Notes
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[*]
Jean-Paul Thomas, professeur de chaire supérieure au lycée Henri IV, chercheur associé au Centre d’histoire de Sciences-Po, 56 rue Jacob, 75006 Paris.
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[1]
Ces articles, trop nombreux pour être cités ici, sont recensés dans : J. Nobécourt, Le colonel de La Rocque (1885-1946) ou les pièges du nationalisme chrétien, Paris, Fayard, 1996.
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[2]
J. Prévosto, Le PSF dans le département du Nord, mémoire de DES, Université de Paris X, 1971. (Un exemplaire est déposé aux archives du Centre d’histoire de Sciences Po, 56, rue Jacob, Paris). On peut aussi se référer à un article de J.-P. Florin, « Des Croix de feu au PSF : une mutation réussie ? l’exemple de la Fédération du Nord. 1936-1939 », Revue du Nord, t. LIX, n° 233, avril-juillet 1977, qui contient des affirmations à nos yeux discutables.
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[3]
Dont : R. Rémond, Les droites en France, Paris, Aubier, 1982, p. 215.
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[4]
J.-P. Thomas, « Les effectifs du Parti social français », Vingtième siècle, n° 62, avril-juin 1999 : le fait est établi avec les approximations d’usage par le recoupement de registres, fichiers (dont l’intégralité de celui du Nord), états nominaux tenus localement sur plusieurs années et de bordereaux d’adhésions, avec des recensements internes détaillés, dont un par département, d’octobre 1937.
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[5]
Notamment dans la Ligue patriotique des Françaises, proche de l’ALP ; puis dans les Jeunesses patriotes (étudiées par Jean Philippet). Sur cette continuité : J.-P. Thomas, « Les droites, les femmes et le mouvement associatif », in C. Andrieu, G. Le Béguec, D. Tartakowsky (dir.), Associations et champ politique. La loi de 1901 à l’épreuve du siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2001, p. 523-533.
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[6]
Le PSF arrivait souvent devant ses concurrents de droite au premier tour des partielles ; le second était plus difficile devant des coalitions de barrage. Trois députés PSF furent élus de novembre 1938 à mai 1939, le dernier avec une étiquette camouflée. L’élection de C. Vallin à Paris fut un coup de tonnerre à droite. Des observateurs prédisaient une centaine de députés PSF à la proportionnelle. Au contraire et a posteriori, F. Goguel diagnostiquait un échec électoral du PSF : pour une discussion critique de ce point de vue : J.-P. Thomas, Droites et rassemblement de 1936 à 1953, thèse, IEP Paris, 2002, t. I, p. 336-349.
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[7]
Le fichier a été déposé aux Archives départementales du Nord avec l’ensemble des archives de la Fédération PSF du Nord (cotes 68 J 1 à 259). Le fichier géographique est resté incomplet.
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[8]
Nous l’estimons à nettement moins de ± 3 % (52 500 à 55 500) à partir de vérifications numériques sur une dizaine de carnets, tenant compte de fiches détériorées et doubles. On a utilisé un pied à coulisse, efficace pour ces souches homogènes à reliure métallique (5 mètres linéaires).
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[9]
Voir note 4.
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[10]
Un brouillon d’Edmond Barrachin compte 24 600 adhérents en décembre 1936. Une note de police citant des chiffres à diverses dates d’après un rapport financier, indique que la progression décisive est entre 1937 et 1938 (AD Nord, M 154/297-d, 12.12.1938).
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[11]
J.-P. Thomas, thèse citée, entre autres chapitres : II, 1, B et 3, C ; VI, 2 (Ouest) ; VII, 2 (Alsace).
-
[12]
Ainsi : AD Nord, M 154 /297-b, 12.2.1937, commissaire central de Douai : 2 500 à 2 800 à un meeting PSF, contre 6 à 700 contre-manifestants du Front populaire ; chef d’escadron du Nord de la gendarmerie : 2 500 à 3 000 contre 500 à 600 ; 13.2.1937 : le préfet conclut : « près de 3 000 » ; Le Ralliement du Nord de la France (PSF) comptait 3 500 présents.
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[13]
Raymond Huard l’observe dans les premières formations socialistes en France (La naissance du parti politique en France, FNSP, 1996, p. 272 sq). On voit la même difficulté beaucoup plus tard au RPF, rassemblement de masses faiblement politisées non dénué d’analogie avec le PSF.
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[14]
À Vernon (Eure), les talons des impayés étaient regroupés pour retour à l’échelon supérieur. Dans les registres de Montreuil (Seine), les non-cotisants de l’année de référence sont soigneusement rayés.
-
[15]
Bulletin d’information (intérieur, du PSF) n° 48, 8.9.1937.
-
[16]
Près de 2 000 noms, dont les fiches ont bien été retirées du fichier fédéral.
-
[17]
Il estimait, sans précision, que le PSF recrutait moins de salariés de la grande métallurgie. Mais l’emploi dominant de l’arrondissement de Lille, zone de plus grande force du parti, était dans le textile.
-
[18]
Art. cit., p. 246, n. 101 : l’auteur paraît s’appuyer sur des sources incomplètes et souvent hostiles au PSF qui pourraient confirmer le préjugé selon lequel un parti de droite ne peut pas réunir une masse d’« exploités ». Signalons que le ton de certains rapports de police du Nord désignant le PSF par la périphrase « les fascistes » est moins neutre qu’ailleurs.
-
[19]
Cas d’Armand Drelon, mineur, Croix de feu puis président de la section PSF de Wingles, et de son fils Joannès, Volontaire national puis jeune PSF, résistant, employé des mines et candidat sur la liste RPF dans le Pas-de-Calais à l’élection législative du 17 juin 1951.
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[20]
Bertrand Motte, né en 1914, lauréat de la coupe d’éloquence de la DRAC, était un orateur de foule, apparaissant dans ce rôle à la tête des VN du Nord dès 1935. En février 1938, il parlait avec La Rocque devant quatre mille auditeurs à Valenciennes (Le Flambeau de Flandre, Artois, Picardie, 27.2.1938). Les talents de ce futur dirigeant de syndicats patronaux préoccupé d’action sociale, ainsi que du CNI, ne se limitaient pas au registre oratoire.
-
[21]
AD Nord, M 154/297-d, 4.2.1938.
-
[22]
J. Prévosto, mémoire cité, p. 170.
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[23]
AD Nord, M154/101, fichier politique 1937-1939 ; M154/297-bc, Lille, 4.3.1937 : Tichoux, de Cambrai, ex-secrétaire des Jeunesses socialistes de Lens, communiste dès le congrès de Tours, agitateur professionnel (27 renvois d’entreprise, trois mois de prison), converti au PSF et orateur.
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[24]
Menne, élu à Desvres (Pas-de-Calais) ; Louis Delétrain, battu à Roubaix (d’après les étiquettes attribuées par André de Fels : Élections cantonales. Scrutin des 10 et 17 octobre 1937, Paris, Éditions de l’Alliance démocratique). L’auteur use des étiquettes anciennes (niant le PSF autant que possible) mais pas trop : celle de « radical-socialiste » exclut une transition par un centre droit radical indépendant.
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[25]
Le Flambeau de Flandre, 13.2.1938 ; 22.5.1938 : présentation très favorable de l’exposition jociste de Lille, soulignant la convergence des idées et de l’inspiration.
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[26]
Le Flambeau de Flandre, 14.5.1939.
-
[27]
J. Prévosto, Mémoire cité, p. 125.
-
[28]
S. Berstein, Histoire du Parti radical, t. II, Paris, FNSP, 1982, p. 512.
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[29]
À Maubeuge-Nord et Sud, Cambrai-Est, Carnières, Solesmes, Douai-Nord, Bourbourg, Dunkerque-Est, Gravelines, Merville, Cysoing, Haubourdin, Lille-Nord et Sud, Roubaix-Est et Ouest, Seclin, Bouchain, Condé, Saint-Amand (rive droite et rive gauche). Voir : J.-P. Thomas, Thèse citée, t. 2, p. 901-905 et notes, p. 915-916.
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[30]
11 candidats identifiables en l’absence d’une consultation des archives départementales. Les élus l’étaient dans des cantons à dominante rurale (Beaumetz-les-Loges, Desvres, Audruicq, Étaples).
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[31]
Le bien fondé de ces revendications à l’échelle nationale, dont certes celle de ralliés, est établi mais les pièces sont trop longues pour être exposées ici. Voir : J.-P. Thomas, Thèse citée, t.1, p. 322-328 et notes p. 334-335 ; sur le dossier préfectoral de la Loire-Inférieure, demandé par le ministre, pointant les élus exigeant le rétablissement de leur qualité de PSF : t.2, p. 531-533, notes p. 546-547.
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[32]
Lens-Est : premier tour en 1937, PSF : 14,4 %, PDP : 8,4 % (N.B. : chiffres vérifiés dans de Fels, l’auteur d’un mémoire de maîtrise sur le PSF dans le Pas-de-Calais les ayant inversés) ; deuxième tour, PSF : 22,1 % ; Roubaix-Est : premier tour en 1937, PSF : 24,9 %, PDP : 12,9 % ; deuxième tour, PSF : 38,1 %.
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[33]
Le Petit Journal, 19.10.1937 : « …malgré les manœuvres du sénateur Bersez, recommandant aux électeurs radicaux de voter pour le candidat marxiste, monsieur Houillon a été élu […grâce] à l’esprit d’abnégation et de discipline du PSF. Pas une voix patriote n’a manqué ».
