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Article de revue

Un parcours thématique proposé par le service Ville d'art et d'histoire de la ville de Lille : « Prémices et évolution de l'habitat social à Lille-Sud »

Pages 623 à 635

1Cet article souhaiterait présenter aux lecteurs les parcours thématiques. Il s’agit d’un outil pédagogique qui a été mis en place par le service Ville d’art et d’histoire de la ville de Lille, pour faciliter l’appréhension par le public adulte de problématiques urbaines et architecturales, à travers une activité déambulatoire et interactive. Le parcours dont il s’agit ici permet de découvrir l’évolution de l’habitat social et de l’habitat collectif dans une partie de l’agglomération lilloise, en utilisant des informations rassemblées dans un livret largement illustré qui est remis avant le début du parcours à chacun des participants.

2Le service « Animation du patrimoine » a été créé en 1998 au sein de la direction du Patrimoine de la ville de Lille. Son personnel, recruté dans un premier temps sur la base de contrats emploi-jeunes, puis sur celle de titularisations, se compose de quatre agents d’animation du patrimoine et d’une assistante spécialisée en enseignement artistique. En 2004, la ville de Lille a obtenu le label « Ville d’art et d’histoire » dans le cadre d’une convention passée entre les services culturels de l’État, l’Office de Tourisme de Lille et la ville. Cette convention a permis de multiplier les actions d’éducation au cadre bâti et de valorisation du patrimoine en direction du public scolaire, mais aussi des habitants des quartiers et des simples visiteurs, qu’ils soient lillois ou non. Parallèlement une politique éditoriale a conduit à publier régulièrement des livrets et de plaquettes à destination du grand public et des habitants des quartiers. En partenariat avec l’Office du Tourisme, le service Ville d’art et d’histoire propose enfin, grâce à l’intervention de vingt guides conférenciers agréés par le ministère de la Culture, une programmation semestrielle de visites guidées dans tous les quartiers lillois et de découverte de lieux inédits.

La ville comme objet d’étude

3Le service Ville d’art et d’histoire n’est pas un service intégré au sein d’un musée. Pour la mise en place de ses actions éducatives, il ne peut s’appuyer sur aucun fonds iconographique. La ville et ses constituants font l’objet d’investigations pédagogiques en raison du réel potentiel éducatif que recèle l’espace urbain considéré dans sa globalité et dans la diversité de ses territoires. Des outils propres à sensibiliser les élèves ou les habitants des quartiers lillois au fait architectural et urbain proposent des apprentissages variés. Ces derniers privilégient le plus souvent la déambulation et la pratique des lieux de vie, qu’ils soient patrimoniaux ou non, avec l’aide d’un livret explicatif. Dénommés parcours urbains, ils sont fondés sur des questionnements précis qui, dans le cadre d’une succession de déplacements, favorisent l’approche concrète de la morphologie des espaces traversés.

4La création et le suivi des « groupes mémoire » dans le cadre d’une sensibilisation au patrimoine s’inscrivent pleinement au sein de la convention « Ville d’art et d’histoire » signée entre l’État et la ville qui préconise la mise en place d’actions de valorisation auprès des habitants des quartiers en collaboration avec les élus, les responsables des équipements (bibliothèques, médiathèques, maisons de quartier, maisons Folie), les associations, ainsi que les techniciens des directions de la politique de la ville et du Grand projet urbain. Depuis une dizaine d’années existent ainsi, dans les dix quartiers qui constituent la ville, des « commissions mémoire » ou « groupes mémoire ». Ceux-ci fonctionnent le plus souvent de manière originale en raison de la spécificité du tissu associatif et de l’implication plus ou moins importante des habitants. Ils tentent de mettre en scène les spécificités historiques, architecturales et urbaines de leur quartier au sein d’une programmation particulière qui trouve son expression lors des Journées du Patrimoine.

5Des réunions régulières sont organisées au sein des quartiers. Elles sont animées par les chefs de projets, en raison de la forte implication de la direction de la politique de la ville pour les quartiers relevant du CUCS (contrat urbain de cohésion sociale). Les thématiques qui émergent de ces groupes de réflexion s’articulent le plus souvent autour de questionnements liés à la mémoire des lieux et à celle des hommes qui y vivent, en lien avec les projets de renouvellement urbain qui actuellement prennent forme dans certains territoires de la ville.

