Notes
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[*]
Jean Puissant, Professeur émérite à l’Université Libre de Bruxelles (CIRHIBRU), Avenue F.D. Roosevelt, 50, B – 1050 Bruxelles.
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[1]
Ce texte reprend des éléments développés dans J. Puissant, « La brique dans le ventre des Belges : une construction politique efficace », dans Les Cahiers des Sciences Administratives, n° spécial « Les logements sociaux » réd. G. Generet, Bruxelles 13/2007, p. 9-22.
Cf. également de manière plus générale : L. R. H. Guerrand, Les origines du logement social en France, Paris, 1966 ; E. Gauldie, Cruel habitations: a history of working class housing 1780-1918, London, 1974 ; M. Smets, L’avènement de la cité-jardin en Belgique. Histoire de l’habitat social en Belgique de 1830 à 1930, Bruxelles-Liège, 1977 ; Housing strategies in Europe, 1880-1930 éd. C.G. Pooley, London-New York, 1992 : en particulier P. Van den Eeckhout, « Belgium », p. 190-220 ; « L’habitat ouvrier au xixe siècle », C. Lis e.a. (ed.), Revue belge d’histoire contemporaine, 3-4, 1977 ; « De l’Utopie au Réel 1919-1994 : 75 ans de logement social en Wallonie », ouvrage accompagnant l’exposition « Les Chiroux », Liège, 1994 ; J. Miller, M. Cassiers, A. Forti, « Du logement ouvrier au logement social. Inventaire du logement ouvrier et social ancien en Wallonie et à Bruxelles », Les Cahiers de l’Urbanisme, 6, Liège, 1989 ; J. Puissant, C. Huberty, « D’un siècle à l’autre : du logement ouvrier à l’habitat social », dans Lieux de mémoire sociale, L’Observatoire 92/5-6 septembre-décembre 1992, p. 52-58. -
[2]
N. Voss et P. Lebrun, Le premier ensemble de maisons ouvrières : Les « Grandes Rames » de Verviers (1792-1853), Histoire quantitative et développement de la Belgique (xixe-xxe siècles), Bruxelles, 2004.
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[3]
H. Watelet, Une industrialisation sans développement : le bassin de Mons et le charbonnage du Grand-Hornu du milieu du xviiie au milieu du xixe siècle, Louvain La Neuve-Ottawa, 1980 ; K. Simonis-Boon, « Bosquet-Ville ou les carrés de Bois-du-Luc : architecture sociale du xixe siècle », dans Bois-du-Luc 1685-1985, La Louvière, 1985, p. 59-76. Outre les carrés, d’autres bâtiments seront construits qui font de ce site minier (siège d’exploitation, ateliers et bureaux, maison de direction, école, salle des fêtes, parc et kiosque à musique, hôpital, hospice, église) un des sites industriels préservés les plus exceptionnels d’Europe : cf. J. Puissant, « Préface », dans Bois du Luc…, p. 6-13.
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[4]
Royer de Dour, Les habitations ouvrières en Belgique, Bruxelles, 1890, cité par P. Van den Eeckhout (1992).
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[5]
W. Steenssels, Proletarisch wonen Antwerpen 1975, cité par M. Smets (1977).
-
[6]
C. Piérard, « Les logements sociaux à la fin du xixe siècle et la cité Hoyaux à Mons (Cuesmes) », Revue belge d’histoire contemporaine, VIII, 1977, 3-4.
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[7]
R. Leboutte, J. Puissant, D. Scuto, Un siècle d’histoire industrielle. Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, coll. Industrialisation et société (1873-1973), Paris, Sedes, 1998.
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[8]
L. Bertrand, Le logement de l’ouvrier et du pauvre en Belgique, Bruxelles, 1888 ; cf. P. Van den Dungen, La foi du marbrier. Louis Bertrand (1856-1943), acteur et témoin de la naissance du socialisme en Belgique, Bruxelles, 2000.
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[9]
Sur cet aspect : E. Gubin, « Home, sweet home. Le modèle de la femme au foyer en Belgique et au Canada », Revue belge d’histoire contemporaine, XXIII 3-3, 1991, p. 521-568.
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[10]
1886. La Wallonie née de la grève ?, Actes du colloque de Liège, Bruxelles, Labor, 1990.
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[11]
J. Puissant, « 1886, la contre-réforme sociale ? » 100 ans de droit social belge, P. Van der Vorst (éd.), Bruxelles, 1re éd. 1986.
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[12]
Cf. E. Gubin, « Les enquêtes sur le travail en Belgique et au Canada au xixe siècle », dans G. Kurgan-van Hentenryk (dir.), La question sociale en Belgique et au Canada, Éd. ULB, 1988, p. 93-121.
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[13]
A. Stélandre, « Épargne et propriété. La loi du 9 août 1889 sur les habitations ouvrières », Le logement ouvrier dans l’impasse ? Les Cahiers de La Fonderie, n° 6, juin 1989.
-
[14]
Louis Bertrand et l’essor de Schaerbeek, Bruxelles, 2000 ; « Le Foyer Schaerbeekois » a 100 ans, Les dossiers de La Fonderie, Bruxelles, 1999.
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[15]
« 3 000 Foyers Bruxellois (75e anniversaire) », Les dossiers de la Fonderie, Bruxelles, 1997 ; P. Van den Eeeckhout, « Onder dak in de Marollen. Wonen in de cité Hellemans (1916-1945) », Brood en Rozen 2007/3, p. 5-26.
-
[16]
P. Van den Eeckhout, « Belgium », op. cit.
-
[17]
Son principal fondateur et dirigeant, Émile Vinck (1870-1950), avocat, a été le secrétaire de l’Association des élus communaux et provinciaux socialistes et le responsable du Bulletin communal qu’elle éditait. Il est également le fondateur de l’Union internationale des villes et communes (Gand 1914).
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[18]
M. Smets, op. cit., p. 100 et sq.
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[19]
Cité par M. Smets, op. cit., p. 106.
-
[20]
Voir tableau de P. Van den Eeckhout, op. cit, p. 210. Il convient de souligner que l’application de la loi de 1889 a bénéficié de la forte période de croissance économique entre 1893 et 1914 (phase A de Kondratiev).
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[21]
Données 1937 dans F. Gosseries, L’habitation à bon marché, les taudis, les familles nombreuses en Belgique, Louvain-Bruxelles, 1939.
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[22]
Cf. « Décider son logement, l’habitat coopératif à Bruxelles », Les cahiers de La Fonderie, Hors série, Bruxelles, 1993.
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[23]
Cf. La coopération, un des principaux piliers sociaux de l’organisation politique belge, éd. J. Puissant et G. Vanthemsche, Revue Belge d’Histoire Contemporaine, XXII, 1991,1-2.
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[24]
Vivre à Moortebeek, 60e anniversaire, Anderlecht, 1981.
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[25]
Idem.
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[26]
Cf. « Un toit pour tous. La 8e semaine sociale du Mouvement ouvrier chrétien (MOC) », Politique, n° hors série, 2006.
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[27]
« Housing statistics in the European Union 2004 » cité ibidem p. 43.
La question de l’habitat collectif
1Qu’est-ce qu’un habitat collectif ? Un habitat, propriété collective ou publique par rapport à l’habitat privé ? Un habitat groupé, sur plusieurs niveaux, bénéficiant de structures communes, sous-traitant des services communs ou un habitat « pavillonnaire » coordonné avec ou sans infrastructures communes ? Nous partageons avec la France l’expérience exceptionnelle du familistère Godin (Guise et Bruxelles). Il s’agit là incontestablement d’un exemple parfait d’habitat collectif, mais d’origine privée. Ou bien s’agit-il d’habitat d’initiative, de financement publics ou para-publics (HLM ou HBM ?). Ou bien s’agit-il d’habitat coordonné ou non, qui donne naissance en raison de son organisation, de sa situation, à une vie collective, à une identité particulière de quartier (comme les corons miniers) ?
21. Nous choisirons pour illustrer l’exemple belge d’évoquer « l’habitat social » subventionné et réglementé par les pouvoirs publics et ses origines.