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[34]
Rappelons que ce front des droites fut proposé par Doriot au printemps 1937 et avalisé par la Fédération républicaine, dans un contexte de radicalisation et pour endiguer le PSF qui, bien entendu, le refusa.
-
[35]
Des sources de droite fort diverses répètent que Becquart était un repoussoir électoral. Sa carrière piteuse après 1945, malgré ses titres de résistance, semble le confirmer a posteriori.
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[36]
La circonscription la plus « probable » n’était tombée à gauche que par l’évolution du lemiriste Gabriel Plancke, devenu en 1936 « USR », donc « Front populaire », élu avec une avance de 60 voix. Son électorat avait réintégré le giron modéré jusque dans son canton où il avait été écrasé en 1937.
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[37]
Barrachin prévoyait de le présenter dans l’Oise où il avait commencé une implantation. J. Legendre nous a indiqué qu’on lui laissait le choix (entretien : 25.10.1993). S’il fut élu dans l’Oise en 1945, l’arithmétique était beaucoup plus favorable à Hazebrouck en 1937…
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[38]
Ces échanges de bons procédés étaient très visibles en 1937, où des radicaux indépendants partageaient souvent avec le PSF les candidatures multiples aux conseils d’arrondissement.
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[39]
Membre en 1936 du Comité parlementaire de sympathie pour le PSF. Barrachin ne prévoyait pas de candidat contre lui malgré la densité record de l’implantation PSF dans sa circonscription, sans doute non sans gage. Sa correspondance avec un émissaire de C.Vallin en 1945 est d’un ton qui ne laisse pas supposer de fausses notes antérieures.
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[40]
On ne cite qu’une atmosphère faute d’archives privées (sauf quelques papiers de Jean-Pierre Plichon). Léon Delsart, député républicain de gauche battu en 1936, faisait applaudir le PSF en réunion publique au printemps suivant (Le Ralliement du Nord de la France, n° 4, 21.4.1937). Le soutien apporté par le sénateur Guillaume des Rotours (même tendance) au candidat du PSF à Haubourdin, dans son secteur d’influence (Le Flambeau de Flandre, 6.11.1937), était moins marquant mais semblait au-delà d’une unité passive.
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[41]
Membres du PSF : Henri Mallez, ancien maire de Cambrai, futur député ; Louis Christiaens, élu consulaire très influent dans le monde des petites entreprises, futur député (absent du fichier mais adhérent attesté par son fils le père Christiaens, S. J.) ; au moins sympathisant : Gustave Scrive-Thiriez, maire de La Madeleine (pas recherché dans le fichier mais sa présence dans les listes de l’association Les Amis de La Rocque est plus probante encore que son assistance aux réunions PSF des années trente).
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[42]
Statistique dans J. Prévosto, Mémoire cité, p. 58 sq. et annexes.
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[43]
AD Nord M 154/150, 29.11.1936 : dans une réunion de 400 personnes, Léon Goethals, président du Comité central de l’Union nationale et républicaine, étroitement associée jusque-là aux milieux de la FNC et de la FR, « a terminé en disant que les membres de l’Union nationale et républicaine pouvaient adhérer et dépenser leur énergie au PSF ». Également cités : Paul Seghers est ensuite un orateur très actif du PSF, Gustave Vanhoucke, un dirigeant départemental du parti puis de la Réconciliation française.
-
[44]
Y.-M. Hilaire, R. Vandenbussche, « Une chrétienté menacée : Religion et incroyance », in Y.-M. Hilaire (dir.), Histoire du Nord-Pas-de-Calais de 1900 à nos jours, Toulouse, Privat, 1982.
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[45]
On connaît parmi ses pionniers Alban de Villeneuve-Bargemont (1784-1850), préfet puis député du Nord.
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[46]
Cl. Paillat, Dossiers secrets de la France contemporaine, t. 3, La guerre à l’horizon, Paris, Robert Laffont, 1981, p. 369-392.
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[47]
AD Nord, 68J/168, 3.12.1938, 17.12.1938.
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[48]
J. Prévosto, Mémoire cité, p. 139 sq. Les adversaires n’y voyaient que recrutement alimentaire.
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[49]
AD Nord, 68 J 188, 25.6.1938.
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[50]
J.-P. Thomas, Thèse citée, notamment VI, 2, C, p. 541-542 et notes : exemple de polémique conservatrice contre la « démagogie » du PSF et sa préférence pour le mot « solidarité ».
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[51]
Le Flambeau de Flandre, 26.6.1938.
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[52]
Simples exemples : Max Descamps président du Syndicat du textile lillois et de l’Union régionale de l’industrie textile (qui coordonnait l’action sociale des industriels) était un vieux fidèle de La Rocque ; il drainait encore les fonds pour la réconciliation française en 1945-1946. Son épouse était une active déléguée à l’action sociale PSF à Lille. Eugène Motte, cousin de Bertrand et comme lui petit-fils du « roi de la laine », présent dans le fichier PSF implicitement comme financier (avec son adresse professionnelle), fut par la suite au cœur de l’appareil financier gaulliste (dont le système parallèle, baptisé UPANG, ressemblait étrangement à celui du PSF) jusque dans la traversée du désert.
1Malgré la brièveté de son existence, le Parti social français a été un carrefour dans la crise des droites et dans la mutation à plus longue échéance des cultures politiques nationales. À une époque où son importance était quelque peu oubliée, malgré les articles de Philippe Mâchefer [1], sa fédération du Nord a été un objet pionnier de monographie : elle confirmait la réalité d’un parti de masses.
2Le travail le plus approfondi a été le premier : le mémoire de DES soutenu en 1971 par Jacques Prévosto [2] est demeuré, quoiqu’inédit, une référence connue par sa citation substantielle dans divers ouvrages [3]. Notre regard ici sera croisé, sur le PSF en général et sur son émanation dans le Nord : c’est aussi une manière d’étudier les nuances régionales des droites, dont il est un révélateur.
L’originalité du PSF dans l’histoire des droites
3Le PSF est un objet étrange. Il se voulait « autre chose » : qu’un parti, dont il portait pourtant la dénomination ; que « la droite », au mépris de l’évidence… Il rassembla des foules sans précédent autour de cet « apolitisme », banalité de l’époque mais que ses concurrents sur ce terrain ne surent exploiter.
4Sa première originalité était sa filiation dans le mouvement des Croix de feu : l’association éponyme était une élite de combattants distingués par leurs citations ou au moins le temps passé aux premières lignes (les briscards), se prétendant purs de toute politique. Certes autour d’elle s’étaient agrégés le cercle bien plus large des Volontaires nationaux et leur commune dissolution comme ligue en juin 1936 était ancrée au premier plan des conflits civils. Mais nulle autre formation ne put jamais invoquer comme source de légitimité un tel héritage direct : il fondait la « mystique Croix de feu », constamment invoquée par le PSF. Le mythe des anciens combattants y était présenté dans une version qui à la fois leur était commune mais aussi marquée à droite : loin de « la politique » qui divisait, les tranchées leur avaient révélé la vraie fraternité ; leur exemple montrait le chemin face aux dangers nouveaux pesant sur le pays : celui d’une union pour le salut public… Seul ce dernier point tranchait vraiment sur un discours banal parmi les anciens poilus et laissait apparaître de quel côté penchait l’apolitisme ; mais cette culture à double face avait à cette époque un fort ascendant, plongeant dans un souvenir poignant qui mettait à mal ancrages et frontières partisans ; et les périls réels de la fin des années trente lui donnaient un second souffle.
5Ce mythe en soi laïc, relecture de l’Union sacrée, n’eût pas acquis une telle force si le PSF n’avait d’autre part plongé des racines profondes dans un héritage catholique social. On en aperçoit vite le poids – non exclusif par ailleurs – dans sa géographie, ses discours et ses pratiques, et dans l’itinéraire de figures significatives. Il portait aussi la marque très personnelle de La Rocque. Il fut matérialisé par un extraordinaire activisme « social » (c’est-à-dire également sociable, quoiqu’en premier lieu d’assistance), recyclant des dévouements et des compétences venues de cette tradition, mais les démultipliant. Les ressorts inépuisables qu’il offrait furent le support du parti, aspirant les sympathisants, fixant les militants, perpétuant les engagements. Il réconciliait aussi avec la « Politique », en un sens noble était-il précisé, toute une partie d’un monde catholique qui naguère s’était ou avait été exclu du consensus républicain.
6Le succès fut d’abord le rassemblement de foules sans précédent : un gros million d’adhérents en 1939 [4], soit beaucoup plus que l’addition des partis socialiste et communiste à l’époque (et plus que le PC à son apogée de 1947). Certes le militantisme PSF pût-il être plus inégal que celui des communistes, marqué par l’apolitisme proclamé, parfois purement festif ; en revanche le parti se distingue de toutes les formations de gauche par la mobilisation massive de jeunes et de femmes : ce militantisme féminin a un caractère précurseur dans la vie politique française, jusqu’à un certain point (dans la limite où l’on remarque de moindres précédents dans des mouvements diversement marqués par une tradition catholique ou ligueuse) [5]. Conforté par l’envol immédiat de ses effectifs, il se voyait appelé à remplacer les anciennes formations de droite qui n’avaient pu endiguer le Front populaire en raison de la piètre idée qu’elles donnaient des « nationaux », défenseurs selon lui d’intérêts conservateurs ou matérialistes ; il leur opposait la conversion de militants de gauche – dont le nombre reste indéterminé – autour de son idéal de « service public ».
