Notes
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[*]
Les contraintes éditoriales de ce présent article ont limité à l’essentiel les notes de bas de page, oblitérant en particulier toutes les citations. Certains aspects de la question seront étoffés dans notre thèse sur L’homme et les espaces du sauvage au haut Moyen Âge.
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[**]
Fabrice Guizard-Duchamp, PRAG, Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, Le Mont Houy, 59313 Valenciennes cedex 9.
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[1]
P. Gautier-Dalché, « Limite, frontière et organisation de l’espace dans la géographie et la cartographie de la fin du Moyen Âge », dans Grenzen und Raumvorstellengen, Frontières et conceptions de l’espace (11e-20e), G. P. Marchal éd., Zürich, 1996.
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[2]
Voir notamment The transformation of frontiers. From Late Antiquity to the Carolingians, W. Pohl, I. Wood, H. Reimitz éd., Leyde-Boston-Cologne, 2001, en particulier les articles suivants : H.W. Goetz, « Concepts of realm and frontiers from Late Antiquity to the early Middle Ages : some preliminary remarks », p. 73-82 ; D. Harrison, « Invisible boundaries and places of power : notions of liminality and centrality in the early Middle Ages », p. 83-93. Voir aussi R. Bartlett, A. Mackay, Medieval Frontiers, Oxford, 1989.
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[3]
Les Dix Livres ont été rédigés par Grégoire pendant son épiscopat, vers 575-594. Après un siècle de débats, il est à peu près admis que Frédégaire est un auteur originaire de Bourgogne qui rédigea sa Chronique vers 660. Quant aux Continuations, elles prolongent le récit jusqu’en 768 et sont probablement élaborées dans un entourage favorable aux Pippinides, à partir du milieu du viiie siècle (cf. Introduction à l’édition de O. Devillers et J. Meyers, p. 39-42). Pour Grégoire de Tours, je renvoie à l’édition de B. Krusch, Monumenta Germaniae Historica. Scriptores rerum Merovingicarum [désormais MGH. SRM], I, 1, Hanovre, 1951 et pour la traduction française à R. Latouche, Histoire des Francs, Paris, nouvelle éd., 1999 (pages citées entre parenthèses). L’édition de référence pour Frédégaire est : Frédégaire, Chronique des temps mérovingiens, O. Devillers et J. Meyers éd. et trad., Turnhout, 2001.
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[4]
Dans le reste de son œuvre (récits hagiographiques), nous ne trouvons en plus, pour la géographie de la Gaule, que l’Indre et la Bèbre.
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[5]
Grégoire de Tours, op. cit. (n. 3), I, 11, p. 41 (p. 44) - I, 10, p. 38 (p. 41).
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[6]
Ibid., II, 9, p. 76 (p. 97).
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[7]
Ibid., X, 1, p. 406 (p. 255).
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[8]
Ibid., III, 7, p. 115 (p. 149).
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[9]
Ibid., IV, 30, p. 166 (p. 213). Cf. Virgile, Enéide, I, 100, 101, 118.
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[10]
Douze cours d’eau de l’ouest de la Gaule (jusqu’à la Seine incluse), quatre au nord de la Seine, six pour l’est. À lui seul, le bassin de la Loire représente 28 % des cours d’eau cités.
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[11]
La carte hydrographique de Grégoire de Tours offre une Gaule mieux « irriguée » que celle de Frédégaire.
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[12]
À partir du chapitre 44 du premier livre, les événements qui se déroulent sur le territoire gaulois est le centre d’intérêt principal du récit. Ce n’est pas par hasard si l’Auvergne y est évoquée en premier. L. Pietri, « Grégoire et la perception de l’espace gaulois », dans Grégoire de Tours et l’espace gaulois, Actes du congrès international de Tours 3-5 novembre 1994, N. Gauthier, H. Galinié éd., Tours, Revue archéologique du Centre, 13e supplément, 1997, p. 19-20. Voir aussi dans le même volume l’article de M.-Y. Perrin, « Grégoire de Tours et l’espace extra-gaulois : le gallocentrisme grégorien revisité », p. 35-48. Et encore A. Breukelaar, Historiography and Episcopal Authority in Sixth-Century Gaul. The histories of Gregory of Tours interpreted in their historical Context, Göttingen, 1994.
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[13]
Le dépouillement des livres hagiographiques de Grégoire de Tours n’élargit pas vraiment cet inventaire. Lorsque le massif du Jura est cité, par deux fois, c’est avec une forte connotation spirituelle : Iorensis eremus ou Iorense desertum.
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[14]
Grégoire de Tours ne la cite qu’une fois. Elle est davantage citée par les sources des viie et viiie siècles montrant encore l’intérêt de Frédégaire et des continuateurs pour la Gaule entre Loire et Rhin.
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[15]
Forêt germanique. Toponyme interprété comme un peuplement de hêtres, probablement une région forestière située dans le massif du Rhön et du Vogelsberg, entre la Hesse et la Thuringe cf. Frédégaire, op. cit. (n. 3), p. 190, note 707. Traduit par Buchau par R. Latouche, (p. 133), Buchonie dans l’édition de O. Devillers et J. Meyers, Buchenwald dans les éditions allemandes.
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[16]
Cf. notamment Grégoire de Tours, op. cit. (n. 3), III, 28, p. 134 (p. 169). Il s’agirait de la forêt de La Brotonne où se trouvait un relais de chasse des rois mérovingiens. Cf. M. Weidemann, Kulturgeschichte der Merowingerzeit nach den Werken Gregors von Tours, Mainz, 1982, p. 326.
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[17]
Forêt de Livry dans l’édition de J.-M. Wallace-Hadrill. L’éditeur propose les autres hypothèses en note : la forêt de Bondy, entre Saint-Denis et Chelles, ou le bois de Lognes au sud-est de Lagny-sur-Marne, ou encore la forêt de Leucone en Picardie, J.-M. Wallace-Hadrill, The Fourth Book of the Chronicle of Fredegar with its continuations, Oxford, 1960, p. 81 note 2.
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[18]
Grégoire de Tours, op. cit. (n. 3), I, 9, p. 73 (p. 93).
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[19]
L’Auvergne, qu’il connaît bien, est ainsi quasiment « nivelée ». Seuls les castra perchés suggèrent le relief. Cf. Ibid., III, 13, p. 122 (p. 154).
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[20]
Ibid., X, 10, p. 418 (p. 273).
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[21]
Ibid., II, 9, p. 76 (p. 98).
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[22]
Ibid., V, 33, p. 225, (p. 294).
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[23]
Frédégaire, op. cit. (n. 3), 38, p. 114.
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[24]
Le toponyme n’est accompagné d’aucune autre précision d’ordre topographique, et le même verbe transire est utilisé lorsqu’une armée franchit l’Ardenne (loin d’être un impressionnant massif montagneux).
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[25]
Frédégaire, op. cit. (n. 3), 45, p. 126-128.
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[26]
Ibid., 33, p. 98 - 57, p. 146. L’auteur se fend même d’une évocation topographique : …dum cernerent se esse superandus, in faucis uallium montebus Perenees latebram dantes, se locis tutissemis per rupis eiusdem moncium conlocantes latetarint…, 78, p. 176.
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[27]
L. Pietri, « Grégoire et la perception de l’espace gaulois », op. cit. (n. 12), p. 20. P. Gautier-Dalché, « La représentation de l’espace dans les libri miraculorum de Grégoire de Tours », Le Moyen Âge, LXVIII, 1982 p. 397-420.
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[28]
D’autres sources font apparaître des préoccupations topographiques sensiblement différentes. Dans les vies de saints notamment, l’auteur est souvent attentif à la configuration particulière des lieux fréquentés par son héros. Jonas de Bobbio, dans la vie de saint Colomban et de ses disciples, connaît bien les massifs bordant l’est de la Gaule. La crête des Alpes est plusieurs fois évoquée, notamment comme une frontière avec l’Italie. Les Vosges offrent une topographie plus détaillée. Cf. Jonas de Bobbio, Vita Columbani abbatis discipulorumque, éd. B. Krusch, MGH, SRM 4, p. 61-152, Hanovre, 1905 (BHL 1898).
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[29]
Gregoire, op. cit. (n. 3), IV, 21, p. 158 (p. 204) ; V, 39, p. 231 (p. 302) ; X, 10, p. 418 (p. 273).
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[30]
Dans la Lauchonia silva, Childeric et la reine Bilichilde sont assassinés en 675. Frédégaire, op. cit. (n. 3), (continuation) 2, p. 205.
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[31]
Ibid., (continuation) 8, p. 212.
