Notes
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[*]
Suzy Pasleau, chef de travaux, Université de Liège, Quai Roosevelt 1b, B-4000 Liège.
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[1]
« La travailleuse est un produit de la Révolution Industrielle, non pas tant parce que la mécanisation a créé des emplois pour elle là où il n’en existait pas auparavant, que parce qu’elle est devenue pendant cette période un personnage soudain visible et troublant », J.W. Scott, « La travailleuse », dans Histoire des femmes en Occident, G. Fraisse et M. Perrot dir., t. IV, Paris, 1992, p. 419-420.
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[2]
K. Honeyman, Women, gender and Industrialisation in England, 1700-1870, Londres, 2000, p. 42-43 ; M. Berg, « What Difference did Women’s Work Make to the Industrial Revolution ? », History Workshop Journal, t. XXXV, 1993, p. 22-44.
-
[3]
T. McBride, « Women’s Work and Industrialization », dans The Industrial Revolution and Work in nineteenth-Century Europe, L.R. Berlanstein éd., Londres - New York, 1992, p. 64.
-
[4]
« Relativement récent, sans tradition, accablé par une domination bicéphale où l’homme et le patron se soutiennent, le prolétariat féminin offre tous les caractères de l’armée industrielle de réserve : d’emploi fluctuant, sans qualification, ses rémunérations sont inférieures de moitié environ à celles des hommes », M. Perrot, « Les grèves féminines », dans Les femmes ou les silences de l’histoire, M. Perrot éd., Paris, 1998, p. 121.
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[5]
E. Gubin, « Home, Sweet Home. L’image de la femme au foyer en Belgique et au Canada avant 1914 », Revue Belge d’Histoire Contemporaine, t. XXII, 1991, 3-4, p. 535.
-
[6]
G. Alter, Family and the female life course. The women of Verviers, Belgium, 1849-1880, 1988, p. 91 sq.
-
[7]
« Selon une légende tenace, la machine serait au xixe siècle, la grande alliée des femmes, leur ouvrant, tel Moïse, la terre promise du salariat et, par là, de l’égalité et de la promotion », M. Perrot, « Femmes et machines au xixe siècle », dans Les femmes, op. cit., p. 177. (n. 4).
-
[8]
Des constats identiques sont formulés pour la première moitié du xxe siècle. J.-P. Burdy, M. Dubesset et M. Zancarini-Fournel, « Rôles, travaux et métiers de femmes dans une ville industrielle : Saint-Étienne, 1900-1950 », Le mouvement social, n° 140, juil.-sept. 1987, p. 29-30.
-
[9]
Voir la critique de cette source par N. Bracke, « De vrouwenarbeid in de industrie in België omstreeks 1900 », Revue Belge d’Histoire Contemporaine (RBHC), t. XXVI, 1996, 1-2, p. 166-168.
-
[10]
H. Kuborn, « Rapport sur l’enquête faite au nom de l’Académie royale de Médecine de Belgique par la Commission chargée d’étudier la question de l’emploi des femmes dans les travaux souterrains des mines », Bulletin de l’Académie royale de Médecine de Belgique, 3e série, t. II, 1868, p. 802-889 ; Id., « Du travail des femmes et des enfants dans les mines de houille », Ibid., 3e série, t. III, 1870, p. 1052-1212.
-
[11]
P. Hilden, Women, Work and Politic, Belgium 1830-1914, Oxford, 1993, p. 197-302 décrit en détail les diverses batailles politiques menées par et pour les « ouvrières/werksters ».
-
[12]
F. Battagliola, Histoire du travail des femmes, Paris, 2000, p. 37.
-
[13]
Après les pays anglo-saxons et la France, c’est enfin au tour de la Belgique de se pencher sur le sort de la domesticité. Upstairs downstairs. Dienstpersoneel in Vlanderen. 1750-1850, Louvain, 1996 ; V. Piette, Domestiques et servantes. Des vies sous condition, Bruxelles, 2000.
-
[14]
R. Christens, « Verkend verleden. Een kritisch overzicht van de vrouwengeschiedenis 19de-20ste eeuw in België », RBHC, t. XXVII, 1997, 1-2, p. 17.
-
[15]
Voir R. Obotela, Les recensements belges au xixe siècle. Genèse d’une technique administrative et d’une source de démographie historique avec des observations sur la pratique adoptée dans cinq communes de la Province de Liège, thèse de doctorat inédite (Histoire), Université de Liège, 1982, pour la principale critique de cette source.
-
[16]
Pour le travail des femmes, activité/inactivité sont des catégories statistiques inadaptées.
-
[17]
« Les registres de population laissent échapper des contingents entiers de migrants : servantes, manœuvres qui passent la semaine chez des logeurs », E. Hélin, « Aux confins de la démographie historique et de l’histoire sociale : mesurer les migrations », RBHC, t. XXI, 1990, 3-4, p. 613 ; S. Pasleau, « Un aspect de l’immigration ouvrière au plus fort de la croissance. La population flottante à Seraing, 1861-1866 », dans Dix essais sur la démographie urbaine de la Wallonie au xixe siècle, C. Desama et M. Oris dir., Bruxelles, 1998, p. 243-271.
-
[18]
E. Gubin et A. van Neck, « La répartition professionnelle de la population belge en 1846 : un piège statistique », Acta historica bruxellensia, t. IV : Histoire et méthodes, Bruxelles, 1981, p. 313-315.
-
[19]
M. Martin, « Ménagère : une profession ? Les dilemmes de l’entre-deux-guerres », Le mouvement social, n° 140, p. 89.
-
[20]
Les travailleuses à domicile, à temps plein ou saisonnières, échappent aux statistiques, E. Gubin, « Les ouvriers bruxellois sont aussi des ouvrières… », Les Cahiers de la fonderie, Revue d’histoire sociale et industrielle de la région bruxelloise, n° 14, juin 1993, p. 38.
-
[21]
« L’histoire des femmes fut naturellement amenée à faire appel à de nouveaux types de sources, à effectuer des lectures en miroir des sources existantes, à sonder non plus les discours mais les silences (…) » Id., « Histoire des femmes, histoire de genre », Sextant, été 1994, n° 2, p. 97.
-
[22]
Comme dans les sources nominatives, les chiffres proposés dans les documents agrégés ne sont pas le reflet de la réalité, J.-L. Yernaux, « Les taux féminins d’activité. Leur évolution en Belgique, 1866-1962 », Revue belge de sécurité sociale, t. IV, 1964, p. 1103-1104.
-
[23]
Une autre source moins conventionnelle — les annonces d’emploi — nous a déjà permis pour la ville de Liège d’aborder le travail féminin, S. Pasleau, « Les annonces d’emploi à Liège en 1866 : un segment du marché du travail », dans Colloque de l’Association Française des Historiens Economistes et de la Société de Démographie Historique, Paris, décembre 1998, à paraître.
-
[24]
H. Pott-Buter, Facts and fairy tales about female labour, family and fertility. A seven-country comparison, 1850-1990, Amsterdam, 1993, p. 12-13.
-
[25]
E. Gubin, « La grande ville, un lieu féminin. L’exemple de Bruxelles avant 1914 », dans La ville et les femmes en Belgique. Histoire et sociologie, E. Gubin et J.-P. Nandrin dir., Bruxelles, 1993, p. 82-83.
-
[26]
W. Frère-Orban, Chambre des Représentants. Discussion du budget de l’intérieur pour l’exercice 1869. Travail des enfants et des femmes dans l’industrie, Bruxelles, 1869, p. 12.
-
[27]
L’analyse des changements économiques, démographiques, sociaux et politiques survenus à Seraing a fait l’objet de plusieurs de nos travaux. S. Pasleau, Industries et populations : l’enchaînement de deux croissances à Seraing au xixe siècle, Genève, 1998 ; Id., Gestion d’une commune en proie aux mutations économiques et sociales. Seraing, 1836-1993, Bruxelles, 1998.
-
[28]
M. Oris, Le cours de la vie féminine dans les villes industrielles du Pays de Liège au xixe siècle. Premiers résultats présentés lors de la Table ronde « Urban demography during industrialization », 18e Congrès international des Sciences historiques, Montréal, 27 août-3 septembre 1995, p. 8-9.