6Le service Ville d’art et d’histoire initie ainsi une démarche patrimoniale en direction des habitants des quartiers, en totale cohérence avec les programmations de la politique de la ville. Il co-anime les groupes mémoires qui tiennent compte de la spécificité et de la diversité des populations concernées en leur proposant des outils pédagogiques diversifiés.

7Depuis 1998, une série de parcours thématiques est proposée, fruit d’un travail de recherche et de questionnements approfondis. Parmi eux, la présence et la proximité, sur un territoire relativement réduit, d’éléments urbains et architecturaux destinés à comprendre l’évolution de l’habitat social à Lille ont permis d’élaborer un parcours inédit, proposant la découverte d’un patrimoine inattendu et le plus souvent méconnu.

8Les questionnements sur les conditions d’émergence et d’évolution de l’habitat social forment l’essentiel du contenu de la démarche et de la déambulation au sein du quartier. Ils tentent ainsi d’aider les habitants du quartier à porter un regard averti sur un moment particulier de l’histoire urbaine française. Les outils s’inscrivent au sein d’une démarche citoyenne par la nature des partenariats et la transversalité des notions proposées. Ils aident à reconnaître les qualités propres des espaces parcourus et permettent de s’interroger sur les relations que chacun établit avec son territoire. Pour présenter ce parcours, on mettra ici en lumière les questionnements soumis aux habitants ainsi que les outils mis en œuvre pour atteindre les objectifs. Il ne s’agit donc en aucun cas d’une étude historique et scientifique de l’évolution de l’habitat social dans les quartiers concernés, mais de décrire la méthodologie adoptée pour concevoir un parcours urbain sur un territoire précis. À la complexité de la démarche, s’ajoute l’impossibilité d’une présentation sur site, ce qui peut gêner la compréhension globale du projet et rendre ardue la perception d’un exercice qui, par ailleurs, doit rester fluide dans son accomplissement.

9Le parcours thématique « Prémices et évolution de l’habitat social à Lille-Sud » participe, aux côtés des expositions menées par le groupe mémoire et de l’édition de livrets, de cette volonté d’inscrire l’action patrimoniale au sein d’une démarche citoyenne, tout en exploitant le potentiel éducatif de l’espace urbain. Le livret d’exercices, conçu en fonction de la thématique abordée, joue un rôle essentiel. Il aide à la description et à l’analyse des lieux en proposant au lecteur des documents iconographiques techniques (plans parcellaires) et historiques (cartes, plans anciens, cartes postales, vues anciennes provenant de fonds privés, coupures de presse…). Il facilite ainsi incontestablement l’approche et le discours du guide-conférencier. Chacun des participants, muni d’un crayon, se met au travail et bénéficie d’un encadrement fourni par un animateur spécifiquement formé à ce type d’exercice.

10Cette expérience immédiate de l’environnement dans le cadre d’un questionnement collectif favorise le débat, les échanges et l’implication des habitants qui sont ainsi amenés à s’exprimer dans un domaine qui peut leur être totalement inconnu, mais sont aussi invités à transmettre leur propre expérience des lieux. Elle les rend plus réceptifs au fait architectural en devenant des acteurs de leur apprentissage, et non plus de simples auditeurs d’un discours sur la ville qui serait préparé à l’avance.

De la courée au Grand projet urbain : le choix de la thématique et la mise en œuvre des contenus pédagogiques du livret

11Les quartiers lillois apparus ou intégrés à la ville lors de son agrandissement en 1858 recèlent sur leur territoire des éléments architecturaux ou urbains liés à son histoire industrielle. Le quartier de Moulins, le Faubourg de Béthune font ainsi l’objet de parcours particuliers. Néanmoins la juxtaposition et la concentration sur un territoire réduit d’entités bâties emblématiques de l’évolution de l’habitat social ont facilité l’élaboration à Lille-Sud d’un cheminement chronologique et scientifiquement satisfaisant.

