Notes
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[*]
Cet article est le développement d’une communication présentée lors du colloque Les « Trente Glorieuses » (ca 1600-ca 1630) dans les Pays-Bas méridionaux et la France septentrionale, qui s’est tenu à l’Université de Lille 3 les 22 et 23 mars 2007.
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[1]
François Zanatta, docteur en droit de l’Université de Lille II, 90, rue Franklin-Roosevelt, 59200 Tourcoing. Email : francoiszanatta@hotmail.com.
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[2]
J. Houdoy, Joyeuse Entrée d’Albert et d’Isabelle. Lille au xvie siècle d’après des documents inédits, Lille, 1873 [reprint Steenvoorde, 1992], p. 43 (édition de l’Entrée solennelle de leurs altesses sérénissimes Albert et Isabel Clara Eugenia, princes et souverains de ces Pays-Bas, faite dans le ville de Lille le cinq de février 1600, Bibliothèque municipale de Lille (BML) ms. 678, Rig. 636, p. 1-129).
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[3]
À l’instar des rois de France : voir B. Guénée, F. Lehoux (éd.), Les entrées royales françaises de 1328 à 1515, Paris, 1968.
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[4]
A. Scufflaire, « Les serments d’inauguration des comtes de Hainaut (1272-1427) », Anciens pays et assemblées d’états, t. I, p. 87 et sqq.
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[5]
Archives municipales de Lille (AML) pièce aux titres 6/69 (anc. AA 6, pièce 69). Cf. Livre Roisin, éd. É. Brun-Lavainne, Paris-Lille, 1842, p. 340. Sur le serment du comte de Flandre Guy de Dampierre, v. R. Monier, Les relations entre les officiers du comte de Flandre et les bourgeois de Lille à la fin du xiiie siècle. Le serment prêté par le comte à la ville lors de son avènement, 7 p. (extrait du Bulletin de la commission historique du Nord, 1938, t. XXXV).
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[6]
Sur l’entrée de 1356, v. B.H.D. Hermesdorf, « De vrijhaidsgedachte in de Blijde Inkomst van 1356 », Anciens pays et assemblées d’états, t. XIX, 1960, p. 15-32, et, de façon plus générale, sur l’histoire des entrées brabançonnes : E. Poullet, Histoire de la Joyeuse Entrée de Brabant et de ses origines, Bruxelles, 1863.
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[7]
Retenons particulièrement : B. Guénée, C. Desplat (éd.), Les entrées : gloire et déclin d’un cérémonial, Biarritz, 1997 ; J. Jacquot (éd.), Les fêtes de la Renaissance, t. I, Paris, 1956 ; idem, Les fêtes de la Renaissance, t. II, Paris, 1960 ; J. Jacquot, E. Konigson (éd.), Les fêtes de la Renaissance, t. III, Paris, 1975 ; Théâtre et spectacles hier et aujourd’hui. Moyen Âge et Renaissance. Actes du 115e congrès national des sociétés savantes, Paris, 1991.
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[8]
Signalons également les travaux, Outre-Atlantique, du « Groupe de recherche sur les entrées solennelles » (GRES), installé à Montréal, qui s’intéresse depuis plusieurs années aux entrées royales françaises (voir, entre autres, les travaux de Marie-France Wagner et de Daniel Vaillancourt).
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[9]
Sur les entrées dans les anciens Pays-Bas, voir ainsi P. Bréemersch, « L’entrée des archiducs Albert et Isabelle à Arras le 13 février 1600 », Liber amicorum. Études historiques offertes à Pierre Bougard, Arras, 1987, p. 181-184 ; J.-M. Cauchies, « La signification politique des entrées princières dans les Pays Bas : Maximilien d’Autriche et Philippe le Beau », Fêtes et cérémonies aux xive-xvie siècles (Publications du centre européen d’études bourguignonnes, n° 34), 1994, p. 19-35 ; idem, « La constitution, le serment et le prince dans le Hainaut ancien », Liber amicorum John Gilissen. Code et constitution. Mélanges historiques, Anvers, 1983, p. 60 et sqq. ; H. Coninckx, « La joyeuse entrée des seigneurs de Malines », Bulletin du cercle archéologique, littéraire et artistique de Malines, t. VI, 1895, p. 165-308 ; A. Corbet, « L’entrée du prince Philippe à Anvers en 1549 », Fêtes et cérémonies au temps de Charles Quint, Paris, 1960, p. 307-310 ; G. de Hauteclocque, « Arras et l’Artois sous le gouvernement des Archiducs Albert et Isabelle (1598-1633) », Mémoires de l’Académie d’Arras, 2e série, t. VI, 1873, p. 19-69 ; C. Hirschauer, « Les états d’Artois et la joyeuse entrée de Philippe, prince d’Espagne à Saint-Omer et à Arras », Bulletin de la société des antiquaires de la Morinie, t. XII, 1907-1911, p. 422-436 ; M. Lageirse, « La joyeuse entrée du prince Philippe à Gand en 1549 », Fêtes et cérémonies au temps de Charles Quint, Paris, 1960, p. 297-306 ; idem, « La joyeuse entrée du prince héritier Philippe à Gand en 1549 », Anciens pays et assemblées d’états, t. XVIII, p. 31-53 ; N. Mosselmans, « Les villes face au prince : l’importance réelle de la cérémonie d’entrée solennelle sous le Règne de Philippe le Bon », Villes et campagnes au Moyen Âge. Mélanges offerts à Georges Despy, Liège, 1991, p. 533-548 ; J. de Pas, « Entrées et réceptions de souverains et gouverneurs d’Artois, XVe, xvie et xviie siècles », Bulletin historique de la société des antiquaires de la Morinie, fasc. 225, t. XII, 1908, p. 265-288 ; M. Populer, « Les entrées inaugurales des princes dans les villes. Usages et significations. L’exemple des trois comtés de Hainaut, Hollande et Zélande entre 1417 et 1433 », Revue du Nord, t. 76, n° 304, 1994, p. 25-52 ; M. Soenen, « Fêtes et cérémonies publiques à Bruxelles aux temps modernes », Bijdragen tot de Geschiedenis. La ville en Brabant, 68e année, 1985, p. 47-100 ; D.P. Snoep, Praal en Propaganda. Triumfulia in de Noordelijke Nederlanden in de 16de en 17de eeuw, Alphen, 1975 ; G. Van Dievoet, « L’empereur Joseph II et la Joyeuse Entrée de Brabant. Les dernières années de la Constitution brabançonne », Anciens pays et assemblées d’états, t. XVI, p. 87-140 ; L. Van Puyvelde, « Les joyeuses entrées et la peinture flamande », Fêtes et cérémonies au temps de Charles Quint, Paris, 1960, p. 287-296 ; A.Wauters, « Les serments prêtés aux villes principales du Brabant par les ducs lors de leur inauguration », Bulletin de la commission royale d’histoire, 4e série, t. XIV, 1887, p. 82 et sqq.
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[10]
É. Lecuppre-Desjardin, La ville des cérémonies. Essai sur la communication politique dans les anciens Pays-Bas bourguignons, Turnhout, 2004.
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[11]
R. Dupuys, La triomphante et solennelle entrée de Charles-Quint en sa ville de Bruges le 18 avril 1515, Bruges, 1850 ; J. Houdoy, Joyeuse Entrée d’Albert et d’Isabelle, op. cit., 1873 ; A. Lacroix, Relation en prose et en vers de la joyeuse entrée à Mons en 1470 de Marguerite d’York d’Angleterre et de Marie de Bourgogne, Mons, 1842 ; T. Louïse, xviie siècle. La joyeuse entrée d’Albert et d’Isabelle à Valenciennes (20 février 1600), Valenciennes, 1877 ; É. Varenbergh, Procès-verbal de la Joyeuse entrée à Gand et à Saint-Pierre des archiducs Albert et Isabelle le 28 janvier 1600, Gand, 1875 (extrait du Messager des sciences historiques de Belgique).
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[12]
Deux peintures de Pierre-Paul Rubens pour une joyeuse entrée du gouverneur général des Pays-Bas, le cardinal-infant don Ferdinand, sont conservées au musée des Beaux-Arts de Lille (La providence et L’abondance, nos 313 et 314 du catalogue de 1869) ; elles ont été reproduites (v. Pompa introitus Ferdinandi Austiraci, Anvers, p. 108).
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[13]
Sur le serment réciproque, se reporter à R. Monier, « Les relations entre les officiers du comte de Flandre et les bourgeois de Lille à la fin du xiiie s. », art. cit. ; A. Scufflaire, « Les serments d’inauguration des comtes de Hainaut (1272-1427) », art. cit., et surtout J.-M. Cauchies, « La constitution, le serment et le prince dans le Hainaut ancien », art. cit. et E. Poullet, Histoire de la joyeuse entrée de Brabant et de ses origines, op. cit.
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[14]
Pour un exemple à Lille en 1549, cf. AML 277, fol. 22 et sqq.
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[15]
Déchéance prononcée par les états généraux le 26 juillet 1581 (H. Pirenne, Histoire de Belgique, Bruxelles, 1919, t. IV, p. 176).
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[16]
F. Duquenne, L’entreprise du duc d’Anjou aux Pays-Bas, Lille, 1998.
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[17]
Pour un exemple à Gand, v. L’entrée magnifique de Monseigneur François, filz de France, frère unique du roy, par la grâce de Dieu duc de Lothier, de Brabant, d’Anjou, d’Alençon, &. Comte de Flandres, &. Faicte en sa métropolitaine et fameuse ville de Gand, le XX d’aoust anno 1582, Gand, 1582.
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[18]
Rappelons également que lorsque Philippe II prête le serment réciproque en 1555, une fois investi de l’héritage bourguigon, c’est à Bruxelles, en une assemblée unique, qu’il réduit la procédure d’échange des serments devant les délégués des villes et des provinces (à titre d’exemple, sur la députation lilloise à Bruxelles, cf. AML 277, fol. 68 et sqq.).
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[19]
La division n’existe pas seulement entre les provinces protestantes et catholiques. Au sein de ces dernières, les ruptures de fidélité ont aussi eu lieu. Rappelons entre autres que le duc d’Anjou, choisi pour remplacer Philippe II, avait fait son entrée à Gand et à Anvers, foyers de contestation, mais également à Cambrai : la tournée des Archiducs efface les anciennes infidélités.
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[20]
Sur le rôle clef de ce juriste municipal dans les anciens Pays-Bas, cf. F. Zanatta, Un juriste au service de la ville : le conseiller pensionnaire dans le Nord de la France (xive-xviiie siècle), thèse droit, Université de Lille II, 2 t., 687 p. et 179 p.
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[21]
J. Houdoy, op. cit., p. 94.
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[22]
Ibidem.
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[23]
Remarquons la formulation des serments. Le serment du prince est à la seconde personne du pluriel : le texte est lu par un tiers à l’adresse du souverain, qui promet. Il y a un dialogue. Le serment des bourgeois, quant à lui, est à la première personne du pluriel. Il est lu par le même lecteur, sans le recours à un échange de paroles ; néanmoins il semble y avoir une approbation de la population, ne serait-ce que par l’acclamation.
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[24]
A. Hatzfeld, A. Darmesteter, A. Thomas, Dictionnaire général de la langue française, v° Fiancer : du verbe fier, s’engager. Remarquons que tout le vocabulaire de la confiance, de la « fiance » et de la fidélité dérive de la notion romaine de fides ; or cette dernière est le fondement religieux de toute la structure publique du monde romain (voir G. Freyerburger, Fides, étude sémantique et religieuse depuis les origines jusqu’à l’époque augustéenne, Paris, 1986 ; J. Imbert, « De la sociologie au droit : la fides romaine », Droits de l’Antiquité et sociologie juridique. Mélanges Henri Lévy-Bruhl, Paris, 1959, p. 407-415 ; É. Magnou-Nortier, Foi et fidélité. Recherches sur l’évolution des liens personnels chez les Francs du viie au ixe siècle, Toulouse, 1976).
