Couverture de RDN_397

Article de revue

Le corps martyr des femmes. Le témoignage des hommes au chevet de leur épouse (XVIe-XVIIIe siècle)

Pages 899 à 925

Notes

  • [*]
    Élisabeth Arnoul, ingénieur d’études CNRS, Centre Roland Mousnier - UMR 8596, Université Paris-Sorbonne, 1, rue Victor Cousin, 75230 Paris Cedex 05.
  • [1]
    Les écrits du for privé, aussi appelés ego-documents, écrits personnels ou intimes, sont des textes non-fictionnels produits généralement par des gens ordinaires. Ils regroupent les livres de raison, les journaux de toute nature (personnel ou « intime », de voyage, de campagne, de prison…), les mémoires, et, d’une manière générale, tous les textes produits hors institution. Ce type de documents fait l’objet, depuis 2003, d’un recensement descriptif, dirigé par le Centre de Recherches sur les écrits du for privé du Centre Roland Mousnier, Paris-Sorbonne. Cf. E. Arnoul, R. Renard-Foultier, F.-J. Ruggiu, « Les écrits du for privé en France de la fin du Moyen Âge à 1914 : bilan d’une enquête scientifique en cours. Résultats de 2008-2010 », L’historien face au manuscrit, F. Henryot (éd.), Presses Universitaires de Louvain, 2012, p. 167-188 ; E. Arnoul, F.-J. Ruggiu, « Les écrits du for privé. Un projet national », Les Carnets du LARHRA, 2012-1, p. 31-39. Cet inventaire analytique des écrits du for privé en France de la fin du Moyen Âge à 1914 est en ligne : http://inventaire.ecritsduforprive.fr
  • [2]
    Ces observations ont été faites dans le cadre d’un DEA, soutenu en 2003, sous la direction de J.-P. Bardet, Université Paris-Sorbonne : E. Arnoul, Le veuvage masculin à travers les écrits du for privé (xvie-xviiie siècle), DEA, 2003. Cinq cent quarante-trois publications de journaux et livres de raison rédigés à l’époque moderne ont été consultées (ce corpus se composant en grande partie des publications des Sociétés Savantes du derniers tiers du xixe siècle ; cf. la communication de Michel Cassan, « Les livres de raison, invention historiographique, usages historiques », J.-P. Bardet et F.-J. Ruggiu (dir.), Au plus près du secret des cœurs ?, PUPS, 2005, p. 15-28), complétées par le choix d’une dizaine de mémorialistes représentés sur les trois siècles. Sur cette masse, nous avions pu retenir un peu plus de cent trente publications comportant un ou plusieurs témoignages concernant directement notre sujet.
  • [3]
    Nous distinguons ici, un marchand, un artisan, deux professeurs, des notaires, des avocats, officiers et magistrats, ou bien des hommes appartenant à la noblesse. Sur la question de la représentativité des auteurs, nous renvoyons au chapitre 3 « De plume, d’encre et de papier : le scripteur et son livre », de l’étude de S. Mouysset, Papiers de famille. Introduction à l’étude des livres de raison (France, xve-xixe siècle), PUR, 2008, p. 105-155 et à l’article de M. Cassan, « Les livres de raison, invention historiographique, usages historiques », J.-P. Bardet et F.-J. Ruggiu (dir.), Au plus près du secret des cœurs ?, ibid., p. 16 : « Les auteurs de livres de raison sont massivement des provinciaux, des hommes ordinaires, connus à l’échelle de leur petite ville mais plongés dans l’anonymat à l’échelle du pays ».
  • [4]
    Cf. I. Robin Romero, « La santé dans les écrits du for privé », J.-P. Bardet et F.-J. Ruggiu (dir.), Au plus près du secret des cœurs ?, ibid., p. 165-183 ; S. Mouysset, « Maux dits, maux écrits : du soin de soi à l’attention aux autres dans les écrits du for privé français, xve-xviiie siècle », Antonio Castillo Gomez (dir.), El legado de Mnemosyne. Las escrituras del yo a través del tiempo, Ediciones Trea, 2007, p. 17-37.
  • [5]
    Le 9 janvier 1603.
  • [6]
    A. Ledieu, « Le livre de raison d’un magistrat picard (1601-1602) », Bulletin de la Société d’émulation d’Abbeville, 1889, p. 223-224.
  • [7]
    Intervalle intergénésique moyen de 18 mois.
  • [8]
    Vésicatoire : adj. et nom masculin, se disait d’un médicament externe faisant apparaître des vésicules sur la peau.
  • [9]
    J. Tiolier, Journal de Jean Tiolier, conseiller, habitant de Clermont (1772-1789), 1904-1905, p. 276.
  • [10]
    P. Parfouru, G. Vallée, Mémoires de Charles Gouyon, baron de La Moussaye (1553-1587) : Brief discours de la vie de tres sage et tres vertuze dame Madame Claude du Chastel, rédigée par escrit par Charles Gouyon son mary, pour servir de memoire à ses enfans et postérité, 1901, p. 142.
  • [11]
    Emmanuel duc de Croÿ, Journal inédit du duc de Croÿ (1718-1784), publié d’après le manuscrit autographe conservé à la bibliothèque de l’Institut par Emmanuel-Henri de Grouch, Paris, Flammarion, 1906, t. 1, p. 49.
  • [12]
    R. Sauzet, Le notaire et son roi, Étienne Borrelly (1633-1718), un Nîmois sous Louis XIV, Paris, Plon, 1998, p. 57.
  • [13]
    Ibid.
  • [14]
    Ibid.
  • [15]
    Ibid.
  • [16]
    Ibid.
  • [17]
    Ibid.
  • [18]
    J. Lecuir, « De la qualité de la vie de la femme » dans « La qualité de la vie d’après les Mémoires et livres de raison », La qualité de la vie au xviie siècle, 7e colloque de Marseille, 1977, p. 147.
  • [19]
    S. Beauvalet, « La mort en couches », La démographie de l’époque moderne, 1999, p. 163-164 ; J. Dupâquier (dir.), « La mortalité en couches », Histoire de la population française, 1988, t. 2, p. 238-239.
  • [20]
    Sur l’expérience de la grossesse et de l’accouchement, nous renvoyons aux récents travaux d’Emmanuelle Berthiaud, et notamment à la lecture des récits de vie féminins et correspondances familiale : « Grossesse désirée, grossesse imposée : le vécu de la grossesse aux xviiie-xixe siècles en France dans les écrits féminins privés », Histoire Économie Société, n° 4, décembre 2009, p. 35-49 ; « Les solidarités autour des femmes enceintes dans les écrits du for privé aux xviiie et xixe siècles », J.-P. Bardet, E. Arnoul et F.-J. Ruggiu (dir.), Les écrits du for privé en Europe du Moyen Âge à l’époque contemporaine. Recenser, Analyser, Éditer, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2010, p. 283-300 ; « Attendre un enfant » : vécu et représentations de la grossesse aux xviiie et xixe siècles (France), thèse de doctorat d’histoire moderne et contemporaine à l’université de Picardie-Jules-Verne sous la direction de Scarlett Beauvalet, décembre 2011.
  • [21]
    M. Richard, Mémoires d’Isaac de Bostaquet, gentilhomme normand, sur les temps qui ont précédé et suivi la révocation de l’Édit de Nantes, Mercure de France, 1968, p. 71.
  • [22]
    Ibid., p. 91.
  • [23]
    Cité par F. Lebrun, La vie conjugale sous l’Ancien Régime, 1975, p. 115.
  • [24]
    J. Boulaud, « Le livre de raison de Grégoire Benoist de Lostende (1677-1754) », Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, t. 59, 1909-1910, p. 116.
  • [25]
    Cité par F. Lebrun, La vie conjugale…, op. cit., p. 115.
  • [26]
    Il semblerait « que l’on doive la première opération césarienne à un châtreur de porcs de Thurgovie, dans les années 1500 qui se vit la pratiquer sur son épouse pour la sauver », S. Beauvalet, La démographie…, op. cit., p. 169. Sur la naissance et les techniques d’accouchements à l’époque moderne : J. Gélis, Accoucheur de campagne sous le roi soleil. Le traité d’accouchement de Guillaume Mauquest de la Motte, 1979 ; L’arbre et le fruit. La naissance dans l’Occident moderne, xvie-xixe siècles, 1984 ; M. Laget, Naissances. L’accouchement avant l’âge de la clinique, 1982.
  • [27]
    Le Mau de Talancé, « Le livre de raison des Deschamps et des Lemau, seigneur de Talancé en Beaujolais », Bulletin de la Société des Sciences et Arts du Beaujolais, 1909, t. X, p. 205.
  • [28]
    S. Beauvalet, La démographie…, op. cit., p. 169.
  • [29]
    A. de Charmasse, M. de Chizy, « Journal de Noé Lacroix, chalonnais (1610-1631) », Mémoires de la société d’histoire et d’archéologie de Chalon-sur-Saône, 1883-1888, t. 7, p. 32.
  • [30]
    « Jusqu’au milieu du xviie siècle, on avait utilisé des pinces, les « tenettes » pour extraire les enfants morts et ceux qu’on n’arrivait pas à faire naître. Le premier forceps obstétrical est conçu vers 1665 : c’est un instrument à deux branches séparables, courtes et droites, qu’on applique sur la tête de l’enfant et qui permet de tirer progressivement sans lâcher prise. Au milieu du xviiie siècle des innovations, réalisées simultanément en France et en Angleterre par Levret et Smellie, allaient donner au forceps toute son efficacité et entraîner sa diffusion », S. Beauvalet, La démographie…, op. cit., p. 167.
  • [31]
    A. Baudon, Le livre de raison de Jacques-Quentin Durand, avocat et bourgeois de Rethel au xviiie siècle, 1898, p. 9-11.
  • [32]
    Ibid. p. 11.
  • [33]
    Mémoires d’Isaac de Bostaquet, op. cit., p. 53.
  • [34]
    P. Parfouru, G. Vallée, Mémoires de Charles Gouyon, baron de La Moussaye, op. cit., p. 147.
  • [35]
    Ch. Aurenche, Mémoires d’Isaac Meissonier (1630-1709), suivis d’extraits de son livre de raison, 1661-1674, Aubenas, 1916, p. 68.
  • [36]
    J. de La Prairie, « Livre domestique de la famille Du Tour, de Soissons », Bulletin de la Société archéologique, histoire et scientifique de Soissons, t. 3, 2e s., 1872, p. 63.
  • [37]
    L. Sahler, « Le livre de comptes de Samuel Méquillet (1690-1739) », Revue d’Alsace, 1881, p. 57.
  • [38]
    A. Fillon, Louis Simon, villageois de l’ancienne France, Éditions Ouest-France, 1996, p. 81.
  • [39]
    E. Arnoul, « La vie sans elle. Veuvage et solitude des hommes dans la France moderne », dans J.-P. Bardet, E. Arnoul et F.-J. Ruggiu (dir.), Les écrits du for privé en Europe, op. cit., 207-225.
  • [40]
    « La mort, quelle qu’elle soit, est toujours Nex, fin brutale, et il n’y a pas sous ce rapport de différence essentielle entre un coup de poignard et la douce extinction d’un vieillard chargé d’ans, entre la mort foudroyante et l’Adagio des morts graduelles », V. Jankelevitch, La mort, Champs Flammarion, [1977], 2001, p. 282.
  • [41]
    M.-T. Allemand-Gay, Un magistrat lorrain au xviiie siècle : le premier président de Cœurderoy, 1783-1800, et son diaire, 1997, p. 298.
  • [42]
    R. de Betz, Les Livres de raison des Spoelberch, 1563-1783, Tongres, 1935, p. 58.
  • [43]
    Ses filles ont atteint l’âge de la majorité.
  • [44]
    P. Ariès, L’homme devant la mort, Éditions du Seuil, 1977, Points Histoire, 1985, t. 1, p. 18.
  • [45]
    H. Dugon, Daniel de La Motte Rouge. Récit inédit de la bataille de Saint-Cast et souvenirs sur la vie à Plancoët au xviiie siècle, d’après le livre de raison du sénéchal de Lantillais, Saint-Brieuc, 1950, p. 20.
  • [46]
    L. Guibert, « Livre de raison de Jean-Baptiste Couloumy, notaire à Saint-Pantaléon, et de Beauregard, son gendre (1759-1830) », Nouveau recueil de registres domestiques limousins et marchois, 1895, t. 2, p. 283.
  • [47]
    L. Sahler, « Le livre de comptes de Samuel Méquillet (1690-1739) », op. cit., p. 56-57.
  • [48]
    M.-F. Augagneur, Vivre le deuil : de la désorganisation à une réorganisation, Lyon, Éd. Chronique sociale, 1991, p. 47.
  • [49]
