Notes
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Wim Van Anrooij, professeur de littérature néerlandaise, Universiteit Leiden, Opleiding Nederlandse Taal en Cultuur, 2 Postbus 9515, NL - 2300 RA Leiden. Cette contribution est un développement bâti à partir d’un court paragraphe de W. Van Anrooij, « Bayern, Herolde und Literatur im spätmittelalterlichen Reich », dans A. Huber, J. Prammer (éd.), 650 Jahre Herzogtum Niederbayern-Straubing-Holland, Straubing, 2005, p. 235-275, et a été ensuite présentée sous forme de communication lors d’une séance du séminaire bourguignon de l’Institut historique allemand de Paris, le 21 décembre 2004. Je tiens à remercier la bibliothèque municipale d’Anvers pour la permission qui m’a été accordée de voir le MS B.89420. Ernst-Jan Munnik (Leyde) et Esther Jonker (Leyde) m’ont apporté une aide pratique lors de cette recherche. La traduction française a été réalisée par B. Schnerb (Université de Lille 3).
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[1]
Les données biographiques concernant Hendrik Van Heessel sont basées sur W. Van Anrooij, Spiegel van ridderschap. Heraut Gelre en zijn ereredes, Amsterdam, 1990 (Nederlandse literatuur en cultuur in de Middeleeuwen, 1), p. 71-72 ; P.-J. Heinig, « Die Türhüter und Herolde Kaiser Friedrichs III. Studien zum Personal der deutschen Herrscher im 15. Jahrhundert », dans P.-J. Heinig (éd.), Kaiser Friedrich III. (1440-1493) in seiner Zeit. Studien anlässlich des 500. Todestags am 19. August 1493/1993, Cologne, Weimar, Vienne, 1993 (Forschungen zur Kaiser- und Papstgeschichte des Mittelalters, Beihefte zu J. F. Böhmer, Regesta Imperii, 12), p. 371-372 ; W. Paravicini, « Zeitenwende. Edelleute aus dem Ordensland Preussen und Livland im Westeuropa des 15. Jahrhunderts », dans P.-J. Heinig, S. Jahns, H.-J. Schmidt (éd.), Reich, Regionen und Europa in Mittelalter und Neuzeit. Festschrift für Peter Moraw, Berlin, 2000, p. 424-426. P.-J. Heinig, « Die Türhüter » (voir supra), p. 371-372 relie, de façon erronée, le nom de Hendrik Van Heessel à Hasselt en Brabant.
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[2]
Sur l’office de roi d’armes des Ruyers, voir W. Van Anrooij, Spiegel van ridderschap (op. cit., n. 1), p. 67-77 ; A. H. Hoeben, Brabantse heraldiek in historisch perspectief, Helmond, 1991, p. 89-92 ; H. von Seggern, « Hermann von Brüninghausen. Wappenkönig der Ruwieren », dans S. Selzer, U.-Chr. Ewert (éd.), Menschbilder – Menschenbilder. Individuum und Gruppe im Blick des Historikers, Berlin, 2002, p. 109-117.
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[3]
W. Van Anrooij, Spiegel van ridderschap (op. cit., n. 1), p. 67-77.
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[4]
AD Nord, Lille, B 1951, f° 106 v° ; B 1957, f° 286 r° ; B 1966, f° 194 r°. Je remercie Torsten Hiltmann (Paris) qui m’a fourni cette information et la suivante.
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[5]
Je remercie Torsten Hiltmann (Paris) pour cette information.
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[6]
R. Stein, Politiek en historiografie. Het ontstaansmilieu van Brabantse kronieken in de eerste helft van de vijftiende eeuw, Louvain, 1994 (Miscellanea neerlandica, 10), p. 70.
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[7]
H. von Seggern, « Hermann von Brüninghausen » (op. cit., n. 2), p. 110 ; E. Birk (éd.), « Documents relatifs à l’ambassade, envoyée par Philippe, duc de Bourgogne, à la cour de Fréderic IV, roi des Romains, en 1447 et 1448 », dans Messager des sciences historiques de Belgique, 1842, p. 422-472.
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[8]
P.-J. Heinig, « Türhüter und Herolde » (op. cit., n. 1), p. 372.
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[9]
A. H. Hoeben, Brabantse heraldiek (op. cit., n. 2), p. 91.
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[10]
Je remercie Torsten Hiltmann (Paris) pour cette information.
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[11]
H. von Seggern, « Hermann von Brüninghausen » (op. cit., n. 2), p. 110. Ibid. pour ce qui suit.
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[12]
Le manuscrit a été mentionné dans W. Van Anrooij, Spiegel van ridderschap (op. cit., n. 1), p. 71-72. Pour la rédaction du présent article, j’ai eu la possibilité d’utiliser un microfilm appartenant à Ernst-Jan Munnik (Leyde), à qui je tiens à exprimer ma gratitude. Une table des matières du manuscrit se trouve dans A. Dermul, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de la Ville d’Anvers, Gembloux et Paris, 1939 (Catalogue général des manuscrits des bibliothèques de Belgique, 5), Cod. 255 (p. 168-171). Voir aussi le tableau donné en annexe.
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[13]
La dédicace ressemble à celle qui se trouve dans la version latine du traité reproduite plus loin dans le manuscrit (f° 84 r°-91 r°). Dans ce dernier texte c’est l’universitaire Reichardus de Chreichen – chantre de l’église de Moray (Écosse) et professeur de droit canon et de droit romain – qui dédie son texte à son ami Rothzay in regno Scotie regi herorum, Rothsay roi d’armes d’Écosse (f° 89 v°). La version latine contenue dans le manuscrit d’Anvers est la seule version conservée de ce texte qui mentionne le nom de son auteur. T. Hiltmann, Zwischen Heroldsamt und Adel. Die Kompendien des office d’armes im französischen und burgundischen Spätmittelalter, thèse de Doctorat inédite, Technische Universität Dresden et École Pratique des Hautes Études (Paris), 2005. (T. Hiltmann m’a procuré un CD-Rom du texte de sa thèse).
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[14]
Les données concernant Johann Hartlieb sont tirées de T. Cramer, Geschichte der deutschen Literatur im späten Mittelalter, Munich, 1990 (Geschichte der deutschen Literatur im Mittelalter, 3) (DTV 4553), p. 128-129.
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[15]
Venant immédiatement après la Gueldre, la dernière mention de la liste concerne l’ordre teutonique en Prusse avec une référence à der eeren tafel que le grand maître fit dressée pour la dernière fois en 1400. W. Paravicini, Die Preussenreisen des europäischen Adels, vol. 1, Sigmaringen, 1989 (Beihefte der Francia, 17-1), p. 316-334 a recueilli le plus grand nombre d’information possible concernant ce fait. La référence contenue dans le poème en question peut être jugée comme une addition plus tardive. W. Paravicini souligne que la dernière Ehrentisch a été tenue le 25 janvier 1400 (Ibid., p. 329). Le duc de Gueldre, qui avait été présent en Prusse, manqua malheureusement l’occasion car, tombé malade, il dut rentrer dans son pays le 8 janvier.
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[16]
W. Paravicini, « Zeitenwende » (op. cit., n. 1), p. 425.
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[17]
Au f° 55 v° les armoiries de Heessel réapparaissent, mais cette fois écartelées d’autres armes. Le fait que le nom de l’épouse de Heessel ait été Lijsbet van Outhoesden se trouve dans H. von Seggern, « Hermann von Brüninghausen » (op. cit., n. 2), p. 110.
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[18]
Gelre. B.R. Ms. 15652-56, Louvain, 1992, p. 346, nr. 1182. Ces armes se trouvent encore dans l’écu de la ville de Waardenburg en Gueldre. www.ngw.nl/w/waardenb.htm.
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[19]
F. Beelaerts van Blokland, « Het geslacht der heeren van Oudheusden », dans De Nederlandsche leeuw, 31 (1913), p. 307. L’auteur signale aussi que la Maison des seigneurs d’Oudheusden a fourni plusieurs échevins à la ville voisine de Heusden aux xve et xvie siècles.
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[20]
Ce phénomène n’a pas encore fait l’objet d’une étude systématique. Des recherches sur le processus d’acquisition d’une seconde langue seraient bienvenues.
