Notes
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[*]
Franck Viltart, 254, rue du château, 02480 Cugny.
-
[1]
Voir par exemple : J. Devaux, « Rhétorique et pacifisme chez Jean Molinet », dans Grands rhétoriqueurs. Actes du colloque organisé à l’Université de Paris-Sorbonne – mars 1996, Paris, 1997, p. 99-116 et Id., « Images des guerres de Flandre chez Eustache Deschamps et Jean Froissart », dans Autour d’Eustache Deschamps. Actes du colloque du Centre d’études médiévales de l’Université de Picardie – Amiens, novembre 1998, D. Buschinger éd., Amiens, 1999, p. 57-71.
-
[2]
Cité dans P. Champion, Histoire poétique du xve siècle, 2 vol., Paris, 1923, II, p. 337.
-
[3]
Selon Philippe Contamine : « Louis XI comme Charles le Téméraire ordonnèrent à leurs troupes des dévastations systématiques et firent exécuter sans pitié ceux qui leur résistaient », cf. Ph. Contamine, La guerre au Moyen Âge, Paris, 1992 (3e éd.), p. 461.
-
[4]
Ph. Contamine, « Rançons et butins dans la Normandie anglaise (1424-1444) », dans La guerre et la paix, frontières et violences au Moyen Âge, Paris, 1978, p. 241-270 ; Id. « C’est un très périlleux héritage que guerre », Vingtième Siècle, revue d’histoire, vol. 3, n° 3, p. 5-16 ; B. Schnerb, « Un thème de recherche, l’exercice de la justice dans les armées des ducs de Bourgogne », Publications du centre européen d’études bourguignonnes, vol. 30 (1990), p. 99-115.
-
[5]
Voir notamment, A. Tuetey, Les Écorcheurs sous Charles VII. Événements militaires en Franche-Comté et dans le pays de Montbéliard, 2 vol., Montbéliard, 1873-1874 ; J.-M. Cauchies, « Les écorcheurs en Hainaut, 1437-1445 », Revue belge d’histoire militaire, vol. 20 (1974), p. 317-339.
-
[6]
J. Molinet, Chroniques, J. Doutrepont, O. Jodogne éd., 3 vol. Bruxelles, 1935-1937, I, p. 212.
-
[7]
Nous attendons sur ce sujet les résultats des travaux de Michael Jucker (Lucerne) qui travaille sur le pillage, sa symbolique et ses conséquences économiques à la fin du Moyen Âge.
-
[8]
M.H. Keen, The Laws of War in the Late Middle Ages, Londres et Toronto, 1965 ; Ph. Contamine, « Rançons et butins dans la Normandie Anglaise (1424-1444) », op. cit. (n. 4), p. 241-270.
-
[9]
Ph. Contamine, « Lever l’impôt en temps de guerre : rançons, appatis, souffrances de guerre dans la France des xive et xve siècles », dans L’impôt au Moyen Âge. L’impôt public et le prélèvement seigneurial fin xiie-début xvie siècle, 1, Le droit d’imposer (actes du colloque tenu à Bercy – juin 2000), Ph. Contamine, J. Kerhervé, A. Rigaudière éd., Paris, 2002, p. 11-39.
-
[10]
E. de Monstrelet, Chronique, L. Douët-d’Arcq éd., 6 vol., Paris, 1857-1862, V, p. 25.
-
[11]
J. de Haynin, Mémoires, D.D. Brouwers éd., 2 vol. Liège, 1905-1908, I, p. 243.
-
[12]
Ph. de Clèves, Instructions de toutes manières de guerroyer tant par terre que par mer, et des choses y servantes, Paris, 1558, p. 66-67. Voir aussi : B. Schnerb, « Pour le bien et profit de notre ost. La réglementation et le pouvoir réglementaire dans les armées des ducs de Bourgogne-Valois », dans Le pouvoir réglementaire : dimension doctrinale, pratiques et sources, xve-xviiie siècles (actes du colloque de Mulhouse – octobre 2002), A.J. Lemaître et O. Kammerer éd., Rennes, 2004, p. 97-105.
-
[13]
Cf. A. d’Oudenbosch, Chronique, C. de Borman éd., Liège, 1902, p. 271.
-
[14]
J. de Haynin, Mémoires, op. cit. n. 11, I, p. 176.
-
[15]
Lettre d’Antoine de Loisey, datée du 3 novembre 1468, publiée dans : E. Fairon, Regestes de la cité de Liège, t. III, Liège, 1938, n° 1059, p. 29-31.
-
[16]
J. Schoonbroodt, Inventaire analytique et chronologique des chartes de Saint-Martin de Liège, Liège, 1871, chartes n° 563, p. 169.
-
[17]
J. de Haynin, Mémoires, op. cit. n. 11, II, p. 81.
-
[18]
Ordonnance militaire réglant la conduite de l’armée du maréchal de Bourgogne, 1468, publiée dans [G. Aubrée], Mémoires pour servir à l’histoire de France et de Bourgogne, 2 tomes en 1 vol., Paris, 1729, p. 283-285.
-
[19]
Lettre d’Antoine de Loisey, op. cit. n. 15, p. 29-31.
-
[20]
J. de Haynin, Mémoires, op. cit. n. 11, I, p. 233-234. Looz [Borgloon], Belgique, prov. Limbourg.
-
[21]
Ordonnance militaire d’Abbeville, 1471. Pour les textes des ordonnances militaires (attendant toujours leur édition critique), nous nous référerons à J. de La Chauvelays, « Mémoire sur la composition des armées de Charles le Téméraire dans les deux Bourgognes d’après les documents originaux », Mémoires de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, 3e série, V, 1878-1879, p. 139-361 ; Id., « Les armées des trois premiers ducs de Bourgogne de la Maison de Valois », Mémoires de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, 3e série, VI (1880), p. 308-333.
-
[22]
Un document fourni lors d’une séance de ce séminaire par Bertrand Schnerb mentionne le célèbre chevalier Jacques de Lalaing parmi les auteurs de pillages dans le bailliage de Tournai, vers 1452 : énumération des dommages causés par les gens de guerre du duc de Bourgogne aux habitants d’Outrijve/Hauterive, de Spiere/Espierres, d’Évregnies, de Saint-Léger, d’Esquelmes, de Froyennes et de Rumergies, dans le bailliage de Tournai.
-
[23]
S. Bormans, « Liste d’objets enlevés de Liège en 1468 par les soldats de Charles le Téméraire », Bulletin de l’institut historique liégeois, t. 8 (1866), p. 181-207 ; on trouve notamment, parmi les possesseurs d’objets pillés, le sénéchal de Saint-Pol, le bailli de Hainaut, Philippe de Chaumergis, écuyer tranchant du duc, Antoine de Lalaing, le bâtard de Saveuse, ainsi que plusieurs autres personnages. Il est intéressant de voir que les officiers en charge du logement se trouvaient au premier plan, comme ces deux hommes de la compagnie du fourrier du seigneur de Crèvecœur, ou encore les gens du fourrier de monseigneur de Contay, chez qui on retrouve plusieurs objets dérobés à Liège. Voir aussi W. Paravicini, Guy de Brimeu. Der burgundische Staat und seine adlige Führungsschicht unter Karl dem Kühnen, Bonn, 1975, p. 197-206.
-
[24]
D’après la réponse apportée par le duc aux griefs exposés lors du chapitre de l’ordre de la Toison d’or le 8 mai 1473. S. Dünnebeil, Die Protokollbücher des Ordens vom Goldenen Vlies, t. 3, Das Ordenfest 1473 in Valenciennes unter Herzog Karl dem Kühnen, Ostfildern, 2009, p. 98.
-
[25]
J. de Haynin, Mémoires, op. cit. n. 11, I, p. 171.
-
[26]
Ibid., p. 172.
-
[27]
Lille, AD Nord, B 1693, fol. 23v°-24r°.
-
[28]
Lettre d’Antoine de Loisey, dans : E. Fairon, Regestes, op. cit. n. 15, p. 29-31.
-
[29]
L’étiquette était un billet, ou pièce de papier, sur lequel était inscrit le nom des hommes devant loger à un endroit désigné par un officier tel que le maréchal des logis, le maréchal de l’ost ou de Bourgogne, voir Ch. Brusten, L’armée bourguignonne de 1465 à 1468, Bruxelles, 1953, p. xii.
-
[30]
J. de Haynin, Mémoires, op. cit. n. 11, II, p. 81.
-
[31]
Ibid., I. p. 108.
-
[32]
Cf. le document cité lors de ce séminaire incriminant Jacques de Lalaing (supra n. 22).
-
[33]
Ordonnance militaire d’Abbeville, 1471.
-
[34]
Ordonnance militaire pour le comté de Hainaut, 1473, publiée par B. Schnerb, « Une ordonnance militaire inédite de Charles le Téméraire (26 mars 1473) », Revue belge d’histoire militaire, XXIX, 1991, p. 1-13.
