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Article de revue

Le fonctionnement de la commission d'enquête sur la catastrophe du charbonnage du Bois de Cazier (Marcinelle, 8 août 1956).

Entretien avec le professeur Stassen

Pages 199 à 216

Notes

  • [*]
    Philippe Tomsin, maître de conférences à l’Université de Liège, Place du XX-Août à B-4000 Liège. Adresse électronique : ph.tomsin@ulg.ac.be.
  • [1]
    En 1956, la société exploitante du siège Saint-Charles à Marcinelle porte le nom de « SA du Charbonnage du Bois de Cazier », sise au sein de la concession de « Bois de Cazier, Marcinelle et du Prince » ; l’appellation « Bois du Cazier » est postérieure et résulte de l’usage (cf. « Tableau des mines de houille en activité en Belgique au 1er janvier 1956 », Annales des Mines de Belgique, 1956, p. 462).
  • [2]
    F. Dassetto, M. Dumoulin, Mémoire d’une catastrophe. Marcinelle, 8 août 1956, Louvain-la-Neuve, 1986 ; Chr. Druide (et alii), Bois du Cazier – Marcinelle 1956, Charleroi, 1996 ; J.-L. Delaet, Al. Forti, Fr. Groff, Le Bois du Cazier. Marcinelle, Bruxelles, 2003 ; M.-L. de Roeck, J. Urbain, P. Lootens, Tutti cadaveri. Le procès de la catastrophe du Bois du Cazier à Marcinelle, Bruxelles, 2006 ; Al. Forti, Chr. Joosten, Cazier judiciaire. Marcinelle, chronique d’une catastrophe annoncée, Bruxelles, 2006 ; J. Puissant, G. Vande Vijver, « La Catastrophe de Marcinelle entre mémoire et histoire », dans It. Rodomonti, P. Tilly (édit.), De Rome à Marcinelle. Santé et sécurité : hier, aujourd’hui et plus encore, demain !, Bruxelles, 2006, p. 117-126.
  • [3]
    J. Urbain, « Le procès du Bois du Cazier (1959-1962) », Patrimoine industriel Wallonie-Bruxelles, nos 63-64, 2005-2006, p. 19-20 ; M.-L. de Roeck, J. Urbain, P. Lootens, op. cit., p. 94-97 ; Al. Forti, Chr. Joosten, op. cit., p. 91-121.
  • [4]
    La totalité de son témoignage (près de deux heures) est retranscrite verbatim dans un fascicule dactylographié dont un exemplaire a été déposé notamment au Centre Liégeois d’Archives et de Documentation de l’Industrie Charbonnière (CLADIC). Dans le cadre de la préparation de leur très remarquable ouvrage, je remercie Alain Forti et Christian Joosten de m’avoir alors fait l’honneur de me confier la collecte de ce matériau (Al. Forti, Chr. Joosten, op. cit., p. 10).
  • [5]
    En juin 1946, la Belgique et l’Italie avaient signé un accord prévoyant l’immigration d’une cinquantaine de milliers d’ouvriers italiens dans les mines du royaume ; cf. M. Dumoulin, « Pour une histoire de l’immigration italienne en Belgique : 1945-1956 », dans R. Aubert (dir.), L’immigration italienne en Belgique. Histoire, langues, identité, coll. Collana di cultura e umanità, vol. 3, Bruxelles, Louvain-la-Neuve, 1985, v. p. 31-38.
  • [6]
    [Ministère des Affaires économiques], Rapport de la Commission d’enquête chargée de rechercher les causes de la catastrophe survenue au Charbonnage du Bois-de-Cazier, le 8 août 1956, Bruxelles, 1957, p. 4-8.
  • [7]
    Ibid., p. 7-8.
  • [8]
    Ingénieur des mines (1909) et ingénieur électricien (1910), membre du corps des mines, Maurice Guérin (1888-1958) enseigne la physique industrielle à l’Université de Liège dès 1910, puis l’exploitation des mines à partir de 1926. Spécialiste des problèmes de salubrité du travail, il s’attache, dès 1926, aux questions des accidents et de l’hygiène du travail. En 1949, il est chargé du cours de prévention des accidents miniers (cf. H. Labasse, « Notice biographique sur Maurice Guérin », dans R. Demoulin, Liber Memorialis. L’Université de Liège de 1936 à 1966. Notices historiques et biographiques, vol. II, Notices biographiques, Liège, 1967, p. 817-818).
  • [9]
    Il s’agit d’Adolphe Calicis, Directeur des travaux du charbonnage au moment de l’accident (cf. J.-L. Delaet, Al. Forti, Fr. Groff, op. cit., p. 98).
  • [10]
    Antonio Ianetta était l’encageur à l’étage 975. L’encagement malencontreux des wagonnets qu’il exécute occasionne l’accident (cf. J.-L. Delaet, Al. Forti, Fr. Groff, op. cit., p. 81).
  • [11]
    La cage est une sorte de monte-charge servant à la translation des wagonnets dans les puits ; cf. J. Haust (et alii), La houillerie liégeoise. Vocabulaire philologique et technologique de l’usage moderne dans le bassin de Seraing-Jemeppe-Flémalle, Liège, 1925, p. 54 et p. 106-107.
  • [12]
    La clame est un barreau de fer plat, perforé pour permettre le passage de boulons, et destinée à solidariser deux éléments métalliques ou en bois ; cf. ibid., p. 59.
  • [13]
    Aire du charbonnage comprenant toutes les installations de surface, aux abords de l’orifice du puits ; cf. ibid., p. 158.
  • [14]
    Natif de Liège, Fernand Dacos (1892-1977) est diplômé ingénieur électricien (AIM) en 1913, puis ingénieur de l’École Supérieure d’Electricité de Paris (1927). En 1929, il enseigne la physique expérimentale à l’Université de Liège (cf. L. Halkin (dir.), Liber Memorialis. L’université de Liège de 1867 à 1935. Notices biographiques, vol. II, Faculté des Sciences. Écoles spéciales. Faculté technique, Liège, 1936, p. 372-373 ; P. Delforge, « Notice biographique », dans P. Delforge, Ph. Destatte, M. Libon, Encyclopédie du mouvement wallon, Charleroi, 2000, vol. I, p. 389-390).
  • [15]
    Lucien Denoël (1872-1959), ingénieur des Arts et Manufactures (1892) et ingénieur au corps des mines, enseigne l’exploitation des mines à l’École industrielle de Dour (1895), puis à l’Université de Liège (de 1897 à 1942). En 1907, il est rapporteur de la commission d’enquête parlementaire sur la durée du travail dans les mines (cf. E. Frenay, « Notice biographique », dans R. Demoulin, op. cit., p. 718-720).
  • [16]
    L’exhaure consiste à pomper les eaux d’infiltration des galeries pour prévenir leur inondation ; cf. J. Haust, op. cit., p. 125.
  • [17]
    Fondé en 1902, l’Institut national des mines est établi à Pâturages en 1924. Il abrite des laboratoires et des ateliers pour l’étude et la prévention des risques liés à l’exploitation houillère (cf. E. Demelenne, L’Institut national des mines à Pâturages, Bruxelles, 1964). En 1968, l’Institut national des mines de Pâturages (Hainaut) et l’Institut national de l’industrie charbonnière (Liège) sont fusionnés pour constituer l’Institut national des industries extractives (INIEx).
  • [18]
    L’Institut électrotechnique Montefiore est fondé par l’industriel et philanthrope Georges Montefiore-Levi, en 1883 ; cf. Ph. Tomsin, « L’institut électrotechnique Montefiore à l’Université de Liège, des origines à la seconde guerre mondiale », dans L. Badel (dir.), La Naissance de l’ingénieur-électricien. Origine et développement des formations nationales électrotechniques, actes du 3e Congrès sur l’histoire de l’électricité, organisé par l’Association pour l’histoire de l’électricité en France, Paris, 1997, p. 221-232.
  • [19]
    Rapport de la Commission d’enquête…, op. cit., p. 18-27.
  • [20]
    Roger Lefèvre, Directeur divisionnaire du bassin de Charleroi et membre de la commission, comparaît en tant que prévenu au procès (cf. J.-L. Delaet, Al. Forti, Fr. Groff, op. cit., p. 98 ; J. Urbain, op. cit., p. 20). Pierre Brison et Arthur Denis, délégués de la Fédération charbonnière de Belgique, Robert Balesse, délégué de la Centrale syndicale des travailleurs des mines de Belgique et Émile Vandendriessche, délégué de la Centrale des francs-mineurs, sont interrogés par le tribunal en tant qu’experts (Al. Forti, Chr. Joosten, op. cit., p. 170-178).
  • [21]
    L’organe permanent est un comité constitué en 1956 à la suite de la catastrophe de Marcinelle (cf. W. Dörr, « L’Europe sociale », dans M. Charpentier (et alii), Dossier de l’Europe des Six, du plan Schuman à la commission Rey : où en est la Communauté ? Où va-t-elle ?, s. l., 1969, p. 222 ; J.-J. Stassen, L’après-Marcinelle. Quarante ans d’Europe sociale dans le cadre du Traité de la CECA pour l’amélioration des conditions de travail des mineurs. Protection du travail dans les mines belges après la catastrophe de Marcinelle, Blegny, Liège, 2006, p. 13). Cet organe permanent est limité originellement à l’examen des problèmes de sécurité dans les charbonnages (protection contre le grisou, les poussières inflammables, les incendies, etc.). Ultérieurement, ses compétences sont étendues aux questions de salubrité (décision des représentants gouvernementaux des états membres, conseil spécial du 11 mars 1965 ; cf. Journal officiel des communautés européennes, n° 46, 22 mars 1965, p. 698).