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[21]
R. Stein, Politiek en historiografie (op. cit., n. 6), p. 71 et 80.
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[22]
À propos de cette « coloration allemande », voir C. de Haan, Dichten in stijl. Duitse kleuring in Middelnederlandse teksten, Amsterdam, 1999 (Nederlandse literatuur en cultuur in de Middeleeuwen, 20) – dans cet ouvrage, la langue du héraut Gelre fait l’objet d’une analyse spécifique.
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[23]
Pour ce type d’étude, voir les diverses contributions dans G. Sonnemans (éd.), Middeleeuwse verzamelhandschriften uit de Nederlanden, Congres Nijmegen 14 oktober 1994, Hilversum, 1996 (Middeleeuwse studies en bronnen, 51) ; la revue Queeste 5-1 (1998) ; R. Jansen-Sieben, H. van Dijk (éd.), Codices Miscellanearum, Brussels Van Hulthem Colloquium 1999, Bruxelles, 1999 ; O. Lie, J. Reynaert (éd.), Artes in context. Opstellen over het handschriftelijk milieu van Middelnederlandse artes-teksten, Hilversum, 2004 (Artesliteratuur in de Nederlanden, 3). Depuis 1994 la série des Middeleeuwse verzamelhandschriften uit de Nederlanden, dont dix volumes sont parus à ce jour, est publiée sous les auspices du Huygens Instituut de La Haye ; le vol. 1 de la série (MS Geraardsbergen) est numérisé : www.chi.knaw.nl/epub/mvn/geraardsbergen.
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[24]
Voir W. Van Anrooij, « De wandelende tekst. Middeleeuwse verhalen veranderen voortdurend », dans De academische boekengids, 45 (2004), p. 22-23, et les diverses contributions dans S. Nichols, S. Wenzel (éd.), The Whole Book. Cultural Perspectives on the Medieval Miscellany, Ann Arbor, 1996.
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[25]
Les codicologues développent aujourd’hui une terminologie et des modèles descriptifs qui permettent aux chercheurs de décrire de façon adéquate la manière souvent complexe dont les manuscrits ont été progressivement élaborés. Voir E. Kwakkel, Die Dietsche boeke die ons toebehoeren. De Kartuizers van Herne en de productie van Middelnederlandse handschriften in de regio Brussel (1350-1400), Louvain, 2002 (Miscellanea neerlandica, 27) et P. Gumbert, Codicologische eenheden – opzet voor een terminologie, Amsterdam, 2004 (Koninklijke Nederlandse Akademie van Wetenschappen, Mededelingen van de Afdeling Letterkunde, Nieuwe Reeks 67-2).
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[26]
W. Van Anrooij, Spiegel van ridderschap (op. cit., n. 1), p. 78-114.
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[27]
W. Van Anrooij, « Het Haagse handschrift van heraut Beyeren : de wordingsgeschiedenis van een autograaf », dans Tijdschrift voor Nederlandse taal- en letterkunde, 104 (1988), p. 1-20.
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[28]
Voir le tableau donné en annexe.
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[29]
H. Kruse, K. Kamenz, « Drache (1408) », dans H. Kruse, W. Paravicini, A. Ranft (éd.), Ritterorden und Adelsgesellschaften im spätmittelalterlichen Deutschland. Ein systematisches Verzeichnis, Francfort/M., Berne, New York, Paris, 1991 (Kieler Werkstücke, Reihe D ; Beiträge zur europäischen Geschichte des späten Mittelalters, t. 1), p. 230-247. Le manuscrit d’Anvers n’y est pas mentionné parmi les sources. Voir aussi D’A. J. D. Boulton, The Knights of the Crown. The Monarchical Orders of Knighthood in Later Medieval Europe 1325-1520, Woodbridge, 1987, p. 348-355.
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[30]
H. Kruse, « Adler (1433) », dans H. Kruse, W. Paravicini, A. Ranft (éd.), Ritterorden und Adelsgesellschaften (op. cit., n. 29), p. 285-293. Le manuscrit d’Anvers n’y est pas mentionné parmi les sources. Voir aussi D’A. J. D. Boulton, The Knights of the Crown (op. cit., n. 29), p. 343-348.
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[31]
J’espère publié cette analyse ailleurs.
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[32]
La chronique occupe deux cahiers (f° 163-174 et f° 175-186 ; le f°186 est ajout postérieur). Le lien entre les deux ensembles est visible par une marque en bas à droite du f° 174 v° et le chiffre ij en haut à droite du f° 175 r°. Pour le premier des deux cahiers, on trouve une situation similaire à celle qui a été décrite plus haut : la première page (f° 163) a été laissée en blanc, exceptée une courte annonce de la chronique (f° 163 r°) ; la chronique a été commencée sur la seconde page du cahier (f° 164 r°), a été raturée en croix (pourquoi ?), et commencée de nouveau au f° 164 v°. Les dessins à la plume en couleur des comtes et comtesses de Hollande (f° 151-162) précèdent la chronique, et figurent invariablement au recto. Pour les f° 152-161 cela concerne cinq bifolios pliés ensemble, les f° 151 et f° 162 qui sont isolés, devaient, en tant que pages extérieurs du cahier, former à l’origine un bifolio (le f° 151 a été collé aux f° 150 v° et 152 r° ; le f° 162 (v°) a été attaché au f° 163 r° au moyen d’une bande de papier).
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[33]
Deux comtes successifs sont identifiés en légende comme Florent V (f° 158 r° et f° 159 r°). Cependant, après Florent V, il manque un portrait de Jean I. La légende accompagnant le comte à gauche du f° 159 r° est donc inexacte. Pour des raisons moins claires, Albert de Bavière-Straubing-Hollande et Guillaume VI manquent. Si une page avec leur portrait a bien existé, elle devait former un bifolio avec le f° 151. Il est possible (mais il n’y en a aucune preuve) que le f° 162 ait formé un bifolio avec une page blanche précédant l’actuel f° 151 : on voit à plusieurs reprises dans le manuscrit un nouveau cahier commençant par une page blanche. Dans les marges de la chronique, des renvois sont faits, sous forme de chiffres romains, aux portraits correspondants, y compris lorsque Albert de Bavière-Straubing-Hollande et Guillaume VI sont cités. Le portrait de Jean de Bavière précède celui de Jacqueline.
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[34]
W. Van Anrooij, « Voorgeschiedenis in Holland », dans W. Van Anrooij, T. Van Bueren, R. Falkenburg, et al., De Haarlemse gravenportretten. Hollandse geschiedenis in woord en beeld, Hilversum, 1997 (Middeleeuwse studies en bronnen, 49), p. 21-22. D’après les comptes (1455/1456) on peut déduire qu’il y avait 25 statues. Hendrik Van Heessel fit 26 dessins, dont celui de Jean de Bavière, qui, au moment où les dessins furent réalisés, ne faisait pas (ou ne faisait plus ?) partie de la série du jubé. En tout cas, Jacqueline de Bavière était la dernière de la série.
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[35]
Les f° 147-148 ont été ajoutés au manuscrit de manière irrégulière. Ils se trouvent entre le bifolio blanc 146/149 qui, lui-même, a été attaché au folio blanc isolé 150. Les f° 147-148 apparaissant assez abîmés, il est possible que les f° 146-150 n’aient pas été ajoutés avant le xviiie siècle, période à laquelle, selon Dermul, le manuscrit a été relié en parchemin. A. Dermul, Catalogue (op. cit., n. 12), p. 171.
Hendrik Van Heessel à la cour impériale
1Sigismond (1411-1437), dernier souverain de la Maison de Luxembourg-Bohême, devint roi de Hongrie en 1386 et roi de Bohême en 1419. En 1411, il fut proclamé roi de Germanie. Vingt-deux ans plus tard, le 31 mai 1433, il fut couronné empereur à Rome par le pape Eugène IV. À cette époque, il tenait à son service un poursuivant – un futur héraut – nommé Hendrik Reichard Van Heessel (désormais désigné, pour faire court, comme Hendrik Van Heessel, ou simplement Heessel). Ce personnage était originaire de la basse Betuwe, au duché de Gueldre, plus précisément de Heessel, localité située sur la Waal, entre Varik et Opijnen [1]. À Rome, le 17 juin 1433, l’empereur lui fit don d’une cotte d’armes. Sa présence en Italie à cette date semble indiquer qu’il avait assisté au couronnement impérial de Sigismond deux semaines et demie plus tôt et qu’il y avait été en sa qualité de poursuivant.
