisé habituellement pour caractériser une boisson fermentée à base de céréales et de houblon. L’essor du commerce de la bière « houblonnée » s’observe à partir de la moitié du xive siècle dans les grands ports de la Ligue Hanséatique, Hambourg en tête avec 300 à 375 000 hectolitres de production au début du xve siècle dont une bonne partie réservée à l’exportation vers la Baltique, la Scandinavie, l’Allemagne du Nord et les Flandres (R. W. Unger, Beer in the Middle Ages and the Renaissance, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, first paperback edition, 2007, p. 60-73, p. 119). Derrière ce terme unique ici employé, on retrouve dans les sources douaisiennes les « boires boulis » dont les « boires de grains senz miel » à savoir la « goudale » (la plus répandue, de « good ale » en anglais), la cervoise, la « tatebaut », la « hacquebart », la « houppe », la « keute » ou simplement du « blancq boire » ou du « brun boire ». Autant de recettes différentes pour un marché extrêmement diversifié. Sur les différents termes rencontrés, voir aussi L. Moulin, « La bière, une invention médiévale », dans D. Menjot (éd.), Manger et boire au Moyen Âge, Actes du colloque de Nice (15-17 octobre 1982), t. 1 : Aliments et société, Paris, Les Belles Lettres, 1984, p. 13-25.
-
[32]
D’autant que les accises, d’origine communale, n’étaient pas l’unique taxe sur le produit mais étaient exclusivement liées à sa consommation à partir de la fin du xive siècle. D’autres taxes, d’origine seigneuriale, présentes aux débuts de la commune voire bien avant, firent l’objet d’aliénations successives par de riches bourgeois ou par la ville. Sans vraiment disparaître, ces taxes perdaient parfois de leur valeur mais, non inscrites dans les comptabilités urbaines, elles sont désormais difficilement quantifiables ; sans omettre qu’elles persistaient aussi sous la forme de redevances en nature. Citons les droits de péage et de tonlieu du marché sur les céréales, les droits du prévôt, du seigneur de Saint-Albin et du châtelain de Douai sur l’eau, le « grut »/« gruyt » (ou grutum/scrutum), un mélange d’épices nécessaire à la fabrication de la cervoise, droit qu’on retrouve dans de nombreuses contrées dès le xe siècle, si ce n’est plus tôt, et perçu par des seigneurs laïcs ou ecclésiastiques (J. Deckers, « Recherches sur l’histoire des brasseries dans la région mosane au Moyen Âge », Le Moyen Âge : revue d’histoire et de philologie, vol. 76, n° 1, 1970, p. 463-466), les tourailles, les droits de franquet/d’afforage ainsi que les amendes relevant de « l’esgarderie » et du respect de la réglementation échevinale (A. Dujardin, La bière, les brasseurs et la brasserie à Douai au Moyen Âge, mémoire de Master sous la direction de Bertrand Schnerb, Université Lille 3, 2014, p. 71-72). À propos du tonlieu, Georges Espinas a précisé qu’il devenait finalement « une sorte de non-sens, ni nuisible, ni utile à la ville prouvant une opposition complète entre l’économie publique ancienne et l’économie urbaine nouvelle », G. Espinas, Les finances de la commune de Douai des origines au xve siècle, Paris, Éd. Alphonse Picard, 1902, p. 207-217.
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[33]
AM Douai, CC 232.
-
[34]
AM Douai, CC 233.
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[35]
Précisément, ces recrues portaient sur 10 203 tonneaux en 1478-1479 et 10 160 tonneaux en 1486-1487 soit une production d’environ 196 tonneaux taxés par semaine. La goudale, c’est-à-dire la « petite bière », la moins chère et la plus consommée parmi toutes les « cervoises et bières » proposées, n’était pas affectée par les recrues.