7Le PSF sembla bien incarner une relève politique à la fin des années trente. La captation qu’il prétendait réaliser dans tous les azimuts ne fut pas sans difficultés mais elle fut une réussite partielle, bien sûr en premier lieu au sein des droites et centres droits, déstabilisant les vieux appareils. Elle restait à vérifier sur le terrain électoral [6]. Recentré, prônant l’union nationale, la modernisation politique autour d’un choix clair (qu’offraient son programme et sa discipline, dans une alternative binaire), et la modernisation du pays en général, il préfigura le gaullisme politique à ce titre : cette observation de longue date, formulée notamment par René Rémond, est confirmée par la remarquable récupération militante qu’en opéra le RPF (certes non exclusive d’autres reclassements d’après guerre, non plus que d’une déperdition majoritaire)… C’est d’ailleurs seulement à ce titre d’une analogie, car les foules du PSF, dépassant de loin celles du gaullisme, furent réunies par un « apolitisme » d’une fraîcheur plus naïve. On n’en trouve pas davantage une expression comparable au sein de droites communiant dans cette pétition de principe selon laquelle il convenait de ne pas « faire de politique ».
Le poids du PSF dans le Nord
8Le Nord, au sens départemental et régional, donne la meilleure mesure du phénomène PSF, parce qu’il n’est exceptionnel qu’en raison de sa très forte population : le département, premier de province par le nombre des adhérents, troisième en comptant la région parisienne, ne venait qu’au treizième rang par sa densité (mesurée à la population totale) à la fin de 1937.
9Le chiffre de 1939 est attesté par le fichier de la fédération départementale : on peut aujourd’hui préciser, vers le haut, l’estimation de 50 000 à 55 000 qu’en avait faite Jacques Prévosto alors qu’il ne disposait pas de tout le fichier alphabétique, et en l’absence d’un fichier géographique complet [7]. Le dépôt dorénavant intégral du premier permet, en attendant un décompte manuel, de l’évaluer avec une faible marge d’erreur en raison de l’épaisseur parfaitement uniforme des fiches mécanographiques [8] : le total est plutôt de l’ordre de 54 000 adhérents. Pour la fédération régionale, on dispose d’un chiffre sûr dans l’état des effectifs nationaux au 31 octobre 1937 dressé à usage interne par le directeur du bureau politique, Edmond Barrachin : sa fiabilité est démontrée par de solides recoupements [9]. Le Nord avait alors 44 000 adhérents, suivi du Pas-de-Calais : plus de 17 000 (septième département par le nombre en comptant la région parisienne, trente-deuxième pour la densité) ; et de la Somme : près de 9 000 (vingtième et vingt-sixième rangs selon les mêmes critères) ; soit au total 70 000 membres à cette date. La croissance constatée ensuite dans le Nord et le fait que les zones rurales – plus importantes dans les deux autres départements – connurent une progression plus forte que les grandes agglomérations après cette date, laissent envisager un chiffre régional de l’ordre de 90 000 à la veille de la guerre, sans certitude.
10Pour autant qu’on puisse reconstituer la progression, la poussée la plus importante eut lieu en 1937, c’est-à-dire après l’année de naissance du parti [10] : elle paraît proche d’un doublement en un an. Quant à l’évolution ultérieure, la seule source détaillée concerne le comité de Tourcoing où Jacques Prévosto ne relève qu’une augmentation de l’ordre de 6 % entre 1937 et 1939 : si elle lui confirme que la flambée PSF ne fut pas « un feu de paille », elle nous suggère aussi que le parti occupait dès 1937 l’espace qui pouvait être le sien dans les zones urbaines qu’il saturait. L’état final du fichier, comme les rapports préfectoraux, suggère plutôt une progression de l’ordre de 20 % en 1938 et 1939 à l’échelle du département. Cette croissance décalée correspond à une transgression géographique et sociale, le recrutement s’étendant beaucoup plus largement aux banlieues, aux campagnes et aux classes populaires. On peut le montrer dans ce secteur de Tourcoing pour lequel on dispose d’archives descendant au niveau de la section Croix de feu et du comité local PSF : Jacques Prévosto calcule que la ville centrale (relativement un pôle de bourgeoisie) réunissait 80 % de l’effectif au temps de la ligue, le seul reliquat significatif étant dans la banlieue résidentielle de Mouvaux ; et seulement 40 % de celui du comité PSF constitué dans les mêmes limites géographiques. Si en termes municipaux l’augmentation de loin la plus forte était celle de la grosse commune de Marcq-en-Barœul, industrielle mais socialement composite, le cumul des localités moindres du secteur d’Halluin, le plus ouvrier, donnait un total comparable. Au contraire Tourcoing connut un tassement, confirmant qu’il y eut un déchet parmi les anciens adhérents de la ligue : l’exemple d’autres régions laisse penser que ce conservatisme Croix de feu refusant le PSF allait de pair avec une sociologie plus étroite [11].
11Les foules des grands rassemblements ne démentent pas les myriades théoriques. Pour le congrès régional du Nord à Wicres en juin 1937, pimenté par une interdiction préfectorale, le commissaire divisionnaire de police spéciale observant les préparatifs peu clandestins, indiquait que les organisateurs avaient commandé 100 000 sandwiches et 200 000 bouteilles de bière. Les comptes rendus internes des archives fédérales, recensant par commune les voitures mobilisées pour le transport des membres et sympathisants transportés, sont non moins parlants. Dans les meetings locaux, on remarque souvent une concordance relative dans le Nord entre les revendications PSF d’une assistance massive et les estimations policières, avec parfois une confirmation de la gendarmerie par surcroît [12]. Mais on doit dépasser les chiffres pour poser la question du sens des adhésions, au-delà d’un jour de fête.
12Certains auteurs se sont interrogés sur le signe minimum d’une adhésion autre que formelle : la perception d’une cotisation. Il est vrai que cette pratique ne s’est que lentement acclimatée dans les formations politiques archaïques [13], modèle dont le PSF relève à quelque titre. Mais on trouve bel et bien hors du Nord, dans des registres ou fichiers émanant du lieu même des paiements c’est-à-dire des sections, la preuve indiscutable que c’était une obligation [14] – fût-elle observée avec un retard saisonnier que connaissent tous les partis –. J. Prévosto remarque qu’on ne trouve trace que d’une minorité de paiements dans le fichier du Nord ; mais rien n’indique que cette source, qui négligeait bien d’autres indications, ait été un instrument de contrôle individuel, d’autant qu’il s’agit de fiches mécanographiques et non de talons de cartes : un pointage doublant celui des sections eût été aussi lourd qu’inutile si les fonds remontaient effectivement. Jean-Pierre Florin compare le montant individuel des cotisations (12 francs pour les assurés sociaux, 20 francs pour les autres) avec le budget annuel de 200000 francs du PSF dans le Nord pour y chercher la preuve que ses 50000 adhérents ne s’en acquittaient guère ; mais il conviendrait d’établir une distinction des niveaux local, fédéral et national : par rapport à ce qui revenait respectivement aux sections et au siège central, la part reversée aux fédérations départementales et régionales était modique : les 3 francs revenant à ce double échelon en 1937 sur chaque cotisation des seuls non-assurés sociaux [15], soit dans le Nord environ 60000 francs, étaient là loin de couvrir leurs frais de fonctionnement : le reste l’était par d’autres sources, dons et produits divers. À défaut d’une preuve aussi explicite qu’ailleurs des paiements dans le Nord, on peut penser que leur absence nourrissait le fichier des démissions, soigneusement tenu [16]. Le turn over ne semble pas non plus avoir été plus important que dans un autre parti de masses ; et si, de même, il y eut des adhésions passives, l’activisme débordant attesté par les rapports de police comme par les comptes rendus locaux de la presse PSF suppose qu’une part importante des encartés militait à divers degrés.
Un mouvement populaire interclassiste
13Parti de masses, le PSF fut naturellement dans le Nord un mouvement populaire : c’est une sorte de pléonasme. Jacques Prévosto cite 55 % d’ouvriers et employés au PSF selon un dénombrement de 1936 ; mais on peut calculer un pourcentage de 59 % à travers les plus de 6 200 fiches de 1939 qu’il a lui-même dépouillées. Les ouvriers au sens le plus étroit (hors agriculture, tertiaire et maîtrise) représentaient 32 % des appartenances professionnelles identifiables en 1939 ; 36 % en comptant les ouvriers agricoles (mais sans les manutentionnaires du tertiaire). Le fichier permet d’identifier un nombre appréciable de métallurgistes, de travailleurs du textile, de mineurs, c’est-à-dire de travailleurs des branches caractéristiques de l’économie régionale ; et, hors des ouvriers stricto sensu, de contremaîtres ou « chefs de fabrication », dénomination régionale équivalente. On ne saurait du reste séparer par des cloisons de classes étanches l’analyse d’un monde populaire salarié qui se révèle aussi au fil du fichier par sa cohérence locale voire celle de phratries. Dans un registre plus large, la part des assurés sociaux atteignait 67 % dans l’arrondissement de Douai, 84 % dans le canton de Lille-sud-est, 75 % à Ronchin ; et 65 % à Liévin dans le bassin houiller du Pas-de-Calais.