2On ne sait pas exactement quand Hendrik Van Heessel entra au service de Sigismond. Son accession à la noblesse pourrait signifier qu’il servait à la cour depuis un certain temps et s’y était distingué, mais cela n’est aucunement certain. Peu de temps auparavant, en 1430, le duc de Gueldre lui avait confirmé la possession de ses seigneuries de Weert et d’Edincweerd (au sud de Brummen), mais ce fait ne fournit aucune indication sur son éventuelle résidence en ces lieux. La date de sa mort, le 17 avril 1470, est en revanche connue ; elle permet de déduire qu’il n’était pas très âgé lorsque nous le voyons pour la première fois apparaître dans l’entourage de l’empereur. Quoi qu’il en soit, le don d’une cotte d’armes qu’il reçut le 17 juin 1433 est la première référence biographique le concernant qu’on trouve dans les sources allemandes.
3L’étoile d’Hendrik Van Heessel monta rapidement. L’empereur Sigismond et le duc de Bourgogne, Philippe le Bon (1419-1467) le nommèrent Sancti Romani Imperii de Ruir rex armorum. La date exacte de cette nomination n’est pas connue, mais en tout cas la mort de Sigismond, le 9 décembre 1437, constitue un terminus ad quem. Le 17 juin 1433, Heessel était poursuivant et le 9 décembre 1437, il était roi d’armes. Comme je le montrerai plus loin, dans l’intervalle, il était aussi passé du rang de poursuivant à celui de héraut. Sa carrière fut rapide.
4Dans le système de la hérauderie, la fonction de roi d’armes des Ruyers était une dignité honorifique qui dépassait en prestige les royautés d’armes des seigneuries régionales [2]. Le titre était attaché au secteur situé entre les Pays-Bas et le reste du Saint-Empire, en gros la région entre la Meuse et le Rhin. Le héraut Gelre, qui nous a laissé six manuscrits autographes encore conservés, avait occupé précédemment cette fonction, dont l’avait investi l’empereur, et l’avait cumulée avec celle de héraut en Gueldre, puis (plus tard) en Hollande. L’armorial du héraut Gelre (Bruxelles, Bibliothèque royale, 15 556-558), l’un des six manuscrits autographes mentionnés plus haut, contient une miniature en pleine page représentant l’empereur et les sept électeurs. La présence de cette image peut être interprétée comme un indice du fait que le héraut Gelre était roi d’armes des Ruyers au moment où la miniature fut incorporée au manuscrit. Or cette miniature date de la fin du xive siècle, à une époque où il servait encore le duc de Gueldre en tant que héraut.
5On sait peu de chose de l’institution de roi d’armes des Ruyers. Il semble qu’au xive siècle, le duc de Brabant, en tant que maréchal du Saint-Empire, ait eu le droit de présenter un candidat à l’empereur et que ce dernier nommait de facto ce candidat [3]. L’intervention du duc de Bourgogne Philippe le Bon dans la nomination de Hendrik Van Heessel peut être reliée au fait que Philippe était aussi duc de Brabant. La nomination du héraut Gelre en tant que roi d’armes des Ruyers peut se comprendre en partie parce qu’il servait à la cour de Gueldre, mais aussi parce qu’il avait sans aucun doute acquis des connaissances héraldiques particulières en fréquentant les seigneuries environnantes de la basse vallée du Rhin. Lorsque, peu de temps après 1400, il passa au service du comte de Hollande, cela ne remit pas en cause sa position de roi d’armes des Ruyers, même si le territoire dont il avait désormais la responsabilité en vertu de son nouvel office était plus éloigné. Le fait que, par la suite, la dignité fût conférée à un héraut servant en la lointaine cour impériale est, pour le moins, remarquable, toutefois Heessel étant originaire du duché de Gueldre, sa désignation apparaît comme plus compréhensible. Lui aussi devait avoir de bonnes connaissances des usages héraldiques des seigneuries voisines des pays du Rhin inférieur.
6Frédéric III (1440-1493), élu roi de Germanie le 2 février 1440, confirma Heessel dans l’office de roi d’armes des Ruyers à Neustadt le 28 mai 1440. Heessel, à cette occasion, est désigné comme armarum rex de Ruwier, heraldus noster specialis. Son nom d’office, à ce moment, était Osterrich. En compagnie du héraut français Henri de Riche, dont le nom d’office était Ungarland, il fut envoyé, en cette même année, en mission pour agir en tant que médiateur dans les querelles bavaroises.
7Le nom d’Osterrich nous permet de disposer de détails supplémentaires sur la carrière d’Hendrik Van Heessel dans les années 1430. Autriche, héraut du duc d’Autriche est mentionné dans les registres comptables de la recette générale des finances bourguignonne entre le 15 mars 1434 et le 6 février 1437 [4]. En ces années, il était au service d’Albert V, duc d’Autriche (Albert II de Habsbourg). En 1422, ce prince avait épousé Élisabeth de Luxembourg, fille et héritière du roi de Germanie Sigismond. Après la mort de ce dernier, Albert lui succéda en tant que roi de Germanie, roi de Hongrie et roi de Bohême (1438-1439). Le héraut Osterrich est de nouveau mentionné dans les registres de la comptabilité bourguignonne le 10 mars 1439, cette fois en tant qu’Autriche, héraut du roi des Romains. Albert de Habsbourg mourut peu après, le 27 octobre 1439.
Hendrik Van Heessel et la cour de Bourgogne
8À partir d’un certain moment, Hendrik Van Heessel commença à accomplir des missions pour Philippe le Bon, à qui il devait, au premier chef, sa nomination de roi d’armes. De telles missions commencèrent à lui être confiées au moment où, en tant que héraut Osterrich, il était au service de Frédéric III. Il est mentionné dans les registres de la recette générale bourguignonne en 1441, année où il fut chargé de mener une mission secrète au départ de Bruxelles [5]. En 1447, Philippe le Bon le commit pour participer à des négociations hautement secrètes avec Kaspar Schlick, chancelier de Frédéric III, au sujet de la possibilité de conférer une couronne royale au duc de Bourgogne. Les ambassadeurs bourguignons avaient puisé leurs arguments dans la Chronica d’Émond de Dynter, œuvre achevée en 1445 ou au début de 1446 [6]. Un procès-verbal de ces négociations, dressé pour Philippe le Bon, est conservé ; il comporte des annotations en latin et en allemand de la main d’Hendrik Van Heessel ou de celles de son fils Willem et d’Adriaan van de Ee, eux aussi plus tard impliqués dans les consultations bilatérales [7]. L’un de ces documents montre qu’en 1447, le nom d’office de Heessel était toujours Osterich, ce qui doit signifier qu’il était alors toujours au service du roi des Romains Frédéric III. En 1448, il fut envoyé par le duc de Bourgogne auprès d’Ulrich von Rosenberg et des États de Bohême, qui délibéraient au sujet de la politique indépendante menée par Ladislas le Posthume en tant que roi de Hongrie [8]. En 1450, le roy d’armes des Royers est compté comme officier de l’hôtel de Philippe le Bon [9]. Lors du huitième chapitre de l’ordre de la Toison d’or à Mons, le 2 mai 1451, Heessel est cité parmi les officiers d’armes de l’empereur (Frédéric III ne fut pourtant couronné empereur que le 19 mai 1452), donc apparemment en tant que roi d’armes des Ruyers [10]. Il est encore mentionné en cette qualité, ainsi que son fils Willem [11], dans une liste des membres de la confrérie de la Sainte-Croix du Coudenberg à Bruxelles dressée en 1462. À ce point de sa carrière, il ne semble plus avoir eu de liens formels avec la cour impériale. En 1464, son nom apparaît dans la comptabilité bourguignonne lorsque, de même que Toison d’or, roi d’armes de l’ordre, et les rois d’armes d’Artois et de Brabant, il reçut une livrée de drap pour les cérémonies funèbres organisées à la mort de la reine d’Écosse. À l’automne 1466, il quitta le service de la cour de Bourgogne avec une pension et se retira au comté de Hollande où il passa ses dernières années. Il mourut le 17 avril 1470.
