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Article de revue

Gabrielle Petit, héroïne de la Grande Guerre : histoire et mémoire d'une ambition

Pages 347 à 374

Notes

  • [*]
    Sophie De Schaepdrijver a publié plusieurs ouvrages et une trentaine d’articles au sujet de l’expérience belge de 1914-1918, entre autres La Belgique et la première guerre mondiale (Bruxelles-Francfort, P.I.E.-Peter Lang, 2004) et « We who are so Cosmopolitan » : The War Diary of Constance Graeffe, 1914-1915 (Bruxelles, Archives Générales du Royaume, 2008), ainsi que le chapitre sur la Belgique dans l’ouvrage de référence A Companion to the First World War (John Horne, dir., 2010) et le chapitre sur les occupations militaires dans le Cambridge History of the First World War (Jay Winter, dir., 2013). Elle fut directrice d’études invitée à l’EHESS en 2010 et fait partie du comité scientifique de l’Historial de la Grande Guerre. Elle a développé et présente Brave Little Belgium, documentaire télévisé sur la première guerre mondiale (VRT-Canvas, 2014). Elle vient de terminer un ouvrage sur la vie, l’action et la mémoire de Gabrielle Petit intitulé Gabrielle Petit : The Death and Life of A Female Spy of the Great War (Londres, Bloomsbury Academic, à paraître en 2015). Elle a enseigné à l’Université Libre d’Amsterdam, à l’Université de Leiden, et à New York University. Depuis 2000 elle est professeure d’histoire contemporaine européenne à la Pennsylvania State University, États-Unis.
  • [1]
    Certains monuments de ce type furent détruits par la Wehrmacht en 1940, comme le monument bruxellois à Philippe Baucq ou le bas-relief commémorant Edith Cavell à Paris. D’aucuns ont été reconstruits, comme le monument aux fusillés lillois de Félix-Alexandre Desruelles (1929), reconstruit après la deuxième guerre mondiale par sa veuve. Sur le monument à Deceuninck, voir A.?Becker, Les monuments aux morts : patrimoine et mémoire de la Grande Guerre, Paris, Éditions Errance, 1988, p. 78. Sur le monument Lefèvre, voir E. Debruyne et L. van Ypersele, « Le monument à Omer Lefèvre ou l’engagement clandestin sous les traits de l’hommage public », La France et la Belgique occupées (1914-1918) : regards croisés. Cahiers de l’IRHiS, n° 7, 2009, p. 66-75. Sur le monument bruxellois à Petit, voir S. De Schaepdrijver, « Nationale heldin », dans id., Erfzonde van de twintigste eeuw : notities bij’14-’18, Amsterdam, Atlas Contact, 2013, p. 145-160. Une vue d’ensemble sur les monuments de guerre en Belgique commémorant soldats et civils dans S.?Claisse, Du Soldat Inconnu aux monuments commémoratifs belges de la guerre 14-18, Bruxelles, Académie Royale de Belgique, 2013.
  • [2]
    D. Lamarcq, « Oorlogsmonumenten te Zottegem. Stille getuigen van twee wereldbranden. Een inventaris van de tastbare getuigenissen en een poging tot biografie van alle gesneuvelden en slacht-offers », Zottegems Genootschap voor Geschiedenis en Oudheidkunde. Handelingen, T. VII, 1995, p. 13-136.
  • [3]
    J. Hargrove, Les Statues de Paris. La représentation des grands hommes dans les rues et sur les places de Paris, Anvers, Fonds Mercator, 1989.
  • [4]
    Pour Paris, voir Ibid., p. 163.
  • [5]
    J.-P. Albert, « Du martyr à la star. Les métamorphoses des héros nationaux », dans La fabrique des héros, numéro spécial 12 des Cahiers d’ethnologie de la France, Pierre Centlivres, Daniel Fabre et Françoise Zonabend, dir., Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 1999, p. 11-32.
  • [6]
    J. Winter, Sites of Memory, Sites of Mourning : The Great War in European Cultural History, Cambridge University Press, 1995.
  • [7]
    K. Pickles, Transnational Outrage : The Death and Commemoration of Edith Cavell, Londres, Palgrave Macmillan, 2007.
  • [8]
    M. Darrow, French Women and the First World War : War Stories of the Home Front, Oxford, Berg, 2000, p. 283 ; A. Fleury et R. Frank, Le rôle des guerres dans la mémoire des Européens : leur effet sur la conscience d’être européen, Bern-Frankfurt, Peter Lang, 1997, p. 14.
  • [9]
    Question parlementaire posée par l’ecclésiastique et sénateur Jan Keesen : « Question au gouvernement au sujet des mesures qu’il se propose de prendre afin de perpétuer la mémoire de Gabrielle Petit, l’héroïne nationale », Belgique, Annales Parlementaires : Sénat, 1918-1919, session du 2 juillet 1919, p. 416-418.
  • [10]
    Collection particulière de Pierre Ronvaux, Ath : photocopies de notes manuscrites en deux?séries (série 1, non datée, très probablement 1923 ; série 2, 1940). Rédigées par Berthe Depaquier, en religion Sœur Marie Walthère, Institut de l’Enfant-Jésus, Brugelette. M. Ronvaux, ancien directeur de l’école de Brugelette (devenue l’Institut Sainte-Gertrude pour enfants en difficulté) et auteur d’une excellente biographie de Gabrielle Petit qui offre des détails saississants notamment sur son enfance (Gabrielle Petit : la mort en face, Izegem, Illustra, 1994), m’a accordé accès à ces copies, devenues précieuses depuis l’apparente disparition des originaux, ainsi qu’à d’autres sources ; qu’il en soit ici très chaleureusement remercié.
  • [11]
    Tournai, Musée du Folklore, documents Gabrielle Petit, Gabrielle Petit à Charles Bara, sans date [certainement 1909]. La lettre fut sauvée par hasard, voir Ibid., lettre de Lucien Jardez à Pierre Ronvaux, le 19 novembre 1988 ; voir aussi P. Ronvaux, Gabrielle Petit, op. cit., p. 139-141, 147-151.
  • [12]
    En dehors des élites, peu de mariages sont arrangés dans la Belgique de la belle époque. Cf. H. Pirenne, Histoire de Belgique Vol. 7, De la révolution de 1830 à la guerre de 1914, Bruxelles, Maurice Lamertin, 1932.
  • [13]
    Voir les témoignages de Marie Collet et d’Hélène Ségard (la tante maternelle de Gabrielle Petit, qui était aussi sa marraine), conservées à Bruxelles, Archives Générales du Royaume (AGR), fonds Archives des Services Patriotiques 1914-1918 (SP), dossier Petit (portefeuille 173).
  • [14]
    R. Deruyk, Louise de Bettignies : résistante lilloise 1880-1918, Lille, Éd. de la Voix du Nord, 1998, p. 27.
  • [15]
    A. Du Jardin [pseudonyme d’Abraham Hans], Gabrielle Petit, l’héroïne nationale, Anvers, L. Opdebeek, s.d. [c1921], p. 95.
  • [16]
    C’est ce qu’il déclare après la guerre. Voir les longs entretiens que Gobert accorde, en 1921, à Arthur Deloge, un ancien combattant comme lui : A. Deloge, Gabrielle Petit. Sa vie et son œuvre, Bruxelles, Veuve Ferdinand Larcier, 1922.
  • [17]
    Sur les différents services de renseignement, voir les chapitres rédigés par Emmanuel Debruyne dans Debruyne et van Ypersele, De la guerre de l’ombre aux ombres de la guerre. L’espionnage de 14-18 en Belgique occupée. Histoire et Mémoire, Bruxelles, Labor, 2004 ; sur les services britanniques et l’observation militaire dans la guerre de position, J. Beach, British Intelligence and the German Army, 1914-1918, thèse de doctorat inédite, University College London, 2005 (remerciements à l’auteur de m’avoir permis de consulter des chapitres et d’avoir répondu à de nombreuses questions) ; id., Haig’s Intelligence : GHQ and the German Army, 1916-1918, Cambridge University Press, 2013 ; K. Jeffery, MI6 : The History of the Secret Intelligence Service 1909-1949, Londres, Bloomsbury Academic, 2010, chapitres 2 et 3 ; M. Occleshaw, Armour against Fate. British Military Intelligence in the First World War, Londres, Columbus Books, 1989.
  • [18]
    Bruxelles, Musée de l’Armée, fonds Célis, portefeuille 2, note à Gabrielle Petit signée « Émile », 24 juillet 1915. « Émile » est l’alias de Joseph Ide, le jeune juriste anversois au service du 18. (suite) GQG qui a recruté Petit. Bruxelles, AGR, SP, dossier Baekelmans (portefeuille 39), « Extraits du rapport de Mlle Doutreligne sur les débuts du service Wallinger », s.d. [le 26 janvier 1921] ; Evere (Bruxelles), Centre de Documentation Historique des Forces Armées, dossier militaire 242.309, Joseph Marie Ange Ide (remerciements à Rob Troubleyn) ; Intelligence Corps Museum, Chicksands, Bedfordshire, Sigismund Payne Best, notes dactylographiées non datées (c1978) sur ses activités de renseignement, p. 13-23 (remerciements à Jim Beach).
  • [19]
    C. M. Andrew, Her Majesty’s Secret Service. The Making of the British Intelligence Community, New York, Viking, 1986, p. 140.
  • [20]
    Petit à Gobert, le 30 juillet 1915 ; cité dans Deloge, Petit, op. cit., p. 66.
  • [21]
    Bruxelles, AGR, SP, dossier Petit (portefeuille 173), Petit à la famille Delmouzée-Gobert, le 10 août 1915. Cette sœur résidait avec son jeune fils dans un camp de réfugiés en Hollande, auprès de son mari soldat, interné dans un camp de militaires. À en juger par la correspondance, Gabrielle Petit semble avoir entretenu des relations chaleureuses avec cette partie au moins de sa « belle-famille ».
  • [22]
    Bruxelles, AGR, SP, dossier Petit (portefeuille 173), rapport Delmeule-Marlier du 12 avril 1920, p. 2.
  • [23]
    « En patrouille chez l’ennemi : l’activité de Gabrielle Petit », article signé Falcon, La Dernière Heure, 29 mai 1919, p. 1.
  • [24]
    « Les rues de la ville », entretien accordé par Marie Collet à Arthur Deloge : Deloge, Petit, op. cit., p. 65. « Ordures », Bruxelles, AGR, SP, dossier Petit (portefeuille 173), témoignage de Marie Collet du 16 février 1920.
  • [25]
    H. Binder, Spionagezentrale Brüssel. Der Kampf der deutschen Armee mit der belgisch-englischen Spionage und der Meisterspionin Gabrielle Petit. Aus den Papieren der Geheimagenten E.C. & M.A., Hambourg, Hanseatische Verlagsanstalt, 1929.
  • [26]
    E. Stoeber, « Vier Jahre Feldjustizbeamter », dans P. Von Lettow-Vorbeck (dir.), Die Weltkriegsspionage, Munich, J. Moser, 1931, p. 384-397, citation p. 393.
  • [27]
    Londres, Imperial War Museum, Walter Kirke Diaries, le 27 septembre 1915 ; voir aussi les notations du 11 juin, 11 septembre et 13 septembre. Emplacements d’artillerie, A. Redier, La Guerre des Femmes. Histoire de Louise de Bettignies et de ses compagnes, Paris, Les Éditions de la Vraie France, 1924, p. 58. (Redier tient cette information de Marie-Léonie Van Houtte, la plus proche collaboratrice de Louise de Bettignies.)
  • [28]
    Rapport des 12 au 17 octobre 1915 ; Bruxelles, Musée Royal de l’Armée, Cabinet des Étampes, Fonds Petit, portefeuille 1, VIII 2988.
  • [29]
    Bruxelles, AGR, SP, dossier Petit (portefeuille 173), Quatrième rapport Legrand.
  • [30]
    Notation du 16 oktober 1915 ; Bruxelles, Musée Royal de l’Armée, Cabinet des Étampes, Fonds Petit, portefeuille 1, VIII 2988.
  • [31]
    Notes écrites à l’acide, conservées au Musée Royal de l’Armée à Bruxelles, Cabinet des Étampes, Fonds Petit, portefeuille 1, VIII 2988. Voir aussi Deloge, Petit, op. cit., p. 103-105.
  • [32]
    Bruxelles, AGR, SP, dossier Petit (portefeuille 173), Quatrième rapport Legrand.
  • [33]
    Bruxelles, AGR, SP, dossier Petit (portefeuille 173), « Renseignements recueillis par Monsieur Philippart, Secrétaire de la C.D.A. à Tournai sur G. Petit », s.d. (avant le 5 mars 1920) ; rapport Delmeule-Marlier du 12 avril 1920.
  • [34]
    Sur ces méthodes, Bruxelles, AGR, SP, portefeuille 196, rapport Fritz Ball, vol. 1 p. 28-29, 36. Sur l’arrestation de Broeckx, Anonyme [l’abbé Willem Ballings], Ter herinnering aan het overbrengen naar Neerpelt op 25 augustus 1919 der stoffelijke overblijfselen van onzen held Jaak Tasset, s.p., 1919, p. 5 et 10.
  • [35]
    A. Du Jardin, Gabrielle Petit, op. cit., p. 419.
  • [36]
    V. Bonnevie, La défense des Belges devant les tribunaux de guerre allemands, Bruxelles, J. Lebègue & Cie, 1919 ; S. Kirschen, Devant les conseils de guerre allemands, Bruxelles, Rossel & Fils 1919, p. 3-50 ; C. Tytgat, Acta Martyrum : Nos fusillés (recruteurs et espions), Bruxelles, Imprimerie scientifique Charles Bulens & Cie, 1919, p. 8-29. Voir aussi G. Moriaud, Louise de Bettignies : une héroïne française, Paris, Tallandier, s.d. [1929], p. 208-209 ; Gille et al., Cinquante mois, op. cit., vol. 2, p. 481, note en bas de page ; et Anonyme [George Garnir], Pourquoi Pas ? pendant l’occupation. Par un des Trois Moustiquaires. La vie bruxelloise de 1914 à 1918, Bruxelles, L’Expansion belge, 1919.
  • [37]
    Tytgat, Nos Fusillés, op. cit., p. 119-139 (citation p. 135-136). Voir aussi Bruxelles, AGR, SP, portefeuille 92, classement « Avocats belges », dossier « Mons ».
  • [38]
    Le paragraphe 58 du code pénal militaire allemand de 1872 prévoit la peine capitale pour l’espionnage au service de l’ennemi considéré comme trahison de guerre. Cette disposition est renforcée par un ordre impérial de 1899 qui accorde aux commandants militaires le droit de faire exécuter des civils étrangers condamnés pour aide à l’ennemi. Kirschen, Devant les conseils, op. cit., p. 42-44. Sincères remerciements à Isabel Hull d’avoir élucidé ce point.
  • [39]
    Bonnevie, La défense, op. cit., p. 13-24.
  • [40]
    Tytgat, Nos fusillés, op. cit., p. 63-64 ; Kirschen, Devant les conseils, op. cit., p. 53, 100-102, 291.
  • [41]
    Deloge, Petit, op. cit., p. 127-128. Arthur Deloge a longuement interviewé Marie Collet vers 1921.
  • [42]
    Selon l’interprète allemand en fonction dans la prison de Saint-Gilles : Bruxelles, AGR, SP, portefeuille 173, Otto Becker à Xavier Marin, le 1er décembre 1919, fol. 5.
  • [43]
    Bruxelles, AGR, SP, portefeuille 173, « Extrait d’une lettre adressée par Gabrielle Petit à un soldat allemand » (= Gabrielle Petit à Otto Becker), s.d. (mars 1916). Le 1er décembre 1919, Becker, rentré en Allemagne, envoyait cette lettre à Xavier Marin, le sous-directeur de la prison de Saint-Gilles. Marin semble l’avoir gardée ; il en offrit une transcription partielle, certifiée conforme, à la « Commission des Annales des services patriotiques en territoire occupé derrière le front de l’Ouest », organisation d’anciens résistants qui s’était donné pour tâche de rassembler toute documentation au sujet des réseaux de résistance.
  • [44]
    Bruxelles, AGR, SP, portefeuille 173, déposition Van Houtte ; voir aussi Redier, La guerre des femmes, op. cit., p. 133, et Deloge, Petit, op. cit., p. 147.
  • [45]
    Bruxelles, AGR, SP, portefeuille 173, déposition Collet du 16 février 1920 ; Deloge, Petit, op. cit., p. 160.
  • [46]
    C. Van Overbergh, discours sur la tombe de Petit au Tir National, le 22 décembre 1918 ; repris dans id., Gabrielle Petit : Héroïne Nationale, Bruxelles, Syndicat National des Employés, 1919, p. 27.
  • [47]
    Selon un témoignage non signé et non daté conservé aux AGR à Bruxelles, SP, portefeuille 228, peu après l’armistice le conseil révolutionnaire berlinois envisageait d’instaurer une commission d’enquête qui se pencherait sur les dossiers de la justice militaire rapatriés à Berlin, afin de semer le discrédit sur « la clique de Ludendorff ». Mais en janvier 1919, un groupe d’officiers hostiles au nouveau régime s’était emparé des dossiers. L’information manque sur ce qu’il en est advenu ; s’ils furent réintégrés aux archives du ministère de la Guerre prussien, ils ont péri avec le reste des archives militaires prussiennes lors d’un raid aérien vers la fin de la seconde guerre mondiale. Remerciements à Emmanuel Debruyne, Alan Kramer, Christoph Roolf, Jens Thiel et Thomas Weber. Sur cette commission d’enquête, sommée en janvier 1919 de se décharger des dossiers concernant la Belgique occupée, voir Werner Conze dir., Quellen zur Geschichte des Parlamentarismus und der politischen Parteien 1. Reihe : Von der konstitutionellen Monarchie zur parlamentischen Republik, Vol. 6, Die Regierung der Volksbeauftragten 1918/1919 (Susanne Miller et al., dir.), vol. 2, p. 308-309, note en bas de page 7.
  • [48]
    Ni le texte ni la date exacte du rejet de von Bissing subsistent, mais la décision a dû être prise avant le 11 mars 1916, date à laquelle l’affaire est référée au Tribunal impérial à Berlin. Les arguments avec lesquels von Bissing étaya sa décision se trouvent résumés dans une lettre qu’écrit, une semaine plus tard, le général Günther von Kirchbach (le président du Tribunal) à l’Empereur. Cette lettre cite von Bissing ainsi que von Sauberzweig et se déclare d’accord avec leur décision, adjurant l’Empereur de « laisser libre cours à la justice ». Bundesarchiv Berlin-Lichterfelde (BBL), Auswärtiges Amt, Rechtsabteilung (AA,R), dossier R 901/26415 : Rechtssachen Allgemein – Begnadigungsangelegenheiten Februar – April 1916 ; von Kirchbach à l’Empereur, le 18 mars 1916.
  • [49]
    Mauvaise humeur observée par le ministre américain Brand Whitlock, Belgium : A Personal Narrative, New York, Appleton, 1919, vol. 2, p. 223, 227 ; id., The letters and journal of Brand Whitlock, Allan Nevins, dir., New York-Londres, Appleton, 1936, vol. 2, p. 240 (le 22 février 1916).
  • [50]
    Sur la lettre pastorale et sa réception parmi occupés et occupants, voir S. De Schaepdrijver, « L’Europe occupée en 1915 : entre violence et exploitation », dans Vers la guerre totale : le tournant de 1914-1915, J. Horne dir., Paris, Tallandier, 2010, p. 121-152.
  • [51]
    Comme il apparaît dans un mémorandum qu’il rédige pendant l’hiver 1915-1916 et qui paraîtra à titre posthume dans la revue pangermanique Das Grössere Deutschland, numéro 20, le 19 mai 1917.
  • [52]
    I. Meseberg-Haubold, Der Widerstand Kardinal Merciers gegen die deutsche Besetzung Belgiens 1914-1918 : ein Beitrag zur politischen Rolle des Katholizismus im ersten Weltkrieg, Francfort-Berne, Peter Lang, 1982, p. 120 ; note 10 p. 307. Voir également J. De Volder, Benoît XV et la Belgique durant la Grande Guerre, Bruxelles – Rome, Institut Historique Belge de Rome, 1996, p. 108-109.
  • [53]
    Boutade citée avec désapprobation par le chef du Département politique allemand à Bruxelles : AGR, Bruxelles, fonds Leopold – Klein, Von der Lancken à Zimmermann, le 15 décembre 1915.
  • [54]
    Voir son propre récit, J. De Beir, In the Eagle’s Claws, Bruges, chez l’auteur, s.d. [1928] ; D. de Weerdt, De vrouwen van de Eerste Wereldoorlog, Gand-Bruxelles, Stichting Mens en Kultuur/Instituut voor Geschiedenis en Maatschappij/Socialistische Vooruitziende Vrouwen, 1990, p. 188-189. Voir aussi L. Schepens, Brugge bezet, Tielt, Lannoo, 1985, p. 200, qui toutefois donne une interprétation erronnée de l’intervention du bourgmestre.
  • [55]
    Voir BBL, AA, R, dossier R 901/26415 sur le cas Beljean. Jeanne De Beir la connut en prison : J. De Beir, In the Eagle’s Claws, op. cit.
  • [56]
    BBL, AA, R, dossier R 901/26415, Ambassade du royaume d’Espagne à Berlin au Ministère impérial des Affaires étrangères, note verbale du 13 mars 1916.
  • [57]
    Bruxelles, AGR, SP, portefeuille 196, rapport Fritz Ball, vol. 3 p. 13-15 ; portefeuille 173, Becker à Marin, le 1er décembre 1919.
  • [58]
    Comme le raconta en 1917 un des agents les plus en vue du bureau, l’Alsacien Jean Burtard alias Forster, à Léopold Wartel, un Belge au service de la Polizei ; trois autres agents allemands confirmaient à Wartel cette version du choix de von Bissing. Bruxelles, AGR, SP, portefeuille 195 (Police Allemande), « Antar Cenobio » [pseudonyme de Léopold Wartel], La guerre secrète. Mémoires d’un policier de la Rue de Berlaimont, mapuscrit non daté [1920 ou début 1921] p. 77.
  • [59]
    La police des mœurs allemande (Sittenpolizei) à Bruxelles, dressa dès sa création en mars 1915 une liste de 511 femmes soumises au contrôle sous le titre Liste der unter ärztlicher Aufsicht stehenden Personen. Cette liste fut ensuite tenue à jour ; les listes additionnelles à partir du 28 mai 1915 ajoutent 250 noms. Ces listes, conservées après la guerre, peuvent être consultées au fonds « Police 1914-1918 » aux Archives de la Ville de Bruxelles. Selon l’inventaire très sommaire, la liste contenant les 511 noms se trouve à la boîte 420. Ayant constaté lors de mes recherches en 2011 que cette liste manquait, je l’ai recherchée à travers les 113 boîtes du fonds, avec l’aide généreuse de l’archiviste M. Jean Houssiau. Elle resta hélas introuvable. L’historien Benoît Majerus, qui avait utilisé 59. (suite) cette liste pour sa thèse (soutenue en 2005), me permit généreusement de consulter sa photocopie. Je tiens ici à remercier ces deux collègues pour leur aide très précieuse. Heureusement, les listes périodiques étaient en place. J’ai pu ainsi vérifier tous les enregistrements auprès de la police des mœurs du mois de mars 1915 jusqu’au mois de mars 1916. Petit ne s’y trouve nulle part, ni sous son propre nom ni sous ses alias (Legrand, Ségard). Les quelques femmes nées à Tournai ont des dates de naissance différentes.
  • [60]
    Deloge, Petit, op. cit., p. 185.
  • [61]
    BBL, AA, R, dossier R 901/26415, télégramme de von Kirchbach au ministère des Affaires étrangères à Berlin, le 27 mars 1916.
  • [62]
    BBL, AA, R, dossier R 901/26415, télégramme de von Harrach au ministère des Affaires étrangères à Berlin, s.d. [le 28 ou 29 mars 1916]. Ces arguments furent utilisés comme base de la réponse du ministère à l’ambassade d’Espagne.
  • [63]
    I. Hull, Absolute Destruction. Military Culture and the Practices of War in Imperial Germany, Ithaca-Londres, Cornell University Press, 2005 ; A. Toppe, Militär und Kriegsvölkerrecht : Rechtsnorm, Fachdiskurs und Kriegspraxis in Deutschland 1899-1940, Munich, Oldenbourg Wissenschaftsverlag, 2008.
  • [64]
    B. Ulrich, J. Vogel et B. Ziemann dir., Untertan in Uniform. Militär und Militarismus im Kaiserreich 1871-1914 : Quellen und Dokumente, Francfort, Fischer, 2001, p. 164-165.
  • [65]
    H. Roland, La « colonie » littéraire allemande en Belgique 1914-1918, Bruxelles, Labor, 2003, p. 128-130, 154.
  • [66]
    U. Frevert, Ehrenmänner : Das Duell in der bürgerlichen Gesellschaft, Munich, Beck, 1991 ; K. McAleer, Duelling : The Cult of Honour in Fin-de-Siècle Germany, Princeton University Press, 1995.
  • [67]
    Bruxelles, AGR, SP, 173, Becker à Marin, le 1er décembre 1919.
  • [68]
    Le Quotidien, 4 avril, 1916, p. 1 ; Les avis, proclamations et nouvelles de guerre allemands affichés à Bruxelles pendant l’occupation, Bruxelles, Brian Hill, s.d. [1919], vol. 10, p. 81. Une copie de l’affiche est préservée à la prison de Saint-Gilles à Bruxelles (remerciements à An Coucke).
  • [69]
    T. Proctor, Female intelligence : women and espionnage in the First World War, New York University Press, 2003, p. 117.
  • [70]
    Cf. les remarques pertinentes dans E. Debruyne, « Patriotes désintéressés ou espions vénaux ? Agents et argent en Belgique et en France occupées. 1914-1918 », Guerres mondiales et conflits contemporains 232, octobre-novembre 2008, p. 25-45.
  • [71]
    Article signé « X » [écrit par Victor Jourdain, le fondateur de la Libre Belgique clandestine], « Victimes », La Libre Belgique, N. 73, mai 1916, p. 4. En cursif dans le texte.
  • [72]
    Gille et al., Cinquante mois, op. cit., vol. 2, p. 119.
  • [73]
    Ainsi, organisation de masse et individualisation, bien loin de s’exclure mutuellement, vont de pair. Cf. l’analyse que propose Marcel Gauchet dans L’avènement de la démocratie II : la crise du libéralisme, Paris, Gallimard, 2007, p. 279-282 et sqq.
  • [74]
    « Gabrielle Petit, l’héroïne nationale », Le Drapeau, 1 :11 (1er mai 1919), p. 1.
  • [75]
    Cf. les réflexions d’Antoine de Bacque sur l’« offrande des martyrs » dans l’espace public du Paris révolutionnaire, dans Le corps de l’histoire : métaphores et politique (1770-1800), Paris, Calmann-Lévy, 1993.
  • [76]
    Bruxelles, AGR, dépôt Joseph Cuvelier, Archives du tribunal de première instance de Bruxelles. Tribunal civil. Ordonnances, jugements sur requête et répertoires y afférents 1865/1871-1939, section Jugements sur requête, 1871-1939 ; action en référé des 23-27 mai 1919, verdict du juge Maurice Benoidt du 27 mai 1919. Sincères remerciements à Luc Janssens et à Pierre-Alain Tallier.
  • [77]
    Belgique, Annales Parlementaires : Sénat, 1918-1919, session du 2 juillet 1919, p. 416-418.
  • [78]
    La Libre Belgique et Le National Bruxellois, le 30 mai 1919, p. 1.
  • [79]
    « Nos héros », Le Soir, 19 mai 1919, p. 1.
  • [80]
    Comme le montre par exemple le drame Patrie de Victorien Sardou (1869), devenu un opéra en 1886 comprenant l’air connu « Pauvre martyr obscur », souvent repris lors des manifestations de commémoration de l’après-armistice à Bruxelles.
  • [81]
    E. Debruyne, « Femmes à boches : perspectives sur une occupation horizontale » (à paraître), voir aussi son article supra ; J. Connolly, « Mauvaise Conduite : Complicity and Respectability in the Occupied Nord, 1914-1918 », First World War Studies, 4 : 1, mars 2013, numéro spécial Military Occupations in First World War Europe, S. De Schaepdrijver dir. et son article dans ce numéro.