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[25]
É. Lecuppre-Desjardin, La ville des cérémonies, op. cit., p. 142 : en étudiant les entrées des ducs de Bourgogne, l’auteur écrit que « la mention de devoirs à accomplir par le prince place ce texte [le serment] dans le cadre d’un contrat synallagmatique qui mentionne avec soin les obligations réciproques entre gouvernants et gouvernés ».
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[26]
Ibidem : « Cette définition du serment inaugural mérite quelque attention, tant elle nous entraîne vers des références davantage vasssaliques que souveraines ». Voir aussi J.-M. Cauchies, « La signification politique des entrées princières dans les Pays Bas », art. cit., p. 23 : pour l’auteur la réciprocité des obligations est inspirée du modèle féodal.
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[27]
A. Ernout, A. Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine, Paris, 1967, v° Spondeo, p. 643-644.
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[28]
R. Monier, Manuel élémentaire de droit romain, 1940, t. II, p. 25.
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[29]
A. Magdelain, Les origines de la sponsio, Paris, 1943.
-
[30]
J.-P. Lévy, A. Castaldo, Histoire du droit civil, Paris, 2002, p. 106, 661-666, 1047-1047.
-
[31]
A. Magdelain, « L’acte juridique au cours de l’ancien droit romain », Ius, imperium, auctoritas. Études de droit romain, Rome, 1990, p. 714-723.
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[32]
Pour les entrées faites en 1600, il s’agit, à Valenciennes, du conseiller pensionnaire (T. Louïse, La joyeuse entrée d’Albert et d’Isabelle à Valenciennes, op. cit., p. 35), du rewart à Lille (J. Houdoy, Joyeuse Entrée d’Albert et d’Isabelle, op. cit., p. 94) et d’un pensionnaire à Gand (É. Varenbergh, Joyeuse entrée à Gand et à Saint-Pierre des archiducs, op. cit., p. 7).
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[33]
Pour le serment des archiducs prononcé à Lille, cf. J. Houdoy, Joyeuse Entrée d’Albert et d’Isabelle, op. cit., p. 43 (reproduit en introduction), pour celui prononcé à Douai, cf. Archives municipales de Douai (AMD) BB 52, fol. 76 v° (« Nous, Albert et Isabel, Clara, Eugenia, infante d’Espaigne, par la grâce de Dieu archiducs d’Austrice, ducqs de Bourgogne, de Lothier, etc. Assavoir nous archiduc comme mary et mambour de ladite sérénissime infante, et nous infante comme dame et princesse propriétaire de sesdits pays, promettons et jurons sur les saints Évangiles de garder et tenyr les privileges, franchises, usages et coustumes bonnes et louables de la ville de Douay, ainsy que nos prédécesseurs comtes et comtesse de Flandre ont faict en tamps passé, ainsy nous aide Dieu et tous ses saincts »), pour celui prononcé à Valenciennes, cf. T. Louïse, La joyeuse entrée d’Albert et d’Isabelle à Valenciennes, op. cit., p. 35 (« Nous, Albert et Isabelle Clara Eugénie infante d’Espagne, par la grâce de Dieu archiducs d’Autriche, ducs de Bourgogne, de Lorraine, de Brabant, du Limbourg, etc. Comme mari et chargé des intérêts de la sérénissime infante, et nous infante comme propriétaire de droit de toutes ces provinces, voulant accomplir et mener à bonne fin ce qui a été promis et juré par nous le 21 août 1598 à tous les états de la Belgique réunis à Bruxelles dans la grande salle de notre palais, nous promettons et nous jurons sur le saint Évangile que nous protègerons fidèlement cette ville de Valenciennes la nôtre, et en même temps les citoyens des deux sexes et les habitants, ainsi que leurs biens tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, et que nous les dirigerons, nous les gouvernerons d’après les lois et les droits qui leurs sont particuliers. Nous proclamons aussi que nous conserverons, protègerons et respecterons les libertés et privilèges de cette ville, ses lois, ses droits et ses coutumes, de la même manière que nos prédécesseurs, comtes et comtesses du Hainaut, seigneurs et seigneuresses de Valenciennes, les ont respectés, et de la même manière que cette ville, ses citoyens et ses habitants ont coutume d’en user et d’en jouir de toute antiquité »).
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[34]
Ainsi la ville de Saint-Omer envoie ses députés à Arras, cf. Archives municipales de Saint-Omer (AMSO) BB 251, pièce n° 21 : « Albert et Isabel Clara Eugenia infante d’espaigne par la grâce de Dieu archiducqz d’Austrice […]. Savoir faisons et recognoissons à tous présens et advenir. Que comme sur la réquisition par nous faite à ceulx du Magistrat de notre ville de Saint-Omer par noz lettres escriptes de notre ville de Bruxelles le douziesme de janvier dernier de cest an six cens, afin que pour les raisons y contenues, ilz voulussent excuser notre aller […] et envoyer leurs députéz en nombre compétent en notre ville d’Arras avecq procure souffisante pour recepvoir le serment à part que leur ferions, et nous faire serment réciproque ainsi que à la réception et inauguration des princes l’on est accoustumé de faire. Et ce sans préjudice des privilèges ou coustumes qu’ilz peuvent avoir au contraire, suyvant lesquelz nous debvrions aller audit Saint-Omer en personne. Les mayeur et eschevins de ladite ville et cité de Saint-Omer s’accommodans à ceste notre réquisition et demande, ayent par advis du Magistrat de l’an passé, juréz au Conseil de ladite ville et cité et des dix eschevins pour la communaulté, au nom de tout le corps et communaulté d’icelle, envoyé audit Arras certains leurs députéz souffisamment authoriséz à l’effect et à la condition susdite, lesquelz estans comparuz pardevant nous le quinziesme de febvrier mil six cens au lieu abbatial de Saint-Vaast, audit Arras, en l’antichambre du quartier, où nous, infante, estions logéz, nous leur avons fait le serment en latin ».
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[35]
Tout serment, en raison de son caractère public, doit remplir des conditions de visibilité et de lisibilité. Sur ce fondement juridique de l’ancien droit, v. J.-L. Lefebvre, Prud’hommes, serment curial et record de cour. La gestion locale des actes publics de Liège à l’Artois au bas Moyen Âge, Paris, 2006, p. 297-334.
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[36]
Cf. AMSO BB 251: la ville de Saint-Omer garde précieusement les lettres des souverains où ils confirment avoir prêté le serment réciproque (ces actes datent du xiiie au xviie siècle).
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[37]
AMSO BB 251, p. 21 : « De tout ce que dessus nous ayans iceulx députéz de Saint-Omer requiz leur faire délivrer quelque enseignement nous leur avons accordé et fait despescher ce présent acte soubz noz signatures ainsi fait et passé audit Arras au lieu abbatial susdit ledit quinziesme jour de fébvrier l’an de grâce mil six cens où estoyent présens et assistens […] Jehan Richardot […] et plusieurs autres personnaiges et officiers ».
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[38]
Voir O. Guillot, Arcana imperii (ive-xie siècle). Recueil d’articles, Limoges (Cahiers de l’Institut d’anthropologie juridique, 10), 2003.
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[39]
O. Guillot, « Une ordinatio méconnue : le capitulaire de 823-825 », Arcana imperii, op. cit., p. 383-386.
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[40]
Il faut relier la conception de la participation de tous les hommes libres à la res publica à l’exposé de la diversité des charismes dans l’unité de l’Église, tel que saint Paul le développe dans ses épîtres : cf. 1 Co 12, 4-30 (O. Guillot, Arcana imperii, op. cit. p. 387-389).
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[41]
Étudiant les serments prêtés par les bourgeois, Jean-Luc Lefèbvre montre comment le serment du prince est de même nature que celui prêté par les bourgeois en face de lui : il s’agit, en fait, d’un seul genre de serment, celui qui est nécessaire pour entrer dans n’importe quelle fonction publique (v. le développement sur « l’unité du serment de fonction publique » dans J.-L. Lefebvre, Prud’hommes, serment curial et record de cour, op. cit., p. 245-262).
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[42]
J. Houdoy, Joyeuse Entrée d’Albert et d’Isabelle, op. cit., p. 43.
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[43]
Les exemples où le prince prête serment après les habitants sont toutefois rares (voir, à titre d’exemple, l’entrée de Jean sans Peur à Douai en 1405 : cf. AMD AA 94, fol. 78).
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[44]
J. Gilissen, « Les états généraux des pays de par-deçà (1464-1632) », Anciens pays et assemblées d’états, t. 33, p. 297. Encore Philippe avait-il déjà au préalable préparé cette succession avec Charles Quint en 1549 par une série d’entrées dans les principales villes des Pays-Bas (pour un exemple à Lille, cf. AML 277, fol. 22 v°).
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[45]
Bibliothèque municipale de Valenciennes (BMV) ms. 675 (anc. 533-1), fol. 181 v°.
-
[46]
Ibidem, fol. 183 v°.
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[47]
Le serment des députés de Valenciennes en 1598 à Bruxelles est ainsi formulé : « Nous, Henry d’Oultreman, à ce jour prévost de la ville de Valenciennes, Anthoine le Poivre, seigneur de Lozel, Rombies, & Nicolas Rasoir, anciens prévostz, et maistre Robert Roze, licentié ès droix, premier conseillier illecq, tous députéz de ladite ville de Valenciennes, ayans esté présens aux cérémonies de la publication et lecture des patentes royalles de la cession et transport, que le roy nostre souverain seigneur et prince naturel a faict de ses pays patrimosniaulx et aultres de pardecha à la sérénissime infante sa fille aismée, et que en vertu de nostre pouvoir, avons accepté pour nostre souveraine dame et princesse naturelle, et sur ce receu de très hault et très puissant prince monseigneur Albert, archiducq d’Austrice, etc. son futur mary comme ayant à cest effect procure spécialle et irrévocable d’icelle, le serment qu’il nous a faict d’entretenir et faire entretenir tout ce que sa majesté à sa réception nous a cy devant et depuis juré et promis tant en général que particulier, moyennant que ferons à son alteze, en la qualité que dessus, serment réciprocque suyvant nostredit povoir : promettons et jurons au nom et de la part de ceulx de ladite ville de Valenciennes et en vertu d’icelluy nostre pouvoir que serons doresnavant à ladite sérénissime infante bons et léaulx subiectz et tiendrons et ferons tenir inviolablement tout ce que de la part desdits de Valenciennes a esté promis et juré à sa majesté à sadite réception, ainsy nous ayde Dieu et tous ses sainctz » (BMV ms. 675 (anc. 533-1), fol. 184 v°-185 v°). En 1600, Le serment prononcé par la population est : « Nous, prévost, juréz, eschevins, officiers, bourgeois, manans et habitans de la ville de Valenciennes, promettons et jurons à vous, sérénissimes princes Albert et Isabel Clara Eugenia, infante d’Espaigne, par la grâce de Dieu archiducqs d’Austrice, ducqs de Bourgoigne, du Thirol, palatins et de Haynau, etc. seigneur et dame de Valenciennes, de vous estre bons et léaulx subiectz, ainsy nous ayde Dieu et tous ses sainctz » (ibidem, fol. 191).
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[48]
L.P. Gachard, Collection de documents inédits concernant l’histoire de la Belgique, Bruxelles, 1833, p. 450.
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[49]
T. Louïse, La joyeuse entrée d’Albert et d’Isabelle à Valenciennes, op. cit., p. 35.
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[50]
Le vocabulaire médiéval employait plus fréquemment l’expression « venir à terre » pour désigner l’entrée du nouveau prince : le comte de Hainaut « vient a tiere » à Valenciennes en 1290 (L. Cellier, « Une commune flamande. Recherches sur les institutions politiques de la ville de Valenciennes », Mémoires historiques de l’arrondissement de Valenciennes, t. III, 1873, p. 58), de même le comte de Flandre au xiiie siècle : « Quant de nouviel vient a le tiere de Flandres » (R. Monier, Le Livre Roisin. Coutumier lillois de la fin du xiiie siècle, Lille (Documents et travaux publiés par la société d’histoire du droit des pays flamands, picards et wallons, II), 1932, § 176, p. 113-114). Voir également d’autres références hennuyères dans : A. Scufflaire, « Les serments d’inauguration des comtes de Hainaut (1272-1427) », art. cit., p. 86, n. 15.
