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Article de revue

Un second Courrières : la catastrophe minière du 19 avril 1948

Pages 113 à 144

Notes

  • [*]
    Philippe Roger, maître de conférences à l’université de Lille 3, 22, rue Émile Zola, 62300 Lens.
  • [1]
    Sur Wikipédia: « Liste des catastrophes et accidents dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais ».
  • [2]
    Marion Fontaine vient de consacrer un ouvrage à la catastrophe de Liévin et à ses conséquences: Fin d’un monde ouvrier Liévin 1974, Paris, École des Hautes Études en Sciences Sociales, 2014, 240 p.
  • [3]
    Rashomon est un film réalisé par Akira Kurosawa en 1950. Plusieurs témoins, y compris le fantôme du défunt, donnent autant de versions différentes d’un crime. Le réel existe-t-il indépendamment de sa perception et de sa communication?
  • [4]
    Dont on peut considérer qu’elle défend alors une ligne politique de droite modérée.
  • [5]
    Le clichage est la recette (c’est-à-dire l’ensemble des installations situées aux abords du puits) au niveau du carreau.
  • [6]
    C’est-à-dire à la gare de triage située au fond.
  • [7]
    C’est-à-dire des planches sur lesquelles sont disposées des poussières incombustibles et qui se renversent en cas de sinistre.
  • [8]
    « Trois cent cinquante mineurs surpris par une explosion à Sallaumines », La Voix du Nord, édition d’Arras, 20 avril 1948.
  • [9]
    « La catastrophe de Sallaumines. Douze morts. Trente-cinq blessés, deux jeunes filles et un PG allemand n’ont pu être retrouvés. C’est des installations du jour qu’est parti le « coup de poussière » », La Voix du Nord, 21 avril 1948. Il y a en fait quinze morts dont deux PG (cf. Annexe).
  • [10]
    Communication de S. Curinier, « Les communistes, le charbon et la reconstruction » dans le cadre de deux journées d’études sur la seconde reconstruction dans le Nord-Pas-de-Calais organisées les 19 et 20 septembre 2012 par Michel-Pierre Chélini, Philippe Roger et Thibault Tellier, dans le cadre de l’IRHiS. Une troisième journée a été consacrée au même sujet à l’université d’Artois le 18 octobre 2013. Sur les questions sanitaires liées à la bataille du charbon, on peut consulter Ph. Roger, « Le docteur Schaffner entre médecine, administration et politique », Gauheria, mars 2016, p. 25-54.
  • [11]
    « La catastrophe de Sallaumines. La CGT veut être la seule à représenter officiellement les mineurs aux funérailles. Huit mille grévistes à Courrières. Les délégués FO sont violemment exclus de la réunion préparatoire aux obsèques », La Voix du Nord, 22 avril 1948.
  • [12]
    Rapport n° 2084/4, objet: situation de la CGT après les grèves. Possibilités du mouvement « Force ouvrière » dans le département, AD Pas-de-Calais, 1W5160.
  • [13]
    Ministère de l’Intérieur, Direction générale de la Sûreté nationale, Procès-verbal n° 428, le 13 décembre 1947, plainte de M. Minche, Auguste, mineur à Vermelles, AD Pas-de-Calais, 1W5160.
  • [14]
    « Soixante mille personnes ont assisté aux funérailles des victimes de Sallaumines. Arrêt de travail dans la totalité du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais. Exploitant l’émotion causée par la catastrophe, les communistes tentent d’entretenir le mouvement », La Voix du Nord, 23 avril 1948, p. 1 et 4.
  • [15]
    « 150000 personnes assistent aux obsèques des victimes de la catastrophe de Sallaumines. « Non, ce n’est pas la fatalité qui est responsable c’est la politique du gouvernement-patron » affirme Auguste Lecœur président de la Fédération régionale des Mineurs » », Clarté, 25 avril 1948, p. 1.
  • [16]
    É. Dejonghe, « Les Houillères à l’épreuve: 1944-1947 », Revue du Nord, octobre-décembre 1975, p. 643-666.
  • [17]
    Sur les conseillers de la République du Pas-de-Calais, il est possible de consulter Ph. Roger, « Les enjeux des élections au Conseil de la République dans le Pas-de-Calais pendant la Quatrième République » in Jean-Marc Guislin (ed), La Chambre haute, hier en France, aujourd’hui en Europe, Villeneuve-d’Ascq, IRHiS-CEGES, 2012, 250 p.
  • [18]
    La catastrophe de Courrières a provoqué la mort de 1099 mineurs. Augmenter le nombre des victimes, c’est bien sûr accroître encore l’émotion.
  • [19]
    N. Calonne, « Au puits 4 de Courrières à Sallaumines, un nouveau crime contre les mineurs et similaires », Clarté, 25 avril 1948, p. 1.
  • [20]
    L. Laloux, « La commémoration de la catastrophe de Courrières », communication prononcée dans le cadre de la journée d’étude organisée par Philippe Roger le 13 novembre 2009 à Villeneuve-d’Ascq dans le cadre de l’IRHiS et consacrée à célébrations et commémorations dans le Nord-Pas-de-Calais au vingtième siècle.
  • [21]
    Un goyot est un tuyautage en bois installé dans un puits d’extraction afin d’en assurer l’aérage.
  • [22]
    D. Varaschin, « Le bassin minier en 1906, terre de concessions », in D. Varaschin et L. Laloux, 10 mars 1906 Courrières, aux risques de l’histoire, Vincennes, GRHEN, 2006, p. 60 et 61.
  • [23]
    S. Sirot, « La catastrophe de Courrières dans la construction de la figure charismatique thorézienne » in D. Varaschin et L. Laloux, 10 mars 1906 Courrières, aux risques de l’histoire, op. cit., p. 511 à 520. Voir aussi : S. Sirot, Maurice Thorez, Paris, Presses de Sciences Po, 2000 ; A. Wieviorka, Maurice et Jeannette. Biographie du couple Thorez, Paris, Fayard, 2010.
  • [24]
    Voir M. Lazar, « Le mineur de fond, un exemple de l’identité du PCF », Revue française de science politique, 1985, numéro 2, p. 190-205. Il est également possible de se référer à la thèse de M. Lazar, PCF, intellectuels et classe ouvrière, l’exemple du mineur, de la Libération au début des années cinquante, Paris, École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1984, 936 p.
  • [25]
    A. Palle, « De la violence à l’apaisement. Les communistes entretiennent une agitation limitée », La Voix du Nord, 25 avril 1948, p. 1 et 4.
  • [26]
    « Après la catastrophe de Sallaumines un accident que l’on ne peut comparer à aucun autre… déclare M. Armanet, directeur général des Houillères », La Voix du Nord, 25 avril 1948, p. 1.
  • [27]
    Le commissaire de police, chef des renseignements généraux d’Arras à monsieur le préfet du Pas-de-Calais, rapport mensuel, le 5 avril 1948, AD Pas-de-Calais, 1W814.
  • [28]
    figure im3
  • [29]
    Sur ce préfet, on peut consulter Ph. Roger, « un préfet de guerre froide: Georges Phalempin et la fédération communiste du Pas-de-Calais de 1947 à 1956 », Histoire et archéologie du Pas-de-Calais, année 2006, t. XXIV, p. 117 à 150.
  • [30]
    Rapport mensuel du préfet du Pas-de-Calais, mois de mars 1948, AD Pas-de-Calais, 1W8145.
  • [31]
    Rapport mensuel du préfet du Pas-de-Calais, mois d’avril 1948, AD Pas-de-Calais, 1W8145.
  • [32]
    Renseignements généraux de Lens, rapport mensuel d’information, opinion publique, AD Pas-de-Calais, 1W814.
  • [33]
    Renseignements généraux d’Arras, L’opinion publique, le 5 mai 1948, 1W814.
  • [34]
    Renseignements généraux d’Arras, L’opinion publique, le 5 mai 1948, AD Pas-de-Calais, 1W814. Cf. également Rapport mensuel du préfet du Pas-de-Calais, mois d’avril 1948, AD Pas-de-Calais, 1W8145.
  • [35]
    Rapport mensuel du préfet du Pas-de-Calais, mois d’avril 1948, AD Pas-de-Calais, 1W8145.
  • [36]
    Ph. Roger, « La commémoration des deux guerres mondiales dans le Pas-de-Calais de 1945 à 1958 » dans le cadre de la journée d’études organisée le 13 novembre 2009 à Villeneuve-d’Ascq sur Célébrations et commémorations dans le Nord-Pas-de-Calais au vingtième siècle.
  • [37]
    R. Trempé, Les trois batailles du charbon, 1936-1947, Paris, La Découverte, 1989, 256 p.
  • [38]
    La France est tout de même le sixième producteur mondial de charbon en 1950.
  • [39]
    M.-P. Chélini, « Le charbon français de 1914 à 1946, une modernisation limitée », in A. Beltran (et allii) État et énergie xixe-xxe siècle, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2009, p. 110.
  • [40]
    Rapport de M. l’ingénieur en chef des mines sur la situation de l’industrie minéralogique en 1948, Procès-verbaux des délibérations du conseil général du Pas-de-Calais, 1949.
  • [41]
    On peut signaler, à titre de comparaison, que le rendement du mineur américain est, au milieu du vingtième siècle, de 15 tonnes par jour.
  • [42]
    Renseignements généraux de Béthune, le 27 mai 1948, AD Pas-de-Calais, 1W814.
  • [43]
    Renseignements généraux d’Arras, le 5 mai 1948, AD Pas-de-Calais, 1W814.
  • [44]
    Renseignements généraux de Lens, rapport mensuel d’information, L’opinion publique, le 28 avril 1948, AD Pas-de-Calais, 1W814.
  • [45]
    Le criblage est le classement des produits selon leur granulométrie. Le terme désigne aussi le lieu où s’effectue cette opération.
  • [46]
    Renseignements généraux de Béthune, le 27 mai 1948, AD Pas-de-Calais, 1W814.
  • [47]
    Le raucheur est un ouvrier chargé de rehausser les galeries.
  • [48]
    Rapport de l’Ingénieur TPE, p. 54, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [49]
    Rapport de l’Ingénieur TPE, p. 46, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [50]
    Rapport de l’Ingénieur TPE, p. 48, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [51]
    Le brandisseur est l’ouvrier chargé du renforcement de l’étanchéité d’un puits.
  • [52]
    Il s’agit de fers plats.
  • [53]
    Rapport de l’Ingénieur TPE, p. 55, 1W1641.
  • [54]
    Rapport des délégués mineurs, p. 11, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [55]
    Rapport des délégués mineurs, p. 15, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [56]
    Rapport des délégués mineurs, p. 14, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [57]
    Rapport des délégués mineurs, p. 15, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [58]
    Les ingénieurs TPE sont un corps de fonctionnaires dont l’origine remonte en fait au début du dix-neuvième siècle.
  • [59]
    Une moise est une pièce de bois (ou d’acier) scellée dans la maçonnerie d’un puits.
  • [60]
    Bouniou (ou bougnou): cavité creusée à l’extrême fond du puits et destinée à recevoir les eaux de toutes provenances.
  • [61]
    Rapport de l’Ingénieur TPE, p. 43, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [62]
    Rapport de l’Ingénieur TPE, p. 43, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [63]
    Rapport de l’Ingénieur TPE, p. 45, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [64]
    Rapport de l’Ingénieur TPE, p. 45, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [65]
    Pierre Alby (1921-1998), élève de l’École Polytechnique et de l’École des mines de Paris, membre du corps des ingénieurs de mines, débute sa carrière professionnelle à Béthune. De 1945 à 1949, il est professeur de législation générale et minière à l’École des mines de Douai.
  • [66]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 61, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [67]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 62, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [68]
    Gendarmerie nationale, Lens, le 23 avril 1948, rapport du commandant de section sur le concours apporté par la 3e compagnie de tirailleurs nord-africains de Méricourt-sous-Lens, AD Pas-de-Calais, 1W5371.
  • [69]
    Renseignements généraux d’Arras, rapport n° 822/2, A/S de la main-d’œuvre nord-africaine, le 20 mai 1948, AD Pas-de-Calais, 1W814.
  • [70]
    Rapport spécial sur les grèves des mois de novembre-décembre 1947, AD Pas-de-Calais, 1W5160.
  • [71]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 66, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [72]
    Ph. Roger, « Les grèves de 1947 et 1948 dans le Pas-de-Calais, déroulement, violence et maintien de l’ordre », Revue du Nord, n° 389, t. 93, janvier-mars 2011, p. 133 à 180.
  • [73]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 65, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [74]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 65, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [75]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 68, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [76]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 74, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [77]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 77, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [78]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 77, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [79]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 77 et 78, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [80]
    D. Varaschin, « La catastrophe de Courrières cause exacte inconnue et responsabilités multiples », in D. Varaschin et L. Laloux, op. cit., p. 131 et 132.
  • [81]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 78, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [82]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 78, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [83]
    Jean Chenevier (1918-1998), ancien élève de l’École Polytechnique et de l’École des mines de Paris, membre du corps des mines, est affecté à l’automne 1942 à l’arrondissement minéralogique de Douai. Témoin de la nationalisation des mines, il devient chef de l’arrondissement minéralogique, fonction associée à la direction de l’École des mines de Douai.
  • [84]
    Avis de l’Ingénieur en Chef des Mines, p. 87, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [85]
    Avis de l’Ingénieur en Chef des Mines, p. 87, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [86]
    Union des Femmes Françaises, pétition, AD Pas-de-Calais, M5189.
  • [87]
    Émile Vanrullen, né en 1903, professeur de physique, SFIO, commence sa carrière politique dans la Marne avant le second conflit mondial. Fait prisonnier en 1940, libéré en 1943, il est muté à Béthune, ville dans laquelle il commence à la Libération une nouvelle carrière politique. Il est élu conseiller général du canton de Béthune en 1945 et conseiller de la République en 1946. Avec Bernard Chochoy, c’est un des socialistes les plus actifs lors des délibérations du conseil général du Pas-de-Calais.
  • [88]
    Jacques Vendroux, industriel né en 1897, est bien connu en raison de sa parenté avec le général de Gaulle. Élu maire de Calais lors des élections municipales d’avril 1945, il démissionne de ce poste après son adhésion au MRP qui lui vaut de vives attaques de la part des communistes. Élu député en 1945, il est réélu en juin et novembre 1946. Il devient conseiller général du canton de Calais-Nord-Ouest en 1949 sous l’étiquette RPF. Au sein de l’assemblée départementale, Jacques Vendroux incarne une droite dont la sensibilité aux questions sociales est évidente.
  • [89]
    Jules Pouget, docteur en médecine, maire du Touquet de 1934 à 1942, emprisonné puis placé en résidence surveillée par les Allemands, redevenu maire du Touquet en 1945, est élu conseiller général du canton d’Étaples en 1945 et conseiller de la République en 1952. Très actif, en particulier dans le cadre des questions de reconstruction, il apparaît comme un des leaders de la droite dans l’assemblée départementale (sous une étiquette fluctuante en raison des aléas de l’histoire des droites après la seconde guerre mondiale).
  • [90]
    Procès-verbaux des délibérations du conseil général du Pas-de-Calais, 1949, p. 34, 50W12.
  • [91]
    Pierre Guillain, né en 1904, négociant en tissus à Saint-Omer, maire désigné de cette ville en 1944-1945, est conseiller général du canton de Saint-Omer-Nord à partir de 1945. Personnage complexe (cf. Ph. Roger, « Le Pas-de-Calais de l’épuration spontanée aux premiers bilans » dans le cadre de la journée organisée par Robert Vandenbussche à Bondues, le 1er février 2014 et consacrée à l’épuration dans le Nord de la France après le second conflit mondial), pugnace et doté d’une vive intelligence, Pierre Guillain défend le plus souvent des positions libérales en matière économique et sociale lors des délibérations du conseil général.
  • [92]
    Procès-verbaux des délibérations du conseil général du Pas-de-Calais, 1949, p. 34, 50W12.
  • [93]
    Procès-verbaux des délibérations du conseil général du Pas-de-Calais, 1949, p. 36, 50W12.
  • [94]
    Le nombre de victimes est à nouveau surestimé, mais dans des proportions nettement moindres.
  • [95]
    Ibid.
  • [96]
    Né en 1910, instituteur, Louis Le Sénéchal milite très jeune à la SFIO. Conseiller général du canton de Marquise à partir de 1937. En 1946, il remplace guy Mollet à la tête du conseil général.
  • [97]
    Procès-verbaux des délibérations du conseil général du Pas-de-Calais, 1949, p. 38, 50W12.
  • [98]
    Léon Delrue, né en 1888, a été galibot et mineur de fond. Socialiste SFIO, militant CGT, il est élu maire de Ferfay en 1919. Il est conseiller général du canton de Norrent-Fontes de 1937 à 1970.
  • [99]
    Ernest Wéry, né en 1887, a été mineur. Membre de la SFIO et de la CGT, il devient rapidement l’un des organisateurs du syndicat des mineurs dont, après la première guerre mondiale, il entreprend la réorganisation dans le bassin de Bruay-en-Artois. Il est adjoint au maire de cette ville de 1919 à 1944, maire de 1944 à 1945 puis réélu en 1947. Conseiller d’arrondissement à partir de 1934, il est élu conseiller général d’Houdain en 1945. Ernest Wéry est fermement anticommuniste et a participé à la Résistance. Sa participation à la caisse de solidarité instituée par le conseil général a forcément été brève puisqu’il est décédé le 14 octobre 1949.
  • [100]
    Ph. Roger, « Une entrée en guerre froide: les élections cantonales de 1949 dans le Pas-de-Calais », Revue du Nord, avril-juin 2002, p. 109-130.
  • [101]
    Ph. Roger, « Les enjeux départementaux des questions de politique nationale et internationale: l’exemple des débats du conseil général du Pas-de-Calais de 1945 à 1958 ». Texte disponible depuis 2006 sur le site HAL-CNRS.
  • [102]
    Henri Darras, né en 1919. SFIO. Instituteur, élu conseiller général du canton de Lens-Ouest en 1945.
  • [103]
    Jean Bardol, né en 1923, instituteur, élu conseiller général du canton de Samer en 1951.
  • [104]
    André Mancey, né en 1913, mineur, milite au parti communiste dès le début des années 1930. Maire de Calonne-Ricouart à partir de 1947, il est élu conseiller général du canton d’Houdain en 1951.
  • [105]
    Pour l’ensemble de la Quatrième République, 13 des 86 conseillers généraux du Pas-de-Calais sont des enseignants, dont 11 instituteurs. 11 de ces 13 enseignants appartiennent à la SFIO. Cf. Ph. Roger, « les conseillers généraux du Pas-de-Calais de 1945 à 1958: le renouvellement d’un groupe notabiliaire », Revue du Nord, n° 339, t. 83, janvier-mars 2001, p. 133. Sur le problème politique que cette situation peut représenter pour les socialistes, voir Ph. Roger, « Une conséquence de l’affaire Lecœur dans le Pas-de-Calais », Histoire et archéologie du Pas-de-Calais, 2008, p. 97.
  • [106]
    Camille Delabre, né en 1906, instituteur. Militant socialiste et syndicaliste, anticommuniste résolu, il est élu maire de Courrières en 1945 et conseiller général du canton de Carvin en 1949.
  • [107]
    Délibérations du conseil général du Pas-de-Calais, séance du 18 décembre 1951, désignation des représentants du conseil général au comité de gestion du fonds de solidarité en faveur des victimes d’accidents mortels dans les mines, p. 80, AD Pas-de-Calais, 50W16.
  • [108]
    M.-F. Conus et J.-L. Escudier, « Analyse économique du cycle de vie de l’industrie houillère française: la phase ultime (1970-2004) », in A. Beltran (et allii), op. cit., p. 181.
  • [109]
    D. Varaschin, « Pas de veine pour le charbon français (1944-1960) » in A. Beltran (et alii), op. cit., p. 135.

