Notes
-
[1]
« Lettre de Mme Dubrulle-Spons d’Armentières à H.-C. Groussau », 22-02-1931, Archives départementales du Nord, Papiers de Henri-Constant Groussau (abrégé : AD Nord, Papiers Groussau), J 474, boîte 112.
-
[2]
« Lettre de l’abbé R. Tardivon de Couloutre à H.-C. Groussau », 25-09-1929, id.
-
[3]
Sur la question de la représentation, la France a adopté la théorie de Sieyès selon lequel « tout député, élu immédiatement par son bailliage mais médiatement, par la totalité des bailliages, est représentant de la nation entière » (discours du 7 septembre 1789 à l’Assemblée nationale constituante), cf. F. Furet, M. Ozouf et collaborateurs, Dictionnaire critique de la Révolution française, volume Acteurs, Paris, Champs/Flammarion, 1992, p. 307. Voir l’article 52 de la constitution de l’An III [« Les membres du Corps législatif ne sont pas représentants du département qui les a nommés, mais de la Nation entière… »] et l’article 34 de la constitution du 4 novembre 1848 [« Les membres de l’Assemblée nationale sont les représentants, non du département qui les nomme, mais de la France entière »].
-
[4]
Dans ce contexte, Gilles Le Béguec définit une « accélération du processus de démocratisation et du recrutement du personnel », cf. G. Le Béguec, « Les réseaux », dans Les Parlementaires de la Troisième République, J.-M. Mayeur, J.-P. Chaline et A. Corbin (dir.), Publications de la Sorbonne, Paris, 2003, p. 242. Jean Garrigues parle « d’une société marquée par la diffusion massive de l’information et du discours », dans J. Garrigues, « Les débuts de la Troisième République 1870-1914 : un âge d’or de l’éloquence parlementaire », Parliaments, Estates and Representation, vol. 31, n° 2, 2011, p. 178. Voir aussi : J. Garrigues (dir.), Histoire du Parlement de 1789 à nos jours, Paris, Colin, 2007, p. 289-314.
-
[5]
Voir aussi : M. Gauchet, « La droite et la gauche », dans Les Lieux de Mémoire. La République, La Nation, Les France, P. Nora (dir.), vol. 2, Les France : conflits et partages 1, Paris, Gallimard, 1997, p. 2556-2558.
-
[6]
Cf. F. Monier, La politique des plaintes. Clientélisme et demandes sociales dans le Vaucluse d’Édouard Daladier (1890-1940), Paris, Boutique de l’histoire, 2007 ; M. Van Ginderachter, « If your Majesty would only send me a little money to help buy an elephant : letters to the Belgian Royal Family (1880-1940) » dans Ordinary Writings, Personal Narratives : Writing Practices in 19th and early 20th-century Europe, M. Lyons (dir.), Bern, Peter Lang, 2007, p. 69-84 ; E. De Keulenaer, « Hij doet aanmerken dat hij van goed gedrag en zeden is ». Public en hidden transcripts in Oost-Vlaamse armenbrieven. 1882-1926, mémoire de maîtrise inédit, UGent, 2007 ; M. Beyen, « De politieke kracht van het dienstbetoon. Interacties tussen burgers en volksvertegenwoordigers in Parijs, 1893-1914 », Stadsgeschiedenis, vol. 7, 2012, p. 74-85 ; S. Suodenjoki, « Whistleblowing from Below : Finnish Rural Inhabitants’ Letters to the Imperial Power at the Turn of the Twentieth Century » dans Vernacular Literacies – Past, Present and Future, A.-C. Edlund, e.a. (dir.), Umeå, Umeå University, 2014, p. 279-293 ; C. Bouchard, Cher Monsieur le Président. Quand les Français écrivaient à Woodrow Wilson (1918-1919), Seyssel, Champ Vallon, Collection La chose publique, 2015.
-
[7]
J.-M. Mayeur, La Vie politique sous la Troisième République, Paris, Seuil, 1984, p. 277. Sur Constant Groussau, voir : M. Piat, Constant Groussau, conférencier et parlementaire du Nord et la défense religieuse de 1875 à 1914, mémoire de maîtrise inédit, Lille 3, 1990 ; B. Ménager, J.-P. Florin, J.-M. Guislin (dir.), Les Parlementaires du Nord – Pas-de-Calais sous la IIIe République, Villeneuve-d’Ascq, CRHEN-O – Lille 3, 2000 ; A. Join-Lambert, « La correspondance politique inédite de Constant Groussau, député catholique de 1902 à 1936 », Bulletin de l’AFHRC, juin 2000, p. 1-5 ; « Les droites septentrionales de la Belle Époque à la Deuxième Guerre mondiale : implantation locale et liaisons nationales », textes réunis par J. Vavasseur-Desperriers et J.-M. Guislin, Revue du Nord, no 370, avril-juin 2007 ; B. Ménager, « Constant Groussau universitaire et parlementaire (1851-1936) » dans Les « chrétiens modérés » en France et en Europe. 1870-1960, J. Prévotat et J. Vavasseur-Desperriers (dir.), avec la collaboration de J.-M. Guislin, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2013, p. 313-327.
-
[8]
F. Goguel, Géographie des élections françaises de 1870 à 1951, Paris, Colin, 1951, p. 9 ; M. Gauchet, op. cit. (5), p. 2556 ; J. Vavasseur-Desperriers, La nation, l’État et la démocratie en France au xxe siècle, Paris, Colin, 2000, p. 58-59 ; Y. Billard, Le métier de la politique sous la IIIe République, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 2003, p. 117-145 ; J. Garrigues (dir.), op. cit. (4), p. 299, 352-353.
-
[9]
M. Piat, op. cit. (7), p. 2 et 4.
-
[10]
« L’évêque de Cambrai à Groussau », AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 68, correspondance mentionnée par B. Ménager, « Constant Groussau … », op. cit. (7), p. 318-319.
-
[11]
Idem, p. 315-327.
-
[12]
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb328020951/date, consulté le 26-01-2016.
-
[13]
Journal officiel des débats parlementaires, Chambre des Députés, 19-06-1919, p. 2763.
-
[14]
Pour les Jésuites, cf. « Lettre de J. Havres de Versailles à H.-C. Groussau », 05-01-1920, AD Nord, Papiers Groussau, J474, boîte 45. Pour la Société du Sacré-Cœur, cf. « Lettre de la Supérieure M. Bernot de Lille à H.-C. Groussau », 25-10-1924, idem.
-
[15]
Par exemple : « Lettre de la Chambre syndicale des entrepreneurs d’Armentières et environs à H.-C. Groussau », 19-04-1932, idem, boîte 5.
-
[16]
A. Join-Lambert parle d’une partie principale de seulement 221 lettres et cartes, venant de 91 correspondants (1879-1933), car il fait la distinction entre une correspondance importante (avec des personnalités politiques), puis « les courriers et cartes de moindre intérêt », et encore « le reste » : félicitations, demandes de conférences et d’interventions diverses. Les lettres qui l’intéressent le plus ne sont pas retenues ici et vice versa, cf. A. Join-Lambert, op. cit. (7), p. 14-16.
-
[17]
D. Gardey, « Scriptes de la démocratie : les sténographes et rédacteurs des débats (1848-2005) », Sociologie du travail, vol. 52, 2010, p. 201 ; A.-L. Cermak, La poste pneumatique, un système original d’acheminement rapide du courrier : l’exemple du réseau de Paris des origines à sa suppression, 1866-1984, mémoire de maîtrise inédit, Paris IV-Sorbonne, 2003 ; M. Beyen, « De politieke kracht », op. cit. (6), p. 81.
-
[18]
Exemples : « Carte pneumatique d’E. Callot à H.-C. Groussau », 12-03-1925, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 45 ; « Carte pneumatique de P. Voreux à H.-C. Groussau », 07-03-1929, idem.
-
[19]
Cela semble avoir intimidé quelques auteurs de lettres, qui préféraient parler dans un endroit plus tranquille, cf. « Lettre d’E. Villette de Paris à H.-C. Groussau », 04-11-1903, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 38 ; « Lettre de Sœur Agnès de Jésus, Mère supérieure des Ursulines de Pau à H.-C. Groussau », 08-08-1924, idem, boîte 45 ; « Lettre de G. Bernoville de Paris à H.-C. Groussau », 04-07-1922, idem, boîte 81. (Comme journaliste et fondateur de la revue Les Lettres, cet écrivain catholique n’était pas vraiment un citoyen « ordinaire », mais il se trouvait plutôt entre le niveau de la politique formelle et le niveau de citoyens sans influence).
-
[20]
Par exemple : les pétitions de veuves de guerre remariées de 1931 (boîte 112) et des pétitions de diverses associations (informellement) organisées de 1933 (boîte 123) du Nord étaient souvent adressées à « Groussau, Député du Nord, 26 Rue Saint-Louis, Versailles », idem, boîtes 112 et 123.
-
[21]
« Lettre de L. Legrand de Tourcoing à H.-C. Groussau », 05-07-1906, idem, boîte 35.
-
[22]
« Lettre de G. Beguès, aumônier de la Visitation à Paris à H.-C. Groussau », 09-11-1913, idem, boîte 36.
-
[23]
« Lettres d’E. Villette de Paris à H.-C. Groussau », 04 et 10-11-1903, 17-12-1903 et 04-01-1904, idem, boîte 38. Les Lazaristes formaient une des congrégations autorisées, grâce à leurs missions, et donc à la représentation française à l’étranger, cf. J. Bocquet, « Les lois anti-congréganistes et leurs effets au Levant » dans Le Grand Exil des congrégations religieuses françaises. 1901-1914, P. Cabanel et J.-D. Durand (dir.), Paris, Cerf, 2005, p. 388.
-
[24]
Journal officiel, 02-02-1904, p. 221.
-
[25]
Idem, 23-02-1904, p. 478.
-
[26]
« Lettre d’E. Villette de Paris à H.-C. Groussau », 16-02-1905, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 38.
-
[27]
« Lettre d’A. Truffaut de Willems à H.-C. Groussau », 08-07-1910, idem, boîte 116.
-
[28]
B. Ménager, « Constant Groussau … », op. cit. (7), p. 315.
-
[29]
« Lettres concernant les déportations de jeunes gens, jeunes filles dans la région du Nord », AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 108. À ce sujet, voir A. Becker, Les Cicatrices rouges. 14-18. France et Belgique occupées, Paris, Fayard, 2010.
-
[30]
« Lettre de V. des Bonnets à l’hôpital temporaire de Berck-Plage à H.-C. Groussau », 14-08-1916, idem.
-
[31]
« Nécrologie », Journal de Roubaix, 17-08-1937, p. 7.
-
[32]
http://www.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche.asp?num_dept=434, consulté le 25-01-2016.
-
[33]
« Lettre de Sœur Joseph de Saint-Brieuc à H.-C. Groussau », 19-04-1916, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 46. Les lettres écrites par Sœur (et plus tard : Mère) Joseph entre 1916 et 1934 forment un dossier à part, ayant sa propre cote.
-
[34]
J. Baubérot, Histoire de la laïcité française, Paris, Presses Universitaires de France, 2000, p. 81-92.
-
[35]
« Lettre de Sœur Joseph de Saint-Brieuc à H.-C. Groussau », 19-04-1916, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 46.
-
[36]
Idem, 10-12-1914 et la réponse brouillon.
-
[37]
Idem.
-
[38]
« Lettres de brouillon de H.-C. Groussau de la Chambre des Députés à Paris à P. Gasparri et F. Tedeschini », juin 1916-1918, AD Nord, Papiers Groussau, J 474¸boîte 109.
-
[39]
Idem, 21-06-1916.
-
[40]
« Lettre de brouillon de H.-C. Groussau à R. Poincaré et A. Briand », 18-06-1916, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 109 ; « Lettre de R. Poincaré à H.-C. Groussau », 19-06-1916, idem, boîte 108.
-
[41]
« Copie de la lettre du Comité de Intérêts Économiques de Roubaix-Tourcoing à R. Poincaré et A. Briand », 15-06-1916, accompagnée d’une lettre à Groussau de 16-06-1916, idem.
-
[42]
« Lettre de M. Fisener de Roubaix à H.-C. Groussau », 11-02-1925, idem.
-
[43]
Idem, 14-11-1923.
-
[44]
Journal officiel, 02-02-1925, p. 495-496.
-
[45]
« Lettres de Marthe Fisener de Roubaix à H.-C. Groussau », 11 et 23-02-1925 et 13-09-1925, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 108.
-
[46]
Idem, 23-06-1925.
-
[47]
Idem, 13-02-1928.
-
[48]
Idem, 15-09-1928.
-
[49]
Idem, 15-10-1928.
-
[50]
Idem, 22-09-1929.
-
[51]
« L’Oiseau de France », L’Action française : organe du nationalisme intégral, n° 104, 15-04-1923, p. 4.
-
[52]
Par exemple : « Lettre d’A. Hecquet de Lille à H.-C. Groussau », 28-09-1920, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 110. En outre, cette lettre est un des exemples du phénomène où des citoyens du Nord envoyaient leur requête à l’adresse de Groussau à Paris. Groussau semble, décidément, avoir été plus souvent à Paris/Versailles que dans « son » département du Nord.
-
[53]
Idem, 05-10-1920.
-
[54]
Idem, 26-10-1920.
-
[55]
« Lettre de la veuve J. Willot de La Madeleine (Nord) à H.-C. Groussau », 30-08-1921, idem. Voir aussi le « Brevet de nomination de Chevalier de la Légion d’honneur pour Joseph Willot », décoré le 20-08-1921 par décret du 12-08-1921, Base de données Léonore, Ministère de la Culture. L’Oiseau de France, journal clandestin, publié en 1915-1916 dans la région de Roubaix et Lille fut fondé par Joseph Willot (pharmacien, professeur de médecine et pharmacie à la Faculté catholique de Lille), l’abbé Pinte (professeur de chimie à l’Institut technique de Roubaix) et Firmin Dubar (industriel roubaisien) qui furent arrêtés à la fin de 1916, condamnés et envoyés en captivité en Allemagne où l’état de santé du premier se dégrada. Il mourut peu après l’armistice et fut décoré de la Légion d’honneur (à titre posthume) ainsi que ses deux compagnons (plus tard, mais de leur vivant). Sur la presse clandestine, voir J.-P. Visse, La Presse du Nord et du Pas-de-Calais au temps de l’Écho du Nord (1819-1944), Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2004, p. 199 ; P. Nivet, La France occupée. 1914-1918, Paris, Colin, 2011.
-
[56]
Cf. par exemple : « Lettre d’E. Toulemonde de Roubaix au Ministre des Régions Libérées », 23-12-1921, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 110.
-
[57]
Par exemple : « Lettre des Filatures Boutry-Droulers à Fives-Lille à H.-C. Groussau », 08-01-1931, idem, boîte 107. En outre, cette lettre est un autre exemple où des citoyens du Nord envoyaient leur requête à l’adresse de Groussau à Versailles.