12Les objectifs pédagogiques mis en scène au sein du livret sont, dans les grandes lignes, essentiellement justifiés par la volonté :

  • de révéler des formes de construction historiquement repérables sur un territoire, en considérant les enjeux sociaux qui ont présidé à leur émergence et à leur prise en charge ;
  • d’éveiller ainsi le regard à des gestes plastiques singuliers ou à des architectures ordinaires liées à une technique, à un concept, à une époque, à une volonté politique (histoire politique de la prise en charge de l’habitat social) ;
  • de donner les moyens de repérer les connexions qui s’établissent entre l’objet architectural, le territoire qui le reçoit, ses conditions d’émergence, son usage (la disparition progressive du lien qui unissait le travail au logement) ;
  • d’aider à la prise de conscience de l’existence de cultures et de modes de peuplement différents sur un même territoire (histoire des migrations sociales et ethniques) ;
  • de faire appel au vécu de chacun dans le cadre d’une pratique quotidienne des lieux traversés.
Notre première tâche consiste à percevoir et à comprendre les logiques urbaines et historiques qui ont gouverné l’organisation des tissus urbains actuels du quartier dans le cadre d’une découverte de quatre lieux offrant des typologies urbaines différentes, voire opposées : le « Vieux Faubourg », la Cité des Fleurs, le Groupe des Habitations à Bon Marché du Faubourg des Postes, le Groupe d’HLM Charles Péguy.

13Il importe, en tout premier lieu, de clarifier aux yeux des habitants le contexte historique dans lequel est apparu le quartier qui nous intéresse. Il s’agit dès lors de :

  • situer le quartier ;
  • définir l’échelle de son territoire par rapport à la ville ;
  • définir la nature des liens qui s’établissent entre le quartier et le cœur de la ville ;
  • mettre en lumière les conditions d’émergence du quartier en percevant les éléments urbains qui en ont façonné durablement l’organisation et le développement (la présence du périphérique et l’échelle importante du cimetière).
Les mises en situation se basent sur une confrontation visuelle et corporelle avec les lieux traversés et la manipulation d’outils particuliers comme le plan parcellaire, grâce à des ajouts colorés qui en facilitent la lecture.

14Le travail de questionnement s’accomplit autour des notions de césure, limite et franchissement contraignants provoqués par la présence ancienne des remparts, remplacés par le périphérique sud actuel. Il se poursuit autour de la nature des liens qui s’établissent entre le quartier et le cœur de la ville et de la morphologie des voies d’accueil qui vont structurer le quartier.

15Les mises en situation sont enfin organisées selon un déroulement chronologique, permettant ainsi aux participants de percevoir l’épaisseur du temps et la notion de sédimentation de l’espace urbain.

16Les quatre entités urbaines et architecturales qui vont être traversées lors du parcours sont repérées au sein de cette première phase introductive consacrée aux voies structurantes du quartier. La description et l’analyse des lieux s’opèrent ainsi par la manipulation d’outils particuliers, comme le plan parcellaire. Chaque entité traversée est l’occasion de procéder à une analyse précise de la forme des îlots et des parcelles qui la constituent et de dégager les particularités des lieux en isolant les caractéristiques de trames urbaines spécifiques.

17Des notions spécifiques à l’analyse typologique des lieux sont choisies pour permettre à l’observateur de relever :

  • la densité d’un espace ou au contraire son aération ;
  • les conditions d’implantation du bâti : rythme des séquences bâties, échelle du bâti, de la voie ;
  • les relations entre l’espace public et l’espace privé : le rapport des pleins et des vides ;
  • les modes de franchissement ou d’accès au bâti.
La prise en compte des éléments les plus simples formant l’essentiel de la combinatoire urbaine, l’îlot, la parcelle, leur forme et leur échelle, l’implantation du bâti, sont donc systématiquement analysées, de la courée jusqu’aux immeubles des années 1970, selon une trame strictement chronologique. La confrontation, en fin d’exercice, au document historique permet, en dernier lieu, d’approfondir les connaissances acquises lors de la déambulation et d’offrir des références qui soient communes à tous (plans anciens provenant des fonds des archives de la ville ou des fonds iconographiques des musées).

« Le Vieux Faubourg » : première typologie

18Celle-ci mène le visiteur en plein cœur d’une zone décrivant une trame urbaine dense essentiellement constituée d’alignements stricts de maisons ouvrières. Les îlots sont de formes irrégulières et les courées se comptent par dizaines.

Un rang de maisons ouvrières au sein du tissu ancien du quartier. Fin du xixe siècle

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Un rang de maisons ouvrières au sein du tissu ancien du quartier. Fin du xixe siècle

19Une analyse précise portant sur la forme des rues et des îlots rend possible, dans un premier temps, la mise en évidence du caractère d’épine dorsale de la rue du Faubourg des Postes et fournit des éléments de datation précis.