1Depuis bien des années, la catastrophe du charbonnage du Bois de Cazier [1] fait régulièrement l’objet de publications [2]. La chronologie du drame, le contexte social, le procès de 1959 ou la question de l’immigration italienne dans les charbonnages belges sont quelques-unes des problématiques qui s’y trouvent invariablement examinées.

2La commission d’enquête sur la catastrophe, mise en place par le ministre Jean Rey, y est en revanche plus rarement évoquée. Assez naturellement, les passages qui lui sont consacrées dans la plupart des publications sont davantage axés sur les résultats de ses travaux plutôt que sur les détails de son fonctionnement [3].

3En 2005, l’occasion me fut offerte d’interroger le Professeur Jean-Jacques Stassen à ce sujet. Secrétaire de ladite commission d’août 1956 à juin 1957, témoin privilégié de son fonctionnement, ses souvenirs se révélèrent d’autant plus précieux qu’ils n’avaient, jusqu’alors, encore été recueillis [4].

4Jean-Jacques Stassen est né à Montegnée-lez-Liège le 24 juillet 1922. Ingénieur civil des Mines (Université de Liège, 1946) et ingénieur électricien (Université de Liège, 1951), il entame une carrière à l’administration des mines dès 1946. Ingénieur en chef, directeur dès 1960, il est nommé inspecteur général des Mines en 1974. Professeur du cours d’exploitation des Mines à l’Université de Liège, il est également expert gouvernemental et membre de l’Organe Permanent pour la sécurité et la salubrité des mines de houille et autres industries extractives de la CEE, de 1972 à 1987. Il décède à Liège, le 10 septembre 2009.

5Jean-Jacques Stassen aspirait intensément à ce que soient publiés ses souvenirs relatifs au fonctionnement de la commission d’enquête sur la catastrophe. Peu avant sa soudaine disparition, je lui soumis une synthèse de notre entretien, synthèse qu’il relut avec le soin et la bienveillance dont il était coutumier. Matériau pour servir à l’histoire industrielle et sociale de la Belgique, la présente publication est aussi un hommage à sa mémoire.

La catastrophe

6Le siège Saint-Charles de la SA du Charbonnage du Bois de Cazier se situe à Marcinelle, dans la banlieue de Charleroi. Le 8 août 1956, il devient le théâtre du plus grave accident survenu dans un charbonnage belge.

7En début de matinée, à la suite d’une erreur humaine, un incendie se déclare dans le puits d’entrée d’air, à 975 mètres sous terre. Rapidement, d’épaisses fumées asphyxiantes se propagent dans toutes les galeries en suivant le circuit d’aération.

8L’accident fait 262 victimes. Plus de la moitié d’entre-elles sont d’origine italienne [5]. Le drame est un séisme pour les esprits, tant en Belgique que dans le reste de l’Europe ; en marge de l’instruction judiciaire et de l’enquête administrative, une commission est mise en place par le pouvoir politique pour en établir les causes et en déterminer les circonstances.

9Le siège Saint-Charles cesse ses activités en 1967. Le site est classé depuis 1990. Il s’y trouve aujourd’hui un musée et un espace de mémoire.

La commission d’enquête

10La plupart des faits connus relatifs à l’origine et au fonctionnement de la commission d’enquête figurent dans le chapitre « Institution de la commission », en tête du rapport que ladite commission publie au terme de ses travaux [6].

11La commission d’enquête chargée de rechercher les causes de la catastrophe survenue au charbonnage du Bois de Cazier est créée sur proposition du ministre des Affaires économiques, Jean Rey (1902-1983), et du ministre du Travail et de la Prévoyance sociale, Léon-Éli Troclet (1902-1980) (arrêté royal du 25 août 1956, Moniteur Belge du 26 août 1956).

12Cette commission est placée sous la conduite d’un président et d’un vice-président, respectivement président honoraire à la cour d’appel et directeur général des mines. Elle se compose originellement de vingt-deux membres : le directeur divisionnaire du bassin de Charleroi, l’inspecteur général des mines, l’ingénieur en chef-directeur des mines, trois délégués de la Haute Autorité de la CECA, deux délégués de la Fédération charbonnière de Belgique, un délégué du Bureau International du Travail, quatre délégués de la Centrale syndicale des Travailleurs des Mines de Belgique, trois délégués de la Centrale des Francs-Mineurs, deux délégués de la Fédération nationale des unions professionnelles des ingénieurs des mines, un délégué de la Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique et trois représentants des travailleurs italiens de Belgique. Son Secrétaire, Jean-Jacques Stassen, est à l’époque ingénieur principal divisionnaire des Mines.

13À nouveau sur proposition des ministres Rey et Troclet, deux membres supplémentaires sont adjoints à la commission quelques semaines après le début de ses travaux. Il s’agit de l’inspecteur général et de l’ingénieur en chef du corps des mines d’Italie (arrêté royal du 30 novembre 1956, Moniteur Belge du 16 décembre 1956).

14Durant ses travaux, la commission se réunit treize fois à Bruxelles, sept fois à Charleroi et une fois à Pâturages. Elle visite les travaux souterrains du charbonnage sinistré à trois reprises. Une sous-commission d’électricité est constituée et se réunit six fois à Bruxelles, cinq fois à Charleroi, une fois à Liège et une fois à Pâturages. Un groupe de travail sur la ventilation se réunit une fois à Bruxelles.

15En vertu des articles 3 et 4 de l’arrêté royal du 25 août 1956, la commission est seule maîtresse de l’ordonnancement et de la répartition de ses travaux. Ses conclusions sont prises à la majorité des voix de ses membres, mais des notes de minorité peuvent être émises par les membres qui souhaitent formuler leurs objections sur l’un ou l’autre point.

16Dès son installation, la commission tient à différencier ses travaux de ceux de l’instruction judiciaire et de l’enquête administrative relatives à l’accident. Elle ne se donne pour objectif que de rechercher les causes et circonstances de la catastrophe [7].