14Quel que soit le pourcentage des ouvriers et employés, c’est par une prudence excessive que Jacques Prévosto le comparait à leur part un peu plus importante (67 %) dans la population active totale, comme pour modérer la constatation d’une évidence : que le recrutement du PSF puisait majoritairement dans les classes salariées modestes ? [17] Mais faut-il partir du postulat selon lequel la propension à l’organisation politique devrait être la même dans tous les groupes de la société, alors que de multiples raisons culturelles limitent l’engagement au sein des catégories sociales dominées – au contraire des classes moyennes de tous statuts, surreprésentées dans tant de mouvements militants – ? La fédération PSF du Nord comptant, sur environ 54 000 adhérents, 19 000 à 20 000 ouvriers, soit plus que le parti communiste, on peut difficilement avaliser le jugement de Jean-Pierre Florin, selon lequel l’attraction du PSF dans ce milieu « fut un phénomène marginal » [18]. À moins que cet adjectif ne soit employé par lapsus pour « minoritaire » ?… encore en un sens à préciser, car il passe à côté d’un problème historique et politologique : le PSF pénétrait le monde ouvrier de l’extérieur des structures tendant à l’organiser en classe. Plus prosaïquement, il s’y heurtait à une force de rejet y compris physique que pouvaient mobiliser ses adversaires. Sa capacité à s’y implanter malgré tout montre aussi les limites de cette sociologie, qui pose au surplus des problèmes conceptuels excédant notre objet. Elle n’a en tout cas jamais exclu l’existence d’autres visions de soi dans les milieux ouvriers : celles de professionnels consciencieux ou individualistes, encouragés par de réelles chances de promotion ; de catholiques ; d’anciens combattants – dont des Nord-Africains, bien représentés au PSF – ; plus marginalement la réaction contre un embrigadement de la part de déçus de l’extrême gauche. Les anciens ouvriers PSF que nous avons pu rencontrer alliaient une propension à une modeste ascension sociale à des responsabilités militantes. La poursuite d’engagements analogues après guerre, souvent au RPF, parfois sur deux générations [19], témoigne d’un enracinement stable.
15Jacques Prévosto note beaucoup plus justement que le PSF recrutait dans toutes les classes. Son implantation paysanne était plus forte comparativement : plus de 16 % des effectifs alors qu’exploitants et salariés agricoles n’étaient que 11 % dans la population active. Elle rend compte d’une force particulière du parti dans la Flandre, où l’interaction du facteur rural et de la tradition catholique lui fournissait son meilleur terreau. La vaste nébuleuse des classes moyennes est évidemment difficile à cerner : Jacques Prévosto les estime à 38 %, dont les employés autres que du commerce (16 %), les indépendants présumés, artisans et surtout commerçants (ensemble 14 %), et des éléments divers, retraités, « sans profession », d’une nature incertaine. Les « classes supérieures » (professions libérales, cadres supérieurs, chefs d’entreprise et négociants – au sens strict, rentiers et propriétaires) étaient en nombre non négligeable ; mais leur catégorie relève à l’évidence d’une approche autre que statistique. Il ne manque guère, dans les archives de la fédération, de nom des grandes familles patronales du Nord, des Tiberghien aux Thiriez, en passant par les Scrive, Scalbert, Descamps, Motte : chacune y est en général représentée par un échantillon nombreux et représentatif.
16La sociologie interclassiste n’empêchait pas une direction à dominante « bourgeoise ». Ce caractère, assez général au PSF malgré une promotion organisée, était plus accentué dans le Nord où la grande bourgeoisie était surreprésentée au sommet en 1936. Le président régional, Armand Causaert, était un industriel ; son adjoint, Charles de Bailliencourt, était ingénieur, comme le président départemental, Edmond Duhamel ; le trésorier fédéral, Michel Scalbert, appartenait à une dynastie bancaire de premier plan ; le secrétaire fédéral, Charles Lecigne, était « attaché de banque » ; l’avocat Gustave Vanhoucke et le négociant en lin Jean-Marie Catesson, président du comité de Lille, complétaient ce premier noyau dirigeant. L’apparition ultérieure d’un nouveau secrétaire fédéral, Bertrand Motte, justifiée par le talent de ce jeune et brillant orateur, petit-fils du « roi de la laine » Eugène Motte, ne rompait pas la continuité [20]. En revanche à l’échelon des directions intermédiaires, les autorités sociales et les classes moyennes pas moins présentes faisaient une place croissante à des cadres émergents issus d’un monde militant. Leur rôle dans les comités locaux ne saurait être considéré comme mineur, si on remarque que certains avaient l’importance numérique d’une fédération moyenne du PSF.
17À ce niveau, les organigrammes incertains sont moins parlants que le rôle des responsables et orateurs revenant dans les rapports de police et les comptes rendus militants. Les propagandistes les plus ubiquistes étaient en même temps des organisateurs locaux dans un rayon plus circonscrit. Les deux plus populaires, d’après les réservations d’orateurs par les sections et le jugement des rapports de police, étaient le jeune paysan Fernand Van Graefschepe (futur secrétaire général de la FNSEA), secrétaire de la section de Cassel, et Pierre-Georges Sarrazin (futur député UNR), ingénieur chez Bréguet et délégué à la propagande du comité de Douai. Parmi les autres orateurs-cadres fréquemment cités sont identifiables plusieurs ouvriers ou salariés modestes : l’ancien communiste Jules Dubar, le métallurgiste (ou dessinateur de la métallurgie ?) Abel Beylard, délégué à la propagande de l’arrondissement de Valenciennes. D’autres ouvriers n’apparaissent que dans leur secteur mais pas moins comme dirigeants locaux et porte-drapeau : ainsi, dans le Pas-de-Calais, le mineur Armand Drelon, président de la très grosse section de Wingles, était-il en 1937 candidat dans le canton de Lens-Ouest ; Croix de feu titulaire de plusieurs citations, propagandiste actif dès les premiers mois du parti, il était tout autre chose qu’un ouvrier prête-nom. On en trouve encore parmi les candidats à diverses élections, dont le métallurgiste Louis Delétrain. Certes ces représentants du monde ouvrier, même flanqués de la catégorie des contremaîtres, étaient-ils minoritaires dans les directions à côté des notables libéraux, courtiers d’assurances, commerçants petits et gros, voire paysans et artisans. Quelques porteurs de grands noms patronaux (Scrive, Bonte, Tiberghien…) n’étaient pas non plus absents parmi les cadres locaux actifs : l’activité militante et oratoire de certains laisse même penser qu’ils pouvaient également être populaires. C’était à vrai dire surtout dans l’arrondissement de Lille : ailleurs, on trouvait plutôt des industriels petits et moyens dans les villes traditionnelles et des cadres éventuellement dirigeants de grandes entreprises dans le bassin houiller et métallurgique. Globalement au sein de cette diversité, la montée des éléments ouvriers et populaires était recherchée, mais se faisait au rythme un peu lent de l’éclosion des compétences, dans un mouvement qui avait de la chose une conception organique plutôt que volontariste.
Le PSF dans le jeu politique régional : une ouverture ?
18L’insertion du nouveau parti fut ambivalente. La priorité qu’il accordait à la conquête des classes populaires et le potentiel militant qu’il pût dès le départ mettre au service de cette ambition le conduisirent sur d’autres terrains que les formations traditionnelles de droite. Son ancrage dominant n’était pas moins à droite et s’en trouvait même conforté.
19La poussée du PSF dans les secteurs urbains et industriels joignit méthodiquement deux leviers : l’action sociale, dont les lieux, les objets et les formes organisationnelles, éventuellement autonomes, étaient multiples et d’une efficacité à long terme ; et les grandes réunions dans lesquelles il démontrait publiquement sa force, comme celle qu’on a citée supra (note 12) : dès le début de 1937, ses meetings répétés à Douai, centre tertiaire mais aussi ville du bassin houiller, surclassaient sans appel le Front populaire dans le jeu des mobilisations comparées. L’interaction entre ces deux volets jouait particulièrement là où le rapport des forces lui était pour l’heure moins favorable. Un commissaire transmettait à l’autorité préfectorale une décision du comité de Front populaire d’Aulnoye, décidant de ne pas manifester contre une soirée théâtrale du PSF sous la condition qu’aucun discours politique n’y soit prononcé et en déclinant toute responsabilité (sic), au cours de prochaines fêtes, si cette « promesse » n’était pas tenue. En fait il semble n’y avoir eu qu’une explication de l’objet de la réunion à la police [21]. Les militants et organes de gauche finissaient par reconnaître, à usage de réflexion ou de polémique en leur sein, les progrès de son audience sur le terrain. L’élection du PSF Georges Neu à Lille en février 1938 fut ainsi commentée par le journal communiste L’Enchaîné, d’autant moins concerné que le candidat battu était SFIO, sur le mode d’une constatation : « Une grande quantité de travailleurs, de petites gens, se sont laissés influencer par la démagogie des réactionnaires » [22].
20La marche vers le public populaire passait par une ouverture réciproque. À l’effort du parti pour se couper d’héritages ligueurs puis pour se recentrer plus positivement, répondirent de multiples reclassements à partir des divers gauches et centres. On trouve dans le Nord le même éventail qu’ailleurs, avec peut-être une dimension sociale plus caractéristique du département. Les déçus de la gauche allaient jusqu’à des communistes au long passé militant [23] : plusieurs furent des orateurs attitrés des meetings de la fédération PSF du Nord ; d’autres apparaissent parmi ses cadres locaux. Dans un horizon plus centriste, plusieurs de ses candidats aux élections cantonales d’octobre 1937 dans la région, dont un fut élu, étaient selon toute apparence d’origine radicale-socialiste [24]. D’autres affinités paraissent naturelles. Dans la presse PSF du Nord, les comptes rendus et reportages favorables au mouvement d’auberges de jeunesses fondé par Marc Sangnier ou à la JOC [25] montraient la connaissance d’un terrain favorable. Des responsables de la JOC et de la CFTC étaient membres du parti. Le carnet du Flambeau de Flandre en donne un aperçu synthétique en rendant compte du « mariage jociste de Jean Cambay, militant PSF de la section d’Aniche, membre de la CFTC et des œuvres catholiques d’Auberchicourt, avec mademoiselle Marthe Hamers, dirigeante fédérale de la JOCF, de Moulins-Lille, membre de la CFTC » [26] ; la présence signalée d’un prélat authentifie la représentativité jociste des jeunes époux, qu’on retrouvait encore dans le monde syndical et politique d’après guerre.