20L’observateur est, par la suite, mis en présence de typologies différentes de courées qu’il doit identifier. La mise en exergue des principales notions qui caractérisent le tissu urbain, l’extrême densité du parcellaire et le bourrage interne de l’îlot, l’analyse des modes de franchissement et de l’implantation du bâti par rapport à la rue, enfin la lecture des caractéristiques architecturales (dans le cas présent : linéarité du bâti, homogénéité, habitat uni-familial, utilisation de la brique) précèdent le discours historique et sociologique délivré par l’animateur.

Le groupe d’habitations à Bon Marché du Faubourg des Postes, 1927-1931. Segers, architecte. Les maisons individuelles et les immeubles collectifs

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Le groupe d’habitations à Bon Marché du Faubourg des Postes, 1927-1931. Segers, architecte. Les maisons individuelles et les immeubles collectifs

21Une trame urbaine particulière est ainsi identifiée, étroitement liée à l’histoire ouvrière et industrielle du quartier et de la ville. Un discours retraçant l’histoire morphologique et sociale de la courée enrichit la perception des lieux. Des échanges sont possibles sur les conditions de vie actuelles.

La Cité des Fleurs : seconde typologie

22Le passage à pied, de l’espace dense de la ville industrielle à l’espace aéré qui caractérise la Cité des Fleurs toute proche, suffit à produire chez le visiteur une réaction immédiate qu’il s’agit d’utiliser. Nous observons la Cité des Fleurs, créée par l’abbé Lestienne, fondateur à Lille de la Société Anonyme des Cités Jardins en 1913. Il s’agit ici de mettre en lumière les caractères novateurs et précoces de cet urbanisme inattendu, en totale opposition avec l’espace précédemment traversé.

23Le travail sur le parcellaire n’est, cette fois, pas immédiat. Le premier contact privilégie l’observation et la mise en valeur de l’espace urbain par des questionnements qui orientent la réflexion sur les moyens mis en œuvre pour y parvenir.

24Il est demandé à l’habitant d’analyser :

  • la forme de la rue ;
  • la présence et le rôle du végétal ;
  • la mise en perspective du bâti.
Les notions ayant trait au parcellaire, soigneusement étudiées lors de la première partie du parcours, sont néanmoins induites pour aider à qualifier ce schéma urbain. L’aération de l’îlot, la dislocation de la parcelle (le rythme des séquences bâties) et l’introduction de la végétation comme élément structurant sont observées sur les plans et dans l’espace.

25Le travail suivant s’attache à identifier le tracé des limites, sur le territoire, de cette nouvelle configuration urbaine. La juxtaposition autoritaire de cet ensemble urbain aux tissus voisins est perçue, tandis que la présence de voies laissées en impasse renforce la présomption d’un projet urbain de taille plus importante. L’introduction du document historique, à l’issue de ces constatations, entérine l’existence d’un véritable projet urbain et social prévu au sud de la ville sur une zone non démantelée à cette date, mais dont on perçoit les potentialités urbaines et sociales. Elle aide ainsi à la compréhension des motivations sociales et politiques qui ont gouverné l’apparition de la Cité des Fleurs.

26Un soin particulier est porté à la description des maisons individuelles et mitoyennes. Le caractère pittoresque et inédit du langage architectural au sein du paysage urbain lillois est souligné. Le contraste avec l’agencement des courées oriente la réflexion sur l’amélioration et la prise en charge de l’habitat ouvrier au début du xxe siècle, qu’elles soient d’origine patronale ou catholique.

Le quartier de Lille-Sud, extrait d’un plan de cadastre. En bas de l’image, la Cité des Fleurs avec ses rues courbes juxtaposée à une trame plus ancienne et opposant un parcellaire dense

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Le quartier de Lille-Sud, extrait d’un plan de cadastre. En bas de l’image, la Cité des Fleurs avec ses rues courbes juxtaposée à une trame plus ancienne et opposant un parcellaire dense

27La thématique « Air, Santé, Lumière » se met en place.