1L’extraction minière, s’effectuant en situation extrême, est évidemment génératrice d’accidents. Un site Internet recense ainsi une cinquantaine de catastrophes survenues entre 1756 et 1975 dans le seul bassin houiller du Nord-Pas-de-Calais [1]. Cependant, si la dangerosité de cette activité est bien connue, peu de catastrophes, si l’on excepte bien sûr celle de Courrières en 1906 et celle de Liévin en 1974 [2] ont fait l’objet d’une étude historique spécifique. Les accidents constituent pourtant un excellent révélateur de la situation et des tensions qui règnent dans les mines au moment où ils se produisent.

2Située à Sallaumines, la fosse n° 4 de la compagnie des mines de Courrières est exploitée à partir des années 1860. Le puits n° 11, dont le forage est terminé en 1901 se trouve 30 mètres à l’ouest du premier puits. La fosse n° 4 fait partie de celles qui ont été les plus touchées par la catastrophe de 1906: si Méricourt, avec 404 morts, est la commune la plus durement affectée, elle est suivie par Sallaumines qui compte 304 morts. Nationalisée en 1946, la compagnie des mines de Courrières intègre alors le groupe d’Hénin-Liétard. Le puits n° 11 atteint en 1948 une profondeur de 495 mètres. Il est humide et le cuvelage de bois, qui commence à un peu plus de 12 mètres du jour et s’achève à 95 mètres, n’empêche pas la venue quotidienne de 75 m3 d’eau. L’exhaure doit donc être assurée par une pompe. Les travaux sont classés faiblement grisouteux et poussiéreux. En 1948, les veines exploitées portent les noms d’Adélaïde, Amé, Eugénie et Léonard. Toute l’extraction de la fosse remonte par le puits n° 11 dont la production journalière atteint les 1450 tonnes. Arrivées à la surface, les berlines sont reprises par deux traînages et le charbon est ensuite culbuté et criblé.

3Le 19 avril 1948, à 17 h 38, le puits n° 11 est secoué par une violente explosion. Les documents conservés permettent de croiser plusieurs points de vue sur cet événement: celui de la presse (en l’occurrence les numéros de La Voix du Nord et de Clarté conservés aux archives départementales du Pas-de-Calais), celui de l’administration, ceux des délégués mineurs et des experts chargés d’expliquer ce qui s’est produit dans le puits n° 11, de déterminer d’éventuelles responsabilités légales et de proposer des mesures permettant d’éviter le renouvellement d’une semblable catastrophe. Celle-ci apparaît comme un phénomène complexe et, afin de nous efforcer de la comprendre, laissons, à la manière de Rashomon[3], s’exprimer les différents acteurs.

Les journaux

4Très vite, bien sûr, la presse s’efforce de décrire et de comprendre l’accident. Le 20 avril, La Voix du Nord[4], après avoir précisé le nombre de morts et de blessés graves, indique qu’une colonne de flammes s’est élevée au-dessus du chevalet. Celui-ci a été déplacé par deux fortes explosions qui ont détruit une partie du moulinage, la salle de clichage [5]. La première serait intervenue à l’accrochage [6] au niveau 443 où 8 cadavres auraient été découverts. En revanche, dans le même puits, mais à l’accrochage 383, aucune victime ne serait à déplorer. Le journal se félicite du bon fonctionnement des barrages Taffanel [7] qui ont sans doute empêché la propagation de l’incendie des poussières de charbon [8].

5L’édition du 21 avril de La Voix du Nord présente une version un peu différente de la catastrophe. La première explosion se serait produite dans les installations du jour, dans le bâtiment qui protège le puits, entre le clichage et le moulinage: à 17 h 48, les poussières en suspension prennent feu et le coup de poussière s’engouffre aussitôt dans le puits, brûlant au passage les hommes et les chevaux de l’accrochage. Les effets du phénomène apparaissent cependant capricieux et une partie des mineurs qui se trouvent a priori sur sa trajectoire est épargnée. La cause exacte de l’accident paraît par ailleurs difficile à établir: « Nul ne saura jamais, sans doute, ce qui fut à l’origine de la catastrophe, une étincelle, une allumette ou comme certains le prétendent, la foudre? » L’auteur de l’article (qui n’est pas signé) cède au macabre: « une main horriblement calcinée a été découverte presque au sommet du chevalement dont les tuiles ont été arrachées: des traces de vernis ont été relevées sur les ongles brûlés ». Mais il souligne surtout que les « mineurs, une fois de plus, ont été injustement éprouvés ». Il indique aussi que l’Assemblée nationale a rendu un hommage officiel aux travailleurs des Houillères et à leur rôle dans le relèvement du pays et qu’un crédit de deux millions a été voté pour les familles des victimes [9].

6Dès le 22 avril, La Voix du Nord précise que la catastrophe revêt clairement une dimension politique. La veille s’est tenue une réunion consacrée à la préparation des obsèques des victimes. Y ont participé le sous-préfet, des responsables des Houillères nationales, mais aussi des représentants de la CFTC, de FO et de la CGT. Or ces derniers accueillent très mal les militants FO, s’estimant seuls qualifiés, avec ceux de la CFTC, pour prendre la parole lors des funérailles. André Augard, de FO, ayant protesté et signalant que jamais, pour sa part, Force ouvrière n’avait préconisé « la production à outrance et par n’importe quel moyen », les cégétistes expulsent les représentants de FO après les avoir quelque peu malmenés. Le parcours d’André Augard ne peut en fait que déplaire aux cégétistes de 1948: militant syndical dès l’entre-deux-guerres, il est alors également l’un des principaux dirigeants des Jeunesses socialistes dans le bassin minier de Saône-et-Loire. Fortement anticommuniste dès 1937, il est un des principaux artisans de la scission syndicale dans son département au moment des grèves de 1947. Cela lui vaut de solides inimitiés et le conduit à poursuivre son activité au niveau national, devenant secrétaire adjoint de la Fédération nationale FO des mineurs. « La bataille de la production » constitue par ailleurs bien sûr un sujet sensible pour les communistes et les cégétistes qui y ont tenu une place essentielle: s’efforçant, dans les années qui suivent la Libération, de mobiliser les mineurs, ils affirment que produire davantage de charbon est un acte patriotique autant qu’un devoir de classe, exaltent le productivisme, militent en faveur des heures supplémentaires et de la récupération des journées de travail perdues (en particulier les jours fériés). Mais cette volonté de mobiliser les mineurs se heurte à une résistance croissante, soutenue par la CFTC constamment hostile au productivisme, par la SFIO et par la fraction de la CGT qui reste hostile aux communistes (et qui va donner naissance à FO). Au printemps 1947, l’autorité de la CGT et du parti communiste sur les masses ouvrières, qui n’acceptent plus les sacrifices, commence donc à s’éroder. Le retour des communistes dans l’opposition en mai 1947, le déclenchement de la guerre froide puis les grèves de décembre 1947 permettent au parti communiste et à la CGT de retrouver la fonction tribunicienne qui leur convient certainement beaucoup plus. Mais le souvenir de la bataille de la production (dont les conséquences sur la santé des mineurs ont sans doute été graves) devait rester durablement gênant [10]. La Voix du Nord déplore bien sûr l’expulsion des représentants de FO [11]. L’incident s’inscrit dans un contexte de très forte tension qui règne entre la CGT et la nouvelle confédération. L’émergence de FO, qui bénéficie du mécontentement d’une partie des fonctionnaires et des mineurs face aux grèves politiques, est contrariée par la difficulté de trouver des cadres [12] d’autant que la CGT, évidemment désireuse de conserver sa position dominante dans le bassin houiller, n’hésite pas à utiliser la menace: au moment des grèves de 1947, un délégué-mineur de la fosse 9 des mines de Béthune demande ainsi à plus de 2000 grévistes de lui rapporter la tête d’un des animateurs de FO dont le domicile avait été précédemment attaqué par une centaine de personnes qui avaient enfoncé sa porte, malmené son épouse et fouillé son domicile où ils avaient volé d’importantes sommes d’argent [13].