32. Nous montrerons également que la politique menée dans ce pays a privilégié l’accès à la « propriété privée » plutôt que le développement de « l’habitat social » et, dans cette perspective, la maison unifamiliale en zone rurale ou semi rurale et son petit potager « si moralisateur » (Charles Potvin), plutôt que les grands ensembles d’appartements caractéristiques des « golden sixties » destinés à la co-propriété de la moyenne bourgeoisie.
4La question du logement dans l’évolution des sociétés humaines est récurrente. Mais la révolution industrielle, qui bouleverse l’organisation de l’espace traditionnel d’Ancien Régime (de l’ordre de 80 % d’habitat rural et de 20 % d’habitat urbain), et favorise une croissance démographique rapide, transforme la question du logement du plus grand nombre en question sociale majeure (80 % d’habitat urbain contre 20 % d’habitat rural) La population belge augmente de 70 % entre 1846 et 1910, celle de Bruxelles de 360 %. En 1856, 65 % de la population vit dans une commune de moins de 5 000 habitants contre 23 % dans une commune de plus de 10 000, tandis qu’en 1910, ces taux s’élèvent respectivement à 33 et 41 %. En 50 ans, la répartition spatiale de la population et donc de l’habitat a été bouleversée.
5Dès les premières enquêtes sociales, celles de Villermé en France, de Ducpétiaux en Belgique, la dégradation des conditions de logement dans les villes et les agglomérations industrielles nouvelles attire fortement l’attention des observateurs.
6Constructions précaires, densification du bâti (les impasses), division des logements existants (location de « quartiers », de chambres), augmentation du nombre moyen de personnes par pièce occupée, expliquent cette dégradation, observable dans toutes les sociétés industrielles, hier comme aujourd’hui [1]. Les nouveaux arrivés y contribuent, cherchant à se loger au moindre coût. En 1846, à Bruxelles, 45 % des logements se composent d’une pièce, 22 % de deux. Depuis le rapport précurseur d’Édouard Ducpétiaux sur l’état des habitations de la classe ouvrière de Bruxelles (1841) et son étude sur la mortalité à Bruxelles en comparaison avec d’autres villes (1843), toutes les enquêtes sociales se penchent sur la question du logement jusqu’à celle, capitale, de la Commission du Travail en 1886. On y voit à la fois un symptôme et une cause de la crise sociale, mais aussi un levier utile pour la combattre. Ducpétiaux, très vite, jette les bases de l’argumentaire répété ensuite avec des intonations particulières par divers auteurs. L’amélioration des conditions de logement permettra de lutter avec efficacité contre les épidémies dévastatrices, contre les causes de morbidité en général, contre l’immoralité de la classe ouvrière (le rôle de la femme apparaît rapidement comme central, comme cause principale de l’immoralité, mais aussi comme moyen de l’éradiquer en l’éduquant systématiquement au bon exercice de ses « fonctions naturelles », à la tenue de son ménage en particulier), et enfin contre les risques de désordre social.
Rentabilité, productivité et philanthropie
7Ce sont des entrepreneurs qui, les premiers, s’occupent du logement ouvrier dans une double perspective : une perspective disciplinaire cherchant à contrôler la main-d’œuvre nécessaire à l’activité industrielle, c’est le cas en particulier dans les charbonnages, mais aussi une perspective philanthropique, soucieuse de la situation sociale nouvelle. Ces deux aspects forment la base économique et morale du paternalisme entrepreneurial, caractéristique des premières étapes de l’industrialisation. La Belgique offre quelques beaux exemples précoces de ce type.
8Les « Grandes Rames » à Verviers, à proximité de la Vesdre, jouent un rôle précurseur [2]. À la fin du xviiie siècle, la ville est devenue un important centre industriel lainier et les autorités s’inquiètent du paupérisme adjacent dès 1782. Le magistrat évoque, en 1792, « la nécessité de construire des maisons pour le peuple ». Ce sont de gros industriels de la place, Simonis et Biolley, qui dégagent, avec l’appui de souscripteurs (industriels et notables locaux), les fonds nécessaires pour construire 10 bâtiments de 16 logements (1808-1828) sur des terrains communaux et d’autres, expropriés à cet effet. La gestion est exercée par l’administration des hospices à son bénéfice. D’emblée, l’ambivalence est présente : logement des plus démunis ou logement ouvrier ? Mais c’est bien la main-d’œuvre de l’industrie textile qui est visée. Il est, en effet, envisagé de placer des métiers à tisser dans les combles. Ou de réserver x logements aux ouvriers de telle entreprise. Les 160 quartiers, distribués le long d’un couloir sur 4 niveaux, ont une superficie de 18 m2 et un volume de 47 m3. Ils accueillent en moyenne un peu moins de 5 personnes, soit au total de l’ordre de 800 personnes. Des infrastructures collectives existent (cuisines mais pas latrines). La gestion directe de 6 des 10 immeubles est affermée à une personne contre rémunération de 5 %, à charge pour elle de trouver les sous-locataires et de percevoir les loyers. L’effort est important, mais les résultats doivent se mesurer à l’aune de la révolution industrielle naissante. Dans la perspective d’obtenir la main-d’œuvre nécessaire à leurs activités, en assurant des conditions de logement particulièrement attractives et exceptionnelles pour l’époque, les charbonnages du Grand-Hornu (bassin minier du Couchant de Mons, Borinage), puis du Bois-du-Luc (bassin du Centre, La Louvière) font construire des cités ouvrières d’une ampleur considérable, respectivement 424 (1822-1832) et 162 maisons (1836-1853). On estime que chaque habitation peut loger 4 à 5 travailleurs [3]. D’autres entreprennent des réalisations de moindre importance comme les cristalleries du Val Saint-Lambert à Seraing (Liège, 1825-1834), la faïencerie Boch-Kéramis à La Louvière (1842), qui accueille des ouvriers qualifiés de Sarre et du Luxembourg, la cité de l’Olive (charbonnage de Mariemont-Bascoup Morlanwelz, 1854), ou selon des principes différents comme le familistère de Laeken (Bruxelles), réalisé par le fabricant de poêles J.B. A. Godin à l’instar de celui de Guise (1887 : 72 logements). On peut aussi signaler les phalanstères pour ouvriers célibataires ou migrants, comme celui érigé par Pauwels à Molenbeek (faubourg industriel de Bruxelles), l’Hôtel Louise (1872) à Micheroux (charbonnages du Hasard : Liège), à côté d’une cité plus classique qui peut accueillir 200 mineurs. Le plus souvent, des équipements collectifs associés améliorent l’aspect spartiate des logements (à l’exception notoire du Grand-Hornu où la réussite exceptionnelle d’un nouveau forage dégage des moyens financiers qui permettent de construire des logements d’un gabarit et d’une qualité totalement inhabituels à l’époque). Des équipements collectifs tels : buanderie, cantine, salle des fêtes, école, distribution d’eau chaude provenant des machines à vapeur sont créés, tous ou certains d’entre eux selon le cas.
9L’inventaire n’est sans doute pas exhaustif, mais il relève les quelques exemples constamment répétés dans la littérature. Chacun d’entre eux présente un intérêt considérable, mais réunis, ils soulignent l’absence presque totale d’initiatives cohérentes, a fortiori d’une quelconque politique en la matière et en fin de compte la marginalité absolue de ce type d’initiative. Bien plus, ces exemples se raréfient dans la seconde moitié du siècle en raison du triomphe du libéralisme économique et des contraintes de la grande crise de la fin du siècle qui obligent les entreprises à réduire leurs coûts. Le familistère de Laeken confirme la règle générale, puisque cet exemple tardif est dû à un entrepreneur, sans doute, mais « socialiste », qui réalise l’utopie de son inspirateur Charles Fourier. C’est le seul exemple d’habitat collectif dont l’organisation et les lieux adaptés impliquent une collectivité vivante. C’est une des raisons (outre la qualité, vieillie, du logement), de l’abandon de cet habitat dont l’aspect collectif est en rupture avec l’individualisation des comportements et la fuite du contrôle social organisé, explicite et implicite (1971). Cette initiative totalement originale, incontestablement d’inspiration socialiste, ne doit pas masquer le fait qu’elle est aussi un parfait exemple de contrôle social entrepreneurial de la main-d’œuvre. Pour les entrepreneurs, il s’agit effectivement de bénéficier de la base de main-d’œuvre fidèle, fondement de l’exploitation, qui se succède de génération en génération, préservée en période de crise. Selon Royer de Dour, il y aurait 4 000 logements « patronaux » en 1889 [4].