Synthèse de l’entretien

17« Professeur, merci tout d’abord de me recevoir à votre domicile ce samedi 3 septembre 2005. Vous avez aimablement accepté de nous faire part de vos souvenirs relatifs à la catastrophe du 8 août 1956, et plus spécialement ceux concernant la commission d’enquête qui a été créée peu après. En 1956, vous êtes ingénieur principal divisionnaire des Mines. Quel a été votre parcours professionnel jusqu’à cette époque ? »

18« J’ai fait mes études à l’université de Liège, d’où je sors ingénieur civil des Mines en 1946. Le 1er octobre de cette année-là, le Corps des Mines organise un examen auquel je m’inscris. C’est un concours, au terme duquel nous sommes classés dans un ordre de hiérarchie, et j’ai la chance de passer premier. J’entre donc au huitième arrondissement des Mines, par un arrêté du Régent du 27 novembre 1946.

19Mon inspecteur général, Monsieur Guérin, qui avait été mon professeur à l’université [8], me dit un jour “la mine va demain être électrifiée, fortement mécanisée, et la mécanique ne peut être entraînée que par la source d’énergie qu’est l’électricité, parce que l’air comprimé est trop onéreux. Tu vas devoir suivre les cours à l’université de Liège pour être ingénieur électricien. Nous sommes quatre-vingt-cinq ingénieurs au corps des mines, et il n’y en a que quatre qui sont électriciens. Demain tu dois être électricien !”. J’ai ainsi été diplômé ingénieur électricien, tout en étant en activité.

20Le 1er décembre 1955, je suis appelé à la direction générale des mines, à Bruxelles, où le directeur général me dit : “Je voudrais bien que tu deviennes le collaborateur de l’ingénieur en chef-directeur qui est chargé de la réglementation minière, parce que tout vraiment évolue à une allure folle, et par conséquent, j’ai besoin de toi à la direction générale des mines”.

21Les ingénieurs du corps des mines ont tous des missions particulières, bien fixées par un règlement organique dans le Code des Mines. En 1955, celui qui me succède dans l’ordre hiérarchique est nommé ingénieur principal divisionnaire à Hasselt. Or, tout qui est à la direction générale des mines risque d’être dépassé hiérarchiquement par quelqu’un en province ; automatiquement, au moment de la nomination de celui de province, l’ingénieur de Bruxelles a le grade de celui de province. C’est ainsi que j’ai été nommé ingénieur principal divisionnaire ».

22« En quoi consiste à l’époque cette fonction d’ingénieur principal ? »

23« Je suis attaché au directeur général, avec l’ingénieur en chef-directeur de service de la réglementation minière, et nous sommes les deux conseillers techniques sur tous les problèmes de la sécurité du travail dans les mines. Je suis secrétaire de la commission de révision des règlements miniers, et avec mon supérieur, Monsieur Stenuit, je prépare les projets d’arrêtés de modification des textes réglementaires. Nous avons travaillé ensemble pendant deux ans, de 1955 à 1957 ».

24« Juste avant la catastrophe, que saviez-vous du charbonnage du Bois de Cazier ? S’était-il déjà fait connaître pour d’éventuels problèmes de sécurité ? »

25« Je suis arrivé à Bruxelles en décembre 1955, et jusqu’au 8 août 1956, je n’ai naturellement pas eu le temps de connaître les différents charbonnages du pays. Je ne connaissais pas le Bois de Cazier. J’en ai fait la connaissance à dix heures du matin, le 8 août, en arrivant ».

26« C’était donc un charbonnage qui n’avait pas spécialement une réputation d’insécurité avant l’accident ».

27« Je vais vous dire mon expérience. J’ai toujours dit, si j’avais eu le charbonnage du Bois de Cazier dans mon service, il ne m’aurait jamais empêché de dormir, parce que c’était un charbonnage conduit d’une façon exemplaire. Il y a, à la tête des charbonnages, ce que l’on appelle le directeur des travaux. Le directeur des travaux, c’est la même chose que le capitaine d’un navire, il a tous les pouvoirs. La relation de l’ingénieur du corps des mines en visite d’inspection se fait toujours avec le directeur des travaux. L’ingénieur s’adresse au directeur des travaux car, dans le règlement, il est “l’agent responsable”. Monsieur Calicis était l’agent responsable » [9].

28« Lorsque la catastrophe survient, le 8 août 1956, vous souvenez-vous exactement dans quelle circonstance vous en prenez connaissance ? »

29« Je rentrais de vacances la veille au soir, soit le 7 août, et je devais être à dix heures du matin à Bruxelles, le lendemain. À huit heures vingt-cinq, le directeur général me téléphone : “catastrophe au charbonnage du Cazier. Tu y vas immédiatement. Moi je vais chez le Roi, et je te rejoindrai dès que l’entrevue avec le ministre chez le Roi aura eu lieu”. Il me dit encore “je serai très bref, tu sais que nous sommes toujours chargés de veiller au respect des prescriptions réglementaires. D’après le règlement, le sauvetage est assuré par la mine, sous la surveillance de l’ingénieur du corps des mines qui est le directeur divisionnaire local. Donc tu vas y aller tout de suite, mais n’oublie pas que si nous sommes chargés de veiller au respect des prescriptions réglementaires, à situation exceptionnelle, remède exceptionnel…”.

30Je suis donc parti immédiatement vers Charleroi, à huit heures vingt-cinq. C’est l’heure à laquelle Ianetta était remonté [10]. Il n’a pas fallu trois minutes pour que l’information passe de Bruxelles jusqu’à chez moi, à Liège. C’était très rapide. À dix heures du matin, j’étais sur place, à Marcinelle ».

31« L’accident semble avoir été très rapidement connu, y compris des médias »

32« Fatalement. L’incendie avait lieu dans le puits d’entrée d’air, et bien qu’un ventilateur tirait sur ce puits dans un sens, il y avait renversement d’aérage dû à l’incendie. Donc les fumées sortaient abondamment ».

33« Vous êtes présent au charbonnage dès les premières heures de la catastrophe. Que s’est-il passé ? »

34« Si j’ai bonne mémoire, la première cage [11] est tombée dans le puits de retour d’air, c’est-à-dire la seconde issue, à neuf heures dix, et la deuxième cage est tombée à dix heures quart, quelques temps après mon arrivée. Les deux issues étaient dès lors bloquées, et l’entrée d’air impossible.

35La cage accidentée étant la cage dite “couchant”, dont la bobine d’enroulement de son câble était fixée sur l’arbre du moteur, le moteur ne pouvait donc plus tourner avec la bobine folle du câble de l’autre cage. Dans ce cas, pour pouvoir libérer la cage non accidentée et faire une reconnaissance, malgré les fumées, il n’y avait qu’une chose à faire : mettre des poutrelles sur le puits et y fixer le câble de la cage accidentée avec des clames [12]. Je ne sais pas quel était le poids de ce câble, peut-être sept ou huit tonnes. Par conséquent, si on voulait enlever le câble de la cage accidentée, il fallait le dérouler sur la paire [13]. Cette opération, extrêmement délicate, a été commencée à huit heures quarante-cinq et a été achevée à douze heures. On a ensuite tenté une reconnaissance, à quatorze heures, avec l’autre cage, et puis on a essayé d’aller toujours plus bas ».

36« S’agissait-il de câbles métalliques ? »

37« Il s’agissait effectivement de câbles plats métalliques ».

38« Venons-en maintenant à la commission d’enquête proprement dite. Savez-vous pourquoi et en quelles circonstances les ministres Rey et Troclet ont été amenés à créer cette commission ? »

39« Aux termes du règlement organique, le directeur divisionnaire de Charleroi était chargé de faire l’enquête administrative pour le parquet et de lui faire un rapport. Le parquet ayant toujours la liberté de prendre un ou plusieurs experts étrangers, il a pris mon ancien inspecteur général et ancien professeur, Monsieur Guérin, mon ancien professeur d’électricité, Monsieur Dacos [14], et le professeur Denoël [15].

40Dans le cas présent, nous étions en 1956, c’est-à-dire après 1947, année où l’on avait constitué les premiers organes de sécurité et hygiène dans les entreprises et dans les mines. Or, la sécurité concerne les gouvernementaux, puisque le gouvernement, dans sa politique sociale, doit veiller à la sécurité des travailleurs ; concerne les chefs d’entreprises, qui doivent donner à leur personnel les moyens de travailler en sécurité ; et concerne les travailleurs, qui souvent sont les victimes.