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[36]
M. Rouche (dir.), Histoire de Douai, Paris, Éd. Le Téméraire, coll. Terres Septentrionales de France, 1998, p. 92-93.
-
[37]
Au temps de l’affaire de la brasserie du couvent des prêcheurs, du 7 février 1483 au 7 mars 1484, Jehan Chivore, brasseur de cervoise, était le cinquième échevin des douze en fonction. Du 7 mars 1484 au 7 avril 1485, Alexandre Le Libert brasseur et propriétaire de la brasserie de la Rose, échevin de Douai pour sa sixième et dernière fois depuis 1439 prit la place de Chivore. Du 7 juillet 1488 au 7 août 1489, Guerard Senellart, grand brasseur douaisien et propriétaire, entre autres, de la brasserie du Grand Hacquebart, beau-fils d’Alexandre Le Libert, était quatrième échevin. Il a finalement occupé huit fois le siège d’échevin entre 1485 et 1504. C’est compter aussi sans la présence des Le Fèvre qui avaient d’une manière ou d’une autre des liens avec les brasseries de la Massue et des Coquelets. AM Douai, BB 29, Registre de l’échevinage, fol. 53 v°, 54 r. et 56 r. : registre éditée dans J.-C. Lamendin, Les échevins de Douai de 1400 à 1634. Extrait de BB 29 des archives communales de Douai, 2006, p. 20-21. Sur l’échevinage douaisien et l’importance de la place occupée parmi les douze, voir A. Derville, « Les échevins de Douai de 1228 à 1527 », Mémoires de la Société d’agriculture, des sciences et des arts de Douai, 5e série, t. VIII (1980-1982), p. 39-48.
-
[38]
P. Leroy, « Évolution sociale de la rue des Foulons », Mémoires de la Société d’Agriculture de Douai, 5e série, t. 1-4 (1955-1974), p. 31-36.
-
[39]
J. Lepreux, Inventaire analytique des archives communales antérieures à 1790, Série BB (Administration communale), 1876, p. 4-6.
-
[40]
E. Lecuppre-Desjardin, Le Royaume inachevé des ducs de Bourgogne (xive-xve siècles), Belin, 2016, p. 22.
-
[41]
Politiquement bien sûr et économiquement : les quinze années de guerre qui ont suivi la mort de Charles le Téméraire furent un frein à la hausse du niveau de vie global, W. Prevenier et W. Blockmans, Les Pays-Bas bourguignons, Anvers, Fonds Mercator, 1983, p. 195.
-
[42]
AD Nord, B 3449 et B 3450, Comptes de l’Hôtel des ducs et duchesses de Bourgogne.
-
[43]
J.-M. Cauchies, Philippe le Beau…, op. cit., p. 14-15.
-
[44]
En complément, concernant la révolte brugeoise de 1488, R. Wellens, « La révolte brugeoise de 1488 », dans Handelingen van het Genootschap voor Geschiedenis « Société d’émulation » te Brugge, vol. 102, 1965, p. 6-52 ; Id., Les États Généraux des Pays-Bas des origines à la fin du règne de Philippe le Beau (1464-1506), Heule, UGA, 1972, p. 197-213 ; J. Haemers, De strijd om het regentschap over Filips de Schone. Opstand, facties en geweld in Brugge, Gent en Ieper (1482-1488), Gand, 2014.
-
[45]
Et d’extrapoler sur la difficulté pour le prince d’administrer un territoire avec des « outils » toujours plus techniques, requérant toujours plus de professionnels ou de spécialistes, confortant l’idée du « prince spécialiste de tout et par conséquent de rien » et d’un « roi qui règne mais ne gouverne pas », W. Paravicini, « Administrateurs professionnels et princes dilettantes. Remarques sur un problème de sociologie administrative à la fin du Moyen Âge », dans W. Paravicini et K. F. Werner, Histoire comparée de l’administration (ive-xviiie siècles), Munich, Beihefte der Francia : 9, 1980, p. 168-177. D’où la nécessité de déléguer une partie du pouvoir à diverses institutions. Mais cette administration s’avère parfois imparfaite, conséquence peut-être du très puissant système de patronage, A. Derville, « Pots-de-vin, cadeaux, racket, patronage. Essai sur les mécanismes de décision dans l’État bourguignon », Revue du Nord, t. 56, n° 222, 1974, p. 341-364.