21Les résultats d’un long effort sont confirmés par la multiplication des réunions contradictoires, de plus en plus systématiquement préparées, avec invitation à l’adversaire et recherche des occasions inverses chez lui. Le recensement de leurs comptes rendus par Jacques Prévosto résume l’évolution du rapport des forces : un en 1937, sept en 1938, vingt-sept de janvier à juillet 1939. Ces réunions étaient alors en général assez rangées et plusieurs portèrent la contradiction à des parlementaires socialistes et communistes, les premiers rendant même une fois la politesse de l’invitation [27]. On peut sans doute accorder une part de vérité, fût-elle mythifiée, à ce compte rendu de la rubrique Les communistes aux abois claironnant le succès d’un meeting à Hordain (arrondissement de Valenciennes) en février 1939 en présence de « 50 % » de communistes : ils auraient écouté, la salle aurait applaudi, les « quelques excités » auraient été marginalisés. Le bilan était tiré sur le mode : on reviendra bientôt dans cette commune.
22On doit, avant d’apprécier les positions du PSF au sein de la droite, faire un détour par ses perspectives électorales.
23Le parti participa aux cantonales d’octobre 1937 dans une relative unité des candidatures à droite, comme dans le reste du pays. Pour cette raison, les résultats sont peu instructifs, d’autant moins que le paysage électoral, et les reports entre socialistes et communistes, étaient tout autres qu’aux cantonales de 1931. Au niveau national l’apparente poussée à gauche par rapport à cette année de référence masquait le début d’un reflux du Front populaire [28]. Dans le Nord pourtant, on n’en trouve la preuve que dans l’élection législative partielle de la deuxième circonscription de Lille au début de 1937 : le contexte était gênant pour la droite puisqu’il s’agissait de la succession de Roger Salengro mais l’enjeu politique était clair : 2 000 voix manquèrent au nouvel élu socialiste, Henri Salengro, frère du défunt. En revanche le département démentait la tendance aux cantonales, si on les compare aux scrutins législatifs de 1936. On suppose une démobilisation à droite devant ces assemblées départementales ou d’arrondissement dont la majorité de gauche était de toute façon acquise sauf en Flandre, les conseils d’arrondissement étant au surplus des reliques. Respectant les positions acquises des modérés, dans un département dominé par les partis socialiste et communiste, le nouveau venu n’obtint que quatre conseillers d’arrondissement, en comptant Georges Neu, élu en février 1938 à Lille-nord après l’invalidation de son adversaire SFIO. En dehors de ce canton, leur origine (Bourbourg, Merville, Saint-Amand (rive gauche), et la comparaison avec ses six élus du Pas-de-Calais souligne que les campagnes et les petites villes lui étaient plus favorables, comme elles l’étaient à la droite en général.
24À défaut d’une mesure de la force propre du PSF, on peut apprécier son recentrage. La liste des candidats est intéressante par ce qu’indiquent leurs origines. Sur 21 qui briguèrent l’un des 75 sièges renouvelés au conseil général ou aux conseils d’arrondissement [29], une bonne moitié au moins avait un passé électoral : il leur valait d’être répertoriés comme suit par l’observateur non impartial qu’était de Fels, réticent à reconnaître l’étiquette PSF : 4 « URD », 2 « républicain de gauche », 4 « radical indépendant » et 1 « radical socialiste ». Dans le Pas-de-Calais où nos identifications sont incertaines [30], nous devons nous contenter de la statistique des 6 conseillers d’arrondissement élus revendiqués par le parti [31] : 4 « radical indépendant », 1 « démocrate populaire », 1 « radical socialiste ». Ces étiquettes paraissent celles d’un caméléon, « URD » dans la Flandre catholique et plus conservatrice ainsi qu’à Lille, mais ailleurs rattachées à un centre droit historique, représentatif des modérés de la région : elles indiquent d’autant plus les choix et l’enracinement du parti que c’étaient entre autres celles de militants très visibles (dont, cités plus haut, le « radical indépendant » Sarrazin, artisan de la mobilisation aperçue à Douai, et le « radical socialiste » Delétrain à Roubaix). Une lecture des scrutins à la marge permet au moins d’évaluer l’ascendant du PSF sur le centre de l’échiquier politique. Dans les rares cas où il fut en compétition avec le PDP, il le devança sans appel et récupéra l’intégralité de ses suffrages au second tour [32] : le postulat des démocrates chrétiens, selon lequel ils étaient seuls aptes à récupérer un électorat hésitant devant la gauche mais rejetant la droite, n’était pas vérifié ; en revanche dans d’autres cantons, où les modérés et le PSF leur avaient laissé le champ libre, ils ne parvenaient pas à faire le plein des voix « nationales » de 1936, perdant à droite ce qu’ils pouvaient gagner à gauche, à la différence des amis de La Rocque. L’autre concurrent centriste était le parti radical : le report de ses voix au second tour était non seulement le plus fréquent mais souvent le fait de la grande majorité de son électorat (Lille-Sud, Cysoing, Seclin, cantons de Saint-Amand…). Dans l’autre sens, les électeurs PSF ne rechignèrent pas à se reporter à 100 %, selon toute apparence arithmétique, sur le valoisien restant en lice face au candidat SFIO à Cambrai-Est, après retrait du larocquiste pourtant arrivé en tête des « non-marxistes » : à défaut de preuve d’un accord, une telle discipline le rend probable ; elle montre aussi que la base du parti plébiscitait sa tactique de disjonction des gauches, qu’il étalait [33]. Les reports vinrent parfois de plus loin. Les gains du PSF à Douai-Nord, égaux à 22 % des voix SFIO du premier tour, et le déficit de 30 % du report sur le communiste, ne laissent pas douter qu’un certain nombre d’électeurs socialistes votèrent pour Pierre Sarrazin. À Bourbourg, dans la Flandre conservatrice, on soupçonne pour les mêmes raisons numériques que des électeurs socialistes voire communistes préférèrent le PSF au candidat radical.
La captation d’une position dominante dans une droite élargie ?
25Le potentiel du PSF restait discret comme celui d’un parti commençant son implantation en étant sûr de sa force au sein d’une droite minoritaire. Il ne cherchait pas à la montrer par une éviction agressive des candidatures proches – de toute façon plus rares dans les lieux difficiles –. Au total, le parti prouvait sa capacité polyvalente : à être présent dans les circonscriptions ouvrières les plus « dures » en surclassant les centristes et en récupérant leur électorat (ce qui pouvait lui être profitable dans le cadre de la future proportionnelle) ; à bénéficier de reports de voix de gauche, radicales en premier lieu mais pas seulement ; mais aussi à l’emporter dans les secteurs soit de droite soit disputés, où ses notables (le nouvel élu Georges Neu, le très respecté conseiller général de Lille Georges Catoire) pouvaient d’autant mieux dissuader les compétiteurs modérés qu’il savait réserver la part de ceux qui ne lui étaient pas ouvertement hostiles. Le seul conflit frontal l’opposait au député de Lille, Henri Becquart, ancien Croix de feu conservateur, membre influent de la Fédération républicaine de France de Louis Marin et président de l’Entente républicaine du Nord : il incarnait la rivalité naturelle d’institutions et d’appareils, autant qu’un libéralisme patronal qui n’était pas partagé par tous ses confrères puisque d’autres préféraient le discours social du PSF. Le durcissement des positions au moment de la campagne pour le Front de la Liberté [34] n’était pas à son avantage dans un département peu propice à la radicalisation des droites ; et son rôle trop voyant dans l’affaire Salengro contribuait à l’isoler, y compris de ceux qui cultivaient une hypocrite amnésie sur ce sujet [35].