Un manuscrit autographe d’Hendrik Van Heessel
9Un recueil héraldique est conservé à la bibliothèque municipale d’Anvers, sous la cote B.89420. Il n’a jamais fait l’objet d’une étude, ce qui est fort injuste, comme j’espère le démontrer dans les pages qui suivent. Ce manuscrit mesure 205 sur 145 mm, est en papier et contient 185 folios. Dans le catalogue d’A. Dermul, publié en 1939, il est daté des xve-xvie siècles. Différents papiers ont été utilisés dans la confection du volume. La datation du papier indique le milieu du xve siècle ; seules des ajouts tardifs sont du xvie siècle. Le manuscrit est trilingue, contenant des textes en latin, en allemand et en moyen néerlandais.
10Le recueil s’ouvre sur un poème en allemand de 144 vers (f° 2 r°-4 v°) qui est unique dans ce genre de source et qui n’a jamais été publié [12]. Il s’agit d’une complainte sur le déclin de la chevalerie. Les princes d’Europe y sont exhortés, les uns après les autres, à résister au déclin. Les références au roi de France Charles VII (1422-1461) et au roi d’Angleterre Henri VI (1422-1471) indique que ce poème a été composé entre 1422 et 1461. L’auteur se désigne lui-même comme Osterich eerhalld (f° 4 v°) et précise qu’il est ein Conig der wappen in Ruwir des Heiligh Romisch Rych (f° 4 v°). La combinaison de ces données permet d’émettre l’hypothèse qu’Hendrik Van Heessel est l’auteur du texte, le poème ayant dû être composé après le 17 juin 1433, date à laquelle Heessel était encore poursuivant d’armes au service de Sigismond.
11L’hypothèse est confirmée par l’examen d’un traité en allemand (f° 63 v°-70 r°), traduit du latin, dans lequel est exposée l’origine de l’office de héraut. Cette traduction allemande est également unique et n’a pas été non plus publiée à ce jour. L’auteur, Johannem Hartlieben (f° 63 v°), dédie sa traduction à son ami, getruwer und wolbeschaider tugenreicher wolgezogen lieber frund Heinrich von Heessel, erhallt des hauss zu Osterich, konig der wappen von Ruifir (f° 63 v°) [13]. Johann Hartlieb était actif, en tant que physicien et écrivain, spécialement de textes d’artes [14]. Entre 1433 et 1440 il entretint des contacts étroits avec Albert VI, duc d’Autriche, frère de Frédéric III, au service duquel Heessel entra en 1440. Vers 1438, il rédigea une œuvre de nominomancie, dans laquelle il expliquait comment, à l’aide des lettres formant un nom, il était possible de déterminer le moment favorable pour participer à un tournoi ou à une joute. Le traité sur l’origine de l’office de héraut du manuscrit d’Anvers a son thème chevaleresque en commun avec ce texte. La dédicace de Johann Hartlieb à son ami Hendrik Van Heessel étaye l’hypothèse d’une attribution à ce dernier du poème d’ouverture. Le fait que le duché de Gueldre soit mentionné dans ce poème (Eyn edele bloemen ist Gellerland – le pays de Gueldre est une noble fleur – f° 4 r°) au milieu d’une énumération des princes et principautés d’Europe, n’est pas non plus un détail indifférent [15].
12Au folio 53 v° apparaissent les armoiries de dye von Heessel, qui sont aussi connues par d’autres sources [16] ; elles comportent l’écu, le heaume, des lambrequins et une couronne héraldique. À côté apparaissent les armes de die von Werdenberch tsu Althuesden avec l’écu, le heaume, des lambrequins et un tortil. Or, un document de 1462 nous apprend que la femme d’Hendrik Van Heessel était Lijsbet van Outhoesden [17]. Il ne semble naturellement pas s’agir d’une coïncidence. Le château des seigneurs de Waerdenborch était situé dans le voisinage du village de Heesselt (qui s’écrit avec un « t »). Les armoiries de Gerrit de Cocq, seigneur de Waerdenborch (1376-1399) figure dans l’armorial du héraut Gelre (v. 1400) et est identique – à l’exception d’un lambel porté en chef – aux armoiries du manuscrit d’Anvers [18]. Les armes chargées d’un lambel semblent indiquer qu’une branche de la Maison de Waerdenborch s’est enracinée à Oudheusden et a adopté le nom de ce lieu. Ce fait dut avoir lieu au milieu du xive siècle ; or messire Iwijn van Oudheusden, qui vivait à cette époque, est connu pour être le fondateur de la Maison d’Oudheusden qui, selon F. Beelaerts van Blokland, portait dans ses armes drie palen van vair en een schildhoofd met een barensteel – welks drie hangers men somtijds elk met drie liggende blokjes beladen vindt – tot wapen voerde (écu palé de vair, chargé en chef d’un lambel – parfois représenté avec trois pendants chargés de trois billettes) [19]. C’est exactement la description des armoiries qui figurent dans le manuscrit d’Anvers. Apparemment, la femme d’Hendrik Van Heessel, Élisabeth van Oudheusden, était une descendante de cette famille. Oudheusden est une localité située dans le voisinage de Heesselt et de Waardenburg, au sud de la Meuse. Heessel n’était pas allé bien loin pour trouver l’amour.
13Le fait qu’un recueil héraldique contienne non seulement un poème dû à Hendrik Van Heessel, mais aussi un traité dédié à lui par l’un de ses amis, permet d’émettre l’hypothèse qu’il s’agit d’un manuscrit autographe. La présence dans le même ouvrage des armoiries de Heessel et de Waerdenborch semble écarter les doutes les plus raisonnables. Avec l’attention portée aux questions touchant la noblesse, les ordres de chevalerie, l’adoubement, les hérauts, le blasonnement, l’historiographie et les questions de succession, le manuscrit d’Anvers peut être décrit comme un livre d’office ayant appartenu personnellement à un héraut, en l’occurrence Hendrik Van Heessel. Toutefois, des recherches complémentaires doivent être menées pour déterminer si ce manuscrit est, dans son entier, un autographe ou si Heessel a recouru dans certains cas aux services d’autres (sur lesquels on reviendra plus loin). Les mentions autographes portées dans le procès-verbal de 1447 seront utiles pour répondre à ces questions.
14Le fait que le poète néerlandais Hendrik Van Heessel ait écrit en allemand est remarquable, mais correspond à l’image que nous avons de lui : parmi les documents contenus dans le dossier de 1447 on trouve, comme nous l’avons vu, des textes allemands autographes. Des compétences linguistiques en haut allemand n’étaient pas inhabituelles [20]. Le chroniqueur brabançon Émond de Dynter devait maîtriser cette langue avant 1412, puisqu’en cette année-là il rédigea une charte en allemand pour Antoine, duc de Brabant, et qu’en 1439 il traduisit un poème de haut allemand en latin à la demande de Philippe le Bon dont il était secrétaire [21]. Néanmoins, la production d’un poème en allemand par un auteur néerlandais reste un phénomène remarquable dans l’histoire de la littérature néerlandaise. Il n’est pas exceptionnel de trouver des textes en moyen néerlandais transcrits (umgeschrieben) en dialectes moyen néerlandais oriental ou bas allemand, ou des textes en moyen néerlandais délibérément écrit avec une coloration allemande, mais un poète d’expression néerlandaise composant une œuvre en allemand est certainement un cas unique pour une période aussi précoce [22].
15Ailleurs dans le manuscrit, Hendrik Van Heessel trahit ses origines néerlandaises. Il écrit van au lieu de von, ende au lieu de unde, et, bien sûr, il faut souligner que l’ouvrage comporte un traité en moyen néerlandais (f° 5 r°-6 v°), un blasonnement dans la même langue (f° 111 v°), des légendes en moyen néerlandais accompagnant des dessins à la plume représentant les comtes et comtesses de Hollande (f° 151 r°-162 v°) et une chronique en moyen néerlandais (f° 164 v°-185 v°). Il serait souhaitable qu’une étude systématique de toutes les formes linguistiques du manuscrit, soit menée sous l’angle du bilinguisme.
16Avant d’établir des liens entre le contenu du manuscrit d’Anvers et la biographie de son compilateur, je voudrais d’abord donner un bref aperçu de l’intérêt croissant manifesté par les historiens de la littérature pour les œuvres composites depuis 1990 environ.