    H. Jadart, « Journalier de Jean Maillefer fils (1679-1716) », Mémoires de Jean Maillefer, Négociant et Bourgeois de Reims au xviie siècle continués par son fils jusqu’en 1716, Travaux de l’Académie nationale de Reims, 1887-1888, vol. 84, t. 2, p. 315.
  • [50]
    A. Baudon, Le livre de raison de Jacques-Quentin Durand, op. cit., p. 8.
  • [51]
    M. Fumaroli, Mémoires de Henri de Campion, Paris, Mercure de France, 1967, p. 223.
  • [52]
    B. Cottret, Mémoires d’une Famille Huguenote victime de la révocation de l’édit de Nantes, Les Presses du Languedoc, Montpellier, 1992, p. 221.
  • [53]
    Mémoires d’Isaac de Bostaquet, op. cit., p. 71.
  • [54]
    « L’Adieu passionne les relations humaines et leur confère la haute tension du romanesque ou du tragique. Car si l’absence qui résulte de la séparation peut s’appeler tragédie, la séparation qui préludait à l’absence est le tragique lui-même ; le tragique de cette tragédie », V. Jankélévitch, La mort, op. cit., p. 326.
  • [55]
    N. Weiss, H. Clouzot, Les dragonnades en Poitou. Journal de Jean Migault, maître d’école (1681-1688), 1910, p. 112-115.
  • [56]
    « Pour comprendre l’attention portée par toute une époque à l’instant même de la mort, il faut voir ce que cet instant même représente pour la plupart. Dans une dialectique ambiguë, on peut dire que tout l’exercice d’une vie peut ne servir de rien, car tout peut être perdu – ou sauvé – à la mort », M. Vovelle, Mourir autrefois. Attitudes collectives devant la mort aux xviie et xviiie siècles, 1974, folio histoire [1990], p. 82.
  • [57]
    Ch. Pradel, « Le livre de raison de Jean de Bouffard Madiane (1619-1673) », Bulletin de la société d’histoire du protestantisme français, t. 56, 1907, p. 45.
  • [58]
    Ch. Aurenche, Mémoires d’Isaac Meissonier, op. cit., p. 42.
  • [59]
    Ch. de Ribbe, « Livre de raison de Joseph de Garidel docteur en droit, procureur du pays de Provence », La famille et la société en France, avant la révolution, d’après des documents originaux, 1874, t. 2, p. 188.
  • [60]
    J.-M. Lavorel, Études sur la famille d’autrefois. Le livre de raison de François Quisard (1751-1793), 1902, 30 p.
  • [61]
    A. Ledieu, « Le livre de raison d’un maïeur d’Abbeville (1545-1613), (Antoine Rohault) », Mémoires de la Société d’émulation d’Abbeville, 1894-1897, p. 183.
  • [62]
    Ch. de Ribbe, Livre de raison de Joseph de Garidel, op. cit., p. 188.
  • [63]
    Ch. Aurenche, Mémoires d’Isaac Meissonier, op. cit., p. 42.
  • [64]
    L. Sahler, « Le livre de comptes de Samuel Méquillet (1690-1739) », op. cit., p. 57.
  • [65]
    J.-M. Lavorel, Études sur la famille d’autrefois. Le livre de raison de François Quisard, op. cit., 30 p.
  • [66]
    N. Weiss, H. Clouzot, Les dragonnades en Poitou. Journal de Jean Migault, op. cit., p. 114-116.
  • [67]
    E. Arnoul, « Se souvenir d’elles. Portraits de femmes dans les écrits du for privé », Écritures de familles, écritures de soi (France-Italie, xvie-xixe siècles), M. Cassan (dir.), PULIM, 2011, p. 37-57.
  • [68]
    Elles succèdent à celles des artes moriendi du second Moyen Âge où les chambres étaient envahies « par les puissances du ciel et de l’enfer, par les souvenirs de la vie et des délires diaboliques ». Elle n’en a « ni l’agitation ni l’intensité », P. Ariès, op. cit., p. 22.
  • [69]
    P. Ariès, op. cit., p. 22.
  • [70]
    Ch. de Ribbe, Livre de raison de Joseph de Garidel, op. cit., p. 188-189.
  • [71]
    J. de La Prairie, Livre domestique de la famille Du Tour, de Soissons, op. cit., p. 57.
  • [72]
    Ch. Loriquet, « Journalier ou Mémoires de Jean Pussot (1568-1625), maître charpentier en La Couture de Reims », Travaux de l’Académie de Reims, 1858, p. 189.
  • [73]
    P. Parfouru, G. Vallée, Mémoires de Charles Gouyon, baron de La Moussaye, op. cit., p. 147.
  • [74]
    Ibid., p. 146.
  • [75]
    N. Weiss, H. Clouzot, Les dragonnades en Poitou. Journal de Jean Migault, op. cit., p. 113.
  • [76]
    P. Ariès, Essais sur l’histoire de la mort…, op. cit., p. 17-31. Et L’homme devant la mort, op. cit., t. 1, p. 13-36.
  • [77]
    Ch. Aurenche, Mémoires d’Isaac Meissonier, op. cit., p. 68.
  • [78]
    Ibid.
  • [79]
    J. Crespin (1520-1572), Histoire des martyrs, Genève, [1597, 1608], 1619, éditée pour la 1re fois à Genève en 1554 sous le titre : « Le Livre des martyrs ».
  • [80]
    C. Drelincourt (pasteur, pseud. Philalèthe) (1595-1669), Les Consolations de l’âme fidèle contre les frayeurs de la mort, avec les dispositions et préparations pour bien mourir, Saumur, [1651], 1670. 11e éd.
  • [81]
    N. Weiss, H. Clouzot, Les dragonades en Poitou. Journal de Jean Migault, op. cit., p. 114.
  • [82]
    Le Père É. Binet, Consolation et resjouissance pour les malades et personnes affligées (…), 1617 [2e éd. revue et augmentée]. [Sixième édition, 1624, 1625, 1626, 1627, 1642, 1656…].
  • [83]
    F. de Sales, Introduction à la vie dévote, [1609], chapitre XIII, Gallimard, Pléiade, 1965, p. 55-56, cité par S. Beauvalet, La démographie…, op. cit., p. 270.
  • [84]
    Ch. Aurenche, Mémoires d’Isaac Meissonier, op. cit., p. 42.
  • [85]
    R. Sauzet, Le notaire et son roi, Étienne Borrelly, op. cit., p. 56.
  • [86]
    L. Guibert, « Second livre de raison de Jean Texendier (1662-1680), continué par Jean-Baptiste Texendier de Losmonerie son petit-fils (1684-1703) », Livres de raison, registres de famille et journaux individuels limousins et marchois, 1888, p. 387-407.
  • [87]
    N. Weiss, H. Clouzot, « Journal d’un professeur à l’Université de Dijon (1742-1774), (Jean-Baptiste Micault) », Mémoires de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, t. 9, p. 204.
  • [88]
    A. de Mahuet, « Journaliers de la famille de Marcol (1672-1786) », Mémoires de la Société d’archéologie lorraine et du musée historique lorrain, t. 59, 1909, p. 397.
  • [89]
    P. Ariès, L’homme devant la mort, op. cit., t. 1. p. 39.
  • [90]
    Sur la question des pratiques médicales et des relations médecins/patients à la fin de l’époque moderne, nous renvoyons aux travaux de M. Louis-Courvoisier, « Le malade et son médecin : le cadre de la relation thérapeutique dans la deuxième moitié du xviiie siècle », Bulletin canadien d’histoire de la médecine, 2001, 18 : 277-96 ; « Quelques traces de liens familiaux dans les consultations épistolaires envoyées au Dr Tissot (1728-1797) » dans P. Henry et J.-P. Jelmini, La Correspondance familiale en Suisse romande aux xviiie et xixe siècles ; affectivité, sociabilité, réseaux, Neuchâtel, Alphil, 2006, p. 191-207 ; « Rhabilleurs, experts, chirurgiens, sages-femmes et pasteurs : les malades et leurs soignants en Suisse romande au xviiie siècle » dans V. Barras et M. Louis-Courvoisier, La médecine des Lumières ; tout autour de Tissot, Genève, Bibliothèque d’histoire des Sciences, p. 187-200 ; « Comment un chirurgien soigne-t-il et guérit-il ses malades à la fin du xviiie siècle ? » dans O. Faure et A. Opinel, Les thérapeutiques : savoirs et usages, Lyon, p. 195-207.
  • [91]
    « Les rapports des médecins de la Société Royale de médecine au retour de leurs visites dans toute la France relèvent d’un genre particulier où, au récit des maladies vues, s’adjoint de la sidération sur tout ce qui peut s’échapper du corps ou entrer en lui : une vision d’apocalypse ne serait pas différente de celles données par les médecins. », A. Farge, Effusion et tourment, le récit des corps. Histoire du peuple au xviiie siècle, Odile Jacob, 2007, p. 175.
  • [92]
    Les thèses sur les sentiments d’indifférence à l’égard des enfants par exemple ont été récusées, et ce déjà pour l’époque médiévale, notamment par P. Riché, Éducation et culture dans l’Occident barbare (vie-xviie siècles), 1962 ; J.-L. Flandrin, « Enfant et société », Annales ESC, 19e année, n° 2, mars-avril 1964, p. 322-329 ; D. Alexandre-Bidon, « Grandeur et renaissance du sentiment de l’enfance au Moyen Âge », Éducations médiévales, l’enfance, l’école, l’Église en Occident (vie-xve siècles), numéro spécial de la revue Histoire de l’Éducation, INRP, 1991, p. 39-63. Il convient désormais de considérer que cette rhétorique, certes valorisante pour l’individu qui regarde dans le passé, participe d’une vision trop réductrice et probablement orientée : « Le besoin enfoui en nous de croire que l’amour pour les enfants est une conquête récente, manière d’ennoblir notre histoire contemporaine par ailleurs bien tragique, est peut-être à l’origine de la méprise qui a laissé croire à l’absence d’amour et de tendresse à l’égard des enfants des temps anciens », D. Alexandre-Bidon et D. Lett, Les enfants au Moyen Âge (ve-xve siècles), 1997, p. 10.
  • [93]
    P. Aries, L’Homme devant la mort, Paris, [Point Seuil], 1985, t. 2, p. 181.
  • [94]
    « Décidément on ne dit pas, on n’écrit pas sa douleur, mais elle est. Il faut y insister car, en dépit de son épaisseur, le dossier de l’indifférence qu’après tant d’autres j’ai instruit se trouve considérablement affaibli (…) Nier cette douleur au profit d’une « indifférence » serait témoigner d’un formidable mépris » (…) L’indifférence devant la mort n’est qu’un masque. » A. Croix, La Bretagne aux xvie et xviie siècles. La Vie, la Mort, la Foi, 1981, p. 1093.
  • [95]
    « Le premier [stéréotype] est sans doute celui de l’insensibilité à la mort des hommes et des femmes pour qui elle est un spectacle quotidien : une image qui demande à être nuancée. » M. Vovelle, La mort et l’Occident de 1300 à nos jours, 1983, p. 270.
  • [96]
    M. Vovelle, ibid., p. 270.
  • [97]
    L’Art de se consoler sur les accidents de la vie et de la mort, ou le Stoïcien orthodoxe, par Le Sieur B.D.L.H., F. et P. de Laulne, 1694, (12)-299 p. cité par R. Favre, La mort dans la littérature et la pensée françaises au xviiie siècle, 1976, thèse, Paris IV, p. 23.
  • [98]
    M. Vovelle, ibid., p. 275.
  • [99]
    Le livre de raison de la famille d’Aubermont, suivi de corrections pour la généalogie de cette famille, 1896, 32 p., pub. par Du Chastel.
  • [100]
    M. Foisil, « L’écriture du for privé » Histoire de la vie privée, t. 3, Points Histoire, 1999, [Éditions du Seuil, 1985], p. 341.
  • [101]
    Le livre de raison de G. B. de Lostende (1677-1754), op. cit., p. 75-129.
  • [102]
    On peut comparer ce résultat aux données de l’INED sur la France entière établies à partir des fiches de famille. Pour la seconde moitié du xviie siècle et l’ensemble du xviiie siècle, la durée moyenne des premières unions avec des femmes mariées entre 15 et 45 ans (observation d’unions rompues par le mari ou la femme sans différenciation) est de 18,7 ans pour les couples mariés entre 1650 et 1679, 21,8 ans pour les mariages de 1700 à 1719 et 24,1 ans pour ceux de 1760 à 1779, ces données présentant un allongement régulier et constant sur l’ensemble de la période. Résultats cités par S. Beauvalet, Etre veuve sous l’Ancien Régime, Paris, Belin, 2001, p. 149.
  • [103]
    « Jusqu’à la fin du xviiie siècle, la moitié des enfants n’atteint pas son dixième anniversaire, d’où la terrible formule de Pierre Goubert selon laquelle il faut deux enfants pour faire un adulte. », S. Beauvalet, La démographie…, op. cit., p. 259.

