Notes
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[*]
Thibault Tellier, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Lille 3, Irhis, 36, Cité Couvreur, 59223 Roncq. Email : thibault.tellier@univ-lille3.fr.
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[1]
Ainsi, Odette Hardy-Hémery, dans son article sur « Les cités-jardins au nord de Paris, fin xixe-xxe siècles » publié dans la Revue du Nord, évoque la « maison collective » pour désigner le choix qui a été fait lors de la création des HBM en 1894 contre la maison individuelle.
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[2]
L’auteur de l’article ajoute toutefois : « En attendant, il est indispensable, laissant de côté les questions irritantes de la politique, d’unir toutes les bonnes volontés pour apporter plus de bien être aux usagers », Le réveil des locataires. Organe de l’Union confédérale des locataires de France et des colonies, n° 126, sept. 1933, BNF Jo 25427.
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[3]
R. Lefebvre, Le socialisme saisi par l’institution municipale (des années 1880 aux années 1980). Jeux d’échelles, Thèse de science politique, sous la direction de Frédéric Sawicki, Lille II, 2001. L’inventaire bibliographique réalisé par Rémi Lefebvre à l’occasion du colloque « Roubaix. 50 ans de transformation urbaine et de mutation sociale » publié en 2006 aux Presses du Septentrion, montre l’absence totale de mention spécifique concernant l’histoire du logement social durant l’entre-deux-guerres à Roubaix.
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[4]
Voir notamment leurs contributions au colloque sur Le Peuple des villes dans l’Europe du Nord-Ouest, publié sous la direction de Philippe Guignet, CHRENO-Lille 3, 2002.
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[5]
D. Cornuel, B. Duriez, Le mirage urbain, histoire du logement à Roubaix, Paris, Anthropos, 1983.
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[6]
Une première approche a été faite dans T. Tellier, « Les nouvelles clôtures urbaines à l’âge industriel : l’encadrement des jeunes ouvrières du textile dans l’agglomération lilloise à la fin du xixe siècle », Histoire, Économie et Société, n° 3, 2005, p. 421-431.
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[7]
À ce sujet, l’ouvrage de F. Moret, Les socialistes et la ville (ENS Éditions, 1999) demeure indispensable à la compréhension du sujet.
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[8]
D. Cornuel, B. Duriez, Le mirage urbain, histoire du logement à Roubaix, op. cit., p. 46.
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[9]
P. Grunebaum-Ballin, Les offices publics d’HBM et leur rôle dans la restauration des régions envahies, Paris, Éd. Giard et Brière, 1917, p. 14. Il fut également président de l’Office HBM de la Seine à partir de 1926.
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[10]
N. Hautmont, « Habitat et modèles culturels », Revue française de sociologie, IX, 1968, p. 180-190.
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[11]
Au Congrès national des HBM qui se tient à Paris en 1889, Jules Siegfried déclare : « L’ouvrier propriétaire, c’est l’ouvrier économe, prévoyant, guéri des utopies révolutionnaires et socialistes, c’est l’ouvrier arraché au cabaret ! ».
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[12]
Congrès national des HBM, Paris, 26-28 juin 1889, Paris, G. Ronzier et Cie, 1889, p. 59. Bibl. Sainte Geneviève, BR.88.487/1.
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[13]
R.-H. Guerrand, Les origines du logement social en France, Paris, Éditions ouvrières, 1966, p. 286.
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[14]
Idem.
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[15]
Georges Picot cite en exemple de ce type de cité les maisons Peabody à Londres du nom d’un riche américain qui avait légué l’équivalent de 12 millions de francs pour construire des logements ouvriers et dans lesquels il avait été pris soin d’empêcher les relations sociales entre locataires. Picot cite notamment non sans une certaine envie le placement de baies ouvertes dans les couloirs de ces immeubles afin d’éviter les stationnements dans les espaces communs. J. Lahor, Les HBM et un art nouveau pour le peuple, Paris, Bibl. Larousse, 1911, p. 23.
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[16]
L’auteur note toutefois, que jusqu’alors, ce type de projet n’a pas encore pu voir le jour. Congrès national des HBM, 20-22 oct. 1895, organisation et compte rendu des séances, Bibl. Sainte Geneviève, R8°Sup 2994.
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[17]
L’ensemble de ces résolutions figure en annexe de la publication des actes du congrès national des HBM de Paris en 1889.
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[18]
Cité dans N. Haumont, L’habitat pavillonnaire, Institut de sociologie urbaine, Centre de recherches d’urbanisme, 1966, p. 38.
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[19]
Cité par A. Fourcaut, « Trois discours, une politique ? », Urbanisme, janv.-fév. 2002, p. 39.
-
[20]
Propos retranscris dans le journal la Voix du Nord, 9 juin 1962.
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[21]
C. Feron-Vrau, « Des habitations ouvrières à Lille en 1896 », Bulletin de la Société industrielle du Nord de la France, 1898, 108 pages. Cité dans T. Tellier, « Portraits comparés et relations de Philibert Vrau et Camille Feron Vrau », in Philibert Vrau 1829-1905, actes du colloque de mars 2005, publications de l’Université catholique de Lille, 2006.
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[22]
L’immeuble se situait dans la paroisse lilloise correspondante.
-
[23]
« Le développement de l’Habitation ouvrière à bon marché dans la région du Nord », rapport présenté lors du 2e congrès de l’Union des sociétés industrielles de France, Reims, 23-mai 1914, p. 57, Bibl. Sainte Geneviève, Br 68705.
-
[24]
O. Hardy-Hémery, « Les cités-jardins au Nord de Paris, fin du xixe siècle-xxe siècle. De l’utopie hygiéniste au réalisme pragmatique », Revue du Nord, LXXIX, nos 320-321, avril-septembre 1997, p. 643-681.
-
[25]
A. Gaboriau, La Cité de cheminots de Lille-la-Délivrance (1921-1926), certificat d’études approfondies en architecture, ss. la dir. de R. Klein et P. Longuet, École d’Architecture de Lille et Région Nord, 2001-2002, p. 32.
-
[26]
Dans un document de synthèse publié en 1939, l’Office départemental HBM estime en effet à 6 900 le nombre de maisons à construire pour « hâter la disparition des baraquements qui subsistent encore ». ADN, X 96-53108.
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[27]
Office départemental HBM du Nord, séance du 15 mars 1930, ADN, X 96-53091.
-
[28]
Selon le Journal officiel du 23 septembre 1924 cité par Odette Hardy dans son article, le Nord compte 648 offices, soit 10 % de l’ensemble national.
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[29]
Délibération de juillet 1920. Cité dans D. Delbaere, Table rase et paysage. Projet d’urbanisme et contextualité spatiale dans le Plan Voisin de Le Corbusier (1925) et la Cité Concorde de Le Maresquier (1954), sous la dir. de Frédéric Pousin, directeur de recherches au CNRS, EHESS, 2004, p. 380.
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[30]
Procès-verbal du conseil municipal de Roubaix, séance du 13 avril 1923.
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[31]
Délibération préfectorale du 31 mai 1923, ADN, 9653140.
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[32]
Pour plus de détails sur ce point, voir T. Tellier, « Le développement urbain de Roubaix dans la première partie du xxe siècle », in Roubaix. 50 ans de transformation urbaine et de mutation sociale, Presses du Septentrion, 2006, p. 41-56.
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[33]
Délibération du conseil municipal de Tourcoing, séance du 21 août 1913, Archives municipales de Tourcoing.
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[34]
Procès-verbal du conseil municipal de Tourcoing, séance du 28 janvier 1929.
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[35]
Ibid., séance du 9 octobre 1931.
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[36]
ADN, BA 9371. Il est d’ailleurs significatif de constater que la colonne consacrée aux immeubles en construction à la date de publication du document est totalement vierge en ce qui concerne la réalisation d’immeubles collectifs. En ce qui concerne toutefois les groupes en projet, on relève toutefois un rééquilibrage partiel. Sur 181 logements prévus, 65 le sont au titre du collectif.
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[37]
La municipalité lyonnaise y envisage la construction de pas moins de 1 620 logements et 68 magasins, soit presque un tiers du programme établi par la loi Loucheur pour la seule ville de Lyon. Cl. Berthet, Contribution à une histoire du logement social en France au xxe siècle : des bâtisseurs aux habitants : les HBM des États-Unis de Lyon, Paris, L’Harmattan, 1997.