7Dans de telles conditions, il n’est pas étonnant que la cérémonie funèbre, organisée sur la grande place de Sallaumines, se déroule dans une ambiance assez lourde. La Voix du Nord évoque la participation d’une foule considérable, venue de tout le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, formant un cortège de plusieurs kilomètres. Si les mineurs insistent volontiers sur leur solidarité professionnelle, notons que celle-ci n’est pas absolue: les prisonniers allemands qui ont succombé à la catastrophe du puits n° 11 sont en effet ensevelis au camp de Méricourt. La guerre est encore toute proche… La cérémonie religieuse est marquée par l’intervention de monseigneur Perrin et du doyen des aumôniers polonais. Mais, pour La Voix du Nord, les obsèques se transforment ensuite progressivement en manifestation politique. Si le président du conseil d’administration des Houillères du Nord et du Pas-de-Calais insiste sur la nécessité de faire toute la lumière sur les origines de la catastrophe, Auguste Lecœur lui répond que

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« rarement la responsabilité d’un patron n’a été aussi nettement et fortement engagée… On veut blanchir les coupables; on confie l’enquête à des amis… Nous ne pouvons avoir confiance en la Direction qui mène cette enquête, car on ne peut plus être directeur général sans avoir donné au gouvernement des preuves de servilité… C’est pour obtenir des sinécures que les directeurs exécutent les ordres de l’État-Patron… » [14]

9Clarté, l’hebdomadaire de la fédération communiste du Pas-de-Calais, accorde bien sûr une place importante à la cérémonie de Sallaumines: 150000 personnes auraient assisté aux obsèques des victimes. Si les membres du gouvernement, confrontés à « la juste et légitime colère des mineurs », ayant « peur des cercueils qui les accusent, des gars de la mine qui veulent que soient assurées leur sécurité et leur condition de vie » n’ont pas osé envoyer de représentant, les responsables du « glorieux Syndicat des mineurs » et du parti communiste sont présents. L’hebdomadaire communiste insiste naturellement sur l’importance du discours d’Auguste Lecœur, qui s’exprime en tant que président de la Fédération Régionale des Mineurs, « qui, avec force, fixa les responsabilités de cette catastrophe et exigea des pouvoirs plus étendus aux délégués mineurs et que satisfaction soit donnée aux justes revendications de la corporation minière » [15]. La demande d’un accroissement des pouvoirs des délégués mineurs n’est naturellement pas surprenante: si la CGT est alors le principal instrument de la puissance du parti communiste dans le bassin minier, c’est par l’entremise des délégués mineurs que s’exerce l’influence du syndicat [16]. Dans le même numéro de Clarté paraît un article de Nestor Calonne, secrétaire général du syndicat des mineurs du Pas-de-Calais, vice-président de la fédération des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais, directeur de la Tribune, l’organe du syndicat des mineurs et conseiller de la République [17]. Nestor Calonne entreprend de démontrer les ressemblances entre les deux catastrophes de Courrières.

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« Deux fois en 42 ans, dans les mêmes circonstances, les mineurs de Courrières sont atteints dans leur chair. Deux fois après de terribles catastrophes, ils sont amenés à faire les mêmes remarques. En 1906, le délégué-mineur Ricq avait maintes fois signalé dans ses rapports les dangers imminents que faisait courir à ses camarades la non-observation du règlement par les exploitants ».

11Mais ses protestations avaient été vaines, ce qui avait provoqué la mort de plus de 1500 mineurs [18], « victimes de l’incurie patronale ». L’enquête officielle n’avait tenu aucun compte des rapports du délégué-mineur. La situation de 1948 apparaît très semblable:

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« depuis que Lacoste, ministre du Commerce et de l’Industrie, a dit qu’il fallait réduire le prix de revient du charbon, que s’est-il passé? Les directeurs ont supprimé les gaziers; les équipes d’entretien sont réduites énormément; les schistes, le chaulage, l’argile disparaissent; les portes fonctionnent mal; les pulvérisateurs sont supprimés dans les veines les plus poussiéreuses; l’arrosage manque totalement; les mesures de sécurité les plus élémentaires sont négligées. Voilà donc, comment, 42 ans après, l’on traite notre corporation. Les résultats: les poussières s’amoncellent, le gaz aussi et c’est la mort affreuse d’une quinzaine d’ouvriers. Ce n’est pas de cette façon qu’on réduit le prix de revient. Il y a donc des responsables! »

13Les rapports sont en fait accusateurs et les mineurs exigeront qu’ils soient pris en considération. L’article de Nestor Calonne s’achève par un appel à la lutte afin que les délégués mineurs obtiennent le droit d’arrêter les chantiers, pour le paiement des journées chômées à la suite de la catastrophe et aussi, plus généralement, pour la revalorisation de la profession de mineur [19]. Le parallèle avec la catastrophe de 1906 est d’autant plus naturel que son souvenir, qui sera fortement réactivé en 2006, s’il n’est pas resté cent années durant une préoccupation permanente pour une population locale que sollicitaient des problèmes à la fois graves et urgents (deux guerres mondiales et des crises économiques), ne s’est toutefois jamais totalement estompé [20]. La comparaison entre 1906 et 1948 obéit bien sûr d’abord à une logique politique, ce qui ne signifie pas pour autant qu’elle soit nécessairement absurde. Avant la catastrophe de 1906, les puits exploités par la compagnie de Courrières passaient pour peu dangereux, ce qui avait conduit la compagnie à négliger certaines précautions: le risque d’explosion étant jugé faible, les mineurs avaient le droit de fumer, les veines exploitées n’étaient pas remblayées et la lutte contre la poussière dégagée par les premières haveuses était insuffisante. Des considérations financières, en particulier la stratégie d’autofinancement avaient conduit à étaler certaines dépenses, aboutissant à un lent remplacement des goyots [21] par des puits d’aérage [22].

14La réaction du parti communiste est sans doute d’autant plus vive en 1948 que les années d’après-guerre sont marquées, pour cette force politique, par une véritable exaltation du mineur. Celle-ci s’esquisse en fait dès les années 1930, comme le montre Fils du peuple, l’autobiographie de Maurice Thorez: le culte du secrétaire général insiste sur ses origines nordistes et minières. Fils du peuple s’ouvre d’ailleurs pratiquement par la catastrophe de Courrières dont Thorez (qui n’a pas encore 6 ans au moment des faits) affirme se souvenir avec précision. Dans la construction soignée de Fils du peuple, ce n’est certainement pas un hasard, d’autant que les pages consacrées à Courrières changent peu au fil des différentes rééditions: la catastrophe permet d’inscrire Thorez dans l’épopée du mouvement ouvrier français [23]. À partir de 1944, les mineurs sont par ailleurs souvent au cœur même des activités du parti où ils jouent un rôle assez remarquable. Les mineurs incarnent à peu près parfaitement l’identité communiste: leur histoire, telle qu’elle est lue par le parti, doit démontrer l’irrésistible émergence de la conscience de classe. Ils incarnent d’autre part le combat pour l’indépendance nationale, pendant l’Occupation bien sûr, mais aussi, à partir de 1947, contre le parti de Washington, au premier rang duquel se trouve la SFIO. Le mineur apparaît en fait comme le prototype de l’homme nouveau. Il n’est donc pas étonnant qu’il exerce une véritable fascination sur les intellectuels communistes, comme le montrent en 1949 Le mot mineur, camarades, d’André Stil et Le point du jour de Louis Daquin [24]. Dans de telles conditions, les événements d’avril 1948 ne peuvent manquer d’avoir une résonnance particulière.

15L’une des principales questions qui se posent après les obsèques est évidemment la perspective d’un nouveau mouvement social d’envergure. Dans La Voix du Nord, Albert Palle y consacre un assez long article. Il souligne la vitesse avec laquelle la catastrophe de Sallaumines s’est transformée en une manifestation politique: la colère des mineurs est certes légitime et il est juste que l’on recherche d’éventuels responsables et que toutes les mesures soient prises pour garantir la sécurité dans les Houillères. Mais l’appel à la grève générale et les violences exercées contre les délégués de FO ne prouvent-ils pas que les communistes entendent utiliser les morts? Leur but est probablement de créer une agitation permanente et de prouver qu’ils contrôlent les mines et peuvent à tout instant y arrêter le travail. La situation sociale n’est en tout cas pas bonne, ce qui n’est d’ailleurs pas lié à la seule action du parti communiste. Il faut en effet prendre en compte la hausse des prix: FO et la CFTC soulignent que l’inflation entretient le mécontentement populaire. La centrale chrétienne menace même, si les prix ne baissent pas, de s’associer avec la CGT pour réclamer une hausse générale des salaires. Albert Palle ne croit cependant pas à une dégradation immédiate du climat social: les communistes, que la plupart des travailleurs lui paraissent peu désireux de suivre, devraient se contenter d’opérations de harcèlement, en attendant « que l’heure sonne à nouveau d’une action d’envergure… » Peut-être faut-il voir dans cette relative prudence le résultat de la transformation de la situation géopolitique? La stratégie violente mise en œuvre en octobre 1947 par le Kominform dresse contre les communistes des couches de plus en plus larges de la population et peut « susciter à leur encontre des coalitions qui, à la longue, entraîneraient l’unité de l’Europe contre l’URSS ». Les Soviétiques et leurs alliés ont probablement décidé d’adopter une tactique plus prudente, ce qui ne doit cependant pas conduire leurs adversaires à relâcher leur attention: la moindre agressivité des communistes ne signifie nullement « leur affaiblissement définitif ou l’abandon de leur objectif suprême qui est la prise du pouvoir en vue de l’intégration du pays à l’Empire soviétique, pas plus que l’agitation limitée d’aujourd’hui ne signifie que les communistes aient renoncé à l’insurrection, qu’ils aient consenti enfin à la paix sociale et au relèvement du pays » [25]. Le coup de Prague, qui vient à peine de se produire, influence bien sûr l’analyse d’Albert Palle qui saisit par ailleurs très bien que l’un des objectifs de l’agitation entretenue par le parti communiste français depuis l’automne 1947 (la conférence de Szklarska Poreba qui aboutit à la fondation du Kominform s’était accompagnée de violentes critiques d’Andreï Jdanov et des délégués yougoslaves à l’égard des communistes français qui avaient en conséquence aussitôt radicalisé leur ligne politique) est de compromettre l’application du plan Marshall.

16Le même jour, deux autres articles de La Voix du Nord évoquent aussi la catastrophe et ses conséquences. L’un d’eux est en fait une interview du directeur général des Houillères qui évoque le caractère extraordinaire de l’accident qui n’est « comparable à aucun autre survenu dans la région ». Le seul cas connu qui se rapproche des événements du 19 avril s’est produit une vingtaine d’années plus tôt dans le bassin d’Aix-La-Chapelle: il n’a jamais pu être expliqué. L’explosion qui s’est produite à Sallaumines ne venait en tout cas pas du fond et le puits s’est comporté comme le tube d’un canon ouvert aux deux extrémités: la flamme qui a soufflé dans les galeries provenait du puits. Le directeur des Houillères précise cependant que l’enquête est loin d’être achevée: il est en effet impossible de descendre à plus de 100 mètres. 300 autres mètres resteront à parcourir lorsque le cuvelage sera consolidé [26].

Le regard administratif

17Les renseignements généraux et les services préfectoraux notent après la catastrophe du 19 avril que le début du mois avait été plutôt calme. Le mois de mars avait été plus agité. Des mouvements s’étaient alors produits dans presque tous les groupes du bassin minier [27]. Le préfet estime que la CGT a essayé, par petites grèves successives, d’évaluer la situation après le succès qu’elle venait de remporter lors des élections de délégués mineurs du 15 février [28] : « Comme le plus souvent il ne s’agissait que de débrayer une heure, une demi-journée, voire 24 heures, les moins convaincus obéissaient à moins qu’ils ne préférassent descendre avant le mot d’ordre de reprise du travail ». Pour Georges Phalempin [29], les consignes syndicales étaient cependant suivies sans grand enthousiasme [30]. Indice du calme global qui règne dans le département, les journaux recommencent au mois d’avril à évoquer les projets de tunnel sous la Manche. « C’est un signe des temps, caractéristique des périodes tranquilles » [31]. Mais l’explosion du 19 avril transforme la situation, plongeant « l’agglomération dans la consternation ». Pour les renseignements généraux de Lens, les événements marquent d’autant plus les esprits qu’ils se produisent dans une fosse qui avait été durement touchée en 1906 et que les causes de la catastrophe sont difficiles à établir: « Une vive émotion s’est emparée des mineurs dont le moral a été soumis à rude épreuve à cause des circonstances mystérieuses ayant provoqué la catastrophe. De nombreux commentaires circulent à ce sujet… » [32]

18Au-delà du seul bassin minier, l’ensemble de la population départementale est affecté par la catastrophe. Pour les renseignements généraux d’Arras, l’opinion a éprouvé une double réaction: d’une part, la compassion a été générale à l’égard des mineurs dont « on a plaint dans tous les milieux la situation pénible » et « dont les risques de travail ne sont pas toujours compensés par un salaire suffisant ». Ce dernier point est d’autant plus sensible que toute la population considère que « le pouvoir d’achat des salariés est plus faible qu’à l’automne dernier ». Mais le monde paysan, les classes moyennes et la bourgeoisie craignent simultanément que ces événements ne constituent le point de départ de nouveaux mouvements sociaux. « On redoutait dans ces milieux que le parti communiste profite de l’occasion pour provoquer une grève générale qui aurait pu coïncider avec des mouvements semblables en Italie où le Front populaire venait d’être battu » [33]. Les élections générales italiennes du 18 avril 1948 constituent sans doute l’un des sommets de la guerre froide en Europe occidentale. Elles opposent la Démocratie Chrétienne qui l’emporte avec 48,5 % des voix et le Front Démocratique Populaire, alliance des communistes et des socialistes: cas unique en Europe occidentale, les socialistes italiens choisissent en effet de s’allier avec le PC, ce qui entraîne d’ailleurs la scission de leur aile droite. Venant après plusieurs années de violences politiques, la campagne électorale, pendant laquelle Américains et Soviétiques n’hésitent pas à subventionner massivement leurs champions respectifs, est l’une des plus dures de toute l’histoire politique italienne. Dans de telles conditions, il n’apparaît pas très surprenant que les événements italiens aient impressionné l’opinion française.

19L’administration souligne que l’explosion de la fosse 11 aggrave bien sûr un climat politique et syndical déjà très tendu venant, pour le préfet, « réveiller les colères, fausser une fois de plus les esprits ». Pour le premier fonctionnaire du département, la phase politique de la catastrophe s’est ouverte quasi immédiatement, « avant même que ne cessent le périlleux travail des équipes de sauvetage et l’angoisse des familles des mineurs accidentés ». Il ne dissimule pas son agacement face aux médias nationaux qui ont, selon lui, contribué à envenimer la situation:

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« les journaux parisiens, toujours soucieux de titres à sensation, faisaient peu de cas de la vie de tous ceux qui lentement remontaient: les disparus se chiffraient, à les en croire, par centaines. La radiodiffusion nationale se faisait l’écho de ces nouvelles alarmistes et en profitait, – à la surprise générale –, pour souligner complaisamment une visite nocturne et spectaculaire du leader du parti communiste sur les lieux de la catastrophe ».