-
[58]
« Correspondance diverse échangée avec Groussau relative à des dommages à Armentières, Bousbecques, Comines, Fives, Halluin, Quesnoy-sur-Deûle, Pérenchies », 1919-1933, idem.
-
[59]
« Lettre de J. Dumortier de Comines à H.-C. Groussau », 06-07-1931, idem.
-
[60]
« Lettre de l’abbé E. Bourgeois de Loos-lez-Lille à H.-C. Groussau », 28-07-1920, idem, boîte 45.
-
[61]
« Lettre de Sœur Agnès de Jésus, Mère supérieure des Ursulines de Pau à H.-C. Groussau », 08-08-1924, idem, boîte 45.
-
[62]
« Lettre de M.P. Castillon de Montpellier », 06-11-1931, idem, boîte 123. Castillon se présente ainsi : « ancien Prof. de Théologie morale du cher Père Edmond, à Toulouse d’abord, à la fin de 1918, et à Enghien ensuite en 1919. Aujourd’hui, je m’occupe d’un petit groupe de Normaliennes officielles, à qui je voudrais révéler quelque chose des vérités et des beautés du christianisme ». Il s’attendait à une démarche de Groussau auprès du ministre de l’Instruction publique, Marius Roustan, au nom de l’équité (les mêmes règlements pour les Écoles Normales Primaires comme pour les Écoles Primaires Supérieures), comme Groussau l’avait déjà fait auprès du ministre de l’Intérieur, Louis-Jean Malvy en 1916 : « Il me souvient que, au début de 1916, étant recteur d’Hernani, en Espagne, j’eus recours à votre obligeance au sujet de mesures prises … contre les jeunes français qui voulaient aller chercher des Maîtres de leur choix : question de passe-ports [sic] que M. Malvy ordonnait d’exiger […] pour traverser la frontière, et qu’il ordonnait de refuser ». Voici donc un autre exemple d’« exilés » en Espagne. Castillon n’avait pas oublié l’empressement du député dans cette situation et il espérait une nouvelle démarche d’intermédiation auprès d’un ministre.
-
[63]
Par exemple : « Note du supérieur Masson de Saint-Clément à Blaugies (Hainaut, Belgique), à H.-C. Groussau », 08-08-1929, idem, boîte 45.
-
[64]
Par exemple : « Lettre de Marthe Fisener », 14-11-1923, op. cit. (43) : « vous avez une part bien grande dans mes imparfaites prières, ainsi que ces Messieurs, qui par votre bonne intervention, veulent bien s’intéresser à moi ».
Par exemple : « Lettre de Sœur Marie, Supérieure de St. Clément d’Angers à Loos (Nord), à H.-C. Groussau », 26-03-1923, idem, boîte 45 : « Soyez assuré, Monsieur le Député, que vous vous êtes acquis un droit à la constante gratitude de notre humble Communauté et que ce sera un réel besoin pour nos cœurs de vous la témoigner en vous donnant une part de nos prières quotidiennes ». -
[65]
Historienne de la culture française Martha Hanna explique que les journaux de pédagogie pour l’école primaire, qui étaient répandus dans la période 1880-1900, témoignent du poids donné à l’étiquette épistolaire dans le programme d’études élémentaires. Elle mentionne, par exemple, la Revue de l’enseignement primaire, cf. M. Hanna, « A Republic of Letters : The Epistolary Tradition in France during World War I » dans American Historical Review, vol. 108, n° 5, 2003, p. 1339.
-
[66]
« Vœux et félicitations adressés à Louis Marin, 1917-1936 », Archives Nationales, Fonds Louis Marin, 317AP, boîtes 235-242. Maurice Grisouard de Strasbourg, par exemple, écrivit le 30-03-1924, après l’élection de Marin comme le nouveau ministre des Régions libérées : « Vos compatriotes, et surtout ceux qui séjournent en Alsace, sont avec vous de cœur et d’esprit », cf. « Lettre de M. Grisouard de Strasbourg à L. Marin », 30-03-1924, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 235.
-
[67]
AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîtes 102, 103 et 107.
-
[68]
Idem, boîte 123.
-
[69]
« Lettre de brouillon de L. Marin de Paris à la Fédération des Commerçants & Industriels Mobilisés Français », 06-01-1921, idem, boîte 170.
-
[70]
J.-M. Mayeur, op. cit. (7), p. 299.
-
[71]
Cf. G. Charcosset, « Entre solidarité et clientélisme : un député du Rhône, Laurent Bonnevay (1902-1942) » dans Les solidarités 2 : du terroir à l’État, Actes du colloque à Bordeaux, juin 2002, P. Guillaume (dir.), Pessac, Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine, 2003, p. 469-483.
-
[72]
« Interventions pour des particuliers, par ordre alphabétique », 1930-1937, Archives Départementales de Seine-et-Marne, Fonds Jacques-Louis Dumesnil, 72J, boîtes 16-32 ; « Lettres de remerciements de particuliers », « Félicitations élections législatives » et « Correspondances reçues, 1914-1918 », 1902-1934, Archives Départementales du Rhône, Fonds Laurent Bonnevay, 10J, boîtes 22-25, 63-76.
-
[73]
F. Monier, op. cit. (6).
-
[74]
« Correspondance diverse d’associations ou de particuliers, 1921-1934 », AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 123.
-
[75]
« Lettres de onze veuves de guerre remariées », 21 à 23-02-1931, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 112.
-
[76]
É. Ducret, Le Secrétaire pour tous. Correspondance familiale, lettres d’affaires et de commerce, circulaires, pétitions, requêtes, formulaire des actes sous seing privé, etc. etc., Paris, A.-L. Guyot, s.d., p. 74. Pour une analyse de tels « secrétaires », voir : C. Dauphin, « Les manuels épistolaires au xixe siècle », dans La correspondance. Les usages de la lettre au xixe siècle, Roger Chartier (dir.), Paris, Fayard, 1991, p. 209-272.
-
[77]
« Lettres de onze veuves de guerre remariées », 21 à 23-02-1931, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 112.
-
[78]
« Circulaire de la Fédération Nationale des Veuves de guerre remariées », 23-02-1931, idem.
-
[79]
Par exemple : « Lettre de Mme Dubrulle-Spons d’Armentières à H.-C. Groussau », 22-02-1931, idem. Le dossier contient un accusé de réception de Groussau comme réaction type à toutes ces lettres. Dans cette réponse, il jugea leur situation « digne d’intérêt », mais il n’ajouta pas de promesses. En outre, une étude des débats parlementaires ne révèle pas une influence de ces requêtes, personnellement adressées au député du Nord, sur ses propos. Toutefois, l’absence d’un réel résultat ne doit pas être interprétée comme un manque de moyen de pression chez les citoyens, ici les femmes.
-
[80]
E. Hobsbawm, Een eeuw van uitersten : de twintigste eeuw, 1914-1991, Utrecht, Spectrum, 2000, p. 68-69 ; G. Eley, Forging Democracy. The History of the Left in Europe, 1850-2000, Oxford, Oxford University Press, 2002), p. 3-4, 220-222.
-
[81]
Exemples : concernant une béatification : « Lettre de Cornudet, vicaire général à Paris à H.-C. Groussau », 26-06-1924, idem, boîte 45 ; concernant des taxes : « Lettre de la Sœur Directrice de Filles de l’Enfant Jésus de Lille à H.-C. Groussau », 16-01-1923, idem ; concernant des décorations : « Lettre d’E. Toulemonde de Roubaix au ministre des Régions Libérées », 23-12-1921, idem, boîte 110 ; concernant des pensions : « Lettres de veuves de guerre remariées à H.-C. Groussau », 21 à 23-02-1931, idem, boîte 112.
-
[82]
M. Beyen, « Clientelism and politicization. Direct interactions between deputies and ‘ordinary citizens’ in France, ca. 1890-ca. 1940 », Tidsskrift for historie, vol. 8, 2014, p. 17-32.
-
[83]
J. Baubérot, Histoire de la laïcité, op. cit. (34), p. 87-90.
-
[84]
« Lettre de Sœur Saint-Antonin de la Congrégation de Filles du Saint-Esprit de Saint-Brieuc à H.-C. Groussau », 24-01-1934, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 46.
-
[85]
S. Suodenjoki, op. cit. (6), p. 289.
-
[86]
Cela se trouve le plus dans les archives de Bonnevay, après qu’il avait influencé l’obtention de pensions, d’un sursis militaire, d’une mutation, etc., par exemple : « Lettre de veuve Berchoux de Tarare (Rhône) à L. Bonnevay », 11-07-1910, Archives Départementales du Rhône, Fonds Bonnevay, 10J, boîte 22.
« Sur les instances d’un fonctionnaire socialiste, je m’adresse à Vous. Vous êtes lésé, m’a-t-il dit. Réclamez ; mais réclamez par voie de Député ou de Sénateur ; voire même par voie d’Avocat. »
1Le 25 septembre 1929, l’abbé Robert Tardivon, un curé pensionné de Couloutre (Nièvre) s’adressa ainsi à Henri-Constant Groussau, député, appartenant à l’Union républicaine démocratique (droite républicaine), élu de la 10e circonscription du Nord (cantons de Tourcoing-Nord, Quesnoy-sur-Deûle et Armentières) et connu pour son engagement catholique. À première vue, cet ecclésiastique et Groussau ne semblaient alors pas avoir beaucoup de choses en commun, si ce n’est leur religion. Néanmoins, l’abbé décida de contacter Groussau, car il avait l’impression de ne pas pouvoir poser sa question à un autre parlementaire représentant son propre département puisque, estimait-il, « on vote si mal en Nivernais ». D’après lui, Groussau était le « défenseur des justes causes », ce qui lui faisait espérer l’aide nécessaire, après s’être heurté pendant des mois à un mur. L’abbé Tardivon avait déposé une demande de péréquation de sa pension de retraite, mais ses appels continuaient à échouer devant les bureaux qui devaient les traiter, ce qui lui faisait soupçonner malice. Cela faisait déjà deux ans qu’il avait constaté que sa pension ne correspondait pas à ce qu’il devait percevoir et qu’il avait vainement réclamé réparation pour ce préjudice. L’abbé prétendait avoir été lésé de quatre cents francs par an, pendant quatre ans. Selon lui, cette fois, l’injustice était encore plus grande. Voilà pourquoi il s’adressait à Groussau et osait lui demander explicitement de lui faire rendre justice.
2Après cette requête toute personnelle, l’ecclésiastique haussait son propos à un niveau supérieur, en constatant qu’il ne devrait pas en être ainsi, puisque la vraie démocratie, comme en Amérique, « où on ne fait acception de personne », lui aurait donné la possibilité de « faire valoir ses droits, sans intermédiaire ». Il n’était pourtant pas un citoyen américain, ce qu’il déplorait à cause du « triste » gouvernement et de la « triste » démocratie de son pays. Il avait donc honte de se dire français. En justifiant sa requête personnelle pour sa pension avec des références à des valeurs plus abstraites – la démocratie, la puissance d’agir des citoyens et de faire valoir leurs droits –, il faisait preuve d’une conscience et d’un engagement politiques relativement élevés [2].
3Cet exemple remarquable jette non seulement une lumière sur le caractère complexe de la notion de démocratie, mais aussi sur les multiples interprétations possibles d’une bonne représentation parlementaire et sur les attentes de citoyens à ce sujet. Être député, c’est être représentant d’une partie de la population mais aussi, et surtout – du moins en théorie – de toute la nation [3]. Mais comment mettre en pratique la représentation et qui représenter ? Des interrogations subsistaient notamment auprès des élus de la fin du xixe et du début du xxe siècle, époque de la professionnalisation et de la démocratisation de la représentation parlementaire, dont la pratique était devenue moins éloignée des citoyens en raison du développement d’une presse libre [4]. De ce rapprochement résulta un équilibre instable entre l’idéal d’une représentation de l’intérêt général et les attentes d’une représentation des intérêts régionaux ou même particuliers [5].
4La lettre remarquable de l’abbé Tardivon ainsi que d’autres pièces de la correspondance passive de Constant Groussau permettent d’aborder plusieurs thèmes reliés, riches d’interrogations. Premièrement, quelle était la nature des interactions entre citoyens et députés français, lors des premières décennies du xxe siècle ? Comment les citoyens s’adressaient-ils à leurs députés et quels réseaux leur étaient accessibles pour pouvoir les contacter ? Deuxièmement, comment était perçu l’élu Groussau – et son activité d’intermédiation – par ses correspondants, appartenant ou non à son électorat ? Troisièmement, l’image de l’élu du Nord construite par les auteurs de lettres était fortement liée à leurs motivations pour le contacter. Comment alors les différents rôles du député étaient-ils construits interactivement avec ses correspondants ? Et finalement, que nous apprend le contenu même des requêtes ? Les espoirs et les attentes exprimés par les auteurs de lettres apportent un éclairage sur la connaissance et la conscience politiques de « citoyens ordinaires », hommes et femmes de n’importe quelle classe et sans mandat politique. Il convient d’admettre que la lettre de l’abbé Tardivon est un exemple exceptionnel par sa référence à la notion de démocratie et à son interprétation. Mais de telles références aux valeurs abstraites de la République et de sa politique, étaient-elles si rares à l’époque ?
5Une telle analyse de lettres de « citoyens ordinaires » s’inscrit dans la tendance actuelle d’étudier la politisation from below [6]. Bien que les réelles influences d’en bas sur le processus décisionnel politique soient incertaines, ce genre d’études offre de nouvelles pistes pour mieux comprendre les perceptions et les attentes des citoyens au sujet des autorités, de la politique nationale et de leur propre place dans les réseaux sociaux-politiques. C’est aussi le but de cette contribution, qui – à l’aide de la correspondance passive du député Groussau, dépouillée aux Archives départementales du Nord – abordera les quatre thèmes esquissés ci-dessus (II, III, IV, V). Avant de faire un zoom sur les possibilités des « citoyens ordinaires » de contacter un parlementaire et les réseaux accessibles pour ce faire (II), il convient de présenter préalablement Constant Groussau (I).
I – Groussau, représentant du Nord et de toute la nation
6Groussau, professeur de droit administratif aux facultés catholiques de Lille, député de 1902 à 1936 (Lille 9 1902-1919, Nord 1919-1928, Lille 10 1928-1936), commença sa carrière politique sous l’étiquette de républicain libéral, comme catholique rallié à la République, appartenant à l’Action libérale populaire, dans une Chambre dominée par le Bloc des Gauches. Après la guerre, dans la Chambre bleu horizon, il s’inscrivit au groupe des Indépendants puisque la Fédération républicaine du Nord, de tendance centre droit, l’avait jugé trop clérical pour l’inclure dans ses rangs. À partir des élections de 1928, il siégea au sein de l’Union républicaine démocratique, « expression parlementaire de la Fédération républicaine », c’est-à-dire l’aile droite de la majorité poincariste [7].
