Couverture de RDN_390

Article de revue

À chacun son printemps ! Regard sur la grève et représentation de soi chez un patron lillois fin XIXe siècle

Pages 381 à 393

Notes

  • [*]
    Didier Terrier, professeur à l’Université Lille Nord de France, UVHC, CALHISTE, F-59313 Valenciennes, France.
  • [1]
    J. Rousset, Le lecteur intime. De Balzac au journal, Paris, Librairie José Corti, 1986, p. 145.
  • [2]
    Comment ne pas penser, en l’occurrence, à la « longue insolence » des mineurs d’Anzin qui, en 1884, inspire Émile Zola pour écrire Germinal ?
  • [3]
    Cette mise en contexte reprend, à gros traits, le chapitre de la thèse de M. Perrot, Les ouvriers en grève. France, 1871-1890, Paris, EHESS, 2001, réédition de l’ouvrage publié en 1974, chapitre intitulé « Les grèves de 1864 à 1890. Analyse diachronique », p. 73 -100.
  • [4]
    Dans un excellent mémoire de Master 1 intitulé Étude des grèves à Lille-Roubaix-Tourcoing et Armentières entre 1888 et 1890 à travers la presse locale et soutenu à l’université de Valenciennes en 2006, Amélie Procureur et Cindy Soufflet évoquent notamment la multiplication des « débrayages » qui affectent quantité d’usines textiles le temps d’une journée pour des questions relatives au salaire ou aux conditions de travail. La presse les relate et, de toute évidence, leur fréquence (passée sous silence par Michelle Perrot) ne pouvait laisser d’intriguer un homme aussi attentif et perspicace que le patron lillois. L’Écho du Nord est un journal modéré, porte-parole des milieux d’affaires. Cf. J.-P. Visse, La Presse du Nord et du Pas-de-Calais au temps de l’Écho du Nord, 1819-1944, Villeneuve-d’Ascq, Septentrion, 2004, p. 165.
  • [5]
    AD Nord, Carnets Scrive, 1 Mi 393 R1 à R3, puis R10 à R12, note du 7 juillet 1891. Dans la suite de l’article, seule est mentionnée la date de la note à laquelle il est fait référence dans les carnets.
  • [6]
    Note du 7 juin 1886.
  • [7]
    Lettre à David Dautresme, vers le 11 décembre 1885. Cette lettre servira de préface à la publication de Germinal dans Le Petit Rouennais, du 27 décembre 1885 au 15 mai 1886. Citation reprise par H. Mitterand dans Zola, tome 2, L’homme de Germinal 1871-1893, Paris, Fayard, 2001, p. 758.
  • [8]
    Cité par H. Mitterand dans Zola..., op. cit., p. 758 et 759.
  • [9]
    Idem, p. 762.
  • [10]
    Note du 12 décembre 1891.
  • [11]
    Voir J.-M. Bernardini, Du darwinisme social en France. Diffusion et réfutation du darwinisme social dans la pensée contemporaine française de 1859 à 1918, Paris, CNRS, 1995, p. 487.
  • [12]
    D’une manière générale, le travail de Jean-Marc Bernardini, op. cit., rend bien compte de ces débats autour de L’origine des espèces … et de leurs implications politiques.
  • [13]
    Notes des 26 juin 1882 et 27 septembre 1884.
  • [14]
    AM Lille, L’Écho du Nord, 16 mars 1889.
  • [15]
    Note du 19 mars 1889.
  • [16]
    Note du 21 mars 1889.
  • [17]
    Note du 22 mars 1889.
  • [18]
    Note du 31 mars 1889.
  • [19]
    BM Lille, brochure classée au nom de l’auteur.
  • [20]
    AD Nord, 170 J, 19 mai 1890.
  • [21]
    Note du 14 juin 1890.
  • [22]
    Note du 10 mai 1890.
  • [23]
    AD Nord, 170 J 158, lettre du 21-5-1890.
  • [24]
    Chiantaretto, « Le Monde », 8-6-2005, présentation du livre Le témoin interne, Paris, Aubier, 2005, par l’auteur.
  • [25]
    J. Rousset, Le lecteur intime. De Balzac…, op. cit., p. 143.

1Depuis l’ouvrage magistral de Michelle Perrot sur Les ouvriers en grève, France, 1870-1890, publié en 1974, l’étude de la protestation sociale aux premiers temps de la République est passée de mode, tant elle est soumise, depuis lors, à la loi des rendements décroissants. À quoi bon, en effet, revenir sur un champ où il ne reste rien à glaner, ou si peu ! Pourtant, c’est Michelle Perrot elle-même qui disait combien, dans la description du corps à corps entre ouvriers en grève et patrons, on ne disposait que d’une image « sélective et, à bien des égards, arbitraire » de l’attitude des chefs d’entreprise en butte à la protestation sociale. Murés dans un mutisme altier, les patrons se dérobent en effet à notre regard comme ils se dérobaient à celui des ouvriers. Et l’historienne de constater que rien ne perçait des conciliabules familiaux, des conversations personnelles, des rencontres informelles entre gens du même monde quand l’ordre social était mis en péril.