10Une mesure prise, après la crise de 1848, par le ministre libéral Charles Rogier (très influencé dans sa jeunesse par le socialisme utopique de Saint-Simon) que l’on trouve derrière la plupart des mesures importantes du point de vue social, autorise les institutions de bienfaisance municipales à s’engager sur ce terrain : 790 logements sont construits dans ce cadre de 1859 à 1889 par les bureaux de bienfaisance à Anvers, Gand, Heusy, Jodoigne, Morlanwelz, Mons, Nivelles, Wavre [5].
Les assainissements nécessaires
11Ce sont les problèmes sanitaires des villes (les dernières grandes épidémies de choléra des années 1840 et 1860) qui provoquent l’intervention de la puissance publique locale et nationale, par des mesures réglementaires suscitées par les constatations inquiétantes de l’observation. Les comités de salubrité publiques, puis le conseil supérieur d’hygiène publique (1849), organisateur de congrès nationaux et internationaux (1851, 1852), font des propositions à l’origine de premières réalisations. Les exemples anglais et français y sont présentés. Une loi de 1867 (Rogier toujours) favorise fiscalement les sociétés anonymes qui construisent des logements ouvriers (la libération du statut des SA ne date que de 1873). Des sociétés se créent à Anvers, Bruxelles, Charleroi, Liège, Tournai et Verviers, comme celle des habitations ouvrières de Bruxelles, créée à l’initiative de Ducpétiaux, par des banquiers et philanthropes de la capitale (les maisons ouvrières de la chaussée de Dilbeek à Molenbeek, la cité de Linthout à Schaerbeek). 1 100 logements ont été réalisés par ces sociétés avant 1889. À Mons, un particulier tente, dans les années 1880, de créer un quartier ouvrier pour accueillir la main-d’œuvre du nouvel arsenal des chemins de fer à Cuesmes. Opération classique de promotion immobilière ? Émile Hoyaux s’en défend en insistant sur l’objectif social et non lucratif de son projet de 300 maisons. Il obtiendra une médaille d’or à l’exposition universelle de Paris en 1889 dans la section d’Économie sociale. Mais seules 74 maisonnettes ouvrières et 12 plus cossues sont construites [6]. Le capital immobilisé est considérable, les loyers demandés trop élevés pour des ouvriers dont les revenus ne sont pas garantis et la rentabilité locative faible et aléatoire. Au-delà des milieux « philanthropiques », les investisseurs ne se sont pas pressés dans ce créneau. En revanche on peut encore observer des initiatives d’investisseurs privés (rue de la Poudrière à Bruxelles par exemple), qui placent la rentabilité avant l’objectif social d’un logement de qualité. De manière plus générale, la loi de 1858, qui introduit l’expropriation par zone, ouvre la voie à des entreprises d’assainissement de quartiers anciens, tandis que celle de 1867 l’étend à toute entreprise d’urbanisation. Dans tous les cas, l’application de cette législation n’entraînait aucune contrainte en matière de création d’un habitat populaire de qualité à bon marché. On peut le vérifier à Bruxelles lors du voûtement de la Senne et de la réalisation des grands boulevards (aux alentours de 1870) : rien n’est effectué en matière d’un tel habitat. Il en est de même lors des travaux de la Jonction Nord-Midi (première moitié du xxe siècle), ou plus récemment du projet Manhattan dans le quartier Nord (années 1970) où l’offre existe, mais tardive et insuffisante. En revanche, la création des abonnements ouvriers pour les chemins de fer de l’État (1869), puis la création des chemins de fer vicinaux (1884) auront pour effet de diminuer la pression sur le logement dans les villes et les bassins industriels, en permettant à un nombre croissant d’ouvriers de continuer à vivre dans leur village et de se déplacer quotidiennement ou chaque semaine pour aller travailler. La Belgique devient ainsi un marché du travail unifié dès le début du xxe siècle. Ces mesures, qui ne poursuivaient pas nécessairement cet objectif, ont contribué à limiter le phénomène de concentration urbaine observable dans les autres pays industrialisés, bien plus vastes aussi [7].
12La situation générale ne s’est pas sensiblement améliorée après 50 ans d’indépendance, ce qui permet à Louis Bertrand, ancien ouvrier devenu journaliste, co-fondateur du Parti Ouvrier Belge (POB) qui a personnellement vécu des difficultés de logement, de dresser un tableau particulièrement négatif en 1888 [8]. Au total, toutes formes confondues (patronales, bureaux de bienfaisance et entreprises privées encadrées), moins de 6 000 logements ont été construits en trois quarts de siècle, tandis que le pays compte plus d’un million d’unités de logement. Le modèle qui prévaut est déjà celui de la petite maison, mitoyenne, individuelle principalement, dans les régions industrielles. À Bruxelles, ce sont plutôt de petits bâtiments de plusieurs logements (souvent quatre). Les Grandes Rames de Verviers et le familistère Godin de Laeken constituent l’exception.
13C’est donc, essentiellement, par l’encouragement de l’initiative privée, qu’a débuté la politique de logement en Belgique, ce qui n’a rien d’étonnant dans un pays parangon du libéralisme en Europe au xixe siècle.
L’ouvrier propriétaire, clé de la question sociale !… « et sa femme, ménagère idéale » [9]
14Les troubles sociaux qui agitent les sociétés industrielles en Europe et en Amérique du Nord, au climax de la crise de la fin du xixe siècle (1886), sont particulièrement violents en Wallonie [10]. Ils entraînent des réactions en chaîne, à l’origine de la politique de logement du xxe siècle. Une commission d’enquête sur le travail est mise en place, qui, sur la question qui nous concerne, confirme et nourrit le constat déplorable fait par Louis Bertrand. Elle permet surtout à un groupe d’observateurs sociaux, catholiques conservateurs, disciples du sociologue contre-révolutionnaire français Frédéric Le Play, réunis au sein de la Société belge d’économie sociale, de défendre leur projet de société, car ils sont persuadés de la nécessité d’une « réforme sociale » pour éviter « la révolution ». Et de déposer au Parlement, dominé par une large majorité catholique (gouvernement Beernaert), les premiers éléments de la politique sociale du pays, rompant dans une certaine mesure avec la politique libérale de non intervention suivie jusqu’alors [11].
15Le rapporteur de la Commission du travail en matière de logement, l’ingénieur fonctionnaire Charles Lagasse de Locht, actif leplaysien, fait d’abord rapport au Congrès catholique des Œuvres sociales de Liège (1886) dont il obtient l’appui (à titre anecdotique et contrairement à ce que répète l’historiographie courante, nous pouvons observer, ici aussi, que la législation envisagée précède les travaux et les conclusions de la commission d’enquête, qui se révèle n’être qu’un moyen politique de gestion de la crise [12]). La proposition faite à la commission par l’économiste et sociologue Hector Denis, professeur à l’Université Libre de Bruxelles, membre du POB, de créer une société nationale du logement (réunissant État, communes, bureaux de bienfaisance) est repoussée, tandis qu’est adopté le programme de la loi de 1889, la plus importante de celles votées après les mouvements sociaux. La loi privilégie l’accès à la propriété de l’ouvrier dans une perspective de conservation sociale.