Les logements sociaux des années 1930 « Air, Santé, Lumière » : troisième typologie

28La configuration de l’espace urbain dans lequel nous pénétrons après avoir quitté la Cité des Fleurs est pour le visiteur totalement nouvelle. S’élèvent devant lui des rangs de maisons individuelles, d’architecture soignée, bordés par des alignements d’arbres et encadrés par des immeubles collectifs de faible hauteur. Une place de forme carrée aux dimensions importantes s’insère dans le tissu urbain. Le visiteur pénètre au sein d’un groupe d’Habitations à Bon Marché édifié dans le cadre de la politique des grands travaux menée en 1931 par la municipalité lilloise.

29L’exercice consiste, par l’observation d’un plan parcellaire reproduisant le quartier de Lille-Sud, à qualifier rapidement l’organisation urbaine et à repérer l’existence sur le territoire du quartier d’un second ensemble bâti décrivant un agencement similaire : le groupe de la rue du Faubourg d’Arras. Un certain nombre de notions nouvelles, nécessaires à la compréhension du projet global dans ses principes, sont par ailleurs introduites.

30Le questionnement, in situ, porte dans un premier temps sur l’identification d’un nouveau schéma urbain révélé par :

  • l’agencement des voies de taille identique décrivant un quadrillage ;
  • l’homogénéité du parcellaire confirmant la présence de maisons individuelles bâties en retrait de la voie et toutes pourvues d’un jardin à l’arrière ;
  • la forme des îlots, de taille importante, parfois divisés par des venelles intérieures ;
  • la nature des limites : floues pour le groupe qui nous concerne, nettement plus affirmées pour le second groupe du Faubourg d’Arras ;
  • la présence de places ;
  • la rupture avec les tissus voisins plus anciens ;
  • la présence presque systématique d’équipements en accompagnement telle que l’école monumentale.
Deux ensembles urbains conçus selon des principes identiques sont, dans un second temps, repérés sur un plan du quartier datant de 1938. Les trames urbaines privilégiant l’agencement général et concerté de voies parallèles et perpendiculaires et servant une mise en scène de l’espace intérieur sont reconnues.

31L’attention des participants est ainsi attirée sur les principes gouvernant l’agencement général, notamment sur l’îlot urbain, toujours considéré comme l’unité de base du projet, et sur le caractère d’autarcie contenu dans les deux ensembles urbains.

32Un questionnement sur le traitement de l’îlot au sein des deux entités et illustré de documents iconographiques anciens (plan d’aménagement de l’intérieur d’un îlot proposé par l’un des architectes de l’office d’HBM de Lille) permet d’approfondir les principes même du programme d’habitat social mis en place par la municipalité socialiste conduite par Roger Salengro. Il nous éclaire sur l’existence d’une tentative d’amélioration des conditions de vie des habitants pour lesquels sont aménagés des espaces de rencontre.

33En dernier lieu, une analyse architecturale complète le discours. Elle s’attache, par une série de mises en situation, à mettre en valeur les liens entre les formes urbaines et architecturales :

  • la présence sur un même site d’un habitat unifamilial traditionnel et d’immeubles collectifs de faible hauteur ;
  • le traitement des entrées du groupe d’HBM, soulignées par la présence de bâtiments d’angle à pans coupés ;
  • le choix des matériaux qui privilégie l’emploi du béton armé pour la structure et la brique pour le remplissage ;
  • les références architecturales régionalistes ou aux accents franchement Art Déco, conformément aux courants en vogue durant l’entre-deux-guerres.
Des documents historiques de qualité, dont certains inédits, soulignent l’ampleur du projet global et permettent d’évoquer l’implantation, sur la totalité du territoire de la ville, d’équipements nouveaux ou de propositions architecturales audacieuses, en lien avec la politique sociale de l’entre-deux-guerres à Lille, comme celles du Centre Hospitalier Régional, du Groupe d’HBM de la Porte de Béthune, la construction de l’Hôtel de Ville en 1924.

Les grands ensembles, un rapport renouvelé entre ville et logement : quatrième typologie

34La dernière phase du parcours traite de l’émergence sur le territoire d’une nouvelle forme urbaine apparue dès la fin de la seconde guerre mondiale, dans le cadre du programme de reconstruction mené par la ville et l’État.

35L’ensemble bâti comprenant une tour et une barre au sein d’un espace vert ne relève pas de la première phase de travaux qui vit s’élever, au nord du quartier, le groupe des Millions et l’Îlot des Fleuves, datant respectivement de 1955 et 1965. Édifié en 1972, entre les rues Charles Péguy et Giraudoux, le groupe bâti qui nous intéresse propose néanmoins une organisation suffisamment explicite pour nous permettre de mettre en scène les notions nécessaires à la compréhension des nouvelles propositions urbaines et architecturales qui marquent l’évolution de l’habitat social durant cette période.