1Dans le nord de la France et en Belgique on trouve un type de monuments de la Grande Guerre que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. Parmi ceux-ci – une vingtaine de monuments tout au plus – on peut relever, en guise d’exemple, le monument pour le voyageur de commerce Ernest Deceuninck (1877-1915) à Armentières, celui du télégraphiste Omer Lefèvre (1878-1916) à La Louvière et les monuments dédiés à la mémoire de la demoiselle de magasin Gabrielle Petit (1893-1916) à Tournai et à Bruxelles [1], tous fusillés pour faits de résistance en 1914-1918. Il s’agit donc de monuments aux morts. Mais à la différence des dizaines de milliers de monuments aux morts à travers les communes françaises et belges, ceux-ci ne représentent pas une figure symbolique, « le » soldat iconique de tous les soldats morts : les fusillés, eux, sont des individus. Certains monuments juxtaposent cette différence. Le somptueux « Monument aux Héros » de la ville de Zottegem (entre Bruxelles et Courtrai) montre un soldat aux côtés d’un ouvrier déporté, tous deux symbolisant un groupe ; en même temps, le piédestal porte deux?médaillons-portraits de particuliers, les résistants fusillés Léonce Roels, notaire (1869-1916), et Désiré Van Den Bossche, employé des chemins de fer (1892-1916) [2].