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[38]
Exposition du Progrès Social, 1938/1939, ADN M. 541/52.
1Le colloque Le Peuple des villes dans l’Europe du Nord-Ouest de la fin du Moyen Âge à 1945 organisé en 2000-2001 à l’Université de Lille 3 à l’initiative du professeur Philippe Guignet a mis en avant la nécessité de développer la recherche historique autour des thèmes liés aux types de logement régionaux construits aux époques moderne et contemporaine.
2L’organisation de plusieurs journées d’études consacrées au développement de l’habitat collectif à l’échelle septentrionale s’inscrit dans cette démarche et, plus largement, se veut également un jalon pour l’écriture d’une histoire urbaine régionale contemporaine.
3Au cours de la journée d’études qui a eu lieu à l’automne dernier, il s’est agi d’envisager la question du logement collectif sous l’angle historique du passage de l’initiative privée vers les années 1890 à l’institutionnalisation des politiques publiques aux lendemains de la seconde guerre mondiale. Par « logements collectifs », nous entendons ici les réalisations initiées par un seul maître d’œuvre et ayant suscité notamment une vie sociale collective comme les corons, les courées, ou bien encore la réalisation des cités jardins. Le terme même d’habitat collectif doit être appréhendé du point de vue de la polysémie, les frontières entre certaines définitions le concernant étant en plusieurs points assez poreuses [1].
4Au-delà du critère quantitatif, la définition de l’habitat collectif mérite une réflexion d’autant plus approfondie de la part des historiens qu’elle a évolué dans le temps. Peut-on, en effet, accorder à l’immeuble haussmannien le même sens qu’aux immeubles collectifs qui émergent du paysage urbain au cours de l’entre-deux-guerres ?
5Selon l’INSEE, « un immeuble collectif est une construction qui comprend au moins deux logements ». La définition de l’habitat collectif n’est pas toujours, loin s’en faut, abordée de manière explicite. Les historiens semblent éprouver quelques difficultés à donner un véritable sens à ce qui apparaît pourtant comme une réalité sociale effective à partir de l’époque contemporaine. Il convient donc de tenter de s’entendre sur une définition a-minima de cet objet historique afin d’envisager un certain nombre de chantiers à ouvrir concernant l’habitat collectif septentrional à l’époque contemporaine. C’est la raison pour laquelle notre première partie s’attachera à proposer plusieurs pistes de problématiques offertes aux historiens qui souhaitent travailler sur ces sujets.
6En rapport avec la thématique « Catégories de l’analyse historique » de la Maison des Sciences de l’Homme dont dépend l’Université de Lille 3, il paraît légitime de s’interroger également sur ce que la notion même d’habitat collectif révèle de la vie sociale, en s’inspirant par exemple des recherches du sociologue Isaac Joseph sur l’urbanité comme fabrique du social ou plus largement des travaux de l’École de Chicago. En quoi en effet, la catégorie sociale de l’habitat collectif s’est-elle modifiée au fil du temps et des évolutions sociologiques ? Pour cela, nous avons souhaité pouvoir consacrer dans une seconde partie un développement particulier aux débats qui ont précédé la mise en œuvre des premiers programmes de constructions. Il faudra également s’interroger sur l’évolution séculaire des représentations de l’habitat collectif, examiner ses rapports avec des catégories comme les propriétaires, les locataires et plus largement, étudier la manière dont il reflète l’évolution des relations sociales. Que l’on songe par exemple à la formule de l’organe national de l’Union confédérale des locataires qui écrit en 1933 que « la socialisation du logement ne pourra se faire que lorsque les travailleurs exploités auront pris le pouvoir » [2]. De ce point de vue, le cas septentrional offre un objet d’études extrêmement riche, tant par la diversité des situations que la mise en œuvre d’expérimentations, en particulier dans le cadre de l’émergence du socialisme municipal comme à Roubaix. Dans une troisième partie, nous présenterons quelques données concernant un certain nombre de réalisations dans la région. Bien évidemment, il ne s’agit que de quelques exemples qui ont pour but de montrer la nécessité d’approfondir plus largement par toute une série de travaux de recherches la connaissance que nous avons du logement populaire à l’époque contemporaine.
7À l’heure actuelle, les travaux concernant le logement, a fortiori le logement collectif, sont encore extrêmement lacunaires, pour ne pas dire quasi inexistants, ce qui paraît d’autant plus paradoxal lorsque l’on connaît la précocité de l’urbanisation de nos régions septentrionales.
8Si l’on excepte les travaux d’Odette Hardy-Hémery sur les cités-jardins, il est significatif de constater également qu’un certain nombre de recherches réalisées à ce jour sont pour la plupart le fait de chercheurs appartenant à d’autres disciplines que l’histoire. Parmi les principales, il faut citer celle du politiste Rémi Lefebvre qui, au travers de sa thèse sur Roubaix et le socialisme municipal, a notamment travaillé sur l’enjeu du logement social dans l’entre-deux-guerres [3]. Vu du point de vue de l’architecture, les recherches faites par Marie-Josèphe Lussien-Maisonneuve et Alice Thomine sur le logement social au xxe siècle apportent aussi des éléments de compréhension importants pour la compréhension de l’évolution du logement social régional [4]. Si la période traitée concerne surtout l’après 1945, les travaux du sociologue Bruno Duriez et de l’économiste Didier Cornuel sur les Comités interprofessionnels du logement demeurent encore aujourd’hui essentiels pour appréhender la lente institutionnalisation de la question du logement social dans la région lilloise [5].
9Pour notre part, les hypothèses que nous présentons ici reposent surtout sur un dépouillement du corpus des sources disponibles aux archives départementales du Nord concernant les habitations à bon marché ainsi que dans certains centres d’archives municipales de la métropole lilloise, en particulier celles de Tourcoing.
Les principales problématiques liées au logement collectif avant 1940
10La première piste de recherche concerne les références politiques et sociales d’un certain nombre des futurs bâtisseurs. On connaît mal l’identité de ceux qui, avant l’adoption de la loi sur les habitations à bon marché (HBM) en 1894, s’emparèrent de la question du logement populaire. Si la piste des patrons philanthropes du Nord offre de riches perspectives, la connaissance que nous avons de leurs opinions sur le logement demeure incertaine. L’exemple de Camille Feron Vrau que nous reprenons dans ce texte montre effectivement qu’un certain nombre d’industriels ont intégré très tôt la composante du logement dans leurs actions sociales. De ce point de vue, il conviendrait d’accorder une attention toute particulière aux comptes rendus des assemblées générales des catholiques du Nord-Pas-de-Calais, surtout la commission des œuvres sociales et charitables qui aborde assez régulièrement la question du logement ouvrier [6]. Plus largement, il s’agit en fait d’approfondir la question de la place du logement dans la réflexion des catholiques sociaux du Nord. Parallèlement, à l’inverse, il est tout aussi nécessaire de s’interroger sur la place qu’occupent ces questions chez les socialistes nordistes. Les ouvrages de Friedrich Engels sur La situation des classes laborieuses en Angleterre paru en 1845 ainsi que La question du logement publié en 1897 à partir de trois articles écrits en 1872 témoignent de l’importance de ces questions dans la pensée socialiste et de sa précocité [7]. Les territoires urbains septentrionaux offrent ici un exemple tout à fait typique, en particulier du point de vue du développement du socialisme municipal à partir de la fin du xixe siècle. Comment en effet les municipalités ouvrières envisagent-elles de résoudre la question du logement ouvrier, particulièrement aiguë dans nos régions ? S’agit-il de contribuer à mettre en œuvre les soubassements de la future société socialiste ou avant tout de contribuer à améliorer la vie quotidienne de familles vivant dans une précarité bien souvent absolue ? Les exemples qui seront développés dans la seconde partie montrent qu’en règle générale, tant du point de vue des élus socialistes que des notables philanthropes, les positions qui ont été adoptées l’ont presque toujours été dans le sens du pragmatisme, remisant les querelles idéologiques sur d’autres terrains. Ceci peut d’ailleurs expliquer dans une certaine mesure pourquoi, après 1945, les CIL ont pu faire l’objet d’un large consensus entre patrons chrétiens sociaux et municipalités socialistes. Cela doit amener les historiens à réinterroger certaines affirmations comme celle de Duriez et Cornuel pour qui les HBM
« sont vues comme autant de points de résistance de la classe ouvrière et de moyens d’échapper à la tutelle patronale. Elles sont conçues comme autant de moyens de sensibilisation de la classe ouvrière à la nécessité du combat socialiste » [8].