« Je n’ai pas la prétention de vouloir rendre propriétaire la classe ouvrière… En supposant que, après des années d’efforts, nous parvenions à ce résultat que 10 % des ouvriers possédassent une parcelle du sol national, nous aurions accompli l’œuvre la plus belle et la plus conservatrice qu’il soit en notre pouvoir de réaliser »
17déclare de Smet de Naeyer (industriel, député catholique de Gand, futur chef du gouvernement) [13]. En 1895, de Bavay, président de « l’Association pour les logements ouvriers », renchérit :
« … Et nous nous déclarons satisfaits quand, une fois la maison achevée, nous réussissons à nous faire rembourser à la longue sans éprouver de pertes. En rendant l’ouvrier propriétaire et, par cela même, conservateur et ami de l’ordre, nous croyons n’avoir pas perdu notre temps. »
19La loi crée dans chaque arrondissement un comité de patronage chargé d’une enquête et d’études permanentes sur la question ainsi que de l’organisation de concours d’ordre et de propreté destinés à encourager la discipline privée des ménages ouvriers couronnée de distribution de prix, mais aussi à donner leur accord aux propositions de constructions. Une banque parapublique (garantie par l’État), la Caisse Générale d’Épargne et de Retraite (CGER-1865), est chargée d’accorder des prêts à taux réduits (2,5 %) et des assurances-vie aux particuliers et sociétés qui font construire des logements à des coûts plafonnés au bénéfice exclusif des salariés, exemptés d’impôts et taxes. Les comités de patronage ne disposent d’aucun pouvoir décisionnel sur les logements anciens (voire nouveaux en dehors du cadre de la loi), mais d’une influence incitative (les concours). Dans ce cas précis, la responsabilité de « la qualité » du logement pèse sur l’occupant, et non sur le propriétaire.
20C’est ici qu’intervient la politique de formation systématique des femmes d’ouvriers à l’exercice de « leurs fonctions naturelles » (ménage, cuisine et élevage des enfants). La loi est un succès, mais dont l’impact reste encore limité. Surtout, l’objectif politique est en partie détourné. Il avait pourtant été renforcé en 1893, lors de l’introduction du suffrage masculin à vote plural, par l’introduction du vote supplémentaire accordé au père de famille, âgé de trente ans payant 5 francs d’impôt (propriété), proposition du député catholique de Louvain A. Nyssens, lui aussi leplaysien actif. En effet, le social-démocrate Louis Bertrand, devenu échevin (adjoint au maire) des finances dans la commune en expansion rapide de Schaerbeek (Bruxelles), persuade sa majorité (libérale, libérale progressiste, socialiste) de créer « Le foyer Schaerbeekois » (1899), sous forme de société anonyme dont sont actionnaires la commune, le bureau de bienfaisance publique, les hospices, la société coopérative « Le réfectoire scolaire » et quelques mandataires communaux [14]. Il en devient l’administrateur-délégué. Ici, l’objectif est le logement (et non l’accès à la propriété), la lutte contre les taudis, les logements collectifs avec équipements communs.
21Mais bien vite, après de premières réalisations aux limites de l’urbanisation pour bénéficier de terrains bon marché, le bureau de bienfaisance et les hospices dénoncent la politique menée, qui néglige l’assainissement de quartiers anciens. C’est la raison de la construction de la Cité l’Olivier (1905), en lieu et place d’impasses insalubres, sur un terrain racheté par la commune pour y construire une école. Mais l’opération (50 logements) s’avère onéreuse (coût de la destruction-reconstruction, auquel se rajoute le coût de l’expropriation). C’est la politique de construction sur des terrains inoccupés, bon marché donc, qui se poursuit, importante dans l’histoire de l’urbanisation de la commune (267 logements avant 1914), qui connaît, notamment en raison de cette politique volontariste, la croissance la plus forte de l’agglomération bruxelloise, mais qui ne joue pas le rôle espéré d’assainissement de l’habitat dégradé. De plus, cette entreprise, qui ne réalise que quelques logements à la vente, favorise indirectement la location à des milieux ouvriers qualifiés, stables, disposant de revenus suffisants et réguliers ainsi qu’aux ouvriers des institutions publiques (chemin de fer, eau, gaz, électricité, services communaux… etc.). Les incontestables aspects positifs de cette entreprise pionnière (1420 unités réalisées en 1926) sont à l’origine des nombreuses sociétés « municipales » de logements sociaux qui se multiplient dans les années qui suivent (« Logements Molenbeekois » en 1900, « Foyer Ixellois » en 1906…), ou de l’entreprise directe de la ville de Bruxelles, dans La Marolle (la cité Hellemans 1916 : 7 blocs de 40 appartements chacun répartis sur 4 étages, en lieu et place d’impasses insalubres) qui précède « Le Foyer Bruxellois » (1922) [15]. Les délogés ont priorité, mais, étant trop nombreux, il est procédé à un tirage au sort. 181 ménages, soit 650 personnes, n’ont pu être relogés.
22Le bilan de la loi de 1889 est donc positif, même s’il est encore limité. Jusqu’en 1914, 176 sociétés de construction et de crédit agréées réalisent 63 000 logements (2 520 logements par an en moyenne). 80,7 % des crédits sont distribués en Wallonie, 15,6 % en Flandre et 3,7 % à Bruxelles) [16] : dix fois plus donc que lors de la période précédente, pourtant trois fois plus longue. Le modèle privilégié est celui de l’habitat rural ou semi rural : maison unifamiliale, avec le « petit jardin si moralisateur », pavillonnaire ou en alignement viaire, qui pèse désormais sur la politique de logement. La cité Hellemans constitue l’exception. Le rythme s’accélère, les quantités augmentent. L’objectif de conservation sociale par l’accession à la propriété qui dominait est détourné, mais de manière quantitativement marginale par la social-démocratie naissante qui privilégie l’accès au logement locatif de qualité. Ces pratiques municipales sont les seules à s’attaquer à l’éradication des taudis et au relogement de leurs habitants, mais toujours de manière déficitaire (il y a plus de personnes délogées que de personnes relogées).
23Ce sont désormais les deux voies de la politique du logement en Belgique, complémentaires et concurrentes, observables au cours du xxe siècle.
L’intervention directe de la puissance publique
24La guerre influence bien sûr la politique ultérieure. Les destructions (84 000 unités de logements détruites ou endommagées) dans les régions touchées par les combats, en particulier dans la zone du front, et le relogement des réfugiés impliquent une intervention forte de l’État après 1918. Elle est facilitée politiquement par la constitution de gouvernements d’union nationale (1916-1921) et les premières participations gouvernementales du POB qui y est, par doctrine, favorable (coalitions catholiques, libéraux, socialistes). En fait, dès 1910 et l’apparition de majorités parlementaires alternatives sur des questions sociales (Jeune droite, démocrates chrétiens, socialistes et libéraux progressistes), les propositions d’Hector Denis sur la création d’une société nationale rencontrent progressivement des appuis à l’extérieur du POB, en particulier dans les Comités de Patronage, dans les milieux politiques et sociaux, mais aussi au sein de l’Union des Villes et Communes de Belgique, récemment créée, où les sociaux-démocrates qui ont des visions et des pratiques en matière de politique urbaine peuvent exercer leur influence [17]. (Une proposition de loi est déposée en ce sens en 1914).
25La loi de 1919, portant création de la Société nationale des logements et habitations à bon marché (SNHLBM, désormais SNHBM), est le résultat de cette évolution et des conséquences de la guerre. Marcel Smets [18] considère que ses faiblesses sont dues à sa définition d’avant-guerre et au fait qu’elle ne tient pas compte de l’inflation galopante, des besoins énormes, issus de la guerre, et du « ralentissement économique » qu’elle a provoqué. Des programmes ont été poursuivis durant le conflit, comme par exemple ceux de la cité Hellemans, ou celui de la fondation Semet-Solvay (industriel), rue Forêt d’Houthulst à Bruxelles, mais globalement la Belgique s’est arrêtée de construire, toute préoccupée de la survie quotidienne de sa population.