2Ces monuments aux fusillés poursuivent la « statuomanie » du dernier tiers du xixe siècle, l’époque de la création de « panthéons en plein air » (pour reprendre l’expression de l’historienne de l’art June Hargrove), lorsque les villes françaises et belges se virent ornées de monuments honorant les mérites de concitoyens contemporains ou historiques, en très grande majorité des hommes : humanistes, hommes politiques, scientifiques, artistes, poètes. Effort considérable misant à glorifier non pas la position dans la hiérarchie sociale, mais le mérite. Comme l’a remarqué Hargrove au sujet de la Troisième République (et, à quelques nuances près, l’observation vaut pour la Belgique), l’époque « statufiait » plutôt les concitoyens exemplaires que les têtes couronnées et les chefs militaires [3]. La qualité mise en exergue était celle de l’énergie, manifestée à travers l’action, la création, la pensée, ou encore à travers la mort exemplaire, définie comme sacrifice consenti pour la cause commune et la cause du Progrès.

3La première guerre mondiale met fin à ce genre de « statuomanie » ; désormais, elle faisait presque figure d’anachronisme. L’après-guerre vit un retour vers la statuaire glorifiant l’autorité plus que l’aspiration : l’espace public s’ornait à nouveau, comme à l’ère napoléonienne, de monuments aux « artisans de la victoire » tels le maréchal Foch, le roi Albert, le général Jacques de Dixmude [4]. Cependant, les quelques monuments aux fusillés des territoires occupés derrière le front de l’Ouest représentent une modeste forme de sursis de la statuomanie de l’avant-guerre. Ils perpétuent l’idée de l’exemplarité de certains concitoyens. Ils s’inscrivent encore pleinement dans les perspectives héroïsantes du xixe siècle, lorsque le libéralisme exaltait l’action en dehors des cadres régimentés : les fusillés sont en civil et ils sont loués pour avoir agi de leur propre initiative. Les nationalismes du xixe siècle érigeaient en héros nationaux ceux qui avaient fait plus que leur devoir et plus que l’on attendait d’eux, vu leur statut modeste : or ce « double décalage », pour reprendre l’expression toujours pertinente de l’anthropologue Jean-Pierre Albert, figure justement au centre de l’héroïsation des fusillés, gens de condition modeste qui pourtant sont allés jusqu’au bout de leur sacrifice pour la nation [5]. Les monuments aux fusillés forment ainsi une très forte continuation des perspectives de l’avant-guerre. C’est un exemple de plus des continuités culturelles que soulignait il y a près de vingt ans Jay Winter à propos du deuil [6]. Les années vingt, loin d’instaurer le triomphe définitif du modernisme dans une brusque césure culturelle, laissent encore amplement la place à l’emphase, au narratif, au théâtral, au figuratif.

4Or ces figures se retrouvent intensément dans les monuments de Gabrielle Petit, celui de Bruxelles (1923) comme celui de Tournai (1924). Tous deux représentent un tableau vivant figé ; tous deux condensent son histoire en un moment défini comme sublime, celui d’une jeune femme regardant de face sa propre mort. Qu’il y ait deux monuments majeurs, l’un dans la capitale, l’autre dans la ville de naissance de l’héroïne, montre la concurrence entre mémoire nationale et régionale, à son tour indicatrice de la ferveur avec laquelle il fut rendu hommage à Petit dans la Belgique sortant de guerre. Consacrée « héroïne nationale », elle fut commémorée non seulement dans le bronze (à part les statues, plusieurs plaques furent posées sur les lieux où elle avait vécu), mais aussi en écriture (biographies plus ou moins romancées, pièces de théâtre, poèmes), dans deux films (1921 et 1928) et dans nombre de cartes postales, chansons, fascicules illustrés, chars de procession et autres expressions de culture populaire.

5Cette explosion discursive est liée au besoin que ressentait une société sortant de l’occupation de donner sens à ce qu’elle avait vécu et de mettre en exergue l’héroïsme spécifique de certains civils qui avaient fait front sans armes. Cette vague d’« héroïsation » fit une place d’honneur aux femmes. Tandis que la mémoire des fusillés ne dépasse guère le niveau local, la renommée des fusillées est plus étendue, du moins pour trois d’entre elles. Edith Cavell (1865-1915), l’infirmière anglaise exécutée pour avoir aidé des soldats anglais, français et belges à s’évader du pays occupé, inspira une vague commémorative mondiale [7]. Louise de Bettignies (1880-1918), grande espionne française au service du Grand Quartier Général britannique, morte en prison à la fin de la guerre, devint non seulement une héroïne lilloise, voire du Nord, mais symbolisa le courage de toutes les femmes de France occupée et de l’ensemble des Françaises des temps de guerre [8]. Gabrielle Petit, la « Jeanne d’Arc belge », inspira un culte de part et d’autre de la frontière linguistique, fait rare dans le discours mémoriel de la Grande Guerre en Belgique. Consacrée « héroïne nationale » dans les six mois qui suivirent l’armistice, elle semblait représenter le meilleur de la société belge sous l’occupation. « L’Histoire ne dira pas », s’écriait un orateur, « que, sur le seuil du xxe siècle, le sang des héros avait tari dans les veines du peuple, attendu que de la classe populaire sortit une héroïne qui triompha de la timidité inhérente à son sexe pour remplir avec une grandeur incomparable la mission âpre et ardue à laquelle rien ne l’avait préparée ». Bien que contemporaine, Petit fut commémorée en des termes de quasi-légende : « Il faut remonter l’histoire de cinq siècles, jusqu’au bûcher de la Pucelle d’Orléans, pour trouver l’exemple d’une mort aussi vaillante que celle de notre héroïne nationale ! » [9]

6Gabrielle Petit devint un mythe dans la mesure où elle remplissait des attentes culturelles, où en quelque sorte elle existait déjà dans l’imaginaire collectif avant d’exister dans la réalité. En même temps, quelque chose de nouveau se passe : il semble bien que pour la première fois dans l’histoire européenne une jeune femme de condition modeste, appartenant à l’époque contemporaine, est ainsi héroïsée. Cette héroïsation apporta son lot de distorsions : il était inévitable que le culte de Petit donne d’elle une image idéalisée.

Une ambition en amont

7Un des éléments du mythe Petit est son statut de « fille du peuple », qui assure la robustesse du sentiment patriotique parmi les masses, et qui, à travers le décalage entre statut modeste et action d’éclat, souligne son héroïsme. En vérité, Petit n’était pas issue des « classes populaires », elle était enfant de bourgeois, mais de bourgeois en plein déclassement social : son père était un inventeur raté ; sa mère, épuisée, était morte en 1902. À huit ans, Gabrielle se retrouve dans un orphelinat catholique à Brugelette, village situé en bordure du bassin houiller du Borinage. Elle y resta sept ans. Les notes (inédites) des religieuses enseignantes, rassemblées dans l’entre-deux-guerres, décrivent une enfant douée mais traumatisée, tour à tour enjouée et déprimée, possédant à la fois « une intelligence apte à l’étude » et un degré d’indocilité foncière qui lui ferme les portes des études malgré son désir de devenir institutrice : « On ne pouvait envisager la présence parmi les normaliennes d’un être qui aurait troublé l’ordre et provoquerait l’autorité » [10]. À quinze ans, elle quitte l’école. Peu aidée par son père et par sa famille, elle arrive à Bruxelles, capitale alors en pleine expansion à la demande insatiable de domestiques. Bonne d’enfants, elle se rend compte très vite de ses horizons bouchés. À un parent riche, elle écrit que :

« C’est une vie à laquelle je ne sais me résoudre et depuis 6 ans j’ai en l’esprit le désir insombrable (sic) de faire des études, mais pour cela l’argent manque et je sens que, si je ne puis étudier, la vie ne sera pour moi qu’un martyre incomparable » [11].
La majeure partie de la correspondance de Petit ayant disparu, il est impossible de savoir si le parent en question lui avança des fonds. Il est certain toutefois que Petit ne reprendra jamais les études et que, de 1909 à 1914, elle erre dans la ville, vivant fort mal d’emplois précaires : demoiselle de magasin, lingère dans un hôtel, serveuse de café. À dix-sept ans, elle vit avec un homme marié pendant un an environ (cette période de sa vie est très peu documentée) ; par la suite, elle est accueillie par la famille Collet, ménage ouvrier qui lui sous-loue une mansarde. Après la guerre, madame Collet la décrit pendant cette période comme une personne à la dérive, déplorant ses chances ratées. En 1912, elle tente de se suicider. Toutefois, selon d’autres témoignages, elle a aussi un côté hardi, de l’esprit et de la prestance. Fin mars 1914, elle fait enfin une rencontre prometteuse. Maurice Gobert, également originaire du Hainaut, un jeune sergent dans l’armée de carrière en passe de devenir sous-lieutenant, tombe amoureux d’elle. La rencontre a beau se faire en dehors de tout cadre familial, des promesses sont échangées [12]. Pour Gabrielle Petit, Gobert représente non seulement la stabilité et l’acceptation – même si elle a honte de sa pauvreté à elle et que l’état de femme mariée lui inspire des doutes – [13], mais aussi et avant tout l’ascension sociale à travers les institutions qu’elle ambitionnait jadis (et peut-être encore) pour elle-même. Une comparaison avec les deux autres « héroïnes », Edith Cavell et Louise de Bettignies, semble à sa place ici. Des trois femmes, Cavell fut la seule à avoir réussi à s’assurer une position. Des décennies de travail acharné et ingrat lui avaient valu un statut de chef de file dans le secteur médical. Lorsqu’éclate la guerre, elle dirige la nouvelle École d’Infirmières Diplômées de Bruxelles. Aussi son engagement de guerre se situe-t-il dans cette même perspective. Louise de Bettignies, en revanche, est sans horizon professionnel, malgré son éducation patricienne. Longtemps gouvernante dans une famille huppée, celle-ci lui fait durement sentir son absence de statut [14]. Pour elle, comme pour Petit, la guerre offrira ce que la vie ordinaire lui refuse : une ouverture pour son intelligence, un horizon d’action, la possibilité d’accéder aux honneurs.

Engagement

8Autre élément clé du mythe Petit, elle et son fiancé entrent en guerre ensemble. Il est blessé lors des premiers combats, elle le soigne et le guide hors du pays occupé pour qu’il puisse rejoindre son régiment. Puis, sans rien lui dire, elle entre en résistance. Des textes la montrent prenant l’initiative de ce double volontariat : « En entendant ces mâles paroles, (…) son fiancé se redressa » [15].

9En réalité, les fiancés quittent le pays occupé séparément, dans un climat opaque qui mettra fin à leur couple. Gobert, blessé aux jambes le 25 août 1914 et ramené au « réduit national » d’Anvers où l’armée belge s’est retranchée, parvient à s’évader avant la chute de la ville en octobre. Afin de ne pas être pris prisonnier de guerre, il se cache près de ses parents dans le Hainaut. Il reste en contact avec Petit qui vit de menus travaux à Bruxelles et s’est portée quêteuse de fonds pour la Croix-Rouge ; il se peut, également, qu’elle ait été employée comme ambulancière. Guéri, mais boiteux à vie, Gobert décide de rejoindre l’armée de l’Yser. En mai 1915, il demande à Petit de l’aider à trouver une filière d’évasion ; elle se renseigne auprès de la jeune veuve irlandaise Ada Bodart (née Doherty), une associée du réseau d’exfiltration auquel participe Edith Cavell. Gobert finit par franchir la frontière à l’aide d’un autre réseau, celui du rentier bruxellois Franz Merjay qui sera exécuté en 1917. Via la Hollande et l’Angleterre, il rejoint son unité sur l’Yser. Sur ces entrefaites, le doute le gagne quant à la grande liberté d’action de Petit. La quête de renseignements pour s’évader a laissé des zones d’ombre, une de ses sœurs lui signale, à tort, que sa fiancée a cherché à le dénoncer à la police allemande. Il décide de rompre tout contact [16].

10Pour l’instant, Gabrielle Petit ne se rend compte de rien. Elle aussi franchit la frontière néerlandaise (vraisemblablement avec un laisser-passer de la Croix-Rouge) dans l’idée de rejoindre l’armée belge comme infirmière. Mais à bord du navire qui l’emmène en Angleterre, elle est accostée par un recruteur des services de renseignement britanniques. Les services secrets sont à cette époque en quête d’habitants des territoires occupés prêts à y retourner en vue de recueillir des informations sur l’armée allemande. La guerre des tranchées a changé la donne en matière de renseignements militaires. Il ne suffit plus désormais de patrouiller pour localiser l’ennemi, il faut également identifier les unités afin de déduire l’emplacement de divisions et, à partir de là, analyser la stratégie de l’adversaire ; il convient d’évaluer les troupes de réserve pour estimer si et jusqu’à quel point l’ennemi est à court d’hommes. Ceci requiert une observation militaire de proximité. Or les territoires occupés derrière le front de l’ouest présentent un double avantage, du point de vue de l’Entente. D’une part, ils forment un arrière-pays ennemi pour l’armée allemande en campagne, d’autre part, ils jouxtent les Pays-Bas neutres – eux-mêmes ouverts sur la mer – sur une longue frontière qui, tout en étant fermée (cf. infra), n’est pas étanche. Le recrutement de civils belges et français devient dès lors une priorité pour les services de renseignement de l’Entente qui ne sont pas unifiés : Belges, Français et Britanniques travaillent chacun de leur côté. En juillet 1915, lorsque Gabrielle Petit est engagée, les services secrets français et belges sont affaiblis, contrairement aux services britanniques dont deux institutions se disputent le monopole de cette activité : le War Office et le Grand Quartier Général (GQG). Elle est recrutée par le GQG, qui vient de mettre sur pied un nouveau bureau, très alerte, à l’affût de Belges arrivant en Angleterre [17]. Sitôt sur le sol britannique, elle est invitée à Londres pour être initiée à la collecte de renseignements [18].

11Pour Gabrielle Petit, il s’agit là d’une promotion sociale. Comme d’autres agents, elle est sensible au prestige et au panache des services de renseignement britanniques. Son supérieur, Ernest Wallinger, « un grand bel homme d’une amabilité extrême », comme le décrit un associé, officier versé dans l’Intelligence après avoir perdu un pied à la bataille du Cateau, réside avec son butler dans un appartement élégant au-dessus des bureaux du service dans le quartier huppé de Knightsbridge [19]. Se sentant prise au sérieux, Petit annonce à Gobert – qu’elle croit toujours être son fiancé – qu’elle aura désormais quelque chose à apporter au ménage : « J’ai presque fini d’être un échantillon sans valeur ; notre avenir sera fait sans le secours de personne » [20]. Si elle se rend compte des risques qu’elle prend, un horizon social élargi est toutefois en vue. « D’ailleurs », écrit-elle à une des sœurs de Gobert,

12

« Si j’étais partie comme ambulancière les risques étaient aussi grands et plus tard je n’aurais pas été plus avancée qu’à présent. Tandis que maintenant j’ai de très hautes protections et qui s’intéressent vivement à moi » [21].