1Pour aborder la question de la maladie et de la mort des femmes, non plus d’un point de vue exclusivement médical (manuels de médecine) ou statistique (courbes démographiques), mais dans une réalité plus affective et sensible, nous nous sommes intéressés aux écrits du for privé [1], documents présentant la caractéristique d’une prise de parole directe et personnelle sur des questions pouvant relever de la vie privée. Ils nous permettaient, en effet, en nous faisant pénétrer dans l’intimité des foyers, de recueillir le témoignage des hommes sur le décès de leur épouse [2].

2Nous faisons le choix de présenter ici les témoignages d’une trentaine d’auteurs [3], ayant vécu et décrit la maladie de leur épouse, fréquemment suivie de son décès, en développant notre réflexion sur trois points :

  • des témoignages sur la maladie et les soins du corps, dans lesquels les maris apparaissent très soucieux de la bonne santé de leur épouse, véritablement « aux petits soins », mais où l’efficacité des médecines apportées est remise en cause. Nous aborderons évidemment le risque lié aux grossesses – question essentielle, tant elles étaient fréquentes dans la vie de ces femmes ;
  • des témoignages sur le moment même de la mort des épouses, qu’elles soient décédées de maladie ou des suites de leurs couches. Nous nous interrogerons sur le ressenti de ces hommes au chevet de leur épouse mourante. Comment vivent-ils cette épreuve, cet instant où tout bascule, la mort venant briser leur vie conjugale et familiale, leur vie affective ?
  • la description, ensuite, de ces « belles morts » chrétiennes, où les épouses font figure de saintes et martyres dans le pur esprit de la piété baroque.

Perdre son épouse : une peur au quotidien

3La peur de voir mourir sa femme est très lisible au fil des pages de ces écrits intimes, car elle peut se traduire sous la plume de leur auteur par des témoignages d’inquiétude quotidiens. En effet, la santé et le bien-être de l’épouse sont au cœur des préoccupations de ces maris qui peuvent se montrer particulièrement attentifs et soucieux, répertoriant et commentant les maladies, les accidents, les grossesses et les couches de leur femme dans leur livre de raison [4]. Ainsi, dès les premiers mois de son mariage [5], Philippe de Lavernot, un magistrat d’Abbeville, note au jour le jour les problèmes de santé de celle qu’il appelle joliment « mon cœur ».

« Le 7e jour d’avril 1603, sur les 10 heures du soir, a commencé la maladie de mon cœur par un flux de sang, qui a continuellement duré et jour et nuict depuis le dit temps jusques au mardy suivant quinze du mesme mois ; elle a mouillé 20 chemises et 8 draps. Le lundy 14 dudit mois, Nicole est venue pour la garder. »
« Le 15, sur les 8 heures du soir, estant sur la chaise percée, elle a rendu un faux germe, lequel en mesme temps j’ay été montrer à Mme Bagon. »
« Le dimanche précédent, 13, il luy prist l’après-diner trois ou quatre évanouissements en présence de Mme de Vermont, ma sœur.
« Le mercredy 16 et jeudy 17 dudit mois, elle s’est porté assez bien.
« Le lendemain vendredi 18, sur les 8 heures du matin, la langue lui commença à bégaier, en sorte qu’elle ne povoit en aucune façon proférer ce qu’elle désiroit ; cela luy continua tout le jour, avec des douleurs qui témoignoient grandes vapeurs de la matrice, qui luy causèrent cette altération. »
« Sur les 5 heures, le mesme jour, voyant que la fièvre lui continuoit, je fis venir M. Riolant, médecin, lequel fut d’avis des plus prompts remèdes, dont il se pouvoit adviser, et, de faict, luy ordonna clystères et ventouses, qui luy furent appliquées à la mesme heure au dedans des deux cuisses et au-dessous du petit ventre. A la même heure aussi ou peu après, elle prit ledit clystère. »
« Voyant que cela ne luy diminuoit son mal, je fis prier M. Durel de son assistance, laquelle il me rendit sur les 9 heures du soir, qui, outre ce que dessus, luy ordonna médecine, clystère, réitération de ventouses, le tout appliqué depuis le mesme jour environ la minuict. »
« Le samedy 19, consultation par MM. Durel et Riolan, qui furent d’avis de la saigner, ce qui fut fait sur les 4 heures après-diner de trois palettes de sang, ce qui la rendit tellement faible qu’elle pensa mourir. Durant tout le temps susdit, elle est travaillée de continuels évanouissemens. »
« Dès le mesme jour que ladite Nicole fust venue, elle l’étuva de roses de Provins et vin au miel, ce qui lui fust depuis interdit par lesdits médecins. »
« Le dimanche 20, elle se porta assez bien, et, de faict, se voulut lever le soir pour faire son lit, nonobstant tous les empêchemens que je pus luy donner, tellement qu’elle s’évanouit, en sorte qu’elle commença à raidir les bras et jambes, grinçant les dents, et les luy pensant ouvrir, elle me perça le doigt de part en autre. »
« En cet estat, je luy donnay de l’eau-de-vie de M. l’ambassadeur d’Ecosse, qui la fist revenir, et à la même heure, la mismes sur le lict, où elle fust tellement travaillée de ladite eau-de-vie, qu’elle passa toute la nuit en ardeurs et vomissemens extresmes » [6].
Son épouse meurt en 1613, à l’âge de 33 ans, après avoir mis six enfants au monde (dont 4 moururent) en dix ans de mariage [7].

Prendre soin d’elle

4Par les liens sacrés du mariage, l’homme doit à son épouse protection et assistance et il n’est pas rare en effet que ces hommes mobilisent tous les moyens à disposition pour sauver leur femme. Ils appellent sans tarder les médecins – quelquefois sans grande conviction – et s’en remettent à la Providence. Les symptômes et les soins sont souvent décrits avec énormément de précision. Conformes au fameux « purgare, saignare et clysterium donare » des médecins de Molière, qui les dénonçait, ces remèdes demeurent inefficaces, pouvant laisser l’homme découragé et impuissant face au drame qui l’attend.

5Voici la déclaration de décès de l’épouse de Jean Tiolier, bourgeois de Clermont, relevée dans son livre de raison :

6

« Anna Tixier, ma très respectable femme, est morte, très malheureusement pour moy et pour mes enfans, le mercredy 28 février 1787, à 5 heures et demie du matin. Depuis le mois de janvier, son enflure avoit gagné les parties supérieures, et il y a lieu de craindre que l’agitation qu’elle avoit éprouvée à l’occasion du mariage de sa sœur n’y ait beaucoup contribué ; au moins le mal at-il fait depuis cette époque des progrès immenses, elle étoit dans le plus grand état de faiblesse, fatiguée par une diarrée, lorsque, le 17 février, M. Tixier et M. Tuel cherchèrent à l’arrester ; je la trouvois un peu plus tranquille. Le mardy gras, 20 février, elle ne s’étoit pas levée à midy, suivant son usage depuis une quinzaine de jours, lorsque environ midy et trois quarts, elle fut attaquée d’une paralysie sur le côté gauche, qui luy dérangea la bouche ; […] M. Tixier luy fit apposer les vessicatoires [8] (sic). Le lendemain jeudy, elle se confessa et reçut le saint viatique. On luy leva les vessicatoires (sic), on en fut assés content. Le vendredy elle éprouva un état de foiblesse, environ 11 heures. Le samedy fut de même, elle étoit très mal le dimanche, enfin le lundy et le mardy, le mal se soutint. M. Tixier, son père, ne la quitta point ces derniers jours et passa même auprès d’elle, la dernière nuit. Luy seul pouvoit luy faire prendre quelque chose et j’avoue que voyant l’affreux malheur qui me menaçoit, je n’avais pas la force de m’approcher de son lit » [9].

7Toutes leurs attentions se concentrent au chevet de leur épouse. La maladie qui vient bouleverser leur vie conjugale paraît être l’occasion d’apporter des marques de tendresse et d’affection en ces moments cruciaux, ainsi que le rappelle Charles Gouyon, baron de la Moussaye, dans ses mémoires au xvie siècle :

8

« J’estois tousjours apres elle, pour la secourir avec de l’eau-de-vie, de l’eau de canelle, des coulis et autres choses que je pensois luy pouvoir servir » [10].

9Le duc de Croÿ, en témoigne également dans son journal :

10

(1744) « je trouvai ma femme avec un gros rhume : je l’attribuai, comme elle, au froid qu’elle avait eu, la surveille, à la Comédie Italienne, au sortir de laquelle j’allai à Versailles. Le 11, le rhume augmenta et, cependant, elle voulut aller, malgré moi, voir son frère […]. Le 12, le rhume fut terrible et la fièvre qui ne discontinua pas. Le médecin Geslin étant venu, nous déclara que c’était la rougeole bien déclarée. Je ne la quittai pas pendant tout ce temps, et fus un mois sans sortir de la maison » [11].

11Le notaire Étienne Borelly de Nîmes, au xviie siècle, s’inquiète de la santé de son épouse, fragilisée après une série de couches. Elle a trente-deux ans et a déjà six enfants qu’elle n’a, précise t-il, jamais réussi à allaiter :

12

« n’aiant pu ma femme achevé de nourrir mes enfans à cause qu’elle est (sic) très peu de chose » [12].

13Il est un mari très attentif, portant dans son livre de raison, toujours avec précision, toutes les dépenses qu’il est amené à faire pour améliorer la santé de son épouse :

14

« le mardi 11 (février) j’ay achepté des drogues pour donner sancté parfaite à ma femme pour 2 livres » [13].

15Outre les « drogues », la volaille et le bouillon de poule, qui sont des mets de luxe, sont utilisés pour la fortifier. Voici quelques notes :

16

(16 octobre 1670) « j’ai achepté une poule pour faire du bouillon à ma femme pour une indisposition qu’elle » a ; (24 septembre 1675) « deux poules acheptées pour l’acouchement » ; (22 juin 1679) « une poule acheptée pour ma femme qui est détenue dans le lict de maladie » [14].

17Ces achats de volailles correspondent bien aux principes diététiques de l’époque, la chair de « toute volaille » étant considérée comme une viande susceptible d’engendrer « bon sang » chez les femmes sortant de leurs couches [15].

18D’autres frais figurent également dans son livre de raison, témoignant de toutes les attentions apportées à une femme fréquemment souffrante. En octobre 1683, il lui fait faire, pour quatre livres :

19

« Une chemisette de cadis doublée de peau de lièvre afin qu’elle fut chaudement dans le lict, estant grièvement malade » [16].

20Mais, lorsque son épouse vient à mourir au mois de novembre suivant, il s’interdit alors, probablement par pudeur et délicatesse, de relever les frais médicaux :

21

« Je ne mets point en despense les frais de cette longue maladie parce que je ne veux point qu’elle paroisse » [17].

Des grossesses à risques

22La mort des femmes vient souvent rompre les unions de manière précoce. Cette surmortalité féminine que l’on peut situer entre 25 et 40 ans est principalement consécutive aux risques des grossesses, qui sont alors très fréquentes. Il convient de garder ces réalités à l’esprit pour décrire « la qualité de la vie » [18] de ces nombreuses familles et de ces épouses enceintes 9 mois sur 15 ou 18, toujours menacées d’accouchements difficiles, pouvant les mener à la mort. Si l’on considère un nombre moyen de naissances de 5 enfants par union, avec un taux de mortalité maternelle qui avoisine 1 %, le risque pour une mère de mourir en couches est de l’ordre de 5 %.

23« Femme grosse a un pied dans la fosse » disait un proverbe gascon. Les décès maternels se répartissaient en deux grandes catégories : les pathologies immédiatement liées à l’accouchement et à ses manœuvres, et les pathologies différées des suites de couches, c’est-à-dire pour l’essentiel l’infection puerpérale [19]. Les journaux et les mémoires portent le témoignage de ces joies et de ces peines vécues par des hommes devant faire face aux couches répétées de leurs épouses [20]. Comment ces époux supportaient-ils ce moment toujours dramatique ?

Accouchements difficiles : le temps de l’angoisse et de la culpabilité ?

24Le mémorialiste Isaac Dumont de Bostaquet a déjà perdu une première épouse en couches. Il se remarie, et le premier accouchement de sa deuxième épouse, pour un homme déjà traumatisé semble-t-il, est de nouveau une véritable épreuve :

25

« Mon épouse devenue grosse aussitôt que mariée, accoucha d’une fille au bout des neuf mois : elle pensa mourir dans ce temps, mais l’habileté d’un médecin nommé Prévost, quoique un peu fou, la tira d’affaire, les sages-femmes qui l’assistoient n’y connaissant plus rien. Si ma douleur avoit été extrême de la voir exposée dans un si grand péril, ma joie le fut dans l’excès de l’en voir tirée, et en peu de jours elle fut remise de cette rude épreuve. Sa petite fille la consola de ce mal ; rien n’étoit plus beau que cette enfant » [21].

26L’issue est heureuse et le comble de joie. Cependant, alors que rien ne le présageait, la septième grossesse connaît une issue fatale. Cette nouvelle perte sera pour lui insupportable. Le récit du drame porte la marque cette fois-ci de la culpabilité. Il relate une réflexion de l’accouchée, qui lui revient à l’esprit, et qui, quoique tendre et plaisante, tend à le désigner clairement comme le responsable de « ses maux ».