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[32]
Cf. C. Higounet, « Les forêts de l’Europe occidentale du ve au xie siècle », Agricoltura e mondo rurale in Occidente nell’alto medioevo, Spolète, 1966, p. 343-397 ; C. Wickham, « European forest in the early middle ages : landscape and land clearance », L’ambiente vegetale nell’alto medioevo, Spolète, 1990, p. 479-545.
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[33]
Par rapport à la carte dressée par Charles Higounet, Chris Wickham assure que la couverture forestière au haut Moyen Âge a été exagérée (p. 499). Ailleurs par contre, où se trouvent les « blancs » sur la carte, il y avait en réalité des massifs plus ou moins importants sans parler des nombreux petits bois qui habillent les terroirs pourtant depuis longtemps colonisés. Cf. R. Fossier, La terre et les hommes en Picardie, Paris, 1968, p. 228-230.
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[34]
Gregoire de Tours, op. cit. (n. 3), VII, 21, p. 304 (p. 94). Le roi Childebert séjourne aput Belsonancum villa, quae in medio Ardoennensis silvae sita est. Identifié par R. Buchner avec Nieder-Besslingen, dans le district de Diekirch et le canton de Cerf (Luxembourg). Historiarum libri decem, II, Berlin, 1967, p. 191.
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[35]
C’est donc probablement moins une forêt antique ou protomédiévale qu’une vaste région très peu peuplée au milieu fort peu anthropisé. Eugen Ewig parle de la forêt Charbonnière comme un élément faisant partie du grand massif d’Ardenne avec la Fagne et la Thiérache à l’époque romaine. Charles Higounet l’a représentée en hachure verte sur sa carte des forêts, c’est-à-dire « incertitude sur les limites et la compacité ».
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[36]
À propos de la région d’Ardenne, voir l’article fouillé de E. Ewig, « Les Ardennes au haut Moyen Âge », Spätantikes und Fränkisches Gallien, Munich, 1976, p. 523-552.
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[37]
Gregoire de Tours, op. cit. (n. 3), II, 40, p. 103 (p. 134) ; I, 48, p. 56 (p. 69).
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[38]
Ibid., IV, 30, p. 166 (p. 213).
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[39]
Clovis, fils de Chilpéric († 580). Ibid., VIII, 10, p. 331 (p. 137).
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[40]
Ibid., IX, 6, p. 362 (p. 188).
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[41]
Ibid., VII, 28, p. 308 (p. 102).
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[42]
Dijon, place forte du diocèse de Langres. Ibid., III, 19, p. 129 (p. 165). Grégoire précise l’emplacement d’un site d’après les cours d’eau, en reprenant les formules des actes diplomatiques : quae super Legeris alveum sita est. Ibid., V, 14, p. 204 (p. 264).
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[43]
Frédégaire, op. cit. (n. 3), 26, p. 90 ; 42, p. 120 ; (continuation) 21, 226.
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[44]
Gregoire de Tours, op. cit. (n. 3), X, 9, p. 417, (p. 273).
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[45]
Affluent de la rive droite de la Vilaine.
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[46]
Gregoire de Tours, op. cit. (n. 3), X, 9, p. 416 (p. 271).
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[47]
Ibid., III, 15, p. 124 (p. 159).
-
[48]
Ibid., II, 37, p. 100 (p. 130).
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[49]
C’est peut-être une piste pour reconstituer les principaux axes de circulation terrestre à l’époque mérovingienne. Cf. S. Lebecq, « Grégoire de Tours et la vie d’échanges dans la Gaule du vie siècle », dans Grégoire de Tours et l’espace gaulois, op. cit., p. 169-176.
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[50]
S. Lebecq, « Entre Antiquité et très haut Moyen Âge : permanence et mutations des systèmes de communications dans la Gaule et ses marges », Morphologie sociali e culturali in Europa fra Tarda Antichità e alto Medioevo, Spolète, 1998, p. 473.
-
[51]
M. Rouche, « Héritage de la voirie antique dans la Gaule du haut Moyen Âge », dans Flaran 2 : L’homme et la route en Europe occidentale au Moyen Âge et aux Temps Modernes, Auch, 1980, p. 14.
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[52]
Gregoire de Tours, op. cit. (n. 3), VI, 19, p. 260 (p. 36).
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[53]
Frédégaire, op. cit. (n. 3), (continuation) 2, p. 204 ; (continuation) 25, p. 228.
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[54]
Gregoire de Tours, op. cit. (n. 3), IX, 18, p. 377 (p. 203).
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[55]
Ibid., III, 28, p. 144 (p. 169). Cf. C. Higounet, « Les grandes haies forestières de l’Europe médiévale », Le paysage rural : réalités et représentations, Revue du Nord, t. LXII, n° 244, janvier-mars, 1980 p. 213-217. Cf. E. Zadora-Rio, « De la haie au bocage : quelques remarques sur l’Anjou », dans Le village médiéval et son environnement, études offertes à J.-M. Pesez, 1988, p. 672.
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[56]
La forêt des Vosges occupe non seulement les sommets granitiques mais aussi tout le plateau gréseux où Colomban fonde en 590 les abbayes d’Annegray, de Luxeuil et de Fontaines. Cette défense naturelle reste insuffisante. Jonas de Bobbio signale l’existence dans la Vie de saint Colomban du castrum d’Annegray dans les Vosges à 15 km à l’est de Luxeuil, un autre ancien poste militaire solidement fortifié.
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[57]
A. Debord, « Châteaux et forêts en France aux xie et xiie siècles », Le château, La chasse et la forêt, Les Cahiers de Commarque, Bordeaux, 1990, p. 27-28.
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[58]
Rechercher la frontière dans les sources narratives, c’est après tout se situer en aval du problème. Nous sommes très mal renseignés sur les modalités pratiques d’établissement d’une frontière. Comment se déroule l’enquête préalable ? Disposait-on de cartes, si simples soient-elles ? Ou bien des listes de lieux ? Ce sont les questions auxquelles il serait nécessaire de répondre pour comprendre la réalité de la frontière au haut Moyen Âge. Le problème reste entier à la période suivante, pour laquelle Patrick Gautier-Dalché se pose les mêmes questions, P. Gautier-Dalche, « La représentation de l’espace », op. cit. (n. 27), p. 96.
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[59]
Parmi ces occurrences peu claires : Gregoire de Tours, op. cit. (n. 3), VII, 32, p. 312, (p. 109) : Omnes enim viri fortissimi regionis illius, quae ultra Dornoniam sita ad Gallias pertinet. (Turoniam in Mss A1). Voir aussi VII, 35, p. 315, (p.113) ou encore VIII, 17, p. 337 (p. 148).
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[60]
Ibid., VIII, 30, p. 343 (p. 158).
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[61]
W. Pohl rappelle qu’à l’époque romaine, les frontières ne sont pas du ressort des empires mais des agrimensores. De fait, l’encyclopédie d’Isidore de Séville († 636) aborde le vocabulaire de la limite dans le livre XV consacré aux bâtiments et aux terres agricoles (De aedificiis et agris : De finibus agrorum, PL 82). Dans le livre IX (De linguis, gentibus, regnis, militia, civibus, affinitatibus), le concept de frontière n’est même pas mentionné. Dans les lois barbares, le problème de la limite n’est posé que dans le cadre du droit privé. W. Pohl, « The transformation of frontiers », op. cit. (n. 2), p. 247-260. Cf. aussi R. Schneider, « Lineare Grenzen. Vom frühen bis zum späten Mittelalter », dans Grenzen und Grenzregionen, Frontières et régions frontalières, W. Haubrichs éd., Sarrebruck, 1994, p. 56.
-
[62]
Terme utilisé par Fabienne Cardot à propos de la forêt Charbonnière, des Vosges et du Jura, F. Cardot, L’espace et le pouvoir. Étude sur l’Austrasie mérovingienne, Paris, 1983, p. 114.
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[63]
Au viiie siècle, une continuation de Frédégaire suggère que le Rhône est la frontière avec les Goths. Carlus intrepidus Rodanum fluuim cum exercitu suo transiit, Gotorum fines penetravit…, Frédégaire, op. cit. (n. 3), (continuation) 20, p. 225.
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[64]
Cf. P. Riche, « Grégoire de Tours et l’Armorique », dans Grégoire de Tours et l’espace gaulois, op. cit. (n. 12), p. 24-25.
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[65]
Frédégaire, op. cit. (n. 3), 11, p. 74. Eo anno inter Francos et Brittanis super fluuio Vicinonia bellum est ortum. Mais qu’est-ce que le limes breton chez Frédégaire ? (Cf. 20, p. 82).
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[66]
Cela dit, un tracé appuyé sur un élément naturel n’est pas une garantie absolue de netteté. Cf. R. Brunet et alii, « Frontières », Les mots de la géographie, Paris, 1992.