-
[29]
S. Pasleau, Industries, op. cit., p. 516-517, pour une comparaison avec d’autres centres d’activité de la vaste région industrielle liégeoise. (n. 27).
-
[30]
M. Oris, Le cours de la vie féminine, op. cit., p. 25. (n. 28).
-
[31]
Il existe toutefois une « relation entre le niveau du salaire du père de famille et le travail de son épouse : un salaire relativement haut du premier (comme c’était le cas chez les mineurs et les métallurgistes) (…) mène à une participation moindre au travail salarié de la part des femmes mariées », P. Scholliers, « Le travail des femmes mariées et le niveau de vie en Belgique au xixe siècle à travers les budgets des familles ouvrières », dans Historiens et populations, Liber Amicorum Etienne Helin, Louvain-la-Neuve, 1991, p. 740.
-
[32]
« Ni à Anzin ni à Roubaix, le travail des femmes ne disparaissait lorsqu’il y avait à la maison des enfants de moins de 5 ans. Cette période, celle des premières années des enfants, était celle des besoins impérieux pour le foyer », L.A. Tilly, « Structure de l’emploi, travail des femmes et changement démographique dans deux villes industrielles : Anzin et Roubaix, 1872-1906 », Le mouvement social, n° 105, oct.-déc. 1978, p. 45-46.
-
[33]
E. Flahault, « Le célibat comme élément d’intégration des femmes dans le salariat au xixe siècle », dans Colloque de l’Association Française, op. cit. (n. 23).
-
[34]
L.A. Tilly et J.W. Scott, Les femmes, le travail et la famille, Paris, 1987, p. 169.
-
[35]
W. Seccombe, « Patriarchy stabilized : the construction of the male breadwinner wage norm in nineteenth-century Britain », Social History, t. II, 1986, 1, p. 53-76.
-
[36]
H. Kuborn, Rapport sur l’enquête, op. cit., p. 813-814. (n. 10).
-
[37]
Ibid., p. 815. « Michelet, Tonna et bien d’autres auteurs du xixe siècle ne doutaient pas un instant des effets profondément pernicieux qu’avait sur la vie de famille et la moralité privée l’emploi croissant des femmes hors de leur foyer », L.A. Tilly, Structure de l’emploi, op. cit., p. 33. (n. 32).
-
[38]
Commission du Travail, t. IV, p. 25 citée par E. Gubin, Home, Sweet Home, op. cit., p. 544-545. (n. 5).
-
[39]
Pour le Journal de Liège, organe de tendance libérale, « les femmes à plaindre ne sont pas celles qui travaillent, mais celles qui ne peuvent trouver d’occupation et qui n’ont ainsi de choix qu’entre la plus noire misère ou la prostitution », Journal de Liège, 25 juillet 1889.
-
[40]
L.A. Tilly, Structure de l’emploi, op. cit., p. 47-48. (n. 32).
-
[41]
Thème largement abordé par l’historiographie. K. Honeyman, Women, op. cit., p. 51-71 (n. 2) ; S. O. Rose, « « Gender at work » : Sex, Class and the Industrial Capitalism », History Workshop Journal, t. XXI, 1986, p. 113-131 ; C. van Eijl, Het werzame verschil. Vrouwen in de slag om arbeid, 1898-1940, Hilversum, 1994 ; D. Valenze, The First Industrial Woman, Oxford, 1995.
-
[42]
— L.A. Tilly et J.W. Scott, Les femmes, le travail, op. cit., p. 97. (n. 34).
-
[43]
« La notion de « travail féminin » est liée à l’idée qu’on se fait de la « place » des femmes. Même la force physique est un critère contestable », M. Perrot, « De la nourrice à l’employée… Travaux de femmes dans la France du xixe siècle », dans Les femmes, op. cit., p. 198. (n. 4).
-
[44]
Id., « Qu’est-ce qu’un métier de femme ? », dans Les femmes, op. cit., p. 203. (n. 4).
-
[45]
Id., « La femme populaire rebelle », dans Les femmes, op. cit., p. 154. (n. 4).
-
[46]
Pour une dizaine d’hommes, la mention « ménager » a même été rencontrée en 1856 !
-
[47]
« Les femmes affirment de plus en plus leur identité, fût-elle celle de femme « sans profession » ou de « ménagère », et cela se traduit dans la fréquence des mentions », C. Motte et J.-P. Pelissier, « La binette, l’aiguille et le plumeau, les mondes du travail féminin », dans La société française au xixe siècle. Tradition, transition, transformations, J. Dupâquier et D. Kessler dir., Paris, 1992, p. 244.
-
[48]
J.-P. Nandrin, « Aux sources du droit social. 13 décembre 1889 : la première loi sur le travail des femmes et des enfants », Les cahiers de la fonderie, n° 7, novembre 1989, p. 14-18.
-
[49]
N.-G. Fossion, Réponse au rapport de M. Kuborn sur le travail des femmes dans les mines, Bruxelles, 1869, p. 6.
-
[50]
H. Kuborn, Rapport sur l’enquête, op. cit., p. 875. (n. 10). Pour les chiffres ultérieurs à 1889, voir D. Salée, Le travail des femmes et des enfants dans les charbonnages au regard de la législation. Un cas typique : l’application dans le bassin de Seraing (1889-1914), mémoire inédit de licence (Histoire), Université de Liège, 1996, p. 95 sq.
-
[51]
« Dans la manufacture de cristaux de Val-Saint-Lambert à Seraing, […] l’ouvrière est moins concentrée dans l’établissement, elle vit davantage avec le peuple des houillères et des fabriques ; la surveillance est moins facile. Aussi la moralité des femmes et en général l’aisance sont-elles moins grandes qu’à Saint-Marie (d’Oignies) », H. Kuborn, Rapport sur l’enquête, op. cit., p. 868-869. (n. 10).
-
[52]
Id., Topographie médicale du Royaume de Belgique. Zone VII. Bassins houillers, sections 10 et 11, Bruxelles, 1908, p. 69.
-
[53]
« Voici, exprimée de façon radicale par un délégué ouvrier à l’Exposition de 1867, la grande division sexuelle du travail et de l’espace social que la rationalité du xixe siècle a poussé jusqu’à ses plus extrêmes limites », M. Perrot, « L’éloge de la ménagère dans le discours des ouvriers français au xixe siècle », dans Les femmes, op. cit., p. 33. (n. 4).
-
[54]
L’importante présence des femmes dans l’industrie à domicile (plus particulièrement dans le secteur textile) est envisagée, entre autres, par P. van den Eeckhout, « Onderaanneming en huisarbeid in Westeuropese hoofdsteden. Twee eeuwen flexibiliteit in de kledingindustrie (19e-20e eeuw) », Tijdschrift voor Sociale Geschiedenis, t. XX, 1994, 4, p. 391-427 ; E. Vanhaute, « « De meest moordende van alle industrieën ». De huisnijverheid in België omstreeks 1900 » in Ibid., p. 461-483.
-
[55]
M. Perrot, Femmes et machines au xixe siècle, op. cit., p. 186. (n. 7).
-
[56]
« L’emploi plus traditionnel de domestiques l’emporte jusqu’à la fin du xixe siècle dans le secteur des services », L.A. Tilly et J.W. Scott, Les femmes, le travail, op. cit., p. 91. (n. 34).
-
[57]
F. Peemans, « La femme belge employée de l’État (fin du xixe s.-+/- 1950) : espace de travail et espace sociologique », Revue Belge de Philologie et d’Histoire, t. LVIII, 1980, 4, p. 864-893.
-
[58]
« Dans les villes industrielles (…), les domestiques sont en général relativement peu nombreux, et les servantes, presque introuvables dans les zones de grand développement textile (…). Naturellement la situation est différente là où l’industrialisation concerne d’autres secteurs », M. Casalini, « La domesticité comme « indicateur social ». Une étude sur Florence au milieu du xixe siècle », dans Le phénomène de la domesticité en Europe, xvie-xxe siècles, A. Fauve-Chamoux et L. Fialova éds, Prague, 1997, p. 167.
-
[59]
« La gêne dans laquelle vivent les petits bourgeois, les privations qu’ils s’imposent pour avoir une domestique les rendent féroces à l’égard de celle-ci et expliquent la hargne qu’ils déploient pour obtenir d’elle le plus de travail possible. Il faut que la dépense soit rentable », A. Martin-Fugier, La place des bonnes. La domesticité féminine en 1900, Paris, 1979, p. 99.