21Dès le lendemain, la CGT dissimule à peine son hostilité lorsque Robert Lacoste vient saluer les victimes. Mais c’est le surlendemain, lorsqu’il faut préparer les obsèques officielles, que, selon le préfet, commencent véritablement les difficultés. La CGT entend interdire la présence officielle de FO lors des funérailles. Or sa suprématie est évidente dans les mines. Les renseignements généraux estiment en effet qu’en cas de consultation de l’ensemble du personnel des Houillères du Pas-de-Calais, la CGT obtiendrait 57 à 62 % des voix, FO de 23 à 28 % des suffrages et la CFTC de 15 à 20 %. Encore faut-il prendre en compte que la plupart des ingénieurs sont fidèles à la CgC (ceux qui étaient affiliés à la CGT avant la scission ont presque tous rejoint FO), que FO et la CFTC se partagent les voix des employés et que la domination de la CGT est moins marquée dans le cas des ouvriers de surface. Ce sont en revanche plus des trois quarts des mineurs de fond qui soutiennent la CGT. La CFTC étant peu représentée dans cette catégorie, l’affrontement avec la minorité favorable à FO est direct [34].

22Pour Georges Phalempin, en expulsant les représentants de FO, les dirigeants du syndicat régional des mineurs ont mis à profit leur position de force et montré « qu’ils ne reculeraient pas devant l’emploi de la violence, même devant les cercueils, pour faire respecter leur intransigeance ». Il estime cependant que c’est à l’occasion des obsèques, avec les discours de Victorin Duguet, le secrétaire général de la FNSS-CGT, et d’Auguste Lecœur que « l’exploitation des cadavres – l’expression n’est pas trop forte – » atteignit son apogée. Cette situation a entraîné l’absence du ministre de l’Industrie et du Commerce. Le préfet estime cependant que l’intransigeance de la CGT et du parti communiste est largement contre-productive:

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« au cours même de la cérémonie, des familles manifestèrent ouvertement leur réprobation. La foule silencieuse des mineurs… contrastait avec cette polémique partisane; et j’ai l’impression qu’elle accueillit avec une sorte de soulagement les quelques mots par lesquels, en saluant à mon tour les victimes au nom du Gouvernement, je soulignai l’inopportunité d’une telle polémique en un tel lieu » [35].

24En cette fin des années 1940 (cela se vérifie à nouveau en septembre 1949 lors des incidents qui marquent l’inauguration du mémorial des fusillés dans les fossés de la citadelle d’Arras), le premier fonctionnaire du département est en effet convaincu que l’agressivité des manifestations communistes est inefficace et contribue à éloigner du parti un certain nombre de sympathisants [36]. Sur ce point, son analyse devait d’ailleurs quelque peu évoluer par la suite.

25L’administration s’intéresse bien sûr également aux éventuelles conséquences sociales de la catastrophe. L’année 1948 est complexe pour les Houillères. À vrai dire, depuis plus d’une décennie, les difficultés étaient à peu près permanentes dans les charbonnages. Dès les années 1930, la modernisation technique aurait été indispensable. Mais les compagnies minières, frappées par la crise, sont incapables de la mener à bien. La guerre, bien sûr, aggrave considérablement le problème, entraînant une surexploitation du matériel: il est alors tout juste possible de maintenir les installations existantes en état de marche. À la Libération, la misère technique des mines du Pas-de-Calais est donc extrême: couloirs oscillants, convoyeurs à bande, berlines, rails, locomotives, soutènements métalliques des galeries doivent être absolument remplacés. Et ces travaux indispensables sont à peu près impossibles avant les premiers effets de l’aide Marshall (donc au cours de l’année 1948) [37]. Or, dès 1945, le gouvernement veut rattraper le niveau de production charbonnière d’avant-guerre et si possible le dépasser: à un moment où les importations de combustibles sont malaisées (il faut attendre l’année 1948 pour qu’elles retrouvent leur niveau d’avant-guerre), il s’agit en effet de libérer le pays du carcan énergétique et d’assurer son indépendance dans ce domaine essentiel.

Tableau 1

La production française de charbon (en millions de tonnes)

Tableau 1

La production française de charbon (en millions de tonnes)

26Un tel objectif est naturellement très ambitieux: même si l’on ne tient pas compte des circonstances exceptionnelles des années 1940, la France n’a jamais été que le plus petit des grands producteurs de charbon [38]. Pour des raisons en partie géologiques (elle n’abrite que 0,2 % des réserves mondiales), le « pain de l’industrie » lui a toujours manqué: de 1788 à 1913, le déficit charbonnier a oscillé d’un tiers à la moitié de la consommation nationale. En 1913, 40 % du charbon consommé en France est importé. Si ce pourcentage peut sembler diminuer pendant l’entre-deux-guerres (33 % en 1938), cette évolution est en partie illusoire car elle est due en bonne partie à la crise économique [39].

27En fait, faute de modernisation technique, le but fixé par le gouvernement est impossible à atteindre: le rapport consacré à l’année 1948 que l’ingénieur en chef des mines présente au conseil général du Pas-de-Calais montre ainsi que la production atteint cette année-là 17686000 tonnes, soit un peu moins de 87 % du niveau de 1938. Il convient bien sûr de prendre en compte l’impact de la grève qui marque la fin de l’année 1948 et qui est donc nettement postérieure à la catastrophe du mois d’avril. Mais certaines difficultés sont sensibles tout au long de l’année. Le problème le plus grave est sans doute la diminution du nombre de mineurs de fond. La situation générale des Houillères l’explique aisément: la modernisation immédiate se révélant impossible au lendemain de la guerre, les mines, repoussant constamment les grands travaux indispensables, vivent au jour le jour, tirant le maximum des installations existantes. Faute de pouvoir s’appuyer sur le progrès technique, elles doivent tout exiger des hommes qui conduisent la bataille de la production dans des conditions de plus en plus difficiles. Il n’est, de ce fait, pas étonnant que les travailleurs soient de plus en plus difficiles à trouver: si les mineurs de fond représentent un effectif de près de 88000 ouvriers en 1948, leur nombre diminue pendant l’année de plus de 14000 unités. Cette chute s’explique par la libération des prisonniers de guerre allemands (même s’il en reste encore plus de 16000 à la fin de l’année), le départ d’une partie des étrangers (la Libération est en effet suivi du retour dans leur pays d’origine de nombreux Polonais, perte d’autant plus sensible qu’ils représentent une forte proportion de la main-d’œuvre et que ce sont souvent des spécialistes du fond) et le changement de profession d’un certain nombre de mineurs qui préfèrent à leur métier d’origine celui qu’ils ont trouvé pendant la grève de 1947. Les embauches effectuées ne peuvent compenser ces départs massifs de personnel [40]. En outre, dans la décennie qui précède l’année 1948, la dégradation des conditions de travail s’accompagne dans toute la France d’une poussée de l’absentéisme dont les effets se conjuguent avec ceux de la diminution de l’effectif des travailleurs du fond: le taux d’absentéisme, compris entre 8 et 9,5 % en 1938, atteint 24,5 % en avril 1945 et dépasse encore les 22 % en 1947 (même si, évidemment, pour cette dernière année, l’effet des grèves est à prendre en considération).

28Conséquence de cette accumulation de difficultés techniques et humaines, la productivité du travail est relativement faible. Cette faiblesse est d’ailleurs en partie structurelle dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais: s’inscrivant dans la longue durée, elle s’explique par des raisons naturelles (veines profondes, étroites et faillées) qui ont longtemps rendu l’accroissement de la productivité particulièrement laborieux.

Tableau 2

Extraction par travailleur en France en tonnes/jour[41]

Tableau 2

Extraction par travailleur en France en tonnes/jour[41]

29En mai 1948, les renseignements généraux de Béthune, évoquant l’exemple du groupe des Houillères nationales de Bruay-en-Artois, estiment que le nombre des descentes journalières atteint 105 % du niveau de 1939 mais que le rendement individuel n’est que de 80 % [42]. La catastrophe a bien entendu des répercussions immédiates sur la production: elle aboutit à la perte d’un jour complet d’extraction et, d’autre part, à un ralentissement général de l’extraction pendant la deuxième quinzaine d’avril.

30La catastrophe de Sallaumines est suivie par un arrêt de travail. Celui-ci est à peu près total le jour des obsèques mais, pour l’administration, il ne peut être considéré comme un mouvement de grève à proprement parler: il s’agit surtout d’un geste de sympathie. Le préfet estime que l’opinion publique s’est davantage inquiétée de la situation du bassin minier dans le reste de la France que dans le Pas-de-Calais. Les renseignements généraux nuancent en fait cette affirmation: une partie de la population semble avoir craint que la catastrophe ne soit le départ de nouveaux conflits sociaux [43].

31La CGT lance effectivement une violente campagne contre l’« État-Patron » et le gouvernement. Mais l’efficacité de ce mouvement semble rester réduite et la fédération régionale des mineurs décide la reprise du travail pour le 26 avril [44].

32Cette décision semble avoir été assez largement interprétée comme un signe de faiblesse de la confédération. La participation limitée aux défilés du 1er mai 1948 paraît confirmer cette situation: à la suite, sans doute, de la scission syndicale, les manifestants sont deux fois moins nombreux qu’en 1947. Cela ne signifie toutefois pas que la catastrophe de Sallaumines n’ait pas affecté le climat social du bassin minier: les délégués mineurs s’efforcent de faire porter la responsabilité de l’explosion sur les Houillères. Pour eux, notent les renseignements généraux, c’est en particulier le dépoussiérage qui pose problème, que ce soit au fond ou en surface. À la fosse 3 de Nœux-les-Mines, ils réclament ainsi un dépoussiéreur, le criblage [45] rendant l’atmosphère irrespirable dans les corons. Plus encore, les sections syndicales semblent avoir souvent reproché aux ingénieurs de ne pas tenir suffisamment compte des rapports des délégués sur les questions d’hygiène et de sécurité [46].

Les témoignages

33L’enquête demandée par l’UFF a bien eu lieu (c’est de toute façon une procédure normale après une catastrophe minière). Avant d’évoquer les différents rapports, il faut préciser qu’un grand nombre de témoignages est alors recueilli auprès du personnel présent le jour de la catastrophe. Et, bien sûr, l’on est souvent amené à penser à Fabrice pendant la bataille de Waterloo. Beaucoup de mineurs n’ont rien vu ou presque; d’autres n’ont observé que des aspects secondaires ou difficilement compréhensibles du drame. Clément Grzybek, raucheur [47] de 46 ans, qui était au niveau 403, en train de préparer une taille, a bien entendu un bruit, « comme si un boutefeu avait tiré tout près, suivi d’un déplacement d’air ». Mais il ne ressent en fait qu’une faible commotion: « évidemment pour un tir de mines, c’était étrange car on ne ressent pas dans un tir un déplacement d’air aussi important, mais ça ne paraissait quand même pas excessivement anormal. Nous ne nous sommes pas affolés, je n’ai pas pensé à l’explosion » [48]. Quelques-uns, cependant, ont pu observer de très près la catastrophe. Le témoignage de Joseph Thiry, un électricien de 38 ans, est particulièrement précis:

34

« J’étais au pied de l’escalier du puits 11 face à la baraque des étiquettes. J’ai entendu un souffle qui a duré au grand maximum 10 secondes. Tout au début du souffle j’ai vu de la poussière puis du rouge qui se mélangeait au nuage de poussière, cela sortait de la recette du puits 11. Je ne pouvais pas voir le triage. Après ce souffle, qui a duré 10 secondes, j’ai entendu un petit bruit suivi immédiatement par une explosion forte comme l’explosion d’une bombe de 500 kg. J’étais couché, j’ai senti le souffle mais je n’ai rien vu. Après l’explosion, je suis monté au moulinage, j’ai buté contre un corps, c’était, je pense, un Allemand je l’ai traîné puis il s’est ranimé et s’est sauvé, je suis revenu au moulinage… Tandis qu’on ne pouvait pas circuler tout d’abord j’ai pu passer sous les fumées et les flammes. Les flammes étaient comme des lézards au-dessus de ma tête » [49].

35Dans le cas des PG allemands, le témoignage se fait collectif et est recueilli par le biais d’un interprète. Voici celui de Walter Albrecht, Charles Jokiel, Georges Schlaak et Georges Spuhler:

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« Nous étions depuis vingt minutes dans le réfectoire. Les deux jeunes filles étaient avec nous depuis une dizaine de minutes… La porte était fermée, l’explosion survint, la porte s’ouvrit et une flamme s’engouffra dans le local. Nous avons tous été culbutés sur le sol. Le P.G. Geiger a crié au moment où la flamme entrait: « tous dehors »… Le premier qui est sorti est Geiger et probablement ensuite les jeunes filles qui ont crié avant de sortir. Le dernier qui est sorti est Albrecht et déjà on ne voyait plus clair… À peu près cinq minutes après l’explosion tout le monde était à l’infirmerie » [50].

37Dans le puits lui-même, c’est surtout l’explosion qui a été ressentie par Jean Knizelis, 49 ans, brandisseur [51] :

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« au moment où l’accident survint j’étais dans la cage couchant du puits 4, étage supérieur avec 2 Allemands. D’après moi j’étais à peu près à 120 du jour. J’ai entendu une forte explosion en même temps la cage a été soulevée puis elle est retombée pour se balancer encore à tel point que j’ai cru que le câble était rompu, nos lampes étaient sans feu. Un Allemand est parvenu à rallumer sa lampe. Je m’étais rendu compte qu’il y avait eu une explosion grave. J’ai prévenu les Allemands qu’il fallait faire vite si on ne voulait pas être surpris par les fumées. J’ai arraché les spatées [52] puis nous sommes passés sur le plancher d’échelle. J’ai pris la tête avec la lampe pour remonter les échelles. Un Allemand a monté une échelle puis il est tombé inanimé sur le plancher, le second a monté 5 m plus haut pour tomber également. Je me suis ranimé au bout d’un temps indéterminé et j’ai vu arriver 2 sauveteurs… Ils m’ont demandé d’atteindre la cage, mais j’ai préféré prendre les échelles et gagner le jour en me reposant fréquemment » [53].