7L’évolution de ces étiquettes est d’abord la preuve de la fluidité des « partis » politiques français modérés qui avaient plutôt représenté des « tendances » au début de la Troisième République. Le premier véritable parti politique, de masse, fut fondé en 1905, à gauche : c’était la SFIO (la Section française de l’Internationale ouvrière). Ailleurs sur l’échiquier politique, il s’agit de structures plus lâches, de partis de cadres, apparus toutefois plus tôt : le parti républicain radical et radical-socialiste (1901), l’Alliance républicaine démocratique (1901, centre), l’Action libérale populaire (1902, catholiques ralliés) et la Fédération républicaine (1903, droite républicaine) [8]. L’évolution de l’étiquette politique de Groussau s’inscrit dans cette complexité, mais elle peut également indiquer une certaine modération de ses points de vue politiques et religieux, même s’il restait toujours à droite dans l’éventail parlementaire.
8Le député du Nord a accru son autorité par son dévouement à son idéologie, qu’il a défendue courtoisement mais vivement au parlement. Il s’est investi dans les commissions comme dans les débats parlementaires, surtout pour défendre la liberté des congrégations et la liberté de l’enseignement. Le mémoire de maîtrise de Manfred Piat montre que, lors des débuts de sa carrière politique, Groussau avait acquis une certaine réputation et était parvenu à gagner le respect, même de la majorité de radicaux anticléricaux [9].
9Dans son article sur la carrière de Groussau, Bernard Ménager se fonde sur les débats parlementaires – ses discours ainsi que sur des jugements portés par ses collègues – qui le mènent à conclure que le député pouvait en effet être considéré comme un catholique relativement modéré, malgré son intransigeance envers les lois qui réglementaient les congrégations. L’historien se réfère également à un mémoire que le député avait écrit en 1920/1921, à l’instigation de l’archevêque de Cambrai, demandé par le Nonce et portant sur la révision de la loi de Séparation des Églises et de l’État. Ce texte montre la permanence de la méfiance de Groussau envers cette mesure (et le pouvoir qu’elle donna au Conseil d’État) ainsi qu’à l’égard des autres lois de laïcisation même jusqu’au début des années 1920, une période où la tension entre la République et le Vatican commença à diminuer [10]. Néanmoins, Bernard Ménager remarque que le langage constructif de Groussau – sa courtoisie et sa façon d’interpeller son adversaire sans vouloir le déstabiliser – faisaient de lui un parlementaire modéré. En outre, il constate que son image de défenseur des intérêts du Nord se superposa – dès sa présidence de la commission des régions libérées en 1919 – à celle de défenseur de l’Église, ce qui lui permit de sortir du ghetto de la Droite catholique [11].
10Ce que les sources de Bernard Ménager et de Manfred Piat ne montrent pas, c’est la perception du rôle de Groussau par les « représentés ». La représentation est pourtant un processus interactif pour lequel on doit également tenir compte des voix « d’en bas ». Un tel renversement d’approche vers les espoirs et les demandes des citoyens ne doit pas nécessairement être interprété dans le cadre un peu trop étroit du clientélisme politique, mais plus largement, comme une étude de la réciprocité du processus de représentation parlementaire. Afin de pouvoir répondre véritablement à la question « qui étaient en fait les représentés ? » – en l’occurrence, des gens du Nord, des religieux, ou encore d’autres groupes – on doit dépeindre le versant des « citoyens ordinaires » dans ce processus interactif, objet de cette contribution. Dans ce contexte, le concept de « citoyens ordinaires » est choisi au lieu d’« électeurs », pour inclure des groupes subalternes, qui n’avaient pas de leviers sociaux-politiques, comme des femmes. La dénomination « ordinaire » doit être interprétée dans son sens non pas normatif, mais dans le sens le plus large, renvoyant à chaque personne qui n’était pas active sur le plan politique. Ce groupe peut alors comprendre des paysan(ne)s, des ouvriers/-ères, des instituteurs/institutrices et des femmes aux foyers, mais également des membres de la haute-bourgeoisie et du clergé (des avocats, des industriels, des religieux/-ses de tous rangs), etc. Ces deux derniers groupes étaient bien représentés dans la correspondance de Groussau.
11Les conclusions de Bernard Ménager sont-elles confirmées par l’étude de la correspondance passive du député catholique ? L’exemple de l’abbé Tardivon, du moins, témoigne d’une certaine persistance de l’idée selon laquelle Groussau était le défenseur de l’Église. La référence abstraite aux justes causes défendues par l’élu révèle l’importance de son image comme avocat des causes catholiques, au-delà des frontières départementales. En outre, la flexibilité de ses affiliations partisanes lui a donné une certaine marge de manœuvre pour remplir sa tâche de représentant assez librement, un représentant assez aisément accessible.
II – Comment s’adresser à un député ? Les réseaux accessibles aux « citoyens ordinaires »
12En tant que député, Groussau était le porte-parole de « citoyens ordinaires » en public, au Palais-Bourbon. Pourtant, certaines affaires étaient plutôt destinées à être résolues par des correspondances et des entretiens privés, sa voie préférée, semble-t-il, pour transmettre les demandes de renseignements spécifiques, formulées par des citoyens, au ministère approprié. Les questions posées aux ministres par la voie parlementaire, semblent avoir été moins fréquentes de sa part. Cela ne veut pas dire qu’il était indifférent à la politique du gouvernement puisque, également, il fit des commentaires, proposa des amendements et lança des interpellations [12]. Ainsi, le 19 juin 1919, il interpella le gouvernement sur les mesures qu’il comptait prendre, pour assurer sans retard aux victimes civiles de la guerre les réparations qui leur étaient dues [13]. Les préoccupations individuelles ou de groupes de citoyens, en revanche, étaient plus souvent destinées à la correspondance privée. Pourtant, si l’existence d’une congrégation était directement menacée pendant les débats parlementaires, les sœurs et les frères s’attendaient à ce que Groussau les défende directement sur ce forum [14]. Les associations patronales, elles aussi, demandaient parfois aux députés d’intervenir à la Chambre (surtout dans les années 1930) [15], mais la plupart des « citoyens ordinaires », à titre individuel, semblent avoir préféré une communication et une solution hors des regards publics.
13Si l’on compte chaque note, écrite sur une petite pièce de papier ou sur une carte de visite, et toutes les félicitations, informations, questions et plaintes, les archives de Groussau comprennent environ mille messages venant de citoyens, rassemblées dans des dossiers thématiques, avec une prépondérance des thèmes religieux (voir infra) [16]. Même en tenant compte du caractère probablement sélectif et donc incomplet de ces sources, il est toutefois possible de se former une idée des réseaux qui étaient accessibles aux citoyens pour pouvoir contacter le député.
14Les services parlementaires offraient un support logistique pour faciliter l’accès aux députés. Au système des tubes pneumatiques souterrains à Paris, mis en service à partir de 1866, un lien supplémentaire fut ajouté en 1890, entre le Palais-Bourbon et le service du Journal officiel, qui reproduisait les comptes rendus des débats du Parlement : la poste pneumatique parlementaire. Elle permet l’envoi rapide des notes sténographiques des débats des Chambres à l’imprimerie du Journal officiel [17] et est également mise à la disposition des « citoyens ordinaires ». Par la voie d’un pneumatique, ils pouvaient rapidement fixer un rendez-vous avec un parlementaire. Sur un document pré-imprimé, le demandeur devait indiquer le moment souhaité et noter le nom du député. En outre, quelques lignes étaient prévues pour donner plus d’informations sur le motif de l’entretien personnel. La formulation pré-imprimée « pour lui demander… » devait inciter le requérant à écrire une question spécifique, mais en général, les demandeurs restaient vagues sur leurs intentions. Puisqu’il ne s’agissait pas d’un document strictement personnel, la plupart du temps, les mandants n’exprimaient que le désir de demander un conseil ou de transmettre des informations.
15Ensuite, le message était envoyé à la salle des débats du Palais-Bourbon dont la sécurité relevait de la responsabilité des huissiers. Quand un débat risquait de dégénérer, ils devaient calmer les esprits ; mais ils agissaient aussi comme messagers car ils recevaient les requêtes des citoyens. Si le député, dont le nom se trouvait en haut de la carte pneumatique, était présent dans l’hémicycle, l’huissier pouvait lui passer le message. Sinon, la carte était retournée au demandeur, qui avait dû laisser son adresse sur le document [18].
16Souvent, les premiers contacts étaient noués à distance, par la voie d’une lettre normale, envoyée de l’adresse du « citoyen ordinaire ». Il ou elle pouvait élaborer plus librement les motifs de sa requête, sans devoir faire de déplacement à la Chambre. Pourtant, souvent, les citoyens préféraient un entretien personnel à la correspondance, parfois jusqu’à créer un encombrement dans les couloirs du Palais-Bourbon [19]. Une fois que le député était au courant de la situation, il était plus facile de garder le contact par courrier. Toutefois, il n’était pas toujours possible de nouer préalablement des contacts personnels, même si les auteurs de lettres étaient des habitants du Nord, puisque Groussau n’était pas régulièrement présent dans « son » département. Déjà tôt dans sa carrière, des « citoyens ordinaires » avaient pris l’habitude d’envoyer leurs lettres à son domicile versaillais ou au Palais-Bourbon. Ceci était aussi le cas pour les gens de sa propre circonscription [20]. Malheureusement, les enveloppes ont été rarement conservées et l’adresse de l’élu n’était pas toujours mentionnée sur la lettre même. Néanmoins, les sources préservées conduisent à penser, surtout dans la période de l’entre-deux-guerres, que Groussau était plus souvent à Paris/Versailles, où il essayait de défendre et de promouvoir les intérêts de « sa » région endommagée par la guerre, et ceux de « sa » religion touchée par les lois laïques.
17Le député du Nord reçut des requêtes venant de différents lieux du pays, la proximité idéologique étant plus importante que son ancrage local. Comparé à d’autres députés de sa génération, plutôt à gauche de l’éventail politique et représentant un district rural, ce détachement par rapport à sa circonscription électorale était exceptionnel, se manifestant même d’une manière physique. Il tenait des permanences (i.e. des jours de consultation) chez lui à Versailles, où il était proche du Palais-Bourbon, plutôt qu’à Tourcoing où il aurait été pourtant au milieu de ses électeurs. Ludovic Legrand, un avocat au barreau de Lille, habitant à Tourcoing, savait déjà en 1906 qu’il devait contacter le député hors de son département. Après avoir espéré, en vain, le rencontrer lors de son passage à Paris, il lui expliqua sa question concernant la liquidation des congrégations dans une lettre, adressée au « Député du Nord, Le Chesnay, Versailles » [21]. Il convient d’évoquer plus précisément l’activité d’intermédiation de ce dernier pour essayer de percevoir l’image qu’en avaient ses concitoyens.
III – L’activité d’intermédiation du député Groussau
A – Face au Bloc des gauches : la stratégie d’ajournement
18Depuis le début du xxe siècle, Groussau était connu comme « le grand défenseur des causes catholiques », parmi les aumôniers, les abbés et d’autres religieux [22]. Il devait cette image à ses démarches entreprises à la suite des requêtes concernant les lois de laïcisation. Son engagement politique et son expertise concernant le droit des religieux avaient vite attiré l’attention de certains citoyens. Professeur de droit administratif, il avait fondé en 1893 la Revue administrative du culte catholique et ses qualités de jurisconsulte étaient très appréciées. Ainsi, déjà en novembre 1903, le procureur général de la Congrégation de la Mission des Lazaristes, E. Villette, souhaita recevoir des informations de la part de Groussau, sur la liquidation des congrégations et, spécifiquement, sur la réallocation d’un immeuble des Lazaristes. Il avait d’abord voulu lui en parler à la Chambre, mais, jugeant opportun de choisir un endroit plus discret, il n’avait pas donné suite à cette idée. N’ayant pas encore reçu de réponse, Villette écrivit, quelques jours plus tard, une nouvelle lettre, plus pressante, car l’intention du gouvernement de désaffecter la maison-mère de sa congrégation l’inquiétait énormément. Groussau répondit qu’il avait vu Bienvenu Martin, un des deux rapporteurs de la proposition de loi concernant la désaffection des immeubles domaniaux appartenant à des congrégations religieuses. Le député savait donc de première main que cette proposition n’avait pas encore été examinée en commission. Pour pouvoir en parler en discrétion, il proposa une rencontre dans la maison-mère des Lazaristes à Paris. Lors de cet entretien, Groussau conseilla à Villette d’envoyer un mémoire, portant sur les buts poursuivis par cette congrégation, au ministère des Affaires Étrangères et à la Direction des Cultes qui dépendait du ministère de l’Intérieur.
19Peu après, Villette exprima ses regrets « d’être réduit à l’impuissance » et ses soucis relatifs à l’avenir de sa congrégation. Ses inquiétudes étaient ravivées par un article paru dans Le Temps qui semblait indiquer que la décision de désaffection avait déjà été prise. En pièces jointes, Villette attacha l’article et un mémoire, contenant des renseignements qu’il jugeait pouvoir être utiles à Groussau pour développer sa défense. En expliquant que c’était « en février au plus tôt que viendrait la discussion » de la proposition, l’élu essaya de rassurer Villette. Néanmoins, début janvier 1904, ce dernier lui écrivit de nouveau afin de le tenir au courant de la promesse d’un autre député (dont le nom n’était pas mentionné) « de chercher le moyen de faire écarter la mise à l’ordre du jour et par suite d’éviter toute discussion publique » à ce sujet. Cela confirme la décision des Lazaristes d’utiliser aussi cette tactique habile, grâce à l’aide de Groussau. Celui-ci répondit que c’était « évidemment la meilleure des manœuvres » [23]. Les paroles du président de la Chambre, lors de la séance du 2 février 1904, apportent la preuve de la contribution du député du Nord dans l’ajournement de la proposition de loi qui fut « mise à l’ordre du jour sous la réserve qu’il n’y aurait pas débat. M. Groussau s’étant fait inscrire, il y a[vait] lieu de la retirer de l’ordre du jour ». Antérieurement dans cette séance, six projets de loi d’intérêt local avaient déjà été adoptés sans discussion, mais la proposition de loi des deux rapporteurs – le républicain-radical de l’Yonne Bienvenu Martin et le radical-socialiste de la Nièvre Alfred Massé – dont parla Villette, ne pouvait pas passer inconditionnellement et nécessitait un ajournement de la discussion. En fait, c’était un ajournement définitif, car cette proposition n’apparut plus sur l’agenda de l’Assemblée [24].