-
[60]
S. Pasleau et I. Schopp, Au service de la bourgeoisie industrielle : la domesticité à Seraing en 1880, papier présenté dans le cadre de The European Science History Conference Amsterdam. Session N : Domestic service in comparative perspective, avril 2000.
-
[61]
L.A. Tilly et J.W. Scott, Les femmes, le travail, op. cit., p. 141. (n. 34).
-
[62]
M. Perrot, De la nourrice à l’employée, op. cit., p. 195. (n. 44).
-
[63]
S. Jaumain, Les petits commerçants belges face à la modernité (1880-1914), Bruxelles, 1995, p. 252.
-
[64]
M. Bruwier, « Métiers de femmes en milieu urbain. Le Hainaut de la première moitié du xixe siècle », dans La ville et les femmes, op. cit., p. 66-67. (n. 25).
-
[65]
S. Jaumain, « La boutique à la fin du xixe siècle : un univers féminin », Cahiers marxistes, n° 191, août-sept. 1993, p. 120-121.
-
[66]
C. Havelange, « Pour une histoire du long terme. Les femmes et l’art de guérir dans la région liégeoise (xviiie-xxe siècles) », dans Historiens et populations, op. cit., p. 676-677 (n. 31). La pratique de la médecine et de la chirurgie est interdite aux femmes, car les études leur sont rendues inaccessibles jusqu’en 1890.
-
[67]
« Il est du devoir de la famille et de la société de favoriser chez chacun et de n’entraver chez personne les saines aptitudes physiques et morales. La femme a été créée pour être mère, son devoir l’appelle au foyer domestique. Les travaux qui l’en éloignent et qui, par leur caractère, s’opposent à son développement, doivent lui être interdits », H. Kuborn, Rapport sur l’enquête, op. cit., p. 885. (n. 10).
-
[68]
E. Gubin, « Femmes et travail. 150 ans de mutation (xixe-xxe siècles) », Bulletin de la Fondation André Renard, nos 196-197, 1992, p. 8.
-
[69]
Celle-ci se retrouve aussi dans la législation. Les mesures limitant les horaires de travail des femmes et interdisant complètement le travail de nuit s’appliquent au travail en usine et aux métiers où les hommes prédominent.
-
[70]
K. Honeyman et J. Goodman, « Women’s work, gender conflict, and labour markets in Europe, 1500-1900 », Economic History Review, t. XLIV, 1991, 4, p. 614-623.
-
[71]
J. Smith, « Women’s unwaged labour and the formation of the world labour force », dans Women in the Labour Force : Comparative Studies on Labour Market and Organization of Work since the18th Century, E. Aerts, P.M.M. Klep, J. Kocka et M. Thorborg éds, Louvain, 1990, p. 8 sq.
-
[72]
« Women were vital to the making of the industrial economy », K. Honeyman, Women, gender, op. cit., p. 50. (n. 2).
-
[73]
J. Blackman, « Women’s employment in the service sector : a comparative study of Western European experience from 1870 », dans Women in the Labour Force, op. cit., p. 27-28 (n. 71).
1Le travail de la femme ne doit être envisagé ni comme un événement marquant du xixe siècle ni comme une des innombrables conséquences de la Révolution industrielle [1], car il existe depuis des siècles. Ce qui peut, en revanche, paraître comme inédit, c’est la façon dont le labeur féminin est considéré par le prolétariat (comme un « mal nécessaire »), le patronat (comme un « calcul économique ») [2] et l’ensemble de la société bourgeoise (comme un « objet de compassion ») [3]. Au même titre que les enfants, les travailleuses forment une armée de réserve [4] à laquelle les entrepreneurs recourent parfois massivement au nom du libéralisme économique. Or, ces derniers sont les mêmes bourgeois qui soutiennent que la place naturelle (tant biologique que sociale) de la femme se trouve dans son foyer [5]. Largement répandu, ce principe ne vaut-il que pour la maîtresse de maison bourgeoise ? Ne peut-il s’appliquer à toute la cohorte des ouvrières contraintes de travailler en usine et dans les charbonnages, des petites commerçantes, des domestiques, des couturières à domicile, etc. ? NON, bien sûr. Les circonstances conjoncturelles et personnelles n’accordent guère le luxe à beaucoup de femmes de demeurer oisives. Sur un marché du travail en pleine expansion, les jeunes filles, les épouses et les veuves sont continuellement à la recherche, sinon d’une rémunération décente, du moins d’un appoint pécuniaire pour le ménage. Alors que le salaire de l’homme doit couvrir les dépenses de subsistance et de reproduction, celui de la femme n’assure pas sa propre survie et nécessite un apport des autres membres de la famille [6].
2Durant la seconde moitié du xixe siècle, quelle place la femme occupe-t-elle au sein de la population active ? Selon l’expression de L.A. Tilly et J.W. Scott, les ouvrières de la « main-d’œuvre secondaire urbaine », déjà présentes au xviiie siècle, côtoient désormais les nouvelles salariées du secondaire mais surtout du tertiaire et des services. Le « genre » d’emploi dépend alors de plusieurs facteurs :
- économique : la structure et la diversité du marché de l’emploi (à l’instar d’un centre urbain, une localité textile offre plus d’opportunités d’embauche aux femmes qu’une commune charbonnière et sidérurgique !) ;
- technique : la mécanisation entrave ou, au contraire, favorise [7] le travail féminin ;
- conjoncturel : une crise économique est synonyme de chômage, surtout féminin ;
- démographique : le mariage et la maternité constituent souvent des ruptures dans le parcours professionnel [8]. Par contre, le veuvage contraint à revenir sur le marché du travail ;
- socioculturel : la société bourgeoise admet et condamne à la fois le travail féminin.
Une source qui sous-évalue le travail des femmes : le registre de population
3En Belgique, l’historiographie s’est intéressée principalement au labeur des femmes dans le secteur secondaire, grâce à des documents nombreux et variés : recensements professionnels ou industriels [9], enquêtes « sociales », discours philanthropiques, écrits des hygiénistes — dont ceux de Hyacinthe Kuborn, célèbre médecin sérésien, qui s’est longuement penché sur le sort des femmes travaillant dans les charbonnages [10] —, documents parlementaires [11], etc. Certes, « la domestique, la couturière, l’ouvrière du textile constituent les figures dominantes de la femme au travail. Elles sont les plus nombreuses (…), mais surtout elles représentent les archétypes du travail féminin » [12]. Toutefois, un intérêt tout récent, les branches professionnelles relevant du textile et de l’ensemble des services [13] demeurent encore à bien des titres terra incognita [14]. Le manque de documents spécifiques se double de plusieurs problèmes méthodologiques liés à la nature même des sources utilisées.
4Dans les registres de population [15], sont ainsi mentionnés en théorie tous les individus actifs et inactifs [16]. Mais, outre le sous-enregistrement des mouvements migratoires [17], pèse la sous-évaluation de l’activité féminine au xixe siècle [18]. Celle-ci se camoufle souvent derrière les désignations « sans profession », « sans mention », « ménagère » [19] ou « aidante » : beaucoup de femmes effectuent, en effet, des « petits boulots » pour un parent, un ami, un voisin, un patron non déclaré (lingère, repasseuse, femme de ménage, etc.) mais n’apparaissent pas comme actives, d’autant plus lorsqu’elles exercent leur activité à domicile [20]. Si le recours à d’autres documents [21] (actes d’état civil, patentes ou recensements [22]) permet de combler certaines lacunes [23], il ne permet toutefois pas de lever toutes les zones d’ombre entourant le travail féminin au xixe siècle ce qui entraîne sa sous-estimation générale [24]. Celle-ci concerne surtout les femmes mariées actives, qui sont fréquemment cantonnées sur un marché de l’emploi « secondaire », caractérisé parfois par une semi-légalité.
5En dépit des diverses critiques formulées à leur encontre, ce sont les registres de population — source de première main — des années 1846, 1856, 1866 et 1880 qui nous ont fourni les chiffres de la population féminine active à Seraing, commune dominée par l’industrie lourde et le prolétariat urbain.