2On l’aura compris : les ego-documents permettent de lever le voile sur ces zones d’ombre en restituant les pensées, les lectures et les conversations que ce patron choisit de consigner dans ses carnets. S’il ne dirige, après tout, qu’une usine de taille moyenne, Jules-Émile Scrive est aussi membre de la Chambre de commerce, porteur d’un nom illustre et, de toute évidence, un des grands notables de la place lilloise. À ce titre, il se sent investi d’une mission qui, sans ignorer les vicissitudes de l’heure et les contingences de l’affrontement social sur le terrain, l’engage à « lire » l’événement, à réagir de manière exemplaire et à proposer, le cas échéant, des solutions de sortie de crise après avoir pris de la distance par rapport à l’événement.

3Bien sûr, confronté à des grèves qui sont susceptibles, comme en 1890, de ressembler aux spasmes de l’émeute, il ne manque jamais de porter un regard pour le moins dépréciatif sur le monde ouvrier. C’est là un constat bien peu original et loin d’être inattendu. En revanche, il témoigne, ce faisant, de la grande cohérence de la pensée du diariste, tant les commentaires qu’il commet de temps à autres à propos de ses lectures qu’il fait ou des conférences auxquelles il assiste révèlent un socle idéologique en phase avec la manière dont il « regarde » la classe ouvrière. Derrière les mots pour dire et les silences pour taire celle-ci, il y a même toute une pensée qui, jamais formulée de manière explicite, se trouve constamment tapie au creux du discours. C’est ce soubassement qui lui permet, face à la protestation collective des ouvriers, d’élaborer, par touches successives, un autoportrait flatteur où le patron qu’il est prend figure de médiateur. En essayant de se situer au-dessus de la mêlée, celui qui, d’une manière originale, écrit pour lui seul et s’auto-destine son soliloque ne prolongerait-il pas, de la sorte, « le symptôme d’un narcissisme présumé qui se mire dans son discours » [1] ? Si tel était le cas, cela signifierait qu’entre la posture du diariste et celle du patron arc-bouté devant la tempête sociale, il y aurait comme une sorte de continuum.

L’irruption de la question sociale dans une vie bien ordonnée

4Mai 1880, mars 1889, mai 1890 : ces trois dates ne sont pas anodines. Les trois grèves qui éclatent au tissage de Marquette correspondent à des temps forts d’accélération, de divulgation de la contestation sociale, à de véritables bonds en avant succédant à des creux plus ou moins prononcés à l’échelle nationale. Rappelons les grands épisodes de cette histoire :

  • de 1871 à 1878, des oscillations indécises et des ordres de grandeurs qui, s’agissant du nombre de grèves et du nombre de « journées perdues », sont analogues à ceux des années 1864-1870 ;
  • de 1878 à 1882, un mouvement de hausse très important, qui culmine en 1880 : dans la région lilloise, 14 communes et 325 établissements sont touchés, 40000 ouvriers posent, au seuil de la République installée, une nouvelle exigence en termes de salaire et/ou de durée du travail ;
  • de 1883 à 1888, c’est la décrue ; indépendamment de mouvements isolés qui prennent, dans le Nord notamment, une allure spectaculaire, l’étiage se situe en 1884-1885 [2] ;
  • en 1889 et, bien plus encore en 1890, « la houle de grèves s’enfle » et culmine en une vague d’espérance collective en mai 1890. À Roubaix, Tourcoing, Wattrelos, La Madeleine, Hellemmes, Lannoy, Roncq… enfin Lille, des bandes circulent, scandant le vieux refrain de 1880 : « S’ils veulent pas nous renquérir, nous allons tout démolir ». Michelle Perrot de commenter : « par leur dimension, leur style, les grèves de mai 1890 nous font aborder à d’autres rivages » [3]. Il est vrai qu’il s’agit là de la première grève générale à l’échelle nationale et que près d’un quart des grévistes sont implantés dans le Nord et le Pas-de-Calais.
Dans son journal, à de très rares exceptions près, Jules-Émile Scrive ne mentionne que les conflits sociaux qui l’affectent directement. Qu’un conflit surgisse ailleurs, peu importe. De toute évidence, il ne peut pas ne pas être au courant du durcissement des rapports sociaux : outre le ouï-dire, la presse rapporte régulièrement tout ce qui concerne les faits de grève, aussi minimes soient-ils, notamment L’Écho du Nord que lit régulièrement le patron de l’usine de Marquette [4]. Pourtant, rien de tout cela ne mérite à ses yeux d’être consigné dans les carnets. Dans un monde bien ordonné où chacun est maître chez soi, le fabricant lillois ne voit pas grandir les ferments de la contestation sociale au sein de la région, comme si la prise de parole des ouvriers n’existait pas. Comment ne pas songer au compte rendu qu’il nous fait de sa visite des mines de Lens, en 1891 :

5

« Arrivés à Lens, nous montons dans les wagons de la compagnie et nous faisons le tour de la concession en visitant quelques fosses. C’est magnifique et l’on épuise toutes les formules de l’éloge sans pouvoir se faire une idée complète du fonctionnement du fond de la mine, on sent que tout doit y être aussi bien conduit qu’à la surface ».