Les rapports des délégués mineurs et des experts

39Le premier rapport consacré à la catastrophe est celui des délégués mineurs. Long de 16 pages, il est rendu le 22 mai: le drame est avant tout la conséquence d’un coup de poussière. Le puits 11 est en effet extrêmement poussiéreux. Or aucun moyen de captation des poussières n’existe dans la fosse et le criblage et le moulinage sont pleins de nids à poussières pulvérentes. « L’enquête prouve qu’on les nettoyait seulement au sol, alors que dans toute l’armature en fer des bâtiments il s’en trouve des couches de vingt et trente centimètres jamais nettoyées » [54]. Les règles de sécurité qui auraient permis d’éviter la catastrophe n’ont donc pas été respectées. L’explosion qui a provoqué le coup de poussière peut provenir d’un auto-allumage dans un compresseur mécanique qui était en mauvais état, ce qui engage la responsabilité de l’exploitant, donc des Houillères. Cet auto-allumage est peut-être l’origine de l’éclatement de la colonne d’air du puits qui, dans ses parties faibles, ne mesurait plus qu’un millimètre d’épaisseur contre six millimètres à l’état neuf. La vétusté de cette colonne s’explique par son ancienneté: elle date en effet des lendemains du premier conflit mondial. Le mauvais état du matériel engage une nouvelle fois l’exploitant. La partie technique du rapport débouche sur une longue conclusion de nature syndicale et plus encore politique: les Houillères doivent recevoir les crédits nécessaires à l’application du plan d’équipement et de modernisation, ce qui permettra de doter l’ensemble des installations minières de moyens efficaces (par exemple l’injection d’eau) pour combattre les poussières au moment même de leur production. Il convient aussi de renforcer le corps des ingénieurs du fond, « en supprimant le surnombre d’Ingénieurs dans les bureaux qui ne sont que de vulgaires paperassiers » [55]. Il faut surtout accroître le rôle des délégués mineurs en leur permettant d’arrêter n’importe quel chantier en cas de danger imminent. La formation technique des délégués doit aussi être renforcée afin d’améliorer leur connaissance des appareils de sécurité et d’hygiène.

40Si la responsabilité de l’exploitant ne fait donc aucun doute, « sans l’en excuser, nous pouvons affirmer qu’il n’est pas le seul » [56]. C’est bien sûr le gouvernement qui est le grand responsable de la catastrophe. La politique de Robert Lacoste, le ministre du Commerce et de l’Industrie, a créé une atmosphère délétère et le véritable esprit des nationalisations a été trahi: c’est désormais le règne de l’État-Patron, « avec sa politique du prix de revient le plus bas possible, donnant des ordres impératifs à l’exploitant pour l’appliquer, refusant les crédits pour les travaux neufs nécessaires à la modernisation des Houillères, enlevant toute possibilité d’adoption des moyens modernes de lutte contre les poussières » [57].

41Trois autres rapports, rédigés par des ingénieurs, sont rendus ultérieurement. Représentant un ensemble volumineux (plusieurs dizaines de pages), accompagnés de nombreux documents (croquis très précis des lieux et des dommages provoqués par l’explosion, photographies), ils constituent dans une certaine mesure une réponse aux observations et aux revendications exprimées par les délégués mineurs. Le premier et le plus important est celui de l’Ingénieur des Travaux Publics de l’État [58] Baudet. Long de 60 pages (même s’il comporte près de quinze pages de témoignages), il est daté du 1er juin. Après avoir rappelé les caractéristiques techniques du puits n° 11, il s’efforce de décrire la catastrophe et ses suites immédiates aussi précisément que possible: tous les observateurs voient un nuage de poussière sortir du puits et entendent deux explosions successives, la seconde étant beaucoup plus forte que la première. En surface, la plupart des disjoncteurs du 4/11 ont alors fonctionné mais pas tous. Il faut aussitôt s’occuper des derniers à la main. Au fond, une partie des hommes ne ressentent rien ou presque rien, comme si une conduite d’air s’était rompue. Pour Baudet, il apparaît donc clairement que le phénomène s’est déroulé en deux temps: une première explosion dans le puits provoque la formation d’un nuage qui sort du puits et un souffle suivi d’une détonation. Une deuxième explosion se produit ensuite à la tête du puits. Ces événements sont suivis d’une flambée qui parcourt le triage.

42L’alerte est immédiatement donnée. Cependant, si la situation au jour est rapidement éclaircie, celle du puits reste d’abord confuse. Des appels téléphoniques proviennent ensuite du fond: que se passe-t-il? Dès 18h21, les sauveteurs commencent à descendre. 10 victimes sont rapidement dénombrées autour de l’accrochage. À minuit, les opérations de sauvetage sont à peu près terminées. Un incendie est cependant bientôt découvert au niveau 299: les moises [59] semblent brûler mais la chaleur interdit de s’en approcher. Le puits va être fermé lorsque l’on découvre que l’incendie n’affecte qu’un petit dépôt de bois. Dès le 20 avril commence la remise en état des installations essentielles: rétablissement du cuvelage endommagé, remise en état des pompes… Mais un nouvel incendie éclate le 22 avril. Cette fois, ce sont des poutres qui brûlent et, le feu s’étendant sous la maçonnerie, il faut le noyer sous une colonne d’eau. Le puits est ensuite surveillé de près jusqu’à la fin du mois. Divers travaux sont nécessaires pour atteindre le bouniou [60] du puits où sont retrouvés les corps des ouvrières du moulinage et du PG disparus au moment de la catastrophe.

43Baudet décrit ensuite les dégâts. Ceux-ci sont surtout concentrés à l’étage 403, au niveau de l’accrochage. Ils ne s’étendent pas à plus de 400 mètres du puits et ne sont sérieux pour les hommes et le matériel que dans ses environs immédiats. Toutes les projections sont dirigées du puits vers les fronts. Elles ont été accompagnées d’une flamme qui a brûlé les ouvriers et allumé des incendies. C’est dans l’écurie que sont faites les constatations les plus étonnantes: sur 10 chevaux, 7 ont été tués, dont 5 portent des traces de brûlure. Or, on ne rencontre même pas un brin de paille portant des traces de brûlures. En surface, la maçonnerie qui se trouve au sommet du puits a été soulevée par l’explosion. La couverture en tuiles de zinc du chevalement a entièrement fondu et la cage, déformée, s’est coincée au deuxième étage. Le triage a essentiellement subi des effets thermiques mais ceux-ci sont considérables. C’est cependant l’état du puits lui-même qui retient le plus l’attention de l’Ingénieur: le cuvelage est fortement endommagé, en particulier à partir de la 54e moise, c’est-à-dire à 76 mètres du jour.

44Les dégâts sont évidemment liés à la tuyauterie d’air qui a subi de nombreux éclatements sous l’effet d’une explosion extrêmement violente survenue à l’intérieur. L’installation de compression et de transport d’air fait en conséquence l’objet d’un examen très détaillé. Au moment de l’explosion, le machiniste voit de la fumée et des étincelles sortir des tuyaux de refoulement. La salle des compresseurs s’emplit d’une épaisse fumée et les machines s’arrêtent. Après enquête, il s’avère que l’un des compresseurs (Dujardin CVD6 n° 708) n’a pas fait l’objet d’une révision générale depuis janvier 1945. Baudet s’efforce de comprendre ce défaut d’entretien. Le premier facteur est peut-être l’insuffisante qualification du personnel: il semble que les machinistes n’aient pas été au courant de la nécessité de purger les boîtes à clapets des compresseurs Dujardin. Interrogés, l’un d’eux aurait déclaré, avec une expression « ahurie, le mot n’est pas trop fort »: « mais on ne m’a jamais dit de purger là » [61]. Beaucoup de machinistes sont en fait des ouvriers devenus inaptes aux travaux du fond mais leurs connaissances mécaniques semblent réduites: « Ils ne peuvent donc juger de l’impératif de certaines consignes ni de la nécessité de signaler une anomalie dont ils ne peuvent prévoir les conséquences » [62]. Il faut ensuite mentionner l’augmentation continue de la demande d’air comprimé au fond: même si les Houillères s’efforcent d’installer des compresseurs à haut débit, la plupart des stations de compression sont devenues insuffisantes. Mais le problème le plus grave est sans doute le manque de personnel. En quelques années, les travaux demandés au service mécanique se sont considérablement accrus en raison des destructions provoquées par les bombardements, de la vétusté des installations de surface et de la transformation des installations par l’application du plan de concentration de la production. La puissance des compresseurs installés à Courrières correspond à 34128 chevaux. Or, « Le service mécanique estime que pour assurer une marche normale de ces machines, le temps d’entretien indispensable ramené au cheval installé et par an est de 1 heure et demie… » [63]. Il faut donc prévoir un peu plus de 59000 heures d’entretien par an, ce qui correspond au temps de travail de 23 ouvriers. Le personnel chargé de l’entretien comptant 24 personnes, il devrait donc, pour assurer un suivi correct des compresseurs, être à peu près entièrement affecté à cette seule fonction. Cela n’est évidemment pas possible dans la mesure où ces 24 hommes doivent aussi se charger de l’entretien des ventilateurs, des machines d’extraction, des lavoirs, des pompes d’exhaure, etc.

45

« Quoique sensiblement le même qu’avant la guerre l’effectif du service mécanique de Courrières paraît insuffisant pour assurer un entretien correct des machines… Ceci est peut-être dû au volume des travaux plus importants quoiqu’il n’est pas prouvé qu’avant la guerre l’entretien était parfait » [64].

46Le rapport de Baudet est accompagné de celui de l’Ingénieur des Mines Pierre Alby [65], long de 24 pages. Celui-ci indique être entièrement d’accord avec les conclusions de l’Ingénieur TPE mais souhaite revenir sur certains points. Le premier d’entre eux est la chute des deux trieuses et du PG dans le puits n° 11. Cet événement a surpris mais « il est plus que vraisemblable que les intéressés, fuyant de la sortie du réfectoire vers la seule porte ouverte dans une atmosphère très assombrie par les poussières et les fumées… sont tombés dans le puits, se trouvant sur le trajet, dont les barrières avaient sauté à la suite de l’explosion » [66]. Le sauvetage s’est par ailleurs déroulé dans des conditions globalement satisfaisantes. L’action d’un délégué mineur a cependant perturbé les secours: « Un tel fait est inadmissible et si un ordre ne peut être exécuté par suite d’une faute de discipline, cela peut avoir dans un sauvetage des conséquences tragiques » [67]. D’autre part, le carreau a été constamment envahi par une foule dont la présence était gênante. Un rapport de gendarmerie précise en effet qu’une foule considérable s’est très vite regroupée aux abords de la fosse n° 4 mais aussi de la fosse n° 3 (par laquelle s’effectuaient les opérations de sauvetage) ainsi qu’à l’entrée de l’hôpital Sainte-Barbe de Fouquières-lès-Lens où étaient transportés les blessés. Il est très vite devenu indispensable de canaliser la foule afin de permettre aux secours de circuler en toute liberté. Or les forces de police et de gendarmerie étant insuffisantes en nombre, il faut faire appel à la compagnie de tirailleurs nord-africains qui assure, à trois kilomètres environ du lieu de la catastrophe, la garde du camp de prisonniers de guerre de Méricourt-sous-Lens [68]. Le rapport mentionné souligne que cette aide « a été particulièrement appréciée par toute la population ». Sans doute le capitaine qui en est l’auteur insiste-t-il d’autant plus sur ce point que les relations entre les Nord-Africains et la population française et étrangère du bassin minier étaient souvent difficiles [69] et que la loyauté de ces troupes nord-africaines affectées dans le bassin minier à la garde des prisonniers allemands apparaissait extrêmement douteuse: dans le rapport spécial qu’il consacre aux grèves de 1947, le préfet Phalempin signale ainsi qu’elles font l’objet d’un noyautage important et qu’il ne lui apparaît pas impossible qu’elles passent ultérieurement avec armes et bagages du côté des émeutiers [70]. En cas de catastrophe, Pierre Alby estime donc qu’il faut prévoir l’évacuation des carreaux, si nécessaire manu militari: l’action des sauveteurs ne risquerait pas ainsi d’être entravée et la foule ne serait pas inutilement exposée à des dangers réels (en particulier les risques de chute de matériel).