« Que sait-on (…) du travail des femmes dans les villes [et dans les pôles industriels] ? Peu de choses. Bien que le travail soit le domaine le mieux étudié en histoire des femmes, on n’en connaît souvent que les formes les plus minoritaires ou les plus marginales. Les sources témoignent d’une attention soutenue des observateurs chaque fois que les activités féminines entrent en crise ou en conflit avec les valeurs morales. C’est ainsi qu’il est plus facile de faire l’histoire des prostituées que celle des couturières ou des repasseuses (…) » [25].
7Sans anticiper sur l’analyse, avançons déjà qu’à Seraing, espace de travail viril, la ségrégation des emplois est fortement marquée. De plus, la distinction entre domicile et lieu de travail y est accentuée. Enfin, au sein des familles ouvrières, l’épouse travaille davantage en fonction des besoins que des responsabilités liées au mariage et à la maternité. Les responsables politiques, contemporains du pénible labeur des femmes, en sont bien conscients. Ainsi, pour Frère-Orban, ministre des Finances en 1869,
« ce n’est pas pour gagner sa vie qu’une femme quitte sa maison et s’exile pour toute la journée dans un atelier ; ce qui est très simple chez un homme ; c’est presque de l’héroïsme chez une femme ; si elle le fait, ce n’est pas pour elle, elle le fait pour ses enfants » [26].
9Durant la seconde moitié du xixe siècle, alors que la première Révolution Industrielle est achevée, les Sérésiennes actives se retrouvent-elles dans les nouveaux secteurs d’activité ou demeurent-elles dans les branches traditionnellement féminines ?
Le travail à Seraing : un univers masculin ?
10Au cœur de la vaste région liégeoise, la commune de Seraing s’est profondément transformée à la faveur de l’industrialisation. Outre la houillerie (avec quatre charbonnages en 1846 puis trois en 1878), la sidérurgie (avec le complexe sidérurgique Cockerill fondé en 1817) et la verrerie (avec les cristalleries du Val-Saint-Lambert créées en 1826) en ont fait un pôle d’industrie lourde, où règne une forte expansion économique et où survient un véritable boom démographique durant le long xixe siècle (1830-1914) [27]. Séduits par les salaires élevés proposés par ces industries en période de haute conjoncture, des milliers de travailleurs ont migré vers Seraing. Cependant, leur portrait ne correspond pas tout à fait à celui auquel on pourrait s’attendre (jeunes hommes célibataires, possédant les qualités physiques nécessaires pour travailler dans la mine ou près d’un haut fourneau). Au cours de la seconde moitié du xixe siècle, les courants migratoires concernent, en effet, pour près de la moitié des femmes ; de même, ils touchent de nombreux individus mariés ainsi que des enfants, ce qui laisse supposer de multiples migrations familiales ; enfin, ils ne se rapportent pas uniquement à la branche secondaire. Par ailleurs, au fur et à mesure que se rapproche le xxe siècle, l’économie sérésienne se tertiarise, ce qui entraîne, sinon l’installation, du moins l’arrivée de nombreuses jeunes femmes célibataires à la recherche d’un emploi dans des secteurs d’activité moins traditionnels.
« Dans l’espace familier de l’agglomération urbaine et industrielle, les femmes solitaires bougent de plus en plus ; elles contribuent comme les hommes à la hausse de la turbulence migratoire interne » [28].
Poids de la population féminine. Seraing, 1846-1880
Poids de la population féminine. Seraing, 1846-1880
12Alors que les femmes représentent presque la moitié de la population sérésienne totale, elles ne forment pas un cinquième des actifs, ce qui, de prime abord, peut apparaître comme normal dans un pôle d’industrie lourde [29]. Si l’importance des actives par rapport à l’ensemble de la population féminine surprend, elle confirme néanmoins la « nette » sous-évaluation du travail des femmes telle qu’elle a été dénoncée pour les sources nominatives [30]. Les faibles pourcentages obtenus (autour de 15 %) ne peuvent être conformes à la réalité, car de nombreux ménages ouvriers ont besoin du salaire féminin — aussi bas soit-il — en vue de soutenir une famille nombreuse, de pallier une crise économique entraînant le chômage masculin, de soutenir un budget précaire, de faire face à la maladie ou le décès [31]. Outre le sexe, l’âge et l’état matrimonial influencent fortement le taux d’activité.
13À Seraing, l’accès au salariat féminin déclaré se fait à la fin de l’enfance et au début de l’adolescence : avec un cinquième des filles entre 10 et 14 ans de 1846 à 1880. Le taux d’activité s’intensifie pour la tranche d’âge supérieure, soit entre 15 et 25 ans. Ensuite, il recule rapidement puis stagne ou s’élève parfois entre 40 et 60 ans. Ces fluctuations résultent, en fait, du changement de statut matrimonial qui conditionne le rapport au marché de l’emploi, du moins à partir du moment où l’industrialisation sépare de plus en plus radicalement domicile et lieu de travail.
Taux d’activité par âge des femmes. Seraing, 1846-1880
Taux d’activité par âge des femmes. Seraing, 1846-1880
Répartition des femmes actives selon l’état matrimonial. Seraing, 1846-1880
Répartition des femmes actives selon l’état matrimonial. Seraing, 1846-1880
14Avant le mariage, le travail féminin est incontestablement une norme sociale et une réalité statistique, quand plus de 80 % de Sérésiennes célibataires travaillent pour aider leurs parents ou se constituer une dot. Après, l’arrêt ou la poursuite de l’activité dépendent de diverses contraintes s’exerçant de manière contradictoire, en particulier en fonction de la structure démographique et économique de la famille [32]. Au fur et à mesure qu’avance le xixe siècle, les limitations légales du travail des enfants, renforcées par l’obligation scolaire, imposent aux mères de fortes tensions. D’une part, leur rôle maternel est valorisé et accru ; de l’autre, leur salaire s’avère indispensable afin de compenser la disparition des enfants du marché du travail. Le mode de production industrielle existant à Seraing ne facilite toutefois pas le mélange des activités des épouses désireuses de conserver la maîtrise du rythme de travail et d’exercer une activité salariée uniquement lorsque l’économie familiale l’exige.
15Quelques occupations, dont celles réservées au textile (la couture surtout), permettent néanmoins de concilier travail et vie de famille. En revanche, plusieurs secteurs en plein essor pendant la seconde moitié du xixe siècle s’appuient sur une main-d’œuvre féminine, exclusivement célibataire ! La domesticité (qui recrute dans les milieux populaires) et le petit commerce (qui embauche dans les classes moyennes instruites) mais aussi l’administration, l’enseignement, les secteurs de la santé et de l’assistance sociale (qui se tournent vers les petite et moyenne bourgeoisies) emploient des jeunes filles célibataires, qui, selon les employeurs, sont peu tatillonnes, dociles et disponibles.
« Le principal avantage de cette main-d’œuvre de deuxième classe est la disponibilité totale qu’on peut en exiger. Mais il faut distinguer deux types de disponibilité qui reposent sur des principes différents. D’un côté la disponibilité maximale des bonnes et des employées du commerce ou de l’administration postale se situe dans une logique marchande de rentabilité. De l’autre, la disponibilité, tout aussi importante, des institutrices, infirmières et assistantes sociales relève d’une logique de dévouement » [33].
17En travaillant à l’extérieur, voire dans une autre localité ou à la ville, les jeunes filles bénéficient de moyens d’émancipation par rapport au milieu social d’origine. De manière générale,
« les femmes mariées [sont donc] éliminées de la plupart des emplois productifs et bien payés par les employeurs qui [préfèrent] confier un travail à temps complet à une célibataire » [34].
19En raison de leurs responsabilités familiales, elles ont un emploi sous-qualifié, temporaire et peu rétribué [35].