Les œuvres composites
17Traditionnellement, les historiens de la littérature travaillent en utilisant une méthode centrée sur le texte. En partant d’une œuvre donnée, ils en repèrent tous les exemplaires et en étudient ensuite toutes les variantes. Parce que les manuscrits autographes sont rares, ils reconstituent la version originale produite par l’auteur au moyen de recherches portant sur la tradition textuelle et les variantes. Sans m’arrêter sur les problèmes particuliers posés par ce type de recherches, je remarque que depuis une quinzaine d’années, les spécialistes de littérature ont prêté attention à la manière dont les textes étaient rassemblés dans des recueils [23]. Ce fait nouveau peut être considéré comme un prolongement et une particularisation de l’intérêt porté, à partir des années 1980, au contexte historique et à la fonctionnalité des textes. Dans bien des cas, les textes eux-mêmes n’offraient pas suffisamment d’indices pour permettre de les replacer de manière satisfaisante dans leur contexte historique. Les sources matérielles entourant les textes, en revanche, peuvent être mieux situées à la fois sur le plan de la chronologie et sur celui de leur origine. Aux États-Unis, les nouvelles tendances des études philologiques (désigné comme « New Philology ») ont offert de riches perspectives à cette nouvelle approche [24].
18L’observation de base est aujourd’hui très simple : les manuscrits médiévaux contiennent habituellement plusieurs textes, souvent des douzaines. Ces collections variées constituent un intéressant point de départ pour de nouvelles recherches. Qui a compilé de tels recueils et dans quel but ? Quels textes y sont réunis et dans quel ordre ? L’agencement interne nous renseigne-t-il sur la conscience des genres telle qu’elle existait au Moyen Âge ? Quel utilisateur pouvait être précisément intéressé par cette collection ? Quel était la fonction de ce manuscrit ? Avec ce faisceau de questions, la recherche n’est plus centrée sur un texte particulier contenu dans le recueil, mais sur la totalité du contenu de la source matérielle dans laquelle les textes ont été réunis. Dans ce processus, l’accent tend à être mis non plus sur la première réception mais sur la seconde – dans la mesure où les autographes sont relativement rares –, ce qui n’est pas considéré comme un problème par les chercheurs, mais plutôt comme une adjonction bienvenue à l’orientation traditionnelle qui privilégiait les versions originales des textes.
19Il est cependant une question qui, dans cette approche, nécessite d’être posée avant les autres : le recueil était-il, originellement, composé comme il se présente aujourd’hui ? Si ce n’est pas le cas, le fait doit être pris en compte pour répondre aux questions énumérées plus haut. L’étude des textes et l’étude de l’aspect matériel des manuscrits sont, depuis une quinzaine d’années, plus étroitement liées que dans le passé. L’expérience pratique a montré que les recueils composés selon un plan préétabli sont plus l’exception que la règle [25]. Généralement, les manuscrits composites ont une genèse plus ou moins compliquée qu’il convient de reconstituer totalement avant de tirer des conclusions concernant les textes et les liens qui les unissent, les relations entre certains textes ou groupes de textes et la genèse du recueil et l’utilisation qui pouvait en être faite aux différentes étapes de sa création.
20La connaissance de telles données me semble éminemment utiles lorsqu’on étudie des armoriaux ou d’autres œuvres héraldiques. Les manuscrits de ce genre sont, presque par définition, le produit d’une élaboration complexe. Deux exemples le montrent bien. L’étude de l’armorial du héraut Gelre a montré que la miniature représentant l’empereur et les électeurs avait été conçue à l’origine pour servir de frontispice au manuscrit [26]. C’est lors d’une étape ultérieure que le héraut Gelre a eu l’idée de placer en ouverture un préambule littéraire et qu’en conséquence la miniature a été déplacée vers le milieu du livre. Dans le manuscrit de La Haye (La Haye, Bibliothèque royale, 131 G 37), un autographe du même auteur, on trouve un certain nombre de listes généalogiques qui, à l’origine, avaient été ajoutées pour compléter le second et dernier cahier [27]. Dans l’état actuel, ces listes se retrouvent au milieu du manuscrit parce que, dans une étape ultérieure de l’élaboration, un troisième cahier a été ajouté.
21Dans le manuscrit d’Anvers on a utilisé du papier de différentes provenances produit au milieu du xve siècle. L’assemblage de l’ensemble des feuillets n’est pas uniforme. Il serait trop long de le décrire en détail, mais un exemple peut être éclairant : le premier cahier est constitué par l’assemblage de trois bifolios emboîtés les uns dans les autres (f° 1-6), le deuxième est constitué de six bifolios (f° 7-18), le troisième de cinq plus un feuillet isolé (f° 19-29), etc. Lorsque Heessel commença à travailler sur le premier cahier, il décida de laisser le f° 1 en blanc – probablement pour protéger la première page d’écriture – et commença au f° 2 r°. Le texte et les dessins du f° 1 r° furent ajoutés plus tard. Le recto du premier folio du second cahier (f° 7 r°) avait également été laissé en blanc (les notes qui y figurent aujourd’hui sont également des adjonctions postérieures). La miniature au f° 7 v° (l’emblème de l’ordre du Dragon), qui ouvre le texte qui suit (les statuts de l’ordre du Dragon), était ainsi bien protégée à l’intérieur du cahier. Cet ensemble de remarques nous permet de déduire qu’au moment de son élaboration, le manuscrit a été constitué à partir de cahiers indépendants les uns des autres qui n’avaient jamais encore été reliés ensemble. Les différentes étapes d’élaboration rendent aussi compréhensible la présence d’un folio isolé à la fin du troisième cahier (f° 29 r°) : le motif héraldique porté au recto de ce folio est la continuation de ceux qui se trouvent aux f° 27 v°-28 v°. À ce stade, lorsque ce folio a été ajouté, l’ajout d’un quatrième cahier n’était apparemment pas prévu. Le f° 27 r° ayant été laissé en blanc, la suite de motifs héraldiques commence au f° 27 v° et l’on pourrait s’en étonner car si la série avait commencé au recto, il n’aurait pas été nécessaire d’ajouter un folio supplémentaire. Toutefois, on peut facilement expliquer pourquoi le f° 27 r° a été laissé en blanc : l’ensemble des écus peints aux f° 27 v°-28 r° qui accompagnent les armes écartelées de la Maison de Bavière-Hollande et représentent les huit quartiers de cette Maison, ont été disposés en largeur pour être vus en même temps sur les deux pages qui se font face. Ces remarques montrent combien l’étude combinée du contenu et du support matériel d’une œuvre manuscrite permet de reconstituer les différentes phases d’élaboration du livre.
22Ainsi le manuscrit d’Anvers ne présente pas une construction codicologique régulière, mais, comme on peut s’y attendre pour une œuvre à contenu héraldique composite, a été constitué par le regroupement progressif de textes et d’images rassemblés au fur et à mesure que les matériaux étaient disponibles. De ce point de vue, les œuvres héraldiques composites peuvent être comparées aux recueils constitués au sein des administrations urbaines dans lesquels étaient consignées des textes de serments, des notes historiques, des textes normatifs, des recettes pour la fabrication de l’encre, des rapports et mémoires, etc. Les deux types de manuscrits avaient une fonction documentaire. La différence réside uniquement dans leur mode de production : les recueils urbains étaient constitués de matériaux rassemblés dans les archives de l’hôtel de ville, tandis que les œuvres héraldiques composites, comme celle qui nous occupe, consistaient en un assemblage de sources provenant de lieux variés.
23Dans le développement qui suit on va voir que le manuscrit d’Anvers a été largement composé de façon chronologique [28]. Il semble qu’il a été commencé en 1433 ou peu de temps après, tandis que le dernier texte a été ajouté en 1456. La phase d’élaboration et de compilation a donc couvert une période de plus de deux décennies. Hendrik Van Heessel l’a commencé alors qu’il se trouvait à la cour impériale ou (plus probablement) lorsqu’il était au service d’Albert V, duc d’Autriche, et l’a terminé à la cour de Philippe le Bon.
Le manuscrit d’Anvers et la biographie de Heessel
24Le manuscrit d’Anvers contient des éléments textuels et iconographiques qui sont liés à la biographie de Heessel. Le propos du présent article n’est pas d’en faire une étude systématique, mais il est possible d’exposer un certain nombre d’observations.
25Aux f° 7 v°-18 r°, sont transcrits les statuts de l’ordre du Dragon. Cet ordre de chevalerie fut fondé le 12 décembre 1408 par le premier employeur de Heessel, Sigismond de Luxembourg, en sa qualité de roi de Hongrie [29]. Aux f° 22 r°-26 v° on trouve une copie de la charte de l’ordre de l’Aigle blanc, fondé le 16 mars 1433 par le gendre de Sigismond, Albert V, duc d’Autriche [30]. C’est le premier texte du manuscrit lié à l’année 1433, l’année ou, justement, Heessel apparaît pour la première fois dans l’entourage de l’empereur. Une traduction allemande de cette même charte de l’ordre de l’Aigle blanc se trouve par ailleurs aux f° 29 v°-35 v°.