12Comme on le verra par la suite, la création du quartier du Nouveau Roubaix ne peut réellement être perçue comme une contribution majeure à l’enracinement de la « cité radieuse du socialisme » qu’est censée incarner Roubaix au cours de la première moitié du xxe siècle, mais plutôt comme une réponse pragmatique à l’urgence de la question de l’habitat insalubre.
13L’approche septentrionale doit également permettre d’introduire la dimension comparative, essentielle pour un tel sujet. Ainsi, par exemple, la proximité avec la Belgique doit-elle nous encourager à réfléchir à l’impact du mouvement ouvrier belge sur les réalisations sociales en matière de logement. Les régions du Hainaut et de Verviers ont-elles fait l’objet de constructions collectives pour tenter de résoudre une crise du logement assez similaire à celle des territoires industriels du Nord de la France ? Quel rôle y joua le mouvement coopératif ? Des maires réformateurs comme celui de Bruxelles, Charles Buls, ont-ils profité de leur majorat pour initier des programmes de constructions sociales ? Si oui, y retrouve-t-on une esthétique proche de celle développée par exemple par Victor Horta lors de la réalisation de la Maison du Peuple à Bruxelles ? Concernant l’Allemagne rhénane, il importe aussi de resituer la question du logement collectif en évoquant clairement les lignes de partage entre le développement des politiques sociales et la persistance d’un système de bienfaisance catholique comme à Strasbourg après 1870. En va-t-il de même dans le Nord de la France à partir du début du xxe siècle ? Enfin, en ce qui concerne la Grande-Bretagne, on doit s’interroger sur la possible perméabilité du modèle britannique en France, au moment même où le pays s’engage dans le processus des habitations à bon marché. Il est en effet frappant de noter la convergence qui peut exister entre certaines constructions du Nord de la France et les cités-jardins inspirées d’Ebenezer Howard. De ce point de vue, peut-on parler de transferts d’expériences de part et d’autre de la Manche ?
14En second lieu, il importe bien évidemment de s’interroger sur la nature des réalisations à dominante collective qui ont eu lieu jusqu’à la veille de la seconde guerre mondiale. Peut-on parler de l’émergence d’un modèle nordiste de l’habitat collectif ? Si les cas de Drancy, la Cité de la Muette, ou de Villeurbanne, les Gratte-ciels, sont fréquemment mentionnés lorsque l’on évoque les réalisations des années 1930 dans le sillon des lois Loucheur de 1928, en revanche, on cite beaucoup moins les réalisations collectives nordistes. Pourtant, le travail très intéressant mené par le service du Patrimoine de la ville de Lille a montré tout l’intérêt qu’il convient de porter aux réalisations lilloises de l’entre-deux-guerres dans ce domaine, qu’il s’agisse du Faubourg de Béthune ou de celui des Postes. De ce point de vue, ici, le concours des historiens de l’art s’avère indispensable comme le montrent les communications à ce sujet dans ce volume. En quoi par exemple les architectes locaux se sont-ils réellement mobilisés sur des projets d’habitat collectif ? La recherche de l’innovation est-elle soutenue ou, comme dans le cas de la reconstruction après 1918, s’agit-il surtout de reprendre les types de construction existants ? En quoi les nouvelles théories de Le Corbusier influent-elles ou non les constructions durant cette période ? Y a-t-il également une spécificité nordiste de la construction de logements, voire l’ébauche d’un modèle septentrional ? Comme dans les cas de Lille et Roubaix, il convient également de s’interroger sur la place accordée aux équipements collectifs. Il est ainsi évident que le quartier du Nouveau Roubaix ne peut s’appréhender que dans l’environnement urbain qui est le sien et qui comprend notamment le vélodrome et l’École de plein air.
15L’approche monographique s’avère ici indispensable. On ne dispose toujours pas de travaux équivalents à ceux traitant par exemple de l’œuvre d’Henri Sellier pour le département de la Seine et de Suresnes en particulier dont Sellier fut le maire durant de nombreuses années.
16Comme nous y invite Odette Hardy-Hémery, il convient en effet de s’interroger sur le rôle des cités-jardins comme compromis entre habitat individuel et collectif. Il est vrai que ce type de construction connaît une embellie au cours de l’entre-deux-guerres en devenant même pour certains spécialistes une référence. C’est le cas notamment de Paul Grunebaum-Ballin, maître des requêtes au Conseil d’État qui sera plus tard conseiller de Léon Blum pour l’élaboration des lois sociales de 1936. De son point de vue, la cité-jardin est le modèle urbain dont le pays a besoin pour se redresser :
« S’il est permis de réaliser des espérances plus hautes encore, si, à côté des champs funèbres, des cimetières où dorment tant de morts héroïques, les vivants doivent connaître, sur les territoires libérés, une vie plus longue, plus saine et plus belle, il faut que la cité-jardin se crée et s’étende par l’action de l’institution publique introduite dans nos lois à cet effet, à la veille de la Grande Guerre : l’office public d’HBM » [9].
18Afin de pouvoir mieux comprendre le rôle et la place des cités-jardins dans le développement urbain de type septentrional, il conviendrait de multiplier les monographies à l’exemple de celle de Lomme, la Cité de la délivrance, qui attend toujours son historien en dépit d’archives importantes, à la ville de Lomme, ainsi qu’aux Archives nationales du monde du travail à Roubaix.
19En troisième lieu, il conviendrait de s’intéresser aux habitants de ces immeubles collectifs eux-mêmes. Il s’agit sans nul doute d’une quête qui s’annonce extrêmement difficile du fait de la rareté des sources sur le sujet. Pour autant, il ne semble guère possible de s’en tenir à l’histoire du seul cadre bâti. Comment les habitants ont-ils réagi aux nouveaux types de logements proposés ? Dans les quelques groupes d’habitat collectif que nous connaissons, que sait-on de l’adaptation des locataires à leur nouveau cadre de vie ? Ont-ils eu envie de développer une vie sociale qui soit propre au nouveau cadre urbain ? Au contraire, peut-on parler de formes de « rejet » comme ce sera parfois le cas dans les années 1960 dans certains grands ensembles ? Il s’agit là de vraies questions posées à l’historien. Comme le suggère la sociologue Nicole Hautmont, souvent, les habitants en collectif ressentent des difficultés d’appropriation de leur nouveau cadre de vie, le marquage social y étant nettement moins prononcé que dans une maison individuelle. Paradoxalement, les usagers peineraient dans leur propre logement à se sentir pleinement chez eux [10]. Sur ces points, il faut bien admettre que la connaissance historique est particulièrement inexistante, qui plus est concernant la période avant 1945.
20Parallèlement, il s’agit également de mettre en débat l’impact des premières mesures sociales en faveur des familles populaires. Dans ce domaine, le Nord de la France, et la métropole lilloise en particulier, ont su se montrer pionniers en développant précocement un système cohérent de prestations familiales. Celles-ci ont-elles une influence sur la construction de logements lorsque l’on sait que cette question est présentée généralement comme indissociable du bien-être des familles populaires ? La question reste ouverte. Si tel est le cas, en quoi alors les politiques patronales annoncent-elles la mise en place quelques années plus tard du Comité interprofessionnel du logement (CIL) ?
21Après avoir présenté ces différentes hypothèses de travail, il convient maintenant de présenter l’un des aspects des problématiques suggérées, à savoir les débats liés au caractère collectif ou non des logements à construire dans une perspective sociale.