13Petit a donc des raisons d’ordre personnel pour s’engager qui sont enracinées dans sa quête de promotion sociale. Les documents ne permettent pas d’établir si et à quel moment elle s’est rendue compte de la rupture ; mais il est clair qu’elle est motivée par cette ambition même hors du mariage. Non sans naïveté, elle se choisit un nom de guerre à l’opposé de son trop modeste patronyme : désormais elle s’appellera Mademoiselle Legrand [22]. Ce choix peu hermétique lui vaudra des louanges après la guerre : « la caution », écrit un journaliste, est une vertu que « les vaillants dédaignent » [23]. Sa recherche d’honneur personnel semble étroitement liée à son sens civique : selon Marie Collet, l’invasion allemande avait généré, chez sa jeune pensionnaire, des sentiments patriotiques. L’idée de patrie, vague jusqu’alors, se précisa pour elle ; Collet se rappelait la jeune femme lui disant que désormais, « [la patrie], je la respire dans les rues de la ville ». Avant même son engagement dans le service des renseignements, Petit puisait dans la culture de défiance qui s’était développée en Belgique pendant la première année de l’occupation : elle portait une broche au portrait du roi Albert, symbole prohibé, et lors d’une brève arrestation, elle avait traité les soldats occupants d’« ordures » [24]. Quête de promotion sociale, soif d’honneur et patriotisme se conjuguent dans la décision qui mène Gabrielle Petit, le 17 août 1915, à franchir de nouveau la frontière néerlandaise pour rentrer en Belgique occupée.

Activité

14Le « culte Petit » de l’après-guerre fera d’elle une espionne hors pair ; un ouvrage allemand la qualifie même de Meisterspionin (maîtresse espionne) [25]. Elle est censée avoir dirigé une immense organisation et avoir porté des coups terribles à l’armée allemande. En vérité, son « organisation » est modeste et elle s’occupe elle-même du gros de l’observation. Mais elle pousse jusqu’à quinze kilomètres du front sa collecte d’informations et les rapports qu’elle transmet au GQG britannique sont fouillés. Après son arrestation, le rapport de la police allemande souligne sa grande intelligence. Et l’auditeur militaire allemand lui-même déclarera en 1931 que, bien que le mythe Petit ait gonflé son importance, « il n’y a nul doute qu’elle fut, comme le conclut le tribunal militaire, une grande espionne » [26].

15Elle entame son action en des circonstances fort peu propices. Les armées allemandes sont sur la défensive sur le front de l’ouest où elles approfondissent et élargissent puissamment leurs lignes arrière. En Belgique occupée, hinterland ennemi de l’armée allemande en campagne, les réseaux d’espionnage se développent. Aussi les services de contre-espionnage forment-ils un élément crucial de la ligne de défense allemande et ils enregistrent leurs premiers grands succès dès le printemps de 1915, au moment où un important réseau liégeois est démantelé. Le 7 juin, huit personnes, dont une jeune mère, sont exécutées ; fin juillet, la police arrête le jeune architecte anversois Joseph Baekelmans, responsable d’une série de postes d’observation ferroviaires dans le Hainaut et qui, comme Petit, travaille pour le Grand Quartier Général britannique, bureau Wallinger. Parallèlement, la police allemande se prépare durant des mois à démanteler le réseau d’évasion d’Edith Cavell. Dès juin, elle se sait épiée ; elle est arrêtée le 5 août, moins de deux semaines avant le retour de Gabrielle Petit en pays occupé.

16Mais c’est également une époque de succès considérables pour des espion(ne)s comme Gabrielle Petit, des jeunes femmes à la liberté de mouvement bien plus grande que celle des hommes du même âge, lesquels, soupçonnés de vouloir rejoindre les armées « ennemies », doivent se présenter fréquemment au bureau d’enregistrement [Meldeamt]. Les femmes ont le loisir de devenir « agents baladeurs » parcourant le pays occupé en quête d’observations militaires ; Louise de Bettignies, qui porte le nom de code bien choisi de Ramble (randonneuse), s’y montre d’une efficacité exceptionnelle, ayant réussi dès août 1915 à indiquer tous les importants emplacements d’artillerie allemands dans la région de Lille. « S’il lui arrivait quelque chose, ce serait une catastrophe », écrit son chef au GQG britannique [27]. Comme Louise de Bettignies, Gabrielle Petit fait de l’observation « mobile » et non pas statique. Sa région d’observation se situe dans la zone des étapes de la sixième armée allemande, plus particulièrement le Tournaisis et la région de Lille. Tournai et Lille, stations de décharge (Ausladeorten), où les troupes allemandes descendent des trains, sont des postes privilégiés pour l’observation des renforts. Deux ou trois fois par semaine, depuis Bruxelles où elle réside toujours, elle prend le train pour Tournai. À partir de Tournai, elle circule en tram et surtout à pied en direction de Lille et Roubaix, parcourant des distances considérables jusqu’à Marcq-en-Barœul, à proximité du front. Elle franchit ainsi constamment des frontières : entre le Gouvernement Général (la majeure partie de la Belgique occupée) et la zone des étapes qui est située plus près du front ; entre la Belgique et la France ; entre les districts militaires ; traversant l’Escaut. « Heureusement que je suis passe-partout », écrit-elle dans un de ses rapports [28].

17La plupart de ses rapports, versés dans les aperçus généraux hebdomadaires du GQG britannique, n’ont pas été conservés, à part quelques notes, qui donnent une idée de ses contributions. Ainsi, elle constate, fin septembre 1915, les effets de l’offensive britannique ratée à Loos : à Tournai, « hôpitaux, ambulances, séminaire, même écoles regorgent de soldats blessés ; [les 27-29 septembre] ce n’était qu’un défilé d’autos voitures de la Croix-Rouge ». Elle note le renforcement de la ligne de front allemande à l’aide de bois récolté dans le Tournaisis, de sacs de sable et d’obus à gaz ; elle observe l’aide accordée, volontairement ou non, par la population locale [29]. À la mi-octobre, elle remarque que ceux qui refusent de travailler pour l’armée allemande sont arrêtés en masse. Ceci montre que, même si le régime général de travaux forcés n’est introduit qu’à l’automne de 1916, il commence à prendre forme plus tôt à l’arrière. Parmi ses notes se trouvent également des observations au sujet de raids aériens alliés, de l’emplacement des batteries anti-aériennes allemandes dont une est installée dans un bois à Rongy sur la frontière franco-belge [30]. Elles fournissent également des détails sur Lille occupée : les mitrailleuses placées en pleine ville, la localisation du service de télégraphie, les munitions stockées à la gare, et, pour les civils, la crainte de famine à l’approche de l’hiver 1915-1916 puisqu’il n’y a « presque rien en fait de nourriture » [31]. Elle scrute les troupes allemandes : renforts, âge, uniforme, moral. Elle y met un élément de crânerie qui en dit plus long, sans doute, sur sa volonté de se mettre en scène que sur l’état des troupes : « Ils sont dégoûtants et s’ils serviront comme renfort, une femme comme moi pour 3 soldats et en deux jours on ne les retrouvent [sic] plus » [32].

18Le « réseau » qu’elle dirige est d’ordre plutôt informel, reposant, comme beaucoup d’autres réseaux en pays occupé, sur la famille et les amis. À Tournai, elle mobilise des parents de sa famille maternelle. Un cousin, commerçant en verreries, l’aide à recueillir des observations ; son fils, un petit garçon, l’accompagne dans ses randonnées dans la région pour qu’elle passe inaperçue. Ils visitent ainsi le village de Froyennes, où réside le Kreischef et où Louise de Bettignies est arrêtée, avec sa collaboratrice Marie-Léonie Van Houtte, le 20 octobre 1915. Le garçon a des soupçons, ayant vu « cousine Gabrielle » notant le numéro de voitures militaires ; mais, averti par sa mère que « ton père et moi, nous serons fusillés » s’il parle, « l’enfant garda toujours une discrétion absolue » [33]. Cette collaboration avec les cousins de Tournai permet à la jeune femme de renouer les liens familiaux si longtemps négligés. À Bruxelles, elle fait des courses pour eux, leur rend également de petits services en vue de l’obtention de laissez-passer commerciaux : ainsi, priorités d’ordre familial et « professionnel » se conjuguent. Il est possible qu’en dehors de ses parents elle ait eu d’autres collaborateurs dans le Hainaut et dans le Nord ; les sources font état de loin en loin de contacts, mais sans fondements véritables. Petit transportait elle-même ses rapports à Bruxelles, où elle prit pour collaboratrice son amie et voisine Marie Collet qui fit fonction de « boîte aux lettres » pour recueillir d’éventuels rapports délivrés par d’autres espions ainsi que des instructions et des paiements arrivant des Pays-Bas. Les fils Collet guidaient dans Bruxelles les courriers qui assuraient l’acheminement clandestin des documents vers la Hollande. La correspondance à travers la frontière est pénible : ce qui reste des missives qu’envoient à Petit ses chefs de réseau aux Pays-Bas – l’organisation Wallinger opérait, comme les autres services secrets, à travers un bureau de transmission en Hollande neutre – prouve les difficultés de communication. À plusieurs reprises, les instructions et l’argent expédiés vers la Belgique se perdent. Cependant, beaucoup d’envois, maquillés en correspondance commerciale sous le nom de code « Cereal Company », arrivent tout de même à destination, ce qui montre que le régime occupant ne désire pas annihiler le commerce en Belgique. Il est plus difficile encore de faire parvenir des rapports aux Pays-Bas : la frontière est fermée par un triple fil électrique destiné à rendre impossible l’évasion de volontaires ainsi que la fuite d’informations militaires. Petit passe par divers courriers, dont un menace ses associés de dénonciation sauf rançon énorme. Ce risque-là contourné, elle entre en contact avec un petit réseau patriotique de courriers installé dans le village de Neerpelt dans le Limbourg, proche de la frontière. Son modeste réseau couvre donc, comme ceux de plus grande envergure, toute la largeur des territoires occupés de la France du Nord à la Campine, soit 200 km.

Défaite et confrontation

19Mais l’envoi des rapports reste le point faible de son organisation, comme il l’est pour tant d’autres. C’est la raison pour laquelle le réseau le plus efficace de toute la guerre, la redoutable Dame Blanche, organisation liégeoise opérant pour le War Office britannique, est dotée de son propre service de transmission, ce qui le rend étanche à l’infiltration. Mais ceci ne se fait qu’en 1917 ; pendant la première moitié de la guerre, les services de renseignement doivent se débrouiller. D’où un risque immense et croissant, car la Polizei est très présente aux Pays-Bas où elle recrute des « infiltrants ». Une des recrues les plus efficaces, un Maastrichtois responsable du démantèlement de plusieurs réseaux, réussit à s’infiltrer dans l’organisation de Petit. À cette époque, les services de renseignement, quelle que soit la qualité de leurs agents, ne font pas le poids face aux services de contre-espionnage allemand, qui, eux, sont parfaitement organisés dès l’automne 1915. Plusieurs grands réseaux d’espionnage, imbriqués les uns dans les autres, sont démantelés un par un à partir d’octobre 1915. Dans les grandes villes belges, la police secrète a rassemblé de redoutables équipes d’experts ; parmi eux se trouvent des Allemands policiers dans la vie civile, d’autres qui ont vécu longtemps en Belgique, ainsi que des Alsaciens. Les agents sont en civil ; leur mise élégante incite, en partie, une population occupée, de plus en plus pauvrement vêtue, à entrer à leur service. Cette police allemande très renforcée est, début 1916, en état d’alerte. En effet, le 7 janvier 1916, un jeune Bruxellois a assassiné le Belge Rémy Neels, une taupe au service de la Polizei. Trois jours auparavant a été arrêté le courrier du service Petit, Theodoor Broeckx, un agriculteur de Neerpelt en Campine. Dans sa cellule, il réussit à manger les rapports qui lui ont été confiés et il ne lâche rien même sous les coups [34]. Mais la Polizei a déjà guetté la « boîte aux lettres » et le 2 février, Marie Collet et ses fils sont arrêtés, ainsi que Gabrielle Petit.

20Un élément central de la légende Petit est son attitude inébranlable en prison : « Plus forte que Miss Cavell elle-même, Gabrielle Petit (…) gardera un silence absolu. Grâce à elle, aucun de ses collaborateurs ne sera incommodé » [35]. Ceci est exact. Après Petit, personne ne sera arrêté, ce dont sa famille à Tournai lui saura toujours gré. Les documents allemands prouvent, en outre, que la Polizei n’a jamais su qu’elle travaillait pour le compte des Britanniques.

21Le dispositif de justice militaire dans lequel se retrouve à présent la jeune femme fonctionnait dans les limites de la loi. Des avocats belges peuvent plaider la cause des accusés et un Comité de défense offre son aide gratuitement [36]. Petit avait elle-même, en septembre 1915, contacté un avocat pour prendre la défense de Joseph Baekelmans. Son plaidoyer échoua et Baekelmans fut condamné à mort et exécuté le 23 septembre. Les avocats du Comité de défense se voient contraints de défendre les accusés dans des marges très restreintes : ils n’ont pas le droit de conférer avec leur client, ni d’étudier le dossier, ce qui les oblige à plaider dans des termes très généraux. Mais il arrive qu’ils réussissent à sauver la vie de leur client. Ainsi, la jeune espionne Herminie Waneukem, condamnée à mort à Mons le 1er mars 1916, voit sa condamnation commuée en travaux forcés après un plaidoyer efficace de son défenseur, Thomas Braun, qui avertit les juges qu’ils auront à rendre compte, par la suite, de leur décision : « Lorsque votre fille, mon Général, vous demandera (…) : ‘ Père, toi qui tenais le sort de cette jeune fille entre tes mains, qu’as-tu fait ?’. Dites-moi, qu’aimerez-vous mieux pouvoir lui répondre : ‘Je l’ai fait fusiller’ ou ‘Je l’ai graciée’ ? » [37]. D’autres accusés se voient imposer un avocat allemand, dont plusieurs, il faut le souligner, plaident avec conviction, faisant valoir l’invalidité de l’accusation de « trahison de guerre » à l’encontre de gens qui se trouvent dans leur propre pays [38]. Mais l’absence d’avocats du Comité de défense rend les procès invisibles. Les défenseurs belges sont barrés lorsqu’il s’agit de cas particulièrement épineux, ceci pour éviter que des informations sur les procès ne s’ébruitent. Ainsi, Louis Bril, l’assassin de Rémy Neels, n’a pas droit à un avocat belge. Condamné le 9 février, il est exécuté le 11. Le procès de Louise de Bettignies se déroule à la mi-mars ; elle se voit attribuer un défenseur commis d’office. Le Comité de défense protesta contre cette restriction de ses droits à la mi-janvier 1916 dans une longue lettre au Gouverneur Général Moritz von Bissing. Il fait valoir que les détenus ne sont pas informés de leur droit d’être défendus par un avocat belge. Mis au secret, ils sont interrogés dans l’isolement, abandonnés à eux-mêmes, sans support aucun. C’est ce qui arrivera à Gabrielle Petit, ainsi qu’à Louise de Bettignies et Marie-Léonie Vanhoutte. Il y a pire : en deux occasions récentes, un auditeur militaire a refusé de dire aux avocats quand le procès aurait lieu, se contentant de les informer ensuite que leur client avait été condamné et fusillé. La lettre à von Bissing conclut que le principe de la nécessité militaire est interprété d’une façon qui dépasse de loin la législation allemande. Dans sa réponse du 28 janvier, von Bissing déclare que la législation pénale militaire allemande, qui en principe accorde aux Belges devant les cours militaires allemandes les mêmes droits qu’aux accusés allemands, est hors de propos et que le choix d’un avocat doit être limité par « les nécessités de la guerre qui, notamment dans les affaires d’espionnage, interdiront souvent l’admission de défenseurs non allemands » [39].