20Les impératifs de survie familiale ne sont pas en conformité avec le rôle attribué aux femmes mariées par la société bourgeoise du xixe siècle. Les valeurs morales prônées par cette dernière et peu à peu répandues dans les couches populaires soutiennent que la place d’une épouse est dans son foyer, où elle doit s’occuper de l’entretien de la maison et de l’éducation des enfants. Ainsi, selon le docteur Kuborn,
« la femme, germe de la famille, est la pierre fondamentale de la patrie. Sa place est marquée au foyer domestique. L’homme est fait pour la vie du dehors. Le bonheur du foyer dépend de la femme plus que de l’homme. À celui-ci de pourvoir à l’existence de la famille, à ses besoins matériels, de veiller à son bien-être, de seconder l’épouse, à un moment donné, dans la tâche ardue de l’éducation intellectuelle et physique des enfants. À la femme de trouver à son mari plus de félicité dans le ménage qu’ailleurs ; de l’y retenir, en lui apprêtant les mets qu’il préfère, de la façon qu’il aime ; en l’entourant de propreté, en lui faisant un lit de repos où il répare agréablement ses forces épuisées, en l’accueillant à son retour d’un air avenant, en sollicitant pour lui les caresses des enfants. À elle de chasser les soucis qui peuvent assaillir l’époux, de le consoler dans ses chagrins, de l’adoucir dans sa colère. Qu’elle soit donc vaillante, réservée, chaste, patiente, économe, douée de prévoyance et le bonheur du foyer domestique sera assuré. Telle doit être de nos jours la femme, la mère » [36].
22Investie de ses rôle et place « naturels », la femme échappe ainsi à la promiscuité et à la corruption morale qui sévissent dans les ateliers, les usines et les charbonnages.
« Comme la raison l’indiquait d’avance, les faits [démontrent] que dans les houillères spécialement la femme contracte des vices qui la dégradent aux yeux de son futur époux, des infirmités qui altèrent sa constitution et des organes dont l’intégrité doit être rigoureusement maintenue » [37].
24Pour les socialistes belges comme pour les catholiques, l’acquisition du statut de ménagère constitue une amélioration de la condition ouvrière, puisqu’elle implique une hausse suffisante des salaires masculins pour permettre aux épouses de ne plus travailler. La « femme au foyer » populaire est alors présentée comme la transposition ouvrière de la « maîtresse de maison » bourgeoise. Ce modèle normatif tend à s’imposer comme le garant de la paix sociale après les graves troubles du printemps 1886. Au lendemain de ces derniers,
« un des membres de la Commission du Travail, Morisseaux, expose (…) la liaison entre le rôle dominant de la femme et le maintien de la stabilité sociale : tous les défauts et les vices déplorés chez les ouvriers, à l’origine de la misère prolétarienne, ne sont en réalité que les conséquences « des femmes qu’ils ont et des mères qu’ils ont eues » » [38].
26Cautionné par les philanthropes et le corps médical, soucieux d’éviter la dégénérescence physique de la classe prolétaire, le modèle de « la femme au foyer » est dénié par une partie du patronat. Les directeurs de charbonnages soutiennent ainsi la nécessité économique pour les familles ouvrières de disposer du salaire féminin [39].
27À bien des titres, le statut de ménagère est valorisé au xixe siècle. Son importance est rapprochée de celle de la famille, alors valeur fondamentale. Or, à un emploi qualifié et bien rémunéré du mari, correspond souvent l’inactivité de la femme. Chez les familles de mineurs, le salaire de l’époux-père durant les années d’expansion est assez élevé. En général, il est le seul salarié, du moins jusqu’à ce que ses fils le rejoignent dans le charbonnage (parfois à l’âge de 10 ans). De son côté, l’épouse-mère se consacre à ses tâches domestiques : préparer le repas selon l’horaire de la mine, laver les vêtements noircis. Elle cultive un petit potager et élève des animaux afin d’améliorer l’ordinaire familial.
« Sa contribution économique au bien-être de la famille [est] de fournir ses services aux hommes salariés et de produire la nouvelle génération de travailleurs » [40].
29Pourtant, à côté de ces occupations domestiques strictement limitées à son propre ménage, la femme mariée appartenant au prolétariat exerce bien souvent des activités domestiques extérieures, qui pourraient relever aujourd’hui
Le « genre » des métiers [41]
30Tant la transformation du secteur secondaire que l’émergence du tertiaire exigent un renforcement de la main-d’œuvre tout au long du xixe siècle. Le recours à l’immigration ne parvenant pas toujours à combler le manque de bras, les femmes sont embauchées en masse. Elles se distinguent, de leurs homologues masculins, par
principalement en raison de leur constitution physique [43].« un emploi d’un bas niveau technique, à productivité faible (…). La ségrégation règne [alors] sur le marché du travail : les femmes ont tendance à se retrouver entre elles dans certains emplois tandis que d’autres demeurent réservés aux hommes » [42],
Répartition de la population féminine active et inactive. Seraing, 1846-1880
Répartition de la population féminine active et inactive. Seraing, 1846-1880
NB : (a) il ne s’agit pas à proprement parler de marges d’erreurs mais de données manifestement erronées dans les registres de population.31Bien que largement admis aujourd’hui, le « genre » des métiers n’a cependant rien de naturel ; il résulte d’une construction sociale et d’une situation conjoncturelle [44]. Il est, en outre, le fait de la bourgeoisie.
« Phallocrate de naissance, (cette dernière) impose sa conception des rôles, cette rigoureuse séparation des sexes qui aboutit à un immense fossé… Le XIXe siècle a poussé la division des tâches et la ségrégation sexuelle des espaces à son point ultime. Son rationalisme a cherché à définir strictement la place de chacun. Place des femmes : la Maternité et le Ménage la cernent toute entière » [45].
33Sans entrer dans les détails, considérons brièvement les femmes inactives à Seraing ou plus exactement les renseignements qui font qu’elles sont statistiquement considérées comme telles. Pour les quatre années considérées, 85 % ou plus des Sérésiennes sont rangées dans cette catégorie. En 1846 et 1856, les « ménagères » l’emportent, à la suite soit de leur propre déclaration, soit de l’amalgame fait par les agents recenseurs [46]. En 1866 mais surtout en 1880, elles cèdent la place aux femmes pour lesquelles « aucune mention » professionnelle n’est donnée [47]. Comme nous l’avons déjà signalé, cette absence ne signifie nullement que les femmes concernées n’exercent pas d’activité.
34De 1846 à 1866, les journalières représentent la moitié ou plus (comme en 1856) des femmes actives à Seraing. Bien que leur nombre absolu augmente toujours en 1880, leur importance relative décroît et confirme que la qualification de la main-d’œuvre féminine s’accentue. Un déplacement s’opère alors des journalières vers le secteur mixte et les services. La présence des Sérésiennes dans le secteur primaire est quasiment nulle. En fait, la commune n’offre guère la possibilité de se consacrer aux activités agricoles. Pourtant, il y a des femmes qui se livrent à ces dernières et rapportent ainsi des ressources en nature au ménage. Participant à une économie informelle et ne recevant aucun salaire, elles ne sont pas reprises comme des actives !
35L’importance de la branche secondaire parmi les activités féminines n’est pas le reflet de la situation économique du pôle sérésien, avec un cinquième, voire un dixième à peine, des Sérésiennes embauchées dans les grandes entreprises. La sidérurgie n’emploie aucune femme, à l’inverse de la houillerie et de la verrerie. Après un sommet en 1856, les charbonnages connaissent une baisse progressive de leurs effectifs féminins et ce, bien avant l’application de la loi du 13 décembre 1889 [48]. Tant le travail des femmes dans les chantiers souterrains que celui des enfants sont, en fait, dénoncés, avec virulence, dès le milieu du xixe siècle. Certains tentent toutefois d’apaiser les esprits.
« Les médecins qui, comme M. Kuborn, exercent la médecine à Seraing ou dans les environs, déclarent ses assertions exagérées en ce qui concerne la moralité de la classe des mineurs et nient les effets désastreux du travail des mines sur la santé de la fille des fosses » [49].
37Les patrons sérésiens n’ont cependant pas attendu l’adoption de la législation pour réduire le nombre de femmes dans leurs charbonnages. En 1868 déjà, H. Kuborn constate qu’il
« existe actuellement un grand nombre de charbonnages de la province de Liège d’où les personnes du sexe sont exclues. Nous citerons parmi les plus importants ceux de la Société Cockerill à Seraing, qui occupent 2 000 à 2 500 mineurs ; dans trois de ses quatre houillères il ne se trouve pas une seule femme. La Société de Marihaye n’a pas trouvé d’inconvénients à suivre cet exemple » [50].