Les débats autour de la notion d’habitat collectif
22L’urbanisation, fille de l’industrialisation, amène très tôt par son ampleur régionale des décideurs politiques, acteurs économiques et personnes engagées dans l’action sociale à se poser la question de la mise en œuvre d’une véritable politique de construction de logements qui soit en état de répondre aux attentes des familles d’ouvriers dont la plupart ne dispose pas encore à la fin du xixe siècle d’un logement digne de ce nom. L’élaboration d’un projet social concernant le logement populaire a en réalité fait l’objet de nombreux débats tout au long du xixe siècle. Les conceptions socialistes se sont en particulier très vite heurtées à celles qui défendaient au contraire un libre développement de la construction. L’émergence du christianisme social a également fortement pesé sur les débats en mettant en avant la nécessité d’un développement communautaire. Dans son ouvrage La réforme sociale publié en 1863, Frédéric Le Play, dont l’influence est notoire dans les régions septentrionales, fait le lien entre moralité et logement. De son point de vue, « l’union indissoluble entre la famille et son foyer est la pratique qui exerce la plus salutaire influence sur la moralité et le bien-être de la famille ouvrière ». Dans ces circonstances, le type de logement recommandé ne saurait être que de type individuel.
23C’est donc principalement au cours des années 1860-1880 que s’élabore le modèle qui va jusqu’à la seconde guerre mondiale l’emporter : celui de la petite propriété individuelle. Pour ses défenseurs, les vertus de celle-ci sont aisément compréhensibles : en devenant propriétaire d’une maison individuelle, le travailleur aura le sentiment de jouir d’un bien qui lui appartient totalement et marquera ainsi sa confiance dans l’ordre social établi [11]. Au contraire, le logement collectif, souvent occupé à titre provisoire, favorise la promiscuité, elle-même possible source de contagion révolutionnaire. Au congrès international des HBM réuni à Paris à l’occasion de l’exposition universelle de 1889, les délégués du mouvement rappellent leur position de principe sur le sujet :
« Entre les maisons séparées et les maisons collectives, que l’on se place du point de vue de l’hygiène ou au point de vue de la morale, l’hésitation n’est pas permise, ce choix ne saurait être douteux (…) Il est incontestable que la maison isolée, qui donne à la famille un foyer dont la salubrité et la respectabilité dépendent de la seule volonté de ses membres, nous paraît de beaucoup préférable, sans parler des habitudes d’ordre, d’économie qu’impose à l’occupant le désir d’acquérir promptement et à titre définitif la maison qui l’abrite lui et les siens. Aussi cette solution est-elle la seule qu’il convienne de préconiser dans les villes industrielles, à la campagne au périmètre des usines importantes, voire même à la périphérie des villes » [12].
25Déjà au cours de l’un des premiers congrès hygiénistes qui avait eu lieu à Bruxelles en 1876, un rapporteur avait déclaré : « Le bien-être matériel et moral des travailleurs, la salubrité publique et la sécurité sociale sont intéressés à ce que chaque famille ouvrière habite une maison séparée, saine et commode, qu’elle puisse acquérir » [13]. Selon Émile Trélat, fondateur de l’École spéciale d’architecture et auteur d’un rapport intitulé « Cités ouvrières, maisons ouvrières », le « casernement » des ouvriers afin d’améliorer leur sort avait échoué. « Ce qui est acquis désormais, explique-t-il, c’est l’inconvenance absolue de la cité caserne offerte aux ouvriers comme habitation » [14].
26Pour autant, rappelle notamment Georges Picot au congrès de 1889, il y a une sorte de principe de réalité qui impose aux concepteurs des HBM de prendre également en compte la réalité, en particulier concernant la mobilité des travailleurs. D’une part, les déplacements coûteux et longs empêchent bien souvent ces derniers de vivre loin du cœur des villes. D’autre part, certains d’entre eux doivent y demeurer pour raisons professionnelles. C’est le cas par exemple de ceux qui exercent leur profession aux Halles à Paris. Tout cela amène à devoir reconnaître, faute d’espaces suffisants disponibles dans certaines villes, la nécessité du logement collectif. Cela ne doit toutefois pas conduire à renoncer à exercer une forme de magistère moral sur ce type d’habitat. Pour Georges Picot toujours, il est en effet nécessaire d’organiser les choses de manière à interdire les relations sociales au sein de ce type de logements afin d’éviter toute promiscuité en leur sein. Pour les futures constructions collectives, il convient d’adopter des règles architecturales afin d’éviter notamment toute zone de contact favorisant les contacts prolongés entre locataires du même immeuble. De ce point de vue, le modèle londonien lui paraît riche d’enseignement : en effet, à Londres, dans un certain nombre d’immeubles de type collectif, les corridors, les parties sombres ont été supprimés. « Ainsi, explique-t-il, tout contact nécessaire était supprimé, toute rencontre dans l’obscurité était impossible, le logement était propre, les accès sans dangers » [15]. La nécessité d’avoir recours à des logements collectifs en cas de nécessité est donc acquis. D’ailleurs, au congrès HBM de 1895, une fois la loi sur les HBM votée à la chambre des députés, la question sera de nouveau évoquée. Du point de vue d’un délégué bordelais, le recours à ce type de logements paraît bien souvent indispensable :
« Pour eux, il faut recourir à la grande maison collective dans le voisinage de l’usine ou de l’atelier. Rouen, Lyon, Paris, Marseille ont de ces maisons à étages superposées, véritables ruches où, à un prix très modéré, chaque famille a son alvéole commode, saine et relativement indépendante » [16].
28Jules Siegfried lui-même, au cours de la présentation de son projet de loi sur les habitations ouvrières le 5 mars 1892, avait une fois encore rappelé que la maison individuelle était « le type idéal », mais avait également souligné qu’il fallait se résigner à la contrainte du temps présent : « La maison collective avec des logements séparés constitue un type factice dans l’histoire de l’habitation humaine, nous l’avouons volontiers, mais, dans notre état social, elle est une nécessité inéluctable », déclarait-il non sans regrets.
29Les résolutions finales votées à l’issue du congrès de 1889 qui serviront de base à la loi qui sera votée cinq ans plus tard témoignent de la précision avec lesquelles les promoteurs des HBM entendent restreindre au maximum les usages sociaux des logements de type collectif.
30« Partout où les conditions économiques le permettent, les habitations séparées, avec petit jardin, doivent être préférées dans l’intérêt de l’ouvrier et de sa famille » rappelle-t-on (résolution n° 18) dans les résolutions votées (à l’unanimité) par les délégués du congrès. Néanmoins,
« si la cherté du sol ou quelque autre motif oblige à construire dans le centre des villes des maisons où se trouvent rapprochées sous le même toit plusieurs familles, toutes les conditions d’indépendance doivent être minutieusement ménagées en vue de réaliser entre elles le moindre contact ».
32Dans cette perspective,
« les plans seront conçus dans la pensée d’éviter toute occasion de rencontre entre les locataires. Les paliers, en pleine lumière, doivent être considérés comme une prolongation de la voie publique. Il faut proscrire rigoureusement les corridors et couloirs, quels qu’il soient. Chaque logement doit contenir intérieurement un cabinet d’aisance prenant son jour en dehors et pourvu d’eau ».
34Enfin, « toute agglomération où une atteinte serait portée à l’indépendance absolue du locataire et de sa famille doit être proscrite » (résolution n° 22) [17].
35La promotion de l’habitat individuel va ainsi devenir un élément important de la culture de la Troisième République jusqu’à la fin de celle-ci en 1940. Pour reprendre la formule de Nicole Haumont, le modèle de l’habitat pavillonnaire devient, du moins jusqu’en 1914, le « creuset de l’idéologie petite bourgeoise » [18].
36On note toutefois une sensible inflexion concernant l’habitat collectif au cours de l’entre-deux-guerres et parfois même dès les premières années du xxe siècle. Une délégation municipale lyonnaise se rend ainsi en 1912 visiter des cités-jardins en Grande-Bretagne. L’avis rendu par la délégation est très mesuré concernant les cités-jardins :
« Autres pays, autres mœurs, autres conditions de travail : ce que nous avons en Angleterre ne peut s’appliquer à Lyon. C’est la maison collective qu’il faut à l’ouvrier lyonnais et dans les arrondissements où se trouve le travail à proximité. La maison à trois étages au plus, bâtie sur une masse profonde sur quatre faces, formant îlot, avec grande cour intérieure plantée d’arbres à usage des locataires, semble être la plus désirable ».