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[67]
Gregoire de Tours, op. cit. (n. 3), II, 35, p. 98 (p. 128).
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[68]
Ibid., IX, 20, p. (p. 207-211).
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[69]
Frédégaire, op. cit. (n. 3), 57, p. 146.
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[70]
Gregoire de Tours, op. cit. (n. 3), IV, 49, p. 184 (p. 237).
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[71]
Ibid., VIII, 30, p. 343 (p. 158).
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[72]
Ibid., II, 9, p. 77 (p. 98-99).
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[73]
H. W. Goetz, « Concepts of realm and frontiers », op. cit. (n. 2), p. 79.
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[74]
P. Gautier-Dalche, « Limite, frontière et organisation de l’espace », op. cit. (n. 27), p. 99.
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[75]
Sur l’émergence, à la fin du xviiie siècle, de l’idée politique des tracés naturels d’un territoire, d’après l’exemple français, voir M. V. Ozouf-Marignier, « Politique et géographie lors de la création des départements français (1789-1790) », Hérodote, n° 40, 1986, p. 140-160. Voir aussi R. Brunet et alii, « Territoire », « Frontières », dans Les mots de la Géographie, Paris, 1992 ; P. George, « Frontières naturelles », dans Dictionnaire de la Géographie, Paris 1972. Je remercie Florence Deprest pour son point de vue de géographe.
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[76]
Cette notion de forêt-frontière ne fait pas l’unanimité. Jérôme France préfère employer le terme de zone-frontière, incluant entre autres éléments des forêts, J. France, « Les “forêts-frontières” de la Gaule : données historiographiques et problèmes de méthode », Hommes et terres du Nord, 2-3, 1986, p. 155.
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[77]
Cette longue bande boisée, large d’une trentaine de kilomètres, s’étendait sur plus de cent kilomètres de la Bretagne au pays chartrain. G. Louise, La seigneurie de Bellême (xe-xiie siècles), Dévolution des pouvoirs territoriaux et construction d’une seigneurie de frontière aux confins de la Normandie et du Maine à la charnière de l’an mil, Flers, 1993.
-
[78]
M. Rouche, « Remarques sur la géographie historique de la Neustrie (650-850) », dans La Neustrie. Les pays au nord de la Loire de 650 à 850, H. Atsma éd., Sigmaringen, 1989. Il ne propose qu’une seule carte pour le viie siècle : « Neustrie après 650 », p. 11.
-
[79]
P. Gautier-Dalche, « Limite, frontière et organisation de l’espace », op. cit. (n. 27), p. 93. Pour Michel Rouche, le limes chez Frédégaire signifie plutôt la marche, L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes (418-781). Naissance d’une région, Paris, 1979, p. 90 et note 32, p. 526-527. ID., « Remarques sur la géographie historique de la Neustrie », op. cit. (n. 78), p. 8.
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[80]
Gregoire de Tours, op. cit. (n. 3), II, 32, p. 93 (p. 122) …circa Rhodanum aut Ararem…
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[81]
J.-F. Reynaud, Lyon aux premiers temps chrétiens, Paris, 1986, p. 11.
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[82]
Cf. C. Pietri, « Des origines à la fin de la paix romaine », dans Histoire des Pays-Bas français, éd. L. Trénard, Toulouse, 1972, p. 13-50 ; M. Amand, « Les origines de Tournai. Le point de vue de l’archéologue », dans La genèse et les premiers siècles des villes médiévales dans les Pays-Bas méridionaux. Un problème archéologique et historique, Actes du colloque de Spa, Bruxelles, 1990, p. 168-202.
-
[83]
J. Dhondt, « L’essor urbain entre Meuse et mer du Nord à l’époque mérovingienne », dans Studi in onore di Armando Sapori, Milan, 1957, p. 55-78 ; A. Verhulst, « Zur Entstehung der Städte in Nordwest-Europa », dans Forschungen zur Stadtgeschichte, Opladen, 1986, p. 25-53 ; A. S. M. Panhuysen, P. H. D. Leupen, « Maastricht in het eerste millenium. De vroegste stadsontwikkeling in Nederland », dans La genèse et les premiers siècles des villes médiévales, op. cit. (n. 82), p. 411-449.
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[84]
S. Lebecq, « Le devenir économique de la cité dans la Gaule des ve-ixe siècles », dans La fin de la cité antique et le début de la cité médiévale, de la fin du iiie siècle à l’avènement de Charlemagne, colloque de Nanterre, C. Lepelley éd., Bari, 1996, p. 288-289.
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[85]
J.-C.Meuret, Peuplement, pouvoir et paysage sur la Marche Anjou-Bretagne des origines au Moyen Âge, Laval, 1993, p. 292.
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[86]
F. Cardot, L’espace et le pouvoir, op. cit. (n. 62), p. 114.
1Le haut Moyen Âge manque cruellement de sources pour traiter un thème aussi subtil que celui du territoire, plus encore pour celui de frontière, ainsi que le rappelait récemment Patrick Gautier-Dalché [1]. Cependant depuis quelques années, des études ont été menées pour éclairer ce domaine trop longtemps resté au plan de la polémique des nations et de leur légitimité territoriale [2].
2Les interventions de cette table ronde montrent à la fois la diversité des approches et l’intérêt de la question pour les époques les plus anciennes. Ne disposant pas de documents dont le seul objet serait de préciser les limites territoriales (quelle que soit l’échelle) dans l’Occident du haut Moyen Âge, nous devons nous contenter de sources éparses qui n’ont pas cette vocation géographique. Même les sources narratives qui constituent notre dossier d’enquête, celles des vie et viie siècles, principalement les Dix Livres d’Histoire de Grégoire de Tours et le quatrième livre de la Chronique de Frédégaire ainsi que les continuations [3], n’abordent pas ouvertement le problème des frontières. Ce n’est pas un sujet au centre de l’histoire des peuples.
3Les « limites naturelles », principalement les cours d’eau et les forêts, ont été jadis très souvent utilisées par les médiévistes pour délimiter les regna mérovingiens. Or l’idée même de « limite naturelle » est, à juste titre, remise en cause tant par les géographes que par les historiens. Nous nous proposons ici de revenir aux sources dans une démarche essentiellement analytique autour de trois questions : quelles forêts et quels cours d’eau sont cités par Grégoire de Tours et Frédégaire ? dans quels contextes le sont-ils ? dans quelle mesure ces éléments physiques remarquables peuvent-ils être des marqueurs de limites territoriales dans les sources narratives des vie et viie siècles ?
La géographie des auteurs
4Grégoire de Tours utilise dans les Dix Livres d’Histoire soixante-quatre fois un hydronyme, principalement de la Gaule [4], ce qui représente vingt-deux cours d’eau pour l’espace gaulois, certains étant cités plusieurs fois (fig. 1). Les fleuves hors de Gaule ne constituent qu’un échantillon marginal. Il cite les grands fleuves bibliques dans le premier livre qui résume l’histoire judéo-chrétienne (le Jourdain, le Nil) [5]. Il mentionne plus loin trois cours d’eau européens : deux italiens, le Mincio [6] (affluent de la rive gauche du Pô), le Tibre [7] et un germanique, l’Unstrut [8] (affluent de la Saale qui se jette dans l’Elbe).
Liste des cours d’eau de la Gaule cités dans les Dix Livres d’Histoire de Grégoire de Tours
Liste des cours d’eau de la Gaule cités dans les Dix Livres d’Histoire de Grégoire de Tours
5Cette collection d’hydronymes exotiques est avant tout l’expression de son goût pour l’eruditio. Ses connaissances géographiques sont livresques : pour illustrer la déroute des armées de Sigebert Ier devant Arles, il évoque le Simoïs, fleuve de Troade en Asie mineure (aujourd’hui Menderé-Sou) en puisant dans Virgile [9]. De même, c’est en reprenant un extrait de l’historien du ve siècle Renatus Profuturus Frigeridus, qu’il évoque le Mincio. La proportion écrasante de fleuves de la Gaule révèle surtout l’intérêt que l’évêque porte à sa région [10], dont il connaît l’histoire et la géographie [11] (fig. 2). Le récit de Grégoire de Tours est pour l’essentiel un récit gallocentrique, comme le rappelle Luce Piétri [12].