26La loi de 1919 est pourtant fortement novatrice. La SNHBM reprend les attributions des comités de patronage (1889) mais en les étendant. La nouvelle société a la responsabilité d’agréer les projets, de susciter la création de nouvelles sociétés régionales ou locales et de nouveaux projets, d’attribuer les crédits nécessaires à faible taux d’intérêt (elle remplace donc la CGER qui ne garde son rôle antérieur qu’avec les sociétés de crédit à la construction), de fournir une aide urbanistique et architecturale, sous la forme de modèles utilisables afin de rationaliser la conception et la réalisation, une aide juridique pour les acquisitions et les adjudications, de fournir des plans types, de travailler à l’industrialisation de la production en cherchant de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques de construction, de faire circuler l’information internationale et nationale. Elle publie une revue, L’Habitation à Bon Marché (1921-1939). Elle ira jusqu’à constituer des stocks de matériaux pour anticiper l’inflation et diminuer les coûts. Elle bénéficie de la collaboration d’une pléiade de jeunes architectes urbanistes, modernistes, de talent (en pleine professionnalisation du métier) dont plusieurs ont vécu aux Pays-Bas, en Angleterre, en France durant le conflit et ont accumulé des expériences multiples : Bourgeois, Brunfaut, Diongre, Eggerickx, Haeben, Hoste, Pompe, Puissant, Van der Swaelmen, Verwilghen…. Il s’agit pour eux « de créer le cadre matériel d’un ordre social nouveau », qui, selon R. Verwilghen, influencera l’urbanisme général [19].
27En 1938, il existe 253 sociétés anonymes agréées dont le capital peut provenir de la SNHBM, des provinces, des communes, des commissions d’assistance publique, d’industriels, de particuliers. Il existe ainsi 14 sociétés coopératives, 14 sociétés industrielles (charbonnages en particulier) et 6 sociétés spéciales, comme les homes d’infirmières. Les logements concernés, à « bon marché », ont une valeur plafonnée, tandis que leurs occupants « peu aisés » (catégorie imprécise, toujours en usage de nos jours), sont nécessairement des salariés, appointés, gagés aux revenus plafonnés, mais dans les deux cas avec des barèmes différenciés, selon les régions. L’État avance des fonds à la SNHBM, qu’il subventionne par ailleurs, des capitaux à faibles taux d’intérêt remboursables en 66 ans. C’est la formule qui perdure tout au long du siècle. Il l’autorise à emprunter à partir de 1927. Fin 1938, 60 670 logements ont été construits (47 560 maisons et 13 110 appartements), soit 3 193 par an en moyenne, malgré la crise qui a sérieusement ralenti le rythme (il y en avait déjà 54 000 en 1934) [20]. Si l’idéal de la cité-jardin est bien présent et prôné par les concepteurs, il est rapidement réduit par l’exigence de la diminution des coûts. Marcel Smets rappelle qu’il n’existe pas de véritable cité-jardin en Belgique, mais plutôt des « quartiers jardins ». De plus, le jardin est souvent réduit au petit potager, cher au xixe siècle puisqu’il permet à l’ouvrier un loisir sain, loin des perversions multiples de la ville (cabaret, consommation, agitation), ainsi qu’un complément alimentaire et donc un surplus de revenu non négligeable.
28On observe aussi que désormais les « cités ouvrières patronales » s’intègrent à la législation de 1919. C’est le cas pour la construction des « cités » de nouveaux charbonnages comme ceux d’Hensies-Pommeroel en Hainaut ou du nouveau bassin campinois (Waterschei, Winterslag…) en Limbourg.
29La dynamique est plus forte en Flandre, contrairement à la période précédente, en raison de l’existence des régions les plus touchées par la guerre, du retard à rattraper et en raison du renouveau économique, en particulier industriel, qui la caractérise à cette époque [21].
Situation en 1937
Situation en 1937
30On peut observer que la Wallonie se caractérise par un plus grand nombre de sociétés agréées et un moins grand nombre de logements réalisés par société, un plus grand émiettement donc qu’en Flandre ou, évidemment, à Bruxelles.
31La SNHBM, présidée par Émile Vinck, privilégie l’objectif social-démocrate d’offre de logements locatifs de qualité. L’aspect le plus spectaculaire de cette orientation est l’œuvre des sociétés coopératives de locataires (voir infra) qui se multiplient rapidement (elles sont 13 en 1926, 14 en 1938), mais restent très minoritaires [22]. 20 % des logements sociaux existants actuellement sont construits entre 1922 et 1930 (contre 4 % avant 1914).
Retour à l’accès à la propriété
32Le changement de politique qui intervient en 1922 et qui est confirmé en 1927 (coalitions de centre-droit : catholiques et libéraux) est dû à divers facteurs, mais l’argumentation s’est focalisée sur les coopératives considérées comme outrageusement favorisées, dans la mesure où les coopérateurs ne devaient souscrire que 10 % du capital, tandis que les pouvoirs publics (État et provinces) souscrivaient pour trois fois plus. Le soupçon existe aussi, à l’instar de Vienne, de voir une « ceinture rouge » enserrer Bruxelles. Le bourgmestre de Watermael-Boitsfort, le libéral Wiener, accuse les cités du Logis et Floréal de constituer de véritables armes contre la majorité communale. De plus, la situation financière de l’État est difficile. La politique sociale menée de 1918 à 1921 (journée des 8 h, conventions collectives etc.) a diminué les avantages compétitifs antérieurs de l’économie belge particulièrement ouverte depuis la deuxième moitié du xixe siècle (qui avait profité d’un véritable « dumping social » par rapport à ses partenaires et concurrents européens).
33Par ailleurs, les espoirs de dommages de guerre dus par l’Allemagne s’amenuisent comme peau de chagrin (ce qui explique l’occupation militaire franco-belge de la Ruhr en 1923). Mais surtout la majorité politique a changé, elle est désormais catholique libérale, donc plus à droite. La loi du ministre catholique Moyersoen (1922) s’en prend directement aux sociétés coopératives en réduisant les avantages existants. Elle les oblige à vendre, comme les autres sociétés qui pratiquent la location, des unités de logement pour poursuivre leur programme de construction et introduit un système de primes pour les particuliers « peu aisés » qui achètent ou construisent des maisons « modestes » (on revient donc à la philosophie de la loi de 1889). Le nombre de ces primes dépasse rapidement celui des logements construits sous l’égide de la société nationale (près de 175 000 logements en 1937). La subvention annuelle à la SNHBM est supprimée en 1926. En 1937, 44 % des maisons réalisées sous l’égide de la SNHBM ont été vendues. L’accès à la propriété est donc largement favorisé par rapport à l’accès au logement. Mais ces politiques qui tendent surtout, aux abords des limites de l’urbanisation, à offrir un logement de qualité aux salariés stables, ne s’attaque que faiblement aux questions des taudis et des plus démunis, en situation précaire, qui vivent dans les centres villes.
34C’est l’origine de la création de l’Union nationale contre les taudis (1927), à laquelle participent des milieux philanthropiques conservateurs et la récente Ligue des familles nombreuses du colonel Lemercier (père de 17 enfants), mais aussi la Société nationale de la petite propriété terrienne, qui aura les mêmes attributions en milieu rural que la SNHBM (1935). Des politiques nouvelles sont engagées dès cette année en faveur des familles nombreuses et de l’éradication des taudis. C’est la raison de la création de nouvelles sociétés actives à Bruxelles, l’Assainissement et l’amélioration du logement populaire (ASSAM-1929, au capital apporté par des personnes privées dont le prince de Merode), puis de la Société régionale de logement pour le grand Bruxelles, avec la participation de la Commission d’assistance publique (CAP) de la ville (Sorelo-1935), dont les objectifs concernent plutôt le centre ville. La loi de 1931 favorise l’éradication des taudis en finançant aux deux tiers leur rachat par les communes qui consacrent le terrain au logement social. Elle sera modifiée en 1953 (majorité sociale chrétienne homogène) en portant la subvention à 80 % et en imposant plus de contraintes à la réutilisation des terrains libérés. La loi de 1935, qui autorise la SNBHM à lancer un programme de construction de 4 500 maisons, spécifie que la priorité doit être donnée à la disparition des taudis et logements précaires. Nous sommes alors en pleine politique de relance keynésienne du gouvernement tripartite dirigé par Paul Van Zeeland. Les opérations de destruction-reconstruction se multiplient, mais privilégient désormais les blocs à appartements situés en centre ville.