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[51]
Les récits des entrées bourguignonnes sont explicites : Georges Chastellain écrit ainsi que Philippe le Bon « prist le possès et héritement du pays comme vray héritier et seul hoir » (cité dans É. Lecuppre-Desjardin, La ville des cérémonies, op. cit., p. 147).
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[52]
La cérémonie est en effet reportée pour le comté de Namur, le duché de Luxembourg et le duché de Gueldre (H. Pirenne, Histoire de Belgique, op. cit., t. IV, p. 226).
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[53]
Cf. AMSO BB 251, pièce n° 21, déjà cité supra.
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[54]
Cf. AMD BB 5, fol 148 et sqq. (délibération échevinale du 3 février 1600) : « Sur les lettres de monseigneur de Billy, gouverneur de ceste province, leues au Conseil pour ce assemblé, contenant qu’il a charge de leurs altèzes de assembler les Estatz de ceste province pour se trouver à Lille, et illecq prester et recevoir de leurs altèzes les serments pertinents, et qu’à ces fins on euist à envoyer députéz de ceste ville en ladicte ville de Lille en plus grand nombre que seroit possible ; a esté dit et advisé de députer un eschevin et le conseiller pensionnaire de ceste ville vers ledict sieur gouverneur, pour luy remonstrer que de tout temps les princes ont faict leurs entrées en ceste ville, y faire et recevoir le serment accoustumé ». La députation doit démontrer la légitimité de la venue des archiducs à Douai, contre la « difficulté survenue sur ce que ceulx de Lille maintenèrent que le serment se debvoit faire par sadicte majesté en ladicte ville de Lille pour toutte la province comme chef lieu d’icelle » alors que « le conseiller pensionnaire de ceste ville seroit seul demeuré audit Lille pour soustenir le contraire et maintenir pour le droit de cestedite ville que sadicte majesté y debvoit faire aussi serment ».
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[55]
H. Pirenne, Histoire de Belgique, op. cit., t. IV, p. 249 ; H. Lonchay, « Le serment de fidélité prêté par les Belges à Philippe III en 1616 », Mélanges Paul Fredericq, Bruxelles, 1904, p. 311.
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[56]
Pour un exemple de députation, cf. BMV ms. 675 (anc. 533-1), fol. 186 et s. : « Serment presté par son altèze sérénissime Albert ou nom de sa majesté catholicque à la ville de Valenciennes et réciprocquement le serment de fidélité des députéz dudit Valenciennes de recepvoir saditte majesté pour seigneur des Pays-Bas, advenant que saditte altèze et infante sérénissime décéda, iceulxdits pays suyvant le traicté […] retournassent à sadite majesté ». Le serment de la ville est ainsi formulé (ibidem, fol. 187 v°) : « Nous, Jehan d’Oultreman, chevalier du Saint-Sépulcre, seigneur de la Marlière, La Motte et Hamel, prévost, sire Jean Vinien, seigneur de la visconté de Forest, Salmonsart, Saultaing, et Jacques Rasoir, escuier, anciens prévostz, et maistre Daniel Lestrelin, licentié ès droictz, premier conseillier pensionnaire de la ville de Valenciennes, représentans le corps d’icelle, et à faire ce que s’ensuit, estans bien et souffisament auctoriséz, pour nous conformer à la bonne volonté de leurs altèzes sérénissimes, et à la proposition que nous a esté faite de la part du sérénissime archiducs Albert, nostre souverain, seigneur et prince, nous ayant en suyte d’icelle et en vertu du pouvoir et mandement espécial donne à son altèze par très hault, très excellent et très puissant prince, le roy d’Espaigne, Philippes troiziesme, presté le serment accoustumé au nom de sadite majesté, et ce pour le temps et cas que suyvant la clause et condition de retour contenue ès lettres de transport faite par feu de très haulte mémoire le roy d’Espaigne Philippes deuxiesme du nom (que Dieu absolve) à la sérénissime infante, madame Isabel Clara Eugenia, nostre souveraine dame et princesse, ladite ville de Valenciennes vienne cy après à succéder, escheoir et retourner à sadite majesté, promettons et jurons que pour le cas et temps de ladite eschéance, nous serons à sadite majesté bons et léaulx subiectz, et tiendrons et ferons tenir inviolablement tout ce que de la part de ceulx de Valenciennes a esté promis et juré à leursdites altèzes sérénissimes à leur réception, ainsy nous ayde Dieu et tous ses sainctz ».
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[57]
Pour un exemple à Lille, cf. AML 277, fol. 23 v° (2 août 1549) : « Le vendredy second jour d’aoust XVC quarante neuf, eschevins, conseil et huyt hommes de la ville de Lille, avec les depputéz des villes de Lille, Douay et Orchies, et baillys des quatre haulx justiciers, assambléz en la halle dudit lille, pour repondre à la proposition faicte par sadite majesté le XVIe de jullet darrnier en la ville de Gand, aux fins y déclarées et cy dessus enregistrées, conclurent pour les bonnes causes et considérations y contenues, de accorder à sadite majesté, de par lesdits haulx justiciers et depputéz desdites villes et chastellenies de Lille, Douay et Orchies, recepvoir monseigneur notre prince son filz à serment et le jurer pour futur prince et successeur des pays d’em-bas pour luy et ses hoirs […] après le trespas de sadite majesté ».
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[58]
H. Pirenne, Histoire de Belgique, op. cit., t. IV, p. 148.
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[59]
À titre d’exemple, pour la députation de Valenciennes en 1623, cf. BMV ms. 676 (anc. 533-2), fol. 124 et sqq. : « Serment presté par l’infante sérénissime Isabel comme procuratrice de sa majesté d’Espaigne Philippe IIIIe en la ville de Bruxelles, et réciproquement serment des députéz de la ville de Valenciennes presté à ladite infante sérénissime au nom de sadite majesté d’estre bons et léaulx subiects, auquel serment de sadite majesté est faict mention qu’icelle entretiendra et observera le traictié de réconciliation datté du XXIIe de novembre de l’an 1579 ». Serment de Philippe IV (ibidem, fol. 124 v°) : « Isabel Clara Eugenia, par la grâce de Dieu infante d’Espaignes, archiduchesse d’Austrice. Sçavoir faisons à tous présents et avenir et recognoissons qu’aujourd’huy seiziesme de mars de l’an mil six cens vingt trois, comparans pardevant nous en la ville de Bruxelles les députés de la ville de Valenciennes, représentans le corps et communaulté d’icelle ville cy après nomméz, muniz de souffisante procuration et autorisation pour recepvoir de nous et nous prester les seremens cy apres inséréz, nous leur avons faict le serment quy s’ensuyt : Nous, Isabel Clara Eugenia, par la grâce de Dieu infante d’Espaignes, en vertu des lettres de procure espéciale et irrevocable que nous avons de très hault, très excellent et très puissant prince le roy monseigneur et nepveu, promettons et jurons que les saincts Évangiles, au nom de sa majesté, à tous les députéz de la ville de Valenciennes représentans le corps et communaulté de ladite, et estans à ce bien et souffisament aucthoriséz, que sadite majesté entretiendra et observera, fera entretenir et observer tout ce que feu de très haulte mémoire le roy Philippe troisiesme de ce nom, père de sadite majesté et frère de nous, que Dieu absolve, a juré et promis a ladite ville ensemble le traicté de réconciliation en date du vingt deuxiesme de novembre mil cincq cens septante neuf, et générallement fera tout ce à quoy un bon seigneur et prince souverain est tenu et obligé, ainsy nous aide Dieu et tous ses sainctz ». Serment des députés de Valenciennes (ibidem, fol. 125) : « Nous, Claude de Hénin, seigneur de Warlain, prévost, Pierre de Croix, chevalier, seigneur de Triette, jadiz prévost, Jacques le Poinvre, seigneur de Gaudbray, et Robert Roze, licentié ès droitz, seigneur de l’Espinoy, premier conseillier pensionnaire de la ville de Valenciennes, représentans le corps et communaulté d’icelle, et estans à faire ce qu’il s’ensuit bien et souffisament authoriséz. Ayans receu le serment qu’au nom de très hault et très excellent et très puissant prince le roy d’Espaignes, Philippe quatriesme de ce nom, nous a présentement fait la sérénissime princesse madame Isabel Clara Eugenia, par la grâce de Dieu infante d’Espaigne, et en vertu de la procure espéciale et irrévocable qu’elle en a de sa majesté, promettons et jurons que nous serons à sadite majesté bons et léaulx subjects ».
1Le samedi 5 février 1600, le conseiller pensionnaire de la ville de Lille, maître Denis Le Guillebert, a revêtu sa robe de damas noir. Entouré des autres officiers lillois et de l’ensemble des magistrats municipaux, il patiente dans un jardin, à Halluin, aux limites de la châtellenie de Lille. Il prépare la harangue qu’on l’a chargé de prononcer devant les archiducs Albert et Isabelle :
« Les Rewart, Mayeur, Eschevins, Conseil et Huit-Hommes de la ville de Lille, représentant tout le peuple et la communauté d’icelle, sont venus au devant de Leurs Altesses pour, en toute humilité et révérence, leur baiser les mains et professer qu’ils sont et seront à jamais les très humbles, très affectionnés, très fidèles et très obéissants sujets de leurs seigneurs souverains et princes naturels, les remerciant infiniment des peines et des travaux qu’elles avaient pris de venir en cette ville, les assurant de la joie incroyable qu’en aurait tout le peuple, lequel en toute allégresse les attendait » [2].
3Ainsi débute la joyeuse entrée des archiducs dans la ville de Lille. Elle dure quatre jours, ponctuée de processions, de spectacles et de discours, autant d’étapes festives avant l’échange, entre les corps constitués et les princes, des serments réciproques.
4La joyeuse entrée, comme cérémonie de droit public, appartient à une ancienne tradition. Les princes territoriaux, dans les anciens Pays-Bas, suivent cette procédure depuis le Moyen Âge [3]. La première mention, pour le comte de Hainaut, remonte à 1272 [4], à 1297 pour le comté de Flandre [5], 1356 pour le duché de Brabant [6]. Le thème de la joyeuse entrée a fait l’objet de nombreux travaux : plusieurs colloques [7] ont permis de faire le bilan des recherches en France en la matière, tout en permettant les comparaisons avec les pays voisins [8]. À côté de ces travaux collectifs, la joyeuse entrée est un sujet traité abondamment dans les études régionales : les nombreux articles aident à dégager, au-delà des approches particularistes, les grands traits communs aux inaugurations des princes [9]. La recherche universitaire offre également des synthèses, telle l’analyse des entrées bourguignonnes par Élodie Lecuppre-Desjardin [10]. L’importance de la bibliographie est la conséquence de l’abondance des sources. Les sources manuscrites sont variées : délibérations des échevinages, comptes municipaux, chroniques, récits officiels commandés par les villes, formulaires des serments publics et cartulaires urbains. Une partie d’entre elles ont fait l’objet d’éditions au cours du xixe siècle [11]. L’imprimerie a aussi trouvé à travers les entrées l’occasion de réaliser de magnifiques ouvrages d’art depuis la Renaissance : Rubens illustre ainsi le récit de l’entrée de Ferdinand d’Autriche dans une édition de Plantin [12].