26Aux f° 27 v°-28 r° sont représentées les armoiries écartelées de la Maison de Bavière-Hollande accompagnées des écus des huit quartiers de cette Maison. Viennent ensuite les armes de Philippe le Bon au f° 28 v°, entourées de celles de ses parents et de deux de ses grands parents. Au f° 29 r°, on voit les armes du fils de Philippe le Bon, Charles de Bourgogne, comte de Charolais. Ce dernier était né le 11 novembre 1433. Ces armes sont, elles aussi, entourées par celles de ses parents (Philippe le Bon et sa troisième femme, Isabelle de Portugal, qu’il avait épousée le 7 janvier 1430) et de deux de ses grands parents. Le fait que cet ensemble héraldique ait été produit dans l’entourage de Sigismond est à inscrire dans un contexte marqué par l’accession de Philippe le Bon aux comtés de Hainaut, Hollande et Zélande, reconnue par le roi des Romains le 12 avril 1433. Il est possible que le duc de Bourgogne ait chargé Hendrik Van Heessel, qui connaissait bien la documentation héraldique liée à la succession de la Maison de Bavière-Hollande, de réaliser ces figures pour lui, peu de temps avant de le recommander à Sigismond pour l’office de roi d’armes des Ruyers.
27Hendrik Van Heessel dut entrer au service d’Albert V, duc d’Autriche, gendre de Sigismond, avant le 15 mars 1434, date à laquelle son nom d’office est Osterrich. Albert V fut couronné roi de Hongrie le 1er janvier 1438 et élu roi de Germanie à Francfort le 18 mars suivant. Le manuscrit d’Anvers contient une liste des noms de ceux qui furent faits chevaliers à l’occasion du couronnement d’Albert en tant que roi de Hongrie (f° 99 v°-100 r°). L’auteur de cette liste désigne plusieurs fois Albert comme monseigneur. Au f° 100 r°, la référence à mein her König (monseigneur le roi) a été suscrite à une date postérieure avec la mention Albrecht seliger (feu Albert). Dans une liste de chevaliers espagnols et bourguignons, au f° 101 v°, nous trouvons une nouvelle référence à mijnen heer qui désigne clairement le roi de Germanie Albert II. Selon toute probabilité, Hendrik Van Heessel est l’auteur des deux listes.
28Plusieurs thèmes héraldiques de la première partie du manuscrit sont liés au Saint-Empire romain (f° 38 v°-46 r° et f° 54 v°), à la Bohême (f° 61 v°-63 r°) et à l’Autriche (f° 55 v°-61 r°, f° 70 v°-74 r° et f° 91 v°-95 v°), soit les régions sur lesquelles s’exerçait l’autorité de Sigismond et de ses successeurs, les rois de Germanie Albert II et Frédéric III. On trouve aussi en tête de manuscrit la devise de Frédéric III A.E.I.O.U., Austriae Est Imperare Orbi Universo ou Alles Erdreich Ist Oesterreich Untertan.
29Progressivement, ensuite, le centre de gravité se déplace vers la Bourgogne. Au f° 98 v° on trouve la titulature de Philippe le Bon en latin, dans laquelle il est désigné comme comte de Hainaut, Hollande et Zélande. Au f° 101 v° figure une liste de chevaliers espagnols et bourguignons. Aux f° 115 v°-145 r° sont représentées en pleine page les armoiries entourées du collier de l’ordre de la Toison d’or de vingt-huit membres de cet ordre bourguignon. Une analyse de la composition de cet ensemble héraldique suggère qu’il est lié au neuvième chapitre de l’ordre tenu à La Haye le 2 mai 1456 [31], auquel, apparemment, Hendrik Van Heessel assista. Peu de temps après cette date, le 28 juillet 1456 (f° 163 r°), il copia dans le manuscrit une chronique du comté de Hollande rédigée en moyen néerlandais (f° 164 v°-185 v°) [32]. Compte tenu du fait que Philippe le Bon avait recueilli la succession des comtes de Hollande en 1433, un héraut au service de ce prince avait un intérêt professionnel à connaître l’histoire de ce comté. La chronique, qui s’appuie sur un texte antérieur, est précédé par une série de vingt-six portraits en pied des comtes et comtesses de Hollande liés directement à la chronique, de Thierry Ier à Jacqueline de Bavière (f° 151 r°-162 v°) [33]. Il est possible que Hendrik Van Heessel se soit inspiré, pour ces portraits, de la série de statues de bois représentant les comtes qui se trouvait à la chapelle de la cour à La Haye. Cette série avait été commencée en 1373, sous Albert de Bavière-Straubing-Hollande. L’idée était, lorsqu’un comte ou qu’une comtesse mourait, d’ajouter sa statue à la galerie. Avant la réunion du chapitre de l’ordre de la Toison d’or à La Haye, les statues furent déplacées et restaurées, de même que le jubé, durant la rénovation de la chapelle [34].
30Les armoiries des chevaliers de la Toison d’or occupent un large cahier de seize bifolios attachés ensemble (f° 114-145). Pour les raisons qui ont été indiquées plus haut, la première page (f° 114) de ce cahier a été laissée en blanc (le premier écu figurant au f° 115 v°). Entre la réalisation de ce cahier (2 mai 1456 au plus tôt) et celle des cahiers contenant les dessins en couleur des comtes et comtesses de Hollande et la chronique (28 juillet 1456), très peu de temps s’est écoulé. Les f° 147 r°-148 v° qui suivent contiennent des armoiries et des notes du xvie siècle, mais il est probable qu’ils n’ont pas été ajoutés aux manuscrits avant le xviiie siècle [35]. En 1456, le cahier sur lequel figurent les dessins en couleur a été réalisé immédiatement après celui qui contient les armoiries des chevaliers de la Toison d’or. Hendrik Van Heessel n’a rien ajouté à son recueil après cette date. La raison n’en apparaît pas clairement. Peut-être a-t-il alors entamé un second livre d’office.
Conclusion
31Avec le manuscrit d’Anvers, c’est un livre d’office de héraut qui a été conservé et qui était la propriété personnelle du compilateur. Le multilinguisme (latin, allemand et moyen néerlandais) qui s’affirme dans l’œuvre n’est pas exceptionnel dans le milieu des hérauts. Le compilateur, Hendrik Van Heessel, était originaire du Nord des Pays-Bas, plus précisément du duché de Gueldre. Il avait lui-même noué des liens avec la cour de Sigismond de Luxembourg en 1433 ou peu de temps avant, il servit ses successeurs Albert II (à partir de 1434) et Frédéric III (à partir de 1440) puis, après un temps, il fut lié à la cour du duc de Bourgogne Philippe le Bon. Le manuscrit reflète ces grandes lignes biographiques. Au début de sa carrière de héraut, Heessel semble avoir été impliqué dans la collecte de documents concernant la succession problématique de Hollande, qui, en 1433, tourna en faveur de Philippe le Bon. À un certain moment entre 1433 et 1436, ce même Philippe intervint, conjointement avec l’empereur, dans la nomination de Heessel à l’office de roi d’armes des Ruyers. Cependant, bien que Heessel ait occupé cette charge durant de longues années, le manuscrit d’Anvers – à la différence de l’armorial du héraut Gelre, par exemple – n’en conserve aucune trace. De même les négociations, une douzaine d’années plus tard, entre l’empereur et le duc de Bourgogne, portant sur la possibilité pour ce dernier d’obtenir une couronne royale, ne sont pas mentionnées dans le manuscrit, alors que Heessel y fut largement impliqué.
32Le manuscrit d’Anvers contient de nombreux textes inédits, parmi lesquels plusieurs en allemand et en moyen néerlandais. Il présente pourtant un intérêt tant pour les historiens que pour les historiens de l’art et les historiens de la littérature. Les dessins à la plume des comtes et comtesses de Hollande de Thierry Ier à Jacqueline de Bavière, sont même unique en leur genre ; ils constituent la plus ancienne série de portraits de ces princes connue à ce jour, précédant plus de trente ans les portraits comtaux de Haarlem – les vingt-et-un panneaux plus grands que nature donnés par l’empereur Maximilien au couvent des dominicains aux environs de 1490. Par ailleurs, outre les différents thèmes traités, le lien entre la compilation elle-même et le manuscrit en tant qu’objet matériel mérite une étude approfondie. Il est souhaitable que des recherches futures portent sur cette source très particulière du xve siècle.