Après 1945, les enjeux restent identiques
35La seconde guerre a été moins destructrice que la première en Belgique. L’économie, qui ne s’est pas arrêtée, est stimulée par la poursuite de la guerre et l’occupation de l’Allemagne, puis par le plan Marshall. Le système de sécurité sociale intégrée obligatoire pour salariés est mis en œuvre dès 1944. Désormais, la croissance de la population se stabilise. Le « plein emploi » est progressivement atteint, d’autant que la Flandre, en retard de développement, progresse rapidement. Il n’y a pas de crise quantitative du logement. La situation du pays est donc diamétralement différente de celle observée aux Pays-Bas ou en France à la même époque.
36En 1947, on dénombre 38,91 % de propriétaires et 61,09 % de locataires (83,9 % dans les villes de plus de 100 000 habitants). La loi De Taeye (député catholique de Courtrai), en 1948, introduit un système de primes, fort attractif pour les nouveaux propriétaires, en particulier de petites maisons individuelles : c’est le retour de la philosophie de la loi de 1889. Il s’agit d’un événement extrêmement important dans la dynamique urbaine, au moment où l’acquisition de la voiture se démocratise peu à peu. Les nouveaux propriétaires privilégient en effet des terrains peu onéreux à la périphérie des villes. C’est le cas, en particulier, à l’ouest de Bruxelles, au-delà de la zone industrielle et du chemin de fer qui connaît à son tour un développement rapide, comparable à celui de l’est un demi-siècle plus tôt. Ce coup de barre « à droite » provoque, l’année suivante, un coup de barre « à gauche » : la création du fonds « Brunfaut », du nom d’un architecte-urbaniste actif dans le secteur des logements sociaux, député socialiste de Bruxelles (coalition sociale-chrétienne-socialiste de 1947 à 1949) relance les activités de la SNBHM (bâtiments collectifs surtout). Des emprunts à longue durée garantis par l’État, qui endosse la différence entre le taux de l’emprunt et celui du prêt, marquent le retour à la loi de 1919.
37Les initiatives sont encore renforcées par le cri de colère de l’abbé Froidure, contemporain de celui de l’abbé Pierre en France. Il dénonce l’état déplorable des logements des plus pauvres dans le pentagone bruxellois (le centre historique de la ville) et entraîne le jeune roi Baudouin dans son indignation. C’est une opération médiatique productive : loi de 1953 déjà évoquée sur l’éradication des taudis, augmentation des moyens de la SNHBM qui devient, en 1956, la Société nationale du logement (SNL). En 1971, l’inauguration, à Bruxelles, de l’immeuble des Brigittines (151 logements dans la Marolle), symbole de la politique d’assainissement des quartiers anciens et de la lutte contre les taudis, est aussi l’occasion de célébrer le 200 000e logement terminé sous l’égide de la SNL depuis 1919. En revanche, la loi De Taeye a permis de construire 100 000 maisons individuelles entre sa prise d’effet et 1961. Si on tient compte de la vente d’une partie importante (44 % entre-deux-guerres), des maisons construites sous l’égide de la SNBHM, force est de considérer que la politique conservatrice de l’accès à la propriété l’a emporté sur la politique sociale-démocrate d’accès au logement. Le modèle de la maison individuelle est victorieux.
38Le poids politique et la longévité au pouvoir du « monde catholique », sa vision doctrinale de conservation sociale et de défense de la famille, l’expliquent certainement, mais pas seulement. Le modèle de la maison unifamiliale est, en effet, désormais entré dans les mœurs et apparaît dans les sociétés développées comme largement partagé. Il correspond à l’extraordinaire élévation du niveau de vie des « 30 glorieuses » et à l’individualisation croissante au sein de ces sociétés.
Retour sur le logement collectif
39En introduction, nous induisions l’idée que le logement collectif pouvait être abordé différemment d’un point de vue urbanistique et architectural, économique et sociologique. Ainsi, le coron minier, si l’on excepte les réalisations dues à l’initiative de l’entreprise, offre l’exemple de petites maisons ouvrières, d’initiative privée, avec des propriétaires différents, construites sur le même modèle et donnant une image d’unité urbanistique remarquable. Comme ses occupants relèvent d’un statut identique, partagent le même travail, les mêmes rythmes d’existence et d’épreuves, la même culture, il est utile de le considérer comme un système de logement collectif, d’un point de vue historique comme d’un point de vue contemporain. Sauf à préserver un exemple type d’intérêt didactique, la démarche patrimoniale porte à préserver un ensemble de ces maisons, et non chacune d’entre elles : il s’agit bien originellement de « logements collectifs », d’un point de vue sociologique. En revanche, leurs nouveaux habitants qui n’ont pas de statut identique, ni la même existence, ne vivent plus nécessairement collectivement le coron. Il ne s’agit plus pour eux de logements collectifs.
40Inversement, des logements collectifs à fonction sociale, réalisés par des institutions publiques, ne génèrent pas à eux seuls des collectivités. À Molenbeek, faubourg industriel de Bruxelles déjà évoqué, la société municipale de logements construit en 1927 la cour Saint-Lazare, qui fait penser à la cité Godin : un immeuble à appartements (180), organisés autour d’une cour intérieure d’où on gagne les logements par escaliers et coursives extérieures. Les habitants sont pour la plupart des expropriés des travaux de rectification du tracé du canal. Ils vivaient dans de petites maisons unifamiliales. Les hommes trouvaient du travail à proximité en relation avec les activités du canal. Malgré la modernité et la nette amélioration des conditions de vie, les débuts sont très difficiles. Dégradations, incivilités, querelles de voisinage se multiplient. Les modifications de vie déterminées par l’architecture sont insupportables. Un policier y est affecté (comme locataire). Beaucoup d’inactifs obtiennent un travail salarié dans la nouvelle brasserie Van den Heuvel ou aux abattoirs, à la gare de l’Ouest, tous proches. C’est la discipline du travail industriel et la régularité du revenu qui permettront à la cité de trouver la sérénité et les conditions d’une vie collective plus équilibrée.
41En fait, les réalisations les plus proches d’un idéal de logements collectifs (urbanisme, architecture et vie sociale) relèvent des sociétés coopératives de logement qui bénéficient de la loi de 1919. La coopérative, en raison du code de commerce (1873), bénéficie d’un certain nombre d’avantages administratifs et fiscaux. La social-démocratie belge en a fait son cheval de bataille (voir les coopératives de consommation et de production : Vooruit de Gand, La Maison du Peuple de Bruxelles, Le Progrès de Jolimont ou La Populaire de Liège…) [23]. La loi de 1919 ouvre une belle opportunité et les milieux associatifs et syndicaux s’y engouffrent. Deux des plus célèbres d’entre elles à Watermael-Boitsfort (Bruxelles), Le Logis (initialement 457 maisons et 82 appartements construits de 1922 à 1937) (servant de décor au film « Toto le Héros » de Jaco Vandermael avec Michel Bouquet) et Floréal sont le fait, respectivement, d’employés de la CGER et de membres du syndicat du livre. Associés, ils participent à l’élaboration des nouveaux quartiers et de leur futur logement. Réalisées par l’architecte-urbaniste Louis Van der Swaelmen, très actif dans ce vaste mouvement d’après-guerre, de style traditionnel ou moderniste, elles constituent d’incontestables réussites de « banlieues jardins » dotées d’infrastructures collectives importantes. La Cité Moderne (1922-Ganshoren Bruxelles) est, elle, issue d’un cercle culturel, proche des avant-garde, « l’Essor intellectuel », auquel participe, comme coopérateur et comme architecte, Victor Bourgeois.