22« Les nécessités de la guerre » : la juridiction militaire allemande en Belgique occupée s’est donnée pour devoir absolu de rendre inoffensif l’arrière ennemi de l’armée impériale. Cet impératif est incarné par deux hommes qui jouent un rôle majeur : le gouverneur militaire de Bruxelles, Traugott Martin von Sauberzweig, et le procureur militaire, Eduard Stoeber. Tous deux ont gagné une certaine notoriété lors du procès Cavell. La condamnation à mort de l’infirmière anglaise a été une surprise totale ; la peine capitale n’avait jamais été prononcée pour des cas d’aide à évasion (à la différence des cas d’espionnage). Mais Eduard Stoeber, récemment muté des tribunaux sommaires du front, était bien décidé à introduire une certaine diligence militaire dans le déroulement de la justice au Gouvernement Général, comme en témoigne son geste symbolique consistant, durant le procès, à poser son casque à côté du dossier de l’accusation. Il a requis expressément la peine de mort contre neuf accusés, dont la jeune mère Ada Bodart – jadis contactée par Petit lors de sa recherche d’une voie d’évasion pour son fiancé. Cette exigence a été d’une sévérité inouïe pour un cas en dehors de toute forme d’espionnage, mais le fait que les juges finirent par ne maintenir que cinq des peines capitales, et que trois d’entre elles furent commuées en travaux forcés, démontre que le principe de la justice avait été respecté. Toutefois, l’exécution de deux personnes stupéfia les avocats qui s’étaient attendus pour Edith Cavell à une peine maximale de cinq ans [40]. Le choix des exécutés illustrait une certaine volonté de mettre en scène le pouvoir occupant : l’accusation contre Cavell ne pesait pas bien lourd, mais elle était anglaise ; quant au jeune architecte bruxellois Philippe Baucq, son rôle dans le réseau d’évasion n’était pas particulièrement important, mais il avait distribué le journal clandestin La Libre Belgique qui narguait le régime occupant et, comme le soutint par la suite son avocat, il fallait exécuter un accusé en même temps que Cavell. L’attitude du gouverneur militaire von Sauberzweig montrait que la volonté de trancher primait : il refusa de reporter l’exécution afin d’empêcher la demande en grâce.

23Tel était le climat dans lequel fut jugée Gabrielle Petit devant la cour militaire qui siégeait au Sénat belge. L’auditeur Stoeber avait choisi le Sénat pour les grands procès : ce lieu symbolique était censé souligner la nullité du pouvoir belge et cette mise en scène solennelle visait à intimider les accusés. Cela réussit pour Marie Collet, qui comparaissait avec Petit : « J’étais piteuse », avoua-t-elle après la guerre. Elle se rappelait que sa jeune amie essayait de lui donner du courage en lui disant : « C’est notre Sénat, maman » [41]. L’attitude défiante de Gabrielle Petit devant le tribunal, autre élément clé du « culte Petit » après la guerre, est corroborée par plusieurs sources d’origine belge et allemande. Les deux femmes comparurent seules, les fils Collet ayant été relâchés, ce qui prouve que Petit n’avait donné aucune information. Le procès Petit – comme celui de Louise de Bettignies d’ailleurs – fait figure d’exception : la plupart des grands procès contre les résistants, comme celui de « Cavell et consorts », impliquant plusieurs dizaines d’accusés, se terminait par une poignée de peines capitales et une multitude d’autres peines, allant de l’amende aux travaux forcés à perpétuité. Cette fois, l’auditeur Stoeber exigea quinze ans de prison pour Marie Collet et la peine capitale pour Gabrielle Petit. Cette dernière plaida l’innocence de sa logeuse ; l’avocat, d’après les souvenirs de Collet, pour autant qu’elle ait pu suivre son plaidoyer en allemand, reprit les mêmes arguments. Après délibération, Collet fut effectivement acquittée en raison du manque de preuves. Mais elle ne fut remise en liberté que près de deux mois plus tard, pour éviter que le procès ne soit rendu public. En revanche, la peine capitale de Petit fut maintenue.

24À présent s’ouvre une sorte d’affrontement. Depuis l’esclandre international autour de l’exécution d’Edith Cavell, aucune femme n’avait été mise à mort. Ce scandale avait d’ailleurs convaincu les autorités allemandes, tant à Bruxelles qu’à Berlin, que désormais toute condamnation à mort concernant des femmes devrait faire objet d’un appel ; une demande en grâce fut donc introduite pour Petit. Elle-même refusa de la signer, décision peu habituelle, mais pas unique. En effet, la plupart des condamnés à mort signaient un recours, mais certains refusaient jusqu’à la fin. Tout indique que le refus de la jeune femme visait à mettre en exergue le statut illégitime du régime d’occupation et son mépris, comme elle le formula elle-même dans un de ses nombreux graffiti sur les murs de sa cellule : « Je refuse de signer mon recours en grâce dans le but de montrer à l’ennemi que je me fiche de lui » [42]. Afin de renforcer pour elle-même ce terrible refus, elle prit une attitude des plus rebelles en prison, chantant et insultant les gardiens. Elle s’en expliqua à l’interprète allemand qu’elle avait pris en amitié : « Ici c’est à l’ennemi que j’ai à faire. Mon droit et même mon devoir est de le mépriser, de lui résister et (…) de lui donner du fil à retordre, quelles qu’en soient les conséquences ». Elle ne lui en voulait pas personnellement, l’appréciant beaucoup – il lui rendait souvent visite dans sa cellule et elle lui écrivait –, mais tant que la guerre durerait, une vraie amitié resterait exclue : « Vous [êtes] dans une armée que j’exècre… et moi je suis espionne. C’est un mot qui me répugne, et pourtant si c’était à refaire, ce serait avec enthousiasme » [43].

Une mort mûrement délibérée

25Entre-temps, une tante et la sœur aînée de Gabrielle Petit, convoquées en hâte après sa condamnation à mort, avaient introduit un recours en grâce auprès de von Bissing, le 6 mars. Après sa condamnation, Petit s’était attendue à être exécutée le lendemain. Marie-Léonie Van Houtte, la collaboratrice de Louise de Bettignies, se rappelait G. Petit, lors de son retour à la prison, chantant à tue-tête « Salut ô mon dernier matin », un air de Faust[44]. Petit ne savait pas qu’il fallait un laps de temps pour le recours en grâce. L’exécution n’ayant donc pas eu lieu, elle reprit espoir. Le 10 mars, elle écrivit à Marie Collet : « Je suis toujours ici, j’attends. Je n’ai encore reçu aucune nouvelle, je crois toujours que la peine de mort est commuée en travaux forcés à perpétuité sans quoi il me semble que j’aurais déjà été exécutée. Bref, qui vivra verra » [45].

26En fait, son sort était encore en jeu. Ses hagiographes, après la guerre, déclarèrent qu’on l’avait laissée en vie pour la forcer à parler. « C’est pendant ce mois interminable que la persécution des bourreaux atteint son point culminant » [46]. Il est vrai que, durant cette période, elle fut encore interrogée et même, selon un témoignage, battue ; mais la véritable raison du sursis est le délai du recours en grâce. Il est à présent possible d’en reconstituer le cheminement. Si les archives du Gouvernement Général allemand en Belgique, comme celles des bureaux de contre-espionnage et celles de la justice militaire ont disparu dans les bombardements de la deuxième guerre mondiale [47], cependant, la correspondance conservée dans les archives du ministère des Affaires étrangères à Berlin – institution chargée de gérer tout éventuel scandale – permet de combler cette lacune. Il s’avère que le Gouverneur Général von Bissing rejeta le recours en grâce introduit par la famille, arguant du fait que le dossier de la police prouvait son « intelligence supérieure » – en d’autres mots, que Petit était dangereuse – et qu’elle avait agi par « fanatisme antiallemand » et non pour des raisons d’ordre pragmatique (argent, relations). Von Sauberzweig, quant à lui, faisait valoir que la sûreté de l’armée excluait la pitié même en faveur des espionnes, « sans égard pour leur sexe » [48].

27Tout ceci se déroulait dans un contexte d’exaspération. Dans cette période, en effet, tandis que l’offensive de Verdun, censée être la dernière bataille (der letzte Schlag), s’enlisait, l’autorité allemande en Belgique occupée se croyait plus que jamais entourée d’ennemis sournois sur lesquels son emprise lui semblait très relative [49]. Dans la semaine qui suivit la condamnation à mort de Gabrielle Petit, von Bissing estima que son autorité était battue en brèche par son ancien adversaire le cardinal Mercier, primat de l’église catholique de Belgique. Au nouvel an 1915 déjà, Mercier dans sa lettre pastorale « Patriotisme et Endurance » avait assuré les occupés que « ce Pouvoir n’est pas une autorité légitime. Et, dès lors, dans l’intime de votre âme, vous ne lui devez ni estime, ni attachement, ni obéissance » [50]. À présent, une nouvelle lettre pastorale, « À Notre Retour de Rome », publiée le 7 mars 1916, en appelait à ne pas désespérer de la libération. Cette affirmation annihilait les efforts déployés par l’occupant pour se faire accepter comme une autorité permanente et, à terme, légitime. Von Bissing, aristocrate et militaire prussien vieilli dans le service impérial, tenait beaucoup à ce projet à long terme, qu’il considérait comme un devoir sacré à l’égard des soldats allemands tombés en Belgique [51]. Mais le Gouverneur Général n’avait pas les moyens de punir Mercier : le gouvernement à Berlin voulait à tout prix éviter de mécontenter l’opinion catholique internationale. Le maintien des bonnes volontés internationales primait sur l’affirmation de l’autorité allemande en Belgique occupée ; von Bissing se trouvait donc impuissant face à Mercier [52]. Cette position était on ne peut plus agaçante pour un homme déjà profondément vexé par des allégations de mollesse à son égard puisque, selon un bon mot circulant en Allemagne, « Moritz le dur » (wilder Moritz) était devenu « Moritz le doux » (milder Moritz) [53] et explique sa volonté d’agir avec fermeté en faisant exécuter une espionne.

28Mais le ministère des Affaires étrangères à Berlin souhaite éviter une répétition du scandale qui a suivi la mise à mort de Cavell et qui a dégradé la réputation de l’Allemagne dans les pays neutres. Deux procès qui se déroulèrent à cette même époque montrent à quel point des campagnes publiques en faveur de condamnées faisaient toute la différence. À Bruges, la veuve Jeanne De Beir (née Lowyck), recrutée à Dunkerque par les services secrets français, fut condamnée à mort le 19 novembre 1915. À la demande du bourgmestre brugeois Amédée Visart de Bocarmé, l’amiral von Schröder qui administrait le Marinegebiet (la côte belge et la région brugeoise occupées) ajourna l’exécution. En raison de l’écho rencontré dans l’opinion par le recours en grâce, le ministre des Affaires étrangères Gottlieb von Jagow, le 17 décembre 1915, fit valoir à l’Empereur l’inopportunité d’un nouveau scandale. Jeanne De Beir fut graciée et en février 1916, elle fut transportée vers des prisons allemandes où elle resta jusqu’à la fin de la guerre [54]. Le deuxième exemple est celui de la française Adrienne Beljean (née Durand), épouse d’officier, condamnée à mort en décembre 1915 à Charleroi pour avoir recueilli des informations militaires sur la forteresse de Maubeuge. Von Bissing avait refusé de lui accorder la grâce, mais l’ajournement de l’exécution avait permis le développement d’une campagne publique de protestation. Elle fut d’une envergure telle que fin février 1916, le ministère des Affaires étrangères proposa un échange : A. Beljean serait grâciée à condition que le gouvernement français relâche un groupe de ressortissants allemands internés au Maroc. Bien que le président du Tribunal impérial à Berlin ait insisté sur la « très grande gravité » du délit qu’avait commis la condamnée, la proposition du ministère fut relayée auprès du gouvernement français par l’entremise de l’ambassade d’Espagne le 29 mars 1916. Adrienne Beljean fut graciée et envoyée dans une prison au nord de Leipzig [55].

29Malheureusement pour elle, Gabrielle Petit ne semblait pas pouvoir bénéficier d’une telle campagne. Son procès s’était déroulé les 2-3 mars 1916 à huis clos, elle n’avait pas eu droit à un avocat belge, et son unique co-accusée Marie Collet restait détenue malgré son acquittement. Sa condamnation à mort n’acquit donc aucune notoriété. Les seuls parents avec lesquels elle était en contact, sa tante et sœur, ne s’entendaient pas entre elles et ne semblent pas avoir disposé des relations nécessaires pour mettre sur pied une campagne d’information. Bien que l’ambassade d’Espagne à Berlin soit intervenue en faveur de G. Petit, le 13 mars, comme elle le faisait pour tous les condamnés dont von Bissing avait rejeté la demande en grâce, le ministère des Affaires étrangères ne semble pas avoir fait grand cas de cette intervention [56].

30Le procès de Louise de Bettignies se déroula également à huis clos et sans le support du Comité de défense. Mais elle fut graciée par von Bissing une semaine après, le 23 mars 1916. Or les policiers allemands eux-mêmes considéraient que de Bettignies était, de beaucoup, plus « compromise » que Petit, dont le rejet du recours en grâce fut accueilli « comme une injustice (…). Il fallait les gracier toutes les deux » [57]. Les agents du bureau de contre-espionnage étaient persuadés que le Gouverneur Général avait décidé de lever le moratoire sur l’exécution de femmes, mais alors de façon sélective :

31

« Quand il s’y décida il y avait à ce moment plusieurs femmes belges condamnées à mort. Il s’enquit de la qualité et de la moralité de chacune d’elles, gracia plusieurs dames de la noblesse et de la bourgeoisie tandis que son choix s’arrêta sur Gabrielle Petit parce qu’elle était soumise au contrôle de la police des mœurs » [58].

32Cette version des faits est haute en couleur mais peu crédible. D’une part, Gabrielle Petit ne figurait pas sur les registres des prostituées soigneusement tenus par la police des mœurs allemande [59]. D’autre part, la « moralité » ne figurait pas forcément dans les considérations du Gouverneur Général : il avait rejeté le recours en grâce d’Adrienne Beljean, femme d’officier. Enfin, il ne « choisit » pas entre Petit et de Bettignies, puisqu’il avait refusé la grâce à la première avant même le procès de la Française.