41Depuis 1939, le Bureau international du travail (BIT) recommandait que tous ces problèmes de sécurité soient examinés de façon tripartite : gouvernementaux, employeurs, travailleurs. Troclet, qui avait été plusieurs fois le représentant du ministre du Travail au BIT, suivait les travaux du BIT. Rey, pour sa part, était ministre des Affaires économiques. Or, les mines et la sécurité du travail en leur sein dépendaient du ministère des Affaires économiques. Ainsi, inspirés des recommandations du BIT, Rey et Troclet ont convenu de créer une commission d’enquête tripartite, avec des représentants du gouvernement, des employeurs et des travailleurs.

42Comme la CECA venait d’être constituée, ils y ont adjoint trois représentants de la CECA. Comme le BIT était le modèle, ils y ont intégré un représentant du BIT. Et comme sur les deux cent soixante-deux victimes, il y en avait cent trente-six italiennes, ils ont décidé, dans un second arrêté royal, d’intégrer à la commission deux fonctionnaires gouvernementaux italiens. Voilà comment la constitution de la commission s’est faite ».

43« Était-ce les cabinets des ministres qui ont choisi les membres ? »

44« Je pense que ce sont les ministres eux-mêmes. Ils se sont adressés aux organisations représentatives des employeurs et des travailleurs, à la haute autorité de la CECA, au Bureau international du travail, à la Fédération charbonnière, etc. pour que soient désignés des représentants desdites organisations. L’organisation professionnelle des ingénieurs des charbonnages ayant souhaité être également associée, deux délégués des ingénieurs des mines ont intégré la commission.

45Les ingénieurs du corps des mines étaient, pour leur part, les représentants du gouvernement. Il y avait Monsieur Vandenheuvel, directeur général des mines, Monsieur Logelain, inspecteur général des mines, Monsieur Lefevre, directeur divisionnaire du bassin de Charleroi, mon supérieur, Monsieur Stenuit, ingénieur en chef-directeur des mines, et moi-même. C’est ainsi que nous avons été intégrés dans la commission d’enquête ».

46« Pouvez-vous nous parler du président de la commission ? »

47« Le rôle du président a été fondamental. Le rôle de la commission étant uniquement de rechercher les causes et circonstances de la catastrophe, elle ne devait pas interférer avec le pouvoir judiciaire. Les deux ministres ont été très sages. Ils ont décidé de choisir comme président un ancien magistrat, Monsieur Van Laethem, président honoraire d’une chambre de la cour d’appel de Bruxelles. Grâce à lui, le déroulement des travaux s’est extrêmement bien passé, car il veillait toujours au bon déroulement des investigations. J’ai eu beaucoup de contacts avec lui, parce qu’il me fallait préparer les interrogatoires et l’ordre du jour des réunions ».

48« La commission d’enquête sur la catastrophe de Marcinelle était-elle la première du genre ? »

49« Oui, c’était la première fois qu’une telle commission était mise en place. C’était aussi la première véritable occasion depuis les recommandations émises en 1939 par le BIT, car dans l’intervalle, il y avait eu la guerre et la bataille du charbon ».

50« Le vif émoi dans la population et le sentiment d’indignation générale consécutifs à l’accident ont-ils influencé les ministres dans le cadre de la création de la commission ? »

51« Non, je ne le crois pas. Les ministres étaient assez sages pour se dire que, vis-à-vis de l’opinion publique, il fallait créer une commission d’enquête, mais ils l’ont fait en dehors de la Chambre. Ils l’ont fait dans le cadre du pouvoir exécutif. Et c’est le ministre Rey qui a fait le rapport au Parlement pour la Chambre et le Sénat ».

52« Quelques années à peine après la bataille du charbon, n’existait-il pas la crainte que la catastrophe ternisse un peu la réputation des mines belges ? »

53« Bien sûr que si ! Il est certain que c’était vraiment un drame, d’autant plus que notre directeur général, Monsieur Vandenheuvel, avait été nommé le 1er décembre 1955. C’est comme cela que je suis arrivé en décembre à Bruxelles. Et Monsieur Vandenheuvel, en février 1956, examinant les statistiques de l’année antérieure, écrivait à tous ses ingénieurs du corps des mines “je dois vous féliciter parce que nous venons d’atteindre un chiffre que nous n’avons jamais atteint jusqu’à présent ; nous sommes descendus en dessous de cent tués au cours de l’année 1955”. Et quelques mois après, nous avions deux cent soixante-deux morts. C’était un drame ! ».

54« Personnellement, comment avez-vous été contacté pour devenir secrétaire de la commission d’enquête ? Est-ce par l’intermédiaire de Monsieur Vandenheuvel ? »

55« C’est Monsieur Vandenheuvel qui a fait la demande. De suite, il a dit “il faut Stenuit et Stassen dans la commission”. Lui était membre automatiquement. De même que Lefèvre, le directeur divisionnaire du bassin de Charleroi ».

56« Comment se déroulait le travail ordinaire de la commission ? »

57« En tant que secrétaire, je le préparais avec le président. Le président n’était pas spécialisé dans des enquêtes de cette espèce, alors qu’au corps des mines on avait l’habitude des enquêtes pour les parquets.

58La première chose à faire quand on fait une enquête, c’est de connaître le milieu dans lequel on évolue. Nous évoluons dans un certain milieu, à un temps déterminé. Donc, pour commencer, comme l’accident concernait toute la mine – puisque c’était tous les chantiers qui étaient en cause – il fallait faire une étude sur la concession, le gisement, les issues, les accès aux différents chantiers, la ventilation, l’extraction, l’exhaure [16], etc. C’était notre premier chapitre.

59Quand on connaît parfaitement le milieu, on examine ce qui s’est passé avant l’accident. C’est la deuxième phase des enquêtes de ce type. Nous devions décrire l’organisation du travail avant la catastrophe. Ensuite, on arrive aux faits qui ont engendré l’accident. Enfin, on évolue vers le sauvetage. Cela faisait partie de l’enquête, car le sauvetage était déjà fait depuis le 8 août et jusqu’au 31 août.

60Quand la commission s’est réunie pour la première fois, le 29 août, le ministre a simplement rappelé l’objet de la mission, les pleins pouvoirs et les moyens mis à notre disposition. Il nous avait alloué à peu près trois millions de francs, ce qui correspondrait à peu près à une bonne vingtaine de millions de francs aujourd’hui.

61Certains éléments ont été à l’origine de l’accident : une conduite d’huile, un câble électrique, un court-circuit. L’enquête évolue alors pour rechercher exactement les causes de la catastrophe. Donc, à partir des circonstances, on en arrive aux causes. La plupart des rapports d’enquêtes de catastrophes que j’ai déposés au CLADIC sont articulés de la sorte.

62Par ailleurs, il faut interroger les acteurs des événements. Malheureusement, outre Ianetta, il n’y avait que six survivants. Ils ont pris la cage à mille trente-cinq et sont arrivés à huit heures trente-cinq en surface. Nous avons aussi interrogé beaucoup de monde du poste de nuit.

63Et tout cela s’est fait sous la présidence de Monsieur Van Laethem, alors que je préparais les questions pour pouvoir interroger et enregistrer tout ce qui aurait pu nous être dit. Tout était enregistré sur bandes magnétiques. Quatre secrétaires dactylographiaient les enregistrements ».

64« Où se déroulaient ces enregistrements ? »

65« À l’hôtel de ville de Charleroi. Nous convoquions les personnes à interroger. Généralement, les interrogatoires se faisaient au charbonnage même, mais dans le cas présent, vu les circonstances, nous les avons faits à l’hôtel de ville.

66La commission se réunissait à peu près tous les samedis, du matin au soir. Les secrétaires tapaient les enregistrements le lundi et le mardi ; on dupliquait les textes le mercredi, et on les expédiait le jeudi pour que les membres les aient le vendredi à leur domicile, pour la réunion suivante du samedi, en vue de l’approbation des procès-verbaux.

