Couverture de RDN_404

Article de revue

L'évacuation par voie maritime des réfugiés belges des ports du Nord et du Pas-de-Calais : octobre 1914-février 1915

Pages 85 à 109

Notes

  • [*]
    Jean Martinant de Préneuf, maître de conférences en histoire contemporaine, Université de Lille 3, UMR IRHiS 8529.
  • [1]
    F. Philips, 14-18 en mer. Navires et marins belges pendant la Grande Guerre, Bruxelles, Éditions Racine-Musée royal de l’Armée et d’histoire militaire, 2013, p. 34.
  • [2]
    Note du capitaine de vaisseau (désormais CV) Bousicaux, commandant du Front de mer du Pas-de-Calais au capitaine de frégate, commandant les torpilleurs de Dunkerque, 24 août 1914, Service historique de la Défense (désormais SHD) SS Ta 2. Dès le 4 septembre, le général gouverneur de Dunkerque demande l’envoi de bâtiments pour évacuer 35?000 hommes de Dunkerque et Calais, conscrits ou non, car ils « compromettent absolument défense des places ». Télégramme (désormais Tg) n° 1024 Marine Paris à Amiral gouverneur Le Havre, SHD SS Eb 128.
  • [3]
    CV A. Thomazi, La guerre navale dans la Zone des armées du Nord, Paris, Payot, « Collection de mémoires, études et documents pour servir à l’histoire de l’histoire de la guerre navale », 1925, 259 p., p. 42-45, 53-54 et 56. Pour une vue d’ensemble des flux gigantesques en hommes et en matériels transitant entre la Grande-Bretagne et le Nord de la France, G. Bataille, « L’approvisionnement du front anglais en 1914-1918 », Revue du Nord, 1995, hors-série, n° 9, p. 145-152.
  • [4]
    A. Chatelle, L’effort belge en France pendant la Guerre, Paris, Firmin Didot et Cie, 1934, p. 93-95, voir aussi Dunkerque pendant la guerre 1914-1918, Paris, Picart, 1925, p. 17 et 19-20.
  • [5]
    P. Halpern, A Naval History of World War I, Londres-New York, Routledge, 1995, p. 25.
  • [6]
    B. Rochet et A. Tixhon dir., La petite Belgique dans la Grande Guerre. Une icône, des images, Namur, Presses universitaires de Namur, 2012, 463 p.
  • [7]
    CC S. Chatelain, La place de Cherbourg dans la guerre franco-allemande de 1870-1871 : étude du rôle stratégique d’une place forte maritime, mémoire de maîtrise d’histoire, H. Coutau-Bégarie dir., EPHE, 2007, 121 p.
  • [8]
    M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil. Les réfugiés de la première guerre mondiale. France, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, coll. « Histoire », 2008, 422 p. Cette synthèse ne comprend qu’une seule page sur l’évacuation par voie maritime. Elle est le pendant pour la Belgique de l’ouvrage de Ph. Nivet, Les réfugiés français pendant la première guerre mondiale. Les Boches du Nord 1914-1920, Paris, Economica, coll. « Hautes études militaires », 2004, 580 p.
  • [9]
    F. Philips, op. cit., p. 33-38.
  • [10]
    A. Chatelle, Boulogne et sa marine pendant la Grande Guerre, Boulogne-sur-Mer, Imprimeries réunies, Calais pendant la guerre (1914-1918), Calais, Éditions Quillet, 1927, Dunkerque pendant la guerre 1914-1918, op. cit. L’auteur a pu avoir accès aux archives militaires françaises dont celles du tout nouveau Service historique de la Marine créé en 1919.
  • [11]
    M. Motte et J. de Préneuf, « L’écriture de l’histoire navale française à l’époque contemporaine : un modèle national ? », Revue d’histoire maritime, « La recherche internationale en histoire maritime : un essai d’évaluation », nos 10-11, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2011, p. 341-356.
  • [12]
    Le CV Auguste Thomazi évoque le sujet, mais n’y consacre que quelques paragraphes dans sa synthèse déjà citée.
  • [13]
    S. Dupont, Boulogne. Base des Alliés pendant la guerre 1914-1918 à partir du journal « Le Télégramme », mémoire de maîtrise, Yves-Marie Hilaire dir., Université de Lille 3, 1982, 202 p.
  • [14]
    Parmi les archives à consulter (et on ne recense ici que les sources françaises, liste non exhaustive) : Guerre, Intérieur, Affaires étrangères, Chambre des députés et Sénat, archives départementales et municipales, presses nationale et locale, Croix-Rouge française et CICR, échelons portuaires du Service historique de la Défense, compagnies de navigation, Comité central des armateurs de France,…
  • [15]
    M. Amara, op. cit., p. 15.
  • [16]
    T. Vaisset, « Le ministère de la Marine pendant la première guerre mondiale », in A. Chablat-Beylot et A. Sablon du Corail, Archives de la Grande Guerre. Guide des sources conservées par le Service historique de la Défense, Vincennes, SHD, 2014 et CV A. Laurens, Le commandement naval pendant la Grande Guerre, sans date, 2 vol., 1030 p., SHD Bib. VI-12 A 33.
  • [17]
    Contre-amiral (désormais CA) Charlier, gouverneur de la place du Havre, Note pour le directeur de l’Inscription maritime et pour M. le sous-intendant militaire au Havre et copie d’un modèle de lettre à la direction de compagnies de navigation du sous-intendant de 2e classe Villeneuve, rattaché à l’état-major du Commandement supérieur de la défense du Havre, 20 septembre 1914, SHD SS Te 13.
  • [18]
    P. Nivet, « Les réfugiés de guerre dans la société française (1914-1946) », Histoire, économie et société, 2004, vol. 23-2, p. 248.
  • [19]
    P. Halpern, op. cit., p. 35.
  • [20]
    CA Charlier, Note pour le directeur de l’Inscription…, SHD SS Ta 13.
  • [21]
    Lettre n° 19 du CV Bousicaux, commandant du Front de mer de Dunkerque, au directeur de l’Inscription maritime, 31 août 1914, SHD SS Ta 2.
  • [22]
    Lettre n° 21 du CV Bousicaux au général, gouverneur militaire de Dunkerque, 2 septembre 1914, SHD SS Ta 2.
  • [23]
    À titre d’exemples, pas moins de 23?921 hommes, 2?200 chevaux et 327 voitures sont embarqués au Havre sur 17 navires à destination de La Pallice entre le 5 et le 8 août 1914. Le 5 octobre, ce sont les 14?779 hommes, 2?142 chevaux et 224 voitures de la 87e Division qui sont acheminés vers Dunkerque. Dossier « Marine Le Havre. Embarquement de troupes, 1914 », SHD SS Te 13. Le 10 octobre, c’est la 91e Division territoriale qui est acheminée de Cherbourg à Dunkerque, Tg n° 5632 EMGM/2 à Amiral Marseillaise à Cherbourg, SHD SS Eb 128. L’ampleur des rotations ne faiblit pas puisque mi-novembre, on dénombre encore au Havre trente mouvements quotidiens de navires avec un pic de cinquante le 6, lettre du gouverneur au ministre de la Marine, 13 novembre 1914, SHD SS Te 12.
  • [24]
    Notamment onze gros vapeurs sur la façade atlantique qui doivent servir comme croiseurs auxiliaires (3) et éclaireurs auxiliaires grands (3) et moyens (4). Il faut y ajouter onze charbonniers et deux pétroliers pour le ravitaillement des escadres. N’avaient été prévus que deux transports de blessés, dont l’un en Méditerranée. Lieutenant de vaisseau Bard, La mobilisation. Situation des forces navales et répartition stratégique, École de guerre navale, 1925, SHD 1 CC?315, p. 13.
  • [25]
    Lettre n° 16 du CV Bousicaux au CV de Borchgrave, commandant la défense côtière belge, 23 août 1914, SHD SS Ta 2.
  • [26]
    A. Chatelle avance le chiffre de 8?000 conscrits belges évacués à bord de six bateaux (Niagara, Mount Temple, Amiral Magon, Algérien, Bosnian et Kebrem), Dunkerque pendant la Grande Guerre, p. 17 et p. 20. Les archives d’EMGM/2 conservées à Vincennes ne mentionnent que l’évacuation de 6?000 hommes le 6 octobre par les seuls Niagara et Malte. Tg EMGM/2 au VA, commandant en chef (désormais CEC), préfet maritime (désormais PM) Cherbourg, 7 octobre 1914, SHD SS Eb 128.
  • [27]
    Tg n° 6011 de EMGM/2 au commandant du Front de mer de Dunkerque, 14 octobre 1914, SHD SS Eb 128.
  • [28]
    Tg n° 6057 de EMGM/2 aux Affaires étrangères, 15 octobre 1914, SHD SS Eb 128.
  • [29]
    A. Chatelle, L’effort belge, p. 93-94 et p. 104 cité par M. Amara, op. cit., p. 82.
  • [30]
    Minute d’un coup de téléphone du gouverneur de Boulogne, 16 octobre 1914, SHD SS Te 13. M. Amara, reprenant Albert Chatelle, avance le chiffre de 80?000, op. cit., p. 82.
  • [31]
    Lettre n° 2415 du général Graziani, État-major de l’Armée, 4e Bureau, 2e section, au ministre de la Marine, Bordeaux le 17 octobre 1914, SHD SS Eb 128.
  • [32]
    Lettre n° 124 CV Aubert au VA, CEC, PM du 1er Arrondissement, 18 décembre 1914, SHD SS Ta 2.
  • [33]
    Lettre n° 962, du 17 octobre 1914 du général Graziani à EMG/2. En novembre, ce nombre passe à quatre. Le total de blessés évacués de Dunkerque quotidiennement s’élève à 1?800 début novembre, lettre n° 3386 EMA/4 1re Section Gal Graziani à EMGM/2 du 4 novembre 1914, SHD SS Eb 128.
  • [34]
    Lettre n° 8284 à EMGM/2 du 17 octobre 1914, SHD SS Eb 128.
  • [35]
    Lettre du CA Charlier, gouverneur du Havre, commandant supérieur de la défense, au cabinet du ministre de la Marine (service de la marine marchande) du 8 décembre 1914, SHD SS Te 12.
  • [36]
    Lettre du commandant du Front de mer Dunkerque au sous-intendant militaire, 1er novembre 1914, SHD SS Ta 2.
  • [37]
    Lettre du CA Charlier, gouverneur du Havre, commandant supérieur de la défense, au cabinet du ministre de la Marine (Service de la Marine marchande) du 8 décembre 1914, SHD SS Eb 128.
  • [38]
    Lettre n° 115 à EMGM/2, 16 décembre 1914, SHD SS Ta 2.
  • [39]
    Lettre n° 107 du CV Aubert au gouverneur de Dunkerque, 14 décembre 1914, SHD SS Ta 2.
  • [40]
    Tg n° 6931 du 29 octobre à 11?h?10, SHD SHD SS Eb 128.
  • [41]
    Copie d’un Tg reçu au cabinet du ministre de la Guerre, 26 octobre 1914 et Tg n° 96, commandant du Front de mer de Calais à Marine Bordeaux, 19 octobre 1914, SS Eb 128.
  • [42]
    Par exemple, 12?500 rations journalières pour les 2?500 réfugiés embarqués sur le Malte mi-décembre. Lettre n° 107 du CV Aubert au général gouverneur de Dunkerque, 14 décembre 1914, SHD SS Ta 2.
  • [43]
    Lettre n° 166 au CA Charlier, gouverneur du Havre, 24 octobre 1914, SHD SS Te 12.
  • [44]
    P. Halpern, op. cit., p. 34-35.
  • [45]
    Lettre n° 122 au VA, CEC, PM Cherbourg, 18 décembre 1914, SHD SS Ta 2.
  • [46]
    Lettre des Chargeurs réunis à la Direction de la Marine marchande, 29 décembre 1914, SHD SS EB 128.
  • [47]
    Lettre n° 992 du VA Berryer à EMGM/3 du 29 novembre 1914, SS Eb 128.
  • [48]
    M. Amara, op. cit., p. 51.
  • [49]
    Lettre du ministre de la Guerre (4e Bureau-2e Section) au ministre de la Marine, 8 décembre 1914, SHD SS Eb 128.
  • [50]
    Note du CV H. Salaün à EMGM/2, 9 décembre 1914, SHD Eb 128.
  • [51]
    Lettre n° 115 du commandant du Front de mer de Dunkerque à EMGM/2, 16 décembre 1914, SHD SS Ta 2.
  • [52]
    EMGM/2-Marine marchande au vice-amiral, commandant en chef, préfet maritime de Cherbourg, 31 décembre 1914, SHD SS Eb 128.
  • [53]
    EMGM/4, Note pour la Direction militaire des Services des Travaux, constructions navales, réparations, 11 janvier 1915 et lettre de G. Ramazotti, directeur central des Constructions navales, au directeur de l’Inscription maritime du Havre, 15 février 1915. SHD SS Eb 128.
  • [54]
    CF Martel, commandant du Front de mer de Calais, lettre n° 177 au VA, CEC, PM de Cherbourg, 1er février 1915, SHD SS Eb 128.
  • [55]
    EMGM/2, lettre au VA, CEC, PM de Cherbourg, 5 janvier 1915, SHD SS Eb 128.
  • [56]
    CV de La Taste, commandant du port de La Pallice, lettre au ministre de la Marine, 1er mars 1915 et lettre du médecin de 1re classe de la Marine Robin au CV de La Taste, 28 février 1915, SHD SS Eb 128. Il est impossible toutefois de dresser des statistiques sur l’état sanitaire des réfugiés à partir des archives centrales de la Marine.
  • [57]
    Lettre EMGM/2 DMSF – Intendance maritime – approvisionnements, signée par le VA Aubert, sous-chef d’état-major général de la Marine, au CV de La Taste, commandant du Front de mer à La Rochelle, 19 janvier 1915, SHD SS Eb 128.
  • [58]
    EMGM/2, lettre au VA, CEC, PM de Cherbourg, 31 janvier 1915, SHD SS Eb 128.
  • [59]
    Tg n° 945 EMGM/2 à Aubert du 30 janvier 1914 et lettre n° 197 à l’agent général de la Compagnie des Chargeurs réunis, 1er février 1915, SHD SS Ta 2.
  • [60]
    Début janvier 1915, Outre l’Amiral Hamelin, le Caravellas et l’Amiral Ganteaume affectés au service des réfugiés, la compagnie des Chargeurs Réunis a également vu réquisitionner le Malte qui sert comme croiseur auxiliaire ainsi que le Ceylan, l’Amiral Duperré et le Tchad utilisés comme navires-hôpitaux, soit sept bâtiments sur les trente qui composent sa flotte. Lettre au ministre de la Marine, 6 janvier 1915, SHD SS Eb 128.
  • [61]
    EMGM/2, Note pour la Marine marchande, 26 janvier et 9 février 1915, brouillon d’une lettre au PM de Cherbourg, 25 février 1915. SHD SS Eb 128.
  • [62]
    EMGM/2, Note pour Monsieur le vice-amiral, chef d’état-major général, 13 février 1915. SHD SS Eb 128.
  • [63]
    A. Chatelle, L’effort belge, p. 93-95 et p. 104 cité par M. Amara, op. cit., p. 82.
  • [64]
    Tableau réalisé à partir des ordres du gouverneur du Havre conservés en SS Te 12 et 13 précisant le nombre de repas devant être embarqués à bord, puis complété à partir des listes parcellaires établies par EMGM/2 et sa correspondance départ, SHD SS Eb 128. À compter du 31 décembre 1914, les navires assurant l’évacuation sont invités à se ravitailler d’abord à Cherbourg et à ne recourir au Havre qu’à défaut. Or, nous ne disposons pas des archives du port de Cherbourg et de La Rochelle pour l’année 1914 dans les archives de la sous-série SS T conservées à Vincennes. Les archives des échelons du SHD à Cherbourg et à Rochefort permettraient sans doute de combler cette lacune de même que celles des armateurs, à commencer par celles des Chargeurs réunis.
  • [65]
    A. Thomazi, op. cit. p. 47-48 et p. 58-59.
  • [66]
    Voir notamment, CA gouverneur du Havre, Instructions aux commandants de la Savoie, de la Lorraine, du Niagara, du Malte, du New Haven et à l’Inscription maritime, 5 et 6 octobre 1914, SHD SS Te 13.
  • [67]
    Voir par exemple les difficultés rencontrées au même moment par l’Armée navale en Adriatique, T. Vaisset, « Interdire la mer ou s’interdire la mer ? La Marine nationale et le blocus du canal d’Otrante (août 1914-mai 1915) », in J. de Préneuf, É. Grove et A. Lambert dir., Entre terre et mer. L’occupation militaire des espaces maritimes et littoraux en Europe de l’époque moderne à nos jours, Paris, Economica, coll. « Bibliothèque stratégique », 2014, p. 358.
  • [68]
    M. Motte, « La guerre au commerce maritime : un exemple de violence contre les civils (1914-1945) », in M. Motte et F. Thébaut dir., Guerres, idéologies, populations, 1911-1946, Paris, L’Harmattan, 2005, coll. « Cahiers d’histoire de Saint-Cyr Coetquidan », p. 87 et sqq.
  • [69]
    Au terme d’âpres négociations entre la Marine, les assureurs et les entreprises spécialisées, l’Amiral Ganteaume est finalement renfloué en mars 1915 quand il apparaît que cette solution s’avère moins coûteuse qu’une indemnisation de l’armateur. Le bâtiment est ensuite affecté au transport des troupes du front d’Orient en septembre 1915. Sur ce dossier, voir SHD SS Y 105.
  • [70]
    EMGM/2, note pour le chef du cabinet civil du ministre de la Marine, 14 décembre 1914, SHD SS Eb 128.
  • [71]
    Sur ces réticences et les mesures prises à Calais pour contraindre les Belges au départ, voir A. Chatelle, Calais…, p. 25-30.
  • [72]
    Lettres nos 62 et 67 de CV Bousicaux, commandant du Front de mer à Dunkerque, au CF, commandant du Front de mer du Pas-de-Calais à Boulogne-sur-Mer, 28 et 30 octobre 1914, SHD SS Ta 2.
  • [73]
    Tg à Marine Bordeaux du 21 octobre 1914 à 19?h?14, SHD SS Eb 128.
  • [74]
    O. Gomez, « Tranchées mouvantes »… Les équipages des torpilleurs français en Manche et à Dunkerque (1914-1918), mémoire de master 2, Thierry Bonzon et Jean de Préneuf dir., Université de Marne-la-Vallée, 2009, 247 p.
  • [75]
    Lettre n° 148 au VA PM Cherbourg, 2 janvier 1915, SS Ta 2.
  • [76]
    Copie d’une lettre au directeur de l’Inscription maritime à Dunkerque, Nissen, 27 novembre 1914 et lettre n° 88 du CV Aubert au général gouverneur, 28 novembre 1914, SHD SS Ta 2.
  • [77]
    Interdiction de toute pêche et navigation de nuit, contrôle des absences et sanctions en cas d’infraction pouvant aller jusqu’à la confiscation, interdiction d’embarquer essence ou pétrole pouvant servir au ravitaillement des sous-marins allemands. Lettre n° 179 du CV Aubert au LCL chef de la mission militaire française auprès du GQG belge à Furnes, 21 janvier 1915, SHD SS Ta 2.
  • [78]
    Lettre n° 202 du VA Rouyer au CV Aubert du 24 décembre et Tg n° 704 Aubert à MDM, 26 décembre, SHD SS Ta 2.
  • [79]
    CV Aubert, lettre n° 212 du 10 février 1915, SHD SS Ta 2.
  • [80]
    Lettre n° 203 du 4 février 1915, SHD SS Ta 2.
  • [81]
    Lettre n° 218 au VA, CEC, PM du 1er Arrondissement, 14 février 1915, SHD SS Ta 2.
  • [82]
    Lettres n° 520 du commandant du Front de mer de Dunkerque au LCL Genie, chef de la Mission militaire française auprès de l’armée belge, 30 octobre 1915 et n° 508 au CV Barthes, commandant la Flottille des chalutiers de la Manche, 23 octobre 1915, SHD SS Ta 2.
  • [83]
    Sur ce double épisode, voir l’ouvrage militant et bien informé de G. Kévorkian, La flotte au secours des Arméniens en 1909 et en 1915, Paris, Marine Éditions, 2008, 127 p.
  • [84]
    H. Coutau-Bégarie, Le meilleur des ambassadeurs. Théorie et pratique de la diplomatie navale, Paris, Economica, coll. « Bibliothèque stratégique », 2010, p. 41 et 58 pour les aspects théoriques, p. 115-121 pour les très nombreuses opérations d’évacuations réalisées par la Marine nationale depuis le milieu des années 1970.