20La survie et la latitude des congrégations françaises étaient pourtant menacées autrement : le 23 février 1904, Émile Combes, président du Conseil et ministre de l’Intérieur et des Cultes voulut inscrire à l’ordre du jour le projet de loi relatif à la suppression de l’enseignement des congrégations. Groussau réagit en utilisant la même stratégie qu’auparavant : il pria la Chambre de ne pas se prononcer à ce sujet, puisque la commission de l’enseignement n’avait pas encore terminé ses travaux [25]. Encore en 1905, retarder la discussion à la tribune était la stratégie préférée et suggérée par Villette qui demanda à Groussau de plaider sa cause, tout particulièrement auprès du ministre des Affaires étrangères, Théophile Delcassé [26].
21Avant la Grande Guerre, des citoyens faisaient également appel à l’intermédiation de Groussau en sa qualité de membre de commissions parlementaires. Ainsi, Alphonse Truffaut des filatures de lin Truffaut-Buisine à Willems – dans l’arrondissement de Lille, mais en dehors de la circonscription de Groussau – s’adressa le 8 juillet 1910 à ce dernier parce qu’il pensait que le député nordiste pourrait réussir à défendre ses intérêts dans la commission de la mutualité. Truffaut lui expliquait un cas « unique, mais qui pourrait se généraliser ». Selon lui, la Société de Secours mutuel de Saint-Martin (cf. l’église Saint-Martin d’Esquermes à Lille), dont il était le président et dont le médecin était un catholique, était froissée par l’attitude de la municipalité socialiste à son égard. Alors qu’une autre société mutualiste avait obtenu une subvention annuelle de 400 F, la sienne n’avait rien reçu. Implicitement il suggéra que c’était une question de mauvaise volonté de la part de la municipalité, en raison de son obédience catholique. Non seulement la participation de Groussau à la commission mais aussi son engagement catholique étaient donc d’une grande importance pour l’auteur de la lettre. Puisque le niveau municipal était déficient, « [l]e pays devenant de plus en plus mutualiste », Truffaut jugeait souhaitable que la Chambre des députés fasse « une loi obligeant les municipalités à subventionner les mutualistes » quelle que soit leur orientation politique et/ou philosophique. Si une municipalité manquait à ses devoirs, c’était aux députés de prendre les choses en mains.
22Pour justifier sa demande et pour marquer l’importance de ce cas particulier, Truffaut terminait sa lettre en replaçant son propos dans un cadre plus large et plus élevé. Il expliquait que le but de sa lettre était d’attirer l’attention de Groussau « sur les injustices qui se commettent dans les petits villages et dont souffrent ceux qui défendent les idées de justice et d’égalité ». Attacher des valeurs plus générales à une histoire individuelle était une habile précaution, puisque Groussau promit de s’en occuper [27].
B – Pendant la Grande Guerre : un intermédiaire vigilant et attentionné
23Quand la Grande Guerre éclata, Groussau se trouvait dans la capitale ; il lui fut impossible de retourner dans le Nord pendant toute la durée du conflit [28]. Il resta donc à Paris et à Versailles où il était tenu informé de la situation des régions occupées (parmi lesquelles se trouvait « son » département) par des habitants restés sur place qui, dans leurs courriers, pouvaient exprimer leurs préoccupations, particulièrement depuis les déportations de 1916 [29]. Le 14 août 1916, par exemple, le docteur Victor des Bonnets, médecin-chef de l’hôpital temporaire n° 101 à Berck-Plage (Pas-de-Calais), lui adressa une lettre de doléances dans laquelle il exposait la situation intolérable des régions envahies. Il y avait des « évacuations » « à but humanitaire » (comme le disaient les autorités allemandes) qui étaient plutôt des « enlèvements » (comme le disaient les gens de la région affectée) ainsi que des vols de biens matériels. Le praticien jugeait nécessaire que Groussau fît connaître ces faits aux Français par la voie de la presse et en informât le Vatican. La vérité devait être connue et faire pièce aux mensonges répandus par les autorités allemandes. Le député du Nord lui semblait la personne indiquée : « en votre qualité de député, de défenseur naturel de nos pauvres parents et amis restés en pays envahi, vous êtes bien placé pour le faire ». Pour ne pas mettre sa famille en danger, Victor des Bonnets ne voulait pas que son nom fût cité et il considérait Groussau comme un intermédiaire discret et accessible pendant la guerre. Dans cet exemple, il apparaît bien comme le médiateur entre des citoyens des régions envahies d’une part, le Saint-Siège et la presse d’autre part, et également comme un élu vraiment entreprenant envers les autorités religieuses et nationales [30]. Le docteur des Bonnets ne donnait pas les raisons pour lesquelles il avait choisi d’écrire à Groussau plutôt qu’à un député de Pas-de-Calais. Son avis de décès, publié dans la rubrique nécrologique du Journal de Roubaix du 17 août 1937, montre qu’il était originaire de Tourcoing, « sa » paroisse où il avait été interne des hôpitaux et où il avait présidé le Syndicat Médical. Il devait donc avoir connu Groussau, dont il appréciait les convictions et la vigilance [31].
24Pendant la guerre, et parfois à cause de la guerre, d’autres problèmes, en dehors des régions envahies, amenèrent le député du Nord à intervenir en tant que défenseur du clergé catholique français. Il n’était pas élu en tant que tel, mais c’était le rôle qui lui était implicitement attribué en raison de ses médiations en faveur des congréganistes partout en France. Le 19 avril 1916, Sœur Joseph du Sacré-Cœur, Fille du Saint-Esprit, établie à Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord), remit une lettre pour Groussau « aux bons soins de Sœur Anna », dans laquelle elle donnait des renseignements sur un texte attaché en pièce jointe qui devait être communiqué à Maurice Barrès. S’étant opposé à la loi dite de Séparation des Églises et de l’État (1905), cet illustre député non-inscrit de la Seine, était politiquement assez proche de son collègue septentrional. En outre, cet écrivain, connu comme grand patriote, chantre de l’Union sacrée, siégeait au comité du secours national [32]. Il n’était donc pas étonnant que Sœur Joseph ait voulu attirer l’attention de cette personnalité éminente afin qu’elle utilisât « sa plume vengeresse » envers les « tyranneaux de l’Académie », c’est-à-dire les inspecteurs pédagogiques. En effet, pour pallier le manque d’instituteurs lié à la mobilisation, Sœur Adélaïde s’était chargée de la lourde tâche d’enseigner, dans l’école de Pommeret, à une classe de 98 élèves, bien qu’elle eût subi autrefois une expulsion manu militari pour « un délit d’enseignement ». On aurait dit que la guerre avait « transformé ce délit en bienfait » ; toutefois, Sœur Adélaïde devait cesser son activité pédagogique sous peine d’amende et, en cas de récidive, elle était passible d’une nouvelle amende et d’un emprisonnement [33].
25Cet exemple doit être interprété dans le contexte des lois sur la Séparation des Églises et de l’État et sur la liquidation des congrégations enseignantes (votées en 1901, 1904 et 1905). La dispersion des congrégations impliqua que leurs édifices devenaient la propriété de l’État. Le Conseil d’État ou le préfet pouvaient se prononcer sur l’utilité des édifices pour les mettre à la disposition des congrégations autorisées, selon leurs missions charitables, hospitalières ou contemplatives. En revanche, conformément à la loi du 7 juillet 1904, il leur était interdit d’enseigner, excepté outre-mer. Il s’agissait donc de lois sévères pour les congréganistes, qui laissaient toutefois la possibilité à la résistance, puisque la liberté de l’individu et la liberté de conscience étaient toujours garanties (de par la loi de 1905). Les écoles fermées pouvaient être rouvertes avec des enseignants sécularisés, mais plus de trente mille congréganistes choisirent l’exil. Ce n’est que pendant et après la Grande Guerre que certains d’entre eux/elles osèrent revenir en France, leurs tâches charitables et hospitalières étant des plus utiles [34].
26Ce qui nous intéresse ici, c’est surtout le réseau d’intermédiaires par lequel les auteurs des lettres et le récipiendaire ont dû passer. Avec son évêque, Sœur Joseph estimait nécessaire que Barrès fustige ces inspecteurs, ces « Boches de l’intérieur », un terme qu’elle n’utilisa que dans sa lettre à Groussau, écrite au nom de l’évêque. Dans cette correspondance, elle lui demandait de « bien vouloir mettre le rapport joint sous les yeux de M. Barrès » et « d’attirer aussi sur ce fait l’attention d’un ministre quelconque ayant la qualité pour calmer les ardeurs de nos gens ». Ce n’est que dans la lettre destinée au député du Nord, et non dans le rapport officiel, que le nom du village et celui de la Sœur étaient mentionnés. Dans le rapport destiné à Maurice Barrès, seules les lettres initiales P. et A. étaient utilisées. En outre, Sœur Joseph expliquait que l’affaire se passait dans les Côtes-du-Nord, mais qu’« il n’y aura[it] pas lieu de nommer le département ». Cette dernière partie fut soulignée au crayon bleu par Groussau qui sembla attacher de l’importance au maintien de la discrétion nécessaire dans ce dossier [35].
27Bien que des lettres écrites par des religieux/-ses aient constitué la majorité de la correspondance avant-guerre de Groussau, c’est particulièrement à partir du premier conflit mondial que leurs requêtes furent des plus impératives et compliquées, insistant les différences – génératrices de tensions – entre la législation et la pratique. Le début de la guerre ouvrit la fenêtre à des interprétations alternatives des lois et décrets sur la laïcisation de l’éducation. La loi du 7 juillet 1904 avait accordé aux congrégations enseignantes et mixtes une période de transition de dix ans, avant qu’elles dussent fermer leur dernière école. Après la fermeture, les congrégations mixtes avaient encore six mois pour rédiger leurs statuts, sans mention d’une tâche éducatrice. La date limite de la régularisation des congrégations mixtes fut donc troublée par la guerre, dont une fin imminente paraissait de plus en plus improbable. Que faire dans ces circonstances particulières ? Groussau semblait la personne indiquée pour éclairer la situation. Dans la correspondance du mois de décembre 1914 entre Sœur Joseph et le député, ce dernier s’était déjà montré un expert prudent en cette matière. Il avait seulement entrepris des démarches et demandé des explications à partir du moment où le ministre de l’Intérieur avait donné des instructions aux préfets. Le ministre avait assuré Groussau que la demande des statuts était « une simple invitation » et « qu’aucune sanction n’était envisagée » [36]. Cette démarche vigilante peut expliquer pourquoi la Sœur contacta Groussau au lieu de Barrès quelques années plus tard. Pendant la guerre, le député du Nord était donc vu comme un intermédiaire accessible, compétent et obligeant entre les citoyens et le gouvernement. Sa circonscription électorale avait peu d’importance : les requêtes faisaient appel à l’expertise de Groussau. En outre, la guerre faisait fi des frontières départementales. Comme le territoire électoral du député nordiste, une des communautés des Filles du Saint-Esprit souffrit aussi « de l’invasion des Barbares » [37].
28Le courrier de guerre entre l’élu et des « citoyens ordinaires » est perdu pour sa plus grande partie, mais sa correspondance avec des autorités, résultant des renseignements qu’il avait reçus « d’en bas », est conservée, et des lettres ultérieures témoignent de son engagement pendant le conflit. Ainsi, les échanges épistolaires entre Groussau et le Saint-Siège jettent une lumière sur les démarches du second, entreprises à l’instigation du premier en 1916-1918, pour faire rapatrier des prisonniers de guerre [38]. Le parlementaire considérait ces démarches comme un devoir parce que ces « transportations » n’étaient pas seulement un danger pour la santé physique des jeunes gens impliqués, mais aussi parce qu’elles menaçaient l’état moral (dans toute l’acception du terme) de l’ensemble de la population. Pour souligner ce danger, il reprenait la comparaison entre ces déplacements forcés et « toute la barbarie des négriers » faite par Émile Toulemonde, président du Comité des Intérêts économiques de Roubaix-Tourcoing, un de ses correspondants et « compatriotes » [39]. Il avertit également Raymond Poincaré, le président de la République (1913-1920), et Aristide Briand, le président du Conseil (octobre 1915-mars 1917), de ces « faits d’odieuse barbarie » [40]. En outre, les lettres du Comité des Intérêts économiques de Roubaix-Tourcoing lui donnèrent les informations nécessaires pour faire appel à l’intervention des autorités françaises d’un côté et du Saint-Siège de l’autre. Elles produisirent une forte impression par leurs descriptions des atrocités subies par les populations ainsi que par les signatures de quelques personnalités, comme Émile Toulemonde, qui fut, lui aussi, un intermédiaire pour les habitants du Nord [41].
29Les nouvelles sur les déportations en 1916 étaient parvenues à Groussau d’une manière encore plus particulière : Marthe Fisener, une jeune Roubaisienne très pieuse, avait apporté une supplique, au nom des gens du Nord, adressée au pape, dans le manche de son parapluie, en dehors de la zone envahie [42]. Après ces années, le député se rappelait toujours ce qu’elle avait fait et il souhaita favoriser sa promotion sociale.
C – Face au Cartel des gauches : la politisation des demandes de décorations de guerre
30En 1923, il recommanda Marthe Fisener à un industriel roubaisien, Pierre Toulemonde-Réquillart, qui lui conseilla d’apprendre la sténodactylographie et qui lui promit un emploi après son stage. Les « amis » (non spécifiés) de Toulemonde-Réquillart paieraient ses frais d’apprentissage et de ménage pendant la durée de ses études [43]. Deux années plus tard, l’acte héroïque de Marthe Fisener fut évoqué par Groussau dans un discours lors des débats parlementaires du 2 février 1925, sur la paix religieuse et les relations entre la France et le Vatican, alors que le Cartel des gauches souhaitait supprimer l’ambassade de la République française auprès du Saint-Siège. Le député affirma que ce n’était « pas la suppression de l’ambassade au Vatican [en 1904, rétablie en 1921], moins encore la loi de séparation » qui avaient fait la paix religieuse. C’était plutôt l’union de tous les Français « sans distinction de partis et de croyances » qui avait créé l’apaisement. Afin de souligner ce point de vue, Groussau raconta l’acte de résistance de Marthe Fisener, rappelant le risque qu’elle avait pris pour le renseigner. Il ajouta que, dès qu’il avait appris les nouvelles sur les déportations, il avait transmis l’information au gouvernement français ainsi qu’au Saint-Siège et leur avait demandé de l’aide. Selon l’élu du Nord, la réaction la meilleure vint du pape Benoît XV dont il loua l’intervention rapide et efficace. Ainsi, l’allusion à Marthe Fisener permit d’attester l’importance des bons rapports entre la France et le Saint-Siège. C’était donc un moyen de défendre ses opinions politiques et, plus spécifiquement, sa conviction que l’ambassade au Vatican devait être maintenue [44].