5L’abondance des travaux, qui sont, d’ailleurs, loin d’être homogènes dans leur façon de voir les entrées, peut faire naître le sentiment d’une connaissance exhaustive : ils en abordent, en effet, les aspects politiques, symboliques, sociaux, historiques et religieux. L’entrée est, avant tout, un événement où est passé un acte particulier : le serment réciproque. Or la valeur juridique de ce serment, fondamentale, est rarement expliquée [13]. Certains aspects restent néanmoins encore méconnus. Il n’est donc pas inutile de revenir sur la notion. Le règne des Archiducs est d’ailleurs une période qui se prête assez bien à une étude approfondie : leurs joyeuses entrées sont très nombreuses. À leur retour d’Espagne, en effet, juste après leur mariage, les Archiducs n’attendent pas la fin de l’hiver pour entamer leur périple pour être reconnus par les populations des Pays-Bas : dès novembre 1599, les villes brabançonnes accueillent leurs souverains, imitées par de nombreuses autres. Les entrées suivent immédiatement l’arrivée des Archiducs. Par ce biais, la continuité constitutionnelle est maintenue : les Archiducs respectent la pratique des entrées solennelles. La tradition juridique demeure également. En effet, les formes employées par les nouveaux souverains sont inchangées : les procédures sont les mêmes, les voyages sont faits en personne, le serment est juré dans l’ordre habituel. En 1600, il n’y a donc aucune dérogation aux usages en vigueur au xvie siècle. Malgré la répétition identique des cérémonies, les Archiducs ne recourent pas à la procuration.
6Ce respect apparent et quasi scrupuleux des règles obéit peut-être à des considérations d’ordre politique. Il assure, néanmoins, un renouveau des joyeuses entrées dans le sens où le tour des Pays-Bas par les princes annonce un retour au droit commun dans chaque principauté. En effet, la fin du siècle précédent a vu les titulaires de l’autorité publique être profondément remis en cause. Philippe II, qui avait prêté le serment réciproque [14], est déclaré déchu par une partie de ses sujets [15]. Un prince français, le duc d’Anjou, est alors désigné pour régner sur les provinces séparatistes [16]. Il se plie au cérémonial de la joyeuse entrée [17]. Il faut aussi prendre en considération que la dernière série d’entrées de princes légitimes remonte à l’année 1549, lorsque Philippe était préparé par Charles Quint à lui succéder. À l’avènement des Archiducs, il y a donc bien longtemps que les joyeuses entrées n’ont pas eu lieu [18], hormis celles, assez rares, faites par le duc d’Anjou.
7En 1599-1600, le contexte est bien différent. L’aspiration au maintien de la paix récemment retrouvée facilite les serments en faveur de la res publica : l’heure n’est plus aux ruptures violentes de fidélité. Le don de deux nouveaux souverains, propres aux anciens Pays-Bas espagnols, favorise l’accueil des Archiducs auprès des communautés d’habitants : l’absence physique du « prince naturel » dans les principautés bourguignonnes a duré, ne l’oublions pas, près de quatre décennies. Le rayonnement des archiducs autour de Bruxelles, pendant l’hiver 1599-1600, permet ainsi de réunifier les provinces restées fidèles, après un morcellement dû aux aléas politiques, militaires et religieux [19]. L’unité des Pays-Bas et la légitimité de ses souverains sont ainsi mises en avant dans cette succession d’entrées. Aussi, pour qualifier le début du xviie siècle, d’un point de vue institutionnel, on peut parler, après une longue période de déstabilisation politique, d’un « retour à la normale ».
8Les joyeuses entrées expriment un réel retour aux sources. Pour autant, la tradition sur laquelle s’appuient les Archiducs n’est pas exempte d’innovation. Si le modèle prioritaire reste celui d’une entrée propre à chaque communauté d’habitants, c’est-à-dire un déplacement des princes devant la communauté toute entière, il existe des tentatives pour limiter les déplacement des Archiducs : en regroupant, par exemple, les délégués des communautés dans la capitale d’une province pour y faire prêter successivement les serments. De plus, des interrogations peuvent être soulevées quant à la portée même des serments réciproques prêtés par chaque ville. Le principat des Archiducs aurait pu apparaître, en effet, comme un temps privilégié de cristallisation des fidélités : un temps fort où les habitants et les princes sont unis juridiquement, une fois pour toutes, par tous les serments réciproques échangés au début du règne. Or, paradoxalement, le règne des Archiducs est marqué par une répétition des serments de fidélité. Ainsi, en 1598, Albert prête et reçoit – par procuration – les serments réciproques avec les représentants des habitants des Pays-Bas au nom d’Isabelle. En 1599 et en 1600, les serments sont renouvelés pour chaque communauté par le jeu des entrées solennelles. En 1616, une double fidélité semble être exigée des habitants des Pays-Bas. Philippe III reçoit en effet par le biais d’Isabelle – en vertu d’une procuration – le serment des états particuliers des Pays-Bas au cours d’une assemblée tenue à Bruxelles. Enfin, en 1623, après la mort d’Albert, mais bien avant la disparition d’Isabelle, en prévision du prochain retour sous la souveraineté espagnole, un nouveau serment est requis des populations en faveur de Philippe IV. Cette succession d’événements sous un même règne est pleine d’intérêt.
9La présentation de ces divers éléments montre qu’au cœur de la cérémonie de la joyeuse entrée, il y a deux serments où la question de la fidélité est première. En étudiant les serments, c’est toute la question des rapports entre les gouvernants et les gouvernés qui est soulevée. C’est donc au socle juridique de l’État de droit dans les Pays-Bas indépendants que renvoient les serments réciproques. L’étude des entrées des archiducs amène par conséquent à procéder à une relecture du serment public à travers deux interrogations. Par le biais des entrées de 1600, comment définir la nature du serment réciproque entre les communautés et le prince ? En prenant en compte la notion de fidélité, quelle est la portée du serment échangé lors de la joyeuse entrée ?
La nature et l’objet de l’échange des serments réciproques
10À force de distinguer les différentes étapes d’une joyeuse entrée, c’est-à-dire en isolant ses composantes pour en faire autant d’objets d’étude distincts, l’historiographie n’a pas encore mis suffisamment en valeur l’ordonnancement général de la cérémonie de l’entrée. En effet, il apparaît nécessaire d’insister sur l’idée que la joyeuse entrée constitue un écrin qui engloberait ce qu’il y a de plus important : le serment réciproque. Toute entrée, en effet, est organisée de telle sorte que le souverain et les habitants se rencontrent pour se prêter serment mutuellement à l’issue d’une cérémonie rituelle. Présentons-la sommairement telle qu’elle se présente à l’époque des Archiducs.
11Les délais laissés aux villes pour la préparation de la cérémonie sont souvent courts : cette brièveté n’entame cependant jamais le rituel immuable qui attend les Archiducs. L’accueil est toujours progressif. Dans un premier temps, l’échevinage se porte aux devants des princes. Loin de la ville, a lieu la remise symbolique des clefs, accompagnée par la harangue d’un officier municipal, le plus souvent le conseiller pensionnaire [20]. Après l’accueil fait aux princes par les Magistrats et les officiers des villes, succède celui de la population une fois les portes franchies : danses d’enfants, mimes, saynètes, poèmes et salves d’artillerie expriment la bienvenue aux souverains. Ce n’est pourtant pas dans cette liesse qu’a lieu le serment. La prestation est souvent prévue pour le lendemain de l’arrivée. Il y a donc une césure, marquée également par la célébration d’un office ou d’une messe. Il apparaît ainsi que la précipitation n’a pas lieu d’être : au contraire, la prière préalable renforce l’importance de l’acte. Le lieu du serment, enfin, n’est pas anodin. Devant la halle échevinale, dans la salle du palais comtal ou dans la nef d’une abbatiale, l’endroit doit être public et permettre l’accueil du plus grand nombre.
12En quoi consiste le serment réciproque ? Voici un extrait de la formule lue par un magistrat lillois aux archiducs en février 1600 :
« Très haults et très puissants princes, chy jurés que vous, la ville de Lille, le Loy et la Franchyse de la ville, les usaiges et les coustumes et les corps et les catheux des bourgeois de Lille garderez et ménerez par loy et par eschevinage, et ainsy le jurez sur les sainctes Évangilles et sur les sainctes paroles qui cy sont escriptes que vous le tiendres bien et loyaument » [21].
14L’acquiescement des princes une fois reçu, le même Magistrat prononce ensuite la formule du serment des habitants du lieu – ces derniers lèvent alors la main droite – : « Très haults et très puissants princes, nous fianchons vostre corps et vostre héritaige de la conté de Flandres à garder et ainsy nous le jurons à tenir bien et loyaument à nos sens et nos pooirs » [22]. L’instant d’après, l’acclamation populaire confirme l’engagement de la foule présente. La scène se répète de ville en ville [23].
15Le contenu des deux serments est une promesse de faire. D’un côté, les archiducs s’engagent à maintenir (« garderez et ménerez ») les iura propria de la communauté et la structure publique. Il s’agit d’une reconduction des privilèges juridiques, privilèges au sens de lois particulières. La formule détaille en effet les composantes de la communauté urbaine : une ville (un territoire), une « Loy » (une cour) et une franchise (une nouvelle catégorie d’hommes francs, distincts du commun), dotées d’« usaiges » et de « coustumes » (un corps de règles). Les bourgeois sont considérés dans leur personne (« corps ») mais aussi dans leurs biens (« catheux »). D’un autre côté, les habitants s’engagent à garder la personne du souverain et son héritage. L’emploi du verbe « fiancher » exprime, de plus, l’idée de l’engagement [24] avec le souverain : les bourgeois sont liés, par la fidélité, aux princes. Les souverains comme les sujets doivent accomplir leur promesse « bien et loyalement » : tout repose sur la fidélité.
16La succession des engagements semble les rendre réciproques : l’un ne va pas sans l’autre. Le prince et les populations incarnent deux entités qui se répondent mutuellement. Certains auteurs ont alors défini l’acte qui résulte de ces paroles échangées comme un contrat synallagmatique [25], voire comme un contrat d’inspiration féodale [26]. Ces qualifications ne reflètent pas la véritable nature des serments. Le serment de l’une des parties n’est, en effet, pas du tout conditionné par celui de l’autre. Ni les termes employés par les formules, ni l’ordre de prestation des serments n’expriment ces idées. Il est difficile de parler d’obligation réciproque : il faut mieux évoquer les devoirs intrinsèques de chacun. Le vocabulaire employé dans les serments renvoie en effet seulement à une conduite à tenir : une partie maintient une structure publique, une autre soutient un ministère public.
17La lecture des serments, avec une attention tournée vers la procédure, rappelle, de plus, des notions romaines : un rite extrêmement formaliste, une formule lue, une réponse très courte, un engagement fort en peu de mots, le caractère quasi religieux de la cérémonie, l’importance de la publicité. Aussi, au lieu de voir ici un contrat synallagmatique, il faut plutôt se tourner vers une catégorie de contrats romains qui se forment dans les conditions évoquées ci-dessus : le serment réciproque n’est-il pas une succession de deux sponsio ?
18La sponsio, en effet, est une promesse unilatérale qui engage seulement la personne qui en prononce les paroles : elle appartient aux contrats qui se forment verbis. C’est un contrat très formaliste, dont l’existence est ancienne [27]. La sponsio, de plus, est l’élément essentiel du voeu (votum) qui intervient entre un homme et une puissance surnaturelle [28]. C’est une forme retenue pour des actes qui engagent le peuple romain tout entier, un paterfamilias ou encore un garant. Elle est ainsi utilisée dans les traités internationaux pour conclure les traités de paix [29]. Les fiançailles (sponsalia) et le cautionnement (le sponsor est le garant) sont aussi formées par une sponsio [30]. On peut dire que ce contrat est en partie à la source de la société romaine, par sa portée diplomatique et familiale. En ce sens, l’esprit de ce contrat correspond bien à la conception de la joyeuse entrée. Remarquons, de plus, que la forme du contrat a changé depuis la République romaine [31] : le dialogue, reposant sur l’échange d’une interrogation et d’une réponse (spondesne ? spondeo), se substitue progressivement à l’affirmation solennelle et unilatérale. C’est cette forme que reprend la joyeuse entrée.
19Plusieurs éléments des joyeuses entrées faites au xviie siècle incitent à retenir la thèse de la sponsio. D’abord, il faut une interrogation suivie d’une réponse : un officier, ou un magistrat municipal, lit toujours la formule du serment au prince [32] : ce dernier ne fait que répondre par l’affirmative. De même, le serment de la communauté urbaine est lu par un membre du Magistrat ou un officier du prince : l’acquiescement émane alors de l’ensemble de la population présente par une acclamation d’approbation.