1À la fin du mois d’août 1914, la retraite des armées françaises et belges provoque un afflux de réfugiés qui convergent vers le littoral flamand. Près de 30?000 d’entre eux sont évacués vers la Grande-Bretagne par les malles belges [1]. Certains, dont l’évacuation est préparée entre le 24 août et la mi-septembre en raison de l’avancée allemande, trouvent refuge dans les ports du Pas-de-Calais [2]. L’alerte passée, la menace se fait de nouveau plus pressante à la suite de la chute d’Anvers le 9 octobre puis de l’occupation d’Ostende le 15. Les civils belges arrivent cette fois en masse dans les ports français du Nord et du Pas-de-Calais, alors que la cité de Jean Bart sert de base d’opérations avancée contre les lignes allemandes situées entre Nieuport, Ostende, Dixmude et Ypres. Il faut attendre le 3 novembre pour que l’inondation de l’Yser la mette à l’abri. Désormais hors de danger, Boulogne-sur-Mer, Calais et Dunkerque n’en restent pas moins les principales bases avancées des troupes déployées en Artois et en Flandre [3]. Impossible dans ces conditions d’héberger cette population flottante et non combattante dans des ports saturés et situés si près du front. Dès fin septembre, un double mouvement commence donc qui voit d’un côté l’acheminement vital de renforts et de matériel vers le Nord et de l’autre l’évacuation de conscrits et de blessés, puis, bientôt, de réfugiés français et belges. Quand il est décidé le 16 octobre de procéder à leur évacuation systématique, routes et chemins de fer ne suffisent pas. Il faut recourir également à la voie maritime [4]. Les marines belge et britannique organisent le transit de 200?000 personnes vers la Grande-Bretagne tandis que la France orchestre le transfert de plusieurs dizaines de milliers de civils vers le sud du pays.

2Or, cette opération s’avère problématique. Elle pose un certain nombre de défis, que ce soit aux niveaux interarmées et interministériel, opérationnel, logistique, juridique, politique, et même, diplomatique dans le cas des réfugiés belges. Trouver des navires est en effet délicat, car la répartition des responsabilités entre armées et entre ministères n’a pas été conçue dans la perspective d’une évacuation aussi massive et protéiforme. Surtout, les coques manquent. Il faut, d’une part, détacher de précieux navires auxiliaires affectés en vertu des accords franco-britanniques de février 1913 à la surveillance de la Manche occidentale [5]. D’autre part, on doit réquisitionner de nouveaux bâtiments marchands. Le premier cas de figure entraîne des tensions avec le commandement de la 2e Escadre légère et l’État-major général de la Marine (désormais EMGM) quand le second oblige à des négociations serrées avec les armateurs et entre armées. Il faut également insérer et soutenir ce flux dans une chaîne logistique qui est déjà à la limite de la rupture jusqu’à la stabilisation du front en novembre 1914. Les marins sont enfin partagés quant à la tactique à adopter pour conjurer la double menace des sous-marins et des mines allemandes. Faut-il escorter ces transports ? La réponse n’est pas aisée car l’incertitude règne sur la réalité des garanties apportées par le droit international quant à la sauvegarde des transports de civils et les marins français et britanniques peinent à prendre la mesure d’une menace sous-marine peu anticipée avant 1914. Dès lors, le défi militaire est aussi un enjeu humanitaire et politique à l’heure où l’opinion publique, tant française qu’internationale, s’enflamme pour la Poor Little Belgium[6] : il importe à la fois de garantir un minimum de confort aux civils transportés et de trouver un équilibre entre le respect de la souveraineté du gouvernement belge, les exigences opérationnelles du commandement et les préoccupations des populations côtières relayées par leurs représentants locaux et nationaux. À l’interface du front et des arrières, des théâtres maritimes et terrestres, des civils et des militaires, des marines marchandes, militaires et de pêche, des dimensions locale, nationale et internationale, la question de l’évacuation des réfugiés belges constitue donc un excellent observatoire des débuts du conflit. Elle permet d’éclairer tout d’abord l’entrée en guerre, ensuite la gestion d’enjeux transnationaux à l’heure du choc des nationalismes et, enfin, la mobilité stratégique permise par l’outil naval dans le cadre d’opérations terrestres prolongées dans le Nord, comme cela s’est déjà produit lors de la guerre de 1870-1871 [7].