33La table des matières ci-dessous est une version révisée de la description faite par Amédée Dermul pour le Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de la Ville d’Anvers, Gembloux, Paris, 1939 (Catalogue général des manuscrits des bibliothèques de Belgique, 5), Cod. 255 (p. 168-171). Les numéros de la deuxième colonne de la table renvoient à sa propre numérotation. Des recherches futures permettront certainement une plus grande précision.
Mots-clés éditeurs : Philippe le Bon, armoriaux, Sigismond de Luxembourg, office d'armes, manuscrits héraldiques, Hendrik Van Heessel, roi des Ruyers
Mise en ligne 21/03/2013
https://doi.org/10.3917/rdn.366.0709Notes
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[*]
Wim Van Anrooij, professeur de littérature néerlandaise, Universiteit Leiden, Opleiding Nederlandse Taal en Cultuur, 2 Postbus 9515, NL - 2300 RA Leiden. Cette contribution est un développement bâti à partir d’un court paragraphe de W. Van Anrooij, « Bayern, Herolde und Literatur im spätmittelalterlichen Reich », dans A. Huber, J. Prammer (éd.), 650 Jahre Herzogtum Niederbayern-Straubing-Holland, Straubing, 2005, p. 235-275, et a été ensuite présentée sous forme de communication lors d’une séance du séminaire bourguignon de l’Institut historique allemand de Paris, le 21 décembre 2004. Je tiens à remercier la bibliothèque municipale d’Anvers pour la permission qui m’a été accordée de voir le MS B.89420. Ernst-Jan Munnik (Leyde) et Esther Jonker (Leyde) m’ont apporté une aide pratique lors de cette recherche. La traduction française a été réalisée par B. Schnerb (Université de Lille 3).
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[1]
Les données biographiques concernant Hendrik Van Heessel sont basées sur W. Van Anrooij, Spiegel van ridderschap. Heraut Gelre en zijn ereredes, Amsterdam, 1990 (Nederlandse literatuur en cultuur in de Middeleeuwen, 1), p. 71-72 ; P.-J. Heinig, « Die Türhüter und Herolde Kaiser Friedrichs III. Studien zum Personal der deutschen Herrscher im 15. Jahrhundert », dans P.-J. Heinig (éd.), Kaiser Friedrich III. (1440-1493) in seiner Zeit. Studien anlässlich des 500. Todestags am 19. August 1493/1993, Cologne, Weimar, Vienne, 1993 (Forschungen zur Kaiser- und Papstgeschichte des Mittelalters, Beihefte zu J. F. Böhmer, Regesta Imperii, 12), p. 371-372 ; W. Paravicini, « Zeitenwende. Edelleute aus dem Ordensland Preussen und Livland im Westeuropa des 15. Jahrhunderts », dans P.-J. Heinig, S. Jahns, H.-J. Schmidt (éd.), Reich, Regionen und Europa in Mittelalter und Neuzeit. Festschrift für Peter Moraw, Berlin, 2000, p. 424-426. P.-J. Heinig, « Die Türhüter » (voir supra), p. 371-372 relie, de façon erronée, le nom de Hendrik Van Heessel à Hasselt en Brabant.
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[2]
Sur l’office de roi d’armes des Ruyers, voir W. Van Anrooij, Spiegel van ridderschap (op. cit., n. 1), p. 67-77 ; A. H. Hoeben, Brabantse heraldiek in historisch perspectief, Helmond, 1991, p. 89-92 ; H. von Seggern, « Hermann von Brüninghausen. Wappenkönig der Ruwieren », dans S. Selzer, U.-Chr. Ewert (éd.), Menschbilder – Menschenbilder. Individuum und Gruppe im Blick des Historikers, Berlin, 2002, p. 109-117.
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[3]
W. Van Anrooij, Spiegel van ridderschap (op. cit., n. 1), p. 67-77.
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[4]
AD Nord, Lille, B 1951, f° 106 v° ; B 1957, f° 286 r° ; B 1966, f° 194 r°. Je remercie Torsten Hiltmann (Paris) qui m’a fourni cette information et la suivante.
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[5]
Je remercie Torsten Hiltmann (Paris) pour cette information.
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[6]
R. Stein, Politiek en historiografie. Het ontstaansmilieu van Brabantse kronieken in de eerste helft van de vijftiende eeuw, Louvain, 1994 (Miscellanea neerlandica, 10), p. 70.
-
[7]
H. von Seggern, « Hermann von Brüninghausen » (op. cit., n. 2), p. 110 ; E. Birk (éd.), « Documents relatifs à l’ambassade, envoyée par Philippe, duc de Bourgogne, à la cour de Fréderic IV, roi des Romains, en 1447 et 1448 », dans Messager des sciences historiques de Belgique, 1842, p. 422-472.
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[8]
P.-J. Heinig, « Türhüter und Herolde » (op. cit., n. 1), p. 372.
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[9]
A. H. Hoeben, Brabantse heraldiek (op. cit., n. 2), p. 91.
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[10]
Je remercie Torsten Hiltmann (Paris) pour cette information.
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[11]
H. von Seggern, « Hermann von Brüninghausen » (op. cit., n. 2), p. 110. Ibid. pour ce qui suit.
-
[12]
Le manuscrit a été mentionné dans W. Van Anrooij, Spiegel van ridderschap (op. cit., n. 1), p. 71-72. Pour la rédaction du présent article, j’ai eu la possibilité d’utiliser un microfilm appartenant à Ernst-Jan Munnik (Leyde), à qui je tiens à exprimer ma gratitude. Une table des matières du manuscrit se trouve dans A. Dermul, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de la Ville d’Anvers, Gembloux et Paris, 1939 (Catalogue général des manuscrits des bibliothèques de Belgique, 5), Cod. 255 (p. 168-171). Voir aussi le tableau donné en annexe.
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[13]
La dédicace ressemble à celle qui se trouve dans la version latine du traité reproduite plus loin dans le manuscrit (f° 84 r°-91 r°). Dans ce dernier texte c’est l’universitaire Reichardus de Chreichen – chantre de l’église de Moray (Écosse) et professeur de droit canon et de droit romain – qui dédie son texte à son ami Rothzay in regno Scotie regi herorum, Rothsay roi d’armes d’Écosse (f° 89 v°). La version latine contenue dans le manuscrit d’Anvers est la seule version conservée de ce texte qui mentionne le nom de son auteur. T. Hiltmann, Zwischen Heroldsamt und Adel. Die Kompendien des office d’armes im französischen und burgundischen Spätmittelalter, thèse de Doctorat inédite, Technische Universität Dresden et École Pratique des Hautes Études (Paris), 2005. (T. Hiltmann m’a procuré un CD-Rom du texte de sa thèse).
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[14]
Les données concernant Johann Hartlieb sont tirées de T. Cramer, Geschichte der deutschen Literatur im späten Mittelalter, Munich, 1990 (Geschichte der deutschen Literatur im Mittelalter, 3) (DTV 4553), p. 128-129.
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[15]
Venant immédiatement après la Gueldre, la dernière mention de la liste concerne l’ordre teutonique en Prusse avec une référence à der eeren tafel que le grand maître fit dressée pour la dernière fois en 1400. W. Paravicini, Die Preussenreisen des europäischen Adels, vol. 1, Sigmaringen, 1989 (Beihefte der Francia, 17-1), p. 316-334 a recueilli le plus grand nombre d’information possible concernant ce fait. La référence contenue dans le poème en question peut être jugée comme une addition plus tardive. W. Paravicini souligne que la dernière Ehrentisch a été tenue le 25 janvier 1400 (Ibid., p. 329). Le duc de Gueldre, qui avait été présent en Prusse, manqua malheureusement l’occasion car, tombé malade, il dut rentrer dans son pays le 8 janvier.
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[16]
W. Paravicini, « Zeitenwende » (op. cit., n. 1), p. 425.
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[17]
Au f° 55 v° les armoiries de Heessel réapparaissent, mais cette fois écartelées d’autres armes. Le fait que le nom de l’épouse de Heessel ait été Lijsbet van Outhoesden se trouve dans H. von Seggern, « Hermann von Brüninghausen » (op. cit., n. 2), p. 110.