39De leur côté, les cristalleries du Val-Saint-Lambert disposent également de main-d’œuvre féminine, dont le manque de moralité [51] ainsi que la mauvaise condition physique sont maintes fois signalées. Au début du xxe siècle, H. Kuborn, toujours lui, souligne que non seulement « les femmes ou filles de 12 à 45 ans sont très nombreuses » mais aussi que
« la chlorose, l’aménorrhée, la dysménorrhée sont un lot ordinaire des femmes employées aux travaux dans les verreries et les cristalleries. Plusieurs présentent de l’inégalité dans la hauteur des épaules, une conformation vicieuse des jambes et du bassin » [52].
41La catégorie des « autres » secteurs du secondaire rassemble, en 1880, 106 « ouvrières », sans autre précision. Peut-être ces dernières doivent-elles être reprises dans le secteur mixte (ou l’artisanat) ?
42Alors que son importance ne cesse de croître de 1846 à 1880, ce dernier réunit essentiellement des femmes actives dans la branche du textile au sens large (habillement et accessoires mais aussi linge de maison), avec son imposante cohorte de couturières. « À l’homme, le bois et les métaux, à la femme, la famille et les tissus » [53]. Traditionnellement féminins, les métiers du textile le restent même après l’introduction de la mécanisation. À côté des couturières employées dans les ateliers ou travaillant à la journée dans les demeures bourgeoises, il y a tout le contingent de celles qui restent à domicile (afin de faire de la sous-traitance ou d’effectuer de petits travaux pour une clientèle ouvrière ou petite-bourgeoise, par intermittence) [54]. Qui sont-elles ?
« Les femmes d’employés besogneux, de petite bourgeoisie gênée qui, pour rien au monde, ne se seraient embauchées en usine, pratiquent la confection. Mais les principales clientes demeurent les femmes de la classe ouvrière, couturières de toujours, et principalement les femmes mariées, mal résignées à n’être que ménagères et soucieuses d’apporter ainsi leur « salaire d’appoint » au budget familial » [55].
44Le sweating system alors en vigueur ne leur octroie que de faibles rémunérations, malgré un rendement élevé et une cadence de travail éreintante.
45Enfin, durant la seconde moitié du xixe siècle, à Seraing et ailleurs, le secteur tertiaire et les services se caractérisent par une féminisation accrue de plusieurs branches : domesticité [56], petit commerce, enseignement, soins de santé, administration [57]. Au sein du pôle sérésien, la domesticité se place juste derrière les journalières par ordre d’importance des branches professionnelles féminines [58]. Outre des activités industrielles en plein essor, la commune s’urbanise. À côté d’une population ouvrière en constante augmentation, elle compte des petits et moyens bourgeois qui emploient régulièrement une domesticité de « besoin » (et non plus « d’apparat »). Au risque parfois de se priver (en économisant sur leur propre nourriture, par exemple), beaucoup de petits ménages prennent à leur service une servante qui cumule désormais toutes les fonctions et se transforme en « bonne à tout faire » [59].
46Pour l’année 1880 uniquement, nous avons déjà « disséqué » la domesticité sérésienne, toujours à partir des registres de population [60]. Ainsi, 319 domestiques féminines (dont 292 servantes) sont recensées contre 42 hommes seulement. Au nombre des serviteurs habitant avec le maître de maison, 113 sont seuls au service d’une famille ; 7 ménages sont servis par 2 domestiques, 1 directeur général de la Société Cockerill et 1 autre du Val-Saint-Lambert par 3 domestiques et 1 fermier par 4 domestiques. Outre ces deux catégories socioprofessionnelles, les maîtres de maison de Seraing sont essentiellement des petits commerçants, des rentiers, des employés, des membres des professions enseignantes, libérales et spirituelles.
47Pourtant bien rémunérée (les gages se doublent souvent d’avantages en nature), la domesticité est méprisée par les ouvrières elles-mêmes qui préfèrent la liberté en haillons plutôt que la servitude dorée. Rares sont les femmes qui restent domestiques durant toute leur existence.
« La diversité des emplois proposés aux femmes dans les villes [fait] que la vie professionnelle des filles [n’est] plus limitée au service domestique. Ce [n’est] souvent qu’une première étape, un moyen d’aller à la ville. Quand une jeune fille [perd] son emploi, elle en [cherche] un autre : souvent elle [fait] des allées et venues entre le service domestique et les nombreux petits métiers non spécialisés » [61].
49Marquant souvent l’entrée dans la vie active, la domesticité permet, en outre, d’échapper au poids des contraintes familiales et parfois villageoises, et de cacher une grossesse. Durant les années 1880-1914, une « crise » de la domesticité survient : le nombre de servantes disponibles sur le marché de l’emploi ne suffit plus pour satisfaire la demande bourgeoise. L’attrait des services collectifs se substitue alors au goût du service particulier.
« Être demoiselle de magasin, des postes ou dame-secrétaire : voilà des métiers propres, relevés, et pour une petite bourgeoisie prolétarisée, en quête d’emploi pour ses filles, une issue honorable à l’humiliante entrée dans le salariat féminin » [62]
51et la domesticité.
52« Ministres des finances » du prolétariat, les femmes sont supposées évoluer plus ou moins à leur aise dans le petit commerce. L’épouse du boutiquier
« assure souvent seule la gestion financière du magasin, quand elle ne le dirige pas entièrement pour permettre à son [mari] d’exercer d’autres occupations plus rémunératrices. Sorte d’« éminence grise », [elle] se charge fréquemment de la tenue des comptes, des inventaires et d’une grande partie des travaux d’écriture, ce qui lui confère une influence discrète mais capitale dans la conduite de l’entreprise » [63].
54La reprise des affaires familiales par des veuves fournit, par ailleurs, un modèle très appréciable de réussite professionnelle dans cette branche [64]. Parallèlement à l’essor de l’urbanisation, les petits commerces, tenus par des couples, se multiplient : alimentation, vins et spiritueux, vêtements, tabac, etc. L’atelier se transforme en arrière-boutique ; un espace de présentation et d’accueil, au sein duquel s’impose une présence féminine, est réservé aux clients. L’« explosion » des petites boutiques et des grands magasins favorise l’embauche de nombreuses femmes célibataires — moins onéreuses mais aussi plus sobres, plus polies et plus dociles — comme aidantes, commerçantes, demoiselles de boutique. Contre des gages dérisoires, ces dernières assument généralement une double tâche : vendeuse et domestique pour la famille du négociant. Leur sort n’est alors guère plus enviable que celui des bonnes à tout faire !
« Le patron impose d’autant plus facilement sa volonté qu’il traite avec une main-d’œuvre vulnérable : le plus souvent de jeunes femmes peu qualifiées et facilement remplaçables » [65].
56À l’instar de la domesticité et du petit commerce, la multiplication du nombre d’enseignantes constitue un autre aspect de l’ascension féminine professionnelle en « pente douce ». Enfin, en ce qui concerne les métiers liés aux soins de santé, les femmes sont, au cours de la seconde moitié du xixe siècle, accoucheuses. Afin de pratiquer en toute légalité, ces dernières doivent suivre un enseignement obstétrical [66]. Le temps des matrones est désormais révolu.
Le travail féminin et son étude en perpétuel devenir. Une enquête à poursuivre
57Alors que se rapproche le xxe siècle, les décideurs politiques belges, le patronat (principalement de la grande industrie), les médecins, etc., se mettent partiellement d’accord sur la position à adopter à l’égard du travail de la femme [67] : celle-ci doit être embauchée pour des « travaux féminins », adaptés à ses compétences physiques et à son niveau propre de productivité, et respectant de sévères critères de moralité. Désormais, la travailleuse doit se consacrer à de « bonnes activités » relevant du travail social, de l’enseignement et des soins médicaux [68]. Au-delà de ces « vocations » personnelles et professionnelles, elle peut également se livrer à des occupations traditionnellement féminines (comme celles dépendant du textile) ou progressivement féminisées (comme celles relevant de la domesticité ou du petit commerce). Conjugués à la réalité économique du xixe siècle, les principes physiologiques et moraux prônés par l’ensemble de la société ont provoqué une division sexuelle sur le marché du travail [69], confinant la main-d’œuvre féminine dans certains emplois et la plaçant toujours au bas de la hiérarchie professionnelle [70]. De même, ils ont instauré différentes relations : entre l’homme et les travaux exigeant de la force musculaire, de la vitesse et de l’habileté, entre la femme et les tâches nécessitant de la patience, du doigté et de l’agilité, entre la femme et le travail à bon marché, l’inégalité salariale [71].