42Nous disposons de quelques détails significatifs pour la société des « Foyers Collectifs » (Anderlecht-Bruxelles), la première, créée le 12 septembre 1921 [24]. L’initiative est née à « La Maison du Peuple » et réunit employés de la coopérative, militants des organisations qui y ont leur siège et connaissances. Une statistique interne indique que, sur 311 coopérateurs, il y a 169 ouvriers, 31 ouvriers de services publics, 73 employés, 30 fonctionnaires et 8 pensionnés. Les chevilles ouvrières sont le directeur de la Maison du peuple (A. Huyssens) et un secrétaire du syndicat des Métallos, ancien ouvrier ferblantier et ancien combattant (J. Lombaerts). Le capital est souscrit, outre l’État, la province et les coopérateurs, par La Maison du Peuple, l’Union des Mutualités Socialistes, La Maison du Mutilé qui confirme la présence d’anciens combattants. Ces coopérateurs débattent du programme de construction et d’aménagement. 115 ont répondu à une enquête. 70 veulent 4 pièces (la maison ouvrière traditionnelle donc), 53 veulent une cuisine permettant le séjour, tandis qu’une majorité se prononce pour un séjour plus une petite cuisine, 106 sont favorables à une laverie et 9 seulement revendiquent une salle de bain. En revanche, une grande majorité est favorable au jardin potager (111) et au poulailler (112). Il faut rappeler que ces désirs s’expriment quelques années seulement après la fin de la guerre durant laquelle la population belge a été confrontée à de très sérieux problèmes de ravitaillement et n’a dû sa survie qu’à l’aide internationale massive. Mais on est frappé par l’adéquation des demandes avec la réalité du logement ouvrier de l’époque. Le projet, modeste, est surtout de devenir maître chez soi, au grand air, mais au sein d’un projet collectif. 330 maisons et 124 appartements seront construits sur 20 ha (23 logements à l’ha) : petites maisons individuelles équipées de deux caves, à charbon et à provision, d’un confort sommaire mais à « la campagne », sans voirie ni raccordements aux fluides (in-out) dans un premier temps. L’électricité est installée en 1930 grâce à un prêt de La Maison du Peuple, remboursé par l’augmentation des loyers. Cela a été une véritable aventure pour les coopérateurs qui ont participé à l’élaboration des programmes, mais ont vécu dans des chantiers durant plusieurs années, à l’origine d’une sociabilité collective importante. « Ma mère (ouvrière) cravatière s’est tout à coup transformée en femme au foyer, bricoleuse en bâtiment, jardinière ». Étant donné l’absence de voirie, les déplacements sont difficiles par temps de pluie. Ils se font en sabots qu’on laissait chez l’épicier (une succursale de la Coopérative avec un dépôt de pain) avant de prendre le tram. « Nous descendions en ville, maintenant, c’est la ville qui vient à nous ». « Avec la TV, c’est le monde qui est arrivé chez nous » (1981) [25]. Un chalet qui a servi à abriter les constructeurs de la société du Floréal est remonté et sert aux activités collectives (théâtre français, flamand, chorale (110 chanteurs), cercle horticole, cercle d’éducation physique et morale). Le travail est en ville, mais toute la vie sociale est concentrée sur le quartier nouveau où les épreuves et la vie en commun ont soudé le groupe. D’autant que ces quartiers jardins sont souvent éloignés des transports en commun et sous-équipés en services commerciaux. L’entraide y est nécessaire. L’origine commune des « pionniers » la facilite.
43En 1992, il existait 29 sociétés coopératives gérant 11 097 logements de ce type (soit 4,7 % du parc de logements sociaux), principalement à Bruxelles (56 %), contre 26 % en Flandre et 17 % en Wallonie.
44En revanche, la question lancinante du logement des plus pauvres, des plus précarisés (sans évoquer ici la question des SDF) ne trouve pas de solution. Depuis près d’un demi-siècle, des efforts sont faits pour introduire plus de mixité dans les logements sociaux, y faire place aux plus démunis, mais, outre les problèmes culturels et interculturels, non négligeables, de cette démarche, ils se heurtent à la question de l’équilibre financier des sociétés de logements si elles acceptent trop de personnes en difficulté ou insolvables. La régionalisation de la SNL (1974-1984) a permis d’aborder ces questions de manière plus dynamique en tenant compte des particularités régionales (exemple de Bruxelles) [26]. Les nouveaux codes du logement imposent l’ouverture à de nouveaux habitants, augmentent les loyers en fonction des revenus réels des occupants anciens. Le contrôle des nouveaux entrants par les représentants des majorités politiques, au sein des sociétés de logement, surtout si elles sont stables sur le long terme, nourrit le soupçon de clientélisme. En revanche la crise financière de l’État et des entités fédérées (Wallonie et Bruxelles en tout cas) a dramatiquement diminué le nombre de nouveaux logements depuis 25 ans. De plus, le vieillissement du parc nécessite des efforts considérables de rénovation, de mise aux normes actuelles, techniques et sociales. On a rénové, aussi bien sûr pour des raisons patrimoniales, les vieilles cités industrielles des « Grandes Rames », de Bois-du-Luc, du Grand-Hornu (là aussi on s’est mis à vendre !).
45À ce jour, le logement social compte 271 380 unités, soit 19,96 % du parc locatif (Bruxelles : 14,3 %, Flandre : 19,22 %,Wallonie 24,5 %). La Belgique ne figure pas parmi les pays européens les plus équipés en logements sociaux, elle ne devance que les pays méridionaux comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal et l’Italie, en raison, fondamentalement, de la politique plus que centenaire d’accès à la propriété [27]. Le nombre de propriétaires a encore crû ces dernières années en raison de l’augmentation des loyers et de la faiblesse des taux, de la déduction fiscale accordée à l’achat de la première demeure. Il dépasse aujourd’hui les 73 % (pour 58 % en France), avec de fortes disparités régionales, 75 % en Flandre, 72 % en Wallonie et seulement 50 % à Bruxelles. Mais il reste des familles, des individus, en constant renouvellement, qui ne peuvent prétendre à ce projet. Il convient que la société s’en préoccupe. D’autant plus que, contrairement à la fin du xixe siècle, ces catégories ne représentent plus un poids politique d’envergure.
46La question du logement se révèle être une question permanente en renouvellement perpétuel. À côté de la question des taudis, le véritable scandale de l’après-seconde guerre a été le « non accueil » des populations migrantes appelées à travailler dans l’industrie, dans les mines en particulier. Les conditions de logement ont été souvent déplorables tandis que les conditions de travail et de salaires étaient, selon l’exigence des syndicats, communes à tous les travailleurs. Ces disparités sont en train de s’atténuer, mais à un moment où les nouveaux migrants sont largement exclus du marché du travail. Le logement collectif/social est à la fois insuffisant quantitativement, mais surtout qualitativement, pour favoriser l’insertion sociale de ses habitants comme cela a pu être le cas au siècle précédent.
Conclusion
47Malgré leurs imperfections, les politiques de logement engagées depuis 1889 ont contribué à améliorer sensiblement l’habitat du plus grand nombre. Si l’on considère que les Belges « ont une brique dans le ventre », c’est parce que les politiques menées les en ont lestés, en plaçant cette question au centre de la politique de régulation de l’État.
48L’accès à la propriété l’a globalement emporté, mais n’a pas réglé les problèmes des plus faibles, ni des nouveaux arrivants, constamment remis au devant de la scène. Tous les propriétaires-occupants ne vivent pas nécessairement non plus dans une situation idéale, car le vieillissement du parc immobilier témoigne de sous-équipements graves, en particulier en Wallonie centrale, région de vieille industrialisation, où le marché immobilier est atone. Les situations extrêmes sont de moins en moins supportables, étant donné la richesse du pays. Selon Auguste Comte, « l’ouvrier est un nomade campant dans la société sans y être casé ». La politique sociale-démocrate d’accès au logement de qualité a incontestablement permis à des générations d’ouvriers qualifiés et d’employés de faciliter et d’accélérer leur ascension sociale, favorisant leur promotion personnelle, mais aussi le développement de la société capitaliste et libérale. Par contre, le projet de création d’équipements et de moyens de vie collectifs s’est heurté très vite aux contraintes financières, excepté dans les sociétés coopératives. Mais là aussi, aujourd’hui, ces idéaux se heurtent à l’individualisation des comportements et aux transformations des modes de vie.