27

(1672) « Mon épouse, grosse pour la septième fois et jouissant d’une santé parfaite dans cet état, fut prise pour accoucher ; on courut aux secours ordinaires, la sage-femme la délivra, et soit qu’elle l’eût blessée dans l’opération ou par quelque autre cause que nous n’avons jamais connue, dans le temps que je la croyois hors de péril et qu’elle me venoit d’assurer en riant qu’elle oublioit les maux que je lui causois, lesquels ne diminuoient en rien l’extrême amitié qu’elle avoit pour moi » [22].

28Cet échange de paroles qui précède finalement la mort – et qu’il se sent le besoin de reprendre lorsqu’il rédige ses mémoires – est pour le moins ambigu. A-t-il éprouvé un sentiment de culpabilité face aux souffrances de son épouse qui est encore enceinte de « ses œuvres », comme elle se plaisait à lui rappeler ? Quoiqu’il en soit, il est fréquent que les hommes se justifient dans leurs écrits devant ce drame qui les accable. À qui voudra l’entendre – notamment les enfants qui pourraient faire par la suite des reproches à leur père – ils assurent qu’ils ont tout entrepris pour sauver leur épouse.

Sauver la mère…

29Priorité est faite à la survie de la mère lors de ces accouchements difficiles. Dans son Traité des maladies des femmes grosses et de celles qui sont nouvellement accouchées, publié en 1668, le chirurgien François Mauriceau écrit : « Il est certain que, ne pouvant pas sauver la vie des deux, on doit toujours préférer celle de la mère à celle de l’enfant » [23]. Il importe cependant que l’âme de l’enfant à naître soit sauvée par le baptême même précipité. Dans les cas extrêmes, un baptême in utero est même recommandé.

30Voici une note de Grégoire Benoist de Lostende :

31

« Le septiesme juin 1720, mon épouse s’est accouchée environ les sept heures du soir d’un garçon qui est mort dans le mesme moment n’ayant vêcu qu’autant qu’il en fallait pour être baptizé, et cela par les suittes d’une chute de la mère et d’une perte de sang de dix heures qui précéda les dites couches, dont la mère fut en grand péril, et fut conservée par une espèce de miracle et par les prières que l’on fit pour elle » [24].

Expulsions impossibles : quels moyens ?

32Lorsque les expulsions étaient impossibles, de quels moyens les chirurgiens disposaient-ils ? Afin de sauver en priorité la vie de la mère et non celle de l’enfant lorsque ce cas se présente, le chirurgien François Mauriceau recommande dans son traité de ne « jamais entreprendre l’opération césarienne, parce qu’elle serait très assurément cause de la mort de la mère au lieu de quoi, poursuit-il, on la fera secourir par des gens experts qui après avoir baptisé l’enfant, au cas qu’il fût vivant, trouveront bien les moyens de le tirer tout entier par les voies ordinaires et naturelles, s’ils sont bien entendus dans leur art ; ou bien par morceaux, s’ils sont indispensablement obligés pour sauver la vie de la mère » [25].

La césarienne

33La pratique de la césarienne [26] suscitait la méfiance – et à juste titre – le taux de mortalité se situant alors entre 70 et 80 %. L’épouse de Nicolas Deschamps y succomba sans que l’enfant fût pour autant sauvé. Il note :

« En septembre 1701 il me vint au monde un enfant masle qui fust enterré avec sa mère à qui l’on fit l’opération césarienne s’estant blessé à cause d’une colique qui la suffoquat par des remèdes qu’elle prit » [27].
Ces opérations restent encore exceptionnelles à la fin du xviiie siècle et « sont surtout des actes de bravoure, voués à l’échec en l’absence de maîtrise de l’infection, et bien trop incertains pour être préconisés par les chirurgiens » [28]. Qu’en est-il de la pratique – que cite François Mauriceau dans son traité – de sortir l’enfant « par morceaux » ? Était-elle mise régulièrement en application ou bien ne la retrouve-t-on que dans les manuels de médecine ?

« Par morceaux »

34Ces témoignages peuvent nous répondre. En effet, le 12 janvier 1611, Noé Lacroix reporta dans son journal le décès de sa jeune épouse qui ne survécut pas à cette délivrance tragique.

35

« Jeanne Chapuis, ma feue femme, décéda sur environ les six heures du soir, après avoir esté délivrée d’une fille tirée par pièces de son corps par Mre Josias Machureault, laquelle fille ledit Machureau a déclaré, en présence de trois bonnes mères présentes au travail de ladite Chapuis, que ledit enfant estoit pourry et putrefaict dans le ventre il y pourroit avoir huict jours » [29].

36Alors qu’il fut veuf déjà une première fois à l’âge de 25 ans – sa première union n’a duré que six mois – l’avocat Jacques-Quentin Durand est encore cruellement touché par ce drame à 27 ans (il est jeune et sans enfant et son remariage est rapide). Extrêmement affligé par ses veuvages successifs, il expose chaque fois le traumatisme subi dans son livre de raison. Le cas du décès de sa deuxième épouse décrit un accouchement particulièrement difficile. Il est complètement bouleversé par la violence de l’acte dont il décrit tous les détails :

37

« Caterine Louise Tiercelet, ma seconde femme, est venue grosse au commencement d’avril de l’année 1746, elle s’est très bien porté durant sa grossesse et n’eut qu’une fluxion violente pendant le mois d’octobre (…) Cette pauvre petite femme et les deux familles attendoient avec un égal empressement le jour de ses couches, on la saigna trois fois pendant sa grossesse ; le lundy 5 décembre 1746, elle sentit les premières douleurs de l’enfantement, le lendemain mardy 6 décembre les trois heures du matin, l’accoucheux et plusieurs femmes se rendirent auprès d’elle, elle continua de soufrir ledit jour sans avancement jusqu’à trois heure de relevé, auquel tems on la saigna du bras pour faciliter sa couche, ensuite de quoy l’accoucheux rompit les eaux. Le même jour 6 décembre les sept heures et demy du soir l’accoucheux vint anoncer que l’accouchement serait long et difficile et qu’il fallait faire venir un chirurgien pour la délivrer ; on fit venir Philipe Basan, chirurgien et M. Jurion, oncle de ma femme, médecin, la couche n’avançant que peu la nuit du 6 au 7 décembre, parce que ma femme étoit extrêmement grosse et étroite et avoit un enfant fort gros, le mercredy 7 décembre 1746, les quatre heures du matin, le chirurgien ayant fait paroistre la tête de l’enfant le baptisa pour parer ce danger tandis qu’il était encore au ventre de la mère ensuite le chirurgien dit qu’il ne pouvoit la délivrer sans nouvelle consultation. M. Jurion de nouveau consulté, les six heures du matin, dit attendu la presque impossibilité d’accoucher ma femme, on tirerait l’enfant avec des crochets [30] dans le ventre de la mère pour le faire revenir d’une autre façon. M. Jurion fut d’avis du deuxième party qui fut suivy, le chirurgien et la sage-femme ayant par le plus violent de tous les accouchements, forcé le passage et fait retourner l’enfant qui montrait la tête et l’ont fait revenir par les pieds et elle fut délivrée le 7 décembre les huit heures du matin par le plus violent de tous les accouchements après avoir pendant la nuit avant sa délivrance perdu beaucoup de sang ; l’enfant qu’elle mit au monde se trouva être un gros garçon mort qu’on croit avoir été vivant lorqu’il a été assuré. Ma pauvre petite femme couchée ensuite, les huit heures du matin, sans presque de connoissance, vers 9 heures ou 9 heures un quart a été attaquée d’une très violente foiblesse ou plustôt d’une espèce d’agonie, sa poitrine se gonfloit, après avoir pris du vin d’alican et une potion cordiale et différentes eaux fortes sans avoir pu revenir, elle a perdu connoissance peu à peu à la vue des deux médecins et des chirurgiens et a rendu l’âme le même jour mercredy 7 décembre 1746, environ les dix heures du matin [31]. »

Les médecins contestés

38Ce jeune veuf tend à contester les méthodes médicales employées. Il ajoute, en effet, dans son témoignage, qu’il n’a pas confiance en l’action des saignées qui ont, à son avis, trop affaibli son épouse et aurait souhaité le démembrement de l’enfant, qui était déjà mort :

39

« J’ay un grand regret qu’on n’ait pas tiré l’enfant par morceau et qu’on ne se soit pas dispensé de la saigner parce qu’en ce cas, elle n’auroit pas été si épuisée et auroit peut être été conservé (sic) ».

40Tout n’aurait-il pas été entrepris pour sauver son épouse ? Des erreurs ont-elles été faites ? Tout autant de questions qui précipitent cet homme lourdement endeuillé dans le drame et la consternation. Il se rassure toutefois sur le choix du chirurgien. Il est l’oncle de sa femme et il se dit que l’un des membres de la famille n’aurait pu faire preuve d’imprudence et de négligence :

41

« Mais son oncle médecin ayant ordonné tout ce quy s’est passé, on ne pouvoit se confier en une personne qui s’intéressa davantage à sa conservation » [32].

42Et en conclut par conséquent qu’on ne pouvait probablement pas prodiguer de meilleurs soins à sa jeune épouse. Il s’attache à cette idée pour se consoler et veuf pour la seconde fois à 27 ans, il doit accepter son triste sort. Mais il se soumet non sans mal à cette science médicale qui n’a pu sauver sa femme. Il est vrai que les soins et les remèdes restaient au mieux peu efficaces, au pire clairement meurtriers. Les médecins impuissants faisaient surtout preuve de fatalisme, comme nous l’indique Isaac de Bostaquet à propos de la mort de sa première épouse :

43

« À son réveil, elle fut prise de coliques violentes ; lors ayant fait éveiller ma mère, on courut aux sages-femmes et aux chirurgiens ; elle fut assistée de trois [sages-femmes] et du sieur d’Aval, chirurgien de Basqueville, habile homme dans son art, honnête et pieux ; mais tous les remèdes devenant inutiles et l’expérience des trois sages-femmes à bout, ils conçurent qu’il étoit temps de lui parler du ciel » [33].

44Le refus d’abdiquer devant la maladie se manifeste à travers ces divers récits de douleur. Dans leurs écrits ces hommes portent parfois des jugements sévères. Ils contestent la présence d’une médecine docte et souveraine qui ne peut réellement agir et protéger l’être humain et ce sans grand progrès sur la période moderne :

45

(1587) « Il y avoit deux medecins, qu’on avoit faict venir de Dinan et de St Malo, lesquels n’y cognoissoient rien » [34].

46

(1669) « Tous les remedes qu’on lui a fait lui ont esté inutiles et lui ont fait plus de mal que de bien » [35].

47

(1693) « Médecins, chirurgiens, apotiquaires, rebouteurs, empyriques, par qui elle avoit été veue ne connaissoient rien à son mal, ce qui a été cause qu’elle a fait une infinité de remèdes qui lui ont ésté inutiles » [36].

48

(1707) « Malgré tous les soins que je pris avec le Sr medecin a qui j’envoiois tous les jours, elle expira environ les dix heures du soir me laissant dans des angoisses inconcevables » [37].

49

(1802) « Et après beaucoup de remèdes qui ne lui firent que du mal, elle rendit son âme à son créateur » [38].

Et sa mort soudain…

50Dans leur livre de raison, la mort de leur épouse vient rompre, soudain, le rythme des jours ordinaires [39]. L’auteur exprime sa stupéfaction. L’heure paraît toujours trop prompte, violente, inattendue [40].

L’instant mortel

51La perte peut se manifester alors dans sa simplicité tragique.

52

« J’ai eu le malheur de perdre ma femme le lundi 15 janvier 1781. Elle est morte à onze heure du soir, en moins d’une minute et dans un moment où elle paroissoit mieux ; il y avoit cependant plus de deux mois que nous la regardions comme étant en danger […] La malheureuse a beaucoup souffert pendant sa maladie, mais elle n’a rien souffert pour mourir et elle a cessé d’exister sans s’en douter ; elle venoit de demander à souper avec force et appétit ; il lui a pris un besoin d’évacuer ; on l’a mis sur le bassin et elle a expiré entourée de ses enfants, de moi, du médecin et de tout son monde » [41],

53note le magistrat lorrain Coeurderoy dans son journal. S’y attendent-ils vraiment ? L’instant mortel semble les laisser un temps dans l’effarement. Ils retranscrivent, parfois heure par heure, le schéma inattendu de ces départs précipités, comme dans le livre de raison du Flamand Ferdinand van Spoelberch :

54

« 1634 : Le 1er janvier, pendant la nuit, ma femme fut atteinte de fièvre. Comme c’était le Jour de l’An, elle voulut assister à une messe chantée à défaut d’une messe basse. Il faisait froid et il avait gelé. Ayant pris froid, elle se plaignit, de retour à la maison, de douleurs au côté, mal qui ne faisait qu’empirer. Le lendemain, elle eut des maux de dos et de ventre qui ne lui permirent ni de marcher ni de se tenir debout, ni de rester assise ; la nuit, elle ne put dormir ; elle ne mangeait même plus. Le cinquième jour, vers 2 heures, étant très faible, elle mit au monde un fils, qui, d’après ce qu’elle pensait, n’avait que huit mois. Il était si débile que l’accoucheuse dut le baptiser immédiatement. Quelques instants après il mourut. Le même jour, l’après-midi vers 4 heures, ma femme se mit à tousser sans interruption, à un tel point qu’elle perdit sa voix. Le curé arriva encore à temps ; elle lui pressa doucement la main, reçut l’absolution et quitta ainsi la vie » [42].