6On peut donc se contenter de regarder le monde du travail « en surface » ! Il n’est donc nul besoin de filer la métaphore plus avant. Tout est dit et renvoie par là même au contenu des carnets dans leur entier tant, d’une manière générale, le monde du travail glisse devant les yeux d’un patron qui ne voit pas ceux qui, autour de lui, sont à la peine. D’ailleurs, même à la « surface », ce qui importe à ses yeux, c’est de saisir avant tout, avec une ineffable candeur, le pittoresque du travail : « Nous visitons le criblage du charbon en remarquant la coiffure des hercheuses, inventée par M. Dignoire et qui rappelle le pshent des Égyptiens. C’est très coquet » [5]. Tout ceci est en phase avec la lecture qu’il faisait, un an après sa publication, de Germinal : « Je lis quelques pages de Germinal à Mathilde ; c’est superbe de vérité et de profondeur » [6] ! Puisqu’ils émanent d’un patron peu soucieux, sinon du sort, du moins de l’accès à des droits pour les plus humbles, ses propos peuvent surprendre. Jules-Émile Scrive aurait-il alors adhéré subitement au cri célèbre de Zola s’exclamant :

7

« Prenez garde, regardez sous terre, voyez ces misérables qui travaillent et qui souffrent. Il est peut-être temps encore d’éviter des catastrophes finales. Mais hâtez-vous d’être justes, autrement, voilà le péril : la terre s’ouvrira, et les nations s’engloutiront dans un des plus effroyables bouleversements de l’histoire » [7] ?

8Non pas ! À ses yeux, il ne peut s’agir là que d’un roman épique qu’il interprète en faisant fi de la conscience politique acquise par des ouvriers/mineurs en lutte. Comment ne pas alors rapprocher cette lecture qui fait la part belle au caractère fatal, aveugle, impersonnel, irrésistible du drame avec ce qu’en dit par exemple Jules Lemaître, critique littéraire célèbre de La Revue des Deux Mondes pour qui Germinal est avant tout un récit héroïque par la « marée » de ses « vastes et lamentables » tableaux, la « contagion des colères rassemblées, l’âme collective des foules » aux prises avec « la mine, la bête mangeuse d’hommes » ? Que d’éloges, là aussi, de la part d’un critique ultraconservateur qui, choisissant d’éclairer « une épopée de l’animalité humaine », éclaire l’une des faces du roman dans l’unique but de mieux occulter l’essence même du naturalisme, soit la réalité dépeinte sous tous ses aspects au prix d’une enquête minutieuse et sans concession. Pour paradoxale qu’elle puisse paraître, cette lecture que fait Jules-Émile Scrive de Germinal est, dans sa brièveté et sa mièvrerie, révélatrice de toute une mentalité et de toute une idéologie. On est là fort éloigné d’un Maupassant qui, pourtant peu suspect d’ouvriérisme, s’exclame au même moment, dans une adresse à Zola :

9

« Vous avez remué là-dedans une telle masse d’humanité attendrissante et bestiale, fouillé tant de misère et de bêtise pitoyable, fait grouiller une telle foule terrible et désolante au milieu d’un décor admirable, que jamais livre assurément n’a contenu tant de vie et de mouvement, une telle somme de peuple » [8].

10Mais, à dire vrai, pouvait-il en être autrement ? Cultivé et sensible au point de lire Zola avec passion, le fabricant lillois ne pouvait légitimement pas aller jusqu’à accepter la sourde inquiétude d’un « visionnaire » qui, au même moment, confiait dans une lettre à un inconnu : « Le siècle prochain garde son secret, il faut ou que la bourgeoisie cède ou que la bourgeoisie soit emportée » [9]. C’eût été là souscrire à un programme politique aux antipodes de ses convictions et de ses intérêts propres. C’eût été là aussi contrevenir, plus profondément encore, à sa représentation du monde depuis les origines même de la vie.

11Reprenons en cette perspective le journal. Décembre 1883 :

12

« Conférence très remarquable de l’abbé La Couture sur l’homme-singe et sur les théories de Darwin qui sont la reproduction de celles de Lamark, naturaliste français du siècle dernier : le besoin crée la fonction, l’hérédité la fixe dans l’espèce. Cette théorie matérialiste qui soustrait la création du monde à un être suprême pour la réserver au hasard, à la matière est fausse, car il n’est pas vrai que le besoin crée la fonction. Est-ce que les animaux ont une fourrure naturelle et pourtant ils en auraient besoin comme les ours qui habitent les mêmes contrées ? Est-ce que les peuples de l’équateur viennent au monde avec un parasol sur la tête ? D’autre part, est-ce que les Chinoises à qui depuis 1 800 ans et plus on comprime les pieds, viennent au monde avec des pieds bots ? Non. Donc, le besoin ne crée pas la fonction et l’homme n’est pas un singe perfectionné, mais une créature à part ; les espèces créées par Dieu sont fixes » [10].