31Peu après, Groussau envoya le numéro du Journal officiel, qui rapportait cette séance au Palais-Bourbon, à Marthe Fisener, ce qui incita cette dernière à demander sa promotion dans l’ordre de la Légion d’honneur. Elle justifia sa requête en déclarant qu’elle avait en effet risqué sa vie, mais que Dieu n’avait pas voulu sa mort, qu’elle n’avait fait que son devoir et que c’était un bonheur de rendre service à sa Patrie et à ses compatriotes. Voilà pourquoi elle considérait la demande de cette distinction comme une humiliation qu’elle aurait voulu éviter ; en effet « on ne fait pas son propre ‘panégyrique’ ». Quoique le soutien pour sa demande vînt déjà d’un autre côté, même des « adversaires de nos idées », elle n’accepta que le soutien de Groussau, car il était à ses yeux le « Grand ‘Ambassadeur’ » de Dieu, « son Vicaire direct sur la terre ». L’évocation de la Grande Guerre lui offrit l’occasion d’utiliser un langage de lutte : au lieu d’un affrontement sur le champ de bataille entre les Français et les Allemands, le conflit était transposé sur le terrain politique et opposait les catholiques au Cartel des Gauches présenté comme l’adversaire de la paix religieuse, Marthe Fisener empruntant ces derniers mots aux débats parlementaires du 2 février 1925 [45].
32Elle avait pris conscience que le député n’était pas souvent dans son département, ce qui compliquait le contact personnel avec lui, malgré son vif désir de pouvoir lui parler de cette paix religieuse. Elle espéra que Groussau pourrait trouver l’opportunité de revenir dans le Nord parce que Paris était trop loin pour elle et parce que l’emploi du temps de l’élu y était, sans doute, surchargé. On ne sait s’il répondit affirmativement à Marthe Fisener.
33Le 23 juin 1925, celle-ci lui écrivit de nouveau : elle exprimait le souhait qu’il puisse parler devant sa pauvre paroisse, lorsque le gouvernement aurait « fait droit » à sa demande, appuyée par le député [46]. Bien que cette distinction continuât à se faire attendre, sa confiance en Groussau restait encore entière. En février 1928, elle promit de prier pour son succès électoral qui était, pour elle, étroitement lié au « triomphe de notre cause ». Même si elle ne pouvait pas lui offrir son propre vote – les femmes françaises étant exclues du droit de vote jusqu’en 1944 – elle était convaincue de la force de sa contribution ainsi que de l’effort des habitants d’Armentières où l’on avait promis « une croissade [sic] de prières et de sacrifices unie à celle de Lille et de Roubaix » [47].
34En septembre de la même année, Marthe Fisener profita du séjour de Groussau dans le Nord pour lui demander (par écrit) un double des documents qu’elle lui avait remis en 1916. Un Canadien français s’y intéressait et le député du Nord était le seul qui possédait les originaux [48]. Il semble que le séjour du député dans le Nord ait été de courte durée puisqu’ils n’ont pu se rencontrer. En effet, un mois plus tard, Fisener lui annonça – dans une lettre qu’elle envoya à l’adresse du député à Versailles – qu’elle avait reçu sa réponse et une copie des documents demandés, sauf un acte principal manquant [49].
35La dernière lettre qui nous reste d’elle, datant du 22 septembre 1929, laisse entendre que Groussau n’avait pas réussi à la faire décorer de la Légion d’honneur, malgré ses efforts. Apparemment, le député avait arrangé un compromis, notamment l’obtention de la médaille de la reconnaissance française, pour laquelle il lui donna des conseils. Toutefois, Marthe Fisener était convaincue d’avoir mérité l’autre distinction, plus prestigieuse. Elle décida donc de conserver sa documentation pour une période plus favorable [50].
36Les doléances de cette femme n’avaient pas pu laisser indifférent Groussau, le président de la commission des régions libérées, fonction qui augmentait son autorité. En effet, cette responsabilité, exercée de 1919 à 1936, incitait des habitants du Nord à le contacter pour lui demander d’user de son influence envers le gouvernement, au sujet des décorations de guerre, qui devaient être attribuées honnêtement et équitablement. De telles requêtes, présentes dans les années 1920 et encore dans les années 1930, contribuèrent à établir son image de mandataire bienveillant.
IV – La construction du rôle de Groussau en interaction avec ces correspondants
A – Un supporter des requêtes venant des régions dévastées
37Le 28 septembre 1920, André Hecquet voulut lui signaler « les injustices commises vis-à-vis des régions libérées et en particulier vis-à-vis des Catholiques ». Malgré son nouveau rôle comme défenseur des régions libérées, l’image de Groussau comme défenseur des catholiques persistait. Il restait l’intermédiaire par excellence entre des citoyens catholiques (même d’extrême droite) et le gouvernement, souvent peu favorable. « Vaillant ligueur de l’Action Française » [51], André Hecquet peut lui-même être considéré comme un intermédiaire politisé entre des « citoyens ordinaires » sans voix – les diffuseurs du journal de guerre L’Oiseau de France – et le député qui devait se faire l’avocat de leur cause auprès du ministère de l’Intérieur, pour la décoration posthume de ses « amis » Joseph Willot, l’abbé Pinte et M. Dubar. L’auteur de la lettre, qui avait lui-même été un des collaborateurs dans la diffusion de L’Oiseau, se plaignait des « injustices flagrantes » que le gouvernement devait réparer et à propos desquelles il espérait recevoir son avis. Les autorités décoraient des gens qui n’avaient « rien fait de transcendant », tandis que de braves gens à « la conduite héroïque pendant la guerre » – arrêtés pour l’impression d’un journal clandestin – n’étaient pas prioritaires [52]. Dans sa lettre du 5 octobre 1920, Hecquet présumait un mauvais vouloir « d’on ne sait qui vis-à-vis de tout ce qui touche le Nord et en particulier notre région. Vient-il de la préfecture ? Ou du gouvernement ? » [53].
38Quelques semaines plus tard, Hecquet le mit au courant du mémoire d’appel concernant L’Oiseau de France, déjà appuyé par Jean-Baptiste Lebas, député-maire socialiste de Roubaix. C’était pourtant l’autorité de Groussau auprès du gouvernement qui pourrait faire la différence, selon l’auteur de la lettre [54]. Bien que tardive, son intervention semble avoir porté ses fruits, comme en témoigne la carte de la veuve de Joseph Willot, du 30 août 1921, dans laquelle elle se déclare convaincue que le député du Nord « a bien voulu contribuer à la distinction qui consacre enfin l’héroïsme d’une vie couronnée par un sacrifice si généreux, si chrétiennement accepté » [55]. Néanmoins, il semble que d’autres familles aient dû attendre plus longtemps avant de voir leurs proches être décorés [56].
39Même si elles n’ont pas toujours atteint leur but, toutes ces requêtes livrent quelques informations sur la perception que des Français avaient du député et de ses différents rôles. Ses correspondants semblent avoir vraiment cru en son appui et en son efficacité, surtout si leur demande avait déjà échoué pendant des années, aux niveaux local et cantonal. Dans une lettre envoyée au nom des Filatures Boutry-Droulers, en janvier 1931, par exemple, on fait encore appel à lui (en sa qualité de président de la Commission des Régions Libérées), pour « appuyer [leur] requête et insister pour obtenir que les instructions utiles soient données au plus tôt ». Dans ce cas spécifique, il s’agissait d’une estimation de dommages de guerre jugée trop basse. Ainsi, encore une fois, le député nordiste était considéré comme l’intermédiaire idéal, le porte-parole spécialisé pour discuter avec certain ministre ou sous-secrétaire d’État (dans ce cas précis le sous-secrétaire d’État des Régions libérées), car ses mandants se méfiaient des responsables locaux (la préfecture) [57]. La plupart des doléances concernant les dommages de guerre relatifs aux infrastructures passaient pourtant d’abord par le niveau politique local, avant d’atteindre Groussau. Un retard dans les réparations avait un impact sur un village entier. C’étaient alors souvent des (adjoints au) maires ou des conseillers généraux qui contactaient le député pour demander une indemnité correcte, au nom du village entier. Ce fut, par exemple, le cas pour les indemnités destinées à la reconstruction de l’église de Quesnoy-sur-Deûle en 1931 et à la reconstitution des archives de Pérenchies dans le canton d’Armentières en 1933. Des élus locaux intervenaient aussi parfois au nom de citoyens sinistrés à titre individuel ; ainsi, pour Jean-Baptiste Taupe, un ami et « ancien et fidèle électeur » de l’adjoint du maire de Bousbecque, qui copia la requête de ce « si brave marinier bousbecqois » dans sa lettre adressée à Groussau au mois de juin 1932 [58].
40Comme l’indiquent les dates de ces cas, Groussau était souvent contacté après des années de difficultés passées à résoudre les problèmes des dommages de guerre. Apparemment, les industriels textiles sinistrés de Lille et des environs s’étaient d’abord débrouillés eux-mêmes pendant les premières années après la guerre, en faisant des déblaiements et/ou de reconstructions de leurs usines détruites, avant de demander des indemnités pour ces travaux. Ainsi, Jean Dumortier (de l’Entreprise Générale du Bâtiment Dumortier et Dewulf) de Comines expliqua en 1931 qu’ils avaient été « mal conseillés » lorsqu’ils avaient « constitué une société sans y apporter des dommages marchandises ». Puisque leurs pertes se firent particulièrement sentir lors de la crise économique, Dumortier voulait savoir – probablement trop tard – s’il leur était encore possible « de faire entrer en justifications 200 000 F de bois », somme qui était absorbée dans leur nouvelle « Scierie et entreprise charpente menuiserie ». Le député promit son intervention, sans cacher ses craintes d’un possible échec [59].
B – Un porte-parole et un avocat-conseil des catholiques, parfois vénéré
41Les exemples ci-dessus correspondent aux différentes missions de l’élu Groussau, construites en interaction avec des citoyens suppliant son aide ou sollicitant son avis. Le rôle de Groussau comme défenseur des Régions libérées était le plus visible et le plus connu, toutefois son action comme avocat des catholiques continuait à se manifester, mais plutôt sous la forme de conseiller « à l’envers du décor ». Ses interventions et ses conseils étaient surtout demandés lorsque la situation juridique se compliquait. La guerre y avait contribué, engendrant un besoin plus pressant d’avis autorisés. Quoique la loi de la Séparation soit déjà promulguée depuis près de quinze ans (et plus), les tentatives de contourner les interdits ou les entraves caractérisent particulièrement les lettres des années 1920 et 1930. Elles étaient animées par une volonté d’équité, non seulement à cause des contributions du clergé à l’aide humanitaire pendant la guerre – qui amenaient les ecclésiastiques à estimer juste de demander de nouveaux droits – mais aussi à cause de l’inégalité entre les clercs et les laïques, entraînant des divergences d’interprétation juridiques qui n’existaient pas auparavant. Ainsi, à la suite de l’expropriation du pensionnat catholique de Loos-lès-Lille (dans le Nord), à l’initiative de la mairie, l’abbé Bourgeois demandait un éclaircissement fondé sur une comparaison clerc/laïc, dans sa lettre du 28 juillet 1920. Il voulait savoir – puisque tout industriel sinistré était autorisé à réclamer des dommages de guerre pour sa propriété – s’il n’était pas également possible pour une congrégation religieuse (en guise de société constituée ad hoc) de redevenir propriétaire de ses biens et de réclamer ainsi les dommages de guerre pour ces biens [60].
42Les conseils de Groussau étaient instructifs pour ses correspondants qui apprirent comment formuler leurs requêtes au mieux de leurs intérêts. Marthe Fisener, par exemple, emprunta des citations à des débats parlementaires et réussit à « politiser » son langage, en se référant à des luttes politiques et à des valeurs abstraites, pour rendre sa demande personnelle pertinente à un niveau plus général et même national. L’interaction entre le député et ses correspondants était donc pédagogique, sans que le député se manifestât comme enseignant des citoyens. L’instruction était réciproque, puisque Groussau apprit également de ces contacts comment remplir sa fonction représentative.
43L’exemple de Marthe Fisener, comme celui de l’abbé Tardivon, témoigne d’une certaine persistance de l’idée que Groussau était le défenseur de l’Église. Bien que la correspondance de guerre de la première ait été originellement destinée à aider les « évacués » du Nord, elle fut utilisée plus tard dans le but de défendre la position du catholicisme en France. Groussau continuait donc de remplir ce rôle non seulement pour les catholiques français mais aussi pour le clergé, ce que Marthe Fisener considérait comme sa fonction la plus importante, même si, initialement, elle avait voulu qu’il fût la voix de ses compatriotes. Pour elle, le député représentait les courageux catholiques du Nord ainsi que les valeurs catholiques en général. L’image de Groussau comme défenseur du Nord pouvait donc facilement coexister avec celle de défenseur des catholiques et, souvent, ce dernier rôle continuait à avoir le dessus et lui valait des marques de profond respect.
44Après la guerre, Groussau resta le consultant des religieux français, même des congréganistes français établis en Belgique ou en Espagne. Ils y étaient partis en exil non en raison de la guerre, mais à cause des dispositions de la loi de Séparation des Églises et de l’État. Suite à l’apaisement des relations entre la République et l’Église catholique, ils souhaitaient rentrer dans leur pays. Ainsi, en 1924, Groussau déconseilla aux Ursulines de Pau – qui, après une longue période d’exil en Espagne, étaient retournées en France, pleines d’espoir – de déposer une demande officielle d’autorisation. Il croyait qu’elles n’auraient aucune chance de l’obtenir, mais surtout, il estimait qu’avec cette demande les sœurs risquaient de fournir elles-mêmes les moyens d’être « persécutées » et « spoliées ». Voilà pourquoi il était d’accord avec l’avis qu’elles avaient déjà reçu, d’une source anonyme, de prendre l’habit séculier et de continuer comme si de rien n’était. En faisant cette recommandation, Groussau s’aventurait sur une pente glissante, car c’était illégal [61]. La sous-estimation – dans l’historiographie – de son rôle de défenseur de l’Église pour la période d’entre-deux-guerres est donc bien compréhensible, puisque ses contacts avec des congréganistes se résumaient souvent à des conseils privés, comme celui de faire profil bas, conformément à la tactique déjà suggérée avant la guerre (cf. les ajournements des discussions parlementaires).
45En outre, pour certains catholiques, l’aide de Groussau était souvent considérée comme allant de soi. Dans sa lettre du 6 novembre 1931, M.P. Castillon de Montpellier justifiait sa requête en la décrivant comme « l’onéreux honneur [pour Groussau] d’être mis encore une fois à contribution ». En d’autres termes, selon Castillon, qui était dans l’incapacité de faire des promesses tangibles à ses étudiants, le député de Tourcoing devait se sentir honoré par cette démarche, preuve de confiance en lui. Il n’en demeure pas moins que, quand l’élu réussissait à satisfaire ses mandants, ces derniers lui étaient très humblement reconnaissants de son « obligeance » et son « dévouement » [62], de son « grand service » [63], de sa « bienveillance », sa « bonne intervention » et son « charitable intérêt » [64], autant de formules qu’on peut également trouver dans les correspondances d’autres élus, et qui étaient bien connues par beaucoup de Français de la Troisième République [65]. Toutefois il arrivait que Groussau reçoive quelques doléances relatives à son absentéisme dans sa circonscription (voir l’exemple de Fisener), illustrant sa déconnection par rapport à sa base électorale, ce qui le distingue de nombreux parlementaires.