55Là encore, rien ne laissait présager le décès de l’épouse du sénéchal de Lantillais. La vie familiale était calme et sereine – elle venait de dîner avec l’une de ses filles [43] – et tout semblait aller pour le mieux. Ce même soir pourtant, elle vient à mourir brusquement laissant toute une famille dans la peine et l’incompréhension. La mort subite « instrument absurde d’un hasard parfois déguisé en colère de Dieu » était considérée comme « infamante et honteuse » [44] car elle ne permettait pas au mourant de se préparer à partir chrétiennement. Cette privation soudaine et sans avertissements donne peu de prise à la parole apaisante. L’expression d’une mort imminente et rôdeuse pouvant emporter l’être cher à tout instant était d’autant plus traumatisante.

56

« Le 15 décembre 1797 Servanne Renée Bernard mon épouse (…) est décédée (…) d’une attaque d’apoplexie à environ une heure du matin. Sa mort nous a jeté dans la désolation. (…) Le samedy 9 décembre environ les quatre heures du soir elle se promenait seule dans sa chambre, elle tomba sur le plancher, je l’entendis, je montais, elle était sans connaissance et elle ne luy revint point pendant les cinq jours qu’elle survécut. (…) L’accident qui nous l’a enlevé n’a été précédé d’aucun symptome de maladie. Elle paraissait se porter bien depuis longtemps, avait passé l’après dinée avec sa fille et était gaye. Il n’y avait qu’un quart d’heures que ma fille avait quitté sa mère pour aller faire un tour dans le jardin depuis près de quatre ans mon épouse ne sortait point de la maison. Elle regardait la tranquillité comme le plus grand des bonheurs et elle en jouissait » [45].

57La description des premiers symptômes témoigne de leur ignorance. Ils rappellent parfois avec ingénuité le « petit essoufflement » et la « douleur dedant sans autre maladie » [46] dont elle s’était plainte et qui avaient précédé la mort de quelques jours ou de quelques heures. Cette mort imparable aux signes difficilement repérables, même par les médecins, les entraîne à adopter un comportement hasardeux et à se laisser mener par la fatalité. L’importance du mal est peu anticipée et les risques vraisemblablement minimisés. Ainsi, la femme de Samuel Méquillet n’est sans doute pas secourue à temps :

58

« Elle mourut cette chere feme le 7 jour de Fevrier l’an 1707 en la grace du Seigneur : Sa maladie commenca le 18 Janvier par un grand mal de dos et de tete, enceinte environ de trois mois et s’etant plein d’une petite chutte : on crut que ce ne seroit rien Dieu aidant, mais la maladie etant augmentée j’envoiois a Montbelliard et je fis venir M. le docteur Binninger, qui assura que ce ne seroit rien ; la fievre cependant l’aiant saisi, devint forte et violente, et craignant qu’il n’y est du danger je renvoia chercher le medecin qui la trouva fort mal, elle ut une fausse couche pendant qu’il fut ches moi » [47].

L’annonce

La sidération

59Les psychologues observent l’instant qui suit l’annonce du décès de l’être cher comme une phase de sidération [48]. L’étymologie du terme sidération – sidus, astre – évoque l’influence des puissances célestes et la promptitude de l’éclair. Ce thème se retrouve dans le vocabulaire employé dans ces écrits :

60

(1711) « Ma bonne femme que le Seigneur m’a enlevé subittement dans le temps que je n’y pensois pas, ce qui m’a esté comme un coup de foudre qui m’a fort accablé » [49].

61

(1744) « Ce coup est un coup de foudre pour moy, si le Seigneur ne m’aide je succomberai, ayant à présent la fièvre et un grand échauffement de poiterine (sic), de gorge et surtout d’une maladie » [50].

62Cette phase peut se manifester par un véritable état d’anéantissement où l’être totalement saisi par le tumulte de sa révolution intérieure ne peut faire face à la réalité du monde qui l’entoure.

63

(1659) « J’étois navré et tombai dans un état à faire pitié » [51].

64

(1721) « Triste jour qui m’a privé de sa chère conversation et qui, m’abattant jusque dans la poussière, m’a donné occasion de penser à ma fin et de m’y préparer » [52].

La cérémonie des adieux

Au chevet de l’épouse

65L’instant de séparation s’expose dans les livres de raison en des scènes intimes et familières d’une grande sincérité. Loin des fastes des agonies publiques, la simplicité de la mort de ces épouses s’accompagne de l’expression pudique des sentiments d’amour, de sollicitude et d’égarement devant l’irrévocable.

66

(1672) « M’étant retiré dans une chambre proche de la sienne pour me reposer, n’ayant pas dormi toute la nuit, à peine étois-je sur le lit que l’on me vint avertir que cette chère épouse me demandoit. J’y courus ; mais approchant d’elle, elle me dit d’une voix foible et languissante : « Adieu, mon cher mari, il n’y a plus de femme », et aussitôt ayant perdu la parole, elle fut prise de petites convulsions qui lui firent rendre l’âme entre mes bras » [53].

67Les mains se joignent dans la prière et les larmes. Les termes tragiques de l’adieu sont tout à la fois solennels et confus, toujours pathétiques [54]. Jean Migault veille son épouse nuit et jour. Son témoignage nous présente la scène très intime d’un homme seul auprès de sa femme à l’agonie.

68

(1682) « Pendant cette triste semaine, elle fut la plus part du tems dans de grands assoupissements. Je me tenoit le plus souvent à son chevet, et lors quelle se réveilloit, elle me prenoit et me serroit une de mes mains que je lui donnois. Le second jour de sa fièvre, me tenant une de mes mains dans la sienne et me la serrant, je lui demandoit si elle me voulois dire quelque chose. Elle me répondit : « Je me meurs, mon cher ami, ayez soin de nos enfans. (…) « Je me souvien que la seconde ou troisième nuit de sa maladie mortelle, étant accablée de sa violente fièvre et en un profond assoupissement, j’ouïs qu’elle chantoit assé intelligiblement d’une voix mourante (…) « C’est le Dieu très haut Que craindre il nous faut, Le grand Roi qui fait Sentir… » Elle s’arrêta en cet endroit, et quand je vis qu’elle demeuroit là, je l’éveilloit et lui dit en pleurant de continuer. Elle me demanda : « Que voulez-vous, mon ami ? » Je lui dit (sic) : « Tu chantois tout à l’heure, ma chère femme, et tu n’as pas achevé le verset. » Elle me fit répéter ce qu’elle avoit chanté, et, après un petit souris (sic), se rassoupit » [55].

Prier pour elle

69La mort est le passage décisif de la piété baroque. Il est l’aboutissement d’une vie construite sur la voie du salut et l’accompagnement spirituel des mourants fait l’objet d’une vigilance extrême. De cette agonie dépend une éternité heureuse ou malheureuse [56]. Le devoir de l’homme envers sa femme en cet instant des adieux est de se préoccuper de la destinée de son âme et de l’accompagner dans la prière…

70Jean de Bouffard Madiane se représente à genoux au chevet d’une épouse qui – résolue jusqu’au dernier souffle – lui demande de lui lire les psaumes.

71

(1654) « Quant elle sentit les approches, elle me fist appeler, et m’ayant dict qu’il falloit penser à s’en aller, elle me pria de luy parler de Dieu. Je le fis, et parcourus tous les endroits des psaumes propres à la consolation (…) la pauvre femme, prenant la parole pour tesmoigner sa disposition en sa grande faiblesse, prononça avec sa voix esteinte (…) « Mon âme en tes mains, je viens rendre, car tu m’as racheté, O Dieu de vérité… » et, de mains jointes, me fist signe de faire la prière. Ce que je fis m’estant mis à genoux pour implorer la grâce et assistance de Dieu, afin qu’il luy plust de recevoir cette âme pénitente et régénérée entre ses mains miséricordieuses. Et après l’oraison dominicale, comme je finissois par la bénédiction, elle rendist doucement son esprit sans aucun mouvement de corps ni grimace de visage, en telle sorte que nous doubtions si elle estoit morte » [57].

72Isaac Meissonnier témoigne d’une scène familiale plus démonstrative, où l’on partage entre proches la prière comme les larmes.

73

(1669) « Comme nous la vismes si basse, nous redoublames nos prières, selon son désir, mesme jusqu’à trois fois, avec pleurs et soupirs cuisans, implorans avec véhémence la miséricorde divine pour elle, à quoi elle fut toujours fort attentive » [58].

Partir en paix

74Ces scènes d’adieux se font parfois l’écho de réconciliations de dernière heure. La coulpe, prière où l’on prononce le mea culpa, en se frappant la poitrine est une étape déterminante dans la préparation spirituelle du mourant. C’est le départ d’une épouse, d’une mère ou d’une maîtresse de maison qui souhaite partir en paix et qui demande pardon.

(1618) « Un quart d’heure avant son départ, elle demanda pardon à tous ceux de sa maison et à mon frère de Bézieux, déclarant ne vouloir point de mal à la fille de chambre de M. le conseiller de Thoron, avec laquelle elle avoit eu quelques petites riotes » [59].
(1765) « M. Desaix crut qu’on n’aurait pas le temps de lui administrer l’Extrême-Onction. Pendant que notre fils Joson courut appeler M. Archinbaud pour le lui administrer, elle me prit par la main, me demanda pardon si elle m’avait fait quelque chose à me déplaire, et à tous ceux qu’elle aurait pu offenser » [60].
Nous voyons ici les inquiétudes modestes du quotidien qui demeurent encore à l’heure du Grand Passage.

La bénédiction des enfants

75Mais les enfants restent la préoccupation majeure de ces mères qui, sentant le « moment » arriver, demandent à voir leurs enfants pour leur donner à chacun sa bénédiction.

76

(1612) « Donna sur le soir sa bénédiction à ses enffans, nepveux et niepces, les exhortant à bien vivre et persévérant toujours de s’amonnester et recommander à Dieu » [61].

77

(1618) « Ma femme bien aymée m’a délaissé trois enfans, auxquels, trois quarts d’heure avant de mourir, elle donna sa bénédiction ensemble à moy. Je luy présentay les enfans les uns après les autres, lesquels elle me recommanda et les chargea d’estre sages » [62].

78

(1669) « Dès les 4 heures après minuit sentant aprocher son despart, elle nous dit à tous le dernier adieu et nous voulut tous embrasser et baiser, nous appellant les uns après les autres, car elle eut l’usage de la parole jusqu’à son dernier soupir » [63].

79

(1707) « La fievre l’aiant reprise le lendemain elle se sentit frappée a la mort, ce qui l’obligea a m’appeler, fondant en larmes come j’etois, pour me dire ses derniers adieu, et pour benir mes enfants après me les avoir recommandé » [64].

80

(1765) « Me recommanda nos enfants, et particulièrement nos filles, dont la Julienne et la Marion furent présentes. Elle leur recommanda la sagesse, d’avoir soin de leur père dont la santé était chancelante et complexion délicate ; elle leur dit de se mettre à genoux, ce qu’elles firent incontinent, et leur donna sa bénédiction ; le tout sans larmes de la part de ma femme, et avec une fermeté au-dessus du commun. Après quoi elle continua quelques paroles d’exhortation et finit en disant qu’elle ne pouvait plus parler… » [65].

81La femme qui meurt des suites de ses couches demande à voir également le nouveau-né.

82

(1682) « Je lui demandois si elle ne souhaitois point voir son petit enfans. Elle me répondit : « Apportez le moi ici. » Je lui apportay incontinent, et en tirant ses foibles mains du lit, elle le prit et le regarda un peu, et puis dit : « Dieu te veuille bénir, mon petit enfant », et me le redonna incontinent » [66].

83Tout autant de témoignages d’amour parental où l’enfant est le sujet de toutes les attentions et où il paraît nécessaire (à un moment décisif où se joue son destin affectif) de ne pas l’exclure du drame familial. En effet, l’enfant aussi aura « à faire son deuil ».

De « Belles Morts »

Des modèles de piété et de résignation

84Au chevet de l’épouse règne une grande et sincère désolation endiguée par la foi, la prière et l’exemplarité de la mourante, dont la constance et la fermeté sont toujours glorifiées [67]. Les scènes d’agonie décrites en termes élogieux correspondent aux valeurs des belles morts édifiantes propres à la sensibilité baroque [68]. C’est « la mort du juste, celui qui pense peu à sa propre mort physique quand elle vient, mais qui y a pensé toute sa vie » [69]. L’épouse mourante est un modèle de piété et de résignation en des instants contenus et sublimés. La description de la « belle mort » participe à une pédagogie du bien mourir déclinée par les codes hagiographiques.