38Effectivement, on verra dans la région lyonnaise au cours de l’entre-deux-guerres, à Villeurbanne notamment, mais aussi en région parisienne comme à Bagneux et Drancy, la construction de plusieurs cités ouvrières qui tranchent assez nettement avec le modèle primitif des cités-jardins d’Ebenezer Howard.
39Il est vrai que, dès les années 1920, on constate le développement d’argumentaires de la part de ceux qui prônent l’habitat collectif pour résoudre la crise urbaine. Ils mettent en avant notamment dans la région parisienne le désordre de la banlieue. Ainsi, pour Le Corbusier, bientôt chef de file de l’architecture moderne, la banlieue représente le « domaine des pauvres hères que ballottent les remous d’une vie sans discipline ». Le texte de la Charte d’Athènes, inspirée par le célèbre architecte, stipulera d’ailleurs que « seules des constructions d’une certaine hauteur pourront satisfaire heureusement à ces aspirations légitimes (vue, air, insolation, proximité des installations collectives ».
40En juillet 1933, la revue Urbanisme consacre un numéro à la construction en hauteur dans lequel les architectes Marcel Lods et Eugène Beaudoin décrivent les nouvelles constructions de Drancy. Dans ce même numéro, Henri Sellier, également bien connu pour ses réalisations à Suresnes, rappelle l’enjeu social de ce type de constructions :
« Une réunion de maisons basses, sans point accentué, sans élan architectural, sans élévation, qui soit comme un lotissement sans caractère et sans âme, où l’absence d’un signe visible, d’une marque évidente donnant au groupe sa nette spécification risquera d’amoindrir cet esprit de solidarité locale d’où naît et où se fortifie l’esprit municipal ».
42Enfin, Maurice Rotival écrit dans L’architecture d’aujourd’hui en juin 1935 au sujet de la future banlieue :
« Nous espérons, un jour, sortir des villes comme Paris, non seulement par l’avenue des Champs-Élysées, la seule réalisation de tenue sans laquelle Paris n’existerait pas, mais sortir par Belleville, par Charonne, par Bobigny, et trouver harmonieusement disposées le long de larges autostrades, au milieu de grands espaces boisés, de parcs, de stades, des grandes cités claires, bien orientées, lumineusement éclairées par le soleil. Nous devons rêver de voir les enfants propres, heureux, jouant sur du gazon et non pas sur le trottoir. Nous rêvons, en un mot, d’un programme d’urbanisme, d’habitations à bon marché en liaison avec l’aménagement des grandes villes » [19].
44Néanmoins, il faudra encore attendre l’après seconde guerre mondiale avant qu’une véritable politique urbaine s’inspirant des modèles collectifs voie réellement le jour. Avant cette période, les municipalités ainsi que les services de l’État demeurent dans leur très grande majorité fidèles aux recommandations édictées à la fin du siècle précédent par les inspirateurs des habitations à bon marché, Georges Picot et Jules Siegfried en tout premier lieu. Ces orientations sont confirmées par certaines déclarations qui sont faites à l’échelle régionale par les acteurs engagés dans la construction de logements pour les classes populaires à l’image de l’abbé Lemire dans les Flandres. Fondateur de la Ligue du coin de terre et du foyer en 1896, élu à la Chambre des députés trois ans plus tôt, ce dernier prône le modèle de la maison « pittoresque et jolie ». Il se déclare également hostile aux grandes cités ouvrières bâties en série. Il souhaite même que l’ouvrier puisse choisir l’orientation de sa maison ou encore la disposition des pièces et des fenêtres ainsi que certains matériaux utilisés. Élu par la suite maire d’Hazebrouck, il mettra en effet en œuvre toute une série de constructions, notamment grâce au soutien du plan départemental des HBM. Dans la même veine, il faut bien évidemment citer le député du Nord Louis Loucheur, natif de Roubaix et auteur de la loi de 1928, pour qui la petite propriété individuelle demeure la référence par excellence comme en témoigne cet extrait d’un discours devant la Fédération Républicaine du Nord en 1923 :
« Chaque ménage nouveau doit pouvoir créer ainsi la maison de famille. Ce bien de famille que la précédente législature a voté (..) doit être la base de la fondation de toute famille. C’est en réalité l’acquisition de l’habitation réalisée par le paiement du loyer annuel. La maison et les cinq ou six cent mètres de terre qui l’entourent doivent être inaliénables, sauf dans des cas exceptionnels et bien définis ; ils doivent être sacrés et protégés contre toute saisie… C’est en somme la conception du foyer ancien soustrait, le plus possible, aux malheurs de la vie, celle de la maison pouvant se transmettre de génération en génération, avec la constitution d’un nouvel abri pour chaque rameau nouveau » [20].
46Cela peut expliquer en grande partie pourquoi l’habitat collectif est resté extrêmement peu présent dans les réalisations jusqu’à la veille de la seconde guerre mondiale : il ne possède guère de relais parmi les élus, certes pas à droite mais peu également à gauche, y compris dans certaines municipalités ouvrières.
Les réalisations dans le Nord jusqu’en 1939
47Comme cela a été rappelé en introduction, la question du logement ouvrier a été l’objet dès le milieu du xixe siècle de préoccupations importantes dans certains cercles patronaux, surtout parmi ceux engagés dans des actions philanthropiques. C’est le cas notamment de la famille Vrau qui possédait une filature à Lille et se préoccupa très tôt de la question du logement de ses ouvriers. En 1898, le Bulletin de la Société industrielle du Nord de la France publie l’étude de Camille Feron-Vrau, l’un des deux dirigeants, avec son beau-frère Philibert, de l’entreprise familiale, intitulée « Des habitations ouvrières à Lille en 1896 » que l’on pourrait situer dans la veine de celle du docteur Villermé. Dans l’introduction, l’ancien médecin rappelle que la question du logement de la famille ouvrière est, de toutes celles qui concernent les classes laborieuses, « incontestablement la plus importante, au double point de vue de l’hygiène et de la morale ». De son point de vue, il s’agit pour l’ouvrier de disposer d’un foyer « et de jouir pleinement et en toute sécurité de tous les avantages qu’il est en droit d’en attendre » [21]. Les réalisations furent en revanche des plus modestes. Ni l’Association des patrons dont Feron-Vrau était vice-président, ni la Société industrielle du Nord ne voulurent en réalité s’engager directement en faveur d’un programme de construction de logements ouvriers. C’est au sein de la Société de Saint-Vincent-de-Paul que Camille Feron-Vrau œuvra jusqu’à la fin de sa vie dans ce domaine. Il créa ainsi au sein de la paroisse Sainte-Marie-Madeleine à Lille une société immobilière au numéro 23 de la rue des Pénitentes dans laquelle furent aménagés 40 logements pour des familles ouvrières et qui prit le nom de Maison de Sainte-Marie-Madeleine [22].
48D’autres industriels régionaux prirent également part à des programmes de constructions pour les ouvriers. Dans la mesure du possible, c’est le choix de l’individuel qui fut généralement retenu comme le souligne le rapporteur de l’Union des sociétés industrielles de France lors du congrès de Reims en 1914, citant les constructions réalisées par des établissements industriels à l’exemple des 300 maisons construites par le patron de la manufacture Thiriez à Ennequin près de Loos : « Il a voulu éviter le coron et a exigé que chaque maison eût son style et son genre particulier, puisqu’il n’y a pas et il n’y aura pas deux maisons semblables dans toute la cité ouvrière » [23]. Cela semble également valable dans une large mesure dans le département du Pas-de-Calais. Dans son article sur les cités-jardins au nord de Paris, Odette Hardy-Hémery montre le recul de l’habitat de type coron dès les premières années du xxe siècle. En 1909, 65 % des constructions de la Société des Mines de Lens sont des logements pavillonnaires [24]. Il en ira de même par exemple pour la réalisation de la Cité de la Délivrance construite après la première guerre mondiale à Lomme. Sur les 826 logements envisagés, aucun immeuble d’habitation collectif n’a été prévu, à l’exception du foyer des agents de train et des mécaniciens. Selon les promoteurs du projet, à commencer par Raoul Dautry, seul le type de logement individuel peut favoriser l’épanouissement familial dont le pays a tant besoin pour contribuer à son relèvement après quatre années de guerre [25].