C – Un député absent de sa circonscription
46Des élus de droite et du centre gauche semblent avoir également éprouvé des difficultés en termes de représentation et de légitimité, surtout durant l’entre-deux-guerres. L’éphémère tentative de rendre le mode de scrutin moins individualisé par l’introduction d’un système mixte majoritaire et proportionnel, de 1919 à 1928, au niveau plus large des départements, essaya d’y remédier. A cet égard, il est intéressant de comparer le cas de Groussau à ceux de Jacques-Louis Dumesnil, Laurent Bonnevay et Louis Marin, dont la correspondance a été étudiée aux Archives Nationales et aux Archives Départementales (respectivement) de Seine-et-Marne, du Rhône et de Meurthe-et-Moselle.
47La correspondance passive du républicain conservateur (de la Fédération républicaine, à droite) de Meurthe-et-Moselle, Louis Marin, éclaire ces problèmes d’appropriation : comment justifier les demandes personnelles et leur prise en considération ? Comme grand patriote mais aussi conformément à la conception officielle française de la représentation, Louis Marin devait représenter les intérêts de la nation entière. Toutefois, des citoyens lorrains présumaient pouvoir attirer son attention à plus juste titre en raison de leur proximité géographique (antérieure ou existante). Certains évoquaient même leur contribution à son succès électoral (par leur vote ou par propagande). Ces correspondants habitaient sa commune de naissance (Faulx), sa circonscription (Nancy I ou la Meurthe-et-Moselle de 1905 à 1942 et de 1945 à 1951) ou la ville de Nancy ; d’autres écrivaient d’une localité plus éloignée en Lorraine. Après la première guerre mondiale, des Alsaciens-Lorrains redevenus français, le considérant même comme leur compatriote, estimaient mériter son dévouement [66]. On peut constater ici certaines similitudes avec Groussau, pour qui la guerre avait également élargi son rôle de député de Tourcoing à celui de député du Nord et même de toutes les régions dévastées.
48Le changement de mode de scrutin entre 1919 et 1928 ne se reflète pourtant pas tellement dans la correspondance de ce dernier, premièrement puisque déjà avant la guerre, des religieux en dehors de la circonscription de Groussau et même en dehors du Nord, le contactaient pour lui demander des conseils. Deuxièmement, sa correspondance concernant des dommages de guerre venait moins de l’ensemble du département du Nord que de quelques centres textiles avec des lettres d’industriels (Tourcoing, Roubaix, Quesnoy-sur-Deûle et Armentières) [67]. Troisièmement, dans les années trente, Groussau reçut plusieurs circulaires de syndicats et d’associations de tout le département du Nord, tandis qu’il ne représentait que les cantons de Tourcoing, Quesnoy-sur-Deûle et Armentières [68]. Sa correspondance passive ne provient pas alors particulièrement du territoire qu’il était supposé défendre à ce moment puisqu’elle est plutôt caractérisée par des thématiques, tels que les droits des congrégations, les décorations pour des Roubaisiens vaillants ou les dommages de guerre pour l’industrie textile. Cette image est renforcée par la conservation sélective des sources, présentées thématiquement et non pas chronologiquement, couvrant essentiellement la période de 1919 à 1933.
49En revanche, pour certains habitants de l’Est, les liens géographiques avec Louis Marin – bien que problématiques – semblaient alors plus importants que pour les habitants du Nord vis-à-vis de Groussau. Le député de Nancy devait justifier ses longs séjours à Paris. Le 6 janvier 1921, il exprima ces préoccupations très explicitement dans sa lettre au président de la section nancéienne de la Fédération des Commerçants & Industriels Mobilisés Français qui l’invitait à participer à une conférence et à un banquet. Alors qu’il était accusé d’être invisible à Nancy, Louis Marin osa montrer combien il se lassait de telles accusations en déclarant que les électeurs devaient comprendre que les députés n’étaient pas désignés « pour leur faire des mamours et pour banqueter avec eux, mais pour travailler sérieusement, car le pays en a[vait] bien besoin ». Néanmoins, il promit de faire tout son possible pour honorer cette invitation [69].
50Même si Louis Marin s’était déjà installé à Paris avant son mandat parlementaire, il entretint d’étroites relations avec son département. L’importance de la proximité géographique semble encore plus manifeste dans les correspondances de Jacques-Louis Dumesnil (député républicain-radical-socialiste de Seine-et-Marne, 1910-1935) et de Laurent Bonnevay (député d’abord progressiste, puis républicain de gauche du Rhône, 1902-1924 ; 1928-1942, et sénateur 1924-1928). Ce dernier, « libéral et profondément attaché à la République parlementaire » [70] était l’élu d’une circonscription rurale et isolée (vallée de l’Azergues) [71], ce qui le rapprochait à bien des égards de J.-L. Dumesnil, représentant de l’arrondissement rural de Fontainebleau. La plus grande partie du courrier que recevaient ces deux députés portait sur des services à rendre à des habitants de leur circonscription qui s’attendaient à ce que « leur » député pût résoudre leurs problèmes, notamment financiers [72]. La lecture de La politique des plaintes de Frédéric Monier permet de constater également des analogies avec Édouard Daladier, député radical-socialiste du Vaucluse [73]. Les lettres reçues par ces représentants de circonscriptions à prédominance rurale, penchant à gauche et au centre, témoignent de leur fort ancrage local et d’une relation assez clientéliste entre eux et leurs électeurs.
51Par rapport à ces élus, Groussau apparaît, quelque peu, comme un original. Mais comme les autres, il avait aussi une identité multiple, complexe, constituée de ses rôles différents et interactifs. Connu comme avocat, enseignant du Supérieur privé, député du Nord et fervent catholique, il était aisément perçu comme le défenseur des libertés religieuses, mais aussi des intérêts des régions dévastées par la guerre. L’étude de la correspondance d’autres parlementaires confirme combien il était admis qu’un député rendît service à des citoyens particuliers, ce qui pouvait non seulement avoir un aspect clientéliste, mais également un certain sens politique.
V – La conscience politique des auteurs de lettres ?
52Commencer une lettre par un point de vue individuel, ou y intégrer une histoire personnelle, semble avoir été utile, mais lier des valeurs générales à une affaire particulière était plus efficace pour retenir l’attention de Groussau qui marquait de telles missives d’un « R » et, parfois, y ajoutait une brève réponse au brouillon. Après la guerre, l’élu de Tourcoing reçut beaucoup de circulaires de syndicats ou d’associations parfois peu formellement organisées. Ces textes n’attiraient guère l’attention des députés ou, du moins, pas celle de Groussau qui les marquait d’une barre oblique, signifiant qu’il n’y avait pas répondu, ou qu’il n’était pas d’accord pour leur donner suite [74].
53Parmi eux figurent les demandes des veuves de guerres remariées. Pour mieux se faire entendre, la Fédération Nationale des Veuves de guerre remariées qui protestait contre l’inégal réajustement des pensions lié à la hausse du coût de la vie, fit publier, en février 1931, dans les journaux régionaux, un appel à pétition. Il était demandé à
« toutes les veuves de guerre remariées adhérentes ou non à la Fédération [d’adresser] de toute urgence à leur député, une lettre exposant leurs charges de famille et indiquant les raisons pour lesquelles elles [avaient] contracté un nouveau mariage ».
55La Fédération ne s’exprima pas plus clairement sur ses intentions.
56Onze lettres de cette nature figurent dans les archives de Groussau [75]. Quelques-unes ne sont guère « politisées », d’autres, en revanche, révèlent une haute conscience politique. D’une part, l’analyse du corpus révèle un premier groupe de veuves qui faisaient seulement ce que l’appel publié dans les journaux leur avait proposé : elles donnaient une description sèche de leur situation familiale et des raisons pour lesquelles elles s’étaient remariées, sans formuler un souhait, ni proposer une démarche. D’autre part, un second rassemble celles qui critiquaient l’inégalité des pensions et qui essayaient de convaincre Groussau par une argumentation démontrant une réelle familiarité avec les usages parlementaires. Madame Robyn Gillon d’Houplines, par exemple, décrit d’abord son histoire très personnelle, riche en détails illustrant son existence très difficile, qualifiée de « vie d’enfer » (renvoyant à son deuxième mari violent). Même après le divorce, elle n’a pas eu droit au supplément de pension comme les veuves qui étaient restées veuves. Avec de telles comparaisons et ses appels à des valeurs abstraites et générales, elle élargit la portée de sa demande à l’intérêt d’autres malheureuses qui se trouvaient dans la même situation. Cet appel était une pressante invitation à agir au nom de la justice. Ses intentions ne pouvaient pas être mal comprises :
« Je vous demande Monsieur le Député d’être juste avec toutes celles qui ont perdu leur mari à la guerre : de donner le même droit à tous : et je vous demande aussi Monsieur le Député d’étudier un peu la situation de bien des malheureuses dont je suis du nombre : car y en a beaucoup de veuves qui ne se marient pas : pour pouvoir bénifier de ce supplément : mais cela n’empêche pas que beaucoup de veuves de guerre qui reste en compagnie […] tout en touchant le supplément : c’est pour cela Monsieur le Député, soyez juste pour tout le monde et occupez[-]vous de la situation de certaines veuves qui vivent en misère » [sic].
58Madame Dubrulle-Spons d’Armentières fit de même, en se référant encore plus explicitement à l’action des élus au sein du Parlement :
« Je vous demande Mr et Cher Député d’intervenire à la Chambre de Députés pour que les veuves de guerre remarier soit traité et touche la méme pension que les veuves de guerre resté veuve, car je ne crois pas avoire démérité du devoire en reformons un autre foyez.
Je compte Mr et Cher Député d’appuyez de tout votre pouvoire à la Chambre des Député pour que nous puissions obtenire satisfaction à notre juste cause » [sic].
60Les fautes d’orthographe, l’appellatif singulier (« Monsieur et Cher député ») et l’étrange formule de conclusion (« Recevez Mr Grousseau notre sincère dévouement Anticipé ») montrent qu’elle n’était pas habituée à écrire de telles lettres. Mme Dubrulle-Spons mêlait les différentes formules d’usage bien qu’elle ait aussi su employer, au début, quelques termes usuels pour susciter l’intérêt tout en présentant son cas avec modestie : « J’ai l’honneur d’attirer votre attention à mon sujet ». Comme la plupart des citoyens et citoyennes de la Troisième République, elle s’était probablement familiarisée – dès son éducation primaire – avec des formules générales et les règles vagues du bon style épistolaire, répandues par des manuels de politesse et de savoir-écrire, recommandant d’écrire « d’un style simple et concis, marquant du respect et sans bassesse, et plus de cœur que d’esprit de recherche » [76].
61Madame Dubrulle-Spons connaissait également la tactique consistant à commencer sa requête par une histoire personnelle avant de généraliser ses attentes et ses intérêts, puis de les lier à des valeurs générales, comme la justice. De manière significative, aucune veuve remariée n’évoquait son nouveau mari comme un électeur potentiellement favorable à Groussau. Les argumentations étaient de nature politique et non pas clientéliste. Ce que demandaient ces femmes n’était que logique et juste. Elles avaient assez souffert ; un traitement équitable n’était donc pas une idée qui leur était venue par hasard. En outre, la seule mention de la circonscription électorale – combinée, dans le cas de Mme Dubrulle-Spons, avec la promesse de son dévouement et de celui de son mari – pouvait être, déjà, une pression implicite [77].
62Ces lettres individuelles – qui, selon l’appel dans les journaux, devaient être adressées aux députés avant le 23 février 1931 – furent suivies de près par une circulaire venant du Groupement du Douaisis de la Fédération des Veuves de guerre remariées qui mettait les points sur les i dans une conclusion appuyée sur des chiffres. Les critiques étaient encore plus directes et les réclamations encore plus fortes. Le groupement soulignait que, fréquemment, les veuves de guerre ne s’étaient remariées que parce qu’elles avaient des enfants du mari mort à la guerre et qu’elles méritaient, autant que les veuves de guerre non remariées, ce réajustement des pensions. Pour finir, ce texte abordait aussi le problème de l’inégalité entre hommes et femmes :
« Les dommages corporels des Invalides de Guerre ont été partiellement indemnisés et le législateur s’est toujours refusé de faire entrer en ligne de compte les améliorations de situation dont auraient pu bénéficier les intéressés. Le dommage causé à la veuve, qu’elle se remarie ou non, reste entier. Est-il juste que parce qu’elles sont femmes, les veuves de guerre remariées continuent à être sacrifiées » [78].
64Cette allusion à l’inégalité entre les sexes est absente dans les lettres écrites, individuellement, par les veuves de guerre qui se présentaient, traditionnellement, comme de braves ménagères n’ayant fait que leur devoir et souhaitant assurer l’avenir de leurs enfants [79].
65Il semble que la première guerre mondiale ait eu un impact sur le nombre de lettres envoyées, comme sur le contenu des requêtes. Conformément aux attentes, elles sont plus nombreuses après le conflit, mais une quantification exacte des lettres est difficile à établir car ce type de sources est inévitablement incomplet. Contrairement aux hypothèses habituelles – la guerre étant souvent considérée comme catalyseur des processus de démocratisation et de politisation [80] – les requêtes de citoyens ne paraissent pas se rapporter davantage à l’intérêt général. Au contraire, elles étaient plus personnelles et individuelles avec des demandes d’intervention dans des affaires d’attribution de décorations de guerre, voire de béatification, et dans des questions plus matérielles relatives à des pensions de guerre (jugées insuffisantes) et à des taxes (estimées trop élevées) [81].
66Aussi individualistes, voire égoïstes, que paraissent ces requêtes, à première vue, elles ne peuvent cependant pas être considérées comme de simples demandes clientélistes.
67Premièrement, il n’existe pas ici de distinction nette entre la politisation et le clientélisme. Des éléments des deux phénomènes peuvent coexister dans une même lettre [82]. Un citoyen qui tente une démarche auprès d’un parlementaire est déjà souvent un citoyen engagé ; il lui faut un certain degré de conscience politique pour savoir – et oser – formuler ses espoirs, afin d’atteindre son but, tel que recevoir un conseil (juridique ou politique) ou un appui du député (souvent auprès d’un ministre ou d’une administration).