85Voici un extrait du livre de raison de Joseph de Garidel (1610) :

86

« Tousjours elle se monstra résolue à la mort et déclara n’avoir point de regrets. Elle prioit Nostre Seigneur… Elle tesmoigna une parfaicte contriction, embrassant et baisant le crucifix avec des larmes et des sanglots extraordinaires. (…) Ses dernières paroles furent ces noms vénérables : Jesus, Maria. Après avoir perdu la parole, elle ne perdit jamais le sens ny l’ouye, et nous fist signe qu’elle y entendoit. Un peu avant de rendre l’âme, elle baisa fort estroitement le crucifix que je luy présentay et mourust l’ayant à son costé, ce que je réserve, ensemble son chapelet et un sien Agnus dei qu’elle avoit longuement porté, comme de précieuses et chères reliques. Elle est morte si chrestiennement que je prie ce grand Christ qu’il me fasse mourir de la mesme façon, quand il luy plaira de m’appeler. Sa mort me servira, s’il plaist à Dieu, d’une perpétuelle et salutaire leçon » [70].

87Les dispositions d’un passage réussi dépendent du degré de lucidité de la mourante. Les auteurs des livres de raison s’attachent généralement à préciser les capacités de discernement de leur épouse à cet instant. La clairvoyance et le jugement s’inscrivent bien dans les valeurs d’une mort chrétienne parfaitement réussie.

88

(1649) « A bien vescu et est bien morte ayant conservé l’esprit, le jugement et la parolle jusqu’au dernier soupir. Dieu lui fasse pardon et à moi aussi. C’étoit la meilleure femme du monde » [71].

89Cet état légitime la juste ordonnance des sacrements. Jean Pussot, maître charpentier de Reims révèle son importance :

90

« Le lundi XIVe novembre 1616, environ les dix heures du matin, decedda Marye Pinchart, ma femme, ayant receu tous les sacremens et parlant jusques à la fin avec bon entendement, rendit l’esprit doucement, ayant été longuement malade dès le charesme precédant » [72].

91Les capacités de parole et de jugement permettent à la mourante d’être partie prenante dans l’événement de sa propre mort qu’elle semble beaucoup plus contrôler que véritablement subir. L’idéal chrétien (dans son aboutissement) est de mourir en priant Dieu.

92

(1587) « Quelquefois Valleron aprochoit son oreille pres sa bouche pour ouir ce qu’elle disoit, il entendoit qu’elle prioit Dieu » [73].

Consoler ses proches…

93Il semblerait que l’épouse soit bien résolue et active dans les longues scènes de prière qui accompagnent son agonie. Dans la vision d’une mort altruiste et édifiante, la mourante accorde une part importante de son temps à la consolation de ses proches.

(1587) « Elle leur dit me suivre pour me consoler (…) Elle me bailla la main, me priant de me consoler et me reigler à la volonté divine » [74].
(1682) « Elle me dit plusieurs choses pour me consoler quand elle m’entendoit soupirer. Son espérance fut si ferme en la miséricorde de Dieu qu’elle consoloit tous ceux qui lui parloient » [75].
Ces manifestations s’inscrivent dans la pensée d’une mort dédramatisée, attendue et acceptée. C’est le temps de la « mort apprivoisée » ainsi que la définissait Philippe Ariès [76], l’idée d’une mort placée au cœur de la vie humaine.

« La mort apprivoisée »

94Isaac Meissonnier emploie précisément ce terme de mort « apprivoisée » en décrivant la ferveur et la constance dont son épouse avait fait preuve.

95

(1669) « Quant aux actions de piété elle a toujours eu une sainte resignation à la volonté de Dieu. Elle s’estoit si bien apprivoisée avec la mort de longue main qu’elle ne l’a point surprise. Quelques pasteurs de mes amis l’ont veuë dans sa maladie, mais l’ont trouvée si résolue à tous événementz qu’ils admiroint sa généreuse disposition et son détachement pour le monde » [77].

96Son témoignage nous permet d’observer la pratique des exercices spirituels à la préparation de la mort enseignée par l’Église.

97

« Elle nous prioit parfois de lui lire l’Escriture ou des livres de dévotion traitans de la mort et de la manière de s’y préparer. Elle récitoit souvent des psaumes comme le 6 [et] le 51, et en chantoit quelques versets. Bien que je lui fisse la prière trois fois le jour, elle ne lassoit pas que de la faire en particulier, suivant sa coustume estant en senté, comme aussi toutes les fois qu’elle prenoit quelque chose » [78].

98Des récits de saintes morts exemplaires comme des traités d’édification et de consolation sont proposés aux fidèles les exhortant à méditer sur la mort et à s’y préparer. Jean Migault précise dans son journal quelles avaient été les lectures de sa femme :

99

(1682) « Ayant sur toute chose aimé la lecture de la sainte Parole, même dès la plus tendre jeunesse. Elle aimoit aussi en particuliers l’Histoire des martirs[79], et donnoit à cette lecture ses heures de loisir comme aussi à la lecture des Consolations de l’âme fidelle contre les frayeurs de la mort[80]. Nos pseaumes lui tenoient aussi fort au cœur » [81].

100D’autres ouvrages, comme celui du Père Étienne Binet qui s’intitule, Consolation et resjouissance pour les malades et personnes affligées[82], sont bien connus et sont de nombreuses fois réédités. En effet, l’eschatologie chrétienne dans sa plus stricte tradition appelle moins la résignation que la réjouissance face à la mort, rejoignant la pensée de saint François de Sales dans l’Introduction à la vie dévote, lorsqu’il dit : « Rendez-moi cette heure heureuse et favorable » [83].

101Toutefois, ces écrits donnent assez peu de témoignages sur des manifestations de joie ou d’extase à l’approche de la mort. L’homme évoque essentiellement les actes de dévotion et de résignation de son épouse lors d’un combat ultime aux abords mystérieux dont il est le simple spectateur. Isaac Meissonnier y fait allusion cependant, mais semblerait presque s’en étonner.

102

(1669) Elle « y prenoit un singulier plaisir, et le remercioit. Ses dernières paroles furent toutes saintes et religieuses, vrais indices de sa foy et espérence, disant : « Je crois que Jésus Christ est mort pour mes offences et est ressuscité pour ma justification », expirant peu de temps après doucement et tranquillemant à la grande edification des assistans, remettant son ame entre les mains de Dieu son fidèle Créateur et Conservateur, par-devers lequel elle se repose de ses travaux et ses œuvres l’ont suivie » [84].

103Le notaire Étienne Borrelly semble évoquer également les sentiments de félicité qu’aurait éprouvés son épouse au moment de son départ :

104

(1683) « S’estoit une bonne âme, elle se confessoit et communioit tous les samedis, estant morte très bien résolue et regardant la mort avec joye. Tous les religieux qui venoient la voir estoient ravis de voir une telle constance » [85].

Épouses, saintes et martyres

105Les agonies les plus lentes et les plus douloureuses sont comparées, par les images et le vocabulaire employés, aux supplices du Christ et des saints martyrs. La longue description des agonies des épouses les élève, dans l’imagerie des représentations familiales, au rang de saintes et martyres :

106

(1667) « La pauvre femme avoit demeuré quelque douze ans dans une paralisie, laquelle dans ce temps elle a souffert bien des douleurs, et pourtant elle prenoit la souffrance pour l’amour de Dieu ; elle est morte comme une martire. Prié le bon Dieu que il aie reçu son âme en son saint Paradis » [86].

107Les maux du corps transfigurés participent à l’extrême à l’exercice mystique de la pénitence. La mourante, toujours sublime dans sa souffrance, accepte le supplice comme un don de Dieu et une assurance de salut éternel.

108

(1768) « Ma femme, après avoir souffert pendant cinq semaines des douleurs incroyables dans toutes les parties de son corps avec une douceur et une patience angéliques, et vu la mort avec le courage et la fermeté d’une héroïne chrétienne, est morte comme une sainte le 13 décembre » [87].

109Les douleurs physiques sont portées comme les stigmates de la passion du Christ.

110

(1740) « Ma très chère épouse, est décédé (sic) à 6 heures du soir, après avoir été sur la croix pendant trois mois, et souffert avec patience et résignation de vives douleurs, causées par un cancer au col et au sein en la partie gauche, et après avoir eu le bonheur de recevoir trois fois le saint viatique depuis le 25 avril. Elle a reçu aussi le sacrement de l’extrême onction la veille de sa mort, et a répondu elle même aux litanies avec une piété édifiante » [88].

111Ces écrits nous offrent autant de représentations de sacrifice et de corps suppliciés, où la maladie, valorisée par le caractère expiatoire de la souffrance physique, prédispose au repentir. Selon Tertullien, au jour du jugement dernier, seuls les martyrs posséderont par la vertu du sang « l’unique clé du Paradis » [89].

112*

113Il apparaît que ces écrits du for privé peuvent être une source documentaire particulièrement riche en témoignages sur la mort des épouses. Ils nous font observer par exemple, pour tenter de les sauver, la mise en application des méthodes médicales que l’historien peut connaître par ailleurs par la lecture des manuels de médecine de l’époque, mais sans pouvoir toujours les contextualiser dans l’intimité des familles et en mesurer les effets à la fois sur les corps et les esprits [90]. On remarque en effet, que les médecins et leurs remèdes – qui ne peuvent ni guérir, ni même vraisemblablement soulager – sont souvent contestés par leurs contemporains. Ces praticiens ne possèdent pas une réelle maîtrise des corps et des maladies, et laissent les malades et leurs proches impuissants, face à une mort imminente et toute-puissante [91]. On s’en remet surtout à la Providence. Une autre remarque peut être apportée, élargissant un peu notre sujet. Après lecture de ces témoignages, il nous paraît difficile de nous conformer, une fois de plus, aux thèses sur la déficience des liens affectifs au sein des familles [92] et sur la prétendue insensibilité des hommes de l’Ancien Régime à la mort de leurs proches [93]. Quoique souvent nuancées par leurs auteurs eux-mêmes [94], celles-ci ont conduit à instituer dans l’historiographie des stéréotypes [95] tenaces « d’autant plus difficiles à détruire qu’ils ne sont point tous faux » [96]. Il n’est pas rare en effet de rencontrer ces marques d’indifférence dans la littérature, les correspondances et les mémoires ou comme chez certains moralistes dont les observations sont parfois déconcertantes pour nos sensibilités contemporaines. L’auteur de L’Art de se consoler sur les accidents de la vie et de la mort publié à la fin du xviie siècle annonce dans sa préface qu’il a dû ajuster ses arguments à « la dureté que l’on trouve aujourd’hui dans la plupart des cœurs » évaluant pour sa part les différents degrés des chagrins éprouvés par les deuils familiaux. Ainsi, précise-t-il, « la possession d’une épouse est un bien que l’on retrouve, elle n’est point au rang de ces trésors qu’on ne peut avoir qu’une fois » [97]. Pourtant, lorsque nous évaluons la somme des témoignages et les termes employés, on perçoit immédiatement le caractère tragique et intime de la situation créée par la mort de celle-ci. Exhortant sans relâche leurs contemporains à mesurer leurs sentiments avec rationalité, les stoïciens de l’Âge classique nous apportent un témoignage évident sur un temps où les hommes sont frappés par des deuils trop fréquents. « Dureté d’une époque âpre : le dernier mot serait-il là ? Il justifierait l’impression d’insensibilité qui nous a frappés. Au frisson du baroque succèderait l’accoutumance d’une société blasée (…) contre les angoisses de la mort » [98]. Les livres de raison rédigés au quotidien nous permettent d’observer ces très nombreuses privations. « Madame du Quesnoy, ma femme, est morte le seize septembre 1691 (…). Madame du Quesnoy, ma mère, est morte le 12 de février 1701 (…). Monsieur de Monpinchont, mon beau-père, est mort le neuf de janvier 1702 » [99]. Les deuils familiaux sont répertoriés consciencieusement et s’inscrivent, parfois par une simple note, au cours des pages de leurs journaux. « Mais le livre de raison, qui est livre de comptes, n’est point propre à l’épanchement du chagrin et du deuil ; pourtant il y transparaît » [100] parfois par l’emploi d’un mot ou d’une expression tendre dont le formalisme n’empêche en rien la réalité du sentiment éprouvé.

114

« Le 10 décembre 1750, Madame Catherine Constant, ma très chère épouse, est morte environ les deux heures du matin, a été enterrée le 11e du dit mois dans le tombeau de ma famille dans la chapelle de St Léonard ditte des Benoists, dans la paroisse de St-Pierre. Requiescat in pace. Mes regrets dureront autant que ma vie ».

115L’auteur, Grégoire Benoist de Lostende, trésorier de France au Bureau des finances de Limoges, avait déjà en 1712, exprimé en ces termes la mort de l’un de ses fils :

116

« Le dit Joseph est mort le 18e novembre 1712 à onze heures du soir après dix huit jours de maladie de picote pourpre et dissentrie (sic). Il fut enterré le lendemain 19e du dit mois dans l’église de St-Pierre dans la chapelle de St-Léonard autrement des Benoists dans un petit tombeau à côté et dépendant du nôtre grand près du marchepied de l’autel et du monument de Notre Seigneur. Cet enfant a esté regretté non seulement par ses parents, mais par tous ceux qui le connaissaient, à cause des bonnes qualités de corps et d’esprit qu’il avait, beaucoup au dessus des enfants de cet âge. Il avait en tout quatre ans un mois et six jours, il est mort un vendredy à onze heure que Mr Benoist, mon père, était mort, deux ans et demy après. » [101]

117Exemple d’un homme durement atteint, comme d’autres de ses contemporains : sur les douze enfants qu’il avait eu avec son épouse au cours d’une union d’une longévité certes exceptionnelle de 44 ans [102], ce veuf eut à déplorer le décès de trois enfants en bas-âge [103] et de deux autres fils à l’âge adulte, l’un alors âgé de 26 ans et l’autre de 41 ans.