-
[46]
B. Schnerb, « Les ducs de Bourgogne de la Maison de Valois et les frères mendiants : une approche documentaire », dans N. Bériou et J. Chiffoleau, Économie et religion…, op. cit., p. 271-317 ; pour témoignage, concernant les relations entre Jean sans Peur et les dominicaines de La Thieuloye-lès-Arras : entre persistance d’un patronage liée à la fondation du couvent au début du xive siècle, dévotion personnelle de Jean sans Peur, influence dominicaine auprès du duc, jeux de pouvoir, offrandes traditionnelles ou aides exceptionnelles, voir B. Schnerb, « Un acte de Jean sans Peur en faveur des dominicaines de La Thieuloye (1414) », Revue du Nord, t. 86, n° 356-357, 2004, p. 729-740.
-
[47]
AM Douai, CC 840, Lettres du 27 mars 1489, ligne 17.
-
[48]
J. Lorgnier, « Manifestations judiciaires d’une “tutelle” : les arrêts et dossiers du Grand Conseil de Malines (1465-1530) concernant les villes de la région Nord-Pas-de-Calais et Picardie », dans S. Dauchy et R. Martinage (dir.), Pouvoirs locaux et tutelle, Actes des journées internationales tenues à Furmes du 28 au 31 mai 1992, Lille, Centre d’Histoire Judiciaire, Collection Verte, 1993, p. 127.
-
[49]
Sur le Grand Conseil des Pays-Bas, R.-H. Bautier et J. Sornay, Les sources de l’histoire économique et sociale, Les États de la maison de Bourgogne, Archives centrales de l’État bourguignon (1384-1500), Archives des principautés territoriales du Sud et du Nord (supplément), Paris, éd. du CNRS, fasc. 1, 2001, p. 16-20 ; E. Aerts, M. Baelde et al., Les institutions du gouvernement central des Pays-Bas Habsbourgeois, traduit du néerlandais par C. De Moreau De Gerbehaye, Bruxelles, Archives Générales du Royaume, t. 1, 1995, p. 448-462 ; A. Wijfels, « Grand Conseil des Pays-Bas à Malines », Les institutions du gouvernement central des Pays-Bas habsbourgeois (1482-1795), Bruxelles, t. 1, 1995, p. 448-462.
-
[50]
G. Espinas, La vie urbaine de Douai…, op. cit., t. 1, p. 859.
-
[51]
À propos de Thomas de La Pappoire : A.J.M. Kerckhoffs De Heij, De Grote Raad en zijn functionarissen 1477-1531, t. 2, Amsterdam, 1980, p. 106-107 ; W. Paravicini, Guy de Brimeu. Der burgundische Staat und seine adlige Führungsschicht unter Karl dem Küchnen, Pariser Historische Studien : 12, 1975, p. 433 ; J. Van Rompaey, De Grote Raad van de hertogen van Bourgondië en het Parlement van Mechelen, Bruxelles, VKAWL, XXXV, 73, 1973, p. 222, 226, 506.
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[52]
Sa lettre du 24 novembre 1488 est jointe en annexe de l’article.
-
[53]
AGR, CC, n° 21444, fol. 6 : à maître Thomas de La Pappoire, 35 livres 4 sous pour la conduite de quatre enquêtes concernant quatre procès devant le Grand Conseil ; AGR, CC, n° 21445 ne contient aucune mention concernant Thomas de La Pappoire ou Jehan Doublet ; AGR, CC, n° 21446, fol. 8 : à maître Jehan Doublet, conseiller et procureur général du Roi, 27 livres 12 sous pour frais de justice.