33Toutefois, même en l’absence de choix direct, la différence de jugement reste patente. Il faut souligner que le sort de Louise de Bettignies fut terrible : envoyée en prison en Allemagne, elle y vécut sous un régime extrêmement dur et mourut épuisée en 1918 à la suite d’une opération, après des souffrances telles qu’elle regrettait ouvertement de ne pas avoir été fusillée. Toujours est-il qu’elle ne l’avait pas été, bien que son réseau fût de loin le plus important des deux. Sa commutation de peine est imputable sans doute à son statut social – en ce sens, les agents du bureau de contre-espionnage n’avaient pas tort – qui rendait plus probable le scandale en cas d’exécution. La mise à mort d’une patricienne du Nord dont la mère, résidant à Paris pendant la guerre, avait des relations haut placées, présentait plus de risques que celle d’une quasi-orpheline issue d’une famille désintégrée et ne possédant pas le moindre capital social. Les auteurs de l’après-guerre ne s’y trompaient pas en déclarant, indignés, que « le chiendent, c’était que Gabrielle n’était qu’une roturière » [60].

34En plus, Petit avait aggravé son cas par son attitude très défiante lors du procès. Marie Collet témoignerait après la guerre que lorsque l’auditeur Stoeber avait exigé une peine de quinze ans pour elle, Collet, Petit avait bondi et l’avait traité de Schweinhund (salaud) ; et elle s’était permise de rappeler aux juges les meurtres de masse des temps de l’invasion. Les documents conservés dans les archives du ministère des Affaires étrangères à Berlin corroborent le comportement de Petit devant ses juges et prouvent que l’insolence de la jeune femme a pesé très lourd dans la décision de ne pas la gracier. Le 13 mars, l’ambassade d’Espagne à Berlin avait demandé la grâce pour Petit. Des semaines passèrent, durant lesquelles le Tribunal impérial appuya le refus de grâce de von Bissing et conseilla à l’Empereur de « laisser libre cours à la justice ». Le 27 mars, un télégramme annonça l’accord formel de l’Empereur : « Sa Majesté ordonne que le jugement concernant Petit soit exécuté » [61]. Pour toute réponse, le ministère pria les autorités occupantes à Bruxelles de lui indiquer comment répondre à la requête espagnole. Le Département politique du gouvernement général allemand à Bruxelles souligna l’absence de circonstances atténuantes : non seulement la condamnée avait été motivée par un désir acharné de nuire à l’armée allemande, mais encore son comportement « extrêmement insolent et défiant » devant la cour militaire avait été inacceptable [62].

35Gabrielle Petit était la candidate idéale, pour ainsi dire, pour se voir refuser la clémence. Les temps étaient à l’affirmation par le régime occupant de sa capacité à protéger la sûreté de l’armée. Même si la police n’avait pas tout à fait réussi à découvrir l’activité de Petit, elle représentait une menace bien réelle et toute menace sur l’armée justifiait la plus grande sévérité [63]. Il est vraisemblable que son « insolence » extrême choqua les militaires, à commencer par ses juges et par von Bissing lui-même qui, bien avant la guerre, s’était plaint de la perte d’autorité de l’armée sur les classes populaires allemandes [64]. Ces sentiments sévissaient également au sein de son Département politique, pourtant considéré comme ayant une influence modératrice. Le comte Albrecht von Harrach, l’auteur du rapport soulignant l’« insolence » de la condamnée, ami personnel du chancelier Bethmann Holweg, sculpteur réputé, était connu comme un modéré, mais doté d’une part de « prussianisme » comme le notait – d’ailleurs avec approbation – le dramaturge allemand Carl Sternheim qui habitait en Belgique occupée pendant la guerre [65]. Or l’un des éléments majeurs de la culture militaire de l’époque wilhelmienne était la prérogative de l’officier de frapper les civils insolents immédiatement et implacablement [66]. Peu d’accusés s’étaient montrés aussi défiants que Petit. Lancer des insultes à l’auditoire militaire et rompre le silence entourant les meurtres de l’été 1914, c’était inviter à une confrontation qu’une jeune femme, dont le procès s’était déroulé à l’insu de tous et qui ne possédait ni statut social ni relations, ne pouvait pas se permettre. Elle se rendait compte elle-même de son manque de statut : l’interprète allemand rapporta que parmi les graffiti dont elle couvrait les murs de sa cellule figurait la devise « C’est avec les humbles qu’on fait des héros obscurs » [67], devenue le principal credo du culte rendu à Gabrielle Petit.

36Elle fut fusillée le 1er avril 1916. Il est impossible de savoir si la date fut délibérément choisie pour jeter le ridicule sur l’événement et son éventuelle commémoration puisque le « poisson d’avril » était une tradition en Belgique comme en Allemagne. Il est certain toutefois que l’exécution fut ajournée de quelques jours après le rejet définitif du pourvoi en grâce, ce qui était tout à fait exceptionnel. La date resta ignorée par la suppliciée elle-même qui crut jusqu’à la fin – ses dernières lettres en témoignent – qu’elle mourrait le 31 mars.

37Une affiche informa le public que « Gabrielle Petit, vendeuse » avait été condamnée à mort pour avoir, « moyennant une forte rémunération », organisé un service d’espionnage et que le jugement [avait] été exécuté » [68]. L’accent mis sur la rémunération visait à discréditer Petit auprès des occupés ; en réalité, ce sont sa motivation, son intelligence et son insolence qui avaient compté dans sa condamnation, comme dans le rejet de la demande en grâce. Afin de souligner la chose, la même affiche indiqua que Louise de Bettignies, graciée, avait déclaré « n’avoir touché aucune rémunération » ; or elle aussi avait bel et bien été salariée [69]. Avant la mise en place de réseaux superbement organisés comme La Dame Blanche, dont les agents ne recevaient pas de récompense, mais ne devaient pas non plus payer eux-mêmes leurs frais et leurs courriers, il était quasiment impossible d’organiser un service d’espionnage sans argent [70]. En insistant sur la vénalité de Gabrielle Petit, l’affiche cherchait à ternir sa réputation et ainsi à parer au scandale.

Une exécution dans l’ombre

38L’exécution de Gabrielle Petit demeura effectivement dans l’ombre jusqu’à la fin du conflit. Il est vrai que sa mort fut notée dans la presse clandestine et que l’effet envisagé par l’affiche fit long feu, car l’opinion patriotique considéra comme scandaleuse l’imputation de vénalité. La Libre Belgique s’indigna :

39

« Une jeune fille d’humble condition risque sa vie pour rendre service à sa patrie ; elle accepte la rémunération qu’on lui offre pour son périlleux travail. On n’a pas le droit de suspecter son dévouement. C’est pourtant cela que nos maîtres veulent insinuer, car nous ne voyons pas pour quelle autre raison ils tiendraient à mettre le public au courant de ce détail » [71].

40En même temps, quelque chose avait changé depuis l’exécution d’Edith Cavell et de Philippe Baucq au mois d’octobre 1915. Ces morts-là avaient engendré une colère aiguë ; une foule frémissante d’indignation avait assisté à le messe funéraire de Baucq. Six mois plus tard, les espoirs d’une fin prochaine de la guerre s’étant évaporés, le ton des notices sur Gabrielle Petit, sans pour autant être résigné, semblait néanmoins faire partie d’un autre horizon temporel. Petit fut décrite en des termes de légende, comme un mythe en dehors du temps concret du Bruxelles de 1916 : « Elle marcha à la mort parée d’une robe blanche et des rubans roses aux cheveux… » [72].

41En fait, la mort de Gabrielle Petit se situe à l’intersection de deux époques de l’occupation. Son affrontement avec l’autorité allemande s’inscrit dans la série de confrontations défiantes entre les occupés et l’occupant qui avait commencé au tout début de l’occupation par la calme affirmation par le bourgmestre de Bruxelles, Adolphe Max, de l’illégitimité foncière du régime occupant. Mais en même temps, tout comme les chômeurs déportés de la deuxième moitié de la guerre, Petit était une quidam qui pouvait être sacrifiée ; une de celles et de ceux contre lesquels se déchaînait la violence d’un régime visant à souligner son pouvoir de contrainte sur les masses. Ses compatriotes, du moins les rares au courant de sa mort, la déploraient dans des accents d’impuissance élégiaque, le regard tourné vers le futur rédempteur. Pour eux, son triste sort se distinguait à peine de la misère des temps.

Exhumations

42Ce ne fut qu’après l’armistice que Gabrielle Petit connut la notoriété. Son premier « milieu de mémoire » fut un syndicat chrétien d’employés de commerce, qui, en décembre 1918, la revendiquait comme, en quelque sorte, sa patronne. Elle représentait très exactement l’aspiration centrale de la petite bourgeoisie salariée : que les « modestes » puissent compter sur le minimum de dignité et de sécurité qui les rendrait à même de poursuivre leur quête de distinction [73]. Les débuts « publics » de Gabrielle Petit sont bien un moment de la démocratisation, de nouveaux horizons d’attente pour la masse des Belges.

43Cependant, c’est sous l’effet d’une autre impulsion qu’elle devint célèbre : celle, plus franchement nationaliste, de l’immense déception que causa en Belgique le traité de Versailles. Lors des négociations, la Belgique avait été reléguée au statut d’État de moindre importance, ce qui contrastait avec le thème cher aux propagandistes de guerre de « l’Héroïque Belgique ». Aussi y eut-il un vif besoin de souligner, à travers un symbole, la spécificité de la guerre qu’avaient vécue les Belges. Une nouvelle association nationaliste, la « Ligue des Patriotes », groupement de grands bourgeois bruxellois créé pour perpétuer le souvenir de l’« héroïsme » belge, déclara Gabrielle Petit « héroïne nationale » en partie pour faire contrepoids à Edith Cavell [74].

44Cette entreprise aboutit à une cérémonie grandiose le 29 mai 1919. Le corps de Gabrielle Petit fut exhumé du cimetière des fusillés et traversa la ville, entouré de nombreux honneurs [75]. Allocutions solennelles du Premier ministre et d’autres dignitaires, visite surprise de la reine Élisabeth alors au faîte de sa gloire de guerre, messe dite par le cardinal Mercier, furent suivis par une grande procession vers le cimetière de Schaerbeek (Bruxelles). Le choix du lieu d’inhumation prouve une fois de plus le statut de symbole patriotique de la jeune fusillée. Malgré les protestations d’une partie de sa famille qui désirait la voir enterrée à Tournai, sa ville natale et le domaine de son action de guerre, il fut déclaré que, attendu que Gabrielle Petit appartenait à « la Patrie qu’elle a magnifiée par son héroïsme et son martyre », il fallait l’inhumer dans la capitale, non loin de l’endroit où elle était « tombée sous les balles allemandes » [76].

45Elle appartenait peut-être à « la Patrie », mais pas à l’État. En général, en matière de commémoration, l’État belge de l’après-armistice ne prit guère d’initiative, se contentant de suivre les vœux émanant d’acteurs sociaux. Le culte de Gabrielle Petit ne fait pas figure d’exception. Les mesures officielles pour perpétuer sa mémoire, proposées en juillet 1919 par le sénateur et ecclésiastique limbourgeois Jan Keesen, furent bien modestes : ni monument ni musée, juste l’achat de sa maison natale et dépense minime ; une plaque dans l’hémicycle du Sénat commémorant sa condamnation (ainsi que celle d’Edith Cavell) ; la distribution d’une courte biographie héroïque ; le nom d’une avenue de Bruxelles. Même là, le gouvernement rechigna, alléguant que l’histoire de Petit, bien qu’héroïque, était un peu courte pour faire figure d’exception [77]. La ferveur autour de Gabrielle Petit émanait non de l’État, mais de certains segments de la société civile ; les monuments à sa mémoire, érigés en 1923-1924 à Bruxelles et à Tournai, restèrent l’initiative d’associations privées et furent payés par souscription publique.

46Dans les cinq années qui suivirent l’armistice, le discours autour de Gabrielle Petit se cristallisa autour d’un éventail de médias populaires : cartes postales, images coloriées, pièces de théâtre, poésies, biographies romancées, un film. Avec le roi Albert, elle fut la seule des grandes figures de 14-18 acclamée de part et d’autre de la frontière linguistique : des écrivains populaires flamands comme Theodoor Sevens et le très réputé Abraham Hans lui consacrèrent des œuvres. Cette ferveur s’alimentait à plusieurs sources. Pour d’aucuns, il s’agissait de faire contrepoids à Edith Cavell ; pour d’autres, le prestige des deux héroïnes confluait et plus d’un récit les représentaient en associées affectionnées. Sa commémoration mettait en exergue un passé récent qui inspirait une « légitime fierté » [78], mais fut vue également comme une façon de « secouer un peu la torpeur qui nous accabl[ait] » dans l’atmosphère de désillusion qui avait suivi « les belles espérances qui s’attachaient à la victoire » [79]. Sa commémoration fut un phénomène nouveau dans la mesure où, jamais auparavant, une jeune femme de condition modeste et morte récemment n’avait obtenu une telle place dans l’espace public. Mais le discours autour de Gabrielle Petit s’inscrivit aussi dans une continuité culturelle comme le prouve l’accent mis sur la nécessaire obscurité du héros, thème cher au drame patriotique du xixe siècle [80].

47Petit était l’héroïne parfaite pour une société sortant d’une occupation ; son exemple, comme celui des autres fusillés, montrait que d’aucuns avaient choisi de faire front sous l’occupation. Plusieurs monuments les montrent fiers debout, offrant leur poitrine aux fusils. Elle était le symbole nécessaire pour une société souffrant d’un certain discrédit, car l’occupation put être vue comme une expérience essentiellement passive, ou – pire – comme une complicité avec le pouvoir occupant ; moins comme un front que comme un territoire liminal, veule, voire poreux. Mais les fusillés semblaient prouver l’existence d’une capacité de résistance présente au sein de cette société, liée à l’énergie et à l’élan. Ces qualités avaient permis de supporter l’occupant sans faiblir et d’opposer une force morale tenace contre la démission et la corruption qui guettaient cette société immobilisée. Cette résistance semblait mettre ces civils au même rang que les soldats, voire même quelque peu au-dessus, puisque les fusillés avaient agi hors de tout uniforme et de tout rang.

Monument à Gabrielle Petit par le sculpteur Paul Du Bois (1859-1938), Tournai, Église Saint-Brice, inauguré le 19 mai 1924

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Monument à Gabrielle Petit par le sculpteur Paul Du Bois (1859-1938), Tournai, Église Saint-Brice, inauguré le 19 mai 1924

Photo Sophie De Schaepdrijver.

48Le statut exceptionnel des femmes dans le petit panthéon des héros de l’occupation, et surtout d’Edith Cavell, Louise de Bettignies et Gabrielle Petit, s’explique d’abord par le fait que ce sont les femmes qui représentent allégoriquement la patrie. Mais il est d’autres raisons : les femmes pouvaient plus aisément représenter le courage civil car il ne pesait pas sur elles l’opprobre du non-combattant. En outre, les héroïnes offraient l’image opposée des « femmes à boches » qui avaient incarné la porosité des territoires occupés [81].