20Ensuite la sponsio appartient à la catégorie des contrats romains qui se forment verbis, c’est-à-dire seulement par la prononciation de paroles déterminées : la sponsio est ainsi exclusivement orale, et reprend toujours une formule solennelle. Tous les récits d’entrées solennelles évoquent bien cet échange verbal. De plus, la comparaison des formules fait apparaître une grande similitude : si elles ne sont pas identiques à la virgule près, on retrouve toujours le même contenu. Il y a bien un fond commun à l’ensemble des serments [33].
21Enfin l’engagement fait par la sponsio s’adresse directement à la divinité : la présence des deux parties n’est pas obligatoire. Néanmoins, le recours au dialogue impose une présence physique des personnes concernées par l’acte, ne serait-ce que pour poser la question et entendre la réponse de celui qui s’engage : c’est la raison d’être de l’entrée physique du prince dans la ville. Il y a pourtant une exception. Au xviie siècle, le recours à la procuration existe, même s’il reste exceptionnel. Ainsi, en 1600, l’ensemble des corps de l’Artois envoit leurs députés à Arras pour recevoir le serment des Archiducs [34]. Lorsque la réception personnelle est possible, la population est conviée à se réunir autour du lieu où se prête le serment réciproque. Dans ce cas, devant les souverains, les officiers et magistrats municipaux n’agissent pas en tant que députés de la communauté, mais jurent simultanément avec la population présente. Pour cette raison, le lieu du serment est fondamental. Le lien entre le prince et les habitants doit être visible : il s’agit toujours d’un lieu public, en plein air (une place, un perron) ou dans un espace ouvert sur l’extérieur (la nef d’une église, la salle d’un palais de justice aux portes et fenêtres ouvertes) [35]. Remarquons également que dans beaucoup de villes, l’événement a lieu un dimanche, après la messe dominicale : cette organisation rend davantage disponibles les habitants pour assister à l’acte.
22La sponsio est un contrat unilatéral : elle ne fait naître d’obligations qu’à la charge de celui qui prononce les paroles. Pour prouver ce contrat verbis, on fait appel aux témoins, mais aussi à l’écrit, qui confirme que les paroles ont bien été prononcées. Cet usage, en vigueur pour les entrées médiévales [36], est maintenu sous les Archiducs [37].
23Après avoir présenté la nature du serment réciproque, précisons maintenant son objet. Le contenu des serments des deux parties ont un point commun : ils ont pour objet le maintien de la structure publique. La joyeuse entrée est l’occasion, pour les princes, de rappeler solennellement leurs devoirs : face à la communauté urbaine privilégiée, l’obligation du prince est de bien gouverner. Les hommes libres, membres de l’universitas, rappellent de leur côté leur vocation à agir pour la chose publique : quand ils proclament garder la personne du prince et le territoire sous son gouvernement, ils ne font qu’énoncer solennellement leur devoir de participer au gouvernement de la province, à leur niveau. Pourquoi rappeler ainsi publiquement les devoirs de chacun ?
24L’énoncé des devoirs de chaque partie fait penser aux cérémonies de l’hommage. Certes, le droit des fiefs n’est pas totalement absent de l’inauguration des princes : les règles de dévolution successorale des principautés en sont issues. C’est toutefois davantage dans les concepts carolingiens qu’il faut trouver les racines d’un tel rappel des obligations publiques de chacun : en ce sens les travaux d’Olivier Guillot sur le prince carolingien peuvent éclairer notre réflexion [38]. Olivier Guillot rappelle en effet que la vision de Louis le Pieux, dans les capitulaires, consiste à voir dans la fonction dirigeante une série de devoirs qui composent son ministère [39]. Cet auteur précise également que ce ministère doit être, dans l’esprit de l’empereur, partagé entre tous ceux qui lui sont associés : aussi la fonction du roi, en ses diverses composantes, est de la même nature que la fonction reconnue à chaque homme libre dans le royaume. Chaque sujet assume ainsi dans le corps politique, selon sa place et son rang, sa part de responsabilité politique, tandis que le roi est redevable de l’intégralité de cette responsabilité [40]. En lisant les serments des archiducs et des bourgeois, comment ne pas faire le rapprochement avec cette conception du pouvoir politique ? Il faut ainsi reconnaître à travers les deux serments que chacun, à sa place, s’engage à accomplir ses devoirs politiques. D’un côté le nouveau prince, héritier de la plénitude de la puissance publique sur un territoire donné, par le jeu de règles successorales, concrétise par les cérémonies d’inauguration son entrée dans son office de prince. En acceptant l’héritage, en entrant en sa possession, il doit reconduire en son nom propre les devoirs qui y sont attachés [41]. Le premier serment est donc celui de l’officier le plus haut dans la pyramide des honneurs. De l’autre côté, les membres des corps constitués, bénéficiaires de privilèges, renouvellent leur engagement à participer à la vie politique et à aider le prince qui garantit leur statut juridique. À la prise de possession du nouvel héritage par le prince, les fidèles sont solennellement appelés à joindre leurs efforts personnels à ce grand ministère. C’est ce que rappelle le conseiller pensionnaire au nom de l’échevinage dans l’une de ses harangues : les bourgeois, dit-il, « avaient toujours fidèlement et courageusement gardé la ville pour leurs princes et seigneurs ; ainsi à l’avenir, moyennant à même grâce, ils espéraient la garder pour leurs altesses, et que pour le service d’icelles ils emploieront leurs biens, moyens, personnes et vies » [42].
25Ainsi les deux serments échangés sont deux promesses de faire, à travers deux engagements qui empruntent la forme des contrats unilatéraux romains. Ce sont surtout deux serments de fonction publique, où chacun prend sa part de responsabilité dans la réalisation du bien commun. Par conséquent, l’ordre des serments importe peu. Que le prince prête, dans la majorité des cas, serment le premier, est un fait. Quelques rares exemples montrent, au contraire, que l’inversion de l’ordre des serments n’influe en rien sur la validité de l’acte [43]. Puisque chacun s’engage à ce à quoi il est normalement appelé par sa fonction (prince ou bourgeois), il n’est pas possible de donner une valeur juridique à l’ordre suivi pour la prestation, ni même politique.
26La joyeuse entrée apparaît ainsi comme la cérémonie au cours de laquelle a lieu l’échange des serments réciproque, c’est-à-dire le rappel des fidélités. Le serment réciproque peut être défini comme un serment de fonction. Il reste encore à déterminer la portée des serments échangés lors du voyage d’inauguration de l’hiver 1599-1600. Quelle place ont-ils dans l’établissement de la souveraineté des Archiducs sur les Pays-Bas ?
L’exigence répétée de la fidélité sous le règne des Archiducs
27En tant que tel, les serments réciproques semblent constituer le soubassement du lien qui unit les Archiducs à leurs sujets. Les joyeuses entrées mettent en place, en effet, une base constitutionnelle pour les rapports entre gouvernants et gouvernés. Si cela est vrai pour la période médiévale, certains changements interviennent au xvie siècle : les serments réciproques sont parfois séparés de la joyeuse entrée. Autrement dit, une nouvelle procédure, que d’aucuns qualifieront de plus rationnelle, est possible à l’avènement du prince. Ainsi, lors des cérémonies officielles de la transmission du pouvoir, les états généraux se voient reconnaître un nouveau rôle : celui de recueillir le serment du nouveau prince pour l’ensemble des anciens Pays-Bas par le jeu des délégations des provinces. C’est le cas notamment en 1555, lors de la réception de Philippe II par les états généraux des Pays-Bas [44]. La même situation se reproduit au début du règne des archiducs : les entrées de 1599 et 1600 ne sont pas les premières cérémonies où les princes et les populations échangent leurs serments de fidélité. L’année précédente, en effet, le 21 août 1598, l’infante Isabelle recevait déjà le serment des députés des corps lors d’une assemblée des états généraux réunie à Bruxelles. D’après le rapport des députés valenciennois, la réunion a pour finalité de « recevoir l’infante […] pour leur vraie princesse et dame » et de faire et présenter à Albert « les sermens de fidélité » [45]. La passation de pouvoir, organisée par Philippe, est acceptée par les provinces : toujours selon la délégation valenciennoise,
« l’infante [est] reconnue pour dame et princesse souveraine d’iceulx et entre autres par les députés de la ville de Valenciennes pour ce convoqués et dûment auctorisés, auxquels le lendemain nous avons en la qualité que dessus fait et prêté au nom de ladite dame infante le serment pertinent et accoutumé » [46].
29Or, comme cela a été rappelé ci-dessus, le contenu des serments de 1598 (à Bruxelles) et de 1600 (à Valenciennes) sont semblables [47].
30Pourquoi répéter un serment identique, entre 1598 et 1600, quand les parties (populations et princes) sont les mêmes ? Plusieurs remarques peuvent être faites. D’une part, les serments de 1598 ne sont prêtés, des deux côtés, que par le biais de procurations : Albert au nom de l’infante et les députés des villes et des provinces au nom de leurs mandataires. D’autre part, en 1598, la cérémonie consiste surtout à avaliser la cession des Pays-Bas espagnols à l’infante : les actes mentionnent en effet l’assemblée des états généraux comme nécessaire à Isabelle pour « prendre possession de ces pays » [48]. Ainsi, en 1599, les souverains investis, à leur retour définitif d’Espagne, viennent prendre possession matériellement des territoires : la nécessité de se plier aux joyeuses entrées montre que les serments réciproques prêtés ne sont ni politiques ni redondants, mais obéissent à une obligation juridique. C’est dans ce sens que l’on peut comprendre ce passage du serment des Archiducs fait à Valenciennes :
« Nous Albert et Isabelle […] voulant accomplir et mener à bonne fin ce qui a été promis et juré par nous le 21 août 1598 à tous les états de la Belgique réunis à Bruxelles dans la grande salle de notre palais, nous promettons et nous jurons sur le saint Évangile que nous protègerons fidèlement cette ville de Valenciennes […] et en outre nous promettons et nous jurons d’observer fidèlement tout ce que nous avons promis à Bruxelles le 21 août 1598 dans l’assemblée des représentants de nos provinces » [49].
32Quelle est cette promesse faite en 1598, si ce n’est celle de venir en personne prendre possession de l’héritage bourguignon ? Loin d’être abstraite, la joyeuse entrée permet au nouveau prince de venir sur la terre [50] qu’il reçoit à titre d’héritage [51] : Isabelle, en l’occurrence, reçoit en donation, avec une clause de retour, une part de l’héritage de son père.
33Pour cette raison, les joyeuses entrées sont, dans la majorité des cas, effectuées par les Archiducs en personne. Ce programme, ambitieux par le nombre de déplacements qu’il entraîne, ne peut pas, cependant, être réalisé [52]. On regroupe ainsi la prestation du serment réciproque de plusieurs villes d’une même province en une cérémonie unique dans la chef-ville. C’est le cas notamment en Artois. Il s’agit pour les villes d’une dérogation au droit de recevoir ses souverains. Saint-Omer accepte sans s’opposer [53]. En Flandre wallonne, le projet est rejeté. Ainsi la ville de Douai refuse cette organisation qui lui est soumise par le gouverneur de la province : elle multiplie les remontrances pour éviter qu’une cérémonie unique se déroule à Lille pour les châtellenies de Lille, Douai et Orchies [54]. Il s’agit pour Douai d’éviter de créer un antécédent. Le Magistrat n’a pas tort puisque la venue de souverains en 1600 est la dernière avant celle de 1667. Les délibérations des échevins de Saint-Omer et de Douai illustrent les deux manières de procéder à l’avènement des Archiducs : soit par l’accueil traditionnel des princes venus en personnes devant la population – le principe –, soit par le recours commode à la procuration et aux députations de délégués des communautés – l’exception.