3Il n’existe pas à notre connaissance de monographie universitaire, d’ouvrage de vulgarisation ou de travail d’état-major consacré à cet aspect. Certes, le départ précipité des réfugiés belges, le séjour plus ou moins tendu de la majorité d’entre eux en France, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, leur retour problématique en Belgique ainsi que la mémoire conflictuelle de cet épisode ont largement été étudiés, en particulier par Michael Amara [8]. Mais, ce n’est pas le cas du volet maritime de l’évacuation depuis les ports du Pas-de-Calais vers La Pallice à l’automne 1914, même si Freddy Philips y consacre quelques paragraphes dans son ouvrage sur la marine belge dans la Grande Guerre [9]. De même, les monographies très bien informées d’Albert Chatelle sur Dunkerque, Calais et Boulogne-sur-Mer pendant le conflit publiées dans les années 1920 évoquent à peine cette opération, tout comme sa synthèse sur l’effort de guerre belge [10]. Le constat est identique pour ce qui est des travaux sur la participation de la Marine nationale à la première guerre mondiale. Publiés dans le sillage du nouveau Service historique de la Marine créé en 1919, ils datent pour l’essentiel de l’Entre-deux-guerres [11] et ne se sont intéressés qu’à la marge à cette question [12]. C’est également le cas du mémoire de maîtrise de Sabine Dupont consacré à la base de Boulogne-sur-Mer [13].

4Il n’est pas question dans le cadre restreint de cet article de proposer une synthèse qui nécessiterait de mobiliser des sources nombreuses et extrêmement diversifiées [14]. Notre propos se limitera à verser une pièce au dossier en présentant le point de vue de la Marine nationale, maître-d’œuvre d’une opération qui relève règlementairement de la Guerre. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur ses archives centrales conservées à Vincennes au Service historique de la Défense (sous-série SS). Elles ont été produites pour l’essentiel par la 2e Section de l’État-major général de la Marine (désormais EMGM/2). Les papiers de l’EMGM/2 relatifs à ce dossier sont heureusement rassemblés dans le carton SS Eb 128. Ils sont complémentaires avec les archives des gouverneurs des places et des commandants des Fronts de mer de Dunkerque, principal port de départ des réfugiés situé au plus près du front, et du Havre, base alliée majeure en Manche et point d’appui de l’opération d’évacuation, au moins jusqu’en janvier 1915. Ces derniers papiers conservés dans la sous-série SS T sont hélas lacunaires. Aucun document du Front de mer de Boulogne-sur-Mer ne semble par exemple avoir été archivé pour les années 1914-1915. Enfin, on a complété ces sources par des sondages, tout d’abord dans la sous-série SS Y qui contient les dossiers des bâtiments de la flotte auxiliaire, ensuite dans les papiers du renseignement sur les côtes belges (sous-série SS Ea) et, enfin, dans les archives du cabinet du ministre de la Marine (sous-série SS Ca).

5Cette documentation à la fois riche et parcellaire permet tout d’abord de mettre en évidence les limites de l’organisation française à la veille de la Grande Guerre. Il apparaît ensuite que l’évacuation débute dans l’improvisation de la mi-octobre à fin novembre, une vaine tentative d’organiser un service régulier géré par la Marine nationale intervenant entre décembre 1914 et fin février 1915 à la suite de l’affaire de la Tunisie. Au sein de cette opération d’ampleur, il faut enfin accorder une attention spécifique à la question des pêcheurs belges réfugiés à Dunkerque. Leur sort fait l’objet d’un véritable imbroglio qui met en scène ces évacués d’un type particulier, les autorités militaires locales et le gouvernement belge en exil.

Un dossier emblématique de la mauvaise organisation française au début de la guerre

6La rapidité de l’avancée allemande et l’ampleur de la masse des réfugiés à évacuer surprennent tant les administrations civiles et militaires que les compagnies de navigation. Le cadre réglementaire de l’évacuation s’avère inadapté à une mission qui n’avait pas été anticipée, car tous s’attendaient à une guerre offensive et courte. L’impréparation et la confusion sont la règle parmi des acteurs dont beaucoup ne maîtrisent qu’imparfaitement les rouages d’une organisation complexe. L’opération met tout d’abord à jour les insuffisances de la coordination entre les différentes armées à la veille de la Grande Guerre, mais aussi entre les acteurs civils et militaires. Ensuite, pour ce qui concerne la Marine, la gestion de l’évacuation confirme les incohérences de l’organisation du commandement naval qui sont alors la règle. Enfin, cet épisode révèle une capacité relative d’adaptation, de réaction et de dépassement des logiques corporatistes et des incohérences réglementaires, à la faveur de l’urgence opérationnelle et au nom d’un « mouvement de solidarité » envers une population étrangère presque sans équivalent en Europe au xxe siècle [15].

7Le premier problème qui se pose est celui de la répartition des responsabilités pour tout ce qui concerne la réquisition des navires, étant donné le nombre des autorités impliquées, que ce soit au sein de la Marine ou, encore, entre la Royale, l’Intérieur et la Guerre.

8Au sein même de la Marine nationale, le partage des tâches semble inadapté. Le préfet maritime de Cherbourg a autorité sur les Fronts de mer tandis que le commandant de la 2e Escadre commande aux éléments flottants. Et l’État-major général de la Marine (désormais EMGM) qui devrait assurer un rôle de coordination est vite réduit à sa plus simple expression, ne comptant plus qu’une quinzaine d’officiers dès la mi-août [16].

9Quant à la procédure de réquisition de navires marchands, elle pâtit également d’un manque de coordination, cette fois entre administrations militaires. En fonction des missions, elle peut être mise en œuvre soit par celle du ministère de la Guerre, soit par celle du ministère de la Marine, sachant que la première doit faire appel à la seconde pour ses affrètements. La procédure est régie par les décrets des 31 juillet et 2 août 1914. La réglementation en vigueur n’a fait qu’adapter les principes édictés par le décret du 2 août 1877 (pris en application de la loi du 3 juillet de la même année) relatif aux réquisitions opérées par la Guerre et celui du 3 mai 1900 pour celles qui relèvent de la rue Royale (ministère de la Marine). Ce dernier texte stipule que la Marine dispose en permanence d’un droit de réquisition des bâtiments de la marine marchande, moyennant indemnisation. Il en va de même pour celles effectuées par la Guerre qui ont d’abord été prévues pour rapatrier les précieuses troupes d’outre-mer, indispensables pour compenser le déclin démographique relatif français face aux gros bataillons allemands. Le titre IV de la loi du 3 juillet 1877 lui permet de requérir des bateaux, étant entendu que ces réquisitions doivent se faire par l’intermédiaire de la Marine. Localement le gouverneur d’une place militaire peut déléguer cette compétence à ses subordonnés de l’Intendance (titre I du décret du 1er août 1877). À charge pour eux ensuite de s’adresser au représentant de la rue Royale. À l’instar des maires, ce dernier est seul habilité à remettre aux intéressés l’avis de réquisition et à veiller à son exécution (article 66 du titre V du décret du 2 août 1877), et notamment à ce que les bâtiments soient correctement gréés et avitaillés. Le navire est alors mis à la disposition de la Guerre qui est responsable de l’embarquement. Toutefois, dès que le bâtiment a pris la mer, la navigation se fait sous l’autorité de la Marine. L’indemnisation des propriétaires par les armées comporte deux volets définis par l’article 73 du décret du 31 juillet 1914. D’une part, sur la base de la présentation des factures, le remboursement des frais d’armement et d’exploitation ainsi que celui de toutes pertes ou avaries résultant de faits de guerre ou d’une manœuvre ordonnée par l’autorité militaire. De l’autre, le remboursement de frais de location calculés sur une base forfaitaire journalière [17]. Ce mode de calcul conduit donc les administrations militaires à limiter au maximum les périodes de réquisition afin d’en réduire le coût. À cette répartition des tâches, qui organise de façon générique la réquisition de bâtiments de commerce quelle que soit leur affectation, vient se greffer la loi du 5 août 1914 qui attribue au commandement militaire des places la responsabilité des réfugiés, y compris les réquisitions qui pourraient être faites pour pourvoir à leur subsistance. Il peut, s’il le souhaite, déléguer cette responsabilité aux autorités civiles locales [18].

10En cas d’évacuation par voie maritime d’une place militaire côtière, l’organisation ne peut donc fonctionner que s’il y a entente entre les services dépendant du gouverneur militaire (l’Intendance), éventuellement la mairie, le commandant du Front de mer (Inscription maritime en particulier) et ceux du commandement des forces à la mer, le commandant en chef de la 2e?Escadre légère en l’occurrence, mais aussi dans ce cas, le contre-amiral Horace Hood, commandant de la Dover Patrol installé à Dunkerque jusqu’à la mi-novembre et qui a autorité sur les bâtiments légers français qui y sont déployés [19].

11Dans la pratique, la coordination est facilitée par le fait que le gouverneur militaire du Havre, la principale base logistique des bâtiments assurant l’évacuation, est aussi un marin. Le contre-amiral Charlier est donc d’autant plus porté à faire preuve de pragmatisme et de souplesse dans la mise en œuvre des textes. Il ordonne ainsi au service de l’Inscription maritime, fin connaisseur du milieu maritime local et qui est pourtant organiquement rattaché à la Préfecture maritime de Cherbourg, de bien vouloir « prêter son concours officieux à l’Intendance militaire pour la recherche et le choix des navires dont elle pourrait avoir besoin ». Ce n’est qu’ensuite que la réquisition établie par cette dernière sera alors officiellement transmise à l’administrateur de l’Inscription maritime désigné pour suppléer le chef du service des approvisionnements de la flotte [20]. Au vu des archives consultées, il ne semble pas que la Guerre ou la Préfecture maritime de Cherbourg aient trouvé à redire à cet arrangement. De même, pour essayer de coordonner l’action des différents services et prévenir d’éventuelles tensions, une « Commission mixte d’évaluation des réquisitions maritimes » est créée à Dunkerque et placée sous l’autorité du directeur de l’Inscription maritime. Elle comprend des représentants de la Marine et de la Guerre [21].

12La seconde difficulté à résoudre est celle des communications entre les différents acteurs. La fluidité de la transmission des informations laisse à désirer. L’EMGM suit jusqu’en décembre le gouvernement à Bordeaux, ce qui accroît son éloignement du théâtre des opérations. Le vice-amiral (désormais VA) Rouyer, qui a autorité sur une partie des bâtiments chargés de l’évacuation et sur les éventuelles forces d’escorte, se trouve souvent soit à Cherbourg, base de la 2e Escadre légère, soit à la mer sur La Marseillaise où il a posé sa marque. Cet éloignement pose d’autant plus problème que, répartis sur un théâtre de plusieurs centaines de kilomètres, tous les acteurs ne sont pas initialement équipés de la T.S.F. à l’instar du commandant du Front de mer de Boulogne-sur-Mer à l’été 1914 ou de la plupart des bâtiments utilisés pour évacuer les réfugiés. Il faut alors les doter à la hâte de cet équipement crucial pour la coordination des opérations, ce qui sera fait pendant la durée des opérations aux frais de la Guerre qui n’en peut mais. D’autant plus que, troisième difficulté, certains acteurs locaux ignorent ou sont réticents à appliquer les procédures établies aux niveaux interallié, interarmées et interministériel. Des rappels à l’ordre doivent être effectués à plusieurs reprises. Les services de l’Intendance (Guerre), placés sous le commandement du général Bidon gouverneur de Dunkerque, tendent par exemple à s’affranchir de l’obligation de passer par la Marine, réquisitionnant directement de leur propre chef des bâtiments, ce qui suscite une réaction du capitaine de vaisseau Bousicaux auprès du général gouverneur [22].