49La société immobilière mise en place par Camille Feron Vrau pour réaliser ses constructions appartenait au comité des HBM de l’arrondissement de Lille. L’Office départemental HBM fondé par décret du 30 décembre 1920 a également joué un rôle très important dans la mise en œuvre des programmes. Il aurait ainsi soutenu la construction de 2 500 logements dans le Nord durant l’entre-deux-guerres, ce qui est toutefois largement insuffisant par rapport aux besoins estimés [26]. C’est également lui qui, dans une très large mesure, oriente les programmes vers l’individuel ou le collectif. Toutefois, les membres de l’office départemental savent également faire preuve de discernement face à une réalité complexe. Au cours de la séance du 15 mars 1930, le compte rendu stipule que
« la maison individuelle – pavillon ou villa – paraît à tous comme l’habitation rêvée. C’est avec raison que sa construction a été encouragée. Mais il est incontestable que la multiplication de ces habitations ne peut être réalisée dans les grandes agglomérations. Les ressources en terrains sont réduites ou font défaut ».
51Il y est même évoqué le principe des « maisons collectives » : « Ces maisons conviennent à ceux que leurs activités appellent dans ces agglomérations, qui ont intérêt à y demeurer afin d’éviter des pertes de temps, les frais et la fatigue qu’occasionnent les déplacements quotidiens » [27]. Ceci explique peut-être en grande partie pourquoi les CIL purent faire figure de compromis raisonnable après guerre, dans la mesure où ce type d’habitation représentait avant tout une avancée sociale bénéfique pour les travailleurs. Sans doute aussi la construction de certaines d’entre elles comme celles de la Délivrance à Lomme ou dans une certaine mesure même la réalisation du groupe dit des « 400 maisons » à Lille Sud, inspirée en partie du modèle des cités-jardins, a-t-elle permis aux élus municipaux comme à un certain nombre de familles ouvrières de se familiariser avec un type de logements qui représentait au final un savant compromis social entre l’habitat individuel et l’habitat collectif.
52À partir de 1912, la loi déposée par le député du Rhône Laurent Bonnevay permet désormais la création d’offices municipaux HBM. À la veille de la première guerre mondiale, dans la région, on compte 45 sociétés HBM dont les statuts ont été approuvés, 35 dans le Nord et 10 dans le Pas-de-Calais. Il faut toutefois attendre la fin de la guerre pour que les municipalités soient en mesure d’engager les premières réalisations en même temps que la multiplication des offices municipaux d’habitations à bon marché [28]. La plupart d’entre eux sont orientés vers la construction individuelle. Il faut toutefois noter, au cours de l’entre-deux-guerres, quelques exceptions importantes comme à Lille, Roubaix et Tourcoing. Mais, dans chacun de ces cas, ce sont les impératifs de répondre rapidement et efficacement à une situation sanitaire préoccupante qui expliquent le choix du collectif.
53Dans la capitale des Flandres, le poids des destructions de la première guerre mondiale est tel que, sur 34 200 maisons répertoriées à la veille de la guerre, 1 108 ont été totalement détruites et 11100 endommagées. Dès 1920, le nouveau maire de la ville, Gustave Delory, fait adopter un Plan d’aménagement, d’extension et d’embellissement dont la direction est confiée à l’architecte Émile Dubuisson. Pour mener à bien son projet, il entend profiter de l’opportunité du déclassement de l’enceinte fortifiée de Lille, ce qui devrait permettre à la ville d’ajouter à terme 400 hectares supplémentaires aux 700 déjà existants avec des zones de construction de logements en grand nombre. Concernant les premiers plans de construction, il ne semble pas que l’équipe municipale, au début, ait eu des choix bien arrêtés, à l’exemple de ce qui sera plus tard l’ensemble Concorde. Selon le maire lui-même,
« la ville sera libre de créer ici un quartier luxueux, là une cité-jardin, plus loin un îlot d’habitation à bon marché. Sur les terrains militaires, nous construirons une ville nouvelle, salubre, esthétique, en tout point conforme aux desideratas de la loi du 14 mars 1919 » [29].
55Le Réveil du Nord relève toutefois qu’à l’occasion de la présentation du plan d’action municipale le 9 octobre 1921, Gustave Delory avait fait part de son souhait que les architectes puissent s’inspirer du vieux style flamand.
56Au cours de la décennie suivante, la présentation du programme de grands travaux adopté au Conseil municipal présidé désormais par Roger Salengro témoigne de la nouvelle ambition de Lille : devenir une ville moderne. L’inauguration du nouvel hôtel de ville en octobre 1932 dans le quartier Saint-Sauveur marque en quelque sorte cette volonté. On relève en particulier la volonté du pouvoir majoral de donner une réelle consistance sociale aux programmes de logements.
57L’architecte urbaniste Dubuisson va donc profiter du déclassement des fortifications à l’est et au sud de la ville pour mettre en chantier toute une nouvelle ceinture de logements qui correspondent aux nouvelles normes de la modernité. Ici, le choix en faveur de « maisons collectives » est sans ambiguïtés et souvent en rupture avec la culture ouvrière traditionnelle. Dès 1927, est mis en route le programme du Faubourg des Postes : 255 maisons individuelles et 21 collectives pour 396 familles en tout. À chaque fois, le confort est de mise. Les logements disposent de WC, d’eau, du gaz. Chaque logement collectif possède une cave ainsi qu’une courette suspendue et au rez-de-chaussée un petit garage pour voiture d’enfants et bicyclette. Les escaliers et planchers des étages ont été prévus en béton afin de permettre le lavage à grande eau et d’assurer l’insonorité. Trois ans plus tard, en 1930, c’est le groupe du Faubourg d’Arras composé de 242 logements individuels et 10 ensembles collectifs qui forme en tout 162 logements. À sa suite, le Faubourg de Béthune confirmera les choix en matière d’habitat moderne, en particulier au sein de l’ensemble « Veerhaeren ». Une partie des sous-sols des pavillons sera aménagée en salles de douches et seuls les locataires du groupe pourront en disposer plusieurs fois par mois. En terme d’innovation, il faut également souligner la place des équipements collectifs à l’image de la construction de l’école Trudaine toute proche ainsi que de la future Cité hospitalière et de l’Institut de mécanique des fluides et de la médecine légale. Désormais, le choix de l’habitat collectif rime avec recherche du progrès scientifique.
58Si l’habitat collectif demeure également minoritaire dans les choix réalisés par la municipalité roubaisienne au cours de l’entre-deux-guerres, il n’en reste pas moins que le choix du collectif s’inscrit dans une démarche de modernisation de la ville dans son ensemble. C’est ainsi qu’en 1921 la municipalité achète quatre hectares de terrains au sud de la ville et les cède à l’Office public d’HBM constitué en 1921 afin de constituer un nouveau quartier qui deviendra bientôt symboliquement le « Nouveau Roubaix ». Au cours de la séance du conseil municipal présentant le projet de construction de 775 logements, il a été notamment rappelé qu’en 1920, la ville manquait de près de 1 600 logements et qu’à la veille de la première guerre mondiale, 40 % de la population roubaisienne vivait encore en courées [30]. Ce qui ne pouvait guère laisser insensible le maire de Roubaix Jean Lebas, promoteur du projet et lui-même né en courée. La prévision de 775 logements proposait le décompte suivant : 191 maisons individuelles ; 556 appartements en habitations collectives de trois étages chacune ; 28 logements en habitations collectives comprenant en outre une boutique [31]. Il ne faut toutefois pas voir dans le choix de la municipalité socialiste, comme à Lille d’ailleurs, un quelconque choix d’ordre idéologique servant à promouvoir l’idéal d’un homme nouveau, mais avant tout un moyen efficace de lutter contre l’insalubrité. Pour la droite locale, il n’empêche : les nouvelles habitations seront appelés les « casernes à Lebas ». On ne peut pourtant raisonnablement comparer le « Nouveau Roubaix » ou le Faubourg de Béthune à Lille avec la réalisation du Karlhof à Vienne au cours de la même période et qui vaudra à la capitale autrichienne le surnom de « Vienne la Rouge ».