36À l’issue des trois premières phases du parcours, le participant a appris à :

  • distinguer des typologies bâties différentes et comprendre l’évolution de leurs constituants ;
  • identifier les matériaux de construction et leur spécificité en fonction d’un programme précis ;
  • comprendre les rapports entre la création ornementale et les fonctions de l’architecture.
Mais surtout il est capable d’identifier la configuration d’un parcellaire classique et de saisir les relations qui s’établissent entre la rue et l’habitat.

37Ces apports vont l’aider dans l’analyse du dernier ensemble construit. Le travail mené sur les limites de l’îlot met en lumière :

  • l’éclatement de l’espace urbain continu et différencié jusqu’alors rencontré (absence d’alignement) ;
  • la négation du parcellaire traditionnel ;
  • l’apparition de nouvelles typologies bâties, telles que la tour et la barre qui privilégient le logement collectif ;
  • la nature des liens qui s’établissent entre ces nouvelles formes architecturales et les voies qui les bordent (façades arrière, façades principales) et l’existence d’une nouvelle gestion des flux ;
  • un bouleversement complet des échelles, qu’elles soient urbaines ou architecturales par la rupture entre la forme urbaine et le territoire qui la reçoit.
Les éléments nécessaires à la compréhension de l’évolution urbaine du quartier durant cette période sont décrits sur ce site et plus largement à l’aide de plans cadastraux et de photographies actuelles concernant l’ensemble du quartier. Différentes propositions typologiques qui s’inscrivent par ailleurs au sein des tâtonnements menés sur tout le territoire français sont mises en exergue. Le mitage du territoire de Lille-Sud est perçu à travers le caractère ponctuel pris par chaque opération. L’histoire de la prise en charge du logement ouvrier, largement décrite durant tout le parcours, se termine par l’évocation des conditions d’intervention de l’État dans les programmes de logements collectifs.

38L’évocation par l’introduction au sein de nos réflexions, du Grand projet urbain actuellement mis en œuvre dans quatre quartiers lillois, dont celui de Lille-Sud, termine le parcours. Celle-ci s’opère oralement.

39Un énorme travail d’appropriation doit être accompli auprès des habitants directement soumis aux changements urbains qui vont bouleverser leurs territoires. Il s’agit par ailleurs de sauvegarder tout élément mémoriel susceptible de constituer ou de reconstituer l’histoire des ensembles bâtis dont la démolition est prévue.

40Jusqu’à présent, en raison même de la complexité des modalités de mise en place du Grand projet urbain, aucune action spécifique et de grande envergure n’a pu voir le jour. Le sujet est par ailleurs très sensible. Il demande au préalable une mise en cohérence des outils et une entente parfaite des différents partenaires sur le terrain. Néanmoins des actions de sensibilisation auprès des habitants directement touchés par la politique de relogement sont en cours, suivies par la direction du Grand projet urbain.

Conclusion : la valorisation de l’expertise des habitants

41À l’issue du parcours, un temps de repos permet la mise à plat du ressenti des participants. Le dossier est commenté et un retour sur certaines indications historiques est en général réclamé par l’assistance. La discussion porte également sur le principe de la mise en situation par questionnements et sur le recours, à l’intérieur du livret, à des outils techniques. Il apparaît clair que le travail interactif facilite le décryptage des logiques historiques et morphologiques qui définissent l’espace parcouru.

42Ainsi le parcours thématique à travers Lille-Sud représente une proposition pédagogique permettant à des publics divers de mieux comprendre les mutations de l’environnement dans lequel ils vivent. Il forme une première découverte du quartier concerné. Il sensibilise aux mutations qu’a revêtues l’habitat social à Lille aux xixe et xxe siècles. Il a aussi pour ambition de fournir à ceux qui participent à ce parcours les moyens nécessaires pour analyser les enjeux d’une ville en perpétuelle mutation et prendre position à leur sujet en pleine connaissance de cause.


Mots-clés éditeurs : habitants, mutations urbaines, mémoire, valorisation, expertise, logements sociaux, expérience de l'environnement

Date de mise en ligne : 24/03/2013

https://doi.org/10.3917/rdn.381.0623

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