13En fait, ces difficultés ponctuelles à l’heure de procéder à l’évacuation des ports du Nord ne sont que le reflet des insuffisances de l’ensemble de l’organisation en matière de réquisition des navires marchands prévue avant 1914. Dès le début des hostilités, le système s’avère inadapté et ce, avant même qu’il soit question d’évacuer des dizaines de milliers de réfugiés français et belges. Dès le mois d’août, il faut en effet trouver séance tenante un nombre important de navires car les besoins sont beaucoup plus importants que prévus, qu’il s’agisse de transporter des conscrits et des réservistes pour les incorporer à l’arrière, d’évacuer des troupes ou des blessés, d’acheminer des renforts du Sud ou d’outre-mer, de ravitailler les forces déployées loin de leurs bases métropolitaines ou au nord du pays [23]. Lorsque le conflit éclate, la Guerre n’a en fait prévu des réquisitions que pour assurer l’acheminement des troupes d’Afrique du Nord (dont le fameux XIXe Corps) et le rapatriement de 18?000 conscrits d’Amérique du Nord et du Sud avec 128?000 tonnes d’approvisionnements. La Marine nationale, quant à elle, n’a anticipé le recours à des navires marchands, et encore, de façon insuffisante, que pour soutenir ses escadres et compléter le dispositif franco-britannique de surveillance mis en place en Manche occidentale et basé à Cherbourg [24]. Lorsque mi-octobre, l’évacuation systématique des réfugiés par voie maritime est décidée, les autorités militaires en sont donc réduites à improviser.

Octobre-décembre 1914 : le règne de l’improvisation

14Si un premier mouvement isolé est organisé le 23 août depuis Dunkerque pour procéder à l’évacuation des soldats blessés et de malades belges à bord du Caen[25], la mise en œuvre systématique de celle des civils ne commence vraiment qu’à partir de la mi-octobre quand l’afflux de réfugiés français et belges s’accroît de nouveau sous le coup de l’avancée allemande en Flandres, ceux d’Outre-Quiévrain arrivant en masse à Dunkerque puis à Calais. Les premières évacuations de civils belges vers le sud de la France ont donc lieu entre le 6 et le 11 octobre. Organisées dans l’urgence en recourant indistinctement à des bâtiments français et britanniques présents sur zone, elles sont ciblées et concernent plusieurs milliers de conscrits belges qui doivent terminer au plus vite leur instruction militaire dans l’Ouest pour compenser les pertes essuyées par l’armée d’Albert 1er[26]. Tandis que Belges et Britanniques exfiltrent des milliers de réfugiés vers la Grande-Bretagne, le bourgmestre d’Ostende demande d’urgence le 14 octobre des moyens supplémentaires pour évacuer par mer la population qui fuit à l’approche de l’ennemi. L’EMGM/2 ordonne alors au commandement de la Marine à Dunkerque de garder sur place les vapeurs qui ont acheminé dans la cité corsaire la 91e?Division territoriale, tout en sollicitant son avis sur la faisabilité de l’opération avant d’aller plus loin [27]. Cette solution apparaît vite comme trop risquée. Ces bâtiments au tonnage important ne peuvent pénétrer dans le port flamand. Du coup, l’embarquement se ferait en rade, une manœuvre impossible en cas de mauvais temps et dangereuse en raison de la présence de sous-marins ennemis. Finalement, il est jugé préférable que les réfugiés rallient Dunkerque par voie ferrée d’où ils embarqueront vers le sud [28].

15Dès le 16, le gouverneur militaire ordonne l’évacuation de la place dans les trente-six heures par tous les réfugiés, étrangers ou non, sans exception. En une seule journée, 10?000 personnes quittent la ville par le train vers Calais. Les voies ferrées sont saturées, d’autant plus que les maires de Calais et Boulogne-sur-Mer prennent dès le lendemain une décision identique [29]. Le ministère de la Guerre estime alors à 70?000 le nombre de réfugiés présents à Calais, les archives consultées ne faisant pas mention des réfugiés français [30]. Les modalités d’un véritable système d’évacuation sont alors définitivement arrêtées les 16 et 17 octobre dans le cadre d’une concertation entre les ministères de l’Intérieur, de la Marine et de la Guerre, ce dernier département assurant la direction de l’ensemble. L’embarquement sera effectué à Calais (Dunkerque et Boulogne-sur-Mer ne sont pas mentionnés) sur huit bâtiments de transport que la Marine a réquisitionnés et deux croiseurs auxiliaires eux aussi déjà réquisitionnés au sein de la 2e Escadre légère. Après avoir fait escale au Havre sans y accoster par crainte que les réfugiés ne cherchent à rester sur place, ils se rendront à La Pallice. Compte tenu du nombre de réfugiés signalé, il est prévu deux rotations par bâtiment. La Guerre donne des instructions dans ce sens au gouverneur de Calais et au commandant d’armes de La Rochelle. Pour la première rotation, il est prévu d’embarquer sur un des bateaux les hommes mobilisables qui seront débarqués à Cherbourg pour être ensuite dirigés vers le camp d’Auvours. En marge du document synthétisant les termes des dispositions arrêtées, l’EMGM/2 note que le VA Rouyer a décidé de dépêcher la Lorraine et la Savoie mais qu’il ignore si le préfet maritime de Cherbourg a pu désigner les huit autres bâtiments à réquisitionner [31]. Le défi est de taille alors qu’au même moment, il faut aussi trouver dans l’urgence trois navires hôpitaux – puis bientôt cinq [32] – pour soigner ou évacuer les blessés de Dunkerque vers Cherbourg [33].

16La chasse aux bâtiments disponibles et leur ravitaillement s’avèrent être des tâches ardues. Les premiers pas sont difficiles, pour ne pas dire chaotiques. Face au manque de bateaux et par commodité, les vapeurs qui assurent l’évacuation des réfugiés belges sont pour la plupart ceux qui ont transporté des troupes en septembre entre le Pas-de-Calais, Le Havre, Cherbourg, Brest et La Pallice (Ville de Tamatave, Champlain, Amiral Ganteaume, Ville d’Oran, Guatemala, Savoie, Lorraine, Niagara, Malte). Mais, cela ne suffit pas. Dès le 17, le contre-amiral Charlier, gouverneur du Havre, fait savoir qu’il lui a été impossible de trouver plus d’un navire pour Calais, l’Amiral Magon[34]. Le 29 octobre, l’Amiral Hamelin des Chargeurs réunis est réquisitionné à son tour et assure l’évacuation depuis Calais et Boulogne-sur-Mer vers La Pallice [35]. À plusieurs reprises, face à l’afflux de réfugiés, de blessés et de troupes à transporter, l’état-major soumis aux sollicitations récurrentes de la Guerre et de l’Intérieur presse ses subordonnés de trouver au plus vite des navires pour augmenter les capacités. On ne rapportera ici que quelques exemples de cette chasse permanente aux transports. Ils donnent à voir les expédients auxquels sont réduits les responsables de la Marine.

17À Dunkerque, fin octobre, il n’y a que des navires hôpitaux et le commandant du Front de mer exclut de les affecter aux transports des réfugiés, rappelant que « les conventions internationales interdisent sous peine de capture, de [les] utiliser à d’autres transports que celui des blessés » [36]. Faute de navires marchands disponibles, l’Amirauté britannique prête in extremis deux?vapeurs, l’Archimedes et l’Architect. Début décembre, alors qu’il est question de remettre l’Amiral Hamelin à sa compagnie à compter du 15 (car elle le réclame pour l’envoyer à Rio de La Plata), le gouverneur du Havre, invité à rechercher un navire de substitution, fait savoir qu’aucun vapeur stationné au Havre ne s’y prête. Du coup, il propose de renvoyer le bâtiment arrivé à La Pallice pour une dernière rotation depuis Calais avant le 5 [37]. Ce qui est fait mais, comble de malchance, le navire subit une avarie le 9 décembre en rentrant à La Pallice, incident qui l’immobilise pour plusieurs semaines. En attendant le retour de l’Amiral Hamelin et, alors que Le Havre ne peut fournir de bateau, la Tunisie est réquisitionnée dans l’urgence à la demande du commissaire militaire de la Commission régulatrice de Dunkerque, agissant conformément aux instructions du général commandant en chef. Il s’agit d’évacuer 1?500 réfugiés belges qui doivent arriver à Dunkerque par chemin de fer. Le vapeur est alors de nouveau le seul navire présent sur place capable de transporter du personnel [38]. Face à la pénurie persistante de coques et, afin d’éviter les transits à vide, il est aussi décidé à l’occasion d’utiliser les bateaux pour acheminer à l’aller des renforts ou du matériel et au retour des réfugiés, comme c’est déjà le cas pour le Malte qui, après avoir déchargé des canots à vapeur à Dunkerque le 15 décembre, s’arrête au retour à Calais à la demande du ministère de la Guerre pour récupérer 2?500?réfugiés belges [39]. Enfin, dernière difficulté, les acteurs sur le terrain ne répercutent pas tous immédiatement le plan arrêté à Bordeaux. Ainsi, le 29 octobre, le commandant du Front de mer de Calais est rappelé à l’ordre pour qu’il cesse de diriger sur Rouen des réfugiés. L’Architecte et le Ville d’Oran en route vers la cité normande, où leur ravitaillement est effectué, sont alors réorientés, sur ordre du contre-amiral Charlier, vers La Pallice [40].

18L’évacuation que l’on voulait rapide démarre donc plus lentement que prévu. Le 19, le commandement de la Marine à Calais fait savoir que seuls 6?000 réfugiés ont pu être évacués, notamment en raison du mauvais temps qui a empêché tout transbordement. Le 26, c’est la commission régulatrice de Boulogne qui rend compte qu’aucun bâtiment n’est encore arrivé dans le port, dix jours après la décision de procéder à une évacuation systématique. Par ailleurs, l’approvisionnement est très défaillant. À Calais, il n’y a pas de café, de sucre et, plus grave, pas de lait indispensable pour les nombreux enfants en bas âge. Enfin, en raison de la priorité donnée à l’évacuation des femmes et enfants, le commandant du front de mer relève leur « résistance » lors de l’embarquement à l’heure de séparer les nombreuses familles [41]. Il est donc nécessaire de charger, le plus souvent au Havre, des vivres pour les réfugiés car les bateaux ne sont pas équipés pour nourrir plusieurs centaines de passagers. Mais, les rations sont précieuses alors que les combats se prolongent. On calcule donc au plus juste le volume de vivres (4 ou 5 jours) [42]. Très vite, il est aussi décidé d’embarquer des médecins (belges ou français) pour apporter les premiers soins ainsi que des policiers belges afin d’assurer un minimum d’ordre parmi des populations épuisées et désorientées par leur brusque exil. L’inconfort de la traversée est aussi dû aux conditions de mer souvent mauvaises dès l’automne en Manche-mer du Nord. Ces désagréments sont encore accrus par le manque de lest de bâtiments allégés de leur cargaison habituelle et par l’interdiction absolue de descendre à terre au Havre.

19Au-delà du confort des passagers, l’assemblage hétéroclite de bâtiments qui est finalement affecté à l’évacuation s’avère plus ou moins adapté aux conditions de navigation de la mission. Ainsi, l’Archimedes ne dispose pas de cartes du littoral au sud de Saint-Nazaire pas plus, d’ailleurs, que l’Inscription maritime du Havre. Le lieutenant de vaisseau de Penfentenyo, aide de camp du gouverneur du Havre, doit alors aller en acheter lui-même un jeu dans le commerce avant le départ imminent du bateau, car suivre la procédure administrative prendrait trop de temps [43]. Très rapidement, les limites des croiseurs auxiliaires Lorraine et Savoie apparaissent, que ce soit pour acheminer des renforts ou évacuer des réfugiés. Leur dimension et les mauvaises conditions de vent courantes en mer du Nord à cette époque commandent d’éviter de les faire entrer dans les bassins à flot de Dunkerque. Il faut organiser un transbordement dans l’avant-port au moyen d’unités plus petites. Cette manœuvre présente un double inconvénient pointé par le capitaine de vaisseau Aubert, commandant du Front de mer. Elle ralentit tout d’abord une opération dont la rapidité d’exécution est essentielle, compte tenu du nombre de rotations à effectuer et… du manque de chalands. Car, le transbordement oblige ensuite à utiliser à cette fin les trop rares chalutiers dragueurs de mines basés à Dunkerque. La Marine nationale n’a certes pas l’apanage de ces dysfonctionnements : il a fallu déployer ces mêmes unités à Calais pour débarquer les troupes belges évacuées par des transports britanniques. Réalisées dans des conditions de mer délicates par des bâtiments non équipés pour ces missions, ces opérations ont, en outre, provoqué des avaries sur les dragueurs à l’heure même où la menace des mines est une préoccupation majeure pour le commandement et provoque des pertes dans les rangs alliés [44]. Conséquence logique, les deux croiseurs auxiliaires seront peu utilisés pour les évacuations, ce qui implique de leur trouver des remplaçants en se tournant de nouveau vers les compagnies de navigation [45]. La taille des bâtiments n’est pas seule en cause. Afin d’embarquer un maximum de passagers et d’accélérer le nombre des rotations, mais aussi parce qu’on ne prévoit que le strict minimum de charbon, qu’il faut le plus souvent aller charger en Grande-Bretagne, les vapeurs sont insuffisamment lestés, ce qui accroît leur prise au vent et réduit leur manœuvrabilité dans les ports. C’est ainsi que survient une avarie sur l’Amiral Hamelin, le 9 octobre, quand le navire heurte un quai dans le port de La Pallice [46].