47Mais l’ingénieur des mines entend surtout passer en revue les différentes hypothèses avancées après la catastrophe. Il précise avoir d’abord pensé à une flambée initiale de poussière au criblage, flambée qui se serait ensuite engouffrée dans le puits n° 11, qui est un puits d’entrée d’air, provoquant une explosion. Mais les témoignages, en particulier celui de Thiry, démontrent que la première explosion s’est produite dans le puits lui-même. Le claquage d’un câble électrique dans le puits lui-même aurait été a priori envisageable mais les mesures effectuées prouvent le bon isolement électrique des installations haute tension et téléphoniques dans le puits. La foudre peut-elle avoir frappé le carreau? Le 19 avril à 17h30, le temps est certes orageux sur le bassin minier mais l’orage n’a pas éclaté à Sallaumines: « Rien dans l’examen des lieux ne relève la trace d’un coup de foudre; aucun témoignage ne vient confirmer cette hypothèse… de journaliste » [71]. La catastrophe pourrait-elle résulter de l’explosion accidentelle d’un dépôt d’explosifs? De tels dépôts ont effectivement été aménagés au fond pendant la guerre mais ils ont été entièrement vidés et murés: rien d’inquiétant n’a été noté dans leur voisinage. En 1948, l’hypothèse du sabotage n’apparaît pas, par ailleurs, totalement invraisemblable. Les grèves de 1947 avaient été marquées par de tels actes: s’ils sont alors nettement moins nombreux qu’à l’automne 1948, leurs conséquences sont graves: touchant de manière privilégiée les voies ferrées, ils provoquent en particulier le déraillement du train Paris-Tourcoing à Agny le 3 décembre 1947. Les mouvements de la fin de l’année 1948 toucheront davantage les installations minières et des explosifs sont alors employés. La tension politique et sociale qui règne dans le bassin minier peut bien sûr déboucher sur une certaine psychose de l’attentat, d’autant que la proximité de la seconde guerre mondiale et les conditions même de fonctionnement du système productif minier font qu’il y a beaucoup d’armes (en particulier des grenades) ainsi que d’assez importantes quantités d’explosifs dans l’arrondissement de Béthune et qu’une partie de la population sait s’en servir [72]. Mais, si le groupe d’Hénin-Liétard dispose bien sûr d’explosifs, l’examen des stocks ne révèle rien d’anormal. Un sabotage supposerait par ailleurs pour l’Ingénieur que la charge ait été placée à l’intérieur même de la colonne d’air comprimé, « ce qui paraît pratiquement impossible » [73]. Tout semble en effet converger vers l’explosion primaire de la colonne d’air comprimé. Il n’empêche que ce qui s’est produit dans le puits reste assez mystérieux: la première explosion est très vraisemblablement celle de la colonne d’air. Mais ensuite? La seconde correspond-elle à un coup de poussière? C’est possible dans la partie supérieure du n° 11 mais difficile à admettre dans le reste du puits qui est très humide. Convient-il donc d’évoquer également l’explosion des gaz de combustion primaire? Comment, par ailleurs, la colonne d’air a-t-elle pu exploser? Son ancienneté n’est pas niable et « comme c’est le cas presque partout, on se contente de remplacer les éléments qui présentent des fuites sans jamais procéder à une rénovation d’ensemble. Il y a là un problème qui mérite un examen sérieux » [74]. Mais, si, localement, l’épaisseur du tuyau est effectivement très réduite, l’ingénieur relève 22 explosions, probablement simultanées, dont certaines ont eu lieu dans des éléments sains de la tuyauterie. Son usure n’est donc pas en rapport direct avec l’accident: la pression qui a conduit à l’éclatement de la tuyauterie a dû atteindre les 50 à 100 kg par cm2 alors qu’elle aurait dû être de 24 kg par cm2. Comment une telle surpression a-t-elle été possible? C’est bien le compresseur Dujardin CVD6 n° 708 qui semble en cause. Pour l’examiner, Pierre Alby s’est adjoint le double concours du fabricant et d’un expert indépendant. Le compresseur, minutieusement étudié, ne présente aucun élément défectueux mais un entretien insuffisant a conduit à « un état d’usure, d’encrassement, d’entartrage… » [75]. Le système comporte par ailleurs des ballons d’air comprimé qui sont abîmés. C’est sans doute de là qu’est parti le feu: l’un des ballons était en effet tapissé d’une sorte d’émulsion de 200 litres de produits liquides représentant à peu près 25 litres d’hydrocarbures. De l’air sous pression à une température comprise entre 170° et 180° y circulait. L’émulsion a probablement pris feu, entraînant le passage à l’état gazeux de 15 à 20 kilogrammes d’hydrocarbures qui se sont mélangés à l’air. Une flamme issue du ballon s’est propagée dans la conduite, engendrant une onde explosive. Un point laisse à vrai dire l’Ingénieur tout à fait perplexe: la température de l’air refoulé ne dépasse pas les 180°. Or les températures d’auto-ignition des produits présents varient de 295° pour le kérosène à 810° pour le toluène. Pierre Alby en est donc réduit à supposer « l’intervention de phénomènes d’oxydation catalytique avec formation de peroxydes instables et rôle possible du coke et des poussières charbonneuses préexistantes » [76]. L’ingénieur examine ensuite le rapport des délégués mineurs. Celui-ci lui paraît accorder une importance excessive au coup de poussière qui n’est certes pas impossible mais qui n’a pu affecter l’ensemble du puits. Cela ne signifie pas, toutefois, que l’ensemble des observations formulées par les délégués doit être rejeté: le problème des poussières dans les criblages, même s’il n’est pas à l’origine de la catastrophe, est tout à fait sérieux. Les Houillères doivent effectivement bénéficier de crédits suffisants pour assurer la sécurité. Il serait enfin utile de renforcer le cadre des ingénieurs sur le tas. Pierre Alby estime en revanche que la revendication d’une meilleure formation des délégués mineurs en matière de sécurité est plus contestable: « les séances d’information professionnelle ont lieu très régulièrement, nous regrettons simplement qu’elles ne soient pas suivies avec plus d’assiduité » [77].

48La question de la responsabilité de la catastrophe se pose naturellement. Aucune faute ne peut bien sûr être imputée aux victimes mais l’Ingénieur des mines estime qu’il n’est pas davantage possible de retenir une faute lourde de la part de l’employeur, même si celui-ci doit évidemment assumer la responsabilité qui lui incombe normalement en cas d’accident du travail. L’explosion qui s’est produite à Courrières est en effet, « à notre connaissance, unique dans les annales minières françaises et même étrangères… » [78]. La tuyauterie d’air comprimé était certes usée mais elle a éclaté en des points qui ne l’étaient pas et la pression provoquée par l’explosion était telle qu’elle aurait pu faire sauter un tuyau neuf. Les coups de feu des compresseurs et des ballons sont d’autre part des événements relativement fréquents, « mais jamais l’on a observé l’éclatement d’une tuyauterie d’air comprimé au-delà des réservoirs-tampons placés à la sortie des compresseurs. Enfin, l’auto-inflammation reste un phénomène mystérieux dont la prévention n’est pas évidente » [79].

49Si les difficultés rencontrées par les ingénieurs pour déterminer les origines de la catastrophe peuvent paraître surprenantes, elles ne sont en fait pas vraiment étonnantes: tout accident de galerie est difficile à reconstituer. Même l’élucidation du drame de 1906 n’a jamais été totale en dépit des nombreuses enquêtes qui furent alors diligentées et l’hypothèse, communément admise, du coup de grisou n’est pas totalement convaincante [80]. En 1948, il n’en reste pas moins évident pour l’Ingénieur des Mines que la catastrophe est très probablement liée à l’état du compresseur CVD6 n° 708 qui n’était pas très bon et dont la dernière réparation était trop ancienne. Mais qui est le vrai responsable de cette situation? Le personnel de base est de toute évidence trop peu nombreux et le chef de service l’a signalé à plusieurs reprises à la direction du groupe. Celle-ci est consciente du problème mais elle « reçoit de la Direction générale des injonctions tellement formelles pour la réduction des effectifs du jour qu’on ne peut lui tenir grief d’avoir un service d’entretien exactement équivalent à celui d’avant-guerre » [81]. La Direction générale n’est elle-même pas maîtresse du prix de revient et dépend du gouvernement et du parlement par le biais des subventions.

50Depuis la Libération, les mines sont en effet, comme le précise Pierre Alby, entièrement dépendantes de l’État. Jusqu’à leur nationalisation, elles sont placées sous sa tutelle absolue: il fixe les salaires, les prix de vente et choisit le montant ainsi que le mode de financement des investissements. Un fonctionnement normal des mines aurait exigé que le prix de vente du charbon soit fixé en fonction de son prix de revient effectif majoré d’une marge bénéficiaire, ne serait-ce que pour assurer un financement, au moins partiel, des investissements dont le caractère indispensable a été précédemment évoqué. Or l’État refuse aussi bien d’augmenter les prix que de verser des indemnités compensatrices. Les mines sont donc incontestablement sacrifiées à l’intérêt national. Et cette politique perdure après la nationalisation: en 1948, les prix de revient sont ainsi sensiblement supérieurs au prix de vente. Dans de telles conditions, il n’est pas étonnant que l’Ingénieur des Mines estime que « les responsabilités s’étendent donc du haut en bas de l’échelle; elles sont si diffuses qu’on doit les considérer comme en partie consécutives aux événements que nous avons vécus depuis dix ans et comme relevant d’un beaucoup plus large problème de structure… » [82].

51Un tel constat ne doit toutefois pas empêcher de renforcer les mesures de sécurité: il convient d’abord d’effectuer des vérifications fréquentes du circuit d’air comprimé, de procéder lors des révisions au nettoyage des dépôts, en particulier des émulsions d’huile, et de mieux former les mécaniciens. Si, par ailleurs, l’hypothèse d’une flambée initiale des poussières au criblage ne peut être retenue, un tel accident est loin d’être impossible. La présence de poussières est certes difficilement évitable à cet endroit mais il est indispensable de prévoir des nettoyages hebdomadaires et de mettre à l’étude de meilleurs dispositifs de dépoussiérage. Il faut aussi faire pression sur les Houillères afin « que cesse le scandale de ces installations vétustes dans un délai de trois ou cinq ans ». Ces mesures ne sont d’ailleurs pas suffisantes: il convient également de s’occuper des nombreuses installations électriques défectueuses et d’éviter la présence de braseros. Une nette séparation entre les ateliers de criblage et les puits est enfin nécessaire, de façon à éviter la transmission d’une flambée au criblage à un puits d’entrée d’air ou, à l’inverse, la transformation d’une explosion survenue dans un puits en flambée au criblage.

52Les rapports de Baudet et de Pierre Alby sont suivis par l’avis, beaucoup plus bref puisqu’il ne fait que deux pages, et daté du 18 juin 1948, de l’Ingénieur en Chef des Mines de Douai, Jean Chenevier [83]. Celui-ci reprend et approuve les conclusions de Pierre Alby. Il rejette en conséquence la thèse des délégués mineurs: il n’y a pas eu de coup de poussières dans l’ensemble des installations endommagées et la responsabilité essentielle de l’exploitant tient bien à l’état défectueux du compresseur. Mais les circonstances doivent être prises en compte:

53

« Sans doute la politique de production intensive poursuivie en 1945, 1946 et 1947, (qui s’est traduite en particulier par ce fait que les fosses n’ont pas été arrêtées pour congés en 1945 et 1946, rendant impossible tout entretien poussé des installations) accompagné depuis 1947 d’une politique de compression des effectifs au jour, était-elle nécessaire à la vie économique de la nation et n’interdisait-elle pas absolument à l’exploitant de renforcer ses effectifs en personnel d’entretien aux dépens d’autres catégories; mais elle conduisait infailliblement à créer une atmosphère dans laquelle les problèmes d’entretien passaient tout naturellement au second plan. De tels accidents en sont la rançon. Devant l’importance (vitale et nationale) des problèmes en jeu et de leurs exigences contradictoires, nous nous estimons incapables de porter une accusation contre quiconque » [84].

54L’ingénieur en chef rappelle enfin que la responsabilité de l’exploitant ne pourrait être légalement retenue que dans la mesure où les conséquences du mauvais entretien du compresseur étaient connues. Or ce n’est pas le cas puisque l’accident qui est survenu à Sallaumines est pratiquement unique dans les annales minières. « C’est pour toutes ces raisons que nous estimons que, dans cette malheureuse affaire, il n’y a pas lieu à suites pénales » [85].

Des prolongements politiques

55Après la catastrophe, l’une des organisations satellites du parti communiste, l’Union des Femmes Françaises, s’efforce de diffuser largement, à Sallaumines et dans les environs, une pétition associant, selon une pratique alors habituelle dans l’univers communiste, demandes immédiates et revendications syndicales ou clairement politiques. L’explosion du puits n° 4 de Sallaumines aurait été précédée de rapports signalant la présence de poussières, « cause du danger, mais il n’en a pas été tenu compte ». « Femmes, mères, sœurs de mineurs, nous ne voulons plus trembler constamment pour les nôtres ». La pétition demande donc que la catastrophe donne lieu à une « enquête sérieuse » et que les pouvoirs des délégués mineurs soient étendus. L’UFF appuie par ailleurs les revendications contenues dans le cahier présenté par la CGT pour le 1er mai et en particulier la hausse des salaires. S’exprime aussi un certain nombre de demandes nettement plus éloignées encore des événements de Sallaumines: diminution des crédits militaires et « politique de Paix », augmentation des crédits pour l’Éducation nationale et la formation professionnelle. Aux archives départementales du Pas-de-Calais, 177 pages accompagnent la pétition. Si le nombre de signataires est très variable, une partie de ces feuilles sont entièrement remplies [86].

56L’accident de 1948, intervenant après d’autres catastrophes minières survenues en 1946, pousse par ailleurs certains conseillers généraux à proposer la création d’un fonds permanent de secours destiné aux familles des mineurs victimes des accidents isolés qui sont moins bien prises en compte que celles des catastrophes collectives.

57Le projet est discuté le 13 mai 1949. Émile Vanrullen [87] indique qu’il est apparu injuste que les proches des victimes des accidents individuels ne reçoivent pas d’aide. Les conseillers appartenant à la droite de l’assemblée départementale émettent toutefois un certain nombre de remarques. Jacques Vendroux [88] donne son accord de principe mais considère que le comité chargé de la gestion du fonds n’est pas très équilibré: les mineurs, qui versent la contribution la plus importante, sont trop peu représentés par rapport au gouvernement et au conseil général. Jules Pouget [89] se demande si le projet doit également s’appliquer aux ouvriers du jour. Les conseillers socialistes répondent que, lors de la catastrophe de 1948, « ce sont surtout les ouvriers de la surface qui ont été atteints » (ce qui est d’ailleurs inexact, puisque 11 des victimes appartenaient au personnel du fond) et qu’ « il y a autant de danger à la surface que dans le fond des galeries » [90]. Les socialistes estiment par ailleurs qu’il ne convient pas, en fait, d’opposer les deux catégories: beaucoup d’ouvriers du jour ne sont-ils pas d’anciens mineurs auxquels leur santé ne permet plus de descendre? C’est Pierre Guillain [91] qui émet les plus fortes réserves. Pourquoi un tel système doit-il être réservé aux mineurs? Pourquoi établir une telle disparité de traitement? « Est-ce qu’en l’occurrence la famille d’un ouvrier quelconque, qu’il soit agricole ou industriel, ne connaît pas les mêmes difficultés au moment de la disparition de son chef, et alors pourquoi ne pas généraliser le principe? » [92]. Tous les habitants du département doivent bénéficier de la même sollicitude de la part du conseil général: si la sécurité sociale est insuffisante, ne convient-il pas d’étendre le dispositif prévu à l’ensemble des accidents mortels du travail? Le préfet fait alors remarquer que le conseil général ne doit effectuer qu’un dixième du financement de la nouvelle caisse qui sera abondée aux deux tiers par les mineurs et les Houillères. Les autres industries sont-elles disposées à fournir le même effort? Pierre Guillain maintient ses positions: la mesure doit être étendue à tous. Cela provoque les protestations d’Émile Vanrullen: la proposition de Guillain est en fait « un moyen de noyer le poisson » puisque le conseil général ne peut envisager l’extension du système. Le conseiller général du canton de Béthune ajoute toutefois: « je me réjouirai si, lors de la prochaine session, je constate que M. Guillain nous propose une caisse de solidarité en faveur de tous les travailleurs » [93]. Émile Vanrullen dévie ensuite quelque peu du sens de la proposition (qui correspond à la volonté d’indemniser les accidents individuels) en rappelant le précédent de Courrières: ce « n’est pas dans n’importe quelle profession qu’on peut enregistrer comme dans la catastrophe de Courrières en 1906 1200 victimes [94]. On n’a pas eu le renouvellement d’accidents aussi catastrophiques depuis, mais il n’est pas exclu que des accidents graves puissent encore se produire » [95].