67Monsieur Drouard, représentant du BIT, était chez moi tous les vendredis après-midi pour discuter de l’évolution de l’enquête. C’était un homme extraordinaire, ingénieur et inspecteur général des mines à Paris. J’ai travaillé des années avec lui, et il m’a énormément appris.

68Quand toutes les séances furent terminées, Monsieur Drouard m’a dit : “Tu sais, quand on fait une publication, on doit résumer l’enquête en quelques mots, parce que les personnes auxquelles on s’adresse ne sont pas nécessairement des personnes qui ont en tête la matière, et par conséquent, il faut simplifier ; un rapport doit être inférieur à cinq mille mots”. C’est à peu près ce que nous avons ici. Pour le détail, on renvoie à des annexes que le lecteur peut lire s’il veut avoir davantage de détails. Celui qui veut la synthèse ne perd pas son temps à lire tout. Donc, il fallait mettre toutes les causes et circonstances en cinq mille mots.

69Monsieur Drouard alors m’a demandé “sais-tu comment faire ? Tu vas mettre sur un papier tout ce qui peut avoir une influence sur les causes et circonstances de la catastrophe. Les mots, câble plat, balance hydraulique ou des choses semblables, puis tu les remets dans un ordre chronologique. Le milieu dans lequel on travaille, les faits, ce qui s’est passé au moment de l’accident, et puis le sauvetage et les considérations sur les causes”. Je lui ai dit un jour “j’ai mis quatre-vingt neuf mots”. Il m’a répondu : “Ça ne m’étonne pas. Et bien, puisqu’ils sont mis dans un ordre adéquat, chronologique, tu vas faire des phrases avec les deux, trois, quatre premiers mots par exemple, puis les suivants, et ainsi de suite”. C’est ainsi que le rapport a été constitué ».

70« Durant les auditions des témoins par la commission, y avait-il des interprètes ? »

71« Non. Nous travaillions avec un ouvrier du charbonnage qui expliquait, mais nous n’avions pas d’interprètes ».

72« À Bruxelles, où se déroulaient les réunions de la commission ? À l’administration des mines ? »

73« C’était au ministère des Affaires économiques et à l’administration des mines ».

74« Où avaient lieu les réunions à Pâturages ? Était-ce à l’Institut national des mines ? »

75« En effet. Monsieur Fripiat y avait fait toute une série d’expériences sur les huiles et sur la possibilité d’inflammation de ces huiles [17]. L’huile, pulvérisée sous pression sur un court-circuit, s’enflammait en deux virgule quarante-cinq millisecondes. Les disjoncteurs les plus performants de l’époque coupaient le courant en septante millisecondes. C’était donc trop tard ».

76« Où la réunion qui s’est tenue à Liège s’est-elle déroulée ? »

77« À l’Institut Montefiore de l’Université de Liège [18]. Les disjoncteurs avaient été prélevés par les trois experts du parquet pour voir s’ils étaient capables de fonctionner, et si l’incendie aurait pu être évité s’ils avaient été adéquats. Comme ils étaient là-bas, la commission d’enquête voulait les voir. Cela a été du reste un sujet de discussions avec mon ancien professeur, Monsieur Dacos. Nous avions fait la reconstitution du puits de mine avec la projection de l’huile sur un court-circuit bi ou triphasé. Or, j’avais appris que, dans un disjoncteur à l’huile, l’huile éteint l’arc produit par la coupure du courant. Et ici, l’huile pulvérisée s’enflammait… ».

78« Parmi les témoins du drame, avez-vous eu la possibilité d’interroger Ianetta ou était-il déjà au Canada ? »

79« Nous l’avons interrogé. Lanetta a toujours dit qu’il n’avait pas entendu Vausort lui dire qu’on allait faire l’extraction à sept cent soixante-cinq. Dans une enquête, on se base sur des faits, mais aussi sur des déclarations. Elles peuvent être vraies ou mensongères. Nous n’avons jamais pu vérifier. J’aurais voulu aller le réinterroger au Canada, au mois de mai 1957. Je n’ai pas eu les crédits nécessaires, et d’ailleurs, cela ne nous concernait pas de déterminer la responsabilité de Ianetta, puisque notre enquête concernait les causes et circonstances de l’accident. J’ignore si le pouvoir judiciaire a su éclaircir ce problème en l’absence du témoignage de Vausort, retrouvé mort à cinquante mètres de l’endroit où il travaillait, intoxiqué par l’oxyde de carbone ».

80« Pendant les réunions de la commission, et bien que toutes les discussions aient été enregistrées, preniez-vous également des notes ? »

81« Bien entendu. Monsieur Drouard, par exemple, remplissait aussi un bloc-notes complet à chaque réunion. Du reste, il venait le vendredi soir confronter son papier et mon procès-verbal. C’était un homme d’une très grande rigueur ».

82« La commission d’enquête a-t-elle occasionnellement eu des contacts avec le juge d’instruction en charge de l’enquête judiciaire ? »

83« Aucun. Notre président y veillait. Le pouvoir judiciaire travaille en toute indépendance pour ne pas commettre de défauts de procédure exploitables par des avocats, car lorsqu’ils n’ont pas d’arguments, ils plaident la faille de procédure ».

84« Comment ont été décidées les créations de la sous-commission d’électricité et du groupe de travail sur la ventilation ? La nécessité de les créer est-elle apparue assez rapidement ? »

85« Pratiquement tout de suite. Nous étions vingt-sept, avec plusieurs personnes ne comprenant rien aux problèmes d’électricité et qui ne pouvaient pas suivre les travaux. Nous avons donc fait un groupe restreint pour examiner ces questions. Cela a très bien fonctionné.

86Nous avons fait des réunions durant lesquelles les participants ont vu, de leurs propres yeux, comment l’huile s’enflammait. Pour les calculs des courts-circuits, nous avons utilisé la table électrique “tablelec” qui permet de reconstituer, sur une table, le schéma électrique de l’installation. J’avais un ami de promotion qui était le directeur de la “tablelec”. Il a fait tous les calculs des courants. En fonction des positions de réglage de court-circuit retardé ou de court-circuit instantané, nous pouvions dire que, si le déclenchement instantané était impossible, il était en tous cas certain et différé. Cependant, peu importait de déterminer exactement après combien de temps il avait fonctionné puisque l’huile s’enflammait en deux virgule quarante-cinq millisecondes, et que les disjoncteurs les plus performants de l’époque ne déclenchaient qu’après septante à nonante millisecondes. Donc, le déclenchement des disjoncteurs ne présentait pas d’intérêt. C’était très important de vérifier les calculs par les simulations sur une table électrique ».

87« Durant toute l’enquête, avez-vous eu de fréquents contacts avec les ministres ? »

88« Oui, évidemment. J’avais trente-quatre ans. Je n’étais qu’ingénieur principal divisionnaire, mais tous les trois mois, le ministre Rey me convoquait pendant une heure à son bureau. Je devais lui donner le compte rendu de tout ce que nous avions fait pendant les trois derniers mois, et il bloquait tous les téléphones. J’étais un gamin pour lui qui avait vingt ou vingt-cinq ans de plus que moi, et il était ministre ».

89« La commission a-t-elle entretenu des contacts avec le Premier ministre Achille Van Acker ? »

90« Je n’ai jamais eu de contacts avec le premier ministre. Le ministre Rey était assez autoritaire pour ne pas se laisser influencer, et il savait, dans son gouvernement, dire ce qu’il pensait ».

91« Le Palais s’est très rapidement préoccupé par la gravité de la catastrophe. Quels souvenirs en gardez-vous ? »

92« En cas de catastrophe, le Palais est toujours immédiatement informé par l’intermédiaire du ministre. La nouvelle de l’accident est d’abord parvenue à la direction générale des mines. Le ministre a été informé dans les minutes qui ont suivi, et c’est lui qui a informé le Roi. Il s’est fait accompagner auprès du souverain par Monsieur Vandenheuvel. Monsieur Rey était un juriste très compétent, mais dans certaines matières, il se faisait accompagner d’une personne plus particulièrement qualifiée ».