L’affaire de la Tunisie et l’échec de la création d’un service régulier géré par la Marine décembre 1914-fin février 1915

20Le transit de la Tunisie depuis Dunkerque fin novembre cumule toutes les lacunes observées jusqu’alors et va cristalliser l’attention des politiques et du public. De l’aveu même du vice-amiral Berryer, préfet maritime de Brest, les conditions de vie à bord du vapeur sont « très défectueuses » lors de son transit entre Dunkerque et le port finistérien. Le navire quitte la cité corsaire le 26 novembre avec 1?500 réfugiés dont des vieillards, des femmes et des enfants. Ils doivent coucher sur de la paille douteuse, n’ayant comme nourriture que du pain et de la viande salée, sans que l’on dispose de lait condensé pour les enfants. De plus, le bord n’a d’autre cuisine que celle prévue pour l’équipage du temps de paix. Les réfugiés sont encadrés par un unique médecin et quatre gendarmes belges. La traversée s’effectue par très gros temps sur un bâtiment tenant mal la mer et dont une hélice se trouve le plus souvent hors de l’eau, faute de lest suffisant. Parvenu tant bien que mal au large de Brest, le bateau est incapable de doubler Arnem et doit rentrer se réfugier dans le port finistérien le 26 au soir. Le lendemain matin, le capitaine avertit la direction du port de « la situation lamentable » à bord, d’autant que les quatre jours de vivres sont épuisés. Le préfet maritime, le VA Berryer, fait alors aussitôt délivrer du lait concentré pour les enfants en bas âge, du pain frais et des sardines pour les adultes. Il est cependant impossible de distribuer de la viande, car le capitaine tient à repartir immédiatement en dépit des mises en garde de la Préfecture maritime. Il est de retour dans la soirée incapable d’affronter le mauvais temps persistant tandis que la situation sanitaire à bord continue de se dégrader. Le préfet maritime fait alors amarrer le bateau à couple du cuirassé Charles Martel afin qu’il puisse bénéficier des cuisines du bord. Il fait changer la paille souillée par les déjections et désinfecter les logements. Malgré ces dispositions, une femme meurt d’épuisement le 28 au soir. Ce n’est que le 29 que le préfet maritime autorise le bateau à rejoindre La Pallice après s’être assuré de l’amélioration de la situation météo et de la santé des réfugiés [47].

21L’affaire de la Tunisie émeut une opinion alors extrêmement sensible à la détresse des réfugiés belges devenus « un instrument de mobilisation chez les Alliés » [48]. Très vite, la Guerre, soucieuse de se couvrir, semble de fait rejeter la responsabilité de « cet incident regrettable » sur les marins. Elle demande au ministre de la Marine de rappeler aux commandants de Fronts de mer que c’est à eux qu’incombe la charge de veiller à ce que

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« les transports de ce genre ne doivent être assurés que sur des bateaux réunissant les conditions de navigabilité supportables et possédant un aménagement pour accueillir pendant quatre à cinq jours des malheureux dénués de ressources et ayant subi toutes les misères depuis deux mois » [49].

23Le cabinet du ministre de la Marine demande alors des précisions au capitaine de vaisseau Aubert, commandant du Front de mer de Dunkerque, pour savoir à quel service il incombe réellement de s’occuper des détails d’aménagement du vapeur et si cela entre bien dans ses attributions [50]. L’officier s’empresse de dégager sa responsabilité et celle de la Marine. Il rappelle que, conformément à la procédure, la Tunisie a été réquisitionnée dans l’urgence, faute d’autre bâtiment disponible, sur ordre de la Commission régulatrice, sous l’autorité de laquelle l’embarquement a été réalisé. Et de préciser que l’autorité qui s’occupe à Dunkerque de l’évacuation des réfugiés est dans un premier temps le gouverneur militaire de la place jusqu’à l’arrivée de la Commission régulatrice depuis que le port se trouve dans la zone d’opération des armées. Le commandant du Front de mer n’a donc en théorie d’autre fonction que de réquisitionner des bâtiments. Conscient des mauvaises conditions sanitaires à bord, il n’a ensuite fait que donner l’ordre au Tunisie d’appareiller pour La Pallice, sans l’autoriser à relâcher au Havre « en vue de réduire, autant que possible, la durée de séjour des réfugiés à bord de ce bâtiment qui ne possède pas de commodités suffisantes ». Et de rappeler que, lorsque le capitaine du bâtiment est venu l’informer que quelques femmes nécessitaient le concours d’un médecin, « vu l’urgence », il a pris sur lui de prévenir le représentant du gouvernement belge à Dunkerque qui a fait désigner deux praticiens aussitôt embarqués à bord ainsi que des policiers belges [51].

24À la suite des insuffisances révélées par l’affaire du Tunisie et, face à l’ampleur d’une opération qui dure plus que prévu, la Guerre prend le 16 décembre une double initiative visant à rationaliser le système improvisé à la mi-octobre. D’une part, elle propose que soit instauré un service régulier d’évacuation pour les réfugiés (cette fois-ci indistinctement belges et français, ce qui ne facilite pas le décompte des uns et des autres dans les archives consultées !) entre les trois ports septentrionaux et La Pallice. Il doit être mis en œuvre par trois navires à raison d’un départ tous les trois jours. D’autre part, si la Guerre se dit prête à continuer d’assumer la charge financière de ces évacuations, elle propose que, par souci d’efficacité, désormais, l’essentiel des responsabilités incombe à la Marine.

25Le 31 décembre 1914, le titulaire du fauteuil de Colbert, Victor Augagneur, accepte la proposition, non sans rappeler que le coût financier devra être pris en charge par la Guerre. Dès lors, l’ensemble de l’organisation est placée sous l’autorité suprême du préfet maritime de Cherbourg mais, Calais étant désormais le port principal de départ, c’est le capitaine de frégate Martel, commandant de son Front de mer, qui est désigné pour en assurer la direction opérationnelle, en réglant les départs et les itinéraires. Il doit le faire en concertation avec les autres autorités compétentes à Boulogne-sur-Mer et Dunkerque. Afin d’éviter tout nouvel incident, l’aménagement du bord et l’embarquement se feront sous la direction de la Marine. Désormais, il est expressément demandé que soit établie dans la mesure du possible une liste des passagers avant le départ. Et le ravitaillement des navires devra se faire à Cherbourg et non plus au Havre, sauf si le port du Cotentin n’est pas en mesure de procurer les vivres et le charbon nécessaires. Il s’agit en effet de perturber le moins possible l’activité de ce qui est devenu la principale base arrière de l’armée britannique en France. Le Caravellas et l’Amiral Hamelin des Chargeurs réunis sont immédiatement affectés à cette tâche, en attendant la désignation d’un troisième bâtiment. Étant donné que l’Amiral Hamelin se trouve en réparations à La Pallice pour plusieurs semaines, il est prévu de détacher, en tant que de besoin, l’éclaireur auxiliaire Malte affecté à la 2e Escadre légère [52]. Et dès le 11 janvier, la Marine ordonne l’installation systématique de postes de T.S.F. à bord des bâtiments, non sans préciser que seule la location du matériel pendant la réquisition sera prise en charge par l’administration militaire, à savoir la Guerre [53].

26La réorganisation opérée début décembre semble efficace pour ce qui est du confort des réfugiés. Les archives de l’EMGM/2 rapportent que des rations sont systématiquement embarquées à bord pour cinq jours de mer, des vivres frais étant mentionnés sur certains documents. D’autre part, des travaux sont entrepris sur les nouveaux bâtiments réquisitionnés pour les doter de cuisines permettant de subvenir aux besoins de plusieurs centaines de passagers. De même, des médecins belges sont désormais présents systématiquement aux côtés des réfugiés. Enfin il semble que l’on veille à ce que les couchages soient régulièrement changés [54]. Par ailleurs, la Marine fait tardivement lester les vapeurs. Mais cette décision n’est pas d’abord motivée par la volonté d’améliorer le confort des passagers. Il s’agit avant tout de donner satisfaction aux Chargeurs réunis qui, eux, s’inquiètent des conséquences pour les coques et les machines [55] et de prévenir ainsi de coûteuses indemnisations une fois la réquisition levée. La quantité de lest embarquée n’en impacte pas moins directement le confort de refugiés. Sur le Ceylan qui débarque 2?000 Belges à La Pallice le 22 février, le confort est jugé satisfaisant par la Marine et les décès et autres malaises constatés sont d’abord imputés à « l’état lamentable » des réfugiés à leur arrivée à bord. Reste qu’une tempête au large du Finistère provoque de violents coups de roulis accentués par le manque de lest. L’eau envahit même la salle à manger entraînant un mouvement de panique qui provoque des blessures dont plusieurs avec des fractures chez douze passagers. Le rapport du médecin du bord – corroboré par celui du commandant – illustre bien l’affolement et le désarroi des civils belges dont la plupart voient la mer pour la première fois de leur vie :

27

« Six des fractures sur sept survinrent parmi les occupants de la salle réfectoire où, se cramponnant en grappes aux tables, pendant le roulis très brusque, ils en dévissèrent quelques-unes ; celles-ci à leur tour projetées avec violence arrachèrent d’autres tables. Il en résulta une allée et venue de pièces de bois qui blessa plusieurs personnes. Tandis qu’avec le personnel médical du bord et les médecins et aumôniers belges qui m’avaient été adjoints nous relevions les blessés et exhortions les autres au calme, en les invitant à se coucher, un paquet de mer brisa la porte de l’escalier d’accès aux réfectoires et inonda les malheureux qui se trouvaient installés immobiles sur l’escalier. Ils crurent leur dernière heure venue et s’élancèrent pour sortir sur le pont, d’où nous eûmes grand-peine à les écarter, et ramenés d’un bord à l’autre par le roulis, ils finirent par tomber les uns sur les autres, se contusionnant réciproquement. Puis tranquillisés par notre présence, ils demeurèrent étendus en ligne dans les entreponts, recouvrant calme et sang froid, et il n’y eut aucun autre accident à déplorer durant les trois heures que persista le très mauvais temps » [56].

28Si, en dépit d’incidents isolés comme celui survenu sur le Ceylan, les conditions de vie des réfugiés s’améliorent avec le système mis en place fin décembre 1914, il n’en va pas de même pour ce qui est du nombre de navires assurant l’évacuation. Jusqu’au terme à l’opération fin février, les autorités maritimes doivent continuer de manœuvrer au plus près pour trouver des bâtiments susceptibles d’être réquisitionnés. Fin janvier, le flux quotidien de réfugiés à évacuer depuis Calais est encore estimé par la Guerre à environ 500?personnes (sans qu’il soit précisé dans les sources consultées s’il s’agit de civils belges ou français), tandis qu’on annonce l’évacuation d’une partie de la population du Pas-de-Calais, soit 20?000 personnes à embarquer dans les dix jours. Pourtant, il n’a toujours pas été possible de réquisitionner le troisième navire prévu pour effectuer le nouveau service régulier d’évacuation. En fait, ce service n’est alors plus assuré que par le seul Caravellas, car l’Amiral Hamelin est toujours en réparations à La Pallice. L’EMGM/2 presse le capitaine de vaisseau de La Taste, de faire hâter les travaux afin que le bateau puisse reprendre la mer au plus vite [57]. Mais, rien n’y fait et, de nouveau, il faut improviser. Faute de mieux, la Marine décide alors de réquisitionner séance tenante le Ceylan qui servait comme navire hôpital [58]. Il reçoit à la hâte une nouvelle couche de peinture pour effacer les marques de navire-hôpital avant d’être immédiatement envoyé effectuer une rotation vers La Pallice depuis Dunkerque et Calais [59] dans les conditions que l’on sait.