68Deuxièmement, les correspondants de Groussau ne promettaient pas habituellement de faveurs. Cela peut, en partie, s’expliquer par le grand nombre de lettres venant de gens qui ne pouvaient pas voter pour lui : des femmes, ou des hommes qui n’appartenaient pas à sa circonscription électorale. Des personnes promettaient souvent de prier pour sa réélection et/ou pour sa santé ou celle de sa famille. La République française, qui – sous couvert de démocratie et de liberté de conscience – avait promulgué une loi « persécutrice » [83], n’était pas leur point de référence ; pour elles, les arguments religieux, peu tangibles dans un État laïque, semblaient avoir, au contraire, une valeur véritable et une force réelle. Cela est confirmé par la lettre écrite le 24 janvier 1934 par Sœur Saint-Antonin de la Congrégation des Filles du Saint-Esprit de Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord), au nom de l’Assistante Générale, Mère Joseph-du-Sacré-Cœur, qui était gravement malade puisque les derniers sacrements lui avaient déjà été administrés. Sur son lit de mort, cette dernière avait demandé d’avertir Groussau « de son état de souffrance afin de bénéficier de [ses] saintes prières ». Pour sa part, elle promettait de prier beaucoup pour lui quand elle serait au ciel, car elle ne pouvait pas l’oublier. Ensuite, comme porte-parole de toutes les Filles du Saint-Esprit, Sœur Saint-Antonin exprimait l’espérance que Mère Joseph les consolerait longtemps de leur tristesse relative à la situation politique nationale, en contribuant, par ses prières dans l’Au-delà, au maintien de l’élu du Nord « parmi les Membres du Parlement comme le digne représentant de la Foi et de l’honneur de notre Patrie » [84]. L’absence d’une promesse concrète à l’égard de Groussau s’explique aussi par la conviction que son intercession était normale, qu’il prendrait la bonne décision et défendrait « la juste cause », sans avoir besoin d’en être particulièrement récompensé. Enfin, le plus souvent, il semble avoir été suffisant de justifier ses demandes par des références à des valeurs plus abstraites et générales, déjà mentionnées : l’égalité et la justice (cf. les veuves de guerre remariées), le patriotisme (cf. Fisener), droit à la reconnaissance pour l’héroïsme ou le dévouement pendant la Grande Guerre (cf. Hecquet) qui peuvent témoigner d’une certaine conscience politique.
Conclusion
69À partir des lettres que Groussau a reçues de la part de « citoyens ordinaires », cet article a souhaité offrir une interprétation différente de son image habituelle. Cette nouvelle approche, qui met l’accent sur la nature interactivement construite de la représentation parlementaire, permet de réévaluer son rôle, déjà dépeint par Bernard Ménager. Le poids limité accordé à son ancrage local est remarquable dans cette construction réciproque : il apparaît plutôt comme un défenseur des causes catholiques et des intérêts de la zone dévastée, non limitée à la dixième circonscription ou même au département du Nord. Sa renommée et sa légitimité dans l’hémicycle, supérieures à sa visibilité dans le Nord, peuvent avoir encouragé des requêtes dont l’origine dépasse le simple cadre de sa circonscription et dont le succès nécessitait sa forte implication dans la capitale.
70Ses correspondants, pour la plupart, peuvent être divisés en deux groupes : d’un côté, des religieux et des religieuses de différentes régions et même des exilés en Belgique et en Espagne, de l’autre, des victimes (physiques et économiques) de la première guerre mondiale dans les régions envahies. Ces dernières lui écrivirent surtout lors des années 1930, alors que la crise aggravait leur situation et rendait les inégalités encore plus criantes. Cependant, l’image de Groussau, défenseur du Nord, coexistait aisément avec celle de défenseur des catholiques, et souvent, ce dernier rôle continuait de l’emporter, mais il était plutôt exercé avec discrétion dans des correspondances ou des entretiens privés.
71En outre, deux cadres référentiels sont présents dans sa correspondance passive : celui de la religion et celui du régime politique. Se méfiant du régime français et des partis de gauche (lato sensu) – qui avaient promulgué une loi « persécutrice » – plusieurs requérants privilégient le premier même s’ils mentionnent parfois des valeurs générales concordant avec celles de la République, également partagées par de nombreux catholiques. Entre ces deux modèles qui peuvent se recouvrir, Groussau, en interaction avec ses correspondants (qui s’adressent à lui d’après le conseil d’un avocat, d’un membre du clergé, d’un collègue, d’une relation), se profile comme un député accessible, plus facile à contacter à Paris qu’à Lille, apprécié pour son expertise juridique et son influence auprès du gouvernement, jugé plus efficace que nombre de ses collègues.
72Au-delà de ce cas particulier, cette contribution a tenté de proposer un éclairage plus précis sur les influences réciproques entre représentants et citoyens français, ainsi que sur les attentes des seconds envers les premiers. Le rôle d’un député, pour les citoyens, était-il comparable à celui du « bienfaiteur mythique », décrit par Sami Suodenjoki pour le cas du Gouverneur-Général en Finlande au tournant du xxe siècle ? [85] En effet, l’image idéalisée du « bienfaiteur mythique », qui s’applique surtout à des monarques et parfois aussi à d’autres autorités distantes du peuple, est assez différente de l’image des parlementaires, qui forment un niveau intermédiaire, souvent entre les citoyens et les ministres. Par leur plus grande accessibilité et leurs contacts directs avec les citoyens, ces élus étaient, sans doute, mieux informés des problèmes de ceux qu’ils représentaient et moins « naïfs ». Le pouvoir attribué à Groussau par des « citoyens ordinaires » était comparable à celui attribué à Marin, Dumesnil ou Bonnevay. Ils étaient vus comme des représentants qui savaient agir, attirer l’attention – publiquement ou plutôt discrètement selon les circonstances – ou trouver une solution. Bien que leurs actions soient parfois aussi qualifiées de « bienfaits » [86] – ce qui pourrait faire soupçonner une certaine passivité des correspondants – l’analyse des lettres de citoyens individuels montre pourtant leur réelle capacité d’agir. Ils/elles prirent l’initiative pour contacter le député, pour lui proposer des solutions à leurs problèmes et, en exprimant leurs attentes, ils/elles aidèrent à construire le profil de l’élu d’une manière interactive.
Bibliographie
Sources
- Source principale :
- Archives départementales du Nord, Papiers de Henri-Constant Groussau, J 474, boîtes 1 à 136.
- Sources supplémentaires :
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Mots-clés éditeurs : député du Nord, représentation parlementaire, communication politique, Troisième République, correspondance passive, Henri-Constant Groussau
Mise en ligne 27/02/2018
https://doi.org/10.3917/rdn.420.0379Notes
-
[1]
« Lettre de Mme Dubrulle-Spons d’Armentières à H.-C. Groussau », 22-02-1931, Archives départementales du Nord, Papiers de Henri-Constant Groussau (abrégé : AD Nord, Papiers Groussau), J 474, boîte 112.
-
[2]
« Lettre de l’abbé R. Tardivon de Couloutre à H.-C. Groussau », 25-09-1929, id.
-
[3]
Sur la question de la représentation, la France a adopté la théorie de Sieyès selon lequel « tout député, élu immédiatement par son bailliage mais médiatement, par la totalité des bailliages, est représentant de la nation entière » (discours du 7 septembre 1789 à l’Assemblée nationale constituante), cf. F. Furet, M. Ozouf et collaborateurs, Dictionnaire critique de la Révolution française, volume Acteurs, Paris, Champs/Flammarion, 1992, p. 307. Voir l’article 52 de la constitution de l’An III [« Les membres du Corps législatif ne sont pas représentants du département qui les a nommés, mais de la Nation entière… »] et l’article 34 de la constitution du 4 novembre 1848 [« Les membres de l’Assemblée nationale sont les représentants, non du département qui les nomme, mais de la France entière »].
-
[4]
Dans ce contexte, Gilles Le Béguec définit une « accélération du processus de démocratisation et du recrutement du personnel », cf. G. Le Béguec, « Les réseaux », dans Les Parlementaires de la Troisième République, J.-M. Mayeur, J.-P. Chaline et A. Corbin (dir.), Publications de la Sorbonne, Paris, 2003, p. 242. Jean Garrigues parle « d’une société marquée par la diffusion massive de l’information et du discours », dans J. Garrigues, « Les débuts de la Troisième République 1870-1914 : un âge d’or de l’éloquence parlementaire », Parliaments, Estates and Representation, vol. 31, n° 2, 2011, p. 178. Voir aussi : J. Garrigues (dir.), Histoire du Parlement de 1789 à nos jours, Paris, Colin, 2007, p. 289-314.
-
[5]
Voir aussi : M. Gauchet, « La droite et la gauche », dans Les Lieux de Mémoire. La République, La Nation, Les France, P. Nora (dir.), vol. 2, Les France : conflits et partages 1, Paris, Gallimard, 1997, p. 2556-2558.
-
[6]
Cf. F. Monier, La politique des plaintes. Clientélisme et demandes sociales dans le Vaucluse d’Édouard Daladier (1890-1940), Paris, Boutique de l’histoire, 2007 ; M. Van Ginderachter, « If your Majesty would only send me a little money to help buy an elephant : letters to the Belgian Royal Family (1880-1940) » dans Ordinary Writings, Personal Narratives : Writing Practices in 19th and early 20th-century Europe, M. Lyons (dir.), Bern, Peter Lang, 2007, p. 69-84 ; E. De Keulenaer, « Hij doet aanmerken dat hij van goed gedrag en zeden is ». Public en hidden transcripts in Oost-Vlaamse armenbrieven. 1882-1926, mémoire de maîtrise inédit, UGent, 2007 ; M. Beyen, « De politieke kracht van het dienstbetoon. Interacties tussen burgers en volksvertegenwoordigers in Parijs, 1893-1914 », Stadsgeschiedenis, vol. 7, 2012, p. 74-85 ; S. Suodenjoki, « Whistleblowing from Below : Finnish Rural Inhabitants’ Letters to the Imperial Power at the Turn of the Twentieth Century » dans Vernacular Literacies – Past, Present and Future, A.-C. Edlund, e.a. (dir.), Umeå, Umeå University, 2014, p. 279-293 ; C. Bouchard, Cher Monsieur le Président. Quand les Français écrivaient à Woodrow Wilson (1918-1919), Seyssel, Champ Vallon, Collection La chose publique, 2015.
-
[7]
J.-M. Mayeur, La Vie politique sous la Troisième République, Paris, Seuil, 1984, p. 277. Sur Constant Groussau, voir : M. Piat, Constant Groussau, conférencier et parlementaire du Nord et la défense religieuse de 1875 à 1914, mémoire de maîtrise inédit, Lille 3, 1990 ; B. Ménager, J.-P. Florin, J.-M. Guislin (dir.), Les Parlementaires du Nord – Pas-de-Calais sous la IIIe République, Villeneuve-d’Ascq, CRHEN-O – Lille 3, 2000 ; A. Join-Lambert, « La correspondance politique inédite de Constant Groussau, député catholique de 1902 à 1936 », Bulletin de l’AFHRC, juin 2000, p. 1-5 ; « Les droites septentrionales de la Belle Époque à la Deuxième Guerre mondiale : implantation locale et liaisons nationales », textes réunis par J. Vavasseur-Desperriers et J.-M. Guislin, Revue du Nord, no 370, avril-juin 2007 ; B. Ménager, « Constant Groussau universitaire et parlementaire (1851-1936) » dans Les « chrétiens modérés » en France et en Europe. 1870-1960, J. Prévotat et J. Vavasseur-Desperriers (dir.), avec la collaboration de J.-M. Guislin, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2013, p. 313-327.
-
[8]
F. Goguel, Géographie des élections françaises de 1870 à 1951, Paris, Colin, 1951, p. 9 ; M. Gauchet, op. cit. (5), p. 2556 ; J. Vavasseur-Desperriers, La nation, l’État et la démocratie en France au xxe siècle, Paris, Colin, 2000, p. 58-59 ; Y. Billard, Le métier de la politique sous la IIIe République, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 2003, p. 117-145 ; J. Garrigues (dir.), op. cit. (4), p. 299, 352-353.
-
[9]
M. Piat, op. cit. (7), p. 2 et 4.
-
[10]
« L’évêque de Cambrai à Groussau », AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 68, correspondance mentionnée par B. Ménager, « Constant Groussau … », op. cit. (7), p. 318-319.
-
[11]
Idem, p. 315-327.
-
[12]
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb328020951/date, consulté le 26-01-2016.
-
[13]
Journal officiel des débats parlementaires, Chambre des Députés, 19-06-1919, p. 2763.
-
[14]
Pour les Jésuites, cf. « Lettre de J. Havres de Versailles à H.-C. Groussau », 05-01-1920, AD Nord, Papiers Groussau, J474, boîte 45. Pour la Société du Sacré-Cœur, cf. « Lettre de la Supérieure M. Bernot de Lille à H.-C. Groussau », 25-10-1924, idem.
-
[15]
Par exemple : « Lettre de la Chambre syndicale des entrepreneurs d’Armentières et environs à H.-C. Groussau », 19-04-1932, idem, boîte 5.
-
[16]
A. Join-Lambert parle d’une partie principale de seulement 221 lettres et cartes, venant de 91 correspondants (1879-1933), car il fait la distinction entre une correspondance importante (avec des personnalités politiques), puis « les courriers et cartes de moindre intérêt », et encore « le reste » : félicitations, demandes de conférences et d’interventions diverses. Les lettres qui l’intéressent le plus ne sont pas retenues ici et vice versa, cf. A. Join-Lambert, op. cit. (7), p. 14-16.
-
[17]
D. Gardey, « Scriptes de la démocratie : les sténographes et rédacteurs des débats (1848-2005) », Sociologie du travail, vol. 52, 2010, p. 201 ; A.-L. Cermak, La poste pneumatique, un système original d’acheminement rapide du courrier : l’exemple du réseau de Paris des origines à sa suppression, 1866-1984, mémoire de maîtrise inédit, Paris IV-Sorbonne, 2003 ; M. Beyen, « De politieke kracht », op. cit. (6), p. 81.
-
[18]
Exemples : « Carte pneumatique d’E. Callot à H.-C. Groussau », 12-03-1925, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 45 ; « Carte pneumatique de P. Voreux à H.-C. Groussau », 07-03-1929, idem.
-
[19]
Cela semble avoir intimidé quelques auteurs de lettres, qui préféraient parler dans un endroit plus tranquille, cf. « Lettre d’E. Villette de Paris à H.-C. Groussau », 04-11-1903, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 38 ; « Lettre de Sœur Agnès de Jésus, Mère supérieure des Ursulines de Pau à H.-C. Groussau », 08-08-1924, idem, boîte 45 ; « Lettre de G. Bernoville de Paris à H.-C. Groussau », 04-07-1922, idem, boîte 81. (Comme journaliste et fondateur de la revue Les Lettres, cet écrivain catholique n’était pas vraiment un citoyen « ordinaire », mais il se trouvait plutôt entre le niveau de la politique formelle et le niveau de citoyens sans influence).
-
[20]
Par exemple : les pétitions de veuves de guerre remariées de 1931 (boîte 112) et des pétitions de diverses associations (informellement) organisées de 1933 (boîte 123) du Nord étaient souvent adressées à « Groussau, Député du Nord, 26 Rue Saint-Louis, Versailles », idem, boîtes 112 et 123.