58Bien que reconnu, parfois jugé comme indispensable, le salariat féminin est souvent réprouvé en faveur des modèles de la « femme au foyer » et de « l’homme soutien de famille », qui postulent que la première, dans son rôle reproductif, doit veiller sur les enfants et la maison, et que le second doit ramener les ressources financières et être le protecteur de la famille. Ces derniers atteignent leur apogée dans les années 1950 et sont alors décrits comme idéalement adaptés aux sociétés capitalistes avancées qui tournent autour de la réalisation individuelle et de la mobilité sociale et géographique. À l’opposé, le modèle de « l’égalité des sexes » est largement admis aujourd’hui mais est loin d’être complètement appliqué.
59À Seraing, de 1846 à 1880, l’industrie lourde ne constitue pas un secteur d’activité « convenable, approprié » à la nature féminine. Que ce soit dans la houillerie, la sidérurgie ou la verrerie, les travaux ne conviennent ni à la nature, ni au physique de la femme. Mais qu’aurait été l’industrialisation sans les femmes [72] ? De même, qu’aurait été l’expansion des services, parallèle à l’essor de l’urbanisation, sans les femmes [73] ? À côté des « ménagères » et autres femmes « sans profession » ou « aucune mention » qui, malgré les apparences, ont quand même une occupation lucrative, les journalières et le secteur des activités mixtes regroupent une « main-d’œuvre de seconde catégorie », encore très importante à la veille du premier conflit mondial.
60Sur le marché de l’emploi sérésien, la division sexuelle se marque essentiellement par une présence de moins en moins affirmée des femmes dans le secteur secondaire (et ce, avant l’application de la législation spécifique aux charbonnages) et une diminution de l’importance des journalières au profit des secteurs mixte et tertiaire. En dépit de sa structure économique centrée sur l’industrie, Seraing ne se distingue pas par sa répartition professionnelle féminine. Grâce aux vastes bases de données constituées au départ des registres de population, d’autres analyses peuvent être proposées : le couplage entre la mention professionnelle et diverses variables démographiques peut ainsi dégager les liens entre l’occupation et l’âge, le statut matrimonial, la provenance géographique, la structure familiale, l’activité ou l’inactivité des autres membres de la famille, etc. ? Par ailleurs, un essai de recomposition du cycle de vie active des femmes peut être tenté en repérant nominativement les travailleuses d’année de recensement en année de recensement. Afin d’être exhaustives, les informations extraites des registres de population doivent être nécessairement couplées avec celles tirées d’autres sources nominatives (actes d’état civil, patentes). Les voies ainsi tracées sont prometteuses pour l’étude du travail des femmes…
Mots-clés éditeurs : femmes, prolétariat, travail, industrie lourde, moralité bourgeoise
Date de mise en ligne : 17/02/2015
https://doi.org/10.3917/rdn.347.0615Notes
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[*]
Suzy Pasleau, chef de travaux, Université de Liège, Quai Roosevelt 1b, B-4000 Liège.
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[1]
« La travailleuse est un produit de la Révolution Industrielle, non pas tant parce que la mécanisation a créé des emplois pour elle là où il n’en existait pas auparavant, que parce qu’elle est devenue pendant cette période un personnage soudain visible et troublant », J.W. Scott, « La travailleuse », dans Histoire des femmes en Occident, G. Fraisse et M. Perrot dir., t. IV, Paris, 1992, p. 419-420.
-
[2]
K. Honeyman, Women, gender and Industrialisation in England, 1700-1870, Londres, 2000, p. 42-43 ; M. Berg, « What Difference did Women’s Work Make to the Industrial Revolution ? », History Workshop Journal, t. XXXV, 1993, p. 22-44.
-
[3]
T. McBride, « Women’s Work and Industrialization », dans The Industrial Revolution and Work in nineteenth-Century Europe, L.R. Berlanstein éd., Londres - New York, 1992, p. 64.
-
[4]
« Relativement récent, sans tradition, accablé par une domination bicéphale où l’homme et le patron se soutiennent, le prolétariat féminin offre tous les caractères de l’armée industrielle de réserve : d’emploi fluctuant, sans qualification, ses rémunérations sont inférieures de moitié environ à celles des hommes », M. Perrot, « Les grèves féminines », dans Les femmes ou les silences de l’histoire, M. Perrot éd., Paris, 1998, p. 121.
-
[5]
E. Gubin, « Home, Sweet Home. L’image de la femme au foyer en Belgique et au Canada avant 1914 », Revue Belge d’Histoire Contemporaine, t. XXII, 1991, 3-4, p. 535.
-
[6]
G. Alter, Family and the female life course. The women of Verviers, Belgium, 1849-1880, 1988, p. 91 sq.
-
[7]
« Selon une légende tenace, la machine serait au xixe siècle, la grande alliée des femmes, leur ouvrant, tel Moïse, la terre promise du salariat et, par là, de l’égalité et de la promotion », M. Perrot, « Femmes et machines au xixe siècle », dans Les femmes, op. cit., p. 177. (n. 4).
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[8]
Des constats identiques sont formulés pour la première moitié du xxe siècle. J.-P. Burdy, M. Dubesset et M. Zancarini-Fournel, « Rôles, travaux et métiers de femmes dans une ville industrielle : Saint-Étienne, 1900-1950 », Le mouvement social, n° 140, juil.-sept. 1987, p. 29-30.
-
[9]
Voir la critique de cette source par N. Bracke, « De vrouwenarbeid in de industrie in België omstreeks 1900 », Revue Belge d’Histoire Contemporaine (RBHC), t. XXVI, 1996, 1-2, p. 166-168.
-
[10]
H. Kuborn, « Rapport sur l’enquête faite au nom de l’Académie royale de Médecine de Belgique par la Commission chargée d’étudier la question de l’emploi des femmes dans les travaux souterrains des mines », Bulletin de l’Académie royale de Médecine de Belgique, 3e série, t. II, 1868, p. 802-889 ; Id., « Du travail des femmes et des enfants dans les mines de houille », Ibid., 3e série, t. III, 1870, p. 1052-1212.
-
[11]
P. Hilden, Women, Work and Politic, Belgium 1830-1914, Oxford, 1993, p. 197-302 décrit en détail les diverses batailles politiques menées par et pour les « ouvrières/werksters ».
-
[12]
F. Battagliola, Histoire du travail des femmes, Paris, 2000, p. 37.
-
[13]
Après les pays anglo-saxons et la France, c’est enfin au tour de la Belgique de se pencher sur le sort de la domesticité. Upstairs downstairs. Dienstpersoneel in Vlanderen. 1750-1850, Louvain, 1996 ; V. Piette, Domestiques et servantes. Des vies sous condition, Bruxelles, 2000.
-
[14]
R. Christens, « Verkend verleden. Een kritisch overzicht van de vrouwengeschiedenis 19de-20ste eeuw in België », RBHC, t. XXVII, 1997, 1-2, p. 17.
-
[15]
Voir R. Obotela, Les recensements belges au xixe siècle. Genèse d’une technique administrative et d’une source de démographie historique avec des observations sur la pratique adoptée dans cinq communes de la Province de Liège, thèse de doctorat inédite (Histoire), Université de Liège, 1982, pour la principale critique de cette source.
-
[16]
Pour le travail des femmes, activité/inactivité sont des catégories statistiques inadaptées.
-
[17]
« Les registres de population laissent échapper des contingents entiers de migrants : servantes, manœuvres qui passent la semaine chez des logeurs », E. Hélin, « Aux confins de la démographie historique et de l’histoire sociale : mesurer les migrations », RBHC, t. XXI, 1990, 3-4, p. 613 ; S. Pasleau, « Un aspect de l’immigration ouvrière au plus fort de la croissance. La population flottante à Seraing, 1861-1866 », dans Dix essais sur la démographie urbaine de la Wallonie au xixe siècle, C. Desama et M. Oris dir., Bruxelles, 1998, p. 243-271.