-
[35]
Ordonnance militaire de Saint-Maximin de Trèves, 1473, cf. H. Guillaume, Histoire de l’organisation militaire sous les ducs de Bourgogne, Bruxelles, 1847, p. 191-202 (cf. p. 196).
-
[36]
Ph. de Clèves, Instructions, op. cit. n. 12, p. 68.
-
[37]
J.-M. Cauchies, « La désertion dans les armées bourguignonnes de 1465 à 1476 », Revue belge d’histoire militaire, XXII/2 (1977), p. 138-141.
-
[38]
J. de Haynin, Mémoires, op. cit. n. 11, I, p. 233.
-
[39]
Ph. de Commynes, Mémoires, J. Calmette et G. Durville éd., 3 vol., Paris, 1924-1925, I, p. 167-168.
-
[40]
Aujourd’hui Aubigny-en-Artois et Avesnes-le-Comte, dép. du Pas-de-Calais.
-
[41]
AD Nord, B 2080, n° 65590.
-
[42]
Gilles Stalquin ou Stielquin, est mentionné comme archer de corps de Philippe le Bon, en 1449, cf. Prosopographia Curiae Burgundicae http://fm7.chmann.ch, n° identification 4917. Marc de Montfort est équipé avec d’autres huissiers d’armes, pour suivre le duc à la guerre, en 1468, cf. Comptes de l’argentier de Charles le Téméraire duc de Bourgogne, publiés par A. Greve et E. Lebailly sous la dir. de W. Paravicini, vol.1, année 1468, Paris, 2001, nos 1420 et 1503.
-
[43]
Henri Dubois mentionne, dans sa biographie, de Charles le Téméraire, ce « massacre en règle, […] qui n’était pas dans les mœurs militaires du temps », cf. H. Dubois, Charles le Téméraire, Paris, 2004, p. 275.
-
[44]
Ph. de Commynes, Mémoires, op. cit. n. 40, I, p. 227-228.
-
[45]
Carteggi diplomatici fra Milano sforzesca e la Borgogna, E. Sestan éd., 2 vol., Rome, 1985-1987, I, p. 284.
-
[46]
Ph. de Commynes, Mémoires, op. cit. n. 40, I, p. 244.
-
[47]
Le mémorialiste mentionne 2 072 localités, que villes que villages, brûlées. B. Schnerb, « Un thème de recherche », op. cit. n. 4, p. 111. Jean de Wavrin cite Olivier de La Marche comme celui qui incendia la ville de Gamaches, cf. J. de Wavrin, Anchiennes cronicques d’Engleterre, E. Dupont éd., 3 vol. Paris, 1858-1863, vol. III, p. 294 ; Olivier de La Marche, pour sa part, est très discret sur les destructions commises par les troupes bourguignonnes durant la campagne de 1472. O. de La Marche, Mémoires, H. Beaune, J. d’Arbaumont éd., 4 vol., Paris, 1883-1885, vol. III, p. 76-79.
-
[48]
Cité par H. Dubois, Charles le Téméraire, op. cit. (n. 39), p. 280.
-
[49]
Voir S. Gaudillat-Cautela, « Viols et guerres au xvie siècle : un état des lieux », dans les actes du colloque Les femmes et la guerre de l’Antiquité à 1918, Amiens (sous presse).
-
[50]
Une ballade fette pour Amiens (1471), chanson bourguignonne publiée dans J. de Haynin, Mémoires, op. cit. n. 11, II, appendice n° 4.
-
[51]
Voir Y. Friedman, « Captivity and Ransom : The Experience of Women », dans Medieval Warfare 1000-1300, J. France éd., Aldershot, 2006, p. 613-631.
-
[52]
Une liste détaillée des violences commises contre les populations du Sundgau par les troupes bourguignonnes en août 1474 a été dressée grâce à des lettres de doléances adressées à l’empereur Frédéric III et à la Diète de Spire. À noter qu’on y trouve mention de violences sexuelles perpétrées non seulement contre des femmes et des filles, mais aussi contre des garçons. La question est toutefois de savoir si de telles accusations n’entraient pas dans le cadre d’une propagande anti-bourguignonne particulièrement virulente à l’orée des guerres de Bourgogne. Voir textes publiés ou analysés dans E. Toutey, Charles le Téméraire et la Ligue de Constance, Paris, 1902, p. 441-449.
-
[53]
E. de Monstrelet, Chronique, op. cit. n. 10, III, p. 9 : il décrit les scènes de viols collectifs lors de la prise de Soissons, en 1414, par les troupes royales : En oultre il n’est point chrestien qui n’eust pitié de veoir l’orrible et très misérable désolacion qui fu faicte en icelle ville, en violacion de femmes mariées, présens leurs maris, jeunes pucelles, présens pères et mères, nonnes sacrées, gentilz femmes et autres de tous estas dont il y avoit grant quantité en ladicte ville, lesquelles ou la plus grant partie furent violentement opprimées contre leur voulenté, prinses, ravies et violées de plusieurs et divers, nobles et autres, lesquelz sans en avoir pitié, après qu’ilz en avoient fait leur voulenté, les livroient à leurs serviteurs.
-
[54]
J. de Haynin, Mémoires, op. cit. n. 11, I, p. 184.
-
[55]
Ibid., p. 182.
-
[56]
Ibid., p. 180-181.
-
[57]
Le célèbre exemple de Jeanne Hachette à Beauvais, en 1472, peut être mis en relation avec celui des femmes de Liège, en 1468, où : disoit on lors que les femmes résistèrent plus vaillamment que les hommes, d’après J. de Wavrin, op. cit. (n. 44), t. II, p. 389.
-
[58]
Ordonnance militaire de Saint-Maximin de Trèves, 1473, cf. H. Guillaume, Histoire de l’organisation militaire sous les ducs de Bourgogne, Bruxelles, 1847, p. 191-202 (cf. p. 201).
-
[59]
Ordonnance militaire de Lausanne, 1476, voir J. de La Chauvelays, op. cit. n. 18, « Les armées des trois premiers ducs », p. 325 ; B. Schnerb, « Un thème de recherche », op. cit. n. 4, p. 107.
-
[60]
D’après les textes réunis par V. Bessey, Les textes fondateurs de l’armée française. De la France des premiers Valois à la fin du règne de François Ier, vol. I, Turnhout, 2006.
-
[61]
Cf. B. Schnerb, « Un thème de recherche », op. cit. n. 4, p. 105-106.
-
[62]
Registres des chartes de l’audience, Lille, AD Nord, B 1688 à B 1698 (années 1466 à 1476).
-
[63]
Extrait des instructions de Jean Jouffroy au seigneur de Humières et autres ambassadeurs de Philippe le Bon devant Charles VII, le 24 décembre 1441, publiées dans : M. D’Escouchy, Chronique, G. du Fresne de Beaucourt éd., 3 vol., Paris, 1863-1864, III, p. 29-34.
1Les chroniqueurs médiévaux ont souvent dissimulé les aspects les plus cruels de la guerre derrière un décor chevaleresque et courtois. Certains d’entre eux, toutefois, n’en ont pas masqué toute la brutalité [1]. Même des admirateurs de la Maison de Bourgogne, comme Jean Molinet, ont dénoncé les guerres du prince, destructrice du « pauvre peuple » :
Princes puissantz, qui tresors affinez,Et ne finez de forgier grans discors,Qui dominez, qui le peuple animez,Qui ruminez, qui gens persecutez,Et tourmentez les ames et les corpz,Tous vos recors sont de piteux ahors,Vous estes hors d’excellentes bontezPovres gens sont a tous les reboutez[…]Que faittes vous qui perturbés le monde,Par guerre immonde et criminelz assaulx [2].
3Il est vrai qu’à côté de la splendeur de son hôtel et de ses armées, les campagnes militaires menées par le dernier duc Valois de Bourgogne apparaissent, par contraste, des épisodes particulièrement sombres : « la face noire de la splendeur » [3]. La pratique du pillage et le recours à des destructions systématiques, entraînent toute une série de violences qui n’épargnent pas les populations. Le traitement infligé à Dinant, à Liège, à Nesle et au pays de Caux, témoigne de la volonté d’un prince décidé à affaiblir durablement ses adversaires. Cependant ces opérations n’étaient pas sans limites et l’historiographie a montré qu’au xve siècle la justice et même la religion étaient loin d’être absentes de la conduite guerrière [4].
4Dans les États bourguignons, l’avènement de Charles le Téméraire fut marqué par d’intenses réformes militaires qui visèrent notamment à imposer une discipline rigoureuse aux hommes de guerre. Les nombreuses ordonnances ducales devaient permettre de réprimer sévèrement les dommages et desroy [commis] sur le pauvre peuple, et garantir par là même la cohésion de l’armée en campagne. Il s’agit, donc, pour nous, d’étudier et de comprendre certains mécanismes propres au pillage et aux violences qui l’accompagnent, en observant et parcourant les limites fragiles entre la règle et son application sur le terrain. Je tenterai pour cela d’esquisser quelques pistes d’analyse, non pas de toute la gamme des violences de guerre, mais de celles dirigées contre les populations.