49Le mythe Petit créa certes une image hiératique, parfaitement adaptée aux attentes de l’après-guerre, d’une jeune femme dont, en vérité, les motivations avaient été un mélange d’ambition personnelle et de patriotisme. Son histoire fut donc, en quelque sorte, instrumentalisée. Cependant, les thèmes clés du culte rendu à Gabrielle Petit – condition modeste, ambition, vaillance – correspondent bien à sa propre histoire. Son culte l’idéalisait, mais sans foncièrement fausser ce qu’elle avait été. Les sources éparses prouvent que l’action et la pensée de la jeune femme recelaient des éléments qui faisaient d’elle un choix conceptuellement logique. En d’autres termes, ce que ses compatriotes exaltaient en elle se trouvait bel et bien dans sa vie et dans ses choix. La « panthéonisation » de Gabrielle Petit parmi les Belges exemplaires, parmi ceux dont la vie avait été guidée par un farouche élan allant jusqu’à l’acceptation d’une mort choisie comme un défi, correspondait à ses propres aspirations qu’avait rendues possibles la culture de guerre du premier conflit mondial, et qui allaient devenir, sitôt retombée la ferveur de l’après-Armistice, de moins en moins compréhensibles.


Mots-clés éditeurs : espionnage, front de l'Ouest, Belgique, héroïnes, première guerre mondiale, occupation militaire