Les cours d’eau de la Gaule de Grégoire de Tours
Les cours d’eau de la Gaule de Grégoire de Tours
6Frédégaire et les continuations utilisent cinquante neuf fois un hydronyme pour vingt-sept cours d’eau, ce qui finalement n’est pas si mal compte tenu de la longueur plus modeste de l’œuvre (fig. 3). Cela donne vingt cours d’eau pour la Gaule et sept en dehors (le Danube - deux de ses affluents, l’Inn et le Lech - La Lippe - l’Aar, affluents du Rhin - l’Unstrut - la Boorn.). Si nous rassemblons uniquement les données de la partie du récit couvrant le viie siècle (fig. 4), la répartition change notablement. Quatre-vingt-quatorze pour cent des mentions indiquent un hydronyme de l’espace gaulois : parmi les quinze fleuves cités pour le viie siècle, treize appartiennent à la Gaule dont douze se situent entre Loire et Rhin (fig. 5). Pour les parties du récit placées au viiie siècle, cette région domine toujours (à 65 %), mais nous constatons que les continuations décalent leur centre d’intérêt vers l’est. Tous les fleuves hors de Gaules sont cités pour les événements du viiie siècle et se situent en Germanie.
Liste des cours d’eau cités dans la Chronique de Frédégaire et les continuations
Liste des cours d’eau cités dans la Chronique de Frédégaire et les continuations
Liste des cours d’eau cités dans la Chronique de Frédégaire (jusqu’à la fin du viie s.)1
Liste des cours d’eau cités dans la Chronique de Frédégaire (jusqu’à la fin du viie s.)1
1. Affluent de la rive gauche de la Juine qui se jette dans l’Essonne. Traduit « Louet » par J.-M. Wallace-Hadrill et par O. Devillers, J. Meyers.Les cours d’eau de la Gaule d’après Frédégaire et les continuations (viie-viiie s.)
Les cours d’eau de la Gaule d’après Frédégaire et les continuations (viie-viiie s.)
7Que ce soit chez Grégoire de Tours ou chez Frédégaire, les forêts sont peu citées (fig. 6 et 7) : six mentions pour cinq massifs forestiers dans les Dix Livres [13], tous au nord et à l’est ; onze mentions pour seulement six massifs chez Frédégaire et dans les continuations. Chez les deux auteurs, nous retrouvons la forêt d’Ardenne [14], la silva Buchonia [15], la forêt de Cuise (près de Compiègne) et la forêt des Vosges. Grégoire mentionne d’autres forêts sans indiquer leur nom [16]. Frédégaire mentionne une silva Lauchonus, dont la localisation exacte est incertaine [17]. Les continuations citent aussi la forêt de Ver (Edobola), mais au viiie siècle. La célèbre Carbonaria n’est en réalité pas mentionnée par Grégoire de Tours : le toponyme apparaît dans la longue citation du deuxième livre de l’historien du ve siècle Sulpice Alexandre [18]. Frédégaire ignore ce toponyme dans le quatrième livre de sa Chronique (ainsi que toutes les continuations).
Liste des forêts citées dans les Dix Livres d’Histoire de Grégoire de Tours
Liste des forêts citées dans les Dix Livres d’Histoire de Grégoire de Tours
Liste des forêts dans la Chronique de Frédégaire et les continuations
Liste des forêts dans la Chronique de Frédégaire et les continuations
8Grégoire de Tours n’évoque guère les grands massifs montagneux de la Gaule [19]. Le Jura n’est cité que dans son œuvre hagiographique (deux fois), de même que les Alpes (deux fois). Les Vosges, citées une seule fois dans les Dix Livres, sont considérées en fait comme un massif forestier : vosagus silva [20]. Les Pyrénées (Pyrenei, Pirinaei montes) sont citées deux fois dans les Dix Livres : dans une citation d’Orose [21] et dans le cinquième livre [22] à propos d’un tremblement de terre dans la région. Frédégaire mentionne par deux fois les Vosges. Il est permis de penser qu’il les évoque en pensant aux cols qu’il faut franchir pour atteindre Cologne depuis Metz [23]. Mais les Vosges apparaissent avant tout comme un vaste massif forestier [24]. Les Alpes ne sont jamais citées par l’auteur, même lors des incursions des Lombards dans le royaume des Francs en 616 [25]. Quant aux Pyrénées, elles sont finalement les seules montagnes à s’imposer sur la carte de Frédégaire, ayant force de frontières avec l’Espagne [26].
9Nous ne sommes guère surpris de ce souci de localisation chez ces auteurs. Grégoire de Tours (et Frédégaire à un degré moindre) cherche dans l’ensemble de son œuvre à visualiser les faits dans l’espace réel de la géographie naturelle [27]. Au total, ce sont bien les fleuves, et très secondairement quelques massifs forestiers, qui constituent les éléments naturels remarquables de la géographie de nos auteurs [28].
Le souci de localiser les faits
10Fleuves et forêts servent de toiles de fond en diverses occasions : la forêt est un lieu où l’on chasse (Vosges, Cuise) [29], où l’on assassine [30], où l’on combat : le 26 septembre 715, les Francs s’affrontent dans la forêt de Cuise, après la mort de Pépin II [31]. On la traverse beaucoup. Cela dit, malgré l’importance de la couverture forestière [32], mais peut-être aussi à cause de cela, les massifs sont peu utilisés pour localiser géographiquement un événement [33]. Sans doute la délimitation de ces massifs était-elle trop floue pour qui ne vivait pas à proximité [34]. Or dans le cadre du récit historique, dont chaque élément est avancé comme vrai, l’information géographique répond au souci de précision de l’auteur qui veut rendre son récit authentique.
11Les toponymes forestiers ne sont d’ailleurs pas systématiquement associés au mot silva. Grégoire de Tours l’utilise chaque fois (sauf pour la Carbonaria) [35]. Chez Frédégaire et dans les continuations, c’est cinq fois sur onze. Cela ne semble pas avoir un sens particulier. Si les Vosges et la forêt d’Ardenne ne sont pas qualifiées de silvae lorsqu’elles apparaissent comme des limites territoriales, l’usage est indifférent dans les autres cas. Nous pouvons tout de même nous interroger sur l’usage du mot silva : désignait-il une couverture végétale plus ou moins dense, ou était-il synonyme de région très peu peuplée à dominante économique forestière [36] ?
12Chez Grégoire de Tours, les cours d’eau constituent les coordonnées spatiales de nombreux événements : on navigue sur l’Escaut ou sur la Vienne [37] ; on se noie dans le Rhône [38] ; on jette un royal cadavre dans la Marne [39] ou toute une pharmacopée maléfique dans la Seine [40] ; des troupes se postent sur les rives de la Dordogne [41]… À la manière antique, l’évocation du cours d’eau est le passage obligé de la descriptio d’une cité [42]. Dans la Chronique de Frédégaire et dans les continuations, les cours d’eau sont aussi fortement sollicités pour préciser le lieu d’un événement [43], avec une moins grande variété d’occurrences. L’hydronyme se suffit souvent à lui-même, mais plusieurs termes peuvent y être associés (fig. 8). Fluvius, ii, qui signifie fleuve ou rivière, est le plus fréquent. Flumen, inis semble être préféré par Grégoire de Tours pour suggérer une grande masse d’eau et la difficulté rencontrée pour la traverser. De même amnis, is, et torrens, tis, suggèrent un obstacle, un cours d’eau dangereux, voire une crue. Il faut surtout remarquer que, chez Grégoire de Tours comme chez Frédégaire, nombreux sont les cours d’eau franchis par une armée. La nature des récits et les préoccupations de leurs auteurs (raconter l’histoire des princes francs et leurs querelles) font la part belle aux conflits armés. Quand une armée doit franchir un cours d’eau, elle utilise un gué, un pont [44] ou, lorsque que l’un et l’autre font défaut, un ouvrage réalisé par le génie militaire. En 590 par exemple, une expédition ordonnée par Gontran contre les Bretons traverse la Vilaine sans difficulté, mais le franchissement de l’Oust [45] nécessite de jeter un pont de fortune. Des cabanes des alentours sont démolies pour récupérer des matériaux, probablement parce qu’aucun bosquet ne se trouve à proximité [46]. Si ces franchissements sont racontés, c’est que les cours d’eau représentent un obstacle réel. Ici des troupes doivent traverser la Moselle à la nage en abandonnant chevaux et vêtements [47]. Là, l’obstacle naturel est aggravé : Clovis a besoin d’un miracle pour trouver un gué dans la Vienne devenue infranchissable à la suite de son débordement. Une biche merveilleuse lui montre le chemin [48].
Vocabulaire associé aux hydronymes1,2,3
Vocabulaire associé aux hydronymes1,2,3
1. A propos d’une crue.2. Uniquement pour la Loire.
3. Il s’agit en effet de la vallée de la Soule, dans le Béarn, le cours d’eau qui coule au fond s’appelle le Saison, et se jette dans le Gave de Pau avant la confluence avec l’Adour.