Les villes et le pillage
5Sous le principat de Charles le Téméraire, dans les pays bourguignons, le souvenir des violences commises par les gens de guerre continuait de résonner avec une vive intensité ; c’était une conséquence des cruautés des Écorcheurs et des déprédations commises par diverses troupes de passage, tout au long du xve siècle [5]. Ces comportements communs à toutes les armées, étaient à tel point reconnus qu’ils répondaient à un vocable particulier que tente de recenser Jean Molinet dans sa description de l’entrée des francs-archers de Louis XI dans les villes du Hainaut, en 1477 :
Chose incredible et trop longue à mettre en compte me seroyent les exactions, derisions, obprobes, villonnies, occisions, tirannyes, larroneries, raptures et inhumanitez que le roy permetoit comettre par ses frans archiers es conquestes qu’il fit par fas ou nephas es villes dessus nommés ; car lors estoyent en cours deflorations de vierges, effusion de sang innocent, depredations de hospitaulx, spoliations de matrones, carcerations de jovenenceaux, extinctions d’enfans, submertions de viellars, combustions d’eglises, persecutions de prebstres, forcement de femmes, demolicions de villes, dilapidations de chasteaux et gastines de plat pays, autant que feu et espées povoyent durer qui plus tost failloyent que les corages de ces satellites qui les employoient [6].
7Les villes demeurent des objectifs militaires de premier plan dans la guerre médiévale et le butin qui résultait de leur conquête, participait dans une large mesure, de l’économie de guerre [7]. Le pillage d’une ville après son siège ou sa reddition, était un fait reconnu par le droit de la guerre, mais s’accompagnait, en principe, de règles strictes [8]. Dans la guerre de siège, il convient, en effet, de distinguer la reddition de la ville, après sommation et traité, de la prise d’assaut de celle-ci (notons que les villes pouvaient acheter leur liberté, en cas de menace directe, en payant un « appatis » [9]). Les habitants n’étaient d’ailleurs pas ignorants du sort qui pouvait leur être réservé en cas d’entrée de l’ennemi après un assaut : Quand est de parler de ravissemens, violacions, et autres besognes extraordinaires, il en fut fait selon les coutumes de la guerre, comme en ville conquise, se plaît à rappeler le chroniqueur Monstrelet à l’occasion de la prise de Chartres en 1431 [10].
8Pour notre période, les prises de Dinant, en 1466, et de Liège, en 1468, montrent des similitudes à travers les manifestations violentes et les phénomènes de pillage dont elles ont été l’occasion. Ces deux villes rebelles furent l’objectif de plusieurs expéditions durant lesquelles Charles, comte de Charolais, puis duc de Bourgogne, se montra intraitable, et mena une répression féroce contre la population. Lors de sa seconde campagne contre la cité de Liège, en 1467, la mise en garde adressée à la ville et la menace de possibles représailles étaient déjà très claires :
Et s’il avenoit que la ville fu prinse de force, il ne seroit point en monsieur ne es capitaines de pooir garder, destourner ne deffendre qu’on n’y fesist tres grante effusion de sang, tant d’homme, de femmes, comme d’enfans, et que les eglises ou la plus part ne fuiste viollées, desrobées et arsses, et la ville pareillement, et l’œuvre de l’ost come pietons et archiés seroite cheus quy y avoite le plus de gaignaige et le plus de prouffit [11].
10L’espérance du butin demeure l’une des premières forces motrices des hommes qui se préparent pour l’assaut d’une ville. Après avoir parfois effectué un long voyage et avoir enduré la vie du camp de siège, se tenant au pied des murailles, ils savaient qu’ils pourraient piller la ville après un assaut victorieux. Pour le duc, la terreur inspirée par la perspective du pillage, devait permettre également d’entamer plus facilement la volonté des défenseurs. Les hommes étaient toutefois tenus informés, dans le camp, des règles à tenir lors de leur entrée, notamment pour la prise et la redistribution du butin. La publication de ces règles rappelait que le contrôle devait être encore plus étroit afin de maintenir une certaine cohésion une fois la ville prise. Les règles du pillage étaient souvent énoncées, avant et même après l’assaut, afin que les hommes de guerre ne cessent d’y obéir ; c’est ce que précisa plus tard Philippe de Clèves dans son traité militaire :
Et s’il avenoit que vous prinsiez la ville de cest assault, debvez faire publier, que tout soit à butin, aussi bien à ceulx qui ont tenu l’ordre par vostre commandement, que à ceulx qui ont assailli ; car autrement, vous n’en trouverez jamais nuls qui vouldroient tenir l’ordre, mais vouldroit chacun aller au gaignage. Et tantost et incontinent la ville prinse, vous debvez entrer, et assembler autour de vous vingt ou trente gentilshommes que archiers, ayants l’espée au poing ; et aller tout droict à la maitresse eglise, pour rendre graces à Dieu, de la victoire que vous avez eue, et aussi pour defendre le Corpus Domini, et que les choses qui apartiennent à l’eglise, ne soient pillées et robées ; et cy debvez laisser gents pour le garder ; et si les gents ne se mettent en deffence dedans lesdictes eglises, debvez empescher à vostre pouvoir que l’on n’y face point d’effusion de sang ; car la maison de Dieu doit estre franche. Et de là, debvez aller aux autres eglises, et par les rues, pour pareillement empescher que tels maulx ne se facent. Et debvez incontinent faire crier et publier en ladicte ville, que nuls sur peine de la hart, ne preignent ne pillent nulle eglise ; et s’ils en ont aucunes choses prinses, qu’ils les rendent […] [12].
12Pour un habitant se retrouvant pris au piège dans la ville, l’impossibilité de payer une rançon, quelle que soit sa nature, signifiait la mort ou l’emprisonnement ; le paiement de celle-ci, en revanche, signifiait la liberté, accompagné le plus souvent d’un départ, définitif ou non, afin d’éviter d’être repris. La protection normalement offerte par les églises ne s’avérait dans les faits, d’aucun secours pour ceux qui s’y réfugiaient et qui étaient mis à rançon ou exécutés [13]. À Dinant ou à Liège, la rapacité des pillards s’étendit à l’ensemble des biens du culte, et le sort réservé aux profanateurs d’église ne semblait pas effrayer les hommes de guerre. Si à Dinant les églises furent vidées de leurs biens, c’est parce que monsieur de Charolois avoit mis toutte la paine qu’il avoit pu de le ferre sauver et garantir du feu [14], mais à Liège : toutes les églises ainsi que la cité ont esté pillées, reservée Saint-Lambert, qui est la grant eglise, que mondit seigneur a reservée [15]. Pourtant, les ordonnances qui prohibaient le pillage des églises avaient été lues aux hommes avant l’assaut sur Liège ; elles brandissaient le crime de sacrilège à l’égard des pillards :
[…] Durant nostre derreinne armée de Liege, plusseurs gens de guerre d’icelle nostre armée se sont avantachiéz de prendre, pillier et rober, vendre et emporter les biens appartenant aux eglises, abbaies et monastere desdits cités, ville et pais de Liege, comme reliques, croix, calices et aultres joiaulx d’or et d’argent, chandelliers, chappes, chasubles, livres, cloches et plusseurs aultres ornements et biens dediéz au service divin, en commetant crime de sacrilege et trangressant les ordonnances et deffenses de par nous sur ce faictes et publiées au contraire […] [16].
14Mais face à ces règles, en apparence rigoureuse, l’appât du gain, l’indiscipline et les coutumes guerrières semblent avoir pesé très lourd. Dans la précipitation, rien ne vient freiner le déferlement des violences, et Jean de Haynin rappelle que dans ces circonstances, le duc ne peut estre partout ne tout voir ne tout savoir, et se font gens d’armes l’eun pour l’autre che qu’il peut [17]. Les hommes de guerre qui ralliaient l’ost bourguignon en vue du siège de Liège, en 1468, sous les ordres du maréchal de Bourgogne, avaient été mis en garde avant leur départ par une ordonnance particulière : que es pays de Bourgogne, ne soit fait quelques pilleries, rançonnements, batures, mutilations de gens, violemment de femmes qu’elles elles soient, et se aulcun est convaincu de l’avoir fait qu’il soit exécuté à mort [18]. La peine de mort, cependant, ne s’appliquait qu’en « pays d’amis » et jamais en cas de pillage autorisé. Car une fois dans la ville, le droit de piller semble interférer avec l’exercice de la justice. Pour Antoine Loyset, jeune homme de guerre bourguignon, présent lors du sac de Liège, en 1468, il est clair qu’on ne s’embarrasse pas de la justice lorsqu’intervient ce droit :
L’on a bien tué desdiz Liegeois, tant à l’assaut que es escarmoches, que à l’entreprise qu’ilz firent, environ de trois à quatre milles, comme l’on dit par deçà. Ilz s’en sont bien fuyz et aléz en faisant ledit assault de six a sept mille, qui sont tiréz devers Dinant et contre Masiere sur Meuse. L’on ne besongne presentement aucune chose en justice, sinon que tous les jours l’on fait noyer et pendre tous les Liegeois que l’on treuve, et de ceulx que l’on fait prisonniers qui n’ont point d’argent pour eulx rançonner. Ladite citée est bien butinée, car il n’y demeure riens que apréz feuz ; et, pour experience, je n’ay pu finer une feuille de papier pour vous escripre au net, ainsi qu’il appartient, et que je suis tenu et vouldroye bien faire, mais pour riens je n’en ay peu recouvrer que en un viez livre. Il y a eu des prisonniers beaucop, desquelx l’on reçoit argent à force, et s’en vont [19].