Date de mise en ligne : 18/12/2014

https://doi.org/10.3917/rdn.404.0347

Notes

  • [*]
    Sophie De Schaepdrijver a publié plusieurs ouvrages et une trentaine d’articles au sujet de l’expérience belge de 1914-1918, entre autres La Belgique et la première guerre mondiale (Bruxelles-Francfort, P.I.E.-Peter Lang, 2004) et « We who are so Cosmopolitan » : The War Diary of Constance Graeffe, 1914-1915 (Bruxelles, Archives Générales du Royaume, 2008), ainsi que le chapitre sur la Belgique dans l’ouvrage de référence A Companion to the First World War (John Horne, dir., 2010) et le chapitre sur les occupations militaires dans le Cambridge History of the First World War (Jay Winter, dir., 2013). Elle fut directrice d’études invitée à l’EHESS en 2010 et fait partie du comité scientifique de l’Historial de la Grande Guerre. Elle a développé et présente Brave Little Belgium, documentaire télévisé sur la première guerre mondiale (VRT-Canvas, 2014). Elle vient de terminer un ouvrage sur la vie, l’action et la mémoire de Gabrielle Petit intitulé Gabrielle Petit : The Death and Life of A Female Spy of the Great War (Londres, Bloomsbury Academic, à paraître en 2015). Elle a enseigné à l’Université Libre d’Amsterdam, à l’Université de Leiden, et à New York University. Depuis 2000 elle est professeure d’histoire contemporaine européenne à la Pennsylvania State University, États-Unis.
  • [1]
    Certains monuments de ce type furent détruits par la Wehrmacht en 1940, comme le monument bruxellois à Philippe Baucq ou le bas-relief commémorant Edith Cavell à Paris. D’aucuns ont été reconstruits, comme le monument aux fusillés lillois de Félix-Alexandre Desruelles (1929), reconstruit après la deuxième guerre mondiale par sa veuve. Sur le monument à Deceuninck, voir A.?Becker, Les monuments aux morts : patrimoine et mémoire de la Grande Guerre, Paris, Éditions Errance, 1988, p. 78. Sur le monument Lefèvre, voir E. Debruyne et L. van Ypersele, « Le monument à Omer Lefèvre ou l’engagement clandestin sous les traits de l’hommage public », La France et la Belgique occupées (1914-1918) : regards croisés. Cahiers de l’IRHiS, n° 7, 2009, p. 66-75. Sur le monument bruxellois à Petit, voir S. De Schaepdrijver, « Nationale heldin », dans id., Erfzonde van de twintigste eeuw : notities bij’14-’18, Amsterdam, Atlas Contact, 2013, p. 145-160. Une vue d’ensemble sur les monuments de guerre en Belgique commémorant soldats et civils dans S.?Claisse, Du Soldat Inconnu aux monuments commémoratifs belges de la guerre 14-18, Bruxelles, Académie Royale de Belgique, 2013.
  • [2]
    D. Lamarcq, « Oorlogsmonumenten te Zottegem. Stille getuigen van twee wereldbranden. Een inventaris van de tastbare getuigenissen en een poging tot biografie van alle gesneuvelden en slacht-offers », Zottegems Genootschap voor Geschiedenis en Oudheidkunde. Handelingen, T. VII, 1995, p. 13-136.
  • [3]
    J. Hargrove, Les Statues de Paris. La représentation des grands hommes dans les rues et sur les places de Paris, Anvers, Fonds Mercator, 1989.
  • [4]
    Pour Paris, voir Ibid., p. 163.
  • [5]
    J.-P. Albert, « Du martyr à la star. Les métamorphoses des héros nationaux », dans La fabrique des héros, numéro spécial 12 des Cahiers d’ethnologie de la France, Pierre Centlivres, Daniel Fabre et Françoise Zonabend, dir., Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 1999, p. 11-32.
  • [6]
    J. Winter, Sites of Memory, Sites of Mourning : The Great War in European Cultural History, Cambridge University Press, 1995.
  • [7]
    K. Pickles, Transnational Outrage : The Death and Commemoration of Edith Cavell, Londres, Palgrave Macmillan, 2007.
  • [8]
    M. Darrow, French Women and the First World War : War Stories of the Home Front, Oxford, Berg, 2000, p. 283 ; A. Fleury et R. Frank, Le rôle des guerres dans la mémoire des Européens : leur effet sur la conscience d’être européen, Bern-Frankfurt, Peter Lang, 1997, p. 14.
  • [9]
    Question parlementaire posée par l’ecclésiastique et sénateur Jan Keesen : « Question au gouvernement au sujet des mesures qu’il se propose de prendre afin de perpétuer la mémoire de Gabrielle Petit, l’héroïne nationale », Belgique, Annales Parlementaires : Sénat, 1918-1919, session du 2 juillet 1919, p. 416-418.
  • [10]
    Collection particulière de Pierre Ronvaux, Ath : photocopies de notes manuscrites en deux?séries (série 1, non datée, très probablement 1923 ; série 2, 1940). Rédigées par Berthe Depaquier, en religion Sœur Marie Walthère, Institut de l’Enfant-Jésus, Brugelette. M. Ronvaux, ancien directeur de l’école de Brugelette (devenue l’Institut Sainte-Gertrude pour enfants en difficulté) et auteur d’une excellente biographie de Gabrielle Petit qui offre des détails saississants notamment sur son enfance (Gabrielle Petit : la mort en face, Izegem, Illustra, 1994), m’a accordé accès à ces copies, devenues précieuses depuis l’apparente disparition des originaux, ainsi qu’à d’autres sources ; qu’il en soit ici très chaleureusement remercié.
  • [11]
    Tournai, Musée du Folklore, documents Gabrielle Petit, Gabrielle Petit à Charles Bara, sans date [certainement 1909]. La lettre fut sauvée par hasard, voir Ibid., lettre de Lucien Jardez à Pierre Ronvaux, le 19 novembre 1988 ; voir aussi P. Ronvaux, Gabrielle Petit, op. cit., p. 139-141, 147-151.
  • [12]
    En dehors des élites, peu de mariages sont arrangés dans la Belgique de la belle époque. Cf. H. Pirenne, Histoire de Belgique Vol. 7, De la révolution de 1830 à la guerre de 1914, Bruxelles, Maurice Lamertin, 1932.
  • [13]
    Voir les témoignages de Marie Collet et d’Hélène Ségard (la tante maternelle de Gabrielle Petit, qui était aussi sa marraine), conservées à Bruxelles, Archives Générales du Royaume (AGR), fonds Archives des Services Patriotiques 1914-1918 (SP), dossier Petit (portefeuille 173).
  • [14]
    R. Deruyk, Louise de Bettignies : résistante lilloise 1880-1918, Lille, Éd. de la Voix du Nord, 1998, p. 27.
  • [15]
    A. Du Jardin [pseudonyme d’Abraham Hans], Gabrielle Petit, l’héroïne nationale, Anvers, L. Opdebeek, s.d. [c1921], p. 95.
  • [16]
    C’est ce qu’il déclare après la guerre. Voir les longs entretiens que Gobert accorde, en 1921, à Arthur Deloge, un ancien combattant comme lui : A. Deloge, Gabrielle Petit. Sa vie et son œuvre, Bruxelles, Veuve Ferdinand Larcier, 1922.
  • [17]
    Sur les différents services de renseignement, voir les chapitres rédigés par Emmanuel Debruyne dans Debruyne et van Ypersele, De la guerre de l’ombre aux ombres de la guerre. L’espionnage de 14-18 en Belgique occupée. Histoire et Mémoire, Bruxelles, Labor, 2004 ; sur les services britanniques et l’observation militaire dans la guerre de position, J. Beach, British Intelligence and the German Army, 1914-1918, thèse de doctorat inédite, University College London, 2005 (remerciements à l’auteur de m’avoir permis de consulter des chapitres et d’avoir répondu à de nombreuses questions) ; id., Haig’s Intelligence : GHQ and the German Army, 1916-1918, Cambridge University Press, 2013 ; K. Jeffery, MI6 : The History of the Secret Intelligence Service 1909-1949, Londres, Bloomsbury Academic, 2010, chapitres 2 et 3 ; M. Occleshaw, Armour against Fate. British Military Intelligence in the First World War, Londres, Columbus Books, 1989.
  • [18]
    Bruxelles, Musée de l’Armée, fonds Célis, portefeuille 2, note à Gabrielle Petit signée « Émile », 24 juillet 1915. « Émile » est l’alias de Joseph Ide, le jeune juriste anversois au service du 18. (suite) GQG qui a recruté Petit. Bruxelles, AGR, SP, dossier Baekelmans (portefeuille 39), « Extraits du rapport de Mlle Doutreligne sur les débuts du service Wallinger », s.d. [le 26 janvier 1921] ; Evere (Bruxelles), Centre de Documentation Historique des Forces Armées, dossier militaire 242.309, Joseph Marie Ange Ide (remerciements à Rob Troubleyn) ; Intelligence Corps Museum, Chicksands, Bedfordshire, Sigismund Payne Best, notes dactylographiées non datées (c1978) sur ses activités de renseignement, p. 13-23 (remerciements à Jim Beach).
  • [19]
    C. M. Andrew, Her Majesty’s Secret Service. The Making of the British Intelligence Community, New York, Viking, 1986, p. 140.
  • [20]
    Petit à Gobert, le 30 juillet 1915 ; cité dans Deloge, Petit, op. cit., p. 66.
  • [21]
    Bruxelles, AGR, SP, dossier Petit (portefeuille 173), Petit à la famille Delmouzée-Gobert, le 10 août 1915. Cette sœur résidait avec son jeune fils dans un camp de réfugiés en Hollande, auprès de son mari soldat, interné dans un camp de militaires. À en juger par la correspondance, Gabrielle Petit semble avoir entretenu des relations chaleureuses avec cette partie au moins de sa « belle-famille ».
  • [22]
    Bruxelles, AGR, SP, dossier Petit (portefeuille 173), rapport Delmeule-Marlier du 12 avril 1920, p. 2.
  • [23]
    « En patrouille chez l’ennemi : l’activité de Gabrielle Petit », article signé Falcon, La Dernière Heure, 29 mai 1919, p. 1.
  • [24]
    « Les rues de la ville », entretien accordé par Marie Collet à Arthur Deloge : Deloge, Petit, op. cit., p. 65. « Ordures », Bruxelles, AGR, SP, dossier Petit (portefeuille 173), témoignage de Marie Collet du 16 février 1920.
  • [25]
    H. Binder, Spionagezentrale Brüssel. Der Kampf der deutschen Armee mit der belgisch-englischen Spionage und der Meisterspionin Gabrielle Petit. Aus den Papieren der Geheimagenten E.C. & M.A., Hambourg, Hanseatische Verlagsanstalt, 1929.
  • [26]
    E. Stoeber, « Vier Jahre Feldjustizbeamter », dans P. Von Lettow-Vorbeck (dir.), Die Weltkriegsspionage, Munich, J. Moser, 1931, p. 384-397, citation p. 393.
  • [27]
    Londres, Imperial War Museum, Walter Kirke Diaries, le 27 septembre 1915 ; voir aussi les notations du 11 juin, 11 septembre et 13 septembre. Emplacements d’artillerie, A. Redier, La Guerre des Femmes. Histoire de Louise de Bettignies et de ses compagnes, Paris, Les Éditions de la Vraie France, 1924, p. 58. (Redier tient cette information de Marie-Léonie Van Houtte, la plus proche collaboratrice de Louise de Bettignies.)
  • [28]
    Rapport des 12 au 17 octobre 1915 ; Bruxelles, Musée Royal de l’Armée, Cabinet des Étampes, Fonds Petit, portefeuille 1, VIII 2988.
  • [29]
    Bruxelles, AGR, SP, dossier Petit (portefeuille 173), Quatrième rapport Legrand.
  • [30]
    Notation du 16 oktober 1915 ; Bruxelles, Musée Royal de l’Armée, Cabinet des Étampes, Fonds Petit, portefeuille 1, VIII 2988.
  • [31]
    Notes écrites à l’acide, conservées au Musée Royal de l’Armée à Bruxelles, Cabinet des Étampes, Fonds Petit, portefeuille 1, VIII 2988. Voir aussi Deloge, Petit, op. cit., p. 103-105.
  • [32]
    Bruxelles, AGR, SP, dossier Petit (portefeuille 173), Quatrième rapport Legrand.
  • [33]
    Bruxelles, AGR, SP, dossier Petit (portefeuille 173), « Renseignements recueillis par Monsieur Philippart, Secrétaire de la C.D.A. à Tournai sur G. Petit », s.d. (avant le 5 mars 1920) ; rapport Delmeule-Marlier du 12 avril 1920.
  • [34]
    Sur ces méthodes, Bruxelles, AGR, SP, portefeuille 196, rapport Fritz Ball, vol. 1 p. 28-29, 36. Sur l’arrestation de Broeckx, Anonyme [l’abbé Willem Ballings], Ter herinnering aan het overbrengen naar Neerpelt op 25 augustus 1919 der stoffelijke overblijfselen van onzen held Jaak Tasset, s.p., 1919, p. 5 et 10.
  • [35]
    A. Du Jardin, Gabrielle Petit, op. cit., p. 419.
  • [36]
    V. Bonnevie, La défense des Belges devant les tribunaux de guerre allemands, Bruxelles, J. Lebègue & Cie, 1919 ; S. Kirschen, Devant les conseils de guerre allemands, Bruxelles, Rossel & Fils 1919, p. 3-50 ; C. Tytgat, Acta Martyrum : Nos fusillés (recruteurs et espions), Bruxelles, Imprimerie scientifique Charles Bulens & Cie, 1919, p. 8-29. Voir aussi G. Moriaud, Louise de Bettignies : une héroïne française, Paris, Tallandier, s.d. [1929], p. 208-209 ; Gille et al., Cinquante mois, op. cit., vol. 2, p. 481, note en bas de page ; et Anonyme [George Garnir], Pourquoi Pas ? pendant l’occupation. Par un des Trois Moustiquaires. La vie bruxelloise de 1914 à 1918, Bruxelles, L’Expansion belge, 1919.
  • [37]
    Tytgat, Nos Fusillés, op. cit., p. 119-139 (citation p. 135-136). Voir aussi Bruxelles, AGR, SP, portefeuille 92, classement « Avocats belges », dossier « Mons ».
  • [38]
    Le paragraphe 58 du code pénal militaire allemand de 1872 prévoit la peine capitale pour l’espionnage au service de l’ennemi considéré comme trahison de guerre. Cette disposition est renforcée par un ordre impérial de 1899 qui accorde aux commandants militaires le droit de faire exécuter des civils étrangers condamnés pour aide à l’ennemi. Kirschen, Devant les conseils, op. cit., p. 42-44. Sincères remerciements à Isabel Hull d’avoir élucidé ce point.
  • [39]
    Bonnevie, La défense, op. cit., p. 13-24.
  • [40]
    Tytgat, Nos fusillés, op. cit., p. 63-64 ; Kirschen, Devant les conseils, op. cit., p. 53, 100-102, 291.
  • [41]
    Deloge, Petit, op. cit., p. 127-128. Arthur Deloge a longuement interviewé Marie Collet vers 1921.
  • [42]
    Selon l’interprète allemand en fonction dans la prison de Saint-Gilles : Bruxelles, AGR, SP, portefeuille 173, Otto Becker à Xavier Marin, le 1er décembre 1919, fol. 5.
  • [43]
    Bruxelles, AGR, SP, portefeuille 173, « Extrait d’une lettre adressée par Gabrielle Petit à un soldat allemand » (= Gabrielle Petit à Otto Becker), s.d. (mars 1916). Le 1er décembre 1919, Becker, rentré en Allemagne, envoyait cette lettre à Xavier Marin, le sous-directeur de la prison de Saint-Gilles. Marin semble l’avoir gardée ; il en offrit une transcription partielle, certifiée conforme, à la « Commission des Annales des services patriotiques en territoire occupé derrière le front de l’Ouest », organisation d’anciens résistants qui s’était donné pour tâche de rassembler toute documentation au sujet des réseaux de résistance.
  • [44]
    Bruxelles, AGR, SP, portefeuille 173, déposition Van Houtte ; voir aussi Redier, La guerre des femmes, op. cit., p. 133, et Deloge, Petit, op. cit., p. 147.
  • [45]
    Bruxelles, AGR, SP, portefeuille 173, déposition Collet du 16 février 1920 ; Deloge, Petit, op. cit., p. 160.
  • [46]
    C. Van Overbergh, discours sur la tombe de Petit au Tir National, le 22 décembre 1918 ; repris dans id., Gabrielle Petit : Héroïne Nationale, Bruxelles, Syndicat National des Employés, 1919, p. 27.
  • [47]
    Selon un témoignage non signé et non daté conservé aux AGR à Bruxelles, SP, portefeuille 228, peu après l’armistice le conseil révolutionnaire berlinois envisageait d’instaurer une commission d’enquête qui se pencherait sur les dossiers de la justice militaire rapatriés à Berlin, afin de semer le discrédit sur « la clique de Ludendorff ». Mais en janvier 1919, un groupe d’officiers hostiles au nouveau régime s’était emparé des dossiers. L’information manque sur ce qu’il en est advenu ; s’ils furent réintégrés aux archives du ministère de la Guerre prussien, ils ont péri avec le reste des archives militaires prussiennes lors d’un raid aérien vers la fin de la seconde guerre mondiale. Remerciements à Emmanuel Debruyne, Alan Kramer, Christoph Roolf, Jens Thiel et Thomas Weber. Sur cette commission d’enquête, sommée en janvier 1919 de se décharger des dossiers concernant la Belgique occupée, voir Werner Conze dir., Quellen zur Geschichte des Parlamentarismus und der politischen Parteien 1. Reihe : Von der konstitutionellen Monarchie zur parlamentischen Republik, Vol. 6, Die Regierung der Volksbeauftragten 1918/1919 (Susanne Miller et al., dir.), vol. 2, p. 308-309, note en bas de page 7.
  • [48]
    Ni le texte ni la date exacte du rejet de von Bissing subsistent, mais la décision a dû être prise avant le 11 mars 1916, date à laquelle l’affaire est référée au Tribunal impérial à Berlin. Les arguments avec lesquels von Bissing étaya sa décision se trouvent résumés dans une lettre qu’écrit, une semaine plus tard, le général Günther von Kirchbach (le président du Tribunal) à l’Empereur. Cette lettre cite von Bissing ainsi que von Sauberzweig et se déclare d’accord avec leur décision, adjurant l’Empereur de « laisser libre cours à la justice ». Bundesarchiv Berlin-Lichterfelde (BBL), Auswärtiges Amt, Rechtsabteilung (AA,R), dossier R 901/26415 : Rechtssachen Allgemein – Begnadigungsangelegenheiten Februar – April 1916 ; von Kirchbach à l’Empereur, le 18 mars 1916.
  • [49]
    Mauvaise humeur observée par le ministre américain Brand Whitlock, Belgium : A Personal Narrative, New York, Appleton, 1919, vol. 2, p. 223, 227 ; id., The letters and journal of Brand Whitlock, Allan Nevins, dir., New York-Londres, Appleton, 1936, vol. 2, p. 240 (le 22 février 1916).
  • [50]
    Sur la lettre pastorale et sa réception parmi occupés et occupants, voir S. De Schaepdrijver, « L’Europe occupée en 1915 : entre violence et exploitation », dans Vers la guerre totale : le tournant de 1914-1915, J. Horne dir., Paris, Tallandier, 2010, p. 121-152.
  • [51]
    Comme il apparaît dans un mémorandum qu’il rédige pendant l’hiver 1915-1916 et qui paraîtra à titre posthume dans la revue pangermanique Das Grössere Deutschland, numéro 20, le 19 mai 1917.
  • [52]
    I. Meseberg-Haubold, Der Widerstand Kardinal Merciers gegen die deutsche Besetzung Belgiens 1914-1918 : ein Beitrag zur politischen Rolle des Katholizismus im ersten Weltkrieg, Francfort-Berne, Peter Lang, 1982, p. 120 ; note 10 p. 307. Voir également J. De Volder, Benoît XV et la Belgique durant la Grande Guerre, Bruxelles – Rome, Institut Historique Belge de Rome, 1996, p. 108-109.
  • [53]
    Boutade citée avec désapprobation par le chef du Département politique allemand à Bruxelles : AGR, Bruxelles, fonds Leopold – Klein, Von der Lancken à Zimmermann, le 15 décembre 1915.
  • [54]
    Voir son propre récit, J. De Beir, In the Eagle’s Claws, Bruges, chez l’auteur, s.d. [1928] ; D. de Weerdt, De vrouwen van de Eerste Wereldoorlog, Gand-Bruxelles, Stichting Mens en Kultuur/Instituut voor Geschiedenis en Maatschappij/Socialistische Vooruitziende Vrouwen, 1990, p. 188-189. Voir aussi L. Schepens, Brugge bezet, Tielt, Lannoo, 1985, p. 200, qui toutefois donne une interprétation erronnée de l’intervention du bourgmestre.
  • [55]
    Voir BBL, AA, R, dossier R 901/26415 sur le cas Beljean. Jeanne De Beir la connut en prison : J. De Beir, In the Eagle’s Claws, op. cit.
  • [56]
    BBL, AA, R, dossier R 901/26415, Ambassade du royaume d’Espagne à Berlin au Ministère impérial des Affaires étrangères, note verbale du 13 mars 1916.
  • [57]
    Bruxelles, AGR, SP, portefeuille 196, rapport Fritz Ball, vol. 3 p. 13-15 ; portefeuille 173, Becker à Marin, le 1er décembre 1919.
  • [58]
    Comme le raconta en 1917 un des agents les plus en vue du bureau, l’Alsacien Jean Burtard alias Forster, à Léopold Wartel, un Belge au service de la Polizei ; trois autres agents allemands confirmaient à Wartel cette version du choix de von Bissing. Bruxelles, AGR, SP, portefeuille 195 (Police Allemande), « Antar Cenobio » [pseudonyme de Léopold Wartel], La guerre secrète. Mémoires d’un policier de la Rue de Berlaimont, mapuscrit non daté [1920 ou début 1921] p. 77.
  • [59]
    La police des mœurs allemande (Sittenpolizei) à Bruxelles, dressa dès sa création en mars 1915 une liste de 511 femmes soumises au contrôle sous le titre Liste der unter ärztlicher Aufsicht stehenden Personen. Cette liste fut ensuite tenue à jour ; les listes additionnelles à partir du 28 mai 1915 ajoutent 250 noms. Ces listes, conservées après la guerre, peuvent être consultées au fonds « Police 1914-1918 » aux Archives de la Ville de Bruxelles. Selon l’inventaire très sommaire, la liste contenant les 511 noms se trouve à la boîte 420. Ayant constaté lors de mes recherches en 2011 que cette liste manquait, je l’ai recherchée à travers les 113 boîtes du fonds, avec l’aide généreuse de l’archiviste M. Jean Houssiau. Elle resta hélas introuvable. L’historien Benoît Majerus, qui avait utilisé 59. (suite) cette liste pour sa thèse (soutenue en 2005), me permit généreusement de consulter sa photocopie. Je tiens ici à remercier ces deux collègues pour leur aide très précieuse. Heureusement, les listes périodiques étaient en place. J’ai pu ainsi vérifier tous les enregistrements auprès de la police des mœurs du mois de mars 1915 jusqu’au mois de mars 1916. Petit ne s’y trouve nulle part, ni sous son propre nom ni sous ses alias (Legrand, Ségard). Les quelques femmes nées à Tournai ont des dates de naissance différentes.
  • [60]
    Deloge, Petit, op. cit., p. 185.
  • [61]
    BBL, AA, R, dossier R 901/26415, télégramme de von Kirchbach au ministère des Affaires étrangères à Berlin, le 27 mars 1916.
  • [62]
    BBL, AA, R, dossier R 901/26415, télégramme de von Harrach au ministère des Affaires étrangères à Berlin, s.d. [le 28 ou 29 mars 1916]. Ces arguments furent utilisés comme base de la réponse du ministère à l’ambassade d’Espagne.
  • [63]
    I. Hull, Absolute Destruction. Military Culture and the Practices of War in Imperial Germany, Ithaca-Londres, Cornell University Press, 2005 ; A. Toppe, Militär und Kriegsvölkerrecht : Rechtsnorm, Fachdiskurs und Kriegspraxis in Deutschland 1899-1940, Munich, Oldenbourg Wissenschaftsverlag, 2008.
  • [64]
    B. Ulrich, J. Vogel et B. Ziemann dir., Untertan in Uniform. Militär und Militarismus im Kaiserreich 1871-1914 : Quellen und Dokumente, Francfort, Fischer, 2001, p. 164-165.
  • [65]
    H. Roland, La « colonie » littéraire allemande en Belgique 1914-1918, Bruxelles, Labor, 2003, p. 128-130, 154.
  • [66]
    U. Frevert, Ehrenmänner : Das Duell in der bürgerlichen Gesellschaft, Munich, Beck, 1991 ; K. McAleer, Duelling : The Cult of Honour in Fin-de-Siècle Germany, Princeton University Press, 1995.
  • [67]
    Bruxelles, AGR, SP, 173, Becker à Marin, le 1er décembre 1919.
  • [68]
    Le Quotidien, 4 avril, 1916, p. 1 ; Les avis, proclamations et nouvelles de guerre allemands affichés à Bruxelles pendant l’occupation, Bruxelles, Brian Hill, s.d. [1919], vol. 10, p. 81. Une copie de l’affiche est préservée à la prison de Saint-Gilles à Bruxelles (remerciements à An Coucke).
  • [69]
    T. Proctor, Female intelligence : women and espionnage in the First World War, New York University Press, 2003, p. 117.
  • [70]
    Cf. les remarques pertinentes dans E. Debruyne, « Patriotes désintéressés ou espions vénaux ? Agents et argent en Belgique et en France occupées. 1914-1918 », Guerres mondiales et conflits contemporains 232, octobre-novembre 2008, p. 25-45.
  • [71]
    Article signé « X » [écrit par Victor Jourdain, le fondateur de la Libre Belgique clandestine], « Victimes », La Libre Belgique, N. 73, mai 1916, p. 4. En cursif dans le texte.
  • [72]
    Gille et al., Cinquante mois, op. cit., vol. 2, p. 119.
  • [73]
    Ainsi, organisation de masse et individualisation, bien loin de s’exclure mutuellement, vont de pair. Cf. l’analyse que propose Marcel Gauchet dans L’avènement de la démocratie II : la crise du libéralisme, Paris, Gallimard, 2007, p. 279-282 et sqq.
  • [74]
    « Gabrielle Petit, l’héroïne nationale », Le Drapeau, 1 :11 (1er mai 1919), p. 1.
  • [75]
    Cf. les réflexions d’Antoine de Bacque sur l’« offrande des martyrs » dans l’espace public du Paris révolutionnaire, dans Le corps de l’histoire : métaphores et politique (1770-1800), Paris, Calmann-Lévy, 1993.
  • [76]
    Bruxelles, AGR, dépôt Joseph Cuvelier, Archives du tribunal de première instance de Bruxelles. Tribunal civil. Ordonnances, jugements sur requête et répertoires y afférents 1865/1871-1939, section Jugements sur requête, 1871-1939 ; action en référé des 23-27 mai 1919, verdict du juge Maurice Benoidt du 27 mai 1919. Sincères remerciements à Luc Janssens et à Pierre-Alain Tallier.
  • [77]
    Belgique, Annales Parlementaires : Sénat, 1918-1919, session du 2 juillet 1919, p. 416-418.
  • [78]
    La Libre Belgique et Le National Bruxellois, le 30 mai 1919, p. 1.
  • [79]
    « Nos héros », Le Soir, 19 mai 1919, p. 1.
  • [80]
    Comme le montre par exemple le drame Patrie de Victorien Sardou (1869), devenu un opéra en 1886 comprenant l’air connu « Pauvre martyr obscur », souvent repris lors des manifestations de commémoration de l’après-armistice à Bruxelles.
  • [81]
    E. Debruyne, « Femmes à boches : perspectives sur une occupation horizontale » (à paraître), voir aussi son article supra ; J. Connolly, « Mauvaise Conduite : Complicity and Respectability in the Occupied Nord, 1914-1918 », First World War Studies, 4 : 1, mars 2013, numéro spécial Military Occupations in First World War Europe, S. De Schaepdrijver dir. et son article dans ce numéro.

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