Notes

  • [*]
    Élisabeth Arnoul, ingénieur d’études CNRS, Centre Roland Mousnier - UMR 8596, Université Paris-Sorbonne, 1, rue Victor Cousin, 75230 Paris Cedex 05.
  • [1]
    Les écrits du for privé, aussi appelés ego-documents, écrits personnels ou intimes, sont des textes non-fictionnels produits généralement par des gens ordinaires. Ils regroupent les livres de raison, les journaux de toute nature (personnel ou « intime », de voyage, de campagne, de prison…), les mémoires, et, d’une manière générale, tous les textes produits hors institution. Ce type de documents fait l’objet, depuis 2003, d’un recensement descriptif, dirigé par le Centre de Recherches sur les écrits du for privé du Centre Roland Mousnier, Paris-Sorbonne. Cf. E. Arnoul, R. Renard-Foultier, F.-J. Ruggiu, « Les écrits du for privé en France de la fin du Moyen Âge à 1914 : bilan d’une enquête scientifique en cours. Résultats de 2008-2010 », L’historien face au manuscrit, F. Henryot (éd.), Presses Universitaires de Louvain, 2012, p. 167-188 ; E. Arnoul, F.-J. Ruggiu, « Les écrits du for privé. Un projet national », Les Carnets du LARHRA, 2012-1, p. 31-39. Cet inventaire analytique des écrits du for privé en France de la fin du Moyen Âge à 1914 est en ligne : http://inventaire.ecritsduforprive.fr
  • [2]
    Ces observations ont été faites dans le cadre d’un DEA, soutenu en 2003, sous la direction de J.-P. Bardet, Université Paris-Sorbonne : E. Arnoul, Le veuvage masculin à travers les écrits du for privé (xvie-xviiie siècle), DEA, 2003. Cinq cent quarante-trois publications de journaux et livres de raison rédigés à l’époque moderne ont été consultées (ce corpus se composant en grande partie des publications des Sociétés Savantes du derniers tiers du xixe siècle ; cf. la communication de Michel Cassan, « Les livres de raison, invention historiographique, usages historiques », J.-P. Bardet et F.-J. Ruggiu (dir.), Au plus près du secret des cœurs ?, PUPS, 2005, p. 15-28), complétées par le choix d’une dizaine de mémorialistes représentés sur les trois siècles. Sur cette masse, nous avions pu retenir un peu plus de cent trente publications comportant un ou plusieurs témoignages concernant directement notre sujet.
  • [3]
    Nous distinguons ici, un marchand, un artisan, deux professeurs, des notaires, des avocats, officiers et magistrats, ou bien des hommes appartenant à la noblesse. Sur la question de la représentativité des auteurs, nous renvoyons au chapitre 3 « De plume, d’encre et de papier : le scripteur et son livre », de l’étude de S. Mouysset, Papiers de famille. Introduction à l’étude des livres de raison (France, xve-xixe siècle), PUR, 2008, p. 105-155 et à l’article de M. Cassan, « Les livres de raison, invention historiographique, usages historiques », J.-P. Bardet et F.-J. Ruggiu (dir.), Au plus près du secret des cœurs ?, ibid., p. 16 : « Les auteurs de livres de raison sont massivement des provinciaux, des hommes ordinaires, connus à l’échelle de leur petite ville mais plongés dans l’anonymat à l’échelle du pays ».
  • [4]
    Cf. I. Robin Romero, « La santé dans les écrits du for privé », J.-P. Bardet et F.-J. Ruggiu (dir.), Au plus près du secret des cœurs ?, ibid., p. 165-183 ; S. Mouysset, « Maux dits, maux écrits : du soin de soi à l’attention aux autres dans les écrits du for privé français, xve-xviiie siècle », Antonio Castillo Gomez (dir.), El legado de Mnemosyne. Las escrituras del yo a través del tiempo, Ediciones Trea, 2007, p. 17-37.
  • [5]
    Le 9 janvier 1603.
  • [6]
    A. Ledieu, « Le livre de raison d’un magistrat picard (1601-1602) », Bulletin de la Société d’émulation d’Abbeville, 1889, p. 223-224.
  • [7]
    Intervalle intergénésique moyen de 18 mois.
  • [8]
    Vésicatoire : adj. et nom masculin, se disait d’un médicament externe faisant apparaître des vésicules sur la peau.
  • [9]
    J. Tiolier, Journal de Jean Tiolier, conseiller, habitant de Clermont (1772-1789), 1904-1905, p. 276.
  • [10]
    P. Parfouru, G. Vallée, Mémoires de Charles Gouyon, baron de La Moussaye (1553-1587) : Brief discours de la vie de tres sage et tres vertuze dame Madame Claude du Chastel, rédigée par escrit par Charles Gouyon son mary, pour servir de memoire à ses enfans et postérité, 1901, p. 142.
  • [11]
    Emmanuel duc de Croÿ, Journal inédit du duc de Croÿ (1718-1784), publié d’après le manuscrit autographe conservé à la bibliothèque de l’Institut par Emmanuel-Henri de Grouch, Paris, Flammarion, 1906, t. 1, p. 49.
  • [12]
    R. Sauzet, Le notaire et son roi, Étienne Borrelly (1633-1718), un Nîmois sous Louis XIV, Paris, Plon, 1998, p. 57.
  • [13]
    Ibid.
  • [14]
    Ibid.
  • [15]
    Ibid.
  • [16]
    Ibid.
  • [17]
    Ibid.
  • [18]
    J. Lecuir, « De la qualité de la vie de la femme » dans « La qualité de la vie d’après les Mémoires et livres de raison », La qualité de la vie au xviie siècle, 7e colloque de Marseille, 1977, p. 147.
  • [19]
    S. Beauvalet, « La mort en couches », La démographie de l’époque moderne, 1999, p. 163-164 ; J. Dupâquier (dir.), « La mortalité en couches », Histoire de la population française, 1988, t. 2, p. 238-239.
  • [20]
    Sur l’expérience de la grossesse et de l’accouchement, nous renvoyons aux récents travaux d’Emmanuelle Berthiaud, et notamment à la lecture des récits de vie féminins et correspondances familiale : « Grossesse désirée, grossesse imposée : le vécu de la grossesse aux xviiie-xixe siècles en France dans les écrits féminins privés », Histoire Économie Société, n° 4, décembre 2009, p. 35-49 ; « Les solidarités autour des femmes enceintes dans les écrits du for privé aux xviiie et xixe siècles », J.-P. Bardet, E. Arnoul et F.-J. Ruggiu (dir.), Les écrits du for privé en Europe du Moyen Âge à l’époque contemporaine. Recenser, Analyser, Éditer, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2010, p. 283-300 ; « Attendre un enfant » : vécu et représentations de la grossesse aux xviiie et xixe siècles (France), thèse de doctorat d’histoire moderne et contemporaine à l’université de Picardie-Jules-Verne sous la direction de Scarlett Beauvalet, décembre 2011.
  • [21]
    M. Richard, Mémoires d’Isaac de Bostaquet, gentilhomme normand, sur les temps qui ont précédé et suivi la révocation de l’Édit de Nantes, Mercure de France, 1968, p. 71.
  • [22]
    Ibid., p. 91.
  • [23]
    Cité par F. Lebrun, La vie conjugale sous l’Ancien Régime, 1975, p. 115.
  • [24]
    J. Boulaud, « Le livre de raison de Grégoire Benoist de Lostende (1677-1754) », Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, t. 59, 1909-1910, p. 116.
  • [25]
    Cité par F. Lebrun, La vie conjugale…, op. cit., p. 115.
  • [26]
    Il semblerait « que l’on doive la première opération césarienne à un châtreur de porcs de Thurgovie, dans les années 1500 qui se vit la pratiquer sur son épouse pour la sauver », S. Beauvalet, La démographie…, op. cit., p. 169. Sur la naissance et les techniques d’accouchements à l’époque moderne : J. Gélis, Accoucheur de campagne sous le roi soleil. Le traité d’accouchement de Guillaume Mauquest de la Motte, 1979 ; L’arbre et le fruit. La naissance dans l’Occident moderne, xvie-xixe siècles, 1984 ; M. Laget, Naissances. L’accouchement avant l’âge de la clinique, 1982.
  • [27]
    Le Mau de Talancé, « Le livre de raison des Deschamps et des Lemau, seigneur de Talancé en Beaujolais », Bulletin de la Société des Sciences et Arts du Beaujolais, 1909, t. X, p. 205.
  • [28]
    S. Beauvalet, La démographie…, op. cit., p. 169.
  • [29]
    A. de Charmasse, M. de Chizy, « Journal de Noé Lacroix, chalonnais (1610-1631) », Mémoires de la société d’histoire et d’archéologie de Chalon-sur-Saône, 1883-1888, t. 7, p. 32.
  • [30]
    « Jusqu’au milieu du xviie siècle, on avait utilisé des pinces, les « tenettes » pour extraire les enfants morts et ceux qu’on n’arrivait pas à faire naître. Le premier forceps obstétrical est conçu vers 1665 : c’est un instrument à deux branches séparables, courtes et droites, qu’on applique sur la tête de l’enfant et qui permet de tirer progressivement sans lâcher prise. Au milieu du xviiie siècle des innovations, réalisées simultanément en France et en Angleterre par Levret et Smellie, allaient donner au forceps toute son efficacité et entraîner sa diffusion », S. Beauvalet, La démographie…, op. cit., p. 167.
  • [31]
    A. Baudon, Le livre de raison de Jacques-Quentin Durand, avocat et bourgeois de Rethel au xviiie siècle, 1898, p. 9-11.
  • [32]
    Ibid. p. 11.
  • [33]
    Mémoires d’Isaac de Bostaquet, op. cit., p. 53.
  • [34]
    P. Parfouru, G. Vallée, Mémoires de Charles Gouyon, baron de La Moussaye, op. cit., p. 147.
  • [35]
    Ch. Aurenche, Mémoires d’Isaac Meissonier (1630-1709), suivis d’extraits de son livre de raison, 1661-1674, Aubenas, 1916, p. 68.
  • [36]
    J. de La Prairie, « Livre domestique de la famille Du Tour, de Soissons », Bulletin de la Société archéologique, histoire et scientifique de Soissons, t. 3, 2e s., 1872, p. 63.
  • [37]
    L. Sahler, « Le livre de comptes de Samuel Méquillet (1690-1739) », Revue d’Alsace, 1881, p. 57.
  • [38]
    A. Fillon, Louis Simon, villageois de l’ancienne France, Éditions Ouest-France, 1996, p. 81.
  • [39]
    E. Arnoul, « La vie sans elle. Veuvage et solitude des hommes dans la France moderne », dans J.-P. Bardet, E. Arnoul et F.-J. Ruggiu (dir.), Les écrits du for privé en Europe, op. cit., 207-225.
  • [40]
    « La mort, quelle qu’elle soit, est toujours Nex, fin brutale, et il n’y a pas sous ce rapport de différence essentielle entre un coup de poignard et la douce extinction d’un vieillard chargé d’ans, entre la mort foudroyante et l’Adagio des morts graduelles », V. Jankelevitch, La mort, Champs Flammarion, [1977], 2001, p. 282.
  • [41]
    M.-T. Allemand-Gay, Un magistrat lorrain au xviiie siècle : le premier président de Cœurderoy, 1783-1800, et son diaire, 1997, p. 298.
  • [42]
    R. de Betz, Les Livres de raison des Spoelberch, 1563-1783, Tongres, 1935, p. 58.
  • [43]
    Ses filles ont atteint l’âge de la majorité.
  • [44]
    P. Ariès, L’homme devant la mort, Éditions du Seuil, 1977, Points Histoire, 1985, t. 1, p. 18.
  • [45]
    H. Dugon, Daniel de La Motte Rouge. Récit inédit de la bataille de Saint-Cast et souvenirs sur la vie à Plancoët au xviiie siècle, d’après le livre de raison du sénéchal de Lantillais, Saint-Brieuc, 1950, p. 20.
  • [46]
    L. Guibert, « Livre de raison de Jean-Baptiste Couloumy, notaire à Saint-Pantaléon, et de Beauregard, son gendre (1759-1830) », Nouveau recueil de registres domestiques limousins et marchois, 1895, t. 2, p. 283.
  • [47]
    L. Sahler, « Le livre de comptes de Samuel Méquillet (1690-1739) », op. cit., p. 56-57.
  • [48]
    M.-F. Augagneur, Vivre le deuil : de la désorganisation à une réorganisation, Lyon, Éd. Chronique sociale, 1991, p. 47.
  • [49]
    H. Jadart, « Journalier de Jean Maillefer fils (1679-1716) », Mémoires de Jean Maillefer, Négociant et Bourgeois de Reims au xviie siècle continués par son fils jusqu’en 1716, Travaux de l’Académie nationale de Reims, 1887-1888, vol. 84, t. 2, p. 315.