49Enfin cette politique duale, accès à la propriété/logement social, contribue à fixer la population, en particulier dans les régions en crise, au moment où la politique de l’emploi requiert une plus grande mobilité de la main-d’œuvre, ce qui est paradoxal.
La cour intérieure et les habitants de la Cité L’Olivier, Schaerbeek, quelques années après sa création
La cour intérieure et les habitants de la Cité L’Olivier, Schaerbeek, quelques années après sa création
Mots-clés éditeurs : location, logement, Belgique, propriété, politique sociale, maison individuelle
Mise en ligne 22/03/2013
https://doi.org/10.3917/rdn.374.0095Notes
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[*]
Jean Puissant, Professeur émérite à l’Université Libre de Bruxelles (CIRHIBRU), Avenue F.D. Roosevelt, 50, B – 1050 Bruxelles.
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[1]
Ce texte reprend des éléments développés dans J. Puissant, « La brique dans le ventre des Belges : une construction politique efficace », dans Les Cahiers des Sciences Administratives, n° spécial « Les logements sociaux » réd. G. Generet, Bruxelles 13/2007, p. 9-22.
Cf. également de manière plus générale : L. R. H. Guerrand, Les origines du logement social en France, Paris, 1966 ; E. Gauldie, Cruel habitations: a history of working class housing 1780-1918, London, 1974 ; M. Smets, L’avènement de la cité-jardin en Belgique. Histoire de l’habitat social en Belgique de 1830 à 1930, Bruxelles-Liège, 1977 ; Housing strategies in Europe, 1880-1930 éd. C.G. Pooley, London-New York, 1992 : en particulier P. Van den Eeckhout, « Belgium », p. 190-220 ; « L’habitat ouvrier au xixe siècle », C. Lis e.a. (ed.), Revue belge d’histoire contemporaine, 3-4, 1977 ; « De l’Utopie au Réel 1919-1994 : 75 ans de logement social en Wallonie », ouvrage accompagnant l’exposition « Les Chiroux », Liège, 1994 ; J. Miller, M. Cassiers, A. Forti, « Du logement ouvrier au logement social. Inventaire du logement ouvrier et social ancien en Wallonie et à Bruxelles », Les Cahiers de l’Urbanisme, 6, Liège, 1989 ; J. Puissant, C. Huberty, « D’un siècle à l’autre : du logement ouvrier à l’habitat social », dans Lieux de mémoire sociale, L’Observatoire 92/5-6 septembre-décembre 1992, p. 52-58. -
[2]
N. Voss et P. Lebrun, Le premier ensemble de maisons ouvrières : Les « Grandes Rames » de Verviers (1792-1853), Histoire quantitative et développement de la Belgique (xixe-xxe siècles), Bruxelles, 2004.
-
[3]
H. Watelet, Une industrialisation sans développement : le bassin de Mons et le charbonnage du Grand-Hornu du milieu du xviiie au milieu du xixe siècle, Louvain La Neuve-Ottawa, 1980 ; K. Simonis-Boon, « Bosquet-Ville ou les carrés de Bois-du-Luc : architecture sociale du xixe siècle », dans Bois-du-Luc 1685-1985, La Louvière, 1985, p. 59-76. Outre les carrés, d’autres bâtiments seront construits qui font de ce site minier (siège d’exploitation, ateliers et bureaux, maison de direction, école, salle des fêtes, parc et kiosque à musique, hôpital, hospice, église) un des sites industriels préservés les plus exceptionnels d’Europe : cf. J. Puissant, « Préface », dans Bois du Luc…, p. 6-13.
-
[4]
Royer de Dour, Les habitations ouvrières en Belgique, Bruxelles, 1890, cité par P. Van den Eeckhout (1992).
-
[5]
W. Steenssels, Proletarisch wonen Antwerpen 1975, cité par M. Smets (1977).
-
[6]
C. Piérard, « Les logements sociaux à la fin du xixe siècle et la cité Hoyaux à Mons (Cuesmes) », Revue belge d’histoire contemporaine, VIII, 1977, 3-4.
-
[7]
R. Leboutte, J. Puissant, D. Scuto, Un siècle d’histoire industrielle. Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, coll. Industrialisation et société (1873-1973), Paris, Sedes, 1998.
-
[8]
L. Bertrand, Le logement de l’ouvrier et du pauvre en Belgique, Bruxelles, 1888 ; cf. P. Van den Dungen, La foi du marbrier. Louis Bertrand (1856-1943), acteur et témoin de la naissance du socialisme en Belgique, Bruxelles, 2000.
-
[9]
Sur cet aspect : E. Gubin, « Home, sweet home. Le modèle de la femme au foyer en Belgique et au Canada », Revue belge d’histoire contemporaine, XXIII 3-3, 1991, p. 521-568.
-
[10]
1886. La Wallonie née de la grève ?, Actes du colloque de Liège, Bruxelles, Labor, 1990.
-
[11]
J. Puissant, « 1886, la contre-réforme sociale ? » 100 ans de droit social belge, P. Van der Vorst (éd.), Bruxelles, 1re éd. 1986.
-
[12]
Cf. E. Gubin, « Les enquêtes sur le travail en Belgique et au Canada au xixe siècle », dans G. Kurgan-van Hentenryk (dir.), La question sociale en Belgique et au Canada, Éd. ULB, 1988, p. 93-121.
-
[13]
A. Stélandre, « Épargne et propriété. La loi du 9 août 1889 sur les habitations ouvrières », Le logement ouvrier dans l’impasse ? Les Cahiers de La Fonderie, n° 6, juin 1989.
-
[14]
Louis Bertrand et l’essor de Schaerbeek, Bruxelles, 2000 ; « Le Foyer Schaerbeekois » a 100 ans, Les dossiers de La Fonderie, Bruxelles, 1999.
-
[15]
« 3 000 Foyers Bruxellois (75e anniversaire) », Les dossiers de la Fonderie, Bruxelles, 1997 ; P. Van den Eeeckhout, « Onder dak in de Marollen. Wonen in de cité Hellemans (1916-1945) », Brood en Rozen 2007/3, p. 5-26.
-
[16]
P. Van den Eeckhout, « Belgium », op. cit.
-
[17]
Son principal fondateur et dirigeant, Émile Vinck (1870-1950), avocat, a été le secrétaire de l’Association des élus communaux et provinciaux socialistes et le responsable du Bulletin communal qu’elle éditait. Il est également le fondateur de l’Union internationale des villes et communes (Gand 1914).
-
[18]
M. Smets, op. cit., p. 100 et sq.
-
[19]
Cité par M. Smets, op. cit., p. 106.
-
[20]
Voir tableau de P. Van den Eeckhout, op. cit, p. 210. Il convient de souligner que l’application de la loi de 1889 a bénéficié de la forte période de croissance économique entre 1893 et 1914 (phase A de Kondratiev).
-
[21]
Données 1937 dans F. Gosseries, L’habitation à bon marché, les taudis, les familles nombreuses en Belgique, Louvain-Bruxelles, 1939.
-
[22]
Cf. « Décider son logement, l’habitat coopératif à Bruxelles », Les cahiers de La Fonderie, Hors série, Bruxelles, 1993.
-
[23]
Cf. La coopération, un des principaux piliers sociaux de l’organisation politique belge, éd. J. Puissant et G. Vanthemsche, Revue Belge d’Histoire Contemporaine, XXII, 1991,1-2.
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[24]
Vivre à Moortebeek, 60e anniversaire, Anderlecht, 1981.
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[25]
Idem.
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[26]
Cf. « Un toit pour tous. La 8e semaine sociale du Mouvement ouvrier chrétien (MOC) », Politique, n° hors série, 2006.
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[27]
« Housing statistics in the European Union 2004 » cité ibidem p. 43.