58Le président de l’assemblée départementale, le socialiste Louis Le Sénéchal [96], tient alors à rappeler que, de manière assez comparable, un fonds de solidarité avait été créé au lendemain de la guerre afin de venir en aide aux marins-pêcheurs. Pierre Guillain maintient cependant la nécessité d’étendre le dispositif, ce qui conduit le président à évoquer la question du financement. Le conseiller général de Saint-Omer-Nord, sans nier la difficulté, lui répond alors que « 1200 foyers de misère, quelle qu’en soit l’origine, représentent toujours 1200 cas » [97]. Le principe de la caisse est ensuite adopté à l’unanimité et ce sont deux anciens mineurs (Léon Delrue [98] et Ernest Wéry [99]) qui sont alors désignés pour représenter le conseil général au sein de la nouvelle caisse de solidarité.

59La guerre froide, qui atteint son apogée au sein de l’assemblée départementale au début des années 1950, pèse ultérieurement sur le renouvellement des représentants du conseil général. Même si elle est peu nombreuse après les élections de 1949 [100], la minorité communiste est très déterminée et s’efforce de politiser l’ensemble des débats: elle dépose à elle seule près des deux tiers des vœux à caractère politique (normalement interdits par l’article 51 de la loi du 10 août 1871) [101] et se heurte frontalement à la majorité SFIO. Le 18 décembre 1951, la proposition du 1er bureau, à savoir la nomination des socialistes Léon Delrue et Henri Darras [102] pour représenter l’assemblée départementale au comité de gestion du fonds de solidarité, suscite la protestation du communiste Jean Bardol [103], qui demande la désignation d’André Mancey [104] : celui-ci s’impose en tant que délégué mineur titulaire alors qu’Henri Darras est instituteur. À la fin des années 1940 et au début des années 1950, le parti communiste utilise volontiers dans le Pas-de-Calais cet argument ouvriériste qui embarrasse la SFIO dont les enseignants représentent en effet une forte proportion de l’encadrement et des élus [105]. Camille Delabre [106] répond à Jean Bardol que la requête des communistes n’est pas logique: la presse cégétiste ne s’est-elle pas opposée à plusieurs reprises à ce fonds? André Mancey riposte alors que la CGT n’est pas hostile au principe, mais que ce sont les Houillères elles-mêmes et non les mineurs qui doivent réparer le préjudice causé par les accidents mortels. Comme Émile Vanrullen fait par ailleurs remarquer qu’André Mancey, déjà parlementaire, délégué mineur et cadre du parti communiste, est souvent absent lors des réunions des commissions auxquelles il appartient et qu’il convient donc de choisir un conseiller qui participera effectivement à ce comité de gestion, Jean Bardol répète que c’est à un mineur membre du conseil général que la fonction doit être attribuée. Henri Darras affirme alors s’étonner des oppositions sociales que Jean Bardol, lui-même instituteur, entend instaurer entre les conseillers généraux:

60

« Si mes collègues me font confiance pour les représenter à cette commission, c’est peut-être parce que j’appartiens à un canton essentiellement minier et je ne vois pas pourquoi on se permet de faire cette discrimination entre un instituteur et un mineur, alors que justement les populations que je représente qui sont essentiellement minières, ayant à choisir entre un ouvrier mineur et un instituteur, ont fait confiance à une large majorité à cet instituteur pour les représenter et défendre leurs intérêts au sein du conseil général » [107].

61Jean Bardol réplique alors qu’Henri Darras n’a pas été élu par les mineurs: ceux-ci, s’ils pouvaient voter, désigneraient André Mancey. Lors du vote qui suit ce débat, la proposition de Jean Bardol est rejetée à l’unanimité moins deux voix, la sienne et celle d’André Mancey.

62L’accident du 19 avril 1948 apparaît triplement révélateur. Il est d’abord révélateur d’un moment technique. Après près d’une décennie de crise suivie de quatre années d’occupation et de trois ans caractérisés à la fois par une pénurie persistante de matériel et par un besoin vital de charbon, la situation des mines du Nord et du Pas-de-Calais est très dégradée. La catastrophe survient par ailleurs avant que les premiers effets du plan Marshall aient pu se faire sentir, relâchant quelque peu les contraintes au cours de l’année 1948. Cette explosion, dont les causes précises sont difficiles à établir, apparaît comme l’aboutissement logique d’une quinzaine d’années pendant lesquelles la modernisation (pourtant indispensable) des installations minières a été impossible et l’entretien courant est resté insuffisant. Sur la longue durée, la sécurité minière a enregistré d’extraordinaires progrès: le nombre de tués par rapport au volume extrait a été divisé par 20 des années 1830 à 1970 puis à nouveau par 8 entre cette date et les années 1990 [108]. Mais l’après-guerre est marqué par une inversion provisoire de cette tendance: le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais enregistre 290 tués en 1946 contre 143 en 1938 [109]. L’accident de Courrières s’inscrit dans ce contexte très particulier. La catastrophe est du moins l’occasion de réfléchir à une amélioration des mesures de sécurité et de l’indemnisation des familles des victimes.

63L’accident est ensuite révélateur d’un moment social. Les mineurs du Pasde-Calais ont sans doute rarement constitué un groupe aussi hétérogène qu’en 1948. Alors que la dureté des conditions de travail provoque la fuite d’une partie de la main-d’œuvre, se côtoient dans les installations minières Français de vieille souche, Polonais (qui n’ont encore que rarement acquis la citoyenneté française mais qui ne sont pas, comme l’ont fait plusieurs milliers de leurs compatriotes au lendemain de la seconde guerre mondiale, retournés en Pologne pour aider à la « construction du socialisme » et qui constituent d’indispensables spécialistes du fond) et prisonniers de guerre allemands dont le nombre diminue rapidement au cours de l’année alors même que les Houillères les auraient volontiers retenus.

64L’accident est enfin révélateur d’un moment politique très particulier. Il intervient au cœur de l’entre-deux-grèves. Depuis 1947, le parti communiste, après avoir largement participé à la bataille du charbon, ce qui avait pu susciter d’assez fortes réticences de sa base dans le bassin minier, est à nouveau dans l’opposition et celle-ci, sous l’effet des pressions de l’Union soviétique et du Kominform, s’est considérablement durcie à partir de l’automne. Les grèves de 1947 ont abouti à un revers pour le parti communiste et pour la CGT qui constitue son principal relais dans les mines et probablement la base essentielle de sa puissance. Sans y mettre vraiment fin, les débuts de FO ébranlent l’hégémonie cégétiste. La catastrophe du 19 avril 1948 conduit donc dans le bassin houiller à une remontée – brève mais forte – de la tension. Celle-ci, à vrai dire, ne s’apaise guère avant la vague de grèves de la fin de l’année 1948 qui se solde par une nouvelle défaite de l’extrême gauche dans le bassin minier.


Les victimes de la catastrophe

65

  • Beyer (Gertrude), 19 ans, trieuse, accidentée au moulinage du 11, corps broyé par chute dans le vide.
  • Bigotte (Maurice), 34 ans, ajusteur de criblage, accidenté au criblage, mort par brûlures étendues de la face et de tout le corps.
  • Brisse (Marcel), 39 ans, garde d’écurie, accidenté écurie 403, mort par écrasement du crâne, broiement du bras droit et de la jambe gauche.
  • Capillon (René), 22 ans, conducteur de tracteur, accidenté à l’accrochage 403, mort par brûlures étendues.
  • Demichelis (Baptiste), 20 ans, conducteur de tracteur, accidenté à 403, mort par écrasement du crâne et arrachement de la cuisse gauche.
  • Gerber (Herman), 22 ans, PG, moulineur, accidenté au moulinage du 11, corps broyé par chute dans le vide.
  • Hierl (Georges), 24 ans, manœuvre, accidenté à 403, mort par asphyxie.
  • Kaczmarek (Jean), 16 ans, aiguilleur, accidenté à 403, mort par brûlures étendues.
  • Loboda (Hélène), 19 ans, trieuse, accidentée au moulinage du 11, corps broyé par chute dans le vide.
  • Milo (Oscar), 53 ans, moulineur, accidenté au moulinage du 11, mort par brûlures étendues de la face et de tout le corps.
  • Quinchon (René), 46 ans, chef de coupe accrochage, accidenté accrochage 403, mort carbonisé.
  • Rak (Hubert), 21 ans, manœuvre, accidenté à 403, mort par asphyxie.
  • Schaaf (Helmut), 39 ans, PG, galibot d’accrochage, accidenté à l’accrochage 403, mort par brûlure étendue de la face, des deux avant-bras, des mains et de la cuisse gauche.
  • Vasseur (René), 34 ans, galibot d’accrochage, accidenté à l’accrochage 403, mort par brûlures étendues de la face et de tout le corps.
  • Wysocki (Simon), 37 ans, ajusteur, accidenté à 403, mort par brûlures étendues.


Mots-clés éditeurs : reconstruction, guerre froide, Pas-de-Calais, catastrophe, mines