29Difficulté supplémentaire, les compagnies de navigation, en particulier les Chargeurs réunis à qui appartiennent le gros des bâtiments réquisitionnés, exercent une pression accrue pour les récupérer alors que l’État les encourage vivement à reprendre la navigation commerciale vers l’Outre-mer [60]. L’état-major général de la Marine se montre sensible aux arguments des Chargeurs réunis soucieux de récupérer au plus vite l’Amiral Hamelin, un gros cargo jaugeant 6?500 tonnes. Les marins, comme l’armateur, sont d’avis de le remplacer par un navire plus petit et moins rapide (dix nœuds) pour le réserver au transport de fret depuis l’Amérique latine, alors que le shipping allié (transport maritime allié) traverse une crise de tonnage. De même, ils souhaitent ensuite remplacer le Ceylan par le Campinas, un navire plus adapté proposé par les Chargeurs réunis. En revanche, ils refusent de lever la réquisition du premier tant que le second ne sera pas mis à leur disposition, ce qui n’intervient que dans la dernière semaine de février [61]. Enfin, ils renoncent à réquisitionner des bâtiments trop luxueux de la Compagnie générale transatlantique qui pourraient être irrémédiablement endommagés par les transports des réfugiés [62]. Ces dispositions répondent en fait autant à la nécessité d’assurer la permanence du service et au souci de préserver le potentiel de la marine marchande qu’à la volonté de limiter le coût d’éventuelles indemnisations.

30Au final, il est difficile d’établir avec précision le nombre de réfugiés évacués au vu des archives de la Marine nationale conservées à Vincennes. Elles sont incomplètes pour l’année 1914 et ne comprennent pas les journaux de bord des navires impliqués. Reste qu’à partir des rations embarquées au Havre, on peut cependant estimer cette population déplacée à environ 45?000 civils belges pour les ports de Dunkerque, Calais et Boulogne-sur-Mer, au minimum, entre le 17 octobre et le 11 janvier. À ces réfugiés, il faut ajouter tous ceux qui ont transité sur des bâtiments ravitaillés à Cherbourg depuis le 1er janvier, soit environ 10?000 à 15?000 personnes supplémentaires, sachant que deux bâtiments effectuent alors les rotations. À la fin de février, il semble que tous les bâtiments ayant servi au transport des réfugiés civils belges ont été rendus à leur propriétaire ou réquisitionnés pour d’autres missions, le plus souvent en Méditerranée où s’effectue désormais l’essentiel des missions de la Marine nationale. On arrive donc à un total d’environ 60?000?réfugiés belges évacués par voie maritime vers La Pallice, à rapprocher du chiffre de 50?000 avancé par Albert Chatelle [63].

Estimation du nombre des réfugiés belges évacués depuis Calais, Boulogne et Dunkerque à partir des vivres embarqués au Havre[64]

tableau im1

Estimation du nombre des réfugiés belges évacués depuis Calais, Boulogne et Dunkerque à partir des vivres embarqués au Havre[64]

Les conditions opérationnelles : le choix de ne pas escorter les transports de réfugiés

31La menace pesant sur la liberté de navigation en Manche semble limitée tant que les Allemands ne se sont pas emparés des ports belges. Leurs bases sont loin et les Britanniques tendent un double rideau leur interdisant en théorie l’accès à la Manche. La menace des U-Boot est alors sous-estimée. Entre le 7 et le 18 août, les navires transportant quatre divisions d’infanterie et une de cavalerie du corps expéditionnaire britannique traversent la Manche, sans être escortés, le plus souvent deux par deux. Se croyant en sécurité, les Alliés imaginent même à la mi-septembre reporter les barrages de sous-marins et de torpilleurs disposés devant le Cap Gris-Nez et face au Cotentin en avant des Bouches de l’Escaut pour couvrir l’accès à Anvers. Les flottilles françaises de Dunkerque devaient participer à cette opération en utilisant les ports belges d’Ostende et Zeebrugge, les ordres étant déjà prêts. Mais, le barrage britannique est loin d’être étanche. Le 23 septembre, le U-9 torpille trois anciens croiseurs-cuirassés, les HMS Aboukir, Hougue et Crecy, devant les côtes néerlandaises. Le 27, le pre-dreadnought HMS Audacious coule après avoir heurté une mine devant les côtes belges. La Royal Navy dispose alors début octobre un grand champ de mines entre les bancs de South Goodwin et la côte belge. Reste qu’à compter de fin septembre, des sous-marins allemands parviennent à opérer en Manche. Face à cette menace, à partir d’octobre, les transports de troupes de Sa Majesté qui ont repris entre la Grande-Bretagne et Boulogne-sur-Mer sont escortés par des torpilleurs par crainte des sous-marins [65]. La marine française n’est pas en reste. Dès le 5 octobre, les cinq?croiseurs auxiliaires (Malte, Niagara, Savoie, Lorraine, New Haven) qui acheminent vers Dunkerque 13?665 hommes, 2?171 chevaux et 197 voitures de la 87e Division d’infanterie transitent en « convois » nocturnes et escortés par un croiseur et des torpilleurs de la 2e Escadre [66]. La menace sous-marine commence donc enfin à être prise au sérieux par les marines française et britannique quand il s’agit du transport des troupes. Ce n’est pas encore le cas pour celui des réfugiés belges.

32L’absence initiale d’escorte ne résulte pas seulement de la pénurie en torpilleurs et contre-torpilleurs qui sévit alors dans la Marine nationale, en particulier en Méditerranée [67], mais aussi, et au premier chef, de considérations d’ordre juridique. En effet, escorter ces bâtiments en ferait des cibles militaires, alors que l’Allemagne n’a pas déclaré zone de guerre la Manche et la mer du Nord. Au début du conflit, le respect du droit international constitue en fait aux yeux de la France la meilleure garantie contre les U-Boote. Les conventions de La Haye et de Londres interdisent en effet de couler sans préavis un bâtiment marchand non escorté et imposent de mettre en sécurité équipage et passagers avant tout acte hostile [68]. Pourtant, le 28 octobre, l’Amiral Ganteaume est torpillé devant le port de?Boulogne-sur-Mer [69]. On compte une quarantaine de disparus parmi les 2?000 passagers, mais il est difficile de les identifier car, témoignage supplémentaire de la sous-estimation du danger des U-Boote, il n’a pas été jugé utile de dresser systématiquement une liste des passagers à l’embarquement [70]. Face à un danger désormais avéré et à la panique qui gagne les réfugiés déjà réticents à l’idée de gagner le sud de la France [71], un changement de stratégie s’impose. Tout en refusant de faire systématiquement escorter les bâtiments, l’EMGM/2 donne aussitôt instruction aux commandants du Front de mer de ne faire désormais appareiller que de nuit les navires transportant les réfugiés. En revanche, si les circonstances nécessitaient un départ de jour, alors ils devraient être escortés jusqu’au méridien du Cap de La Hève par des torpilleurs mis à disposition par le VA Rouyer [72]. De fait, il n’y aura pas d’autres torpillages jusqu’à la fin de l’évacuation au début de février 1915. Par chance, le gros de l’opération s’achève juste avant que l’Allemagne ne lance le 18 février une première offensive sous-marine à outrance contre les bâtiments de commerce alliés dans les atterrages britanniques.

Le casse-tête des pêcheurs belges réfugiés à Dunkerque

33L’exode des civils belges touche également les pêcheurs flamands qui trouvent refuge dans les ports français avec leurs bateaux. Les modalités de leur évacuation posent un problème spécifique aux autorités belges et françaises, car ils souhaitent pouvoir poursuivre leur activité et n’acceptent d’être évacués qu’avec leurs navires. Dès le 21 octobre, le directeur général de la Marine belge demande ainsi au directeur de l’Inscription maritime d’autoriser les quelques 106 bâtiments de pêche belges réfugiés à Calais à se répartir sur les ports de la côte normande et à exercer leur activité « pour pouvoir vivre ». Fécamp et Dieppe consultés « confidentiellement » font savoir que cette éventualité ne soulève aucune opposition de la part des pêcheurs français. En marge, EMGM/2 donne son feu vert à la condition que les bateaux belges se conforment aux prescriptions arrêtés pour leurs homologues français [73].

34Le règlement de ce dossier s’avère beaucoup plus compliqué à Dunkerque donnant lieu à des tractations serrées avec les autorités belges en exil et les pêcheurs belges qui y ont trouvé refuge avec leur famille à bord. D’une part, les atterrages de la cité corsaire sont en effet le théâtre d’une véritable guérilla navale entre les Franco-Britanniques et les Allemands [74]. D’autre part, le port est encombré, d’autant que les Britanniques y installent une importante base de ravitaillement pour leur corps expéditionnaire. Le trafic du port explose, les abordages sont nombreux [75]. L’autorité militaire refuse donc de faire une exception et exige une évacuation rapide. Mais, face aux réticences de la population, l’administrateur principal de l’Inscription maritime Zimber, chargé du quartier de Dunkerque, ne parvient qu’à faire diminuer le nombre de bateaux de pêche en le ramenant de 150 à 86.

35Mi-novembre, le gouvernement belge en exil envoie à Dunkerque M. Cuvelier, commissaire maritime en chef du port d’Anvers, pour coopérer avec les autorités françaises afin d’assurer l’évacuation des bateaux restants. Il est alors convenu que les bâtiments les plus importants iront en Grande-Bretagne et qu’un aviso belge viendra prendre les familles pour les conduire à Folkestone. Mais, au dernier moment, cette combinaison avorte. Le Comité anglais de secours aux réfugiés belges initialement favorable au projet affirme qu’il est impossible de les accueillir outre-Manche. D’accord avec les Belges, il est alors décidé d’envoyer les bateaux à Dieppe et Fécamp sous l’escorte de l’aviso embarquant les familles. Alors que le départ est imminent, le ministre belge de la Marine ordonne le 27 novembre au navire de suspendre l’opération. Une délégation de pêcheurs de La Panne et de Nieuport demande au commandant de l’aviso de solliciter auprès des autorités maritimes françaises l’autorisation de désarmer leurs bâtiments dans un coin des bassins et de rentrer chez eux, en laissant une garde suffisante pour l’entretien du matériel. Il s’agit d’une quarantaine de bateaux qui ne peuvent être échoués, sachant que d’autres petits bâtiments à fond plat sont déjà partis s’échouer à La Panne. Ne resteraient alors à Dunkerque qu’une trentaine de navires dont quelques patrons ont manifesté l’intention de gagner Albion à leurs risques et périls. Zimber, suivi par le CV Aubert, commandant du Front de mer de Dunkerque, estime que cette requête est recevable et suggère de donner une réponse favorable avec une garde de dix pêcheurs au maximum. Cette solution donnerait un signal clair aux autres patrons sur leur obligation de désarmer ou d’évacuer [76].

36Le 26 décembre, il reste pourtant encore dix barques de pêcheurs belges dans le port dont le CV Aubert essaie désespérément d’obtenir l’évacuation. Le GQG s’alarme du fait que ces bateaux puissent sortir « à leur convenance » du port tout comme de la présence d’une dizaine de barques échouées à La Panne. Cette situation s’inscrit plus largement dans la question de la surveillance défectueuse de la côte belge. Dès lors, « de concert avec l’autorité belge », les bâtiments sont étroitement surveillés à leur entrée et à leur sortie du port par crainte de contacts avec l’ennemi et soumis aux mêmes restrictions que leurs homologues français sous le contrôle des torpilleurs de la Marine nationale [77]. De leur côté, les barques de La Panne sont surveillées par les Belges [78].