13En fait, ces cours d’eau apparaissent dans la narration à l’endroit où ils coupent les routes terrestres empruntées par les armées [49]. Rappelons qu’à l’époque romaine, le réseau terrestre de l’espace gaulois a été structuré d’une part selon l’axe dorsal qui longe le Rhône et la Saône et qui de là, par la Meuse, la Moselle et le Rhin, faisait la liaison avec le limes rhénan. D’autre part, de nombreuses voies transversales, partant de cet axe, assuraient vers le sud-est les liaisons avec l’Italie, et vers l’ouest et le nord les liaisons avec les territoires de l’Atlantique, la Manche et la Bretagne. Les autorités franques restent attachées à la praticabilité des routes parce qu’elles en font grand usage, spécialement en matière militaire et diplomatique. Toutes les sources montrent qu’ambassades et armées suivent les grands itinéraires hérités de la voirie romaine, par exemple la voie Paris-Orléans-Tours-Poitiers-Saintes-Bordeaux, très utilisée de Clovis à Pépin III pour assurer le contrôle de l’Aquitaine et les communications avec l’Espagne [50].
14Assez logiquement les grandes batailles ont toujours lieu près des voies romaines [51]. La surveillance des routes aux abords des cours d’eau constitue autant de postes de défense en cas d’agression. Les rois n’hésitent pas à couper la circulation sur les voies de passage. Chilpéric Ier († 584) installe des gardiens près du pont sur l’Orge, sur le territoire de Paris, pour empêcher des embuscades venues du royaume de son frère [52].
15Parce que l’entreprise n’est pas toujours aisée, le franchissement des rivières manifeste réellement l’intention de l’adversaire. C’est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de fleuves à gros débit (Loire, Seine, Rhône, Rhin). Ce sont de véritables obstacles sur la route d’une armée, avec des points de passage inévitables [53]. Une armée franchissant un de ces points démontre sa volonté d’en découdre ; cela trahit aussi la maîtrise insuffisante du territoire de son adversaire. Cela dit, le casus belli n’est pas toujours le franchissement d’une ligne. Grégoire de Tours annonce aussi le commencement d’un conflit par les ravages du plat pays par des guerriers ou par le siège d’une ville [54].
16Dans la Gaule de Frédégaire, comme dans celle de Grégoire de Tours, les forêts sont facilement traversées (Ardenne, Vosges, Buchonia). Pour qu’elles deviennent des obstacles sur la route d’une armée en marche, il faut les aménager comme le fit Clotaire Ier († 561) pour se protéger de l’assaut de Childebert et Théodebert [55]. En réalité, les forêts ne sont de véritables obstacles naturels que lorsqu’elles occupent des massifs montagneux (Vosges) [56]. Cela dit ces massifs ne se traversent pas n’importe comment. Les armées d’invasion empruntent les routes anciennes qui parcourent les forêts profondes [57].
17Si, dans le cadre du récit d’une campagne militaire, les passages des fleuves sont mentionnés comme des points stratégiques pour le contrôle du territoire, cela ne fait pas pour autant de ces fleuves d’authentiques frontières.
Fleuves, forêts et limites territoriales
18Tous les cours d’eau ou forêts traversés par une troupe armée ne tiennent pas lieu de frontières, ne révèlent pas une limite territoriale [58]. Dans les deux sources étudiées, il y a un lien cependant entre le nombre de fois qu’un fleuve est mentionné et l’idée de limite territoriale (fig. 1 et 3). Les deux cartes des « limites » montrent une continuité du vie au viie siècle dans la liste des cours d’eau frontières (fig. 9 et 10). Cela dit, plusieurs évocations de cours d’eau comme limite territoriale sont en réalité ambiguës [59]. Les substantifs latins de la frontière sont rarement employés, conjointement avec les fleuves ou les rivières. Grégoire de Tours ne fait que suggérer une limite avec les prépositions ultra, citra, trans, ou le substantif terminus, i (borne, limite) [60]. Une fois, il associe le Rhin au mot limes, tis [61]. Mais c’est dans le IIe livre, consacré à l’histoire romaine de la Gaule, dans le passage emprunté à Sulpice Alexandre. Dans la Chronique de Frédégaire, nous ne trouvons que les prépositions ultra, inter, usque. La multiplication de termes sur la frontière associés aux noms des fleuves et des forêts aurait été une preuve d’une « institutionnalisation » des limites naturelles [62]. Ce n’est pas le cas [63].
Cours d’eau et « limites territoriales »
Cours d’eau et « limites territoriales »
Cours d’eau et « limites territoriales »
Cours d’eau et « limites territoriales »
19Si la Vilaine paraît être la frontière entre les Bretons et les Francs chez Grégoire de Tours [64], elle est plus souvent mentionnée comme un champ de bataille [65]. La Loire, si souvent citée, ne fait pas davantage figure de frontière lorsqu’a lieu par exemple la rencontre entre Clovis et le Goth Alaric. Le roi des Goths envoie une ambassade pour obtenir une entrevue de pacification. Elle a lieu nous dit Grégoire de Tours dans une île de la Loire, près du vicus d’Amboise. Nous ne saurions y voir une sorte de rencontre en marche, sur un terrain neutre qui serait au milieu du fleuve, lui-même considéré comme une frontière [66]. En cet endroit justement, Grégoire de Tours précise bien que nous sommes « dans le territoire de la ville de Tours » [67].
20Au moment des partages, les éléments naturels ne suffisent pas pour délimiter les portions de territoire. Dans le pacte dit d’Andelot, reproduit par Grégoire de Tours, sont surtout mentionnés les cités, les pagi, les fisci… réservés à chacun [68]. Même lorsque des limites « physiques » sont évoquées, il est bon de préciser. Ainsi Dagobert donne à son frère Charibert après la mort de leur père Clotaire, en 629, les territoires et les cités citra Legere et limitem Spaniae…, en précisant : Toulouse, Cahors, Agen, Périgueux, Saintes et tout ce qui se trouve jusqu’aux Pyrénées [69].
21Les cartes qui ne prennent en compte que les cours d’eau avancés comme limites ressemblent plutôt à de simples fonds de carte (fig. 9 et 10). Le tracé des cours d’eau forme la base élémentaire de la perception de l’espace géographique de la Gaule aux vie et viie siècles, comme aujourd’hui nous représentons souvent les principaux fleuves pour se repérer, même si le thème de la cartographie n’a absolument rien à voir avec la navigation fluviale. Ainsi dans les Dix Livres, les cours d’eau servent-ils à localiser grosso modo les différents peuples occupant l’espace de la Gaule. De même, on parle volontiers des peuples d’Outre-Rhin [70] ou des peuples qui habitent au-delà de la Saône, du Rhône, de la Seine [71]. C’est un moyen commode pour définir les territoires occupés par les peuples, surtout lorsqu’il s’agit de dresser la carte de la Gaule d’autrefois. Dans le livre II, Grégoire de Tours dessine à gros traits la géographie politique de la Gaule du milieu du ve siècle :
« Dans ces contrées, mais au midi les Romains habitaient jusqu’au fleuve de la Loire. Au-delà de la Loire, les Goths dominaient. Les Burgondes qui suivaient aussi la secte d’Arius habitaient de l’autre côté du Rhône qui coule près de la cité de Lyon. Quant à Clodion, il envoya des éclaireurs dans la ville de Cambrai, et quand tout fut exploré lui-même les suivit. Il écrasa des Romains et s’empara de la cité où il ne résida que peu de temps, puis occupa le pays jusqu’au fleuve de la Somme » [72].
23Grégoire de Tours perçoit clairement qu’il y a des régions géographiques, des peuples et des royaumes, tous séparés par des frontières. Les auteurs mérovingiens ont considérablement développé leur perception de frontière et d’espace depuis l’époque romaine. En dépit des changements nombreux à chaque partition du regnum Francorum, les historiens du haut Moyen Âge restent attentifs aux limites des différents territoires [73].
24Ainsi, comme l’indique Patrick Gautier-Dalché, lorsque les historiens se font géographes, ils établissent des limites selon un découpage destiné à rendre l’espace susceptible d’une description ordonnée. N’oublions pas non plus qu’une des idées constitutives de la géographie médiévale est la supériorité de la permanence sur les changements. De fait la géographie ancienne, avec les limites de peuples définies jadis, continue de faire autorité [74].