13Ceci peut sembler cocasse, tant les arguments empruntés par Jules-Émile Scrive ressortent d’un bon sens qui, pour être alors communément partagé, n’en est pas moins stupide au regard de ce que dit la science de l’époque. Ceci étonne, de surcroît, émanant d’un « honnête homme » doté d’une solide culture scientifique et généralement bien informé. Toutefois, il ne s’agit là, en définitive, que d’un avatar de la réfutation du darwinisme social dans la pensée émanant des milieux catholiques les plus conservateurs. Aux yeux de ces derniers, la diffusion des idées « transformationistes » et « évolutistes » sont un danger, puisqu’elles procèdent d’un matérialisme corrupteur, « dissolvant de la morale catholique et, surtout, de l’ordre social » [11]. En soutenant ainsi ce qui est l’essence même du fixisme pour qui la création de l’homme par Dieu renvoie à une conception en définitive « holiste » de la société, Jules-Émile Scrive se place délibérément du côté des adversaires de la République et, a fortiori, des penseurs socialistes. Jules Ferry, Gambetta, Paul Bert n’entendent-ils pas ainsi, au même moment, concilier idéologie républicaine et lois naturelles de l’évolution pour justifier la recherche et le succès de la réforme sociale par la multiplication des « intelligences » au sein de l’ensemble du corps social ? Quant aux socialistes et aux anarchistes – et Jules-Émile Scrive a probablement lu, dans Germinal, le dialogue entre Étienne et Souvarine – il est clair que, pour eux, le transfert des lois darwinistes dans le champ politique et social débouche sur une conception historiciste des rapports sociaux qui, pour tout conservateur, confine au grand désordre social [12].

14Autrement dit, notre diariste ne peut imaginer le changement à partir du moment où celui-ci remet en cause l’ordre établi. En soi, c’est d’une banalité totale et, de toute évidence, le singulier permet ici d’accéder à une position partagée par bien des notables. L’apport des carnets est cependant précieux : il révèle la grande cohérence d’un individu qui, au travers de ses lectures et de ses prises de position par rapport aux grands débats de l’époque, fait montre d’une harmonie profonde et logique entre la position sociale qu’il occupe, les idées qu’il professe et le regard qui est le sien sur les personnes en général, les ouvriers en particulier.

Tenir bon face à l’étrange adversité

15Jamais, dans ses carnets, Jules-Émile Scrive ne s’interroge sur le bien-fondé des conditions de travail de ses ouvriers, des salaires notamment. D’ailleurs, si, à ce sujet, il semble tout ignorer des rémunérations pratiquées chez ses concurrents, il ne doute jamais que ses ouvriers soient très correctement traités. Il ne cesse, ici ou là, d’exciper de sa bienveillance à leur égard et, quand il juge bon ne pas devoir accéder à leurs revendications, comme en mars 1889 ou en mai 1890, c’est, dit-il de manière très convenue, en raison de la rudesse de la concurrence. Certes, quand la conjoncture se retourne, ses bilans annuels deviennent bien médiocres. Toutefois, quand les affaires sont florissantes, jamais il ne mentionne quelque augmentation accordée de plein gré. Ainsi, en 1880, s’il consent à augmenter bobineuses et canneteuses, ce n’est que contraint et forcé, pour arrêter la grève et cela non sans avoir refusé en même temps d’accéder aux revendications du reste du personnel. Bref, quand il lui faut desserrer les cordons de la bourse, il négocie pied à pied, tant il est vrai qu’il associe « bon marché » de la main-d’œuvre et montant du profit réalisé [13]. Enfin, s’il lui arrive, comme en 1885, de baisser autoritairement les salaires tout en prenant le risque d’attiser le mécontentement, très vite, il se rassure en notant, non sans cynisme, que si ses ouvriers ne contestent pas ses décisions, c’est qu’ils ne sont pas en état de le faire. Rien de très original dans tout cela, une fois de plus, pour un patron qui épouse le credo libéral : le salaire n’est qu’une variable d’ajustement dans un contexte de libre concurrence.

16Aussi, quand elle surgit, la grève, pour Jules-Émile Scrive, est systématiquement un non-sens. Elle ne peut venir que de « l’extérieur » car, à ses yeux, les ouvriers de Marquette ne sauraient être mécontents. Les événements de 1889 sont emblématiques à ce sujet. Le 5 mars 1889, la grève éclate à Armentières et réduit à l’inactivité la majorité des établissements de la ville. Dans un premier temps, celle-ci n’est mentionnée que d’une phrase dans ses carnets, mais il est vrai que Jules-Émile Scrive est alors bien davantage préoccupé par la santé grandement chancelante de son épouse que de l’actualité immédiate. Deux jours plus tard, cependant, il indique que des scènes tumultueuses ont eu lieu dans la plupart des tissages de la capitale du lin. Il n’est d’ailleurs aucunement fâché par l’apparition du désordre social chez ses principaux concurrents qui ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes, tant ils se comportent, pour lui, comme de « véritables coupe-jarrets » à l’encontre de leurs ouvriers. On dénombre très vite 6 700 grévistes dans la capitale de la toile. Devant l’ampleur de la mobilisation, les patrons cèdent et donnent satisfaction aux demandes d’augmentations salariales. Mais ailleurs, la confusion gagne et les esprits s’échauffent. La grève fait tache d’huile et se propage dans la vallée de la Lys et en Flandre intérieure : 1 300 grévistes à Bailleul, 2 000 à Halluin, 1 500 à Pérenchies, 500 à La Gorgue-Estaires… Les ouvriers de Pérenchies, par exemple, « se mettent en grève sans rien avoir réclamé à leur patron ». La protestation finit par gagner Lille : 2 000 ouvriers cessent le travail et, dimanche 10 mars, c’est l’alarme : « Il n’est question que de grèves ! ». « Où allons-nous si malgré l’état lamentable des affaires, on est exposé aux menaces des ouvriers, car il n’y a pas à se le dissimuler, les patrons d’Armentières ont cédé aux menaces des ouvriers, soutenus par le préfet et par la troupe ». Au demeurant, l’attitude de ses confrères armentiérois ne cesse d’être stigmatisée par Jules-Émile Scrive dans les jours qui suivent. Soutiennent-ils les grévistes afin de plonger leurs concurrents dans l’embarras, maintenant que le travail a repris chez eux ? Pour le fabricant lillois, cela ne fait aucun doute. De rebondissement en rebondissement, la grève reprend à Armentières et arrive jusqu’à Marquette. Face aux ouvriers qui « s’excusent d’avoir dû quitter la fabrique sous la menace des grévistes », Jules-Émile Scrive, résolument, refuse d’augmenter son personnel :