-
[21]
« Lettre de L. Legrand de Tourcoing à H.-C. Groussau », 05-07-1906, idem, boîte 35.
-
[22]
« Lettre de G. Beguès, aumônier de la Visitation à Paris à H.-C. Groussau », 09-11-1913, idem, boîte 36.
-
[23]
« Lettres d’E. Villette de Paris à H.-C. Groussau », 04 et 10-11-1903, 17-12-1903 et 04-01-1904, idem, boîte 38. Les Lazaristes formaient une des congrégations autorisées, grâce à leurs missions, et donc à la représentation française à l’étranger, cf. J. Bocquet, « Les lois anti-congréganistes et leurs effets au Levant » dans Le Grand Exil des congrégations religieuses françaises. 1901-1914, P. Cabanel et J.-D. Durand (dir.), Paris, Cerf, 2005, p. 388.
-
[24]
Journal officiel, 02-02-1904, p. 221.
-
[25]
Idem, 23-02-1904, p. 478.
-
[26]
« Lettre d’E. Villette de Paris à H.-C. Groussau », 16-02-1905, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 38.
-
[27]
« Lettre d’A. Truffaut de Willems à H.-C. Groussau », 08-07-1910, idem, boîte 116.
-
[28]
B. Ménager, « Constant Groussau … », op. cit. (7), p. 315.
-
[29]
« Lettres concernant les déportations de jeunes gens, jeunes filles dans la région du Nord », AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 108. À ce sujet, voir A. Becker, Les Cicatrices rouges. 14-18. France et Belgique occupées, Paris, Fayard, 2010.
-
[30]
« Lettre de V. des Bonnets à l’hôpital temporaire de Berck-Plage à H.-C. Groussau », 14-08-1916, idem.
-
[31]
« Nécrologie », Journal de Roubaix, 17-08-1937, p. 7.
-
[32]
http://www.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche.asp?num_dept=434, consulté le 25-01-2016.
-
[33]
« Lettre de Sœur Joseph de Saint-Brieuc à H.-C. Groussau », 19-04-1916, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 46. Les lettres écrites par Sœur (et plus tard : Mère) Joseph entre 1916 et 1934 forment un dossier à part, ayant sa propre cote.
-
[34]
J. Baubérot, Histoire de la laïcité française, Paris, Presses Universitaires de France, 2000, p. 81-92.
-
[35]
« Lettre de Sœur Joseph de Saint-Brieuc à H.-C. Groussau », 19-04-1916, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 46.
-
[36]
Idem, 10-12-1914 et la réponse brouillon.
-
[37]
Idem.
-
[38]
« Lettres de brouillon de H.-C. Groussau de la Chambre des Députés à Paris à P. Gasparri et F. Tedeschini », juin 1916-1918, AD Nord, Papiers Groussau, J 474¸boîte 109.
-
[39]
Idem, 21-06-1916.
-
[40]
« Lettre de brouillon de H.-C. Groussau à R. Poincaré et A. Briand », 18-06-1916, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 109 ; « Lettre de R. Poincaré à H.-C. Groussau », 19-06-1916, idem, boîte 108.
-
[41]
« Copie de la lettre du Comité de Intérêts Économiques de Roubaix-Tourcoing à R. Poincaré et A. Briand », 15-06-1916, accompagnée d’une lettre à Groussau de 16-06-1916, idem.
-
[42]
« Lettre de M. Fisener de Roubaix à H.-C. Groussau », 11-02-1925, idem.
-
[43]
Idem, 14-11-1923.
-
[44]
Journal officiel, 02-02-1925, p. 495-496.
-
[45]
« Lettres de Marthe Fisener de Roubaix à H.-C. Groussau », 11 et 23-02-1925 et 13-09-1925, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 108.
-
[46]
Idem, 23-06-1925.
-
[47]
Idem, 13-02-1928.
-
[48]
Idem, 15-09-1928.
-
[49]
Idem, 15-10-1928.
-
[50]
Idem, 22-09-1929.
-
[51]
« L’Oiseau de France », L’Action française : organe du nationalisme intégral, n° 104, 15-04-1923, p. 4.
-
[52]
Par exemple : « Lettre d’A. Hecquet de Lille à H.-C. Groussau », 28-09-1920, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 110. En outre, cette lettre est un des exemples du phénomène où des citoyens du Nord envoyaient leur requête à l’adresse de Groussau à Paris. Groussau semble, décidément, avoir été plus souvent à Paris/Versailles que dans « son » département du Nord.
-
[53]
Idem, 05-10-1920.
-
[54]
Idem, 26-10-1920.
-
[55]
« Lettre de la veuve J. Willot de La Madeleine (Nord) à H.-C. Groussau », 30-08-1921, idem. Voir aussi le « Brevet de nomination de Chevalier de la Légion d’honneur pour Joseph Willot », décoré le 20-08-1921 par décret du 12-08-1921, Base de données Léonore, Ministère de la Culture. L’Oiseau de France, journal clandestin, publié en 1915-1916 dans la région de Roubaix et Lille fut fondé par Joseph Willot (pharmacien, professeur de médecine et pharmacie à la Faculté catholique de Lille), l’abbé Pinte (professeur de chimie à l’Institut technique de Roubaix) et Firmin Dubar (industriel roubaisien) qui furent arrêtés à la fin de 1916, condamnés et envoyés en captivité en Allemagne où l’état de santé du premier se dégrada. Il mourut peu après l’armistice et fut décoré de la Légion d’honneur (à titre posthume) ainsi que ses deux compagnons (plus tard, mais de leur vivant). Sur la presse clandestine, voir J.-P. Visse, La Presse du Nord et du Pas-de-Calais au temps de l’Écho du Nord (1819-1944), Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2004, p. 199 ; P. Nivet, La France occupée. 1914-1918, Paris, Colin, 2011.
-
[56]
Cf. par exemple : « Lettre d’E. Toulemonde de Roubaix au Ministre des Régions Libérées », 23-12-1921, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 110.
-
[57]
Par exemple : « Lettre des Filatures Boutry-Droulers à Fives-Lille à H.-C. Groussau », 08-01-1931, idem, boîte 107. En outre, cette lettre est un autre exemple où des citoyens du Nord envoyaient leur requête à l’adresse de Groussau à Versailles.
-
[58]
« Correspondance diverse échangée avec Groussau relative à des dommages à Armentières, Bousbecques, Comines, Fives, Halluin, Quesnoy-sur-Deûle, Pérenchies », 1919-1933, idem.
-
[59]
« Lettre de J. Dumortier de Comines à H.-C. Groussau », 06-07-1931, idem.
-
[60]
« Lettre de l’abbé E. Bourgeois de Loos-lez-Lille à H.-C. Groussau », 28-07-1920, idem, boîte 45.
-
[61]
« Lettre de Sœur Agnès de Jésus, Mère supérieure des Ursulines de Pau à H.-C. Groussau », 08-08-1924, idem, boîte 45.
-
[62]
« Lettre de M.P. Castillon de Montpellier », 06-11-1931, idem, boîte 123. Castillon se présente ainsi : « ancien Prof. de Théologie morale du cher Père Edmond, à Toulouse d’abord, à la fin de 1918, et à Enghien ensuite en 1919. Aujourd’hui, je m’occupe d’un petit groupe de Normaliennes officielles, à qui je voudrais révéler quelque chose des vérités et des beautés du christianisme ». Il s’attendait à une démarche de Groussau auprès du ministre de l’Instruction publique, Marius Roustan, au nom de l’équité (les mêmes règlements pour les Écoles Normales Primaires comme pour les Écoles Primaires Supérieures), comme Groussau l’avait déjà fait auprès du ministre de l’Intérieur, Louis-Jean Malvy en 1916 : « Il me souvient que, au début de 1916, étant recteur d’Hernani, en Espagne, j’eus recours à votre obligeance au sujet de mesures prises … contre les jeunes français qui voulaient aller chercher des Maîtres de leur choix : question de passe-ports [sic] que M. Malvy ordonnait d’exiger […] pour traverser la frontière, et qu’il ordonnait de refuser ». Voici donc un autre exemple d’« exilés » en Espagne. Castillon n’avait pas oublié l’empressement du député dans cette situation et il espérait une nouvelle démarche d’intermédiation auprès d’un ministre.
-
[63]
Par exemple : « Note du supérieur Masson de Saint-Clément à Blaugies (Hainaut, Belgique), à H.-C. Groussau », 08-08-1929, idem, boîte 45.
-
[64]
Par exemple : « Lettre de Marthe Fisener », 14-11-1923, op. cit. (43) : « vous avez une part bien grande dans mes imparfaites prières, ainsi que ces Messieurs, qui par votre bonne intervention, veulent bien s’intéresser à moi ».
Par exemple : « Lettre de Sœur Marie, Supérieure de St. Clément d’Angers à Loos (Nord), à H.-C. Groussau », 26-03-1923, idem, boîte 45 : « Soyez assuré, Monsieur le Député, que vous vous êtes acquis un droit à la constante gratitude de notre humble Communauté et que ce sera un réel besoin pour nos cœurs de vous la témoigner en vous donnant une part de nos prières quotidiennes ». -
[65]
Historienne de la culture française Martha Hanna explique que les journaux de pédagogie pour l’école primaire, qui étaient répandus dans la période 1880-1900, témoignent du poids donné à l’étiquette épistolaire dans le programme d’études élémentaires. Elle mentionne, par exemple, la Revue de l’enseignement primaire, cf. M. Hanna, « A Republic of Letters : The Epistolary Tradition in France during World War I » dans American Historical Review, vol. 108, n° 5, 2003, p. 1339.
-
[66]
« Vœux et félicitations adressés à Louis Marin, 1917-1936 », Archives Nationales, Fonds Louis Marin, 317AP, boîtes 235-242. Maurice Grisouard de Strasbourg, par exemple, écrivit le 30-03-1924, après l’élection de Marin comme le nouveau ministre des Régions libérées : « Vos compatriotes, et surtout ceux qui séjournent en Alsace, sont avec vous de cœur et d’esprit », cf. « Lettre de M. Grisouard de Strasbourg à L. Marin », 30-03-1924, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 235.
-
[67]
AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîtes 102, 103 et 107.
-
[68]
Idem, boîte 123.
-
[69]
« Lettre de brouillon de L. Marin de Paris à la Fédération des Commerçants & Industriels Mobilisés Français », 06-01-1921, idem, boîte 170.
-
[70]
J.-M. Mayeur, op. cit. (7), p. 299.
-
[71]
Cf. G. Charcosset, « Entre solidarité et clientélisme : un député du Rhône, Laurent Bonnevay (1902-1942) » dans Les solidarités 2 : du terroir à l’État, Actes du colloque à Bordeaux, juin 2002, P. Guillaume (dir.), Pessac, Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine, 2003, p. 469-483.
-
[72]
« Interventions pour des particuliers, par ordre alphabétique », 1930-1937, Archives Départementales de Seine-et-Marne, Fonds Jacques-Louis Dumesnil, 72J, boîtes 16-32 ; « Lettres de remerciements de particuliers », « Félicitations élections législatives » et « Correspondances reçues, 1914-1918 », 1902-1934, Archives Départementales du Rhône, Fonds Laurent Bonnevay, 10J, boîtes 22-25, 63-76.
-
[73]
F. Monier, op. cit. (6).
-
[74]
« Correspondance diverse d’associations ou de particuliers, 1921-1934 », AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 123.
-
[75]
« Lettres de onze veuves de guerre remariées », 21 à 23-02-1931, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 112.
-
[76]
É. Ducret, Le Secrétaire pour tous. Correspondance familiale, lettres d’affaires et de commerce, circulaires, pétitions, requêtes, formulaire des actes sous seing privé, etc. etc., Paris, A.-L. Guyot, s.d., p. 74. Pour une analyse de tels « secrétaires », voir : C. Dauphin, « Les manuels épistolaires au xixe siècle », dans La correspondance. Les usages de la lettre au xixe siècle, Roger Chartier (dir.), Paris, Fayard, 1991, p. 209-272.
-
[77]
« Lettres de onze veuves de guerre remariées », 21 à 23-02-1931, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 112.
-
[78]
« Circulaire de la Fédération Nationale des Veuves de guerre remariées », 23-02-1931, idem.
-
[79]
Par exemple : « Lettre de Mme Dubrulle-Spons d’Armentières à H.-C. Groussau », 22-02-1931, idem. Le dossier contient un accusé de réception de Groussau comme réaction type à toutes ces lettres. Dans cette réponse, il jugea leur situation « digne d’intérêt », mais il n’ajouta pas de promesses. En outre, une étude des débats parlementaires ne révèle pas une influence de ces requêtes, personnellement adressées au député du Nord, sur ses propos. Toutefois, l’absence d’un réel résultat ne doit pas être interprétée comme un manque de moyen de pression chez les citoyens, ici les femmes.
-
[80]
E. Hobsbawm, Een eeuw van uitersten : de twintigste eeuw, 1914-1991, Utrecht, Spectrum, 2000, p. 68-69 ; G. Eley, Forging Democracy. The History of the Left in Europe, 1850-2000, Oxford, Oxford University Press, 2002), p. 3-4, 220-222.
-
[81]
Exemples : concernant une béatification : « Lettre de Cornudet, vicaire général à Paris à H.-C. Groussau », 26-06-1924, idem, boîte 45 ; concernant des taxes : « Lettre de la Sœur Directrice de Filles de l’Enfant Jésus de Lille à H.-C. Groussau », 16-01-1923, idem ; concernant des décorations : « Lettre d’E. Toulemonde de Roubaix au ministre des Régions Libérées », 23-12-1921, idem, boîte 110 ; concernant des pensions : « Lettres de veuves de guerre remariées à H.-C. Groussau », 21 à 23-02-1931, idem, boîte 112.
-
[82]
M. Beyen, « Clientelism and politicization. Direct interactions between deputies and ‘ordinary citizens’ in France, ca. 1890-ca. 1940 », Tidsskrift for historie, vol. 8, 2014, p. 17-32.
-
[83]
J. Baubérot, Histoire de la laïcité, op. cit. (34), p. 87-90.
-
[84]
« Lettre de Sœur Saint-Antonin de la Congrégation de Filles du Saint-Esprit de Saint-Brieuc à H.-C. Groussau », 24-01-1934, AD Nord, Papiers Groussau, J 474, boîte 46.
-
[85]
S. Suodenjoki, op. cit. (6), p. 289.
-
[86]
Cela se trouve le plus dans les archives de Bonnevay, après qu’il avait influencé l’obtention de pensions, d’un sursis militaire, d’une mutation, etc., par exemple : « Lettre de veuve Berchoux de Tarare (Rhône) à L. Bonnevay », 11-07-1910, Archives Départementales du Rhône, Fonds Bonnevay, 10J, boîte 22.