93« À la fin de novembre, quelles circonstances ont motivé les ministres pour adjoindre à la commission l’inspecteur général et l’ingénieur en chef du corps des mines d’Italie ? »

94« C’est la recommandation de 1939, selon laquelle tout ce qui se fait en matière de sécurité doit toujours concerner les gouvernementaux, les travailleurs et les employeurs. Nous n’avions pas la possibilité de faire venir des employeurs italiens, mais nous pouvions faire venir des gouvernementaux italiens ».

95« Donc, durant toute la durée de ses travaux, la commission n’a été guidée que par des considérations techniques et juridiques tout à fait rigoureuses, sans être influencée par des problématiques sociales, liées à la question de l’immigration italienne par exemple ».

96« Absolument. C’était très correct. Dans le rapport définitif, alinéa par alinéa, nous avons obtenu une majorité des votes des membres de la commission. Pour certains alinéas, il y avait des désapprobations, et le président rappelait qu’il était possible dans ce cas d’émettre une note de minorité. C’est ainsi qu’il y a eu quatre notes de minorité [19] ».

97« Comment les membres de la commission ont-ils réagi face à l’existence de ces notes de minorité ? »

98« On était évidemment libre d’avoir une opinion un peu différente sur la rédaction d’un alinéa. Lorsque j’ai rédigé chacun des alinéas, je croyais qu’ils allaient être adoptés quasiment à l’unanimité. Je me suis aperçu que c’était toujours à une très large majorité. Il y en a qui ont été adoptés à l’unanimité, d’autres à une très large majorité. Les membres qui n’étaient pas d’accord d’adopter un alinéa pouvaient émettre une note de minorité. C’était très logique et très démocratique. Cela s’est passé d’une façon très correcte ».

99« À la fin de l’enquête, au moment de rédiger le rapport final, de quelle manière avez-vous procédé ? Vous êtes-vous isolé un certain temps pour écrire celui-ci ? »

100« Je me suis d’abord isolé chez moi. Monsieur Vandenheuvel m’avait dit “tu peux travailler chez toi, et quand tu as fini, tu reviens”. Nous avons réexaminé le tout avec Monsieur Stenuit et avec Monsieur Drouard. Ce dernier m’a demandé “as-tu opéré comme je t’ai dit ? Et bien, au fond, ce n’est pas si mal, ce n’est pas si mal…”. Drouard était tout à fait d’accord sur le texte. Voilà comment cela s’est fait ».

101« Le rapport final une fois prêt, comment a-t-il été présenté aux ministres ? »

102« Je me suis rendu chez Monsieur Rey, comme tous les trois mois, et je lui ai dit “le rapport est terminé, est-ce que vous me donnez l’autorisation de le faire publier aux éditions techniques et scientifiques Robert Louis ?”. Robert Louis était l’imprimeur de l’administration des mines depuis le xixe siècle déjà. Le ministre a donné l’autorisation de la publication, et le rapport est sorti en temps opportun, avant sa présentation au Sénat ».

103« Le rapport a donc été bien accueilli par les ministres. Mais comment a-t-il été reçu par le public ? Y a-t-il eu par exemple une conférence de presse pour annoncer sa sortie ? »

104« Non. Il a été présenté à la Chambre et au Sénat par Monsieur Rey, donc sa présentation est rapportée dans les comptes rendus des séances de la Chambre et du Sénat. Les médias n’avaient pas alors encore l’influence qu’elles ont maintenant. Nous étions en 1956, la télévision venait de naître ».

105« Après la publication des résultats, les relations que vous-même ou d’autres membres de la commission entreteniiez avec le patronat minier ou le monde ouvrier ont-elles été modifiées, professionnellement parlant ? »

106« Elles n’ont pas été le moins du monde modifiées. Elles sont toujours restées excellentes de part et d’autre. On m’a toujours considéré comme exigeant, mais je n’ai vraiment eu que des relations parfaites, aussi bien d’un côté que de l’autre, car j’avais le courage de mes opinions ».

107« En 1959, bien après la publication du rapport et la présentation par les ministres, il y a le procès. À votre connaissance, tout ou parties des conclusions de la commission d’enquête ont-ils été utilisés, d’une manière ou d’une autre, par le ministère public ou les parties civiles durant le procès ? »

108« Je ne sais pas vous répondre, car j’ai bien pris garde, comme l’avait préconisé Monsieur Van Laethem, de rester étranger à ce qui se passait dans le cadre du pouvoir judiciaire. Je n’ai pas été à une seule audience. Je ne voulais pas être dans la salle du tribunal ».

109« Vous n’assistiez donc pas au procès, alors que l’enquête était pourtant finie et publiée ».

110« Absolument. Nous devions garder nos distances car la séparation des pouvoirs est fondamentale. Je faisais parti du pouvoir exécutif. Je n’avais pas à donner d’avis sur ce que faisait le pouvoir judiciaire. Le pouvoir judiciaire juge, c’est son rôle ».

111« Je présume donc qu’il n’y a aucun membre de la commission qui a été amené à déposer durant ledit procès ».

112« Non, pas en tant que membre de la commission, mais peut-être en tant que témoin » [20].

113« La mise en lumière des causes et circonstances de la catastrophe par la commission d’enquête a-t-elle conduit à une modification de la législation en matière de sécurité dans les mines ? Dans l’affirmative, quelle a été son ampleur ? »

114« Énorme ! Le 6 septembre 1956, le conseil spécial des ministres de la CECA ayant les mines dans ses attributions – dont Monsieur Rey faisait partie avec les ministres des autres états membres qui avaient les mines dans leurs attributions – se réunit. Monsieur Rey propose la convocation d’une conférence sur la sécurité dans les mines de houille. Cet événement est important. Il propose qu’il y ait nonante-six membres, seize par État-Membre. Toujours la même représentation : les gouvernementaux, employeurs, travailleurs, les gouvernementaux autant que d’employeurs et de travailleurs réunis. Cela aussi est très important, car, dans le cas d’un duo politique, l’État se réserve toujours le droit de décider. Donc les représentants gouvernementaux doivent toujours être en nombre égal à ceux des employeurs et des travailleurs réunis, bien que ce soit tripartite. Tripartite, ce n’est pas la même chose qu’un tiers, un tiers, un tiers. Parmi les représentants gouvernementaux, on trouve des ingénieurs du corps des mines, c’est-à-dire de l’autorité dite compétente de l’État-Membre, en fonction des arrêtés d’exécution de leurs compétences dans le règlement organique des ingénieurs du corps des mines des différents États.

115Lors de la conférence de Luxembourg de septembre 1956, les participants se donnent pour premier objectif de confronter les réglementations des États-Membres afin de voir comment ces règlements sont appliqués, et comment les services d’inspection du corps des mines sont organisés.

116Il est apparu qu’il fallait adapter les règlements à l’évolution des techniques. Après la guerre, l’exploitation des mines avait redémarré comme en 1938. C’était une industrie de main-d’œuvre, alors que, lorsque j’ai quitté la profession, c’était une entreprise presque entièrement automatisée. Passer d’une entreprise de main-d’œuvre à une entreprise mécanisée et électrifiée, c’est une évolution technique considérable. Pour adapter les règlements à l’évolution des techniques, la conférence avait pour deuxième objectif de créer ce qu’on a appelé l’organe permanent pour la sécurité dans les mines de houille [21]. La mission de cet organe permanent était de proposer aux gouvernements les mesures les plus efficaces pour admettre la sécurité au degré le plus élevé possible. Les représentants des autorités compétentes des différents États se sont alors engagés à faire passer dans leur réglementation nationale les propositions faites aux gouvernements, sans devoir passer par les parlements.

117Le troisième objectif consistait à établir des contacts permanents entre les centrales de sauvetage. Lors du sauvetage à Marcinelle, nous avions dû faire appel à la République fédérale d’Allemagne et au Nord-Pas-de-Calais. Il fallait donc étudier l’organisation des sauvetages afin de rechercher les mesures propres à les coordonner et à augmenter leur efficacité.