17

« Je n’avais pas à m’occuper de ce qui se passait à Armentières mais à Marquette où tout le monde était heureux avant l’arrivée des anarchistes. Mes chaînes sont meilleures et ce qu’il faut envisager, c’est le salaire que l’ouvrier rapporte chez lui au bout de la semaine ».

18D’ailleurs, pour lui, la logique de concurrence entre les fabricants au sein même de la région lilloise interdit toute réponse patronale qui soit collective face aux grévistes : en l’occurrence, le territoire manufacturier, s’il existe, est davantage celui des ouvriers, qui élaborent une stratégie plus ou moins unitaire, que celui des patrons, nécessairement individualistes. Le 15 mars, il déclare à ses ouvriers :

19

« Si on augmente les salaires, on augmente le prix de la toile et le peu d’acheteurs qui restent iront l’acheter en Normandie, en Bretagne où les salaires sont de 1,25 par jour, ce qui anéantirait la fabrique de Lille. Du reste, je n’accepterai pas ce tarif ».

20Si les fabricants lillois sont tous concernés, s’ils s’échangent manifestement des informations, Jules-Émile Scrive ne fait jamais allusion à une attitude commune entre eux. Pis : le patron lillois fait paraître un communiqué dans l’Écho du Nord où il précise que, si ses ouvriers ne se sont pas rangés sous la bannière des grévistes, c’est tout simplement parce qu’à Marquette, les conditions de rémunération sont meilleures qu’ailleurs. Écoutons-le :

21

« Des journaux, rendant compte des grèves, disent que les tisserands de Lille ne gagnent pas plus de 12 à 14 francs par semaine. Permettez-moi de faire appel à votre publicité pour faire connaître, qu’en ce qui concerne mon usine de Marquette, les salaires payés aux tisserands pendant ces derniers six mois se sont élevés en moyenne par semaine aux chiffres suivants :
  • ouvriers de force moyenne, n’ayant qu’un métier, 17,50 F ;
  • ouvriers faits, n’ayant qu’un métier, 18,50 F ;
  • anciens ouvriers avec un apprenti (l’ouvrier payé en plus), 25 F.
Je tiens à votre disposition les preuves de ce que j’avance en vous faisant remarquer que presque tous mes ouvriers sont des femmes et des jeunes filles. Dans ces conditions, lorsque mes tisserands sont venus me demander de remplacer mes tarifs par ceux d’Armentières, je leur ai expliqué que les miens tenaient compte de la qualité des fils pour chaque espèce de tissu, du temps de service dans l’usine, en un mot de différents « facteurs » qu’un tarif équitable à mes yeux doit faire intervenir.
Mes ouvriers ont admis la justice de ce point de vue, et après un échange d’explications, ils ont reconnu qu’ils n’avaient quitté l’usine que sous une menace étrangère, et qu’ils étaient contents de continuer aux mêmes conditions, puisqu’elles avaient permis à trois générations de plusieurs familles d’entre-eux de trouver dans mon établissement un salaire suffisamment rémunérateur » [14].

22Au demeurant, ne faut-il pas trouver l’origine de la contestation sociale à Armentières, dans la « canaillerie » des fabricants « qui ont soufflé la grève chez Janson et qui ont voulu la souffler chez les autres fabricants pour leur imposer les tarifs qu’ils avaient eu la lâcheté de subir de leurs ouvriers ». « Tarif absurde », au demeurant, « qui ne tient pas compte de la qualité, ni de la production » [15].

23Si, l’année suivante, l’exemple de la grande grève qui embrase toute la région lilloise en mai est moins probant, il est indéniable qu’une nouvelle fois, dans l’esprit de Jules-Émile Scrive, lecture de la contestation sociale et représentation de l’espace ne sont pas étrangères l’une à l’autre :

  • à Armentières, l’année précédente, les mauvais patrons et les ouvriers perturbateurs, mais désordonnés ;
  • à Roubaix et Tourcoing, cette fois-ci, les foyers actifs du Parti Ouvrier Français et l’épicentre de la Grande Peur.
La grève se propage comme une traînée de poudre dans toute la région lilloise pour donner naissance à un véritable territoire-panique. Jour après jour, il consigne dans ses carnets la tempête qui se propage sous l’effet des vents violents de la protestation sociale. Petite chronique des événements :