34Le règne des Archiducs est inauguré par un double serment de fidélité entre 1598 et 1600. Ils inaugurent un temps de stabilité politique pour trois décennies. Pourtant, bien avant la mort d’Isabelle, d’autres serments vont être exigés au cours du principat, rappelant la tutelle de l’Espagne sur les Pays-Bas indépendants. Ainsi, en 1616, du vivant même des Archiducs, Philippe III exige de la part des habitants des Pays-Bas le serment de fidélité [55] : les villes envoient alors leurs députés à Bruxelles pour prêter le serment au roi d’Espagne devant l’Archiduc muni d’une procuration [56]. À cette date, la perspective d’une descendance a disparu. Le frère de l’infante organise progressivement le retour des Pays-Bas à la couronne espagnole. Mais le serment des habitants, en 1616, reste conditionnel. Il n’y a donc bien qu’une promesse de fidélité à la fois : celle qui court en faveur des Archiducs, scellée en 1600, et une autre en puissance, selon les clauses prévues par la cession de 1598. Cette attitude exprime bien la portée de l’engagement : quand un traité prévoit le successeur du souverain, il n’y a pas d’obstacle à engager sa fidélité pour l’avenir. Cette procédure a déjà été utilisée par Charles Quint : son fils Philippe reçoit les serments de fidélité dès 1549 en prévision de la succession organisée en 1555 [57]. Quelques années plus tard, un nouvel engagement est demandé aux habitants des Pays-Bas. En 1621, en effet, le sort des Pays-Bas rejoint définitivement celui de la couronne d’Espagne. Le décès de l’archiduc Albert rend opératoire la clause de retour, tandis que la disparition de Philippe III rend caduc le serment anticipé de 1616. Philippe IV envoie alors, en septembre 1621, une nouvelle procuration pour recevoir le serment des provinces [58]. La procédure est lancée après l’inhumation d’Albert, en mars 1622. L’infante convoque les députés des provinces à Bruxelles pour l’échange des serments au nom du roi d’Espagne : la cérémonie a lieu en mars 1623. Une fois encore, la fidélité est d’abord due à l’infante, mais la future succession fait l’objet d’une promesse conditionnelle qui, à la mort d’Isabelle, prendra son plein effet [59]. Comme en 1616, les communautés suivent les demandes du roi d’Espagne. Cette succession de serments peut, en apparence, prêter à confusion. Il n’en est rien : ces serments publics vont tous dans le même sens, celui du rappel des devoirs politiques de chacun. La seconde moitié du règne des archiducs est donc un peu particulière : les rois d’Espagne anticipent très tôt le changement de souveraineté des Pays-Bas, inéluctable, et demandent des signes forts de la fidélité à une population confrontée au conflit latent avec les Provinces-Unies voisines.
35Pour conclure, le règne des Archiducs apparaît comme le temps privilégié du rappel des fidélités : les cérémonies des années 1598, 1599, 1600, 1616 et 1623, par leur répétition, forment une chaîne de fidélité d’une grande ampleur. Il faut remonter à la fin du xve siècle, une période charnière dans l’évolution des Pays-Bas, pour trouver une telle activité constitutionnelle. En ce sens, le principat des Archiducs est un temps fort. C’est d’abord le retour aux fidélités stables, après de nombreuses ruptures dans la structure publique des Pays-Bas : cette fidélité s’entretient, elle n’attend plus, pour se manifester, la succession du prince. C’est ensuite la reprise d’une tradition qui brille de ses derniers feux : hormis Louis XIII et surtout Louis XIV et, dans une certaine mesure, Joseph II, les Archiducs sont les derniers souverains à venir en personne aux joyeuses entrées, car ce rôle est de plus en plus dévolu à des commissaires.
Mots-clés éditeurs : ville, pacte, Pays-Bas, joyeuse entrée, serment réciproque, Archiducs
Date de mise en ligne : 25/03/2013
https://doi.org/10.3917/rdn.377.0729Notes
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[*]
Cet article est le développement d’une communication présentée lors du colloque Les « Trente Glorieuses » (ca 1600-ca 1630) dans les Pays-Bas méridionaux et la France septentrionale, qui s’est tenu à l’Université de Lille 3 les 22 et 23 mars 2007.
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[1]
François Zanatta, docteur en droit de l’Université de Lille II, 90, rue Franklin-Roosevelt, 59200 Tourcoing. Email : francoiszanatta@hotmail.com.
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[2]
J. Houdoy, Joyeuse Entrée d’Albert et d’Isabelle. Lille au xvie siècle d’après des documents inédits, Lille, 1873 [reprint Steenvoorde, 1992], p. 43 (édition de l’Entrée solennelle de leurs altesses sérénissimes Albert et Isabel Clara Eugenia, princes et souverains de ces Pays-Bas, faite dans le ville de Lille le cinq de février 1600, Bibliothèque municipale de Lille (BML) ms. 678, Rig. 636, p. 1-129).
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[3]
À l’instar des rois de France : voir B. Guénée, F. Lehoux (éd.), Les entrées royales françaises de 1328 à 1515, Paris, 1968.
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[4]
A. Scufflaire, « Les serments d’inauguration des comtes de Hainaut (1272-1427) », Anciens pays et assemblées d’états, t. I, p. 87 et sqq.
-
[5]
Archives municipales de Lille (AML) pièce aux titres 6/69 (anc. AA 6, pièce 69). Cf. Livre Roisin, éd. É. Brun-Lavainne, Paris-Lille, 1842, p. 340. Sur le serment du comte de Flandre Guy de Dampierre, v. R. Monier, Les relations entre les officiers du comte de Flandre et les bourgeois de Lille à la fin du xiiie siècle. Le serment prêté par le comte à la ville lors de son avènement, 7 p. (extrait du Bulletin de la commission historique du Nord, 1938, t. XXXV).
-
[6]
Sur l’entrée de 1356, v. B.H.D. Hermesdorf, « De vrijhaidsgedachte in de Blijde Inkomst van 1356 », Anciens pays et assemblées d’états, t. XIX, 1960, p. 15-32, et, de façon plus générale, sur l’histoire des entrées brabançonnes : E. Poullet, Histoire de la Joyeuse Entrée de Brabant et de ses origines, Bruxelles, 1863.
-
[7]
Retenons particulièrement : B. Guénée, C. Desplat (éd.), Les entrées : gloire et déclin d’un cérémonial, Biarritz, 1997 ; J. Jacquot (éd.), Les fêtes de la Renaissance, t. I, Paris, 1956 ; idem, Les fêtes de la Renaissance, t. II, Paris, 1960 ; J. Jacquot, E. Konigson (éd.), Les fêtes de la Renaissance, t. III, Paris, 1975 ; Théâtre et spectacles hier et aujourd’hui. Moyen Âge et Renaissance. Actes du 115e congrès national des sociétés savantes, Paris, 1991.
-
[8]
Signalons également les travaux, Outre-Atlantique, du « Groupe de recherche sur les entrées solennelles » (GRES), installé à Montréal, qui s’intéresse depuis plusieurs années aux entrées royales françaises (voir, entre autres, les travaux de Marie-France Wagner et de Daniel Vaillancourt).
-
[9]
Sur les entrées dans les anciens Pays-Bas, voir ainsi P. Bréemersch, « L’entrée des archiducs Albert et Isabelle à Arras le 13 février 1600 », Liber amicorum. Études historiques offertes à Pierre Bougard, Arras, 1987, p. 181-184 ; J.-M. Cauchies, « La signification politique des entrées princières dans les Pays Bas : Maximilien d’Autriche et Philippe le Beau », Fêtes et cérémonies aux xive-xvie siècles (Publications du centre européen d’études bourguignonnes, n° 34), 1994, p. 19-35 ; idem, « La constitution, le serment et le prince dans le Hainaut ancien », Liber amicorum John Gilissen. Code et constitution. Mélanges historiques, Anvers, 1983, p. 60 et sqq. ; H. Coninckx, « La joyeuse entrée des seigneurs de Malines », Bulletin du cercle archéologique, littéraire et artistique de Malines, t. VI, 1895, p. 165-308 ; A. Corbet, « L’entrée du prince Philippe à Anvers en 1549 », Fêtes et cérémonies au temps de Charles Quint, Paris, 1960, p. 307-310 ; G. de Hauteclocque, « Arras et l’Artois sous le gouvernement des Archiducs Albert et Isabelle (1598-1633) », Mémoires de l’Académie d’Arras, 2e série, t. VI, 1873, p. 19-69 ; C. Hirschauer, « Les états d’Artois et la joyeuse entrée de Philippe, prince d’Espagne à Saint-Omer et à Arras », Bulletin de la société des antiquaires de la Morinie, t. XII, 1907-1911, p. 422-436 ; M. Lageirse, « La joyeuse entrée du prince Philippe à Gand en 1549 », Fêtes et cérémonies au temps de Charles Quint, Paris, 1960, p. 297-306 ; idem, « La joyeuse entrée du prince héritier Philippe à Gand en 1549 », Anciens pays et assemblées d’états, t. XVIII, p. 31-53 ; N. Mosselmans, « Les villes face au prince : l’importance réelle de la cérémonie d’entrée solennelle sous le Règne de Philippe le Bon », Villes et campagnes au Moyen Âge. Mélanges offerts à Georges Despy, Liège, 1991, p. 533-548 ; J. de Pas, « Entrées et réceptions de souverains et gouverneurs d’Artois, XVe, xvie et xviie siècles », Bulletin historique de la société des antiquaires de la Morinie, fasc. 225, t. XII, 1908, p. 265-288 ; M. Populer, « Les entrées inaugurales des princes dans les villes. Usages et significations. L’exemple des trois comtés de Hainaut, Hollande et Zélande entre 1417 et 1433 », Revue du Nord, t. 76, n° 304, 1994, p. 25-52 ; M. Soenen, « Fêtes et cérémonies publiques à Bruxelles aux temps modernes », Bijdragen tot de Geschiedenis. La ville en Brabant, 68e année, 1985, p. 47-100 ; D.P. Snoep, Praal en Propaganda. Triumfulia in de Noordelijke Nederlanden in de 16de en 17de eeuw, Alphen, 1975 ; G. Van Dievoet, « L’empereur Joseph II et la Joyeuse Entrée de Brabant. Les dernières années de la Constitution brabançonne », Anciens pays et assemblées d’états, t. XVI, p. 87-140 ; L. Van Puyvelde, « Les joyeuses entrées et la peinture flamande », Fêtes et cérémonies au temps de Charles Quint, Paris, 1960, p. 287-296 ; A.Wauters, « Les serments prêtés aux villes principales du Brabant par les ducs lors de leur inauguration », Bulletin de la commission royale d’histoire, 4e série, t. XIV, 1887, p. 82 et sqq.
-
[10]
É. Lecuppre-Desjardin, La ville des cérémonies. Essai sur la communication politique dans les anciens Pays-Bas bourguignons, Turnhout, 2004.
-
[11]
R. Dupuys, La triomphante et solennelle entrée de Charles-Quint en sa ville de Bruges le 18 avril 1515, Bruges, 1850 ; J. Houdoy, Joyeuse Entrée d’Albert et d’Isabelle, op. cit., 1873 ; A. Lacroix, Relation en prose et en vers de la joyeuse entrée à Mons en 1470 de Marguerite d’York d’Angleterre et de Marie de Bourgogne, Mons, 1842 ; T. Louïse, xviie siècle. La joyeuse entrée d’Albert et d’Isabelle à Valenciennes (20 février 1600), Valenciennes, 1877 ; É. Varenbergh, Procès-verbal de la Joyeuse entrée à Gand et à Saint-Pierre des archiducs Albert et Isabelle le 28 janvier 1600, Gand, 1875 (extrait du Messager des sciences historiques de Belgique).
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[12]
Deux peintures de Pierre-Paul Rubens pour une joyeuse entrée du gouverneur général des Pays-Bas, le cardinal-infant don Ferdinand, sont conservées au musée des Beaux-Arts de Lille (La providence et L’abondance, nos 313 et 314 du catalogue de 1869) ; elles ont été reproduites (v. Pompa introitus Ferdinandi Austiraci, Anvers, p. 108).
-
[13]
Sur le serment réciproque, se reporter à R. Monier, « Les relations entre les officiers du comte de Flandre et les bourgeois de Lille à la fin du xiiie s. », art. cit. ; A. Scufflaire, « Les serments d’inauguration des comtes de Hainaut (1272-1427) », art. cit., et surtout J.-M. Cauchies, « La constitution, le serment et le prince dans le Hainaut ancien », art. cit. et E. Poullet, Histoire de la joyeuse entrée de Brabant et de ses origines, op. cit.