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[54]
Il recevait ainsi des gages de 18 sous pour chacun de ses voyages en compagnie de l’Hôtel ducal à Bruges, L’Ecluse, Zierikzee, Cateau-Cambrésis, Bohain-en-Vermandois, Péronne, Abbeville, Bray-sur-Somme, Thionville, Chambley, Neuf-Brisach. D’après les écrous de l’Hôtel, AD Nord, B 3436, pièces nos 118738, 118790, 118802, 118808, 118811, 118814, 118817, 118819, 118823, 118824, 118825 ; B 3437, pièces nos 118951, 118953, 119034, 119039, 119040, 119041, 119042 ; références obtenues en consultant la base de données « Prosopographia Curiae Burgundicae », en ligne http://www.prosopographia-burgundica.org/. Les gages pour le personnel de l’hôtel étaient avant tout des frais de bouche basés sur une comptabilité simple : chaque bouche d’homme, de femme ou de cheval donnaient lieu à une rétribution de trois sous par jour, les montants définitifs étant donc des multiples de trois selon le personnel ou les bêtes affectés à un officier. Ces montants allaient de 3 à 36 sous pour les chambellans chevaliers bannerets, M. Sommé, « Que représente un gage journalier de trois sous pour l’officier d’un hôtel à la cour de Bourgogne au xve siècle ? », dans J.-P. Sosson, Cl. Thiry, S. Thonon, T. Van Hemelryck (éd.), Les niveaux de vie au Moyen Âge, Actes du colloque international de Spa, 21-25 octobre 1998, Academia-Bruylant, 1999, p. 298.
-
[55]
W. Paravicini, Invitations au mariage : pratique sociale, abus de pouvoir, intérêt de l’Etat à la cour des ducs de Bourgogne : 1399-1489, Stuttgart, J. Thorbecke, Instrumenta : 6, 2001, p. 160.
-
[56]
AM Douai, FF 131.
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[57]
J. Lepreux, Inventaire analytique…, op. cit., p. 7.
-
[58]
En fin de compte, Thomas était indéniablement proche de Maximilien, en tout cas à son service, et il l’était dans l’esprit de tous : en juin 1491, malgré les accusations de trahison au profit des Français à son encontre, il fut lavé de tout soupçon (S. Blondel, La municipalité…, op. cit., t. 3, p. 482). Mais, conseiller des échevins de Douai, il portait une « double casquette » qui le plaçait véritablement au centre de l’affaire.
-
[59]
Desquelz drois, possessions et saisines et pluiseurs autres pertinens et servans à ceste matière, lesdits exposans et chacun d’eulx ont joy et possesse de tel et si longtemps qu’il n’est mémoire du contraire au moins par temps souffisant et vaillable, extrait AM Douai, CC 840, Lettre du 30 septembre 1488, lignes 15 à 16.
-
[60]
M. Rouche, Histoire de Douai…, op. cit., p. 67.
-
[61]
A. De Meyer, La congrégation de Hollande ou la réforme dominicaine en territoire bourguignon 1465-1515, Liège, 1946, p. 34 et 47.
-
[62]
Ibid., p. 90.
-
[63]
J.-M. Cauchies, Philippe le Beau…, op. cit., p. VII.
-
[64]
Ibid., p. 34-36.
-
[65]
AD Nord, B 2165, Recette générale des Finances, 1er janvier 1499 – 31 décembre 1499, Dons en recompensacions extraordinaires, fol. 201 v°.
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[66]
Soit une consommation d’environ 43 litres par jour. D’après AM Douai, CC 232 et 233 (comptes de la ville 1478-1479 et 1486-1487) le lot de « boires boullis » était à 2 deniers pour un tonneau à 6 sous 6 deniers soit 39 lots de bière par tonneau. Le lot de bière à Douai étant de deux litres et demi, le tonneau aurait eu une capacité de 97,5 litres à la fin du xve siècle. L’estimation semble convenable étant donné qu’à la même époque le tonneau de bière à Lille avait 98,9 litres de contenance et que le tonneau de cervoise à Douai était de 110 litres vers 1512. D’après « Tableau de comparaison des anciennes mesures en usage dans le département du Nord avec celles du système métrique », Annales de l’Est et du Nord, Paris, Berge-Levrault, 1906, p. 542-554 ; S. Blondel, La municipalité…, op. cit., p. 745 ; D. Clauzel, Finances et politique à Lille pendant la période bourguignonne, Dunkerque, Westhoek-Éditions, 1982, p. 280 ; C. Le Hamon, S’alimenter à Douai de 1598 à 1752, l’exemple des maisons charitables, Annexe, thèse de doctorat d’histoire sous la direction d’Alain Lottin, Université d’Artois, 2008, p. 15-16.