24

  • 1er mai : « Grande journée de manifestation du Parti Ouvrier qui a décrété la grève générale pour aujourd’hui (…). Le calme est grand partout à Lille grâce aux mesures de précaution prises par le préfet et par les autorités militaires » ;
  • 2 mai : « L’on annonce qu’une bande d’émeutiers de Roubaix est allée à Croix faire cesser le travail et comme M. Crothers s’opposait à cette violence, ils ont tout cassé dans ses bureaux, ils ont déchiré les livres, brisé les téléphones… Ils sont allés à Wasquehal, chez Hannart. Ceux-ci les ont satisfaits en congédiant leurs ouvriers. Ils vont se diriger, dit-on, vers Marcq. Nous téléphonons à la préfecture où l’on est déjà renseigné et où l’on annonce l’envoi de troupes » ;
  • 3 mai : « Les ouvriers grévistes de Roubaix et Tourcoing, au nombre de 65 000, ont exercé de fâcheuses violences dans la journée d’hier et d’aujourd’hui. L’on croit que tous les ouvriers de Lille et d’Armentières vont se mettre en grève lundi » ;
  • 5 mai : « À neuf heures un quart, les ouvriers de Moreau, qui sont en grève, viennent arrêter le tissage. Je leur dis carrément qu’ils aient à nous laisser tranquilles. Enfin, après les menaces de briser les portes si on ne les leur ouvre pas, je les vois filer sur La Madeleine où ils vont faire arrêter les tissages Puchet, Delestré, Boniface et les fabriques Fauchille, Saint Léger, Agache ».

25À chaque fois qu’une nouvelle commune est gagnée à la protestation sociale, il se montre surpris, déconcerté même et Marquette prend de plus en plus figure de citadelle assiégée. À chaque fois, il lui faut résister à l’envahisseur et protéger ses ouvriers d’eux-mêmes tant il est vrai que ceux-ci ne sauraient, en quelque sorte, discerner avec justesse où se trouve leur intérêt vrai !

Rebondir : de la résorption du conflit à l’épanouissement de soi

26En mai 1880, le patron du tissage de Marquette voit la grève s’éteindre assez rapidement. Il s’empresse alors de tourner la page. La vie – sa vie – suit alors son cours : promenades à cheval, concours hippique, repas en famille et voyage à Bruxelles, il faut oublier bien vite… et le retour de la prospérité y contribue également. En mars 1889, le coup est plus rude et il n’est plus possible de passer outre aussi rapidement. La question sociale se pose alors avec une acuité renforcée et le contexte politique est tout autre. Le lendemain de la reprise du travail, Jules-Émile Scrive rédige un article destiné à la Dépêche, principal organe régional de la presse résolument conservatrice pour, dit-il, « engager les patrons à faire quelques institutions en faveur de leurs ouvriers » [16]. Le résultat ne se fait pas attendre… du moins quant aux retombées médiatiques. Dès le surlendemain, il note :

27

« L’article de la Dépêche […] est parfait. Tous ceux qui le lisent m’en font compliment. Je crois que cette sollicitude témoignée aux ouvriers aura pour résultat de relever un peu le prestige de notre nom (il souligne !) si abaissé depuis plusieurs années » [17].

28Qu’est-ce à dire ? Sont-ce ses déboires industriels qui sont en cause ? Il est vrai que depuis quatre ou cinq années, les bilans annuels ne sont guère florissants. Mais, la grève terminée, le patron lillois n’en reste pas là. Il n’a pas de mots assez durs pour stigmatiser, une fois de plus, le comportement de ses confrères d’Armentières, autrement dit ses principaux concurrents. Il rapporte, dans ses carnets, les propos tenus par le Procureur de la République, Walter, qui dénonce ceux qui, mûs par une « basse jalousie », ont poussé à la grève. « Si le code prévoyait un article », aurait-il déclaré, « permettant de condamner ces agissements, lui, le procureur, aurait été satisfait de voir ces patrons sur le banc des prévenus, mais il espère qu’à défaut de condamnation judiciaire, la conscience publique flétrira ces lâches individus ». Jules-Émile Scrive de conclure : « C’est raide, mais très juste » [18]. Qu’en est-il, réellement ? Il est difficile de le dire. Mais comment ne pas rapprocher cette lecture de la grève et l’image qu’a le patron lillois d’une concurrence armentiéroise où des rustres emportent la mise en marchant sur les brisées des fabricants de toile lillois ? Certes, leur concurrence est redoutable, mais leur fin semble inéluctable car, à trop mépriser les règles du jeu (entendons : à vivre de crédits, mais aussi à propager la revendication ouvrière), on finit nécessairement par s’effondrer. Puis le cours ordinaire des choses s’interrompt : la maladie de sa femme, qui entre en agonie suite à un cancer, le submerge et contribue, légitimement, à faire passer au second plan les questions économiques et sociales.