25Jamais les princes mérovingiens n’ont justifié les limites de leur ressort en s’appuyant sur des obstacles naturels. Fleuves et forêts ne coïncident pas avec des limites territoriales, ni celles des cités, ni celles des regna [75]. Ici ou là cependant, selon la loi du nombre dans une Gaule parcourue de nombreux cours d’eau et comprenant d’innombrables forêts, nous pouvons trouver une limite territoriale s’appuyant sur des éléments de la géographie physique. Ainsi existe-t-il une remarquable continuité dans le temps de « forêt-frontière » [76] séparant le duché de Normandie du Maine et du Perche [77]. Ce sont moins de véritables frontières que des repères spatiaux perceptibles par le plus grand nombre. Au demeurant, il est toujours aujourd’hui plus confortable de se référer à ces limites visibles dans le paysage, dont la permanence tranche avec le mouvement incessant des ressorts des différentes autorités. C’est ce que Michel Rouche propose de faire pour déterminer à la fois les limites externes (Loire, Vilaine, la forêt Charbonnière) et internes (Canche, Seine) de la Neustrie, tout en admettant la difficulté de l’entreprise et en dressant une série de cartes dans lesquelles les limites de la Neustrie ne correspondent jamais avec les cours d’eau [78]. Cela dit, l’allusion aux fleuves chez les chroniqueurs mérovingiens pour désigner les limites d’un territoire montre que la ligne, et non une zone plus ou moins bien définie, semble très tôt vouloir représenter la frontière [79].
26Évoqués parfois dans les espaces périphériques, les fleuves et les rivières apparaissent plus souvent chez les deux auteurs comme les colonnes vertébrales des territoires [80]. Nous savons que, entre les ive et vie siècles, les chefs-lieux de cités ont quitté les hauteurs pour se rapprocher de l’eau. Cette migration s’est faite tantôt sur une petite échelle (Lyon est descendu des collines de Fourvière pour occuper la presqu’île entre les deux rives de la Saône et du Rhône) [81], tantôt sur une plus grande échelle (le chef-lieu de la cité des Ménapiens, qui s’est déplacé de la colline de Cassel à Tournai-sur-l’Escaut [82], ou le siège épiscopal des Tungri, déplacé de la cité de Tongres sur le plateau ardennais à Traiectum ad Mosam, Maastricht, le « gué sur la Meuse », avant de s’installer à Liège) [83]. De fait, la plupart des capitales royales de la Gaule barbare sont des cités installées sur des rivières navigables et animées (Genève, Lyon, Chalon, Toulouse au sud ; Soissons, Paris, Orléans, Cologne, Metz au nord) [84]. Les sites de vallées ont été privilégiés dans la Marche d’Anjou-Bretagne avec la volonté de s’installer près d’un gué ou d’un pont, parfois même sur d’antiques stations routières [85]. Le point de franchissement est très tôt perçu comme un lieu stratégique pour le contrôle du territoire. Il témoigne en outre que le cours d’eau est une contrainte majeure dans la maîtrise du territoire, ce qui ne paraît pas le cas pour les forêts, en tout cas dans les sources étudiées.
27Dans les sources narratives mérovingiennes, les cours d’eau (très secondairement les massifs forestiers) participent à la localisation des événements dans l’espace. Ce sont les repères élémentaires de la géographie de la Gaule. Cela dit, elles ne sont pas les seuls repères spatiaux, loin de là. Les cités le sont bien davantage, comme l’a déjà noté Fabienne Cardot [86]. Dans les Dix Livres, comme dans la Chronique et les continuations, les frontières sont rarement désignées par les auteurs comme des forêts ou des cours d’eau. Le système de délimitation territoriale est beaucoup moins fruste. Quand bien même les royaumes s’appuient sur ces éléments physiques remarquables, cela ne garantit nullement la pérennité de leurs limites. Celles-ci se déplacent beaucoup au cours de la période, au gré des volontés politiques qui, elles seules, organisent le territoire.
Mots-clés éditeurs : forêt, fleuve, conflit, frontière, Gaule
Mise en ligne 02/10/2014
https://doi.org/10.3917/rdn.351.0573Notes
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[*]
Les contraintes éditoriales de ce présent article ont limité à l’essentiel les notes de bas de page, oblitérant en particulier toutes les citations. Certains aspects de la question seront étoffés dans notre thèse sur L’homme et les espaces du sauvage au haut Moyen Âge.
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[**]
Fabrice Guizard-Duchamp, PRAG, Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, Le Mont Houy, 59313 Valenciennes cedex 9.
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[1]
P. Gautier-Dalché, « Limite, frontière et organisation de l’espace dans la géographie et la cartographie de la fin du Moyen Âge », dans Grenzen und Raumvorstellengen, Frontières et conceptions de l’espace (11e-20e), G. P. Marchal éd., Zürich, 1996.
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[2]
Voir notamment The transformation of frontiers. From Late Antiquity to the Carolingians, W. Pohl, I. Wood, H. Reimitz éd., Leyde-Boston-Cologne, 2001, en particulier les articles suivants : H.W. Goetz, « Concepts of realm and frontiers from Late Antiquity to the early Middle Ages : some preliminary remarks », p. 73-82 ; D. Harrison, « Invisible boundaries and places of power : notions of liminality and centrality in the early Middle Ages », p. 83-93. Voir aussi R. Bartlett, A. Mackay, Medieval Frontiers, Oxford, 1989.
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[3]
Les Dix Livres ont été rédigés par Grégoire pendant son épiscopat, vers 575-594. Après un siècle de débats, il est à peu près admis que Frédégaire est un auteur originaire de Bourgogne qui rédigea sa Chronique vers 660. Quant aux Continuations, elles prolongent le récit jusqu’en 768 et sont probablement élaborées dans un entourage favorable aux Pippinides, à partir du milieu du viiie siècle (cf. Introduction à l’édition de O. Devillers et J. Meyers, p. 39-42). Pour Grégoire de Tours, je renvoie à l’édition de B. Krusch, Monumenta Germaniae Historica. Scriptores rerum Merovingicarum [désormais MGH. SRM], I, 1, Hanovre, 1951 et pour la traduction française à R. Latouche, Histoire des Francs, Paris, nouvelle éd., 1999 (pages citées entre parenthèses). L’édition de référence pour Frédégaire est : Frédégaire, Chronique des temps mérovingiens, O. Devillers et J. Meyers éd. et trad., Turnhout, 2001.
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[4]
Dans le reste de son œuvre (récits hagiographiques), nous ne trouvons en plus, pour la géographie de la Gaule, que l’Indre et la Bèbre.
-
[5]
Grégoire de Tours, op. cit. (n. 3), I, 11, p. 41 (p. 44) - I, 10, p. 38 (p. 41).
-
[6]
Ibid., II, 9, p. 76 (p. 97).
-
[7]
Ibid., X, 1, p. 406 (p. 255).
-
[8]
Ibid., III, 7, p. 115 (p. 149).
-
[9]
Ibid., IV, 30, p. 166 (p. 213). Cf. Virgile, Enéide, I, 100, 101, 118.
-
[10]
Douze cours d’eau de l’ouest de la Gaule (jusqu’à la Seine incluse), quatre au nord de la Seine, six pour l’est. À lui seul, le bassin de la Loire représente 28 % des cours d’eau cités.
-
[11]
La carte hydrographique de Grégoire de Tours offre une Gaule mieux « irriguée » que celle de Frédégaire.
-
[12]
À partir du chapitre 44 du premier livre, les événements qui se déroulent sur le territoire gaulois est le centre d’intérêt principal du récit. Ce n’est pas par hasard si l’Auvergne y est évoquée en premier. L. Pietri, « Grégoire et la perception de l’espace gaulois », dans Grégoire de Tours et l’espace gaulois, Actes du congrès international de Tours 3-5 novembre 1994, N. Gauthier, H. Galinié éd., Tours, Revue archéologique du Centre, 13e supplément, 1997, p. 19-20. Voir aussi dans le même volume l’article de M.-Y. Perrin, « Grégoire de Tours et l’espace extra-gaulois : le gallocentrisme grégorien revisité », p. 35-48. Et encore A. Breukelaar, Historiography and Episcopal Authority in Sixth-Century Gaul. The histories of Gregory of Tours interpreted in their historical Context, Göttingen, 1994.
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[13]
Le dépouillement des livres hagiographiques de Grégoire de Tours n’élargit pas vraiment cet inventaire. Lorsque le massif du Jura est cité, par deux fois, c’est avec une forte connotation spirituelle : Iorensis eremus ou Iorense desertum.
-
[14]
Grégoire de Tours ne la cite qu’une fois. Elle est davantage citée par les sources des viie et viiie siècles montrant encore l’intérêt de Frédégaire et des continuateurs pour la Gaule entre Loire et Rhin.