37Il n’en demeure pas moins que le gouvernement en exil refuse toujours de s’incliner et entame le 4 février 1915 une nouvelle démarche auprès du général de division, gouverneur de Dunkerque, par le biais du lieutenant-colonel Genie, chef de la mission française auprès de l’armée belge. Le ministre de la Marine d’Albert 1er demande, de nouveau, que ces artisans belges soient autorisés à stationner à Dunkerque et à pêcher dans les mêmes conditions que leurs homologues français. En cas de réponse négative, l’administration maritime belge réclame qu’il soit fait comme en Grande-Bretagne où, selon elle, toute pêche a été interdite sur certains points de la côte, même aux nationaux. Cette solution aurait pour effet de faire cesser toute revendication de ses ressortissants. Le gouverneur de Dunkerque se retourne alors une nouvelle fois vers le commandant du Front de mer qui donne un avis négatif, avant d’en rendre compte au vice-amiral, commandant en chef, préfet maritime de Cherbourg [79]. L’officier de marine rappelle que, conformément aux ordres reçus, les pêcheurs ont été mis en demeure de quitter le port. Les bateaux de ceux qui n’y ont pas consenti ont été désarmés dans les bassins avec un personnel de garde réduit à un homme pour quatre embarcations. À ses yeux, il ne s’agit en aucune façon d’une attitude discriminatoire envers les pêcheurs belges car, si des Français étaient venus se réfugier dans les ports, eux aussi auraient été évacués. En outre, la police de la rade est déjà suffisamment complexe et il ne convient pas d’ajouter d’autres bateaux de pêche à ceux du port. Dunkerque étant situé dans la zone d’opérations des armées, il est en effet impératif de limiter strictement la liberté de circulation des pêcheurs et de rappeler que le contre-amiral Hood a insisté sur ce point. Il conteste donc les allégations de l’administration maritime belge qui se prévaut des mesures prises par l’Amirauté britannique pour demander des libéralités en faveur de ses ressortissants réfugiés à Dunkerque. Certes, le commandant du Front de mer estimerait pratique d’interdire la pêche aux Français mais, comme cela n’a pas été décidé, « en bonne justice », il ne faut pas imposer aux Dunkerquois « la privation de leur gagne-pain et, par suite, l’obligation probable d’aller exercer ailleurs leur profession », au motif que les Belges doivent évacuer Dunkerque. Il s’agit d’appliquer aux pêcheurs la règle de l’évacuation mise en œuvre jusque-là pour les réfugiés arrivés par voie terrestre [80]. Le gouverneur général approuve les décisions préconisées par son subordonné et il n’est pas donné suite à la requête du gouvernement (belge) du Havre [81]. Pourtant, même en nombre réduit, des pêcheurs belges restent réfugiés à Dunkerque fin 1915 et continuent de pratiquer leur métier, sous l’autorité de leur administration, dans le cadre des restrictions négociées entre les autorités belges, françaises et britanniques [82].

38La gestion de l’évacuation des réfugiés belges offre donc une nouvelle illustration de la mauvaise anticipation du conflit, à commencer par les lacunes de l’intégration de la marine marchande aux opérations militaires ou l’absence de réelle prise en compte de la menace sous-marine. Elle est aussi une nouvelle pièce à verser au dossier déjà bien fourni des limites de la coordination entre armées dans la phase initiale de la guerre, ici au niveau logistique. Cette mission n’ayant pas été anticipée, il faut improviser, sans que jamais la Marine, la Guerre et les armateurs ne parviennent à bâtir un système pérenne et stable. Improvisation permanente donc, mais couronnée de succès semble-t-il car, au-delà des affaires spectaculaires de l’Amiral Ganteaume et de la Tunisie, la masse des réfugiés est évacuée en quatre mois sans incident notable, sans que les opérations militaires n’en pâtissent outre-mesure. Face au choc de la réalité, les différents acteurs s’adaptent. Ils trouvent des compromis, non sans tensions, que ce soit entre marins et militaires ou entre les armées et les armateurs. La gestion de ce dossier, à l’importance certes toute relative, n’en atteste pas moins de la précocité de la rationalisation de la machine de guerre française, un processus marqué par une interarmisation et une centralisation accrues. Elle montre aussi la prégnance des enjeux humanitaires dans la conduite de la guerre. Ils sont pleinement intégrés par les marins, que ce soit au sein des états-majors ou sur le terrain, y compris dans leur dimension diplomatique.

39À ce titre, il serait intéressant de mettre en perspective cet épisode avec la double opération d’évacuation de réfugiés arméniens réalisée en 1909 et en 1915 par la Marine nationale [83]. Au-delà de la première guerre mondiale, depuis le développement de la diplomatie humanitaire à partir du premier tiers du xixe siècle, ce type de mission constitue en effet un élément récurrent de l’activité des principales marines et une dimension non négligeable de la culture professionnelle des marins jusqu’à aujourd’hui [84].


Mots-clés éditeurs : Marine nationale, réfugiés, pêcheurs, marine marchande, évacuation, Belgique, Manche, réquisition, Mer du Nord