29En mai 1890, si l’ampleur de la grève le déstabilise un temps, il parvient à repousser les émeutiers qui faisaient le siège de l’usine de Marquette et force ses ouvriers à reprendre le travail. Le lendemain, 6 mai, sa détermination a fait le tour de la place et il se rengorge :

30

« Tous les journaux républicains de Lille me font jouer un rôle énergique et ils me posent en héros ! […] Les ouvriers paraissent désirer travailler sérieusement. Les autres établissements sont en grève : Moreau, Barbry, Boniface (…) Les cuirassiers gardent la fabrique. On a craint hier soir que les grévistes viennent y mettre le feu » ;
-7 mai : « Continuation des grèves. Lille commence à s’inquiéter et plusieurs usines de Fives, Hellemmes, le faubourg de Paris, sont en ébullition. Les ouvriers de Mme Casse sont en grève et demandent de la hausse ; Mme Casse les envoie promener. Articles de journaux très malveillants pour les patrons. Il est temps que ma brochure paraisse pour prouver que les patrons ne sont pas des tigres ».

31Celle-ci paraît effectivement quelques temps après et coïncide avec la reprise du travail. Intitulée Questions d’économie politique et d’économie sociale intéressant spécialement les industries textiles de l’arrondissement de Lille, elle promeut, sans guère d’originalité, l’adoption d’une législation douanière « sagement protectrice » avec une extension des institutions de prévoyance. De la sorte seront conjurées, pense son auteur, « l’instabilité économique et l’instabilité des ouvriers dans les usines » [19]. Par-delà le contenu de cette brochure, c’est essentiellement le souci que manifeste Jules-Émile Scrive de diffuser celle-ci le plus largement possible (de ses ouvriers… au Ministre chargé de la question !) qui étonne. Auréolé du rôle que les journaux conservateurs lui ont fait jouer dans la grève, il se livre à une véritable opération de communication. En retour, il y trouve, à sa grande satisfaction, un gain en respectabilité qui le flatte beaucoup :

32

« La question sociale […] m’amène de très intéressantes communications. Lettres de nombreux correspondants m’approuvant et me félicitant. Comme je m’y attendais, ce sont surtout les étrangers, les gens du dehors, qui sont les plus aimables. J’aurais cependant tort de me plaindre car les Lillois ne me débinent pas, ce qui est un beau succès » [20].

33En fait, à lire sa correspondance passive, le succès est tout relatif et, de toute évidence, il se rengorge bien vite. Mais le caractère laudateur de l’article qui rend compte, sous la plume du directeur, Verly, de sa brochure dans l’Écho du Nord le comble d’aise et lui fait oublier tout sens de la mesure [21]. De toute évidence, à ses yeux, l’opinion publique lui reconnaît désormais la capacité à inventer des normes et des règles communes susceptibles de contribuer à la régulation sociale. D’un côté, il se persuade que son rôle est décisif dans la prise de conscience qu’une solidarité doit désormais unir les patrons entre eux comme elle soude ensemble les ouvriers ; de l’autre, ses propositions doivent permettre, selon lui, de conduire les négociations et de préserver l’ordre social. Trois jours plus tard, il s’empresse de consigner dans ses carnets ce que lui déclare, non sans candeur, Auguste Houzé, qui lui « demande que je lui remette quelques exemplaires de ma brochure pour les socialistes Carette et Delory. Il prétend que ce sont de braves gens qui seraient heureux de voir que l’on s’occupe des ouvriers de Lille » [22]. Ce rôle de médiateur lui sied à merveille : il place toutes les lettres de félicitations qu’il reçoit à ce sujet dans un « dossier spécial », « distribue la brochure à Marquette à tous les anciens ouvriers et aux gens des environs », se rengorge quand, au Cercle, un certain Delerue qualifie sa brochure de « petit chef-d’œuvre », écrit à son ami Paul Dislère pour s’étonner du silence que garde à ce propos le ministre du Commerce, précise sa pensée dans la presse suite à un article élogieux publié dans le Progrès du Nord… puis le soufflet retombe !

34Jules-Émile Scrive, arbitre des conflits sociaux, médiateur fort oublieux de ses intérêts de classe au bénéfice de la pacification sociale ? C’est là l’image que ce dernier confie au témoin interne à qui il s’adresse chaque soir, à l’heure de consigner dans ses carnets ce qu’il retient de sa journée. Est-ce donc le même qui, le 21 mai, écrit à un certain Gilbert : « Je crains… l’invasion des politiciens faux ouvriers, meneurs de grèves. Comment éviter ces microbes ? Quel antiseptique social employer pour les détruire ? ». Et de poursuivre, après s’être insurgé contre le dommage que la grève cause aux patrons et le danger que ferait courir les syndicats professionnels à la société :

35

« Je suppose, à vos yeux, d’être un ennemi des ouvriers, mais je vois un danger immense dans cette immunité donnée aux chenapans, monteurs de mauvaises chicanes qui vont pulluler et feront du « chantage » près des patrons. Certes, tous les patrons ne sont pas parfaits, mais il faut les perfectionner. Cela n’est pas impossible. Ce n’est pas en les exaspérant, en détruisant leur prestige et leur autorité que l’on améliorera la situation de l’ouvrier » [23].