-
[15]
Forêt germanique. Toponyme interprété comme un peuplement de hêtres, probablement une région forestière située dans le massif du Rhön et du Vogelsberg, entre la Hesse et la Thuringe cf. Frédégaire, op. cit. (n. 3), p. 190, note 707. Traduit par Buchau par R. Latouche, (p. 133), Buchonie dans l’édition de O. Devillers et J. Meyers, Buchenwald dans les éditions allemandes.
-
[16]
Cf. notamment Grégoire de Tours, op. cit. (n. 3), III, 28, p. 134 (p. 169). Il s’agirait de la forêt de La Brotonne où se trouvait un relais de chasse des rois mérovingiens. Cf. M. Weidemann, Kulturgeschichte der Merowingerzeit nach den Werken Gregors von Tours, Mainz, 1982, p. 326.
-
[17]
Forêt de Livry dans l’édition de J.-M. Wallace-Hadrill. L’éditeur propose les autres hypothèses en note : la forêt de Bondy, entre Saint-Denis et Chelles, ou le bois de Lognes au sud-est de Lagny-sur-Marne, ou encore la forêt de Leucone en Picardie, J.-M. Wallace-Hadrill, The Fourth Book of the Chronicle of Fredegar with its continuations, Oxford, 1960, p. 81 note 2.
-
[18]
Grégoire de Tours, op. cit. (n. 3), I, 9, p. 73 (p. 93).
-
[19]
L’Auvergne, qu’il connaît bien, est ainsi quasiment « nivelée ». Seuls les castra perchés suggèrent le relief. Cf. Ibid., III, 13, p. 122 (p. 154).
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[20]
Ibid., X, 10, p. 418 (p. 273).
-
[21]
Ibid., II, 9, p. 76 (p. 98).
-
[22]
Ibid., V, 33, p. 225, (p. 294).
-
[23]
Frédégaire, op. cit. (n. 3), 38, p. 114.
-
[24]
Le toponyme n’est accompagné d’aucune autre précision d’ordre topographique, et le même verbe transire est utilisé lorsqu’une armée franchit l’Ardenne (loin d’être un impressionnant massif montagneux).
-
[25]
Frédégaire, op. cit. (n. 3), 45, p. 126-128.
-
[26]
Ibid., 33, p. 98 - 57, p. 146. L’auteur se fend même d’une évocation topographique : …dum cernerent se esse superandus, in faucis uallium montebus Perenees latebram dantes, se locis tutissemis per rupis eiusdem moncium conlocantes latetarint…, 78, p. 176.
-
[27]
L. Pietri, « Grégoire et la perception de l’espace gaulois », op. cit. (n. 12), p. 20. P. Gautier-Dalché, « La représentation de l’espace dans les libri miraculorum de Grégoire de Tours », Le Moyen Âge, LXVIII, 1982 p. 397-420.
-
[28]
D’autres sources font apparaître des préoccupations topographiques sensiblement différentes. Dans les vies de saints notamment, l’auteur est souvent attentif à la configuration particulière des lieux fréquentés par son héros. Jonas de Bobbio, dans la vie de saint Colomban et de ses disciples, connaît bien les massifs bordant l’est de la Gaule. La crête des Alpes est plusieurs fois évoquée, notamment comme une frontière avec l’Italie. Les Vosges offrent une topographie plus détaillée. Cf. Jonas de Bobbio, Vita Columbani abbatis discipulorumque, éd. B. Krusch, MGH, SRM 4, p. 61-152, Hanovre, 1905 (BHL 1898).
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[29]
Gregoire, op. cit. (n. 3), IV, 21, p. 158 (p. 204) ; V, 39, p. 231 (p. 302) ; X, 10, p. 418 (p. 273).
-
[30]
Dans la Lauchonia silva, Childeric et la reine Bilichilde sont assassinés en 675. Frédégaire, op. cit. (n. 3), (continuation) 2, p. 205.
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[31]
Ibid., (continuation) 8, p. 212.
-
[32]
Cf. C. Higounet, « Les forêts de l’Europe occidentale du ve au xie siècle », Agricoltura e mondo rurale in Occidente nell’alto medioevo, Spolète, 1966, p. 343-397 ; C. Wickham, « European forest in the early middle ages : landscape and land clearance », L’ambiente vegetale nell’alto medioevo, Spolète, 1990, p. 479-545.
-
[33]
Par rapport à la carte dressée par Charles Higounet, Chris Wickham assure que la couverture forestière au haut Moyen Âge a été exagérée (p. 499). Ailleurs par contre, où se trouvent les « blancs » sur la carte, il y avait en réalité des massifs plus ou moins importants sans parler des nombreux petits bois qui habillent les terroirs pourtant depuis longtemps colonisés. Cf. R. Fossier, La terre et les hommes en Picardie, Paris, 1968, p. 228-230.
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[34]
Gregoire de Tours, op. cit. (n. 3), VII, 21, p. 304 (p. 94). Le roi Childebert séjourne aput Belsonancum villa, quae in medio Ardoennensis silvae sita est. Identifié par R. Buchner avec Nieder-Besslingen, dans le district de Diekirch et le canton de Cerf (Luxembourg). Historiarum libri decem, II, Berlin, 1967, p. 191.
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[35]
C’est donc probablement moins une forêt antique ou protomédiévale qu’une vaste région très peu peuplée au milieu fort peu anthropisé. Eugen Ewig parle de la forêt Charbonnière comme un élément faisant partie du grand massif d’Ardenne avec la Fagne et la Thiérache à l’époque romaine. Charles Higounet l’a représentée en hachure verte sur sa carte des forêts, c’est-à-dire « incertitude sur les limites et la compacité ».
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[36]
À propos de la région d’Ardenne, voir l’article fouillé de E. Ewig, « Les Ardennes au haut Moyen Âge », Spätantikes und Fränkisches Gallien, Munich, 1976, p. 523-552.
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[37]
Gregoire de Tours, op. cit. (n. 3), II, 40, p. 103 (p. 134) ; I, 48, p. 56 (p. 69).
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[38]
Ibid., IV, 30, p. 166 (p. 213).
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[39]
Clovis, fils de Chilpéric († 580). Ibid., VIII, 10, p. 331 (p. 137).
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[40]
Ibid., IX, 6, p. 362 (p. 188).
-
[41]
Ibid., VII, 28, p. 308 (p. 102).
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[42]
Dijon, place forte du diocèse de Langres. Ibid., III, 19, p. 129 (p. 165). Grégoire précise l’emplacement d’un site d’après les cours d’eau, en reprenant les formules des actes diplomatiques : quae super Legeris alveum sita est. Ibid., V, 14, p. 204 (p. 264).
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[43]
Frédégaire, op. cit. (n. 3), 26, p. 90 ; 42, p. 120 ; (continuation) 21, 226.
-
[44]
Gregoire de Tours, op. cit. (n. 3), X, 9, p. 417, (p. 273).
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[45]
Affluent de la rive droite de la Vilaine.
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[46]
Gregoire de Tours, op. cit. (n. 3), X, 9, p. 416 (p. 271).
-
[47]
Ibid., III, 15, p. 124 (p. 159).
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[48]
Ibid., II, 37, p. 100 (p. 130).
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[49]
C’est peut-être une piste pour reconstituer les principaux axes de circulation terrestre à l’époque mérovingienne. Cf. S. Lebecq, « Grégoire de Tours et la vie d’échanges dans la Gaule du vie siècle », dans Grégoire de Tours et l’espace gaulois, op. cit., p. 169-176.
-
[50]
S. Lebecq, « Entre Antiquité et très haut Moyen Âge : permanence et mutations des systèmes de communications dans la Gaule et ses marges », Morphologie sociali e culturali in Europa fra Tarda Antichità e alto Medioevo, Spolète, 1998, p. 473.
-
[51]
M. Rouche, « Héritage de la voirie antique dans la Gaule du haut Moyen Âge », dans Flaran 2 : L’homme et la route en Europe occidentale au Moyen Âge et aux Temps Modernes, Auch, 1980, p. 14.
-
[52]
Gregoire de Tours, op. cit. (n. 3), VI, 19, p. 260 (p. 36).
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[53]
Frédégaire, op. cit. (n. 3), (continuation) 2, p. 204 ; (continuation) 25, p. 228.
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[54]
Gregoire de Tours, op. cit. (n. 3), IX, 18, p. 377 (p. 203).
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[55]
Ibid., III, 28, p. 144 (p. 169). Cf. C. Higounet, « Les grandes haies forestières de l’Europe médiévale », Le paysage rural : réalités et représentations, Revue du Nord, t. LXII, n° 244, janvier-mars, 1980 p. 213-217. Cf. E. Zadora-Rio, « De la haie au bocage : quelques remarques sur l’Anjou », dans Le village médiéval et son environnement, études offertes à J.-M. Pesez, 1988, p. 672.