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[67]
On pourra consulter : E. Lecuppre-Desjardin, La ville des cérémonies. Essai sur la communication politique dans les Pays-Bas bourguignons, Brepols, Studies in European Urban History (1100-1800) n° 4, 2004 et sa riche bibliographie aux pages 341 à 368, et B. Schnerb, L’État bourguignon 1363-1477, Paris, Éd. Perrin, coll. Tempus, 2005, p. 328-330. Sur les Habsbourg en particulier : J.-M. Cauchies, « La signification politique des entrées princières dans les Pays-Bas : Maximilien d’Autriche et Philippe le Beau », Publications du Centre européen d’Études bourguignonnes, 34, 1994, p. 19-35 et F. Zanatta, « Pour une relecture du serment public entre le prince et les communautés d’habitants : l’exemple des joyeuses entrées des Archiducs », dans P. Guignet, C. Bruneel, R. Vermeir et J.-M. Duvosquel (dir.), Fidélité politique et rayonnement international des Pays-Bas méridionaux (cira 1600-cira 1630), Revue du Nord, t. 90, n° 377, 2008, p. 729-745.
-
[68]
J.-M. Cauchies, Philippe le Beau…, op. cit., p. 40. Quand la Joyeuse Entrée est intégrée dans le cadre général des festivités urbaines visant à renforcer la cohésion sociale, les gens de la cité en même temps que les élites urbaines se les appropriaient pour leurs intérêts personnels, P. Monnet, Villes d’Allemagne au Moyen Âge, Paris, Éd. Picard, 2004, p. 187-199.
-
[69]
Des relations entre le souverain et ses sujets dans la genèse d’un État moderne : un point complet, applicable pour Douai et appliqué en partie aux villes des Pays-Bas se retrouve dans W. Blockmans, « Princes conquérants et bourgeois calculateurs : le poids des réseaux urbains dans la formation des états », dans N. Bulst et J.-P. Genet (éd.), La ville, la bourgeoisie et la genèse de l’État moderne (xiie-xviiie siècle), Actes du colloque de Bielefeld (29 novembre-1er décembre 1985), Paris, Éd. du CNRS, 1988, p. 167-181.
-
[70]
B. Schnerb, « La piété et les dévotions de Philippe le Bon, duc de Bourgogne (1419-1467) », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 149e année, n° 4, 2005, p. 1319-1344.
-
[71]
AD Nord, B 2165, Recette générale des Finances, 1er janvier 1499-31 décembre 1499.
-
[72]
B. Schnerb, « Les ducs de Bourgogne de la Maison de Valois… », op. cit., p. 289.
-
[73]
Les 21 et 28 janvier 1499, quelques mois avant la Joyeuse Entrée de Philippe le Beau à Douai, à Arras, alors partie intégrante des Pays-Bas Habsbourgeois, une exemption de taxes sur les « boires boullus » fut confirmée en faveur du chapitre d’Arras. Ce privilège, dont les prévost, doien et chappitre de l’église d’Arras ont joy de tout temps et anciennement et par tel et si long temps qu’il n’est mémoire du contraire, était contesté par les fermiers et les échevins de la cité d’Arras. Ce fut néanmoins Louis XII, fraichement arrivé sur le trône, et son conseil royal qui, par l’intermédiaire du prévôt de Beauquesne, confirmèrent l’exemption. AD Pas-de-Calais, 3G 33, dossier n° 28.
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[74]
J. Huizinga, L’automne du Moyen Âge, Petite bibliothèque Payot, 2015, p. 273-275.
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[75]
Concernant le péché de gourmandise, C. Casagrande et S. Vecchio, Histoire des péchés capitaux au Moyen Âge, Paris, Aubier, 2003, p. 193-228. « La poésie et la littérature latine ont transmis à la tradition l’image du moine avide et glouton, de l’abbé “gras et rond”, qui entre dans le cloître “en ruminant dans sa tête et dans sa bouche non pas les psaumes mais les sauces” », ibid., p. 218.