59Au cours de la séance du 7 décembre 1928, Jean Lebas confirme la tendance en annonçant un complément au projet initial grâce à la loi de juillet 1928. On entrevoit ici néanmoins les prémisses d’un véritable projet politique et social qui inscrit le choix de l’habitat collectif dans une démarche plus large [32]. Il y a effectivement l’ambition de faire de ce nouveau quartier la « vitrine » sociale de la ville avec la construction du vélodrome ainsi que de l’École de plein air dédiée à la jeunesse de la ville. On retrouve d’ailleurs la même veine hygiéniste dans l’ensemble des projets mis en œuvre dans la ville voisine de Tourcoing au cours de la mandature du maire radical Gustave Dron, par ailleurs médecin de profession.
60Dans le cas présent, le choix de l’habitat collectif s’explique avant tout par une attitude qui se veut pragmatique vis-à-vis de l’indigence de certaines populations laborieuses et de la nécessité d’agir au plus vite. Au cours de la séance du conseil municipal au cours de laquelle la municipalité proposait la création d’un office municipal HBM à Tourcoing, Dron avait affirmé que celui-ci ne devait pas avoir d’autres buts que de « multiplier les constructions de logements hygiéniques et confortables à l’usage des familles ouvrières les plus nombreuses et les moins aisées » [33].
61Alors qu’en 1923, l’office HBM n’avait réalisé « que » 155 maisons sur le sol tourquennois, quatre ans plus tard, Gustave Dron annonça le lancement d’un programme de 414 logements collectifs de quatre étages en moyenne dans le quartier dit de La Marlière à la périphérie de la ville ainsi qu’un autre, dit de « L’Alsacienne » dans le quartier voisin de la Croix Rouge. À ce propos, le maire déclara que « toutes les règles d’hygiène seront rigoureusement observées, l’éclairage et l’aération particulièrement étudiés, en un mot, on donnera à ces appartements tous les avantages d’une habitation saine, commode et agréable » [34]. Un nouveau programme sera mis en chantier au début des années 1930, 258 appartements, dont les deux tiers réservés pour des familles nombreuses. Comme à Roubaix, la réalisation ne se limite pas à une offre de logements. Il est également prévu d’y adjoindre des magasins afin de créer une véritable vie de quartier [35].
Conclusion
62À la veille de la seconde guerre mondiale, le bilan dressé par l’office départemental du Nord des HBM relatif aux réalisations de logements depuis sa création en 1924 et jusqu’au 1er juin 1939 permet d’établir un constat assez précis en ce qui concerne les choix qui ont été faits en matière d’habitation collective. Sur 44 sites répertoriés (programmes réalisés ou en passe de l’être), on relève, en ce qui concerne les réalisations achevées, 1 409 logements en individuel et seulement 453 en collectif. Seules trois villes ont fait ce dernier choix : Bergues (3 logements) ; Dunkerque (50) ; Lille (100). C’est en fait la Cité universitaire avec 300 logements qui permet d’atteindre le chiffre final de 453 [36]. On peut donc dire que le choix du logement collectif dans le Nord est quasi inexistant avant 1939, du moins en ce qui concerne l’office départemental du Nord, certaines municipalités ayant fait elles-mêmes le choix de la construction collective comme à Roubaix pour ses quartiers sud. Mais cela reste minoritaire par rapport à l’individuel.
63On ne retrouve guère à Lille l’équivalent par exemple du quartier des États-Unis à Lyon qui a été construit par Tony Garnier à partir de 1931 et qui, privilégiant nettement l’habitat collectif de grande ampleur, préfigure en quelque sorte certaines réalisations des années 1950-1960 [37].
64Le contraste est aussi saisissant avec le cas de Villeurbanne où la municipalité a souhaité s’affranchir des règles de construction des HBM. Grâce à un financement municipal, elle a ainsi pu entreprendre la construction d’immeubles de dix étages alors que les règles qui avaient été édictées par les HBM n’en autorisaient que cinq. Ainsi naquit le célèbre quartier des gratte ciel encore visible aujourd’hui. A priori, on ne retrouve guère de trace d’une telle audace dans les projets nordistes.
65On perçoit néanmoins une évolution notoire à la fin de la période étudiée, celle qui consiste à rechercher les règles d’un urbanisme régulateur qui permettra par la suite la mise en œuvre de nouvelles formes urbaines.
66C’est en mai 1939 que s’ouvre à Lille l’exposition du Progrès Social. La place accordée à la question du logement témoigne de l’importance prise par ce thème au cours du premier vingtième siècle de la part des pouvoirs publics comme le prouve cette présentation du groupe « V » consacré à l’habitation :
« Aucun groupe assurément ne saurait mieux répondre à nos préoccupations familières ; l’habitation, c’est le foyer, la vie en famille, le décor quotidien de nos actes et de nos pensées, le témoin de nos peines et de nos joies, l’émouvant passé et le frémissant avenir, le bonheur » [38].
68Toujours dans la plaquette officielle, la section urbaine fait également référence à ce que devra être la ville de demain : « une cité qui aurait fait la joie des encyclopédistes, précise et spirituelle, aux avenues fleuries, aux lampadaires de cristal, bruissants d’eaux vives ». Ces deux citations montrent que si l’on est encore loin des villes nouvelles qui tenteront bien après la seconde guerre mondiale de mettre en avant la recherche de modes de vie propres au genre urbain, on est en tout cas déjà loin des premières réalisations qui ne cherchaient, à la fin du xixe siècle, qu’à répondre de manière urgente à la forte demande de logements ouvriers. Désormais, c’est l’habitation génératrice d’un nouveau mode de vie qui est recherchée.
69Le rapport d’enquête qui est rendu en 1945 à Roubaix au sujet de son futur plan d’urbanisme confirme cette évolution qui tend à passer de la problématique du logement à celle de l’habitat. Notant que la ville possède ou possédera dans un avenir très prochain l’équipement nécessaire à la vie moderne d’une grande cité, les auteurs du rapport constatent néanmoins qu’il est un domaine « où le plus gros effort reste à faire : c’est celui de l’habitation ». À propos du choix de logements, soulignant les difficultés d’extension de la ville de Roubaix, les auteurs notent :
« En général, le nordiste, et en particulier le roubaisien, a une préférence très marquée pour la maison individuelle. À noter que celle-ci pourvue d’un jardin d’agrément et d’un potager constitue l’idéal tant au point de vue du confort que de l’hygiène. Mais cela exige une superficie d’au moins 250 à 300 m2 par maison ; si l’on ajoute rues et espaces libres, c’est d’une surface minimum de 500 m2 qu’il faut disposer par maison pour la réalisation d’un vaste programme de construction d’habitations ».
71Les auteurs du rapport constatent que, si l’on peut envisager de construire 5 000 logements à la place des taudis existants, il faudrait encore disposer de 500 hectares pour construire les 10 000 maisons individuelles qui manquent. Le recours à l’immeuble collectif apparaît donc de plus en plus comme indispensable. Si dans un premier temps, il est recommandé de ne pas trop s’éloigner du modèle de la maison individuelle prôné par les CIL et les syndicats ouvriers et qui doit s’adresser plutôt aux célibataires et aux familles peu nombreuses, en revanche, la question de la bonne moralité ne figure plus parmi les attendus d’une politique du logement. En revanche, il est rappelé qu’il faut éviter les « grands blocs » ainsi que les « casernes » et limiter à une capacité de 8 à 10 ménages l’habitation en collectif, séparée de sa voisine par des espaces verts agrémentés d’arbustes.
72La querelle du choix de l’individuel contre le collectif semble déjà, du moins en partie, quelque peu dépassée. La problématique de la taille des immeubles collectifs lui succède. Elle prendra tout son sens avec les premiers grands ensembles qui sortiront de terre à partir du milieu des années 1950.
Mots-clés éditeurs : politiques municipales, hygiène, question ouvrière, catholicisme social, urbanisation
Date de mise en ligne : 22/03/2013
https://doi.org/10.3917/rdn.374.0009Notes
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[*]
Thibault Tellier, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Lille 3, Irhis, 36, Cité Couvreur, 59223 Roncq. Email : thibault.tellier@univ-lille3.fr.