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[56]
La forêt des Vosges occupe non seulement les sommets granitiques mais aussi tout le plateau gréseux où Colomban fonde en 590 les abbayes d’Annegray, de Luxeuil et de Fontaines. Cette défense naturelle reste insuffisante. Jonas de Bobbio signale l’existence dans la Vie de saint Colomban du castrum d’Annegray dans les Vosges à 15 km à l’est de Luxeuil, un autre ancien poste militaire solidement fortifié.
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[57]
A. Debord, « Châteaux et forêts en France aux xie et xiie siècles », Le château, La chasse et la forêt, Les Cahiers de Commarque, Bordeaux, 1990, p. 27-28.
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[58]
Rechercher la frontière dans les sources narratives, c’est après tout se situer en aval du problème. Nous sommes très mal renseignés sur les modalités pratiques d’établissement d’une frontière. Comment se déroule l’enquête préalable ? Disposait-on de cartes, si simples soient-elles ? Ou bien des listes de lieux ? Ce sont les questions auxquelles il serait nécessaire de répondre pour comprendre la réalité de la frontière au haut Moyen Âge. Le problème reste entier à la période suivante, pour laquelle Patrick Gautier-Dalché se pose les mêmes questions, P. Gautier-Dalche, « La représentation de l’espace », op. cit. (n. 27), p. 96.
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[59]
Parmi ces occurrences peu claires : Gregoire de Tours, op. cit. (n. 3), VII, 32, p. 312, (p. 109) : Omnes enim viri fortissimi regionis illius, quae ultra Dornoniam sita ad Gallias pertinet. (Turoniam in Mss A1). Voir aussi VII, 35, p. 315, (p.113) ou encore VIII, 17, p. 337 (p. 148).
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[60]
Ibid., VIII, 30, p. 343 (p. 158).
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[61]
W. Pohl rappelle qu’à l’époque romaine, les frontières ne sont pas du ressort des empires mais des agrimensores. De fait, l’encyclopédie d’Isidore de Séville († 636) aborde le vocabulaire de la limite dans le livre XV consacré aux bâtiments et aux terres agricoles (De aedificiis et agris : De finibus agrorum, PL 82). Dans le livre IX (De linguis, gentibus, regnis, militia, civibus, affinitatibus), le concept de frontière n’est même pas mentionné. Dans les lois barbares, le problème de la limite n’est posé que dans le cadre du droit privé. W. Pohl, « The transformation of frontiers », op. cit. (n. 2), p. 247-260. Cf. aussi R. Schneider, « Lineare Grenzen. Vom frühen bis zum späten Mittelalter », dans Grenzen und Grenzregionen, Frontières et régions frontalières, W. Haubrichs éd., Sarrebruck, 1994, p. 56.
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[62]
Terme utilisé par Fabienne Cardot à propos de la forêt Charbonnière, des Vosges et du Jura, F. Cardot, L’espace et le pouvoir. Étude sur l’Austrasie mérovingienne, Paris, 1983, p. 114.
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[63]
Au viiie siècle, une continuation de Frédégaire suggère que le Rhône est la frontière avec les Goths. Carlus intrepidus Rodanum fluuim cum exercitu suo transiit, Gotorum fines penetravit…, Frédégaire, op. cit. (n. 3), (continuation) 20, p. 225.
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[64]
Cf. P. Riche, « Grégoire de Tours et l’Armorique », dans Grégoire de Tours et l’espace gaulois, op. cit. (n. 12), p. 24-25.
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[65]
Frédégaire, op. cit. (n. 3), 11, p. 74. Eo anno inter Francos et Brittanis super fluuio Vicinonia bellum est ortum. Mais qu’est-ce que le limes breton chez Frédégaire ? (Cf. 20, p. 82).
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[66]
Cela dit, un tracé appuyé sur un élément naturel n’est pas une garantie absolue de netteté. Cf. R. Brunet et alii, « Frontières », Les mots de la géographie, Paris, 1992.
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[67]
Gregoire de Tours, op. cit. (n. 3), II, 35, p. 98 (p. 128).
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[68]
Ibid., IX, 20, p. (p. 207-211).
-
[69]
Frédégaire, op. cit. (n. 3), 57, p. 146.
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[70]
Gregoire de Tours, op. cit. (n. 3), IV, 49, p. 184 (p. 237).
-
[71]
Ibid., VIII, 30, p. 343 (p. 158).
-
[72]
Ibid., II, 9, p. 77 (p. 98-99).
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[73]
H. W. Goetz, « Concepts of realm and frontiers », op. cit. (n. 2), p. 79.
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[74]
P. Gautier-Dalche, « Limite, frontière et organisation de l’espace », op. cit. (n. 27), p. 99.
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[75]
Sur l’émergence, à la fin du xviiie siècle, de l’idée politique des tracés naturels d’un territoire, d’après l’exemple français, voir M. V. Ozouf-Marignier, « Politique et géographie lors de la création des départements français (1789-1790) », Hérodote, n° 40, 1986, p. 140-160. Voir aussi R. Brunet et alii, « Territoire », « Frontières », dans Les mots de la Géographie, Paris, 1992 ; P. George, « Frontières naturelles », dans Dictionnaire de la Géographie, Paris 1972. Je remercie Florence Deprest pour son point de vue de géographe.
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[76]
Cette notion de forêt-frontière ne fait pas l’unanimité. Jérôme France préfère employer le terme de zone-frontière, incluant entre autres éléments des forêts, J. France, « Les “forêts-frontières” de la Gaule : données historiographiques et problèmes de méthode », Hommes et terres du Nord, 2-3, 1986, p. 155.
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[77]
Cette longue bande boisée, large d’une trentaine de kilomètres, s’étendait sur plus de cent kilomètres de la Bretagne au pays chartrain. G. Louise, La seigneurie de Bellême (xe-xiie siècles), Dévolution des pouvoirs territoriaux et construction d’une seigneurie de frontière aux confins de la Normandie et du Maine à la charnière de l’an mil, Flers, 1993.
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[78]
M. Rouche, « Remarques sur la géographie historique de la Neustrie (650-850) », dans La Neustrie. Les pays au nord de la Loire de 650 à 850, H. Atsma éd., Sigmaringen, 1989. Il ne propose qu’une seule carte pour le viie siècle : « Neustrie après 650 », p. 11.
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[79]
P. Gautier-Dalche, « Limite, frontière et organisation de l’espace », op. cit. (n. 27), p. 93. Pour Michel Rouche, le limes chez Frédégaire signifie plutôt la marche, L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes (418-781). Naissance d’une région, Paris, 1979, p. 90 et note 32, p. 526-527. ID., « Remarques sur la géographie historique de la Neustrie », op. cit. (n. 78), p. 8.
-
[80]
Gregoire de Tours, op. cit. (n. 3), II, 32, p. 93 (p. 122) …circa Rhodanum aut Ararem…
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[81]
J.-F. Reynaud, Lyon aux premiers temps chrétiens, Paris, 1986, p. 11.
-
[82]
Cf. C. Pietri, « Des origines à la fin de la paix romaine », dans Histoire des Pays-Bas français, éd. L. Trénard, Toulouse, 1972, p. 13-50 ; M. Amand, « Les origines de Tournai. Le point de vue de l’archéologue », dans La genèse et les premiers siècles des villes médiévales dans les Pays-Bas méridionaux. Un problème archéologique et historique, Actes du colloque de Spa, Bruxelles, 1990, p. 168-202.
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[83]
J. Dhondt, « L’essor urbain entre Meuse et mer du Nord à l’époque mérovingienne », dans Studi in onore di Armando Sapori, Milan, 1957, p. 55-78 ; A. Verhulst, « Zur Entstehung der Städte in Nordwest-Europa », dans Forschungen zur Stadtgeschichte, Opladen, 1986, p. 25-53 ; A. S. M. Panhuysen, P. H. D. Leupen, « Maastricht in het eerste millenium. De vroegste stadsontwikkeling in Nederland », dans La genèse et les premiers siècles des villes médiévales, op. cit. (n. 82), p. 411-449.
-
[84]
S. Lebecq, « Le devenir économique de la cité dans la Gaule des ve-ixe siècles », dans La fin de la cité antique et le début de la cité médiévale, de la fin du iiie siècle à l’avènement de Charlemagne, colloque de Nanterre, C. Lepelley éd., Bari, 1996, p. 288-289.
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[85]
J.-C.Meuret, Peuplement, pouvoir et paysage sur la Marche Anjou-Bretagne des origines au Moyen Âge, Laval, 1993, p. 292.
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[86]
F. Cardot, L’espace et le pouvoir, op. cit. (n. 62), p. 114.