118Le quatrième objectif était l’étude des facteurs humains, et notamment l’initiation à la formation professionnelle.

119Nous avons travaillé de septembre 1956 à mai 1957, et nous avons constitué l’organe permanent pour la sécurité dans les mines. Comme nous étions nonante-six membres, on a créé des commissions pour étudier les accidents collectifs, en tenant compte de l’évolution de la technique, et en s’attachant particulièrement à mettre en lumière les facteurs d’extensivité dans les domaines de la protection contre les feux et les incendies, contre le grisou et contre les explosions de poussières, etc.

120Mais si nous voulions constituer un organe qui puisse se réunir d’une façon permanente, comme son nom l’indique, il fallait réduire le nombre des membres pour n’en avoir que vingt-quatre, quatre par État-Membre : toujours deux gouvernementaux, un employeur et un travailleur. Donc, le comité restreint, composé de douze gouvernementaux, fixait les objectifs de l’organe permanent en fonction des politiques sociales des gouvernements des États-Membres. Le secrétariat était assuré par la haute autorité de la CECA, institution que nous voulions toujours associer. Nous avons aussi accueilli, comme observateurs, un membre du BIT, et le Royaume-Uni de 1956 à 1974.

121Le 11 mars 1965, les attributions de l’organe permanent se sont étendues à la question de la salubrité ; il s’est alors appelé “organe permanent pour la sécurité et la salubrité dans les mines de houille”. Plus tard encore, il s’est occupé des autres industries extractives en général, le pétrole et le gaz naturel en particulier.

122Comme l’organe permanent devait s’occuper de toutes les questions qui étaient évoquées dans les commissions de la conférence et qui nécessitaient des travaux permanents, nous avons constitué douze groupes de travail : ventilations, câbles d’extraction, contrôle des épontes, électricité, facteurs humains, mécanisation, pétrole et gaz, poussières inflammables, salubrité et puis sauvetage.

123Nous nous sommes imposé de faire passer toutes les recommandations que nous adoptions dans nos réglementations nationales. Je crois que l’on oublie trop souvent qu’il n’existe une réglementation que parce qu’il est nécessaire de mettre en place des moyens de prévention, et le cas échéant, de précaution. Qu’un moyen de prévention ou de précaution doit être approprié à un risque précis. Qu’un risque est lié à la conception d’une machine ou d’un mode de travail. Que la conception d’une machine ou d’un mode de travail est la résultante d’une technologie, laquelle est basée sur des domaines scientifiques. C’était toute la conception de l’administration des mines depuis 1810. Autant que possible, agir avant d’avoir subi ! Or, les trois quarts du temps, on agit après avoir subi. Dès lors, la recherche scientifique était considérée comme fondamentale ».

124« En définitive, la catastrophe de Marcinelle n’a-t-elle pas été à l’origine d’une prise de conscience de la nécessité de se préoccuper prioritairement de la sécurité dans les mines ? »

125« Je pense que c’est surtout grâce à l’existence de la CECA, et que nous avons décidé de mettre tout en commun, au lieu de faire les cachottiers et de vivre chacun chez soi. Nous avons dit “tout ce que nous faisons, nous devons le donner aux voisins”. C’est à la conférence de Luxembourg et dans le contexte de la création de l’organe permanent que nous avons décidé de mettre ensemble tout en œuvre ».

126« En guise de conclusion, humainement parlant, que vous a apporté cette expérience de secrétaire de cette commission ? J’imagine que cela doit être marquant d’être membre d’une telle commission ».

127« Cela a eu une grande influence sur la poursuite de ma profession. J’avais une profession que je n’ai jamais regrettée un seul jour de ma vie, et qui me motivait tous les matins car elle avait un caractère social. J’étais le fils d’un médecin. Mon père était extrêmement dévoué. Il avait été directeur de la centrale de sauvetage de Glain. Il s’occupait aussi de la prévention de la silicose des ouvriers mineurs des charbonnages des quatre bassins miniers du pays. J’ai appris toute ma jeunesse que celui qui peut sauver ne serait-ce qu’une vie humaine, a rempli une vie valable. Alors, avec un décalage d’une cinquantaine d’années, je crois avoir essayé de suivre l’exemple de mon père ».

128« Professeur, je vous remercie infiniment pour votre témoignage, tout à fait intéressant et important pour l’histoire industrielle et sociale du pays ».

Conclusions

129Que souligner au terme de cet entretien quant au fonctionnement de la commission d’enquête et sur la base stricte des souvenirs de son ancien secrétaire ?

130La commission d’enquête sur la catastrophe du charbonnage du Bois de Cazier a été créée à l’initiative des ministres Rey et Troclet. Ceux-ci, inspirés par les recommandations prescrites en 1939 par le Bureau international du travail, ont personnellement veillé à constituer une commission tripartite, composée de représentants du gouvernement, des employeurs et des travailleurs.

131Les deux fonctionnaires gouvernementaux italiens adjoints par arrêté royal à la commission l’ont été compte tenu de l’origine italienne de plus de la moitié des victimes de la catastrophe, et en vertu des recommandations émises en 1939 par le Bureau international du travail.

132Cette commission a été la première mise en place par une autorité gouvernementale après une tragédie de l’ampleur de celle de Marcinelle. Sa constitution a offert l’occasion de mettre en œuvre les recommandations émises en 1939 par le Bureau international du travail.

133Durant toute l’enquête, les ministres – Jean Rey plus spécialement – ont toujours suivi de particulièrement près le déroulement des travaux de la commission.

134La commission s’est strictement attachée à déterminer les causes et circonstances de la catastrophe survenue au charbonnage du Bois de Cazier. Tout au long de son fonctionnement, elle a particulièrement pris soin de ne pas interférer avec l’instruction judiciaire et l’enquête administrative relatives à l’accident.

135Les réunions de la commission se sont tenues à l’hôtel de ville de Charleroi, au ministère des Affaires économiques à Bruxelles, et à l’Institut national des mines à Pâturages. Celles de la sous-commission d’électricité se sont déroulées en ces mêmes lieux, ainsi qu’à l’Institut électrotechnique Montefiore, à Liège. La plupart du temps, ces réunions se sont tenues les samedis.

136La nécessité de constituer une sous-commission d’électricité et un groupe de travail sur la ventilation est apparue dès le début de l’enquête, car plusieurs membres de la commission ne jouissaient pas des compétences nécessaires en ces matières.


Mots-clés éditeurs : Bois de Cazier, charbonnages belges, Charleroi, administration des mines, commission d'enquête, catastrophe minière