-
[14]
Pour un exemple à Lille en 1549, cf. AML 277, fol. 22 et sqq.
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[15]
Déchéance prononcée par les états généraux le 26 juillet 1581 (H. Pirenne, Histoire de Belgique, Bruxelles, 1919, t. IV, p. 176).
-
[16]
F. Duquenne, L’entreprise du duc d’Anjou aux Pays-Bas, Lille, 1998.
-
[17]
Pour un exemple à Gand, v. L’entrée magnifique de Monseigneur François, filz de France, frère unique du roy, par la grâce de Dieu duc de Lothier, de Brabant, d’Anjou, d’Alençon, &. Comte de Flandres, &. Faicte en sa métropolitaine et fameuse ville de Gand, le XX d’aoust anno 1582, Gand, 1582.
-
[18]
Rappelons également que lorsque Philippe II prête le serment réciproque en 1555, une fois investi de l’héritage bourguigon, c’est à Bruxelles, en une assemblée unique, qu’il réduit la procédure d’échange des serments devant les délégués des villes et des provinces (à titre d’exemple, sur la députation lilloise à Bruxelles, cf. AML 277, fol. 68 et sqq.).
-
[19]
La division n’existe pas seulement entre les provinces protestantes et catholiques. Au sein de ces dernières, les ruptures de fidélité ont aussi eu lieu. Rappelons entre autres que le duc d’Anjou, choisi pour remplacer Philippe II, avait fait son entrée à Gand et à Anvers, foyers de contestation, mais également à Cambrai : la tournée des Archiducs efface les anciennes infidélités.
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[20]
Sur le rôle clef de ce juriste municipal dans les anciens Pays-Bas, cf. F. Zanatta, Un juriste au service de la ville : le conseiller pensionnaire dans le Nord de la France (xive-xviiie siècle), thèse droit, Université de Lille II, 2 t., 687 p. et 179 p.
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[21]
J. Houdoy, op. cit., p. 94.
-
[22]
Ibidem.
-
[23]
Remarquons la formulation des serments. Le serment du prince est à la seconde personne du pluriel : le texte est lu par un tiers à l’adresse du souverain, qui promet. Il y a un dialogue. Le serment des bourgeois, quant à lui, est à la première personne du pluriel. Il est lu par le même lecteur, sans le recours à un échange de paroles ; néanmoins il semble y avoir une approbation de la population, ne serait-ce que par l’acclamation.
-
[24]
A. Hatzfeld, A. Darmesteter, A. Thomas, Dictionnaire général de la langue française, v° Fiancer : du verbe fier, s’engager. Remarquons que tout le vocabulaire de la confiance, de la « fiance » et de la fidélité dérive de la notion romaine de fides ; or cette dernière est le fondement religieux de toute la structure publique du monde romain (voir G. Freyerburger, Fides, étude sémantique et religieuse depuis les origines jusqu’à l’époque augustéenne, Paris, 1986 ; J. Imbert, « De la sociologie au droit : la fides romaine », Droits de l’Antiquité et sociologie juridique. Mélanges Henri Lévy-Bruhl, Paris, 1959, p. 407-415 ; É. Magnou-Nortier, Foi et fidélité. Recherches sur l’évolution des liens personnels chez les Francs du viie au ixe siècle, Toulouse, 1976).
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[25]
É. Lecuppre-Desjardin, La ville des cérémonies, op. cit., p. 142 : en étudiant les entrées des ducs de Bourgogne, l’auteur écrit que « la mention de devoirs à accomplir par le prince place ce texte [le serment] dans le cadre d’un contrat synallagmatique qui mentionne avec soin les obligations réciproques entre gouvernants et gouvernés ».
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[26]
Ibidem : « Cette définition du serment inaugural mérite quelque attention, tant elle nous entraîne vers des références davantage vasssaliques que souveraines ». Voir aussi J.-M. Cauchies, « La signification politique des entrées princières dans les Pays Bas », art. cit., p. 23 : pour l’auteur la réciprocité des obligations est inspirée du modèle féodal.
-
[27]
A. Ernout, A. Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine, Paris, 1967, v° Spondeo, p. 643-644.
-
[28]
R. Monier, Manuel élémentaire de droit romain, 1940, t. II, p. 25.
-
[29]
A. Magdelain, Les origines de la sponsio, Paris, 1943.
-
[30]
J.-P. Lévy, A. Castaldo, Histoire du droit civil, Paris, 2002, p. 106, 661-666, 1047-1047.
-
[31]
A. Magdelain, « L’acte juridique au cours de l’ancien droit romain », Ius, imperium, auctoritas. Études de droit romain, Rome, 1990, p. 714-723.
-
[32]
Pour les entrées faites en 1600, il s’agit, à Valenciennes, du conseiller pensionnaire (T. Louïse, La joyeuse entrée d’Albert et d’Isabelle à Valenciennes, op. cit., p. 35), du rewart à Lille (J. Houdoy, Joyeuse Entrée d’Albert et d’Isabelle, op. cit., p. 94) et d’un pensionnaire à Gand (É. Varenbergh, Joyeuse entrée à Gand et à Saint-Pierre des archiducs, op. cit., p. 7).
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[33]
Pour le serment des archiducs prononcé à Lille, cf. J. Houdoy, Joyeuse Entrée d’Albert et d’Isabelle, op. cit., p. 43 (reproduit en introduction), pour celui prononcé à Douai, cf. Archives municipales de Douai (AMD) BB 52, fol. 76 v° (« Nous, Albert et Isabel, Clara, Eugenia, infante d’Espaigne, par la grâce de Dieu archiducs d’Austrice, ducqs de Bourgogne, de Lothier, etc. Assavoir nous archiduc comme mary et mambour de ladite sérénissime infante, et nous infante comme dame et princesse propriétaire de sesdits pays, promettons et jurons sur les saints Évangiles de garder et tenyr les privileges, franchises, usages et coustumes bonnes et louables de la ville de Douay, ainsy que nos prédécesseurs comtes et comtesse de Flandre ont faict en tamps passé, ainsy nous aide Dieu et tous ses saincts »), pour celui prononcé à Valenciennes, cf. T. Louïse, La joyeuse entrée d’Albert et d’Isabelle à Valenciennes, op. cit., p. 35 (« Nous, Albert et Isabelle Clara Eugénie infante d’Espagne, par la grâce de Dieu archiducs d’Autriche, ducs de Bourgogne, de Lorraine, de Brabant, du Limbourg, etc. Comme mari et chargé des intérêts de la sérénissime infante, et nous infante comme propriétaire de droit de toutes ces provinces, voulant accomplir et mener à bonne fin ce qui a été promis et juré par nous le 21 août 1598 à tous les états de la Belgique réunis à Bruxelles dans la grande salle de notre palais, nous promettons et nous jurons sur le saint Évangile que nous protègerons fidèlement cette ville de Valenciennes la nôtre, et en même temps les citoyens des deux sexes et les habitants, ainsi que leurs biens tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, et que nous les dirigerons, nous les gouvernerons d’après les lois et les droits qui leurs sont particuliers. Nous proclamons aussi que nous conserverons, protègerons et respecterons les libertés et privilèges de cette ville, ses lois, ses droits et ses coutumes, de la même manière que nos prédécesseurs, comtes et comtesses du Hainaut, seigneurs et seigneuresses de Valenciennes, les ont respectés, et de la même manière que cette ville, ses citoyens et ses habitants ont coutume d’en user et d’en jouir de toute antiquité »).
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[34]
Ainsi la ville de Saint-Omer envoie ses députés à Arras, cf. Archives municipales de Saint-Omer (AMSO) BB 251, pièce n° 21 : « Albert et Isabel Clara Eugenia infante d’espaigne par la grâce de Dieu archiducqz d’Austrice […]. Savoir faisons et recognoissons à tous présens et advenir. Que comme sur la réquisition par nous faite à ceulx du Magistrat de notre ville de Saint-Omer par noz lettres escriptes de notre ville de Bruxelles le douziesme de janvier dernier de cest an six cens, afin que pour les raisons y contenues, ilz voulussent excuser notre aller […] et envoyer leurs députéz en nombre compétent en notre ville d’Arras avecq procure souffisante pour recepvoir le serment à part que leur ferions, et nous faire serment réciproque ainsi que à la réception et inauguration des princes l’on est accoustumé de faire. Et ce sans préjudice des privilèges ou coustumes qu’ilz peuvent avoir au contraire, suyvant lesquelz nous debvrions aller audit Saint-Omer en personne. Les mayeur et eschevins de ladite ville et cité de Saint-Omer s’accommodans à ceste notre réquisition et demande, ayent par advis du Magistrat de l’an passé, juréz au Conseil de ladite ville et cité et des dix eschevins pour la communaulté, au nom de tout le corps et communaulté d’icelle, envoyé audit Arras certains leurs députéz souffisamment authoriséz à l’effect et à la condition susdite, lesquelz estans comparuz pardevant nous le quinziesme de febvrier mil six cens au lieu abbatial de Saint-Vaast, audit Arras, en l’antichambre du quartier, où nous, infante, estions logéz, nous leur avons fait le serment en latin ».
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[35]
Tout serment, en raison de son caractère public, doit remplir des conditions de visibilité et de lisibilité. Sur ce fondement juridique de l’ancien droit, v. J.-L. Lefebvre, Prud’hommes, serment curial et record de cour. La gestion locale des actes publics de Liège à l’Artois au bas Moyen Âge, Paris, 2006, p. 297-334.
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[36]
Cf. AMSO BB 251: la ville de Saint-Omer garde précieusement les lettres des souverains où ils confirment avoir prêté le serment réciproque (ces actes datent du xiiie au xviie siècle).
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[37]
AMSO BB 251, p. 21 : « De tout ce que dessus nous ayans iceulx députéz de Saint-Omer requiz leur faire délivrer quelque enseignement nous leur avons accordé et fait despescher ce présent acte soubz noz signatures ainsi fait et passé audit Arras au lieu abbatial susdit ledit quinziesme jour de fébvrier l’an de grâce mil six cens où estoyent présens et assistens […] Jehan Richardot […] et plusieurs autres personnaiges et officiers ».
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[38]
Voir O. Guillot, Arcana imperii (ive-xie siècle). Recueil d’articles, Limoges (Cahiers de l’Institut d’anthropologie juridique, 10), 2003.
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[39]
O. Guillot, « Une ordinatio méconnue : le capitulaire de 823-825 », Arcana imperii, op. cit., p. 383-386.
-
[40]
Il faut relier la conception de la participation de tous les hommes libres à la res publica à l’exposé de la diversité des charismes dans l’unité de l’Église, tel que saint Paul le développe dans ses épîtres : cf. 1 Co 12, 4-30 (O. Guillot, Arcana imperii, op. cit. p. 387-389).
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[41]
Étudiant les serments prêtés par les bourgeois, Jean-Luc Lefèbvre montre comment le serment du prince est de même nature que celui prêté par les bourgeois en face de lui : il s’agit, en fait, d’un seul genre de serment, celui qui est nécessaire pour entrer dans n’importe quelle fonction publique (v. le développement sur « l’unité du serment de fonction publique » dans J.-L. Lefebvre, Prud’hommes, serment curial et record de cour, op. cit., p. 245-262).
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[42]
J. Houdoy, Joyeuse Entrée d’Albert et d’Isabelle, op. cit., p. 43.
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[43]
Les exemples où le prince prête serment après les habitants sont toutefois rares (voir, à titre d’exemple, l’entrée de Jean sans Peur à Douai en 1405 : cf. AMD AA 94, fol. 78).
-
[44]
J. Gilissen, « Les états généraux des pays de par-deçà (1464-1632) », Anciens pays et assemblées d’états, t. 33, p. 297. Encore Philippe avait-il déjà au préalable préparé cette succession avec Charles Quint en 1549 par une série d’entrées dans les principales villes des Pays-Bas (pour un exemple à Lille, cf. AML 277, fol. 22 v°).