26Jacques Prévosto jugeait qu’« il n’aurait pas été impossible que le PSF comptât dans le Nord quatre ou cinq élus » si les élections de 1940 avaient eu lieu. Cette estimation n’est pas dénuée de plausibilité, certes en l’absence du test plus probant qu’eût été le scrutin. Avec la sympathie probable d’au moins un autre élu, il se fût assuré une prépondérance dans la minorité de droite de la représentation départementale. L’étude détaillée des circonscriptions et des candidats désignés montre que les espoirs du PSF, lisibles dans ses archives, étaient fondés sur les glissements de voix constatées depuis 1936 et sur le contexte local des formations et notables modérés. C’est bien sûr ce dernier point qui pouvait le plus réserver ces imprévus interdisant d’échaffauder une histoire-fiction. Ainsi, Georges Catoire était-il jugé « imbattable » dans la première circonscription de Lille par le très prudent Edmond Barrachin, dirigeant national du PSF, sous une réserve importante : « …s’il se présente, mais le fera-t-il contre son ami Becquart ? ». Apparemment, cette condition pouvait être levée : l’intéressé, adhérent effectif, élu engagé et membre de l’appareil financier du parti, au surplus allié à des familles de son noyau central, s’impliquait de plus en plus publiquement ; mais le problème soulignait le clivage introduit par l’irruption du PSF, prolongeant des remises en cause plus anciennes, dans le milieu assez étroit de la bourgeoisie du Nord. Trois autres circonscriptions particulièrement visées étaient à gagner sur le Front populaire. Sa défaite y dépendait de la confirmation des glissements de voix observés dans les scrutins de 1937-1938, auquel cas elle eût été nette [36]. Il restait à éviter des concurrents de droite. La candidature de Georges Neu, vainqueur d’une élection cantonale test, s’imposait dans la troisième circonscription de Lille. Jean Legendre, ancien collaborateur d’Henri de Kérillis, était pressenti par la fédération pour un parachutage à Hazebrouck : s’il refusait [37], elle ne manquait pas de personnalités populaires sur place, dont Fernand Van Graefschepe ; le candidat risquait d’être plus novice mais, à défaut de l’orateur attitré de la droite modérée, la force numérique du PSF en Flandre intérieure pouvait écarter les concurrents (dont on ne discerne guère un réservoir local de premier plan). La dixième circonscription de Lille (vallée de la Lys, Armentières, Quesnoy-sur-Deûle, Halluin), était dévolue à Sarrazin, orateur central de la fédération : que Barrachin lui fît quitter celle de Douai, pour laquelle on cherchait un sacrifié, indique que son élection était recherchée en toute priorité ; l’absence prévue du PSF dans la neuvième circonscription voisine (Tourcoing), celle du sortant Léon Marescaux, avait sans doute pour contrepartie le désintéressement de la mouvance radicale indépendante [38] ; et le candidat était adapté aux contrastes culturels et sociaux d’un secteur alliant un bastion municipal communiste, une ville socialiste et un catholicisme paysan et partiellement ouvrier, alors que l’extrême gauche avait été battue en 1937 même dans le canton de Tourcoing-Nord (Halluin).
27Ces espoirs suspendus à des hypothèses commandaient prudence, réciprocité et réalisme, que traduit le traitement des quatre sortants de droite. À l’exception de Becquart, la non-agression était la règle : on l’a signalée à l’égard de Marescaux, mais chaque cas était particulier. Le député de la deuxième circonscription d’Hazebrouck, Jean-Pierre Plichon, était sans doute plus proche, voire sympathisant [39]. C’est plutôt la modération observée face à André Parmentier, député de Dunkerque (2e) qui donne le la de la partition : circonscrire tout conflit au seul Becquart. Bien que militant familial et que ne se signalant pas, au contraire du député de Lille, par une hostilité au thème de la « profession organisée », il était comme lui fortement engagé dans le parti de Louis Marin. Mais la fédération PSF proposait de soutenir sa candidature en considération de sa « très forte position », faisant de nécessité vertu : faute de quelque chance de s’emparer de son siège, elle privilégiait là l’unité de la droite, isolant un peu plus le conflit lillois. En bref, la fédération du Nord s’insérait en douceur dans les réseaux électoraux de la droite, où les conflits étaient plus retenus que dans d’autres régions : l’hégémonie de la gauche limitait le nombre des bastions personnels ou partisans susceptibles d’être défendus âprement contre les ambitions d’un intrus ; et elle pouvait faire apprécier une formation jeune et militante qui changeait l’atmosphère du département. Les connivences discrètes étaient encouragées par l’attitude point trop sectaire de la fédération (à la différence d’autres). Au-delà des candidats PSF ayant un passé, on devine une zone grise de notables susceptibles de ralliement ou de bienveillance [40]. D’autres avaient franchi le pas : leur registre allait au-delà de la seule influence électorale [41]. Ces inclinations symétriques étaient à la mesure d’une captation tranquille par le PSF de la position dominante dans une moitié droite élargie vers le centre. Elle n’était pas séparable de sa capacité à ouvrir le jeu en direction d’un public populaire peu accessible aux formations classiques conservatrices ou modérées. On doit toutefois en cette matière, qui fut globalement un succès, discerner quelques limites : elles portent l’empreinte culturelle et politique de la région.
La fédération départementale du PSF : un observatoire des droites et des cultures politiques du Nord
28À bien des titres la culture du parti était adaptée à celles de ses cibles nordistes. Dans un autre sens il en fut plus marqué qu’ailleurs en retour : de réelles nuances distinguent le PSF du Nord de celui d’autres régions.
29L’approche des cultures demande des éclairages multiples. Une première évidence découle de la géographie : la carte du PSF dans le département est à la fois celle d’un catholicisme et autre chose. Cette constatation ne paraîtra banale que si on oublie que les positions électorales opposaient traditionnellement une Flandre catholique (jusqu’à la vallée de la Lys et à des secteurs des agglomérations lilloise et tourquennoise), bastion de l’Action libérale populaire au début du siècle, au reste du département par delà toutes ses nuances ; et que le PSF se voulait le rassemblement de toutes les familles politiques et morales de la nation (jusqu’à un certain point…). L’enracinement catholique est très lisible dans la densité différentielle des adhésions [42]. Le bastion entre tous en était la Flandre intérieure. Dans la deuxième circonscription d’Hazebrouck (Bailleul), les adhérents représentaient un habitant sur vingt-et-un, ceux de sexe masculin en âge de voter près d’un électeur sur cinq. Jean Vavasseur-Desperriers nous apporte la mise en évidence d’un héritage : la sorte de contre-société catholique, sociale et festive qu’il a observée dans la mouvance de la Fédération républicaine dans l’arrondissement d’Hazebrouck avant 1936, assez étrangère au style de la même famille politique dans les autres secteurs de la région, était comme un petit PSF local avant le PSF. Seule une étude microscopique permettrait de savoir ce qui en fut récupéré par les amis de La Rocque ; mais les indications policières sur des adhésions collectives issues de différents groupes d’une même culture catholique nous laisse supposer que c’en fut une bonne part [43]. Mais pas plus qu’au niveau national, le PSF ne se réduisait dans le Nord à cette géographie typée. Ses autres bastions selon le critère de la densité étaient les deux arrondissements de Lille, culturellement mélangé, et de Douai, sur le bassin houiller fortement touché par la déchristianisation [44]. Dans ce dernier secteur, les militants PSF les plus visibles semblaient relever d’une moyenne républicaine à en juger d’après l’étiquetage de leurs candidats comme radicaux indépendants par de Fels et leur connivence électorale manifeste avec les représentants de cette mouvance.
30La devise du PSF, « le social d’abord », pointait un problème obsédant dans la région. Elle allait au-devant d’une tradition ancienne des droites nordistes : on sait que le catholicisme social est apparu tôt au xixe siècle [45], et plus contre le libéralisme que contre un socialisme encore dans l’enfance. D’autre part c’était une préoccupation plus concrète du patronat, dépassant largement le cercle précédent : on rappellera la figure d’Eugène Motte (1860-1932), fondateur de la Fédération républicaine et républicain au sens exact, catholique personnellement mais opposé à un catholicisme social réactionnaire, pas moins patron social préféré un temps à Jules Guesde par ses concitoyens comme député et maire de Roubaix. Responsabilités naturelles et éducation religieuse se superposaient à vrai dire dans les motivations de cette classe, dont témoigne le succès du mouvement « Bourgeoisie chrétienne », fondé en 1930 : pénétrée de ses devoirs à l’égard de ceux « qui avaient moins reçu », elle prisait quant à la pratique la devise non doctrinaire de la JOC : « Voir, juger, agir » [46]. Beaucoup de ses membres se retrouvèrent au PSF, où les patrons brillaient par leur nombre. À Tourcoing, un Centre d’information et de propagande PSF dans les milieux patronaux, intellectuels et bourgeois, présenté comme ayant ses équivalents dans « tous les grands centres industriels de France » mais seul connu de nous, était présidé par Étienne Motte-Flipo, de la même famille omniprésente dans le textile autant que chez les amis de La Rocque. Douze industriels étaient présents à sa première réunion. Ses fins étaient « d’éduquer les membres sur la doctrine du PSF » et de former une sorte de fraction au sein de leur milieu : « avoir, au fur et à mesure que les questions sociales se posent, l’avis immédiat […] du siège » afin que dans tous les syndicats patronaux un membre suggère « un avis d’apparence personnelle qui serait exactement celui du parti ». Sa correspondance fournit un bel exemple du discours PSF sur la réciprocité des devoirs [47].