  • [50]
    A. Baudon, Le livre de raison de Jacques-Quentin Durand, op. cit., p. 8.
  • [51]
    M. Fumaroli, Mémoires de Henri de Campion, Paris, Mercure de France, 1967, p. 223.
  • [52]
    B. Cottret, Mémoires d’une Famille Huguenote victime de la révocation de l’édit de Nantes, Les Presses du Languedoc, Montpellier, 1992, p. 221.
  • [53]
    Mémoires d’Isaac de Bostaquet, op. cit., p. 71.
  • [54]
    « L’Adieu passionne les relations humaines et leur confère la haute tension du romanesque ou du tragique. Car si l’absence qui résulte de la séparation peut s’appeler tragédie, la séparation qui préludait à l’absence est le tragique lui-même ; le tragique de cette tragédie », V. Jankélévitch, La mort, op. cit., p. 326.
  • [55]
    N. Weiss, H. Clouzot, Les dragonnades en Poitou. Journal de Jean Migault, maître d’école (1681-1688), 1910, p. 112-115.
  • [56]
    « Pour comprendre l’attention portée par toute une époque à l’instant même de la mort, il faut voir ce que cet instant même représente pour la plupart. Dans une dialectique ambiguë, on peut dire que tout l’exercice d’une vie peut ne servir de rien, car tout peut être perdu – ou sauvé – à la mort », M. Vovelle, Mourir autrefois. Attitudes collectives devant la mort aux xviie et xviiie siècles, 1974, folio histoire [1990], p. 82.
  • [57]
    Ch. Pradel, « Le livre de raison de Jean de Bouffard Madiane (1619-1673) », Bulletin de la société d’histoire du protestantisme français, t. 56, 1907, p. 45.
  • [58]
    Ch. Aurenche, Mémoires d’Isaac Meissonier, op. cit., p. 42.
  • [59]
    Ch. de Ribbe, « Livre de raison de Joseph de Garidel docteur en droit, procureur du pays de Provence », La famille et la société en France, avant la révolution, d’après des documents originaux, 1874, t. 2, p. 188.
  • [60]
    J.-M. Lavorel, Études sur la famille d’autrefois. Le livre de raison de François Quisard (1751-1793), 1902, 30 p.
  • [61]
    A. Ledieu, « Le livre de raison d’un maïeur d’Abbeville (1545-1613), (Antoine Rohault) », Mémoires de la Société d’émulation d’Abbeville, 1894-1897, p. 183.
  • [62]
    Ch. de Ribbe, Livre de raison de Joseph de Garidel, op. cit., p. 188.
  • [63]
    Ch. Aurenche, Mémoires d’Isaac Meissonier, op. cit., p. 42.
  • [64]
    L. Sahler, « Le livre de comptes de Samuel Méquillet (1690-1739) », op. cit., p. 57.
  • [65]
    J.-M. Lavorel, Études sur la famille d’autrefois. Le livre de raison de François Quisard, op. cit., 30 p.
  • [66]
    N. Weiss, H. Clouzot, Les dragonnades en Poitou. Journal de Jean Migault, op. cit., p. 114-116.
  • [67]
    E. Arnoul, « Se souvenir d’elles. Portraits de femmes dans les écrits du for privé », Écritures de familles, écritures de soi (France-Italie, xvie-xixe siècles), M. Cassan (dir.), PULIM, 2011, p. 37-57.
  • [68]
    Elles succèdent à celles des artes moriendi du second Moyen Âge où les chambres étaient envahies « par les puissances du ciel et de l’enfer, par les souvenirs de la vie et des délires diaboliques ». Elle n’en a « ni l’agitation ni l’intensité », P. Ariès, op. cit., p. 22.
  • [69]
    P. Ariès, op. cit., p. 22.
  • [70]
    Ch. de Ribbe, Livre de raison de Joseph de Garidel, op. cit., p. 188-189.
  • [71]
    J. de La Prairie, Livre domestique de la famille Du Tour, de Soissons, op. cit., p. 57.
  • [72]
    Ch. Loriquet, « Journalier ou Mémoires de Jean Pussot (1568-1625), maître charpentier en La Couture de Reims », Travaux de l’Académie de Reims, 1858, p. 189.
  • [73]
    P. Parfouru, G. Vallée, Mémoires de Charles Gouyon, baron de La Moussaye, op. cit., p. 147.
  • [74]
    Ibid., p. 146.
  • [75]
    N. Weiss, H. Clouzot, Les dragonnades en Poitou. Journal de Jean Migault, op. cit., p. 113.
  • [76]
    P. Ariès, Essais sur l’histoire de la mort…, op. cit., p. 17-31. Et L’homme devant la mort, op. cit., t. 1, p. 13-36.
  • [77]
    Ch. Aurenche, Mémoires d’Isaac Meissonier, op. cit., p. 68.
  • [78]
    Ibid.
  • [79]
    J. Crespin (1520-1572), Histoire des martyrs, Genève, [1597, 1608], 1619, éditée pour la 1re fois à Genève en 1554 sous le titre : « Le Livre des martyrs ».
  • [80]
    C. Drelincourt (pasteur, pseud. Philalèthe) (1595-1669), Les Consolations de l’âme fidèle contre les frayeurs de la mort, avec les dispositions et préparations pour bien mourir, Saumur, [1651], 1670. 11e éd.
  • [81]
    N. Weiss, H. Clouzot, Les dragonades en Poitou. Journal de Jean Migault, op. cit., p. 114.
  • [82]
    Le Père É. Binet, Consolation et resjouissance pour les malades et personnes affligées (…), 1617 [2e éd. revue et augmentée]. [Sixième édition, 1624, 1625, 1626, 1627, 1642, 1656…].
  • [83]
    F. de Sales, Introduction à la vie dévote, [1609], chapitre XIII, Gallimard, Pléiade, 1965, p. 55-56, cité par S. Beauvalet, La démographie…, op. cit., p. 270.
  • [84]
    Ch. Aurenche, Mémoires d’Isaac Meissonier, op. cit., p. 42.
  • [85]
    R. Sauzet, Le notaire et son roi, Étienne Borrelly, op. cit., p. 56.
  • [86]
    L. Guibert, « Second livre de raison de Jean Texendier (1662-1680), continué par Jean-Baptiste Texendier de Losmonerie son petit-fils (1684-1703) », Livres de raison, registres de famille et journaux individuels limousins et marchois, 1888, p. 387-407.
  • [87]
    N. Weiss, H. Clouzot, « Journal d’un professeur à l’Université de Dijon (1742-1774), (Jean-Baptiste Micault) », Mémoires de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, t. 9, p. 204.
  • [88]
    A. de Mahuet, « Journaliers de la famille de Marcol (1672-1786) », Mémoires de la Société d’archéologie lorraine et du musée historique lorrain, t. 59, 1909, p. 397.
  • [89]
    P. Ariès, L’homme devant la mort, op. cit., t. 1. p. 39.
  • [90]
    Sur la question des pratiques médicales et des relations médecins/patients à la fin de l’époque moderne, nous renvoyons aux travaux de M. Louis-Courvoisier, « Le malade et son médecin : le cadre de la relation thérapeutique dans la deuxième moitié du xviiie siècle », Bulletin canadien d’histoire de la médecine, 2001, 18 : 277-96 ; « Quelques traces de liens familiaux dans les consultations épistolaires envoyées au Dr Tissot (1728-1797) » dans P. Henry et J.-P. Jelmini, La Correspondance familiale en Suisse romande aux xviiie et xixe siècles ; affectivité, sociabilité, réseaux, Neuchâtel, Alphil, 2006, p. 191-207 ; « Rhabilleurs, experts, chirurgiens, sages-femmes et pasteurs : les malades et leurs soignants en Suisse romande au xviiie siècle » dans V. Barras et M. Louis-Courvoisier, La médecine des Lumières ; tout autour de Tissot, Genève, Bibliothèque d’histoire des Sciences, p. 187-200 ; « Comment un chirurgien soigne-t-il et guérit-il ses malades à la fin du xviiie siècle ? » dans O. Faure et A. Opinel, Les thérapeutiques : savoirs et usages, Lyon, p. 195-207.
  • [91]
    « Les rapports des médecins de la Société Royale de médecine au retour de leurs visites dans toute la France relèvent d’un genre particulier où, au récit des maladies vues, s’adjoint de la sidération sur tout ce qui peut s’échapper du corps ou entrer en lui : une vision d’apocalypse ne serait pas différente de celles données par les médecins. », A. Farge, Effusion et tourment, le récit des corps. Histoire du peuple au xviiie siècle, Odile Jacob, 2007, p. 175.
  • [92]
    Les thèses sur les sentiments d’indifférence à l’égard des enfants par exemple ont été récusées, et ce déjà pour l’époque médiévale, notamment par P. Riché, Éducation et culture dans l’Occident barbare (vie-xviie siècles), 1962 ; J.-L. Flandrin, « Enfant et société », Annales ESC, 19e année, n° 2, mars-avril 1964, p. 322-329 ; D. Alexandre-Bidon, « Grandeur et renaissance du sentiment de l’enfance au Moyen Âge », Éducations médiévales, l’enfance, l’école, l’Église en Occident (vie-xve siècles), numéro spécial de la revue Histoire de l’Éducation, INRP, 1991, p. 39-63. Il convient désormais de considérer que cette rhétorique, certes valorisante pour l’individu qui regarde dans le passé, participe d’une vision trop réductrice et probablement orientée : « Le besoin enfoui en nous de croire que l’amour pour les enfants est une conquête récente, manière d’ennoblir notre histoire contemporaine par ailleurs bien tragique, est peut-être à l’origine de la méprise qui a laissé croire à l’absence d’amour et de tendresse à l’égard des enfants des temps anciens », D. Alexandre-Bidon et D. Lett, Les enfants au Moyen Âge (ve-xve siècles), 1997, p. 10.
  • [93]
    P. Aries, L’Homme devant la mort, Paris, [Point Seuil], 1985, t. 2, p. 181.
  • [94]
    « Décidément on ne dit pas, on n’écrit pas sa douleur, mais elle est. Il faut y insister car, en dépit de son épaisseur, le dossier de l’indifférence qu’après tant d’autres j’ai instruit se trouve considérablement affaibli (…) Nier cette douleur au profit d’une « indifférence » serait témoigner d’un formidable mépris » (…) L’indifférence devant la mort n’est qu’un masque. » A. Croix, La Bretagne aux xvie et xviie siècles. La Vie, la Mort, la Foi, 1981, p. 1093.
  • [95]
    « Le premier [stéréotype] est sans doute celui de l’insensibilité à la mort des hommes et des femmes pour qui elle est un spectacle quotidien : une image qui demande à être nuancée. » M. Vovelle, La mort et l’Occident de 1300 à nos jours, 1983, p. 270.
  • [96]
    M. Vovelle, ibid., p. 270.
  • [97]
    L’Art de se consoler sur les accidents de la vie et de la mort, ou le Stoïcien orthodoxe, par Le Sieur B.D.L.H., F. et P. de Laulne, 1694, (12)-299 p. cité par R. Favre, La mort dans la littérature et la pensée françaises au xviiie siècle, 1976, thèse, Paris IV, p. 23.
  • [98]
    M. Vovelle, ibid., p. 275.
  • [99]
    Le livre de raison de la famille d’Aubermont, suivi de corrections pour la généalogie de cette famille, 1896, 32 p., pub. par Du Chastel.
  • [100]
    M. Foisil, « L’écriture du for privé » Histoire de la vie privée, t. 3, Points Histoire, 1999, [Éditions du Seuil, 1985], p. 341.
  • [101]
    Le livre de raison de G. B. de Lostende (1677-1754), op. cit., p. 75-129.
  • [102]
    On peut comparer ce résultat aux données de l’INED sur la France entière établies à partir des fiches de famille. Pour la seconde moitié du xviie siècle et l’ensemble du xviiie siècle, la durée moyenne des premières unions avec des femmes mariées entre 15 et 45 ans (observation d’unions rompues par le mari ou la femme sans différenciation) est de 18,7 ans pour les couples mariés entre 1650 et 1679, 21,8 ans pour les mariages de 1700 à 1719 et 24,1 ans pour ceux de 1760 à 1779, ces données présentant un allongement régulier et constant sur l’ensemble de la période. Résultats cités par S. Beauvalet, Etre veuve sous l’Ancien Régime, Paris, Belin, 2001, p. 149.
  • [103]
    « Jusqu’à la fin du xviiie siècle, la moitié des enfants n’atteint pas son dixième anniversaire, d’où la terrible formule de Pierre Goubert selon laquelle il faut deux enfants pour faire un adulte. », S. Beauvalet, La démographie…, op. cit., p. 259.
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