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[76]
Cupidité, gourmandise et luxure ne sont pas inconnues aux hommes de Foi : les exemples de telles accusations, fondées ou non, sont légion. On me permettra « de lever fugacement le voile pudique que la bienséance jetait alors sur les mœurs de l’époque » (W. Prevenier et W. Blockmans) et de citer brièvement trois récits, plutôt humoristiques, extraits des Cent Nouvelles nouvelles qui plaisaient tant à Philippe le Bon dans les années 1460. Ainsi, la quatre-vingt troisième nouvelle présente un Carme du couvent d’Arras qui engloutit tant de mets divers et variés qu’une fois rassasié, il se permit d’ironiser en priant celui qui « repeut cinq mille hommes de cinq pains d’orge et de deux poissons ». La quarantième nouvelle raconte l’histoire d’un dominicain de Lille qui recevait au couvent nombre de citadines, dont une bouchère, avec lesquelles il festoyait, si ce n’est davantage, dans sa chambre autour de « vin, puis des pastez, puis des tartres, et tant de choses que merveille ». Étonnante façon de percevoir la dîme qui fait d’ailleurs écho à la trente-deuxième nouvelle concernant des franciscains de l’Observance d’Hostalrich en Catalogne et de rappeler cette fameuse réplique du seigneur : « Oncques ne me pleurent ces papelars [hypocrites], et si me jugeoit bien le cueur qu’ilz n’estoient pas telz par dedans qu’ilz se monstroient par dehors ». D’après Ms. Hunter 252 (U.4.10), Bibliothèque de l’université de Glasgow édité dans P. Champion, Les Cent Nouvelles nouvelles, Genève, Slatkine Reprints, 1977, p. 103-108 (32e nouvelle), p. 129-131 (40e nouvelle) et p. 225-227 (83e nouvelle). Certaines de ces amusantes scènes, quand bien même elles ne sont qu’illusion et déformation d’une réalité vue « d’en haut » proposant ainsi un monde en « trompe l’œil » (D. Queruel, « Mariage : promotion ou mésalliance ? La vie conjugale dans la littérature narrative des xive et xve siècles », dans J.-P. Sosson, C. Thiry, S. Thonon, T. Van Hemelryck (éd.), Les niveaux de vie au Moyen Âge, 1999, p. 225-247), reposent sur des faits véritables qu’on retrouve dans les documents administratifs et judiciaires de l’époque, W. Prevenier et W. Blockmans, Les Pays-Bas…, op. cit., p. 145-149. Voir aussi P. Champion, Les Cent Nouvelles nouvelles, op. cit., p. LXII-LXV avec de nombreux exemples, extraits de registres et lettres de rémission de l’audience, édités en p. LXVIII à CXV.
-
[77]
L’organisation religieuse telle qu’elle existait en cette fin du xve siècle n’offrait pas toujours une image positive. L’irrévérence et le mépris envers le clergé, en particulier l’idéal clérical, étaient bien présents, notamment dans les rangs d’une noblesse chevaleresque bien souvent orgueilleuse. Au contraire du très grand respect qu’inspirait la sainteté du sacerdoce. Les ordres mendiants étaient d’autant plus visés à une époque où leur pauvreté était à relativiser par rapport à d’autres catégories sociales. J. Huizinga, L’automne…, op. cit., p. 231-267 et p. 270-271.
-
[78]
G. Espinas, La vie urbaine…, op. cit., t. 1, p. 189-190.
-
[79]
Sur l’intérêt du système de l’affermage, consulter : J. Favier, Finances et fiscalité au Bas Moyen Âge, Paris, Éd. SEDES, 1971, p. 212 et 226-238 ; exemple de la famille van den Dale de Courtrai qui possédait une des trois brasseries de la ville et qui apparaît seize fois comme fermier des accises sur la bière entre 1452 et 1480 et quatre fois comme fermier des accises sur le vin. Enrichissement et accords entre fermiers sont le quotidien des heureux bénéficiaires de ces collectes, W. Prevenier et W. Blockmans, Les Pays-Bas…, op. cit., p. 178 ; sur la remise de l’impôt des fermes aux receveurs des accises puis à l’office de la recette, G. Espinas, Les finances…, op. cit., p. 83-84 et 95-105.