16Une fois qu’il a pris pied dans la ville, la condition de l’homme de guerre s’avère importante lorsqu’il se transforme en pillard. Certains contingents ou types de soldats se font plus efficaces que d’autres, lorsqu’il s’agit d’emporter les biens pillés ou encore de contraindre leurs propriétaires à obtempérer par la violence. Bien souvent, les troupes étrangères se montrent les plus efficaces pour ces besognes. Moins sensibles aux malheurs des populations locales et n’attendant que le remboursement de leurs efforts, les troupes de mercenaires se montrent rodées à l’exercice du pillage. Jean de Haynin évoque, quant à lui, le rôle des hommes à pied qui demeurent beaucoup plus mobiles et rapides que les hommes d’armes, montés et encombrés de leurs chevaux :
On parvient à la ville de Los, ou laditte avantgarde se loga et y trouva du bon bustin asses, tant l’aendroit come en pluseurs autres villages la entoure, dont les pluseurs gagnerte biaucoup et les pluseurs riens, ensy qu’il est d’usage et de coustume en gerre selon la paine et dilligens que les uns y mette et font plus que les autres, et parespecial archiés et pietons y gagnerte larghement, sanbloit pareffetement qu’il eust tres bien negié par le ville des pleumes, des lits et des cousins, qu’on y avoit vuidié tant par les rues comme en plusieurs maisons [20].
18À côté des violences sur les populations, des rixes éclatent entre hommes de guerre qui aboutissent parfois au meurtre. Des conflits surgissent régulièrement pour telle partie du butin, tel bien meuble ou tel prisonnier. Tout ce désordre répété pose des problèmes de maintien de l’ordre au duc de Bourgogne qui, en 1471, tente d’y remédier dans sa nouvelle ordonnance militaire. Le butin doit être scrupuleusement redistribué, selon un ordre précis, respectant la hiérarchie de la compagnie et le nombre d’hommes présents lors de la prise :
Et pour ce que débat et différents se pourroient mouvoir à cause du droit que les conductiers et chiefs d’escadre pourroient prétendre sur le butin des hommes d’armes, archiers et aultres compagnons de guerre de leur compaignie, mondit seigneur veut et ordonne que le conductier ait et prenne doresnavant la moitié du dixième denier sur le butin de toutes les escadres de sa compaignie ; le chief d’escadre la quatrième partie dudit dixième, de même sur tous ceux de son escadre ; et chaque chief de chambre aussi la quatrième partie sur ceux de sa chambrée seulement, quand ils auront esté présents où ledit butin a esté conquis [21].
20En tant que force d’encadrement, il convient également de s’interroger sur la position de la noblesse durant ces pillages. Les mesures prises par le duc de Bourgogne en 1471, doivent non seulement réguler les opérations de prise, mais également permettre de mieux assurer à la noblesse le contrôle et la répartition du butin. Les bénéfices de guerre et notamment ceux procurés par le butin et les rançons n’étaient pas considérés comme des entraves à l’idéal chevaleresque et dans bien des cas, ils contribuaient à asseoir certains pouvoirs [22]. Il fallait également un support logistique pour le transport de certains biens volés que seuls les hommes de guerre plus fortunés possédaient par l’intermédiaire de valets et de chariots ou encore de marchands à leurs services et qui suivaient l’armée. Dans le cas du pillage des églises de Liège, en 1468, l’enquête menée pour retrouver certains objets et la liste effectuée après leur localisation, ne laissent guère de doute sur le rang des possesseurs de certains biens : membres de l’hôtel et officiers de tous rangs y figurent en bonne place [23]. N’oublions pas enfin que les services rendus en temps de guerre étaient souvent brandis par la noblesse face à l’autorité ducale, lorsque celle-ci s’élevait contre certaines violences commises, cette fois-ci, le plus souvent, en temps de paix.
La menace du logement
21Le logement des gens de guerre demeure un problème majeur lorsqu’il s’agit d’occuper un territoire ou une ville. Il n’est pas rare de retrouver cet élément logistique lié à l’apparition de comportements violents chez les hommes de guerre au contact d’habitants, hostiles ou non. Dans les armées du duc Charles le Téméraire, la réquisition des habitations demeurait une règle qui continuait de provoquer le mécontentement général des populations. Le duc reconnaissait lui-même que aucuns desdites gens de guerre font grant gast de biens et aucuns vont par pays rançonner les villaiges par menaces du logis desdites gens d’armes et autrement [24]. Lors des pillages, le logement se révèle d’autant plus important qu’il est en rapport direct avec les gains récupérés sur place. À Dinant, la ville se rend le soir du 25 août 1466. Dès la victoire acquise, certains hommes cherchent à prendre des informations sur les maisons qui contiennent le plus riche butin. Le comte de Charolais tient un conseil dans lequel on résout de faire piller la ville le 26 et 27 août et d’y mettre le feu le 28. On ne peut contenir l’impatience des hommes et l’on voit le sac commencer dès le soir du 25 août. Selon Jean de Haynin, la possibilité d’entrer à ce moment-là, ne pouvait se faire sans un certain passe-droit : plusieurs se mirte en paine d’entrer en laditte ville dès le soir, mes il n’y entra pas qui veult, car il y avoit gens ordonnes de par Monsieur de Charolois qui gardoite que nuls ni entrast [25]. Le 26 août au matin, Jacques de Montmartin, maréchal des logis de l’ost, départit les logements des gens de guerre, mais ceux qui avaient réussi à entrer la veille au soir : furte cheus quy furte les mieux parti du gaignage et qui eurte le plus, posse qu’en plusieurs lieux on les fit deslogier, savoit il desja tout pris le bon de che qui estoit portatif [26]. Des quartiers entiers sont alors attribués à une compagnie ou à un seigneur. Les hommes de guerre chassèrent les habitants de leurs maisons, en même temps qu’ils mettaient la main sur les biens qu’ils pouvaient trouver et emporter.
22Des querelles éclataient régulièrement lors de la distribution des logis, entrainant également des violences entre hommes de guerre. Certains refusaient de se soumettre à l’autorité du maréchal des logis. Une lettre de rémission évoque ce cas, lors de l’entrée d’une troupe bourguignonne, au début de l’année 1468, dans Liège. L’écuyer Gautier Doye, logié avec ses gens à l’ostel du Faulcon en ladite cité, lequel logiz lui avoit esté délivré par nostre mareschal des logiz, voit son gîte lui être contesté par le bailli de Brabant et ses hommes, qui trouve ici le moyen de faire valoir son rang d’officier, non seulement militaire mais aussi judiciaire [27]. Aucune des deux troupes ne voulant quitter l’hôtel, une rixe s’ensuivit dans laquelle l’un des hommes du bailli fut blessé mortellement.
23Ces conflits autour des logements intervenaient a fortiori lorsqu’il s’agissait de piller les habitations, si l’on en croit le récit que fit Antoine de Loyset lors de son entrée dans la cité liégeoise soumise, en 1468 :
Quant aux bonnes nouvelles, ceste cité de Liege fut prinse d’assault par monseigneur et ses gens, le roy estant present avec mondit seigneur, diemenche passé, penultiesme jour du mois d’octobre, entre dix et xj heures avant midy, et furent nos gentilz Bourgoignons les premiers entrans, qui eusrent les premiers orions, desquelx mondit seigneur est très content, pour ce qu’ilz ont l’onneur ; mais ils ont esté mal partiz du butin, car nodiz Bourgoignons, pour ce qu’ils entrèrent les premiers, furent commis d’eulx tenir ensemble sur le grant marchief, au perron, tout ledit diemenche, pour actendre et ne furent lougiéz jusque le lendemain, et entre deux, les Picars et autres des pays de par deçà butinèrent les milleurs bagues. Après ce que les Bourgoignons furent entréz et que l’on eust crié ville gaignié, mondit seigneur entra dans, avec luy tous crians vive Bourgoigne. L’on a butiné toute ladite cité, chascun en son quartier, et les Bourgoignons oultre le pont devers la riviere, qui est le moindre [28].