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[18]
Gelre. B.R. Ms. 15652-56, Louvain, 1992, p. 346, nr. 1182. Ces armes se trouvent encore dans l’écu de la ville de Waardenburg en Gueldre. www.ngw.nl/w/waardenb.htm.
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[19]
F. Beelaerts van Blokland, « Het geslacht der heeren van Oudheusden », dans De Nederlandsche leeuw, 31 (1913), p. 307. L’auteur signale aussi que la Maison des seigneurs d’Oudheusden a fourni plusieurs échevins à la ville voisine de Heusden aux xve et xvie siècles.
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[20]
Ce phénomène n’a pas encore fait l’objet d’une étude systématique. Des recherches sur le processus d’acquisition d’une seconde langue seraient bienvenues.
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[21]
R. Stein, Politiek en historiografie (op. cit., n. 6), p. 71 et 80.
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[22]
À propos de cette « coloration allemande », voir C. de Haan, Dichten in stijl. Duitse kleuring in Middelnederlandse teksten, Amsterdam, 1999 (Nederlandse literatuur en cultuur in de Middeleeuwen, 20) – dans cet ouvrage, la langue du héraut Gelre fait l’objet d’une analyse spécifique.
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[23]
Pour ce type d’étude, voir les diverses contributions dans G. Sonnemans (éd.), Middeleeuwse verzamelhandschriften uit de Nederlanden, Congres Nijmegen 14 oktober 1994, Hilversum, 1996 (Middeleeuwse studies en bronnen, 51) ; la revue Queeste 5-1 (1998) ; R. Jansen-Sieben, H. van Dijk (éd.), Codices Miscellanearum, Brussels Van Hulthem Colloquium 1999, Bruxelles, 1999 ; O. Lie, J. Reynaert (éd.), Artes in context. Opstellen over het handschriftelijk milieu van Middelnederlandse artes-teksten, Hilversum, 2004 (Artesliteratuur in de Nederlanden, 3). Depuis 1994 la série des Middeleeuwse verzamelhandschriften uit de Nederlanden, dont dix volumes sont parus à ce jour, est publiée sous les auspices du Huygens Instituut de La Haye ; le vol. 1 de la série (MS Geraardsbergen) est numérisé : www.chi.knaw.nl/epub/mvn/geraardsbergen.
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[24]
Voir W. Van Anrooij, « De wandelende tekst. Middeleeuwse verhalen veranderen voortdurend », dans De academische boekengids, 45 (2004), p. 22-23, et les diverses contributions dans S. Nichols, S. Wenzel (éd.), The Whole Book. Cultural Perspectives on the Medieval Miscellany, Ann Arbor, 1996.
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[25]
Les codicologues développent aujourd’hui une terminologie et des modèles descriptifs qui permettent aux chercheurs de décrire de façon adéquate la manière souvent complexe dont les manuscrits ont été progressivement élaborés. Voir E. Kwakkel, Die Dietsche boeke die ons toebehoeren. De Kartuizers van Herne en de productie van Middelnederlandse handschriften in de regio Brussel (1350-1400), Louvain, 2002 (Miscellanea neerlandica, 27) et P. Gumbert, Codicologische eenheden – opzet voor een terminologie, Amsterdam, 2004 (Koninklijke Nederlandse Akademie van Wetenschappen, Mededelingen van de Afdeling Letterkunde, Nieuwe Reeks 67-2).
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[26]
W. Van Anrooij, Spiegel van ridderschap (op. cit., n. 1), p. 78-114.
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[27]
W. Van Anrooij, « Het Haagse handschrift van heraut Beyeren : de wordingsgeschiedenis van een autograaf », dans Tijdschrift voor Nederlandse taal- en letterkunde, 104 (1988), p. 1-20.
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[28]
Voir le tableau donné en annexe.
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[29]
H. Kruse, K. Kamenz, « Drache (1408) », dans H. Kruse, W. Paravicini, A. Ranft (éd.), Ritterorden und Adelsgesellschaften im spätmittelalterlichen Deutschland. Ein systematisches Verzeichnis, Francfort/M., Berne, New York, Paris, 1991 (Kieler Werkstücke, Reihe D ; Beiträge zur europäischen Geschichte des späten Mittelalters, t. 1), p. 230-247. Le manuscrit d’Anvers n’y est pas mentionné parmi les sources. Voir aussi D’A. J. D. Boulton, The Knights of the Crown. The Monarchical Orders of Knighthood in Later Medieval Europe 1325-1520, Woodbridge, 1987, p. 348-355.
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[30]
H. Kruse, « Adler (1433) », dans H. Kruse, W. Paravicini, A. Ranft (éd.), Ritterorden und Adelsgesellschaften (op. cit., n. 29), p. 285-293. Le manuscrit d’Anvers n’y est pas mentionné parmi les sources. Voir aussi D’A. J. D. Boulton, The Knights of the Crown (op. cit., n. 29), p. 343-348.
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[31]
J’espère publié cette analyse ailleurs.
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[32]
La chronique occupe deux cahiers (f° 163-174 et f° 175-186 ; le f°186 est ajout postérieur). Le lien entre les deux ensembles est visible par une marque en bas à droite du f° 174 v° et le chiffre ij en haut à droite du f° 175 r°. Pour le premier des deux cahiers, on trouve une situation similaire à celle qui a été décrite plus haut : la première page (f° 163) a été laissée en blanc, exceptée une courte annonce de la chronique (f° 163 r°) ; la chronique a été commencée sur la seconde page du cahier (f° 164 r°), a été raturée en croix (pourquoi ?), et commencée de nouveau au f° 164 v°. Les dessins à la plume en couleur des comtes et comtesses de Hollande (f° 151-162) précèdent la chronique, et figurent invariablement au recto. Pour les f° 152-161 cela concerne cinq bifolios pliés ensemble, les f° 151 et f° 162 qui sont isolés, devaient, en tant que pages extérieurs du cahier, former à l’origine un bifolio (le f° 151 a été collé aux f° 150 v° et 152 r° ; le f° 162 (v°) a été attaché au f° 163 r° au moyen d’une bande de papier).
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[33]
Deux comtes successifs sont identifiés en légende comme Florent V (f° 158 r° et f° 159 r°). Cependant, après Florent V, il manque un portrait de Jean I. La légende accompagnant le comte à gauche du f° 159 r° est donc inexacte. Pour des raisons moins claires, Albert de Bavière-Straubing-Hollande et Guillaume VI manquent. Si une page avec leur portrait a bien existé, elle devait former un bifolio avec le f° 151. Il est possible (mais il n’y en a aucune preuve) que le f° 162 ait formé un bifolio avec une page blanche précédant l’actuel f° 151 : on voit à plusieurs reprises dans le manuscrit un nouveau cahier commençant par une page blanche. Dans les marges de la chronique, des renvois sont faits, sous forme de chiffres romains, aux portraits correspondants, y compris lorsque Albert de Bavière-Straubing-Hollande et Guillaume VI sont cités. Le portrait de Jean de Bavière précède celui de Jacqueline.
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[34]
W. Van Anrooij, « Voorgeschiedenis in Holland », dans W. Van Anrooij, T. Van Bueren, R. Falkenburg, et al., De Haarlemse gravenportretten. Hollandse geschiedenis in woord en beeld, Hilversum, 1997 (Middeleeuwse studies en bronnen, 49), p. 21-22. D’après les comptes (1455/1456) on peut déduire qu’il y avait 25 statues. Hendrik Van Heessel fit 26 dessins, dont celui de Jean de Bavière, qui, au moment où les dessins furent réalisés, ne faisait pas (ou ne faisait plus ?) partie de la série du jubé. En tout cas, Jacqueline de Bavière était la dernière de la série.
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[35]
Les f° 147-148 ont été ajoutés au manuscrit de manière irrégulière. Ils se trouvent entre le bifolio blanc 146/149 qui, lui-même, a été attaché au folio blanc isolé 150. Les f° 147-148 apparaissant assez abîmés, il est possible que les f° 146-150 n’aient pas été ajoutés avant le xviiie siècle, période à laquelle, selon Dermul, le manuscrit a été relié en parchemin. A. Dermul, Catalogue (op. cit., n. 12), p. 171.