31L’activité sociale de la fédération du Nord fut plus exemplaire au sein du PSF par son intensité que par son originalité. Le service des placements était suffisamment important pour être dans un local autre que le siège lillois du parti. S’il put attirer des adhésions intéressées, les directives fermes et répétées des dirigeants entendaient les interdire [48]. Les appels aux cadres et comités pour mobiliser les efforts en faveur du placement étaient répétés sans qu’un calcul apparût dans ces documents à finalité interne : « Songez qu’une offre, c’est du travail pour un des nôtres, c’est du bonheur dans un foyer » [49]. En revanche, la consigne de procurer le cas échéant un travail même à celui dont on refusait l’adhésion, « si la personne est intéressante », ne dément pas, indépendamment de son style moralisant, l’intérêt sélectif de cette charité ordonnée. La fédération faisait plus volontiers usage de ce dernier vocable, par exemple sous la forme des « ventes de charité », que de celui de « solidarité » que les larocquistes orthodoxes préféraient pour sa connotation égalitaire [50]. Les festivités, dont ces kermesses et « ventes », et en temps les « arbres de Noël », étaient inséparables du social, multipliées dans les moindres localités et rituellement créditées d’une « atmosphère familiale » dans les comptes rendus. Leur site, souvent dans le parc de quelque grand bourgeois, et leurs parrains rappelaient inévitablement une hiérarchie civile que la sociabilité PSF et de réelles amitiés militantes tendaient par ailleurs à estomper. Y eut-il plus de fausses notes que dans d’autres régions au sein de la « grande famille » que voulait être le PSF ? Le Nord est le seul département où nous ayons trouvé dans sa presse des formules telles que « ces honnêtes ouvriers et ces bienfaisants patrons » [51], vocabulaire de l’espèce que La Rocque entendait bannir pour ses connotations paternalistes et inégalitaires ; c’est aussi le seul où nous trouvons la trace de quelques aigreurs d’apparence sociale entre anciens après 1945, peut-être marginales du reste. Il semble qu’il ait été marqué d’une nuance moralement plus conservatrice par son héritage régional, dans la mesure même où la conversion demandée aux élites paraissait souvent leur demander moins d’effort qu’ailleurs.
32Par une sorte de symétrie, l’acculturation du milieu populaire capté, peut-être majoritairement venu d’autres traditions, fut plus lente qu’ailleurs. Avec seulement 11 % d’adhérentes, la fédération du Nord était certes plus « féministe » que les partis de gauche ; mais leur part restait loin de ce qu’on constate dans les autres bastions du parti, de l’ordre d’un tiers ou plus : le département était une lanterne rouge du PSF en cette matière. Les dirigeants tentaient d’éduquer leurs adhérents pour leur faire admettre le rôle civique des femmes, dans une conception moins féministe qu’organiciste. Un militantisme féminin actif est pourtant évident dans les innombrables comptes rendus notamment de l’action sociale, au point qu’on soupçonne qu’il y ait eu plus de femmes impliquées que d’adhérentes. Elles semblent souvent d’une origine sociale et culturelle moins ouverte que le nouveau recrutement du parti. La confrontation du fichier des enfants et de celui des adhérents, qui sont distincts, fait découvrir un noyau de familles militantes, dans lesquelles la femme et le mari étaient membres conjointement du parti : qu’elle le fût ou non par suivisme, c’était un premier pas vers son accession à une majorité politique. Sur ce terrain au cœur du style PSF, l’acculturation, inachevée mais sans doute en cours, commençait par les éléments issus des traditions les plus proches.
33Au total, le moment PSF nous amène à un regard sur les droites du Nord en général. Le nouveau parti s’y est bien inséré, souvent avec moins de conflits qu’ailleurs. Une comparaison avec les régions les plus conservatrices de l’Ouest, autre lieu marqué par son irruption massive, attire l’attention sur la configuration politique : la droite était-elle globalement « moins à droite » dans le Nord, au moins par adaptation ? Minoritaire, elle ne pouvait se permettre de règlement de compte sectaire en son sein, encore moins à l’encontre d’un parti qui suscitait de nouvelles forces militantes et déplaçait le rapport des forces dans un sens « national ». Il prônait un recentrage ; elle avait toujours intégré une composante modérée. En matière sociale, le paternalisme de combat incarné par un Eugène Mathon (décédé en 1935) était désavoué par des personnalités de poids et par l’autorité ecclésiastique ; dans la région nantaise au contraire une version sentant l’ancien régime, selon le jugement même des amis de La Rocque, s’exprimait sans complexe. Si on ajoute quelques considérations de plus long terme, le patronat du Nord joua un rôle important dans le financement du PSF, comme il le fit toujours à l’égard d’une droite peu ou prou sociale : les mêmes générosités, souvent dans une continuité individuelle, se retrouvent par la suite derrière le RPF. On aurait tort d’y voir une simple instrumentation capitaliste, alors qu’on aperçoit de longues fidélités désintéressées, au temps des revers [52]. Il y eut certes une adéquation idéologique particulière du PSF avec certaines traditions politiques et morales du Nord aussi bien qu’avec ses élites. En retour elle imposait moins de marquer les distances pour un parti se voulant populaire et recentré : paradoxalement il se distingua moins de la droite qu’en d’autres lieux.
Mots-clés éditeurs : Parti social français (PSF), familles patronales et culture politique, héritage Croix-de-feu, colonel de La Rocque, droite populaire, catholicisme social
Date de mise en ligne : 19/03/2013.
https://doi.org/10.3917/rdn.370.0341Notes
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Jean-Paul Thomas, professeur de chaire supérieure au lycée Henri IV, chercheur associé au Centre d’histoire de Sciences-Po, 56 rue Jacob, 75006 Paris.
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[1]
Ces articles, trop nombreux pour être cités ici, sont recensés dans : J. Nobécourt, Le colonel de La Rocque (1885-1946) ou les pièges du nationalisme chrétien, Paris, Fayard, 1996.
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[2]
J. Prévosto, Le PSF dans le département du Nord, mémoire de DES, Université de Paris X, 1971. (Un exemplaire est déposé aux archives du Centre d’histoire de Sciences Po, 56, rue Jacob, Paris). On peut aussi se référer à un article de J.-P. Florin, « Des Croix de feu au PSF : une mutation réussie ? l’exemple de la Fédération du Nord. 1936-1939 », Revue du Nord, t. LIX, n° 233, avril-juillet 1977, qui contient des affirmations à nos yeux discutables.
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[3]
Dont : R. Rémond, Les droites en France, Paris, Aubier, 1982, p. 215.
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[4]
J.-P. Thomas, « Les effectifs du Parti social français », Vingtième siècle, n° 62, avril-juin 1999 : le fait est établi avec les approximations d’usage par le recoupement de registres, fichiers (dont l’intégralité de celui du Nord), états nominaux tenus localement sur plusieurs années et de bordereaux d’adhésions, avec des recensements internes détaillés, dont un par département, d’octobre 1937.
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[5]
Notamment dans la Ligue patriotique des Françaises, proche de l’ALP ; puis dans les Jeunesses patriotes (étudiées par Jean Philippet). Sur cette continuité : J.-P. Thomas, « Les droites, les femmes et le mouvement associatif », in C. Andrieu, G. Le Béguec, D. Tartakowsky (dir.), Associations et champ politique. La loi de 1901 à l’épreuve du siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2001, p. 523-533.
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[6]
Le PSF arrivait souvent devant ses concurrents de droite au premier tour des partielles ; le second était plus difficile devant des coalitions de barrage. Trois députés PSF furent élus de novembre 1938 à mai 1939, le dernier avec une étiquette camouflée. L’élection de C. Vallin à Paris fut un coup de tonnerre à droite. Des observateurs prédisaient une centaine de députés PSF à la proportionnelle. Au contraire et a posteriori, F. Goguel diagnostiquait un échec électoral du PSF : pour une discussion critique de ce point de vue : J.-P. Thomas, Droites et rassemblement de 1936 à 1953, thèse, IEP Paris, 2002, t. I, p. 336-349.
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[7]
Le fichier a été déposé aux Archives départementales du Nord avec l’ensemble des archives de la Fédération PSF du Nord (cotes 68 J 1 à 259). Le fichier géographique est resté incomplet.
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[8]
Nous l’estimons à nettement moins de ± 3 % (52 500 à 55 500) à partir de vérifications numériques sur une dizaine de carnets, tenant compte de fiches détériorées et doubles. On a utilisé un pied à coulisse, efficace pour ces souches homogènes à reliure métallique (5 mètres linéaires).
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[9]
Voir note 4.
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[10]
Un brouillon d’Edmond Barrachin compte 24 600 adhérents en décembre 1936. Une note de police citant des chiffres à diverses dates d’après un rapport financier, indique que la progression décisive est entre 1937 et 1938 (AD Nord, M 154/297-d, 12.12.1938).
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[11]
J.-P. Thomas, thèse citée, entre autres chapitres : II, 1, B et 3, C ; VI, 2 (Ouest) ; VII, 2 (Alsace).
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[12]
Ainsi : AD Nord, M 154 /297-b, 12.2.1937, commissaire central de Douai : 2 500 à 2 800 à un meeting PSF, contre 6 à 700 contre-manifestants du Front populaire ; chef d’escadron du Nord de la gendarmerie : 2 500 à 3 000 contre 500 à 600 ; 13.2.1937 : le préfet conclut : « près de 3 000 » ; Le Ralliement du Nord de la France (PSF) comptait 3 500 présents.
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[13]
Raymond Huard l’observe dans les premières formations socialistes en France (La naissance du parti politique en France, FNSP, 1996, p. 272 sq). On voit la même difficulté beaucoup plus tard au RPF, rassemblement de masses faiblement politisées non dénué d’analogie avec le PSF.
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[14]
À Vernon (Eure), les talons des impayés étaient regroupés pour retour à l’échelon supérieur. Dans les registres de Montreuil (Seine), les non-cotisants de l’année de référence sont soigneusement rayés.
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[15]
Bulletin d’information (intérieur, du PSF) n° 48, 8.9.1937.
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[16]
Près de 2 000 noms, dont les fiches ont bien été retirées du fichier fédéral.
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[17]
Il estimait, sans précision, que le PSF recrutait moins de salariés de la grande métallurgie. Mais l’emploi dominant de l’arrondissement de Lille, zone de plus grande force du parti, était dans le textile.