25L’honneur d’entrer en premier dans une « ville gagnée » ne semble pas toujours correspondre à la primeur du butin. Comme le voulait la règle, les compagnies devaient attendre, en ordre, l’attribution d’un logement par leur officier logeur grâce à l’« étiquette » [29]. Mais c’était compter sans la présence de troupes moins disciplinées qui se livraient à une mise à sac immédiate à la faveur de la confusion régnant dans la place. Pour les hommes de guerre, il fallait, en effet, aller vite pour obtenir un maximum de gain et ne pas se voir réduit à un partage du « surplus » (le reste du butin mis en commun après la part du duc et de ses officiers) qui, à Liège, fut abandonné et fut toute pillié et butiné, dont les aucuns furte tres bien parti et eurent du gagnage bien et largement et les autres ung peu et les autres riens, comme il est de coustume en tel kas [30]. Jean de Haynin avoue lui-même : mais vous savez qu’en tel cas on ne rent jamais tout [31]. On peut aisément comprendre pourquoi il était alors difficile de faire appliquer certaines règles qui se heurtaient à des traditions et mêmes à certaines frustrations et jalousies.
Dommages et rançonnements
26La promiscuité des hommes de guerre avec la population, conséquence de la réquisition des logements, facilitait les abus de toutes sortes. C’est ainsi que l’on voit les troupes obtenant un logement pour la nuit, commettre la majeure partie de leurs crimes « accoutumés ». Les habitants des villes comme des plus petites bourgades avaient pris l’habitude de voir quelques pièces de bétail, des volailles, des ustensiles de cuisine ou du linge, partir avec les hommes qu’ils avaient hébergés, quand ce n’était pas de subir des menaces ou des violences corporelles infligés par des gens de guerre décidés à leur arracher des biens plus précieux. Ces vols, considérés comme des dommages de guerre, pouvaient faire l’objet de réclamation auprès du duc ou, dans certains cas, auprès du roi de France [32].
27Là encore, l’effort législatif du prince accompagna une importante remise en ordre. L’ordonnance militaire de 1471 prévoyait en effet que, pour réprimer les vols chez l’habitant, un commissaire devait être attribué à chaque compagnie, pour prévenir les « dommages, pilleries ou rançonnements » [33]. Sur simple dénonciation, ce commissaire pouvait avertir d’un vol, le trésorier en charge du paiement des gages, qui en décomptait alors le préjudice estimé sur les gages du coupable. L’ordonnance militaire particulière accordée au comté de Hainaut en 1473 prévoyait quant à elle, entre autres, que le bailli devait être averti de la venue de gens de guerre, pour procéder à l’envoi de ce commissaire chargé d’anticiper cette venue en indiquant les logements disponibles [34]. Là encore, le duc tentait d’imposer des règles strictes pour empêcher ses hommes de se livrer à des violences, qui selon lui, avaient depuis trop longtemps durées sur ses sujets :
Et pour ce que lesdits gens de guerre ont de coutume de contraindre leurs hostes d’aller querir du vin et aultres leurs nécessitéss hors de leurs hostels, aux propres frais et despens de leursdits hôtes, sans ce qu’ils se veulent contenter de ce qu’ils trouvent en leur logis, mondit seigneur défend à tous lesdits gens de guerre, quels qu’ils soient, si chier que les doubtent, que nul ne se ingère doresnavant de plus le faire [35].
29Logement et ravitaillement sont donc liés dans le processus violent. Le prévôt des maréchaux, en charge de la police militaire, était d’ailleurs responsable de la surveillance des marchands suivant l’armée. Le fait de payer sa nourriture n’était pas toujours très bien accepté par les hommes qui pouvaient continuer de rançonner sur leur passage. En campagne, un élément intervient pour garantir une meilleure cohésion et prévenir ces dommages : le camp. Celui-ci remplissait de nombreuses fonctions que le duc Charles utilisa particulièrement et que Philippe de Clèves tient à rappeler ainsi :
Je vous conseilleroye de vous retirer en vostre camp ; et d’avantaige pour mettre vostre ordre en la ville, soit pour rabouter si vous la voulez tenir, ou pour mettre garnison, beaucoup mieulx serez en vostre camp, que d’estre logé dedans ; car tant plus de gents y entreront, et plus y demeureront, tant plus endommaigeront la ville en toutes choses [36].
31Le souci de cohésion marque définitivement les dispositions à prendre sur le terrain. Le camp formait non seulement un espace militaire distinct, séparé du reste de la population environnante, mais il compartimentait également le corps de l’armée et ses différents auxiliaires, en campagne. Mieux contrôlable, la population militaire était contrainte de se contenter de son quartier, en évitant le plus possible de parcourir les environs, ce qui pouvait être considéré comme un acte de désertion hautement répréhensible [37].
Raids et représailles
32Les entreprises guerrières de grande envergure mises en œuvre par Charles le Téméraire, n’empêchèrent pas la réalisation d’opérations moins connues dans le cadre de la « petite guerre » médiévale, telles que certains raids et expéditions de représailles. Menées conjointement avec d’autres opérations, elles visaient directement la population civile. Parfois, il ne s’agissait que d’opérations de recherche de fourrage, mais parfois il était question de bien plus. Elles ne se justifiaient pas seulement par des questions de logistique mais aussi par des fins stratégiques. De la même manière, les violences qui en découlaient n’étaient pas seulement le fruit de l’indiscipline, mais elles avaient des buts bien précis. Ces opérations étaient menées bien souvent par des troupes réduites, particulièrement mobiles, pour désorganiser l’ennemi, couper ses voies de communication et le priver de ses moyens d’approvisionnement ; elles servaient aussi à le défier et l’amener à combattre, en le forçant à se découvrir. Il s’agissait alors de privilégier la destruction d’un adversaire par le biais de ses infrastructures, sans courir le risque d’un affrontement rangé. Mais ces opérations étaient le théâtre de violences aveugles où, comme lors de la seconde campagne contre Liège, en 1467, la provocation s’accompagnait de pillages et de destructions :
Et partout ou l’avantgarde passoit par les villages, on pilloit tout quant qu’on y trouvoit et s’y boutoit on le feu, non point tout agien, mes s’y une maison, chy eune autre, pour eus avertir et donner à connoistre qu’on passoit par là et pour eux plus animer et enflanber de venir au chans, car on ne desiroit autre cosse [38].
34Ces destructions n’étaient donc pas toujours systématiques, mais répondaient, comme dans le cas de la principauté liégeoise, à la volonté de soumettre par la force une population hostile à la domination bourguignonne. L’emploi de la violence contre les populations trouve un écho particulier et sa justification dans l’escalade d’un conflit. Dans le cas de Liège, les violences extrêmes intervinrent au bout de plusieurs campagnes. En 1468, lors de la quatrième expédition contre la principauté qui, comme on le sait, s’acheva par la mise à sac de sa capitale, les violences se généralisèrent sur l’ensemble du territoire. Pour Charles, la destruction de la cité épiscopale ne suffisait plus, et il se lança dans des manœuvres de représailles qui se concentrèrent autour du Pays de Franchimont. En plein hiver, et contre l’avis de tous, le duc y mena une guerre féroce qui n’épargna pas la population : pillage, destruction des habitations, des récoltes, des moyens de production, mais également exécutions sommaires et mises à rançon, comme en témoigne Philippe de Commynes :
Son armée estoit en deux bandes pour plus tost destruyre le païs : fit brusler toutes les maisons et rompre tous les moulins à fer qui estoient au pays, qui est la plus grand façon de vivre qu’ilz ayent ; et chercherent le peuple parmy les grands forestz où ilz estoient cachez avecques leurs biens, et y en eut beaucoup de mors et de prins, et y gaignerent les gens d’armes largement [39].
36Il semble que, pour notre période, un tournant notable dans les entreprises de guerre est observable à l’hiver 1470-1471, lorsque reprit le conflit franco-bourguignon. Autour des villes de Picardie, les mandements ducaux attestent d’une détermination sans faille pour anéantir cette terre frontalière. Un document montre la nature d’une opération conduite en marge de la campagne menée par les troupes bourguignonnes en Picardie, en 1471. Il s’agit de la copie d’un mandement du duc de Bourgogne à son lieutenant général en ses bailliages d’Arras, de Bapaume, d’Aubigny et d’Avesnes [40], au comté d’Artois, et rédigé le 1er mars 1471, alors que le duc se trouvait au camp de Picquigny près d’Amiens [41]. Dans ce document, le duc ordonnait à deux de ses huissiers d’armes, Gilles Stalquin et Marc de Montfort, de recruter parmi la population carcérale de ces bailliages, des volontaires qui auraient pour tâche d’aller porter la guerre parmi la population [42].
37Qui sont ces hommes ? On recrute ici des prisonniers, des bannis, des condamnés pour aucuns petis et legiers cas, pour en faire des gens de defense, une sorte donc de milice. Il ne s’agit pas là de mercenaires, puisqu’il n’est nul question d’argent, mais d’obtenir un rappel de ban ou encore l’annulation d’une condamnation pour chacun des volontaires. Le caractère criminel de ces hommes et la liberté qui leur est accordée, permettent d’entrevoir la violence avec laquelle ils durent accomplir leur tâche. Notons que seul deux huissiers d’armes sont commis pour les encadrer.