36Le médiateur cesse d’être arbitre et se fait négociateur, comme si, en passant du journal intime à la correspondance, le patron quittait son Olympe pour descendre dans l’arène…

37La boucle est bouclée. C’est dans les ressorts même du journal intime que se trouvent les élans qui permettent à Jules-Émile Scrive d’être tout à la fois lui-même et un autre. Être lui-même ? Pas plus qu’il ne fait un lien explicite entre son analyse de la grève, sa lecture de Germinal et son adhésion aux thèses fixistes, il n’établit de lien entre sa représentation du territoire manufacturier et la manière dont, à ses yeux, la grève se propage. En ce sens, il fait montre d’une cohérence dont il ne mesure pas la logique interne ni ne soupçonne toute la force. Être un autre ? Il ne coïncide pas nécessairement avec lui-même. Si le journal est fait pour ne pas être lu, il met en scène un destinataire exprimant un point de vue extérieur à soi, un autre soi-même, un « témoin interne » précisément, qui est « une représentation du semblable en soi-même » [24]. Une représentation du semblable… et non de l’identique : la création de ce « compagnon imaginaire » est ainsi placée à l’articulation de l’écriture de soi et du regard que l’on porte sur soi et le monde. Quand il se relit (ce qui est relativement fréquent), il est cet autre, ce « compagnon imaginaire ». Il devient le récepteur du narrateur et se mire dans ses carnets, dans « les » carnets. Le plaisir est dans l’écriture ; il est plus encore dans la relecture de cette écriture de soi auto-destinée [25].


Mots-clés éditeurs : représentation, Lille, journal intime, patron, grève

Date de mise en ligne : 22/03/2013

https://doi.org/10.3917/rdn.390.0381

Notes

  • [*]
    Didier Terrier, professeur à l’Université Lille Nord de France, UVHC, CALHISTE, F-59313 Valenciennes, France.
  • [1]
    J. Rousset, Le lecteur intime. De Balzac au journal, Paris, Librairie José Corti, 1986, p. 145.
  • [2]
    Comment ne pas penser, en l’occurrence, à la « longue insolence » des mineurs d’Anzin qui, en 1884, inspire Émile Zola pour écrire Germinal ?
  • [3]
    Cette mise en contexte reprend, à gros traits, le chapitre de la thèse de M. Perrot, Les ouvriers en grève. France, 1871-1890, Paris, EHESS, 2001, réédition de l’ouvrage publié en 1974, chapitre intitulé « Les grèves de 1864 à 1890. Analyse diachronique », p. 73 -100.
  • [4]
    Dans un excellent mémoire de Master 1 intitulé Étude des grèves à Lille-Roubaix-Tourcoing et Armentières entre 1888 et 1890 à travers la presse locale et soutenu à l’université de Valenciennes en 2006, Amélie Procureur et Cindy Soufflet évoquent notamment la multiplication des « débrayages » qui affectent quantité d’usines textiles le temps d’une journée pour des questions relatives au salaire ou aux conditions de travail. La presse les relate et, de toute évidence, leur fréquence (passée sous silence par Michelle Perrot) ne pouvait laisser d’intriguer un homme aussi attentif et perspicace que le patron lillois. L’Écho du Nord est un journal modéré, porte-parole des milieux d’affaires. Cf. J.-P. Visse, La Presse du Nord et du Pas-de-Calais au temps de l’Écho du Nord, 1819-1944, Villeneuve-d’Ascq, Septentrion, 2004, p. 165.
  • [5]
    AD Nord, Carnets Scrive, 1 Mi 393 R1 à R3, puis R10 à R12, note du 7 juillet 1891. Dans la suite de l’article, seule est mentionnée la date de la note à laquelle il est fait référence dans les carnets.
  • [6]
    Note du 7 juin 1886.
  • [7]
    Lettre à David Dautresme, vers le 11 décembre 1885. Cette lettre servira de préface à la publication de Germinal dans Le Petit Rouennais, du 27 décembre 1885 au 15 mai 1886. Citation reprise par H. Mitterand dans Zola, tome 2, L’homme de Germinal 1871-1893, Paris, Fayard, 2001, p. 758.
  • [8]
    Cité par H. Mitterand dans Zola..., op. cit., p. 758 et 759.
  • [9]
    Idem, p. 762.
  • [10]
    Note du 12 décembre 1891.
  • [11]
    Voir J.-M. Bernardini, Du darwinisme social en France. Diffusion et réfutation du darwinisme social dans la pensée contemporaine française de 1859 à 1918, Paris, CNRS, 1995, p. 487.
  • [12]
    D’une manière générale, le travail de Jean-Marc Bernardini, op. cit., rend bien compte de ces débats autour de L’origine des espèces … et de leurs implications politiques.
  • [13]
    Notes des 26 juin 1882 et 27 septembre 1884.
  • [14]
    AM Lille, L’Écho du Nord, 16 mars 1889.
  • [15]
    Note du 19 mars 1889.
  • [16]
    Note du 21 mars 1889.
  • [17]
    Note du 22 mars 1889.
  • [18]
    Note du 31 mars 1889.
  • [19]
    BM Lille, brochure classée au nom de l’auteur.
  • [20]
    AD Nord, 170 J, 19 mai 1890.
  • [21]
    Note du 14 juin 1890.
  • [22]
    Note du 10 mai 1890.
  • [23]
    AD Nord, 170 J 158, lettre du 21-5-1890.
  • [24]
    Chiantaretto, « Le Monde », 8-6-2005, présentation du livre Le témoin interne, Paris, Aubier, 2005, par l’auteur.
  • [25]
    J. Rousset, Le lecteur intime. De Balzac…, op. cit., p. 143.

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