Mise en ligne 07/10/2016

https://doi.org/10.3917/rdn.414.0113

Notes

  • [*]
    Philippe Roger, maître de conférences à l’université de Lille 3, 22, rue Émile Zola, 62300 Lens.
  • [1]
    Sur Wikipédia: « Liste des catastrophes et accidents dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais ».
  • [2]
    Marion Fontaine vient de consacrer un ouvrage à la catastrophe de Liévin et à ses conséquences: Fin d’un monde ouvrier Liévin 1974, Paris, École des Hautes Études en Sciences Sociales, 2014, 240 p.
  • [3]
    Rashomon est un film réalisé par Akira Kurosawa en 1950. Plusieurs témoins, y compris le fantôme du défunt, donnent autant de versions différentes d’un crime. Le réel existe-t-il indépendamment de sa perception et de sa communication?
  • [4]
    Dont on peut considérer qu’elle défend alors une ligne politique de droite modérée.
  • [5]
    Le clichage est la recette (c’est-à-dire l’ensemble des installations situées aux abords du puits) au niveau du carreau.
  • [6]
    C’est-à-dire à la gare de triage située au fond.
  • [7]
    C’est-à-dire des planches sur lesquelles sont disposées des poussières incombustibles et qui se renversent en cas de sinistre.
  • [8]
    « Trois cent cinquante mineurs surpris par une explosion à Sallaumines », La Voix du Nord, édition d’Arras, 20 avril 1948.
  • [9]
    « La catastrophe de Sallaumines. Douze morts. Trente-cinq blessés, deux jeunes filles et un PG allemand n’ont pu être retrouvés. C’est des installations du jour qu’est parti le « coup de poussière » », La Voix du Nord, 21 avril 1948. Il y a en fait quinze morts dont deux PG (cf. Annexe).
  • [10]
    Communication de S. Curinier, « Les communistes, le charbon et la reconstruction » dans le cadre de deux journées d’études sur la seconde reconstruction dans le Nord-Pas-de-Calais organisées les 19 et 20 septembre 2012 par Michel-Pierre Chélini, Philippe Roger et Thibault Tellier, dans le cadre de l’IRHiS. Une troisième journée a été consacrée au même sujet à l’université d’Artois le 18 octobre 2013. Sur les questions sanitaires liées à la bataille du charbon, on peut consulter Ph. Roger, « Le docteur Schaffner entre médecine, administration et politique », Gauheria, mars 2016, p. 25-54.
  • [11]
    « La catastrophe de Sallaumines. La CGT veut être la seule à représenter officiellement les mineurs aux funérailles. Huit mille grévistes à Courrières. Les délégués FO sont violemment exclus de la réunion préparatoire aux obsèques », La Voix du Nord, 22 avril 1948.
  • [12]
    Rapport n° 2084/4, objet: situation de la CGT après les grèves. Possibilités du mouvement « Force ouvrière » dans le département, AD Pas-de-Calais, 1W5160.
  • [13]
    Ministère de l’Intérieur, Direction générale de la Sûreté nationale, Procès-verbal n° 428, le 13 décembre 1947, plainte de M. Minche, Auguste, mineur à Vermelles, AD Pas-de-Calais, 1W5160.
  • [14]
    « Soixante mille personnes ont assisté aux funérailles des victimes de Sallaumines. Arrêt de travail dans la totalité du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais. Exploitant l’émotion causée par la catastrophe, les communistes tentent d’entretenir le mouvement », La Voix du Nord, 23 avril 1948, p. 1 et 4.
  • [15]
    « 150000 personnes assistent aux obsèques des victimes de la catastrophe de Sallaumines. « Non, ce n’est pas la fatalité qui est responsable c’est la politique du gouvernement-patron » affirme Auguste Lecœur président de la Fédération régionale des Mineurs » », Clarté, 25 avril 1948, p. 1.
  • [16]
    É. Dejonghe, « Les Houillères à l’épreuve: 1944-1947 », Revue du Nord, octobre-décembre 1975, p. 643-666.
  • [17]
    Sur les conseillers de la République du Pas-de-Calais, il est possible de consulter Ph. Roger, « Les enjeux des élections au Conseil de la République dans le Pas-de-Calais pendant la Quatrième République » in Jean-Marc Guislin (ed), La Chambre haute, hier en France, aujourd’hui en Europe, Villeneuve-d’Ascq, IRHiS-CEGES, 2012, 250 p.
  • [18]
    La catastrophe de Courrières a provoqué la mort de 1099 mineurs. Augmenter le nombre des victimes, c’est bien sûr accroître encore l’émotion.
  • [19]
    N. Calonne, « Au puits 4 de Courrières à Sallaumines, un nouveau crime contre les mineurs et similaires », Clarté, 25 avril 1948, p. 1.
  • [20]
    L. Laloux, « La commémoration de la catastrophe de Courrières », communication prononcée dans le cadre de la journée d’étude organisée par Philippe Roger le 13 novembre 2009 à Villeneuve-d’Ascq dans le cadre de l’IRHiS et consacrée à célébrations et commémorations dans le Nord-Pas-de-Calais au vingtième siècle.
  • [21]
    Un goyot est un tuyautage en bois installé dans un puits d’extraction afin d’en assurer l’aérage.
  • [22]
    D. Varaschin, « Le bassin minier en 1906, terre de concessions », in D. Varaschin et L. Laloux, 10 mars 1906 Courrières, aux risques de l’histoire, Vincennes, GRHEN, 2006, p. 60 et 61.
  • [23]
    S. Sirot, « La catastrophe de Courrières dans la construction de la figure charismatique thorézienne » in D. Varaschin et L. Laloux, 10 mars 1906 Courrières, aux risques de l’histoire, op. cit., p. 511 à 520. Voir aussi : S. Sirot, Maurice Thorez, Paris, Presses de Sciences Po, 2000 ; A. Wieviorka, Maurice et Jeannette. Biographie du couple Thorez, Paris, Fayard, 2010.
  • [24]
    Voir M. Lazar, « Le mineur de fond, un exemple de l’identité du PCF », Revue française de science politique, 1985, numéro 2, p. 190-205. Il est également possible de se référer à la thèse de M. Lazar, PCF, intellectuels et classe ouvrière, l’exemple du mineur, de la Libération au début des années cinquante, Paris, École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1984, 936 p.
  • [25]
    A. Palle, « De la violence à l’apaisement. Les communistes entretiennent une agitation limitée », La Voix du Nord, 25 avril 1948, p. 1 et 4.
  • [26]
    « Après la catastrophe de Sallaumines un accident que l’on ne peut comparer à aucun autre… déclare M. Armanet, directeur général des Houillères », La Voix du Nord, 25 avril 1948, p. 1.
  • [27]
    Le commissaire de police, chef des renseignements généraux d’Arras à monsieur le préfet du Pas-de-Calais, rapport mensuel, le 5 avril 1948, AD Pas-de-Calais, 1W814.
  • [28]
    figure im3
  • [29]
    Sur ce préfet, on peut consulter Ph. Roger, « un préfet de guerre froide: Georges Phalempin et la fédération communiste du Pas-de-Calais de 1947 à 1956 », Histoire et archéologie du Pas-de-Calais, année 2006, t. XXIV, p. 117 à 150.
  • [30]
    Rapport mensuel du préfet du Pas-de-Calais, mois de mars 1948, AD Pas-de-Calais, 1W8145.
  • [31]
    Rapport mensuel du préfet du Pas-de-Calais, mois d’avril 1948, AD Pas-de-Calais, 1W8145.
  • [32]
    Renseignements généraux de Lens, rapport mensuel d’information, opinion publique, AD Pas-de-Calais, 1W814.
  • [33]
    Renseignements généraux d’Arras, L’opinion publique, le 5 mai 1948, 1W814.
  • [34]
    Renseignements généraux d’Arras, L’opinion publique, le 5 mai 1948, AD Pas-de-Calais, 1W814. Cf. également Rapport mensuel du préfet du Pas-de-Calais, mois d’avril 1948, AD Pas-de-Calais, 1W8145.
  • [35]
    Rapport mensuel du préfet du Pas-de-Calais, mois d’avril 1948, AD Pas-de-Calais, 1W8145.
  • [36]
    Ph. Roger, « La commémoration des deux guerres mondiales dans le Pas-de-Calais de 1945 à 1958 » dans le cadre de la journée d’études organisée le 13 novembre 2009 à Villeneuve-d’Ascq sur Célébrations et commémorations dans le Nord-Pas-de-Calais au vingtième siècle.
  • [37]
    R. Trempé, Les trois batailles du charbon, 1936-1947, Paris, La Découverte, 1989, 256 p.
  • [38]
    La France est tout de même le sixième producteur mondial de charbon en 1950.
  • [39]
    M.-P. Chélini, « Le charbon français de 1914 à 1946, une modernisation limitée », in A. Beltran (et allii) État et énergie xixe-xxe siècle, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2009, p. 110.
  • [40]
    Rapport de M. l’ingénieur en chef des mines sur la situation de l’industrie minéralogique en 1948, Procès-verbaux des délibérations du conseil général du Pas-de-Calais, 1949.
  • [41]
    On peut signaler, à titre de comparaison, que le rendement du mineur américain est, au milieu du vingtième siècle, de 15 tonnes par jour.
  • [42]
    Renseignements généraux de Béthune, le 27 mai 1948, AD Pas-de-Calais, 1W814.
  • [43]
    Renseignements généraux d’Arras, le 5 mai 1948, AD Pas-de-Calais, 1W814.
  • [44]
    Renseignements généraux de Lens, rapport mensuel d’information, L’opinion publique, le 28 avril 1948, AD Pas-de-Calais, 1W814.
  • [45]
    Le criblage est le classement des produits selon leur granulométrie. Le terme désigne aussi le lieu où s’effectue cette opération.
  • [46]
    Renseignements généraux de Béthune, le 27 mai 1948, AD Pas-de-Calais, 1W814.
  • [47]
    Le raucheur est un ouvrier chargé de rehausser les galeries.
  • [48]
    Rapport de l’Ingénieur TPE, p. 54, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [49]
    Rapport de l’Ingénieur TPE, p. 46, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [50]
    Rapport de l’Ingénieur TPE, p. 48, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [51]
    Le brandisseur est l’ouvrier chargé du renforcement de l’étanchéité d’un puits.
  • [52]
    Il s’agit de fers plats.
  • [53]
    Rapport de l’Ingénieur TPE, p. 55, 1W1641.
  • [54]
    Rapport des délégués mineurs, p. 11, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [55]
    Rapport des délégués mineurs, p. 15, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [56]
    Rapport des délégués mineurs, p. 14, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [57]
    Rapport des délégués mineurs, p. 15, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [58]
    Les ingénieurs TPE sont un corps de fonctionnaires dont l’origine remonte en fait au début du dix-neuvième siècle.
  • [59]
    Une moise est une pièce de bois (ou d’acier) scellée dans la maçonnerie d’un puits.
  • [60]
    Bouniou (ou bougnou): cavité creusée à l’extrême fond du puits et destinée à recevoir les eaux de toutes provenances.
  • [61]
    Rapport de l’Ingénieur TPE, p. 43, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [62]
    Rapport de l’Ingénieur TPE, p. 43, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [63]
    Rapport de l’Ingénieur TPE, p. 45, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [64]
    Rapport de l’Ingénieur TPE, p. 45, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [65]
    Pierre Alby (1921-1998), élève de l’École Polytechnique et de l’École des mines de Paris, membre du corps des ingénieurs de mines, débute sa carrière professionnelle à Béthune. De 1945 à 1949, il est professeur de législation générale et minière à l’École des mines de Douai.
  • [66]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 61, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [67]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 62, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [68]
    Gendarmerie nationale, Lens, le 23 avril 1948, rapport du commandant de section sur le concours apporté par la 3e compagnie de tirailleurs nord-africains de Méricourt-sous-Lens, AD Pas-de-Calais, 1W5371.
  • [69]
    Renseignements généraux d’Arras, rapport n° 822/2, A/S de la main-d’œuvre nord-africaine, le 20 mai 1948, AD Pas-de-Calais, 1W814.
  • [70]
    Rapport spécial sur les grèves des mois de novembre-décembre 1947, AD Pas-de-Calais, 1W5160.
  • [71]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 66, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [72]
    Ph. Roger, « Les grèves de 1947 et 1948 dans le Pas-de-Calais, déroulement, violence et maintien de l’ordre », Revue du Nord, n° 389, t. 93, janvier-mars 2011, p. 133 à 180.
  • [73]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 65, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [74]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 65, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [75]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 68, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [76]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 74, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [77]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 77, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [78]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 77, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [79]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 77 et 78, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [80]
    D. Varaschin, « La catastrophe de Courrières cause exacte inconnue et responsabilités multiples », in D. Varaschin et L. Laloux, op. cit., p. 131 et 132.
  • [81]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 78, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [82]
    Avis de l’Ingénieur des Mines, p. 78, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [83]
    Jean Chenevier (1918-1998), ancien élève de l’École Polytechnique et de l’École des mines de Paris, membre du corps des mines, est affecté à l’automne 1942 à l’arrondissement minéralogique de Douai. Témoin de la nationalisation des mines, il devient chef de l’arrondissement minéralogique, fonction associée à la direction de l’École des mines de Douai.
  • [84]
    Avis de l’Ingénieur en Chef des Mines, p. 87, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [85]
    Avis de l’Ingénieur en Chef des Mines, p. 87, AD Pas-de-Calais, 1W1641.
  • [86]
    Union des Femmes Françaises, pétition, AD Pas-de-Calais, M5189.
  • [87]
    Émile Vanrullen, né en 1903, professeur de physique, SFIO, commence sa carrière politique dans la Marne avant le second conflit mondial. Fait prisonnier en 1940, libéré en 1943, il est muté à Béthune, ville dans laquelle il commence à la Libération une nouvelle carrière politique. Il est élu conseiller général du canton de Béthune en 1945 et conseiller de la République en 1946. Avec Bernard Chochoy, c’est un des socialistes les plus actifs lors des délibérations du conseil général du Pas-de-Calais.
  • [88]
    Jacques Vendroux, industriel né en 1897, est bien connu en raison de sa parenté avec le général de Gaulle. Élu maire de Calais lors des élections municipales d’avril 1945, il démissionne de ce poste après son adhésion au MRP qui lui vaut de vives attaques de la part des communistes. Élu député en 1945, il est réélu en juin et novembre 1946. Il devient conseiller général du canton de Calais-Nord-Ouest en 1949 sous l’étiquette RPF. Au sein de l’assemblée départementale, Jacques Vendroux incarne une droite dont la sensibilité aux questions sociales est évidente.
  • [89]
    Jules Pouget, docteur en médecine, maire du Touquet de 1934 à 1942, emprisonné puis placé en résidence surveillée par les Allemands, redevenu maire du Touquet en 1945, est élu conseiller général du canton d’Étaples en 1945 et conseiller de la République en 1952. Très actif, en particulier dans le cadre des questions de reconstruction, il apparaît comme un des leaders de la droite dans l’assemblée départementale (sous une étiquette fluctuante en raison des aléas de l’histoire des droites après la seconde guerre mondiale).
  • [90]
    Procès-verbaux des délibérations du conseil général du Pas-de-Calais, 1949, p. 34, 50W12.
  • [91]
    Pierre Guillain, né en 1904, négociant en tissus à Saint-Omer, maire désigné de cette ville en 1944-1945, est conseiller général du canton de Saint-Omer-Nord à partir de 1945. Personnage complexe (cf. Ph. Roger, « Le Pas-de-Calais de l’épuration spontanée aux premiers bilans » dans le cadre de la journée organisée par Robert Vandenbussche à Bondues, le 1er février 2014 et consacrée à l’épuration dans le Nord de la France après le second conflit mondial), pugnace et doté d’une vive intelligence, Pierre Guillain défend le plus souvent des positions libérales en matière économique et sociale lors des délibérations du conseil général.
  • [92]
    Procès-verbaux des délibérations du conseil général du Pas-de-Calais, 1949, p. 34, 50W12.
  • [93]
    Procès-verbaux des délibérations du conseil général du Pas-de-Calais, 1949, p. 36, 50W12.
  • [94]
    Le nombre de victimes est à nouveau surestimé, mais dans des proportions nettement moindres.
  • [95]
    Ibid.
  • [96]
    Né en 1910, instituteur, Louis Le Sénéchal milite très jeune à la SFIO. Conseiller général du canton de Marquise à partir de 1937. En 1946, il remplace guy Mollet à la tête du conseil général.
  • [97]
    Procès-verbaux des délibérations du conseil général du Pas-de-Calais, 1949, p. 38, 50W12.
  • [98]
    Léon Delrue, né en 1888, a été galibot et mineur de fond. Socialiste SFIO, militant CGT, il est élu maire de Ferfay en 1919. Il est conseiller général du canton de Norrent-Fontes de 1937 à 1970.
  • [99]
    Ernest Wéry, né en 1887, a été mineur. Membre de la SFIO et de la CGT, il devient rapidement l’un des organisateurs du syndicat des mineurs dont, après la première guerre mondiale, il entreprend la réorganisation dans le bassin de Bruay-en-Artois. Il est adjoint au maire de cette ville de 1919 à 1944, maire de 1944 à 1945 puis réélu en 1947. Conseiller d’arrondissement à partir de 1934, il est élu conseiller général d’Houdain en 1945. Ernest Wéry est fermement anticommuniste et a participé à la Résistance. Sa participation à la caisse de solidarité instituée par le conseil général a forcément été brève puisqu’il est décédé le 14 octobre 1949.
  • [100]
    Ph. Roger, « Une entrée en guerre froide: les élections cantonales de 1949 dans le Pas-de-Calais », Revue du Nord, avril-juin 2002, p. 109-130.
  • [101]
    Ph. Roger, « Les enjeux départementaux des questions de politique nationale et internationale: l’exemple des débats du conseil général du Pas-de-Calais de 1945 à 1958 ». Texte disponible depuis 2006 sur le site HAL-CNRS.
  • [102]
    Henri Darras, né en 1919. SFIO. Instituteur, élu conseiller général du canton de Lens-Ouest en 1945.
  • [103]
    Jean Bardol, né en 1923, instituteur, élu conseiller général du canton de Samer en 1951.
  • [104]
    André Mancey, né en 1913, mineur, milite au parti communiste dès le début des années 1930. Maire de Calonne-Ricouart à partir de 1947, il est élu conseiller général du canton d’Houdain en 1951.
  • [105]
    Pour l’ensemble de la Quatrième République, 13 des 86 conseillers généraux du Pas-de-Calais sont des enseignants, dont 11 instituteurs. 11 de ces 13 enseignants appartiennent à la SFIO. Cf. Ph. Roger, « les conseillers généraux du Pas-de-Calais de 1945 à 1958: le renouvellement d’un groupe notabiliaire », Revue du Nord, n° 339, t. 83, janvier-mars 2001, p. 133. Sur le problème politique que cette situation peut représenter pour les socialistes, voir Ph. Roger, « Une conséquence de l’affaire Lecœur dans le Pas-de-Calais », Histoire et archéologie du Pas-de-Calais, 2008, p. 97.
  • [106]
    Camille Delabre, né en 1906, instituteur. Militant socialiste et syndicaliste, anticommuniste résolu, il est élu maire de Courrières en 1945 et conseiller général du canton de Carvin en 1949.
  • [107]
    Délibérations du conseil général du Pas-de-Calais, séance du 18 décembre 1951, désignation des représentants du conseil général au comité de gestion du fonds de solidarité en faveur des victimes d’accidents mortels dans les mines, p. 80, AD Pas-de-Calais, 50W16.
  • [108]
    M.-F. Conus et J.-L. Escudier, « Analyse économique du cycle de vie de l’industrie houillère française: la phase ultime (1970-2004) », in A. Beltran (et allii), op. cit., p. 181.
  • [109]
    D. Varaschin, « Pas de veine pour le charbon français (1944-1960) » in A. Beltran (et alii), op. cit., p. 135.
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