38Quelle est leur mission ? Le mandement porte un ordre : Exploitiez la guerre par tous moyens, a la plus grant foulle et domaiges d’iceulx ennemis qui vous sera possible. Le manque de précision de cet ordre comme de la manière de l’exécuter, montrent qu’il s’agit là d’une carte blanche accordée pour des actions de terreur portée à l’intérieur des pays du roi de France. Pour ce qui est des violences sur les personnes, seules quelques limites sont cependant posées : il faut épargner les femmes, les enfants de moins de quatorze ans, les vieillards et comme le réclame la « juste guerre », exempter les prêtres, comme les lieux de culte de tous dommages. Tout homme valide de plus de quatorze ans est donc reconnu comme potentiellement dangereux, au service de l’ennemi, et peut être violenté ou exécuté. Il est probable que le but était de chasser, par la terreur, les habitants du plat-pays et d’empêcher ainsi les troupes de Louis XI de se ravitailler en vivres et en fourrage.
39L’année suivante, en 1472, la campagne qui touche à nouveau la Picardie avant la Normandie, reste un exemple frappant d’une systématisation des destructions accompagnées de violences. Le 11 juin, les Bourguignons envahissent la petite ville de Nesle après une brève résistance. La population et les francs-archers royaux tentent de se réfugier dans l’église Notre-Dame, mais y sont massacrés ; les prisonniers comme certains habitants sont exécutés ou mutilés tandis que le duc se conduit en véritable bourreau de la ville rebelle [43]. Philippe de Commynes ne cache pas son indignation devant ces « exploits de guerre » qu’il juge sans précédent, tant par les violences que par la cruauté avec lesquelles ils ont été commis :
Sur ce courroux se mist aux champs ledit duc, et print son chemin vers Nesle en Vermandoys, et commença exploict de guerre ort [ignoble] et mauvais, et dont il n’avoit jamais usé : c’estoit de faire mectre les feux partout où il arrivoit. […] Ainsi le feist, et incontinent fut la place assaillie et prinse, et la pluspart tués. Ceulx qui furent prins vifz furent penduz, sauf aucuns que les gens d’armes laisserent courre par pitié ; ung nombre assez grand eurent les deux poings couppéz. Il me desplaist à dire ceste cruaulté ; mais j’estoie sur le lieu, et en fault dire quelquechose. Il fault dire que le duc estoit passionné de faire si cruel acte ou que grand cause le mouvoit [44].
41La suite de cette campagne conduite dans le pays de Caux, après l’échec devant Beauvais, est à l’image du massacre inauguré à Nesle : Guerra di carne, sangue et fogho, écrit un ambassadeur du duc de Milan à ce sujet [45]. Commynes, qui quitta le camp bourguignon au cours de cette expédition, évoque à ce propos l’engrenage de la violence dans lequel les belligérants furent finalement pris : Pour le temps de lors on n’avoit acoustumé de mectre feu ny d’ung costé ne d’aultre ; et print ledict duc son occasion sur cela des feuz qu’il mectoit et qu’il avoit mis en ceste saison [46]. Jean de Haynin rapporte avec quel cynisme le prévôt des maréchaux faisait un rapport régulier et précis au duc des villages et villes détruits [47]. Charles avoue ainsi au duc de Bretagne, avoir « brulé tout le pays de Caux, de façon qu’il ne nuira de longtemps à vous, à nous ni à d’autres » [48]. La violence avec laquelle l’armée bourguignonne saccage le territoire normand, répond donc à un objectif stratégique fixé par le duc de Bourgogne : détruire ce territoire en profondeur et durablement.
Le cas des violences sexuelles
42Les violences sexuelles faisaient partie des violences perpétrées en campagne et particulièrement lors des sièges, soit sur la population alentour, soit dans la ville même en cas de pillage [49]. Une chanson faite à l’occasion du siège d’Amiens par les troupes bourguignonnes, en 1471, et adressée à sa population, rappelle les « inhumanités » qui accompagnaient la guerre :
Tu vois tes filles violler,tes fis mettre en captivité ;tu vois les sains lieus désoleret mettre en immondicité.Tu vois toutte inhumanitéqui te court sus par toy despent.Laron pleure quant on le pent [50].
44Les femmes prises à l’ennemi avaient une valeur marchande presque nulle dans le cadre de l’économie des rançons, à quelques exceptions près [51]. Considérées comme appartenant à l’ennemi, elles sont livrées à la soldatesque, séparées de leurs enfants, et bien souvent violées [52]. Les scènes de viols collectifs étaient courantes lors de la prise de villes, et là encore, il semblait difficile de s’opposer à la violence des gens de guerre [53]. Quand un homme ne peut payer sa rançon, il arrive qu’il préfère laisser violer sa femme ou sa fille devant lui, plutôt que de perdre la vie. Il en y eut pluseurs qui furte contens qu’on couchast avecque leur parentes bien prochaines et quelles fuste defflorées et despuchelées de leur ostes, pour eux avoir la vie sauve ou afin qu’il ne paiast point de rançon, rappelle Jean de Haynin, au sujet du sac de Dinant [54]. Ne citant pas les acteurs de ces pratiques, il livre un témoignage sur la brutalité employée.
Item, je ois recorder a ung chevallier qu’en eune nuit devant son ostel on avoit chevauchié bon gré maugré une femme en la présence de son mary, lequel crioit a haut cry et avoit voulu sair hors par les fenestres en my les reues come ung home desepéré, son ne leut ratenu de force [55].
46Pourtant, lors de ce même siège, le comte de Charolais fit exécuter trois de ses hommes, après qu’une femme se fût directement adressée à lui pour demander réparation de son viol [56]. La résistance remarquée des femmes lors des opérations de siège n’est pas sans rapport avec le sort qui les attendait [57]. On ne saurait dire à quel point le poids des habitudes et des traditions pesaient sur la conduite des gens de guerre à cette époque. Il en va particulièrement du rapport entre la troupe et les femmes. Au sein des compagnies bourguignonnes, leur présence demeurait importante : elles suivaient parfois leur mari ou leur fils à la guerre, servant d’aides pour le transport ou pour l’exécution de diverses tâches. Cette présence, synonyme de désordre, déplaisait au duc, qui intervint dans son ordonnance de 1473, afin de limiter à 30 le nombre de ces femmes que tiennent plusieurs comme leurs propres femmes et à leurs frais et despens, dont adviennent souventes fois plusieurs grands débats et inconvénients [58]. Ces femmes au statut particulier, ne sont pas à confondre avec les prostituées présentes dans le camp et dont le nombre était parfois important. En 1476, l’ordonnance élaborée par Charles le Téméraire au camp de Lausanne prévoit cette fois-ci que toutes « putains et ribaudes » doivent quitter les rangs des compagnies [59]. Ces mesures, accompagnées de plusieurs autres, montrent qu’il s’agissait aussi de moraliser la troupe et de reformer ses comportements en profondeur.
47En matière de réglementation, les sources montrent un certain flou pour réprimer les violences sexuelles commises par la troupe. En France, à la même époque, les ordonnances concernant l’armée permanente ou bien encore les francs-archers, punissent les exactions en général mais n’évoquent pas la question spécifique du viol [60]. En Bourgogne, la condamnation du viol apparaît clairement dans la réglementation en 1468. Elle montre cependant que la condition des femmes violées semblait importer au regard de la justice militaire. L’ordonnance de 1468 précise qu’il est interdit de violer les femmes quelles qu’elles soient, c’est-à-dire sans distinction de statut social : femme noble, religieuse ou encore mariée. Les ordonnances du duc Charles de 1471, 1472 et 1473, n’évoquent pas le viol directement, mais laissent au prévôt des maréchaux, ou le cas échéant à la justice locale, le soin de punir les différentes exactions. L’ordonnance militaire de 1476, fait réapparaître le cas de viol, qu’elle réaffirme soumis à la peine de mort [61]. Philippe de Clèves continua de rappeler les différentes conditions féminines pour justifier la pendaison des violeurs : Aussi que sur ceste peine, nul ne viole, ne touche, ne face force à femmes de religion, et que nul aussi ne violle pucelles, ne femmes mariées, ne autres contre leur voluntez, et debvez tenir la chose bien estroicte, et punir bien et à rigueur ceulx qui font du contraire. Observons qu’ici aussi, les circonstances et les lieux importent pour juger du crime. Il faut réprimer également en territoire ennemi. Car en dehors des pillages, les moments où les hommes se retrouvent en mouvement, s’avèrent propices à la délinquance sexuelle. Déracinés et entraînés par leurs camarades, les hommes font souvent l’expérience des femmes à la guerre et de manière parfois violente. Mais sauf cas de flagrant délit, il semblait bien difficile pour certaines femmes de faire valoir leur droit en cas de violences avérées, un fait renforcé en temps de guerre. Les rares cas de violences sexuelles relevées dans les lettres de rémission procurées sous Charles le Téméraire, n’incriminent pas directement des hommes de guerre [62].