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[1]
Ainsi, Odette Hardy-Hémery, dans son article sur « Les cités-jardins au nord de Paris, fin xixe-xxe siècles » publié dans la Revue du Nord, évoque la « maison collective » pour désigner le choix qui a été fait lors de la création des HBM en 1894 contre la maison individuelle.
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[2]
L’auteur de l’article ajoute toutefois : « En attendant, il est indispensable, laissant de côté les questions irritantes de la politique, d’unir toutes les bonnes volontés pour apporter plus de bien être aux usagers », Le réveil des locataires. Organe de l’Union confédérale des locataires de France et des colonies, n° 126, sept. 1933, BNF Jo 25427.
-
[3]
R. Lefebvre, Le socialisme saisi par l’institution municipale (des années 1880 aux années 1980). Jeux d’échelles, Thèse de science politique, sous la direction de Frédéric Sawicki, Lille II, 2001. L’inventaire bibliographique réalisé par Rémi Lefebvre à l’occasion du colloque « Roubaix. 50 ans de transformation urbaine et de mutation sociale » publié en 2006 aux Presses du Septentrion, montre l’absence totale de mention spécifique concernant l’histoire du logement social durant l’entre-deux-guerres à Roubaix.
-
[4]
Voir notamment leurs contributions au colloque sur Le Peuple des villes dans l’Europe du Nord-Ouest, publié sous la direction de Philippe Guignet, CHRENO-Lille 3, 2002.
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[5]
D. Cornuel, B. Duriez, Le mirage urbain, histoire du logement à Roubaix, Paris, Anthropos, 1983.
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[6]
Une première approche a été faite dans T. Tellier, « Les nouvelles clôtures urbaines à l’âge industriel : l’encadrement des jeunes ouvrières du textile dans l’agglomération lilloise à la fin du xixe siècle », Histoire, Économie et Société, n° 3, 2005, p. 421-431.
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[7]
À ce sujet, l’ouvrage de F. Moret, Les socialistes et la ville (ENS Éditions, 1999) demeure indispensable à la compréhension du sujet.
-
[8]
D. Cornuel, B. Duriez, Le mirage urbain, histoire du logement à Roubaix, op. cit., p. 46.
-
[9]
P. Grunebaum-Ballin, Les offices publics d’HBM et leur rôle dans la restauration des régions envahies, Paris, Éd. Giard et Brière, 1917, p. 14. Il fut également président de l’Office HBM de la Seine à partir de 1926.
-
[10]
N. Hautmont, « Habitat et modèles culturels », Revue française de sociologie, IX, 1968, p. 180-190.
-
[11]
Au Congrès national des HBM qui se tient à Paris en 1889, Jules Siegfried déclare : « L’ouvrier propriétaire, c’est l’ouvrier économe, prévoyant, guéri des utopies révolutionnaires et socialistes, c’est l’ouvrier arraché au cabaret ! ».
-
[12]
Congrès national des HBM, Paris, 26-28 juin 1889, Paris, G. Ronzier et Cie, 1889, p. 59. Bibl. Sainte Geneviève, BR.88.487/1.
-
[13]
R.-H. Guerrand, Les origines du logement social en France, Paris, Éditions ouvrières, 1966, p. 286.
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[14]
Idem.
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[15]
Georges Picot cite en exemple de ce type de cité les maisons Peabody à Londres du nom d’un riche américain qui avait légué l’équivalent de 12 millions de francs pour construire des logements ouvriers et dans lesquels il avait été pris soin d’empêcher les relations sociales entre locataires. Picot cite notamment non sans une certaine envie le placement de baies ouvertes dans les couloirs de ces immeubles afin d’éviter les stationnements dans les espaces communs. J. Lahor, Les HBM et un art nouveau pour le peuple, Paris, Bibl. Larousse, 1911, p. 23.
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[16]
L’auteur note toutefois, que jusqu’alors, ce type de projet n’a pas encore pu voir le jour. Congrès national des HBM, 20-22 oct. 1895, organisation et compte rendu des séances, Bibl. Sainte Geneviève, R8°Sup 2994.
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[17]
L’ensemble de ces résolutions figure en annexe de la publication des actes du congrès national des HBM de Paris en 1889.
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[18]
Cité dans N. Haumont, L’habitat pavillonnaire, Institut de sociologie urbaine, Centre de recherches d’urbanisme, 1966, p. 38.
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[19]
Cité par A. Fourcaut, « Trois discours, une politique ? », Urbanisme, janv.-fév. 2002, p. 39.
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[20]
Propos retranscris dans le journal la Voix du Nord, 9 juin 1962.
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[21]
C. Feron-Vrau, « Des habitations ouvrières à Lille en 1896 », Bulletin de la Société industrielle du Nord de la France, 1898, 108 pages. Cité dans T. Tellier, « Portraits comparés et relations de Philibert Vrau et Camille Feron Vrau », in Philibert Vrau 1829-1905, actes du colloque de mars 2005, publications de l’Université catholique de Lille, 2006.
-
[22]
L’immeuble se situait dans la paroisse lilloise correspondante.
-
[23]
« Le développement de l’Habitation ouvrière à bon marché dans la région du Nord », rapport présenté lors du 2e congrès de l’Union des sociétés industrielles de France, Reims, 23-mai 1914, p. 57, Bibl. Sainte Geneviève, Br 68705.
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[24]
O. Hardy-Hémery, « Les cités-jardins au Nord de Paris, fin du xixe siècle-xxe siècle. De l’utopie hygiéniste au réalisme pragmatique », Revue du Nord, LXXIX, nos 320-321, avril-septembre 1997, p. 643-681.
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[25]
A. Gaboriau, La Cité de cheminots de Lille-la-Délivrance (1921-1926), certificat d’études approfondies en architecture, ss. la dir. de R. Klein et P. Longuet, École d’Architecture de Lille et Région Nord, 2001-2002, p. 32.
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[26]
Dans un document de synthèse publié en 1939, l’Office départemental HBM estime en effet à 6 900 le nombre de maisons à construire pour « hâter la disparition des baraquements qui subsistent encore ». ADN, X 96-53108.
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[27]
Office départemental HBM du Nord, séance du 15 mars 1930, ADN, X 96-53091.
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[28]
Selon le Journal officiel du 23 septembre 1924 cité par Odette Hardy dans son article, le Nord compte 648 offices, soit 10 % de l’ensemble national.
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[29]
Délibération de juillet 1920. Cité dans D. Delbaere, Table rase et paysage. Projet d’urbanisme et contextualité spatiale dans le Plan Voisin de Le Corbusier (1925) et la Cité Concorde de Le Maresquier (1954), sous la dir. de Frédéric Pousin, directeur de recherches au CNRS, EHESS, 2004, p. 380.
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[30]
Procès-verbal du conseil municipal de Roubaix, séance du 13 avril 1923.
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[31]
Délibération préfectorale du 31 mai 1923, ADN, 9653140.
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[32]
Pour plus de détails sur ce point, voir T. Tellier, « Le développement urbain de Roubaix dans la première partie du xxe siècle », in Roubaix. 50 ans de transformation urbaine et de mutation sociale, Presses du Septentrion, 2006, p. 41-56.
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[33]
Délibération du conseil municipal de Tourcoing, séance du 21 août 1913, Archives municipales de Tourcoing.
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[34]
Procès-verbal du conseil municipal de Tourcoing, séance du 28 janvier 1929.
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[35]
Ibid., séance du 9 octobre 1931.
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[36]
ADN, BA 9371. Il est d’ailleurs significatif de constater que la colonne consacrée aux immeubles en construction à la date de publication du document est totalement vierge en ce qui concerne la réalisation d’immeubles collectifs. En ce qui concerne toutefois les groupes en projet, on relève toutefois un rééquilibrage partiel. Sur 181 logements prévus, 65 le sont au titre du collectif.
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[37]
La municipalité lyonnaise y envisage la construction de pas moins de 1 620 logements et 68 magasins, soit presque un tiers du programme établi par la loi Loucheur pour la seule ville de Lyon. Cl. Berthet, Contribution à une histoire du logement social en France au xxe siècle : des bâtisseurs aux habitants : les HBM des États-Unis de Lyon, Paris, L’Harmattan, 1997.
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[38]
Exposition du Progrès Social, 1938/1939, ADN M. 541/52.