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[18]
Art. cit., p. 246, n. 101 : l’auteur paraît s’appuyer sur des sources incomplètes et souvent hostiles au PSF qui pourraient confirmer le préjugé selon lequel un parti de droite ne peut pas réunir une masse d’« exploités ». Signalons que le ton de certains rapports de police du Nord désignant le PSF par la périphrase « les fascistes » est moins neutre qu’ailleurs.
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[19]
Cas d’Armand Drelon, mineur, Croix de feu puis président de la section PSF de Wingles, et de son fils Joannès, Volontaire national puis jeune PSF, résistant, employé des mines et candidat sur la liste RPF dans le Pas-de-Calais à l’élection législative du 17 juin 1951.
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[20]
Bertrand Motte, né en 1914, lauréat de la coupe d’éloquence de la DRAC, était un orateur de foule, apparaissant dans ce rôle à la tête des VN du Nord dès 1935. En février 1938, il parlait avec La Rocque devant quatre mille auditeurs à Valenciennes (Le Flambeau de Flandre, Artois, Picardie, 27.2.1938). Les talents de ce futur dirigeant de syndicats patronaux préoccupé d’action sociale, ainsi que du CNI, ne se limitaient pas au registre oratoire.
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[21]
AD Nord, M 154/297-d, 4.2.1938.
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[22]
J. Prévosto, mémoire cité, p. 170.
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[23]
AD Nord, M154/101, fichier politique 1937-1939 ; M154/297-bc, Lille, 4.3.1937 : Tichoux, de Cambrai, ex-secrétaire des Jeunesses socialistes de Lens, communiste dès le congrès de Tours, agitateur professionnel (27 renvois d’entreprise, trois mois de prison), converti au PSF et orateur.
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[24]
Menne, élu à Desvres (Pas-de-Calais) ; Louis Delétrain, battu à Roubaix (d’après les étiquettes attribuées par André de Fels : Élections cantonales. Scrutin des 10 et 17 octobre 1937, Paris, Éditions de l’Alliance démocratique). L’auteur use des étiquettes anciennes (niant le PSF autant que possible) mais pas trop : celle de « radical-socialiste » exclut une transition par un centre droit radical indépendant.
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[25]
Le Flambeau de Flandre, 13.2.1938 ; 22.5.1938 : présentation très favorable de l’exposition jociste de Lille, soulignant la convergence des idées et de l’inspiration.
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[26]
Le Flambeau de Flandre, 14.5.1939.
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[27]
J. Prévosto, Mémoire cité, p. 125.
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[28]
S. Berstein, Histoire du Parti radical, t. II, Paris, FNSP, 1982, p. 512.
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[29]
À Maubeuge-Nord et Sud, Cambrai-Est, Carnières, Solesmes, Douai-Nord, Bourbourg, Dunkerque-Est, Gravelines, Merville, Cysoing, Haubourdin, Lille-Nord et Sud, Roubaix-Est et Ouest, Seclin, Bouchain, Condé, Saint-Amand (rive droite et rive gauche). Voir : J.-P. Thomas, Thèse citée, t. 2, p. 901-905 et notes, p. 915-916.
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[30]
11 candidats identifiables en l’absence d’une consultation des archives départementales. Les élus l’étaient dans des cantons à dominante rurale (Beaumetz-les-Loges, Desvres, Audruicq, Étaples).
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[31]
Le bien fondé de ces revendications à l’échelle nationale, dont certes celle de ralliés, est établi mais les pièces sont trop longues pour être exposées ici. Voir : J.-P. Thomas, Thèse citée, t.1, p. 322-328 et notes p. 334-335 ; sur le dossier préfectoral de la Loire-Inférieure, demandé par le ministre, pointant les élus exigeant le rétablissement de leur qualité de PSF : t.2, p. 531-533, notes p. 546-547.
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[32]
Lens-Est : premier tour en 1937, PSF : 14,4 %, PDP : 8,4 % (N.B. : chiffres vérifiés dans de Fels, l’auteur d’un mémoire de maîtrise sur le PSF dans le Pas-de-Calais les ayant inversés) ; deuxième tour, PSF : 22,1 % ; Roubaix-Est : premier tour en 1937, PSF : 24,9 %, PDP : 12,9 % ; deuxième tour, PSF : 38,1 %.
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[33]
Le Petit Journal, 19.10.1937 : « …malgré les manœuvres du sénateur Bersez, recommandant aux électeurs radicaux de voter pour le candidat marxiste, monsieur Houillon a été élu […grâce] à l’esprit d’abnégation et de discipline du PSF. Pas une voix patriote n’a manqué ».
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[34]
Rappelons que ce front des droites fut proposé par Doriot au printemps 1937 et avalisé par la Fédération républicaine, dans un contexte de radicalisation et pour endiguer le PSF qui, bien entendu, le refusa.
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[35]
Des sources de droite fort diverses répètent que Becquart était un repoussoir électoral. Sa carrière piteuse après 1945, malgré ses titres de résistance, semble le confirmer a posteriori.
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[36]
La circonscription la plus « probable » n’était tombée à gauche que par l’évolution du lemiriste Gabriel Plancke, devenu en 1936 « USR », donc « Front populaire », élu avec une avance de 60 voix. Son électorat avait réintégré le giron modéré jusque dans son canton où il avait été écrasé en 1937.
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[37]
Barrachin prévoyait de le présenter dans l’Oise où il avait commencé une implantation. J. Legendre nous a indiqué qu’on lui laissait le choix (entretien : 25.10.1993). S’il fut élu dans l’Oise en 1945, l’arithmétique était beaucoup plus favorable à Hazebrouck en 1937…
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[38]
Ces échanges de bons procédés étaient très visibles en 1937, où des radicaux indépendants partageaient souvent avec le PSF les candidatures multiples aux conseils d’arrondissement.
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[39]
Membre en 1936 du Comité parlementaire de sympathie pour le PSF. Barrachin ne prévoyait pas de candidat contre lui malgré la densité record de l’implantation PSF dans sa circonscription, sans doute non sans gage. Sa correspondance avec un émissaire de C.Vallin en 1945 est d’un ton qui ne laisse pas supposer de fausses notes antérieures.
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[40]
On ne cite qu’une atmosphère faute d’archives privées (sauf quelques papiers de Jean-Pierre Plichon). Léon Delsart, député républicain de gauche battu en 1936, faisait applaudir le PSF en réunion publique au printemps suivant (Le Ralliement du Nord de la France, n° 4, 21.4.1937). Le soutien apporté par le sénateur Guillaume des Rotours (même tendance) au candidat du PSF à Haubourdin, dans son secteur d’influence (Le Flambeau de Flandre, 6.11.1937), était moins marquant mais semblait au-delà d’une unité passive.
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[41]
Membres du PSF : Henri Mallez, ancien maire de Cambrai, futur député ; Louis Christiaens, élu consulaire très influent dans le monde des petites entreprises, futur député (absent du fichier mais adhérent attesté par son fils le père Christiaens, S. J.) ; au moins sympathisant : Gustave Scrive-Thiriez, maire de La Madeleine (pas recherché dans le fichier mais sa présence dans les listes de l’association Les Amis de La Rocque est plus probante encore que son assistance aux réunions PSF des années trente).
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[42]
Statistique dans J. Prévosto, Mémoire cité, p. 58 sq. et annexes.
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[43]
AD Nord M 154/150, 29.11.1936 : dans une réunion de 400 personnes, Léon Goethals, président du Comité central de l’Union nationale et républicaine, étroitement associée jusque-là aux milieux de la FNC et de la FR, « a terminé en disant que les membres de l’Union nationale et républicaine pouvaient adhérer et dépenser leur énergie au PSF ». Également cités : Paul Seghers est ensuite un orateur très actif du PSF, Gustave Vanhoucke, un dirigeant départemental du parti puis de la Réconciliation française.
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[44]
Y.-M. Hilaire, R. Vandenbussche, « Une chrétienté menacée : Religion et incroyance », in Y.-M. Hilaire (dir.), Histoire du Nord-Pas-de-Calais de 1900 à nos jours, Toulouse, Privat, 1982.
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[45]
On connaît parmi ses pionniers Alban de Villeneuve-Bargemont (1784-1850), préfet puis député du Nord.
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[46]
Cl. Paillat, Dossiers secrets de la France contemporaine, t. 3, La guerre à l’horizon, Paris, Robert Laffont, 1981, p. 369-392.
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[47]
AD Nord, 68J/168, 3.12.1938, 17.12.1938.
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[48]
J. Prévosto, Mémoire cité, p. 139 sq. Les adversaires n’y voyaient que recrutement alimentaire.
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[49]
AD Nord, 68 J 188, 25.6.1938.
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[50]
J.-P. Thomas, Thèse citée, notamment VI, 2, C, p. 541-542 et notes : exemple de polémique conservatrice contre la « démagogie » du PSF et sa préférence pour le mot « solidarité ».
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[51]
Le Flambeau de Flandre, 26.6.1938.
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[52]
Simples exemples : Max Descamps président du Syndicat du textile lillois et de l’Union régionale de l’industrie textile (qui coordonnait l’action sociale des industriels) était un vieux fidèle de La Rocque ; il drainait encore les fonds pour la réconciliation française en 1945-1946. Son épouse était une active déléguée à l’action sociale PSF à Lille. Eugène Motte, cousin de Bertrand et comme lui petit-fils du « roi de la laine », présent dans le fichier PSF implicitement comme financier (avec son adresse professionnelle), fut par la suite au cœur de l’appareil financier gaulliste (dont le système parallèle, baptisé UPANG, ressemblait étrangement à celui du PSF) jusque dans la traversée du désert.