Conclusion
48En conclusion, il convient de mettre en garde contre les impressions que pourrait laisser une telle étude : le pillage et les violences pratiquées par les armées de Charles le Téméraire correspondaient à tous autres exploits de guerre que mortels ennemis peuvent faire en pays de conqueste [63]. Cet exemple, fort bien documenté, nous invite à pousser un peu plus loin l’analyse de la conduite de la guerre à la fin du Moyen Âge. Si certains moments s’avèrent propices à l’établissement de relations cordiales entre hommes de guerre et populations, en campagne, certains objectifs impliquent le recours aux violences : le gain financier du pillage, la soumission d’une population révoltée, l’affaiblissement stratégique d’un territoire appartenant à l’ennemi. Les cas de pillage nous montrent clairement qu’il semble difficile d’imposer des règles, devenues pourtant plus strictes, d’encadrer les hommes, dès lors qu’une autorisation est délivrée et que la justice a du mal à se faire entendre. Les règles énoncées dans les ordonnances militaires, mettent en lumière la nécessité primordiale de maintenir avant tout la cohésion de l’armée, surtout lorsque celle-ci se trouve en mouvement. La répression cohabite avec une certaine moralisation des hommes. Les violences qui apparaissent sont alors directement liées, dans diverses mesures et de façon indissoluble, aux problèmes du logement comme du ravitaillement de l’armée que la logistique a bien du mal à résoudre. On peut être frappé de voir qu’elles surgissent même entre combattants, et il apparaît difficile d’enrailler les mécanismes violents qui proviennent des coutumes guerrières. Car pillages et violences en campagne n’appartiennent pas à un groupe précis mais se retrouvent à tous les échelons de la société militaire, noble y compris. Enfin, on ne peut s’empêcher de trouver, dans le caractère de Charles le Téméraire, un terrain propice à l’analyse de ses « exploits de guerre », où s’affirment ses propres ambitions et la multiplication des moyens pour y parvenir.
Notes
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[*]
Franck Viltart, 254, rue du château, 02480 Cugny.
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[1]
Voir par exemple : J. Devaux, « Rhétorique et pacifisme chez Jean Molinet », dans Grands rhétoriqueurs. Actes du colloque organisé à l’Université de Paris-Sorbonne – mars 1996, Paris, 1997, p. 99-116 et Id., « Images des guerres de Flandre chez Eustache Deschamps et Jean Froissart », dans Autour d’Eustache Deschamps. Actes du colloque du Centre d’études médiévales de l’Université de Picardie – Amiens, novembre 1998, D. Buschinger éd., Amiens, 1999, p. 57-71.
-
[2]
Cité dans P. Champion, Histoire poétique du xve siècle, 2 vol., Paris, 1923, II, p. 337.
-
[3]
Selon Philippe Contamine : « Louis XI comme Charles le Téméraire ordonnèrent à leurs troupes des dévastations systématiques et firent exécuter sans pitié ceux qui leur résistaient », cf. Ph. Contamine, La guerre au Moyen Âge, Paris, 1992 (3e éd.), p. 461.
-
[4]
Ph. Contamine, « Rançons et butins dans la Normandie anglaise (1424-1444) », dans La guerre et la paix, frontières et violences au Moyen Âge, Paris, 1978, p. 241-270 ; Id. « C’est un très périlleux héritage que guerre », Vingtième Siècle, revue d’histoire, vol. 3, n° 3, p. 5-16 ; B. Schnerb, « Un thème de recherche, l’exercice de la justice dans les armées des ducs de Bourgogne », Publications du centre européen d’études bourguignonnes, vol. 30 (1990), p. 99-115.
-
[5]
Voir notamment, A. Tuetey, Les Écorcheurs sous Charles VII. Événements militaires en Franche-Comté et dans le pays de Montbéliard, 2 vol., Montbéliard, 1873-1874 ; J.-M. Cauchies, « Les écorcheurs en Hainaut, 1437-1445 », Revue belge d’histoire militaire, vol. 20 (1974), p. 317-339.
-
[6]
J. Molinet, Chroniques, J. Doutrepont, O. Jodogne éd., 3 vol. Bruxelles, 1935-1937, I, p. 212.
-
[7]
Nous attendons sur ce sujet les résultats des travaux de Michael Jucker (Lucerne) qui travaille sur le pillage, sa symbolique et ses conséquences économiques à la fin du Moyen Âge.
-
[8]
M.H. Keen, The Laws of War in the Late Middle Ages, Londres et Toronto, 1965 ; Ph. Contamine, « Rançons et butins dans la Normandie Anglaise (1424-1444) », op. cit. (n. 4), p. 241-270.
-
[9]
Ph. Contamine, « Lever l’impôt en temps de guerre : rançons, appatis, souffrances de guerre dans la France des xive et xve siècles », dans L’impôt au Moyen Âge. L’impôt public et le prélèvement seigneurial fin xiie-début xvie siècle, 1, Le droit d’imposer (actes du colloque tenu à Bercy – juin 2000), Ph. Contamine, J. Kerhervé, A. Rigaudière éd., Paris, 2002, p. 11-39.
-
[10]
E. de Monstrelet, Chronique, L. Douët-d’Arcq éd., 6 vol., Paris, 1857-1862, V, p. 25.
-
[11]
J. de Haynin, Mémoires, D.D. Brouwers éd., 2 vol. Liège, 1905-1908, I, p. 243.
-
[12]
Ph. de Clèves, Instructions de toutes manières de guerroyer tant par terre que par mer, et des choses y servantes, Paris, 1558, p. 66-67. Voir aussi : B. Schnerb, « Pour le bien et profit de notre ost. La réglementation et le pouvoir réglementaire dans les armées des ducs de Bourgogne-Valois », dans Le pouvoir réglementaire : dimension doctrinale, pratiques et sources, xve-xviiie siècles (actes du colloque de Mulhouse – octobre 2002), A.J. Lemaître et O. Kammerer éd., Rennes, 2004, p. 97-105.
-
[13]
Cf. A. d’Oudenbosch, Chronique, C. de Borman éd., Liège, 1902, p. 271.
-
[14]
J. de Haynin, Mémoires, op. cit. n. 11, I, p. 176.
-
[15]
Lettre d’Antoine de Loisey, datée du 3 novembre 1468, publiée dans : E. Fairon, Regestes de la cité de Liège, t. III, Liège, 1938, n° 1059, p. 29-31.
-
[16]
J. Schoonbroodt, Inventaire analytique et chronologique des chartes de Saint-Martin de Liège, Liège, 1871, chartes n° 563, p. 169.
-
[17]
J. de Haynin, Mémoires, op. cit. n. 11, II, p. 81.
-
[18]
Ordonnance militaire réglant la conduite de l’armée du maréchal de Bourgogne, 1468, publiée dans [G. Aubrée], Mémoires pour servir à l’histoire de France et de Bourgogne, 2 tomes en 1 vol., Paris, 1729, p. 283-285.
-
[19]
Lettre d’Antoine de Loisey, op. cit. n. 15, p. 29-31.
-
[20]
J. de Haynin, Mémoires, op. cit. n. 11, I, p. 233-234. Looz [Borgloon], Belgique, prov. Limbourg.
-
[21]
Ordonnance militaire d’Abbeville, 1471. Pour les textes des ordonnances militaires (attendant toujours leur édition critique), nous nous référerons à J. de La Chauvelays, « Mémoire sur la composition des armées de Charles le Téméraire dans les deux Bourgognes d’après les documents originaux », Mémoires de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, 3e série, V, 1878-1879, p. 139-361 ; Id., « Les armées des trois premiers ducs de Bourgogne de la Maison de Valois », Mémoires de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, 3e série, VI (1880), p. 308-333.
-
[22]
Un document fourni lors d’une séance de ce séminaire par Bertrand Schnerb mentionne le célèbre chevalier Jacques de Lalaing parmi les auteurs de pillages dans le bailliage de Tournai, vers 1452 : énumération des dommages causés par les gens de guerre du duc de Bourgogne aux habitants d’Outrijve/Hauterive, de Spiere/Espierres, d’Évregnies, de Saint-Léger, d’Esquelmes, de Froyennes et de Rumergies, dans le bailliage de Tournai.
-
[23]
S. Bormans, « Liste d’objets enlevés de Liège en 1468 par les soldats de Charles le Téméraire », Bulletin de l’institut historique liégeois, t. 8 (1866), p. 181-207 ; on trouve notamment, parmi les possesseurs d’objets pillés, le sénéchal de Saint-Pol, le bailli de Hainaut, Philippe de Chaumergis, écuyer tranchant du duc, Antoine de Lalaing, le bâtard de Saveuse, ainsi que plusieurs autres personnages. Il est intéressant de voir que les officiers en charge du logement se trouvaient au premier plan, comme ces deux hommes de la compagnie du fourrier du seigneur de Crèvecœur, ou encore les gens du fourrier de monseigneur de Contay, chez qui on retrouve plusieurs objets dérobés à Liège. Voir aussi W. Paravicini, Guy de Brimeu. Der burgundische Staat und seine adlige Führungsschicht unter Karl dem Kühnen, Bonn, 1975, p. 197-206.