-
[45]
Bibliothèque municipale de Valenciennes (BMV) ms. 675 (anc. 533-1), fol. 181 v°.
-
[46]
Ibidem, fol. 183 v°.
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[47]
Le serment des députés de Valenciennes en 1598 à Bruxelles est ainsi formulé : « Nous, Henry d’Oultreman, à ce jour prévost de la ville de Valenciennes, Anthoine le Poivre, seigneur de Lozel, Rombies, & Nicolas Rasoir, anciens prévostz, et maistre Robert Roze, licentié ès droix, premier conseillier illecq, tous députéz de ladite ville de Valenciennes, ayans esté présens aux cérémonies de la publication et lecture des patentes royalles de la cession et transport, que le roy nostre souverain seigneur et prince naturel a faict de ses pays patrimosniaulx et aultres de pardecha à la sérénissime infante sa fille aismée, et que en vertu de nostre pouvoir, avons accepté pour nostre souveraine dame et princesse naturelle, et sur ce receu de très hault et très puissant prince monseigneur Albert, archiducq d’Austrice, etc. son futur mary comme ayant à cest effect procure spécialle et irrévocable d’icelle, le serment qu’il nous a faict d’entretenir et faire entretenir tout ce que sa majesté à sa réception nous a cy devant et depuis juré et promis tant en général que particulier, moyennant que ferons à son alteze, en la qualité que dessus, serment réciprocque suyvant nostredit povoir : promettons et jurons au nom et de la part de ceulx de ladite ville de Valenciennes et en vertu d’icelluy nostre pouvoir que serons doresnavant à ladite sérénissime infante bons et léaulx subiectz et tiendrons et ferons tenir inviolablement tout ce que de la part desdits de Valenciennes a esté promis et juré à sa majesté à sadite réception, ainsy nous ayde Dieu et tous ses sainctz » (BMV ms. 675 (anc. 533-1), fol. 184 v°-185 v°). En 1600, Le serment prononcé par la population est : « Nous, prévost, juréz, eschevins, officiers, bourgeois, manans et habitans de la ville de Valenciennes, promettons et jurons à vous, sérénissimes princes Albert et Isabel Clara Eugenia, infante d’Espaigne, par la grâce de Dieu archiducqs d’Austrice, ducqs de Bourgoigne, du Thirol, palatins et de Haynau, etc. seigneur et dame de Valenciennes, de vous estre bons et léaulx subiectz, ainsy nous ayde Dieu et tous ses sainctz » (ibidem, fol. 191).
-
[48]
L.P. Gachard, Collection de documents inédits concernant l’histoire de la Belgique, Bruxelles, 1833, p. 450.
-
[49]
T. Louïse, La joyeuse entrée d’Albert et d’Isabelle à Valenciennes, op. cit., p. 35.
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[50]
Le vocabulaire médiéval employait plus fréquemment l’expression « venir à terre » pour désigner l’entrée du nouveau prince : le comte de Hainaut « vient a tiere » à Valenciennes en 1290 (L. Cellier, « Une commune flamande. Recherches sur les institutions politiques de la ville de Valenciennes », Mémoires historiques de l’arrondissement de Valenciennes, t. III, 1873, p. 58), de même le comte de Flandre au xiiie siècle : « Quant de nouviel vient a le tiere de Flandres » (R. Monier, Le Livre Roisin. Coutumier lillois de la fin du xiiie siècle, Lille (Documents et travaux publiés par la société d’histoire du droit des pays flamands, picards et wallons, II), 1932, § 176, p. 113-114). Voir également d’autres références hennuyères dans : A. Scufflaire, « Les serments d’inauguration des comtes de Hainaut (1272-1427) », art. cit., p. 86, n. 15.
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[51]
Les récits des entrées bourguignonnes sont explicites : Georges Chastellain écrit ainsi que Philippe le Bon « prist le possès et héritement du pays comme vray héritier et seul hoir » (cité dans É. Lecuppre-Desjardin, La ville des cérémonies, op. cit., p. 147).
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[52]
La cérémonie est en effet reportée pour le comté de Namur, le duché de Luxembourg et le duché de Gueldre (H. Pirenne, Histoire de Belgique, op. cit., t. IV, p. 226).
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[53]
Cf. AMSO BB 251, pièce n° 21, déjà cité supra.
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[54]
Cf. AMD BB 5, fol 148 et sqq. (délibération échevinale du 3 février 1600) : « Sur les lettres de monseigneur de Billy, gouverneur de ceste province, leues au Conseil pour ce assemblé, contenant qu’il a charge de leurs altèzes de assembler les Estatz de ceste province pour se trouver à Lille, et illecq prester et recevoir de leurs altèzes les serments pertinents, et qu’à ces fins on euist à envoyer députéz de ceste ville en ladicte ville de Lille en plus grand nombre que seroit possible ; a esté dit et advisé de députer un eschevin et le conseiller pensionnaire de ceste ville vers ledict sieur gouverneur, pour luy remonstrer que de tout temps les princes ont faict leurs entrées en ceste ville, y faire et recevoir le serment accoustumé ». La députation doit démontrer la légitimité de la venue des archiducs à Douai, contre la « difficulté survenue sur ce que ceulx de Lille maintenèrent que le serment se debvoit faire par sadicte majesté en ladicte ville de Lille pour toutte la province comme chef lieu d’icelle » alors que « le conseiller pensionnaire de ceste ville seroit seul demeuré audit Lille pour soustenir le contraire et maintenir pour le droit de cestedite ville que sadicte majesté y debvoit faire aussi serment ».
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[55]
H. Pirenne, Histoire de Belgique, op. cit., t. IV, p. 249 ; H. Lonchay, « Le serment de fidélité prêté par les Belges à Philippe III en 1616 », Mélanges Paul Fredericq, Bruxelles, 1904, p. 311.
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[56]
Pour un exemple de députation, cf. BMV ms. 675 (anc. 533-1), fol. 186 et s. : « Serment presté par son altèze sérénissime Albert ou nom de sa majesté catholicque à la ville de Valenciennes et réciprocquement le serment de fidélité des députéz dudit Valenciennes de recepvoir saditte majesté pour seigneur des Pays-Bas, advenant que saditte altèze et infante sérénissime décéda, iceulxdits pays suyvant le traicté […] retournassent à sadite majesté ». Le serment de la ville est ainsi formulé (ibidem, fol. 187 v°) : « Nous, Jehan d’Oultreman, chevalier du Saint-Sépulcre, seigneur de la Marlière, La Motte et Hamel, prévost, sire Jean Vinien, seigneur de la visconté de Forest, Salmonsart, Saultaing, et Jacques Rasoir, escuier, anciens prévostz, et maistre Daniel Lestrelin, licentié ès droictz, premier conseillier pensionnaire de la ville de Valenciennes, représentans le corps d’icelle, et à faire ce que s’ensuit, estans bien et souffisament auctoriséz, pour nous conformer à la bonne volonté de leurs altèzes sérénissimes, et à la proposition que nous a esté faite de la part du sérénissime archiducs Albert, nostre souverain, seigneur et prince, nous ayant en suyte d’icelle et en vertu du pouvoir et mandement espécial donne à son altèze par très hault, très excellent et très puissant prince, le roy d’Espaigne, Philippes troiziesme, presté le serment accoustumé au nom de sadite majesté, et ce pour le temps et cas que suyvant la clause et condition de retour contenue ès lettres de transport faite par feu de très haulte mémoire le roy d’Espaigne Philippes deuxiesme du nom (que Dieu absolve) à la sérénissime infante, madame Isabel Clara Eugenia, nostre souveraine dame et princesse, ladite ville de Valenciennes vienne cy après à succéder, escheoir et retourner à sadite majesté, promettons et jurons que pour le cas et temps de ladite eschéance, nous serons à sadite majesté bons et léaulx subiectz, et tiendrons et ferons tenir inviolablement tout ce que de la part de ceulx de Valenciennes a esté promis et juré à leursdites altèzes sérénissimes à leur réception, ainsy nous ayde Dieu et tous ses sainctz ».
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[57]
Pour un exemple à Lille, cf. AML 277, fol. 23 v° (2 août 1549) : « Le vendredy second jour d’aoust XVC quarante neuf, eschevins, conseil et huyt hommes de la ville de Lille, avec les depputéz des villes de Lille, Douay et Orchies, et baillys des quatre haulx justiciers, assambléz en la halle dudit lille, pour repondre à la proposition faicte par sadite majesté le XVIe de jullet darrnier en la ville de Gand, aux fins y déclarées et cy dessus enregistrées, conclurent pour les bonnes causes et considérations y contenues, de accorder à sadite majesté, de par lesdits haulx justiciers et depputéz desdites villes et chastellenies de Lille, Douay et Orchies, recepvoir monseigneur notre prince son filz à serment et le jurer pour futur prince et successeur des pays d’em-bas pour luy et ses hoirs […] après le trespas de sadite majesté ».
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[58]
H. Pirenne, Histoire de Belgique, op. cit., t. IV, p. 148.
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[59]
À titre d’exemple, pour la députation de Valenciennes en 1623, cf. BMV ms. 676 (anc. 533-2), fol. 124 et sqq. : « Serment presté par l’infante sérénissime Isabel comme procuratrice de sa majesté d’Espaigne Philippe IIIIe en la ville de Bruxelles, et réciproquement serment des députéz de la ville de Valenciennes presté à ladite infante sérénissime au nom de sadite majesté d’estre bons et léaulx subiects, auquel serment de sadite majesté est faict mention qu’icelle entretiendra et observera le traictié de réconciliation datté du XXIIe de novembre de l’an 1579 ». Serment de Philippe IV (ibidem, fol. 124 v°) : « Isabel Clara Eugenia, par la grâce de Dieu infante d’Espaignes, archiduchesse d’Austrice. Sçavoir faisons à tous présents et avenir et recognoissons qu’aujourd’huy seiziesme de mars de l’an mil six cens vingt trois, comparans pardevant nous en la ville de Bruxelles les députés de la ville de Valenciennes, représentans le corps et communaulté d’icelle ville cy après nomméz, muniz de souffisante procuration et autorisation pour recepvoir de nous et nous prester les seremens cy apres inséréz, nous leur avons faict le serment quy s’ensuyt : Nous, Isabel Clara Eugenia, par la grâce de Dieu infante d’Espaignes, en vertu des lettres de procure espéciale et irrevocable que nous avons de très hault, très excellent et très puissant prince le roy monseigneur et nepveu, promettons et jurons que les saincts Évangiles, au nom de sa majesté, à tous les députéz de la ville de Valenciennes représentans le corps et communaulté de ladite, et estans à ce bien et souffisament aucthoriséz, que sadite majesté entretiendra et observera, fera entretenir et observer tout ce que feu de très haulte mémoire le roy Philippe troisiesme de ce nom, père de sadite majesté et frère de nous, que Dieu absolve, a juré et promis a ladite ville ensemble le traicté de réconciliation en date du vingt deuxiesme de novembre mil cincq cens septante neuf, et générallement fera tout ce à quoy un bon seigneur et prince souverain est tenu et obligé, ainsy nous aide Dieu et tous ses sainctz ». Serment des députés de Valenciennes (ibidem, fol. 125) : « Nous, Claude de Hénin, seigneur de Warlain, prévost, Pierre de Croix, chevalier, seigneur de Triette, jadiz prévost, Jacques le Poinvre, seigneur de Gaudbray, et Robert Roze, licentié ès droitz, seigneur de l’Espinoy, premier conseillier pensionnaire de la ville de Valenciennes, représentans le corps et communaulté d’icelle, et estans à faire ce qu’il s’ensuit bien et souffisament authoriséz. Ayans receu le serment qu’au nom de très hault et très excellent et très puissant prince le roy d’Espaignes, Philippe quatriesme de ce nom, nous a présentement fait la sérénissime princesse madame Isabel Clara Eugenia, par la grâce de Dieu infante d’Espaigne, et en vertu de la procure espéciale et irrévocable qu’elle en a de sa majesté, promettons et jurons que nous serons à sadite majesté bons et léaulx subjects ».