Mise en ligne 22/03/2013

https://doi.org/10.3917/rdn.394.0199

Notes

  • [*]
    Philippe Tomsin, maître de conférences à l’Université de Liège, Place du XX-Août à B-4000 Liège. Adresse électronique : ph.tomsin@ulg.ac.be.
  • [1]
    En 1956, la société exploitante du siège Saint-Charles à Marcinelle porte le nom de « SA du Charbonnage du Bois de Cazier », sise au sein de la concession de « Bois de Cazier, Marcinelle et du Prince » ; l’appellation « Bois du Cazier » est postérieure et résulte de l’usage (cf. « Tableau des mines de houille en activité en Belgique au 1er janvier 1956 », Annales des Mines de Belgique, 1956, p. 462).
  • [2]
    F. Dassetto, M. Dumoulin, Mémoire d’une catastrophe. Marcinelle, 8 août 1956, Louvain-la-Neuve, 1986 ; Chr. Druide (et alii), Bois du Cazier – Marcinelle 1956, Charleroi, 1996 ; J.-L. Delaet, Al. Forti, Fr. Groff, Le Bois du Cazier. Marcinelle, Bruxelles, 2003 ; M.-L. de Roeck, J. Urbain, P. Lootens, Tutti cadaveri. Le procès de la catastrophe du Bois du Cazier à Marcinelle, Bruxelles, 2006 ; Al. Forti, Chr. Joosten, Cazier judiciaire. Marcinelle, chronique d’une catastrophe annoncée, Bruxelles, 2006 ; J. Puissant, G. Vande Vijver, « La Catastrophe de Marcinelle entre mémoire et histoire », dans It. Rodomonti, P. Tilly (édit.), De Rome à Marcinelle. Santé et sécurité : hier, aujourd’hui et plus encore, demain !, Bruxelles, 2006, p. 117-126.
  • [3]
    J. Urbain, « Le procès du Bois du Cazier (1959-1962) », Patrimoine industriel Wallonie-Bruxelles, nos 63-64, 2005-2006, p. 19-20 ; M.-L. de Roeck, J. Urbain, P. Lootens, op. cit., p. 94-97 ; Al. Forti, Chr. Joosten, op. cit., p. 91-121.
  • [4]
    La totalité de son témoignage (près de deux heures) est retranscrite verbatim dans un fascicule dactylographié dont un exemplaire a été déposé notamment au Centre Liégeois d’Archives et de Documentation de l’Industrie Charbonnière (CLADIC). Dans le cadre de la préparation de leur très remarquable ouvrage, je remercie Alain Forti et Christian Joosten de m’avoir alors fait l’honneur de me confier la collecte de ce matériau (Al. Forti, Chr. Joosten, op. cit., p. 10).
  • [5]
    En juin 1946, la Belgique et l’Italie avaient signé un accord prévoyant l’immigration d’une cinquantaine de milliers d’ouvriers italiens dans les mines du royaume ; cf. M. Dumoulin, « Pour une histoire de l’immigration italienne en Belgique : 1945-1956 », dans R. Aubert (dir.), L’immigration italienne en Belgique. Histoire, langues, identité, coll. Collana di cultura e umanità, vol. 3, Bruxelles, Louvain-la-Neuve, 1985, v. p. 31-38.
  • [6]
    [Ministère des Affaires économiques], Rapport de la Commission d’enquête chargée de rechercher les causes de la catastrophe survenue au Charbonnage du Bois-de-Cazier, le 8 août 1956, Bruxelles, 1957, p. 4-8.
  • [7]
    Ibid., p. 7-8.
  • [8]
    Ingénieur des mines (1909) et ingénieur électricien (1910), membre du corps des mines, Maurice Guérin (1888-1958) enseigne la physique industrielle à l’Université de Liège dès 1910, puis l’exploitation des mines à partir de 1926. Spécialiste des problèmes de salubrité du travail, il s’attache, dès 1926, aux questions des accidents et de l’hygiène du travail. En 1949, il est chargé du cours de prévention des accidents miniers (cf. H. Labasse, « Notice biographique sur Maurice Guérin », dans R. Demoulin, Liber Memorialis. L’Université de Liège de 1936 à 1966. Notices historiques et biographiques, vol. II, Notices biographiques, Liège, 1967, p. 817-818).
  • [9]
    Il s’agit d’Adolphe Calicis, Directeur des travaux du charbonnage au moment de l’accident (cf. J.-L. Delaet, Al. Forti, Fr. Groff, op. cit., p. 98).
  • [10]
    Antonio Ianetta était l’encageur à l’étage 975. L’encagement malencontreux des wagonnets qu’il exécute occasionne l’accident (cf. J.-L. Delaet, Al. Forti, Fr. Groff, op. cit., p. 81).
  • [11]
    La cage est une sorte de monte-charge servant à la translation des wagonnets dans les puits ; cf. J. Haust (et alii), La houillerie liégeoise. Vocabulaire philologique et technologique de l’usage moderne dans le bassin de Seraing-Jemeppe-Flémalle, Liège, 1925, p. 54 et p. 106-107.
  • [12]
    La clame est un barreau de fer plat, perforé pour permettre le passage de boulons, et destinée à solidariser deux éléments métalliques ou en bois ; cf. ibid., p. 59.
  • [13]
    Aire du charbonnage comprenant toutes les installations de surface, aux abords de l’orifice du puits ; cf. ibid., p. 158.
  • [14]
    Natif de Liège, Fernand Dacos (1892-1977) est diplômé ingénieur électricien (AIM) en 1913, puis ingénieur de l’École Supérieure d’Electricité de Paris (1927). En 1929, il enseigne la physique expérimentale à l’Université de Liège (cf. L. Halkin (dir.), Liber Memorialis. L’université de Liège de 1867 à 1935. Notices biographiques, vol. II, Faculté des Sciences. Écoles spéciales. Faculté technique, Liège, 1936, p. 372-373 ; P. Delforge, « Notice biographique », dans P. Delforge, Ph. Destatte, M. Libon, Encyclopédie du mouvement wallon, Charleroi, 2000, vol. I, p. 389-390).
  • [15]
    Lucien Denoël (1872-1959), ingénieur des Arts et Manufactures (1892) et ingénieur au corps des mines, enseigne l’exploitation des mines à l’École industrielle de Dour (1895), puis à l’Université de Liège (de 1897 à 1942). En 1907, il est rapporteur de la commission d’enquête parlementaire sur la durée du travail dans les mines (cf. E. Frenay, « Notice biographique », dans R. Demoulin, op. cit., p. 718-720).
  • [16]
    L’exhaure consiste à pomper les eaux d’infiltration des galeries pour prévenir leur inondation ; cf. J. Haust, op. cit., p. 125.
  • [17]
    Fondé en 1902, l’Institut national des mines est établi à Pâturages en 1924. Il abrite des laboratoires et des ateliers pour l’étude et la prévention des risques liés à l’exploitation houillère (cf. E. Demelenne, L’Institut national des mines à Pâturages, Bruxelles, 1964). En 1968, l’Institut national des mines de Pâturages (Hainaut) et l’Institut national de l’industrie charbonnière (Liège) sont fusionnés pour constituer l’Institut national des industries extractives (INIEx).
  • [18]
    L’Institut électrotechnique Montefiore est fondé par l’industriel et philanthrope Georges Montefiore-Levi, en 1883 ; cf. Ph. Tomsin, « L’institut électrotechnique Montefiore à l’Université de Liège, des origines à la seconde guerre mondiale », dans L. Badel (dir.), La Naissance de l’ingénieur-électricien. Origine et développement des formations nationales électrotechniques, actes du 3e Congrès sur l’histoire de l’électricité, organisé par l’Association pour l’histoire de l’électricité en France, Paris, 1997, p. 221-232.
  • [19]
    Rapport de la Commission d’enquête…, op. cit., p. 18-27.
  • [20]
    Roger Lefèvre, Directeur divisionnaire du bassin de Charleroi et membre de la commission, comparaît en tant que prévenu au procès (cf. J.-L. Delaet, Al. Forti, Fr. Groff, op. cit., p. 98 ; J. Urbain, op. cit., p. 20). Pierre Brison et Arthur Denis, délégués de la Fédération charbonnière de Belgique, Robert Balesse, délégué de la Centrale syndicale des travailleurs des mines de Belgique et Émile Vandendriessche, délégué de la Centrale des francs-mineurs, sont interrogés par le tribunal en tant qu’experts (Al. Forti, Chr. Joosten, op. cit., p. 170-178).
  • [21]
    L’organe permanent est un comité constitué en 1956 à la suite de la catastrophe de Marcinelle (cf. W. Dörr, « L’Europe sociale », dans M. Charpentier (et alii), Dossier de l’Europe des Six, du plan Schuman à la commission Rey : où en est la Communauté ? Où va-t-elle ?, s. l., 1969, p. 222 ; J.-J. Stassen, L’après-Marcinelle. Quarante ans d’Europe sociale dans le cadre du Traité de la CECA pour l’amélioration des conditions de travail des mineurs. Protection du travail dans les mines belges après la catastrophe de Marcinelle, Blegny, Liège, 2006, p. 13). Cet organe permanent est limité originellement à l’examen des problèmes de sécurité dans les charbonnages (protection contre le grisou, les poussières inflammables, les incendies, etc.). Ultérieurement, ses compétences sont étendues aux questions de salubrité (décision des représentants gouvernementaux des états membres, conseil spécial du 11 mars 1965 ; cf. Journal officiel des communautés européennes, n° 46, 22 mars 1965, p. 698).
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