-
[24]
D’après la réponse apportée par le duc aux griefs exposés lors du chapitre de l’ordre de la Toison d’or le 8 mai 1473. S. Dünnebeil, Die Protokollbücher des Ordens vom Goldenen Vlies, t. 3, Das Ordenfest 1473 in Valenciennes unter Herzog Karl dem Kühnen, Ostfildern, 2009, p. 98.
-
[25]
J. de Haynin, Mémoires, op. cit. n. 11, I, p. 171.
-
[26]
Ibid., p. 172.
-
[27]
Lille, AD Nord, B 1693, fol. 23v°-24r°.
-
[28]
Lettre d’Antoine de Loisey, dans : E. Fairon, Regestes, op. cit. n. 15, p. 29-31.
-
[29]
L’étiquette était un billet, ou pièce de papier, sur lequel était inscrit le nom des hommes devant loger à un endroit désigné par un officier tel que le maréchal des logis, le maréchal de l’ost ou de Bourgogne, voir Ch. Brusten, L’armée bourguignonne de 1465 à 1468, Bruxelles, 1953, p. xii.
-
[30]
J. de Haynin, Mémoires, op. cit. n. 11, II, p. 81.
-
[31]
Ibid., I. p. 108.
-
[32]
Cf. le document cité lors de ce séminaire incriminant Jacques de Lalaing (supra n. 22).
-
[33]
Ordonnance militaire d’Abbeville, 1471.
-
[34]
Ordonnance militaire pour le comté de Hainaut, 1473, publiée par B. Schnerb, « Une ordonnance militaire inédite de Charles le Téméraire (26 mars 1473) », Revue belge d’histoire militaire, XXIX, 1991, p. 1-13.
-
[35]
Ordonnance militaire de Saint-Maximin de Trèves, 1473, cf. H. Guillaume, Histoire de l’organisation militaire sous les ducs de Bourgogne, Bruxelles, 1847, p. 191-202 (cf. p. 196).
-
[36]
Ph. de Clèves, Instructions, op. cit. n. 12, p. 68.
-
[37]
J.-M. Cauchies, « La désertion dans les armées bourguignonnes de 1465 à 1476 », Revue belge d’histoire militaire, XXII/2 (1977), p. 138-141.
-
[38]
J. de Haynin, Mémoires, op. cit. n. 11, I, p. 233.
-
[39]
Ph. de Commynes, Mémoires, J. Calmette et G. Durville éd., 3 vol., Paris, 1924-1925, I, p. 167-168.
-
[40]
Aujourd’hui Aubigny-en-Artois et Avesnes-le-Comte, dép. du Pas-de-Calais.
-
[41]
AD Nord, B 2080, n° 65590.
-
[42]
Gilles Stalquin ou Stielquin, est mentionné comme archer de corps de Philippe le Bon, en 1449, cf. Prosopographia Curiae Burgundicae http://fm7.chmann.ch, n° identification 4917. Marc de Montfort est équipé avec d’autres huissiers d’armes, pour suivre le duc à la guerre, en 1468, cf. Comptes de l’argentier de Charles le Téméraire duc de Bourgogne, publiés par A. Greve et E. Lebailly sous la dir. de W. Paravicini, vol.1, année 1468, Paris, 2001, nos 1420 et 1503.
-
[43]
Henri Dubois mentionne, dans sa biographie, de Charles le Téméraire, ce « massacre en règle, […] qui n’était pas dans les mœurs militaires du temps », cf. H. Dubois, Charles le Téméraire, Paris, 2004, p. 275.
-
[44]
Ph. de Commynes, Mémoires, op. cit. n. 40, I, p. 227-228.
-
[45]
Carteggi diplomatici fra Milano sforzesca e la Borgogna, E. Sestan éd., 2 vol., Rome, 1985-1987, I, p. 284.
-
[46]
Ph. de Commynes, Mémoires, op. cit. n. 40, I, p. 244.
-
[47]
Le mémorialiste mentionne 2 072 localités, que villes que villages, brûlées. B. Schnerb, « Un thème de recherche », op. cit. n. 4, p. 111. Jean de Wavrin cite Olivier de La Marche comme celui qui incendia la ville de Gamaches, cf. J. de Wavrin, Anchiennes cronicques d’Engleterre, E. Dupont éd., 3 vol. Paris, 1858-1863, vol. III, p. 294 ; Olivier de La Marche, pour sa part, est très discret sur les destructions commises par les troupes bourguignonnes durant la campagne de 1472. O. de La Marche, Mémoires, H. Beaune, J. d’Arbaumont éd., 4 vol., Paris, 1883-1885, vol. III, p. 76-79.
-
[48]
Cité par H. Dubois, Charles le Téméraire, op. cit. (n. 39), p. 280.
-
[49]
Voir S. Gaudillat-Cautela, « Viols et guerres au xvie siècle : un état des lieux », dans les actes du colloque Les femmes et la guerre de l’Antiquité à 1918, Amiens (sous presse).
-
[50]
Une ballade fette pour Amiens (1471), chanson bourguignonne publiée dans J. de Haynin, Mémoires, op. cit. n. 11, II, appendice n° 4.
-
[51]
Voir Y. Friedman, « Captivity and Ransom : The Experience of Women », dans Medieval Warfare 1000-1300, J. France éd., Aldershot, 2006, p. 613-631.
-
[52]
Une liste détaillée des violences commises contre les populations du Sundgau par les troupes bourguignonnes en août 1474 a été dressée grâce à des lettres de doléances adressées à l’empereur Frédéric III et à la Diète de Spire. À noter qu’on y trouve mention de violences sexuelles perpétrées non seulement contre des femmes et des filles, mais aussi contre des garçons. La question est toutefois de savoir si de telles accusations n’entraient pas dans le cadre d’une propagande anti-bourguignonne particulièrement virulente à l’orée des guerres de Bourgogne. Voir textes publiés ou analysés dans E. Toutey, Charles le Téméraire et la Ligue de Constance, Paris, 1902, p. 441-449.
-
[53]
E. de Monstrelet, Chronique, op. cit. n. 10, III, p. 9 : il décrit les scènes de viols collectifs lors de la prise de Soissons, en 1414, par les troupes royales : En oultre il n’est point chrestien qui n’eust pitié de veoir l’orrible et très misérable désolacion qui fu faicte en icelle ville, en violacion de femmes mariées, présens leurs maris, jeunes pucelles, présens pères et mères, nonnes sacrées, gentilz femmes et autres de tous estas dont il y avoit grant quantité en ladicte ville, lesquelles ou la plus grant partie furent violentement opprimées contre leur voulenté, prinses, ravies et violées de plusieurs et divers, nobles et autres, lesquelz sans en avoir pitié, après qu’ilz en avoient fait leur voulenté, les livroient à leurs serviteurs.
-
[54]
J. de Haynin, Mémoires, op. cit. n. 11, I, p. 184.
-
[55]
Ibid., p. 182.
-
[56]
Ibid., p. 180-181.
-
[57]
Le célèbre exemple de Jeanne Hachette à Beauvais, en 1472, peut être mis en relation avec celui des femmes de Liège, en 1468, où : disoit on lors que les femmes résistèrent plus vaillamment que les hommes, d’après J. de Wavrin, op. cit. (n. 44), t. II, p. 389.
-
[58]
Ordonnance militaire de Saint-Maximin de Trèves, 1473, cf. H. Guillaume, Histoire de l’organisation militaire sous les ducs de Bourgogne, Bruxelles, 1847, p. 191-202 (cf. p. 201).
-
[59]
Ordonnance militaire de Lausanne, 1476, voir J. de La Chauvelays, op. cit. n. 18, « Les armées des trois premiers ducs », p. 325 ; B. Schnerb, « Un thème de recherche », op. cit. n. 4, p. 107.
-
[60]
D’après les textes réunis par V. Bessey, Les textes fondateurs de l’armée française. De la France des premiers Valois à la fin du règne de François Ier, vol. I, Turnhout, 2006.
-
[61]
Cf. B. Schnerb, « Un thème de recherche », op. cit. n. 4, p. 105-106.
-
[62]
Registres des chartes de l’audience, Lille, AD Nord, B 1688 à B 1698 (années 1466 à 1476).
-
[63]
Extrait des instructions de Jean Jouffroy au seigneur de Humières et autres ambassadeurs de Philippe le Bon devant Charles VII, le 24 décembre 1441, publiées dans : M. D’Escouchy, Chronique, G. du Fresne de Beaucourt éd., 3 vol., Paris, 1863-1864, III, p. 29-34.