-
[80]
J. Chiffoleau, « Conclusion », dans N. Bériou et J. Chiffoleau (dir.), Économie et religion…, op. cit., p. 708.
-
[81]
De l’austérité dans la pauvreté, à une monumentalité austère, il n’y a qu’un pas. Les ambitions monumentales, la soif de constructions et d’acquisitions de biens au fil des siècles sont difficilement conciliables avec la pauvreté. Il n’en demeure pas moins que l’architecture, monumentale, tente d’y répondre en restant relativement simple. On pourra consulter : T. Coomans, « L’architecture médiévale des ordres mendiants (Franciscains, Dominicains, Carmes et Augustins) en Belgique et aux Pays-Bas », Revue Belge d’Archéologie et d’histoire de l’art, vol. 70, 2001, p. 3-111 ; H. Martin, Les ordres mendiants en Bretagne (vers 1230-vers 1530) : pauvreté volontaire et prédication à la fin du Moyen Âge, Paris, Librairie Klincksieck, 1975, p. 176-310 : dans le cadre général des difficultés rencontrées par les mendiants pour respecter les exigences de pauvreté y compris concernant l’architecture des couvents ; P. Volti, Les couvents des ordres mendiants et leur environnement à la fin du Moyen Âge. Le Nord de la France et les anciens Pays-Bas méridionaux, Paris, CNRS Éditions, 2003.
-
[82]
A. De Meyer, La congrégation de Hollande…, op. cit., p. 110.
-
[83]
Et ce malgré les mesures urbaines de lutte contre l’accroissement des biens ecclésiastiques. En mai 1278, un ban échevinal interdisait aux dominicains tout nouvel achat ou échange de propriétés immobilières et leur ordonnait de vendre dans l’année même les immeubles qui leur auraient été donnés sous peine de confiscation. PJ 55 : édition de AM Douai, AA 94, fol. 42 dans G. Espinas, Les finances…, op. cit., p. 448-449. Voir aussi ibid., p. 353-355.
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[84]
P. Bertrand, Commerce avec dame Pauvreté…, op. cit., p. 151.
-
[85]
AM Douai, BB 1, fol. 137.
-
[86]
AM Douai, BB 12, fol. 173.
-
[87]
AM Douai, BB 1, fol. 142 v°.
-
[88]
AM Douai, CC 842.
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[89]
Sans toutefois omettre le vin : en 1518, Charles Quint interdit à quiconque d’aller boire ou acheter du vin aux religieux (S. Blondel, La municipalité…, op. cit., t. 4, p. 626). Ainsi, pour le vin comme pour la bière, la ville et le prince agissaient de concert avec les producteurs et artisans laïcs afin de lutter contre la concurrence déloyale des productions religieuses, problématiques lorsque celles-ci empiétaient sur le marché urbain et l’approvisionnement de la population. Le soutien princier aux productions religieuses lorsque celles-ci restaient privées n’impliquait pas nécessairement un soutien total, surtout si les finances urbaines et princières (accises) en étaient trop affectées. Pour l’exemple, on notera les affaires concernant la gestion de la cave aux vins de Saint-Amé du xiiie à la fin du xve siècle : AM Douai, CC 831 à 835, CC 837 et 839 : les importants stocks de vin des chanoines de Saint-Amé étaient francs de tous droits tant qu’ils restaient attachés à l’église. De fait, parce qu’il y a eu abus et revente, les contrôleurs mandatés par l’échevinage étaient particulièrement vigilants et prêts à punir la moindre infraction. Concernant le stockage des tonneaux de vins et de bières en caves, on pourra consulter J.-D. Clabaut, Les caves de Douai : la construction civile au Moyen Âge, Villeneuve-d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2007, p. 124-134.