Date de mise en ligne : 18/12/2014

https://doi.org/10.3917/rdn.404.0085

Notes

  • [*]
    Jean Martinant de Préneuf, maître de conférences en histoire contemporaine, Université de Lille 3, UMR IRHiS 8529.
  • [1]
    F. Philips, 14-18 en mer. Navires et marins belges pendant la Grande Guerre, Bruxelles, Éditions Racine-Musée royal de l’Armée et d’histoire militaire, 2013, p. 34.
  • [2]
    Note du capitaine de vaisseau (désormais CV) Bousicaux, commandant du Front de mer du Pas-de-Calais au capitaine de frégate, commandant les torpilleurs de Dunkerque, 24 août 1914, Service historique de la Défense (désormais SHD) SS Ta 2. Dès le 4 septembre, le général gouverneur de Dunkerque demande l’envoi de bâtiments pour évacuer 35?000 hommes de Dunkerque et Calais, conscrits ou non, car ils « compromettent absolument défense des places ». Télégramme (désormais Tg) n° 1024 Marine Paris à Amiral gouverneur Le Havre, SHD SS Eb 128.
  • [3]
    CV A. Thomazi, La guerre navale dans la Zone des armées du Nord, Paris, Payot, « Collection de mémoires, études et documents pour servir à l’histoire de l’histoire de la guerre navale », 1925, 259 p., p. 42-45, 53-54 et 56. Pour une vue d’ensemble des flux gigantesques en hommes et en matériels transitant entre la Grande-Bretagne et le Nord de la France, G. Bataille, « L’approvisionnement du front anglais en 1914-1918 », Revue du Nord, 1995, hors-série, n° 9, p. 145-152.
  • [4]
    A. Chatelle, L’effort belge en France pendant la Guerre, Paris, Firmin Didot et Cie, 1934, p. 93-95, voir aussi Dunkerque pendant la guerre 1914-1918, Paris, Picart, 1925, p. 17 et 19-20.
  • [5]
    P. Halpern, A Naval History of World War I, Londres-New York, Routledge, 1995, p. 25.
  • [6]
    B. Rochet et A. Tixhon dir., La petite Belgique dans la Grande Guerre. Une icône, des images, Namur, Presses universitaires de Namur, 2012, 463 p.
  • [7]
    CC S. Chatelain, La place de Cherbourg dans la guerre franco-allemande de 1870-1871 : étude du rôle stratégique d’une place forte maritime, mémoire de maîtrise d’histoire, H. Coutau-Bégarie dir., EPHE, 2007, 121 p.
  • [8]
    M. Amara, Des Belges à l’épreuve de l’exil. Les réfugiés de la première guerre mondiale. France, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, coll. « Histoire », 2008, 422 p. Cette synthèse ne comprend qu’une seule page sur l’évacuation par voie maritime. Elle est le pendant pour la Belgique de l’ouvrage de Ph. Nivet, Les réfugiés français pendant la première guerre mondiale. Les Boches du Nord 1914-1920, Paris, Economica, coll. « Hautes études militaires », 2004, 580 p.
  • [9]
    F. Philips, op. cit., p. 33-38.
  • [10]
    A. Chatelle, Boulogne et sa marine pendant la Grande Guerre, Boulogne-sur-Mer, Imprimeries réunies, Calais pendant la guerre (1914-1918), Calais, Éditions Quillet, 1927, Dunkerque pendant la guerre 1914-1918, op. cit. L’auteur a pu avoir accès aux archives militaires françaises dont celles du tout nouveau Service historique de la Marine créé en 1919.
  • [11]
    M. Motte et J. de Préneuf, « L’écriture de l’histoire navale française à l’époque contemporaine : un modèle national ? », Revue d’histoire maritime, « La recherche internationale en histoire maritime : un essai d’évaluation », nos 10-11, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2011, p. 341-356.
  • [12]
    Le CV Auguste Thomazi évoque le sujet, mais n’y consacre que quelques paragraphes dans sa synthèse déjà citée.
  • [13]
    S. Dupont, Boulogne. Base des Alliés pendant la guerre 1914-1918 à partir du journal « Le Télégramme », mémoire de maîtrise, Yves-Marie Hilaire dir., Université de Lille 3, 1982, 202 p.
  • [14]
    Parmi les archives à consulter (et on ne recense ici que les sources françaises, liste non exhaustive) : Guerre, Intérieur, Affaires étrangères, Chambre des députés et Sénat, archives départementales et municipales, presses nationale et locale, Croix-Rouge française et CICR, échelons portuaires du Service historique de la Défense, compagnies de navigation, Comité central des armateurs de France,…
  • [15]
    M. Amara, op. cit., p. 15.
  • [16]
    T. Vaisset, « Le ministère de la Marine pendant la première guerre mondiale », in A. Chablat-Beylot et A. Sablon du Corail, Archives de la Grande Guerre. Guide des sources conservées par le Service historique de la Défense, Vincennes, SHD, 2014 et CV A. Laurens, Le commandement naval pendant la Grande Guerre, sans date, 2 vol., 1030 p., SHD Bib. VI-12 A 33.
  • [17]
    Contre-amiral (désormais CA) Charlier, gouverneur de la place du Havre, Note pour le directeur de l’Inscription maritime et pour M. le sous-intendant militaire au Havre et copie d’un modèle de lettre à la direction de compagnies de navigation du sous-intendant de 2e classe Villeneuve, rattaché à l’état-major du Commandement supérieur de la défense du Havre, 20 septembre 1914, SHD SS Te 13.
  • [18]
    P. Nivet, « Les réfugiés de guerre dans la société française (1914-1946) », Histoire, économie et société, 2004, vol. 23-2, p. 248.
  • [19]
    P. Halpern, op. cit., p. 35.
  • [20]
    CA Charlier, Note pour le directeur de l’Inscription…, SHD SS Ta 13.
  • [21]
    Lettre n° 19 du CV Bousicaux, commandant du Front de mer de Dunkerque, au directeur de l’Inscription maritime, 31 août 1914, SHD SS Ta 2.
  • [22]
    Lettre n° 21 du CV Bousicaux au général, gouverneur militaire de Dunkerque, 2 septembre 1914, SHD SS Ta 2.
  • [23]
    À titre d’exemples, pas moins de 23?921 hommes, 2?200 chevaux et 327 voitures sont embarqués au Havre sur 17 navires à destination de La Pallice entre le 5 et le 8 août 1914. Le 5 octobre, ce sont les 14?779 hommes, 2?142 chevaux et 224 voitures de la 87e Division qui sont acheminés vers Dunkerque. Dossier « Marine Le Havre. Embarquement de troupes, 1914 », SHD SS Te 13. Le 10 octobre, c’est la 91e Division territoriale qui est acheminée de Cherbourg à Dunkerque, Tg n° 5632 EMGM/2 à Amiral Marseillaise à Cherbourg, SHD SS Eb 128. L’ampleur des rotations ne faiblit pas puisque mi-novembre, on dénombre encore au Havre trente mouvements quotidiens de navires avec un pic de cinquante le 6, lettre du gouverneur au ministre de la Marine, 13 novembre 1914, SHD SS Te 12.
  • [24]
    Notamment onze gros vapeurs sur la façade atlantique qui doivent servir comme croiseurs auxiliaires (3) et éclaireurs auxiliaires grands (3) et moyens (4). Il faut y ajouter onze charbonniers et deux pétroliers pour le ravitaillement des escadres. N’avaient été prévus que deux transports de blessés, dont l’un en Méditerranée. Lieutenant de vaisseau Bard, La mobilisation. Situation des forces navales et répartition stratégique, École de guerre navale, 1925, SHD 1 CC?315, p. 13.
  • [25]
    Lettre n° 16 du CV Bousicaux au CV de Borchgrave, commandant la défense côtière belge, 23 août 1914, SHD SS Ta 2.
  • [26]
    A. Chatelle avance le chiffre de 8?000 conscrits belges évacués à bord de six bateaux (Niagara, Mount Temple, Amiral Magon, Algérien, Bosnian et Kebrem), Dunkerque pendant la Grande Guerre, p. 17 et p. 20. Les archives d’EMGM/2 conservées à Vincennes ne mentionnent que l’évacuation de 6?000 hommes le 6 octobre par les seuls Niagara et Malte. Tg EMGM/2 au VA, commandant en chef (désormais CEC), préfet maritime (désormais PM) Cherbourg, 7 octobre 1914, SHD SS Eb 128.
  • [27]
    Tg n° 6011 de EMGM/2 au commandant du Front de mer de Dunkerque, 14 octobre 1914, SHD SS Eb 128.
  • [28]
    Tg n° 6057 de EMGM/2 aux Affaires étrangères, 15 octobre 1914, SHD SS Eb 128.
  • [29]
    A. Chatelle, L’effort belge, p. 93-94 et p. 104 cité par M. Amara, op. cit., p. 82.
  • [30]
    Minute d’un coup de téléphone du gouverneur de Boulogne, 16 octobre 1914, SHD SS Te 13. M. Amara, reprenant Albert Chatelle, avance le chiffre de 80?000, op. cit., p. 82.
  • [31]
    Lettre n° 2415 du général Graziani, État-major de l’Armée, 4e Bureau, 2e section, au ministre de la Marine, Bordeaux le 17 octobre 1914, SHD SS Eb 128.
  • [32]
    Lettre n° 124 CV Aubert au VA, CEC, PM du 1er Arrondissement, 18 décembre 1914, SHD SS Ta 2.
  • [33]
    Lettre n° 962, du 17 octobre 1914 du général Graziani à EMG/2. En novembre, ce nombre passe à quatre. Le total de blessés évacués de Dunkerque quotidiennement s’élève à 1?800 début novembre, lettre n° 3386 EMA/4 1re Section Gal Graziani à EMGM/2 du 4 novembre 1914, SHD SS Eb 128.
  • [34]
    Lettre n° 8284 à EMGM/2 du 17 octobre 1914, SHD SS Eb 128.
  • [35]
    Lettre du CA Charlier, gouverneur du Havre, commandant supérieur de la défense, au cabinet du ministre de la Marine (service de la marine marchande) du 8 décembre 1914, SHD SS Te 12.
  • [36]
    Lettre du commandant du Front de mer Dunkerque au sous-intendant militaire, 1er novembre 1914, SHD SS Ta 2.
  • [37]
    Lettre du CA Charlier, gouverneur du Havre, commandant supérieur de la défense, au cabinet du ministre de la Marine (Service de la Marine marchande) du 8 décembre 1914, SHD SS Eb 128.
  • [38]
    Lettre n° 115 à EMGM/2, 16 décembre 1914, SHD SS Ta 2.
  • [39]
    Lettre n° 107 du CV Aubert au gouverneur de Dunkerque, 14 décembre 1914, SHD SS Ta 2.
  • [40]
    Tg n° 6931 du 29 octobre à 11?h?10, SHD SHD SS Eb 128.
  • [41]
    Copie d’un Tg reçu au cabinet du ministre de la Guerre, 26 octobre 1914 et Tg n° 96, commandant du Front de mer de Calais à Marine Bordeaux, 19 octobre 1914, SS Eb 128.
  • [42]
    Par exemple, 12?500 rations journalières pour les 2?500 réfugiés embarqués sur le Malte mi-décembre. Lettre n° 107 du CV Aubert au général gouverneur de Dunkerque, 14 décembre 1914, SHD SS Ta 2.
  • [43]
    Lettre n° 166 au CA Charlier, gouverneur du Havre, 24 octobre 1914, SHD SS Te 12.
  • [44]
    P. Halpern, op. cit., p. 34-35.
  • [45]
    Lettre n° 122 au VA, CEC, PM Cherbourg, 18 décembre 1914, SHD SS Ta 2.
  • [46]
    Lettre des Chargeurs réunis à la Direction de la Marine marchande, 29 décembre 1914, SHD SS EB 128.
  • [47]
    Lettre n° 992 du VA Berryer à EMGM/3 du 29 novembre 1914, SS Eb 128.
  • [48]
    M. Amara, op. cit., p. 51.
  • [49]
    Lettre du ministre de la Guerre (4e Bureau-2e Section) au ministre de la Marine, 8 décembre 1914, SHD SS Eb 128.
  • [50]
    Note du CV H. Salaün à EMGM/2, 9 décembre 1914, SHD Eb 128.
  • [51]
    Lettre n° 115 du commandant du Front de mer de Dunkerque à EMGM/2, 16 décembre 1914, SHD SS Ta 2.
  • [52]
    EMGM/2-Marine marchande au vice-amiral, commandant en chef, préfet maritime de Cherbourg, 31 décembre 1914, SHD SS Eb 128.
  • [53]
    EMGM/4, Note pour la Direction militaire des Services des Travaux, constructions navales, réparations, 11 janvier 1915 et lettre de G. Ramazotti, directeur central des Constructions navales, au directeur de l’Inscription maritime du Havre, 15 février 1915. SHD SS Eb 128.
  • [54]
    CF Martel, commandant du Front de mer de Calais, lettre n° 177 au VA, CEC, PM de Cherbourg, 1er février 1915, SHD SS Eb 128.
  • [55]
    EMGM/2, lettre au VA, CEC, PM de Cherbourg, 5 janvier 1915, SHD SS Eb 128.
  • [56]
    CV de La Taste, commandant du port de La Pallice, lettre au ministre de la Marine, 1er mars 1915 et lettre du médecin de 1re classe de la Marine Robin au CV de La Taste, 28 février 1915, SHD SS Eb 128. Il est impossible toutefois de dresser des statistiques sur l’état sanitaire des réfugiés à partir des archives centrales de la Marine.
  • [57]
    Lettre EMGM/2 DMSF – Intendance maritime – approvisionnements, signée par le VA Aubert, sous-chef d’état-major général de la Marine, au CV de La Taste, commandant du Front de mer à La Rochelle, 19 janvier 1915, SHD SS Eb 128.
  • [58]
    EMGM/2, lettre au VA, CEC, PM de Cherbourg, 31 janvier 1915, SHD SS Eb 128.
  • [59]
    Tg n° 945 EMGM/2 à Aubert du 30 janvier 1914 et lettre n° 197 à l’agent général de la Compagnie des Chargeurs réunis, 1er février 1915, SHD SS Ta 2.
  • [60]
    Début janvier 1915, Outre l’Amiral Hamelin, le Caravellas et l’Amiral Ganteaume affectés au service des réfugiés, la compagnie des Chargeurs Réunis a également vu réquisitionner le Malte qui sert comme croiseur auxiliaire ainsi que le Ceylan, l’Amiral Duperré et le Tchad utilisés comme navires-hôpitaux, soit sept bâtiments sur les trente qui composent sa flotte. Lettre au ministre de la Marine, 6 janvier 1915, SHD SS Eb 128.
  • [61]
    EMGM/2, Note pour la Marine marchande, 26 janvier et 9 février 1915, brouillon d’une lettre au PM de Cherbourg, 25 février 1915. SHD SS Eb 128.
  • [62]
    EMGM/2, Note pour Monsieur le vice-amiral, chef d’état-major général, 13 février 1915. SHD SS Eb 128.
  • [63]
    A. Chatelle, L’effort belge, p. 93-95 et p. 104 cité par M. Amara, op. cit., p. 82.
  • [64]
    Tableau réalisé à partir des ordres du gouverneur du Havre conservés en SS Te 12 et 13 précisant le nombre de repas devant être embarqués à bord, puis complété à partir des listes parcellaires établies par EMGM/2 et sa correspondance départ, SHD SS Eb 128. À compter du 31 décembre 1914, les navires assurant l’évacuation sont invités à se ravitailler d’abord à Cherbourg et à ne recourir au Havre qu’à défaut. Or, nous ne disposons pas des archives du port de Cherbourg et de La Rochelle pour l’année 1914 dans les archives de la sous-série SS T conservées à Vincennes. Les archives des échelons du SHD à Cherbourg et à Rochefort permettraient sans doute de combler cette lacune de même que celles des armateurs, à commencer par celles des Chargeurs réunis.
  • [65]
    A. Thomazi, op. cit. p. 47-48 et p. 58-59.
  • [66]
    Voir notamment, CA gouverneur du Havre, Instructions aux commandants de la Savoie, de la Lorraine, du Niagara, du Malte, du New Haven et à l’Inscription maritime, 5 et 6 octobre 1914, SHD SS Te 13.
  • [67]
    Voir par exemple les difficultés rencontrées au même moment par l’Armée navale en Adriatique, T. Vaisset, « Interdire la mer ou s’interdire la mer ? La Marine nationale et le blocus du canal d’Otrante (août 1914-mai 1915) », in J. de Préneuf, É. Grove et A. Lambert dir., Entre terre et mer. L’occupation militaire des espaces maritimes et littoraux en Europe de l’époque moderne à nos jours, Paris, Economica, coll. « Bibliothèque stratégique », 2014, p. 358.
  • [68]
    M. Motte, « La guerre au commerce maritime : un exemple de violence contre les civils (1914-1945) », in M. Motte et F. Thébaut dir., Guerres, idéologies, populations, 1911-1946, Paris, L’Harmattan, 2005, coll. « Cahiers d’histoire de Saint-Cyr Coetquidan », p. 87 et sqq.
  • [69]
    Au terme d’âpres négociations entre la Marine, les assureurs et les entreprises spécialisées, l’Amiral Ganteaume est finalement renfloué en mars 1915 quand il apparaît que cette solution s’avère moins coûteuse qu’une indemnisation de l’armateur. Le bâtiment est ensuite affecté au transport des troupes du front d’Orient en septembre 1915. Sur ce dossier, voir SHD SS Y 105.
  • [70]
    EMGM/2, note pour le chef du cabinet civil du ministre de la Marine, 14 décembre 1914, SHD SS Eb 128.
  • [71]
    Sur ces réticences et les mesures prises à Calais pour contraindre les Belges au départ, voir A. Chatelle, Calais…, p. 25-30.
  • [72]
    Lettres nos 62 et 67 de CV Bousicaux, commandant du Front de mer à Dunkerque, au CF, commandant du Front de mer du Pas-de-Calais à Boulogne-sur-Mer, 28 et 30 octobre 1914, SHD SS Ta 2.
  • [73]
    Tg à Marine Bordeaux du 21 octobre 1914 à 19?h?14, SHD SS Eb 128.
  • [74]
    O. Gomez, « Tranchées mouvantes »… Les équipages des torpilleurs français en Manche et à Dunkerque (1914-1918), mémoire de master 2, Thierry Bonzon et Jean de Préneuf dir., Université de Marne-la-Vallée, 2009, 247 p.
  • [75]
    Lettre n° 148 au VA PM Cherbourg, 2 janvier 1915, SS Ta 2.
  • [76]
    Copie d’une lettre au directeur de l’Inscription maritime à Dunkerque, Nissen, 27 novembre 1914 et lettre n° 88 du CV Aubert au général gouverneur, 28 novembre 1914, SHD SS Ta 2.
  • [77]
    Interdiction de toute pêche et navigation de nuit, contrôle des absences et sanctions en cas d’infraction pouvant aller jusqu’à la confiscation, interdiction d’embarquer essence ou pétrole pouvant servir au ravitaillement des sous-marins allemands. Lettre n° 179 du CV Aubert au LCL chef de la mission militaire française auprès du GQG belge à Furnes, 21 janvier 1915, SHD SS Ta 2.
  • [78]
    Lettre n° 202 du VA Rouyer au CV Aubert du 24 décembre et Tg n° 704 Aubert à MDM, 26 décembre, SHD SS Ta 2.
  • [79]
    CV Aubert, lettre n° 212 du 10 février 1915, SHD SS Ta 2.
  • [80]
    Lettre n° 203 du 4 février 1915, SHD SS Ta 2.
  • [81]
    Lettre n° 218 au VA, CEC, PM du 1er Arrondissement, 14 février 1915, SHD SS Ta 2.
  • [82]
    Lettres n° 520 du commandant du Front de mer de Dunkerque au LCL Genie, chef de la Mission militaire française auprès de l’armée belge, 30 octobre 1915 et n° 508 au CV Barthes, commandant la Flottille des chalutiers de la Manche, 23 octobre 1915, SHD SS Ta 2.
  • [83]
    Sur ce double épisode, voir l’ouvrage militant et bien informé de G. Kévorkian, La flotte au secours des Arméniens en 1909 et en 1915, Paris, Marine Éditions, 2008, 127 p.
  • [84]
    H. Coutau-Bégarie, Le meilleur des ambassadeurs. Théorie et pratique de la diplomatie navale, Paris, Economica, coll. « Bibliothèque stratégique », 2010, p. 41 et 58 pour les aspects théoriques, p. 115-121 pour les très nombreuses opérations d’évacuations réalisées par la Marine nationale depuis le milieu des années 1970.

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