-
[18]
E. Gubin et A. van Neck, « La répartition professionnelle de la population belge en 1846 : un piège statistique », Acta historica bruxellensia, t. IV : Histoire et méthodes, Bruxelles, 1981, p. 313-315.
-
[19]
M. Martin, « Ménagère : une profession ? Les dilemmes de l’entre-deux-guerres », Le mouvement social, n° 140, p. 89.
-
[20]
Les travailleuses à domicile, à temps plein ou saisonnières, échappent aux statistiques, E. Gubin, « Les ouvriers bruxellois sont aussi des ouvrières… », Les Cahiers de la fonderie, Revue d’histoire sociale et industrielle de la région bruxelloise, n° 14, juin 1993, p. 38.
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[21]
« L’histoire des femmes fut naturellement amenée à faire appel à de nouveaux types de sources, à effectuer des lectures en miroir des sources existantes, à sonder non plus les discours mais les silences (…) » Id., « Histoire des femmes, histoire de genre », Sextant, été 1994, n° 2, p. 97.
-
[22]
Comme dans les sources nominatives, les chiffres proposés dans les documents agrégés ne sont pas le reflet de la réalité, J.-L. Yernaux, « Les taux féminins d’activité. Leur évolution en Belgique, 1866-1962 », Revue belge de sécurité sociale, t. IV, 1964, p. 1103-1104.
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[23]
Une autre source moins conventionnelle — les annonces d’emploi — nous a déjà permis pour la ville de Liège d’aborder le travail féminin, S. Pasleau, « Les annonces d’emploi à Liège en 1866 : un segment du marché du travail », dans Colloque de l’Association Française des Historiens Economistes et de la Société de Démographie Historique, Paris, décembre 1998, à paraître.
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[24]
H. Pott-Buter, Facts and fairy tales about female labour, family and fertility. A seven-country comparison, 1850-1990, Amsterdam, 1993, p. 12-13.
-
[25]
E. Gubin, « La grande ville, un lieu féminin. L’exemple de Bruxelles avant 1914 », dans La ville et les femmes en Belgique. Histoire et sociologie, E. Gubin et J.-P. Nandrin dir., Bruxelles, 1993, p. 82-83.
-
[26]
W. Frère-Orban, Chambre des Représentants. Discussion du budget de l’intérieur pour l’exercice 1869. Travail des enfants et des femmes dans l’industrie, Bruxelles, 1869, p. 12.
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[27]
L’analyse des changements économiques, démographiques, sociaux et politiques survenus à Seraing a fait l’objet de plusieurs de nos travaux. S. Pasleau, Industries et populations : l’enchaînement de deux croissances à Seraing au xixe siècle, Genève, 1998 ; Id., Gestion d’une commune en proie aux mutations économiques et sociales. Seraing, 1836-1993, Bruxelles, 1998.
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[28]
M. Oris, Le cours de la vie féminine dans les villes industrielles du Pays de Liège au xixe siècle. Premiers résultats présentés lors de la Table ronde « Urban demography during industrialization », 18e Congrès international des Sciences historiques, Montréal, 27 août-3 septembre 1995, p. 8-9.
-
[29]
S. Pasleau, Industries, op. cit., p. 516-517, pour une comparaison avec d’autres centres d’activité de la vaste région industrielle liégeoise. (n. 27).
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[30]
M. Oris, Le cours de la vie féminine, op. cit., p. 25. (n. 28).
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[31]
Il existe toutefois une « relation entre le niveau du salaire du père de famille et le travail de son épouse : un salaire relativement haut du premier (comme c’était le cas chez les mineurs et les métallurgistes) (…) mène à une participation moindre au travail salarié de la part des femmes mariées », P. Scholliers, « Le travail des femmes mariées et le niveau de vie en Belgique au xixe siècle à travers les budgets des familles ouvrières », dans Historiens et populations, Liber Amicorum Etienne Helin, Louvain-la-Neuve, 1991, p. 740.
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[32]
« Ni à Anzin ni à Roubaix, le travail des femmes ne disparaissait lorsqu’il y avait à la maison des enfants de moins de 5 ans. Cette période, celle des premières années des enfants, était celle des besoins impérieux pour le foyer », L.A. Tilly, « Structure de l’emploi, travail des femmes et changement démographique dans deux villes industrielles : Anzin et Roubaix, 1872-1906 », Le mouvement social, n° 105, oct.-déc. 1978, p. 45-46.
-
[33]
E. Flahault, « Le célibat comme élément d’intégration des femmes dans le salariat au xixe siècle », dans Colloque de l’Association Française, op. cit. (n. 23).
-
[34]
L.A. Tilly et J.W. Scott, Les femmes, le travail et la famille, Paris, 1987, p. 169.
-
[35]
W. Seccombe, « Patriarchy stabilized : the construction of the male breadwinner wage norm in nineteenth-century Britain », Social History, t. II, 1986, 1, p. 53-76.
-
[36]
H. Kuborn, Rapport sur l’enquête, op. cit., p. 813-814. (n. 10).
-
[37]
Ibid., p. 815. « Michelet, Tonna et bien d’autres auteurs du xixe siècle ne doutaient pas un instant des effets profondément pernicieux qu’avait sur la vie de famille et la moralité privée l’emploi croissant des femmes hors de leur foyer », L.A. Tilly, Structure de l’emploi, op. cit., p. 33. (n. 32).
-
[38]
Commission du Travail, t. IV, p. 25 citée par E. Gubin, Home, Sweet Home, op. cit., p. 544-545. (n. 5).
-
[39]
Pour le Journal de Liège, organe de tendance libérale, « les femmes à plaindre ne sont pas celles qui travaillent, mais celles qui ne peuvent trouver d’occupation et qui n’ont ainsi de choix qu’entre la plus noire misère ou la prostitution », Journal de Liège, 25 juillet 1889.
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[40]
L.A. Tilly, Structure de l’emploi, op. cit., p. 47-48. (n. 32).
-
[41]
Thème largement abordé par l’historiographie. K. Honeyman, Women, op. cit., p. 51-71 (n. 2) ; S. O. Rose, « « Gender at work » : Sex, Class and the Industrial Capitalism », History Workshop Journal, t. XXI, 1986, p. 113-131 ; C. van Eijl, Het werzame verschil. Vrouwen in de slag om arbeid, 1898-1940, Hilversum, 1994 ; D. Valenze, The First Industrial Woman, Oxford, 1995.
-
[42]
— L.A. Tilly et J.W. Scott, Les femmes, le travail, op. cit., p. 97. (n. 34).
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[43]
« La notion de « travail féminin » est liée à l’idée qu’on se fait de la « place » des femmes. Même la force physique est un critère contestable », M. Perrot, « De la nourrice à l’employée… Travaux de femmes dans la France du xixe siècle », dans Les femmes, op. cit., p. 198. (n. 4).
-
[44]
Id., « Qu’est-ce qu’un métier de femme ? », dans Les femmes, op. cit., p. 203. (n. 4).
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[45]
Id., « La femme populaire rebelle », dans Les femmes, op. cit., p. 154. (n. 4).
-
[46]
Pour une dizaine d’hommes, la mention « ménager » a même été rencontrée en 1856 !
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[47]
« Les femmes affirment de plus en plus leur identité, fût-elle celle de femme « sans profession » ou de « ménagère », et cela se traduit dans la fréquence des mentions », C. Motte et J.-P. Pelissier, « La binette, l’aiguille et le plumeau, les mondes du travail féminin », dans La société française au xixe siècle. Tradition, transition, transformations, J. Dupâquier et D. Kessler dir., Paris, 1992, p. 244.
-
[48]
J.-P. Nandrin, « Aux sources du droit social. 13 décembre 1889 : la première loi sur le travail des femmes et des enfants », Les cahiers de la fonderie, n° 7, novembre 1989, p. 14-18.
-
[49]
N.-G. Fossion, Réponse au rapport de M. Kuborn sur le travail des femmes dans les mines, Bruxelles, 1869, p. 6.
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[50]
H. Kuborn, Rapport sur l’enquête, op. cit., p. 875. (n. 10). Pour les chiffres ultérieurs à 1889, voir D. Salée, Le travail des femmes et des enfants dans les charbonnages au regard de la législation. Un cas typique : l’application dans le bassin de Seraing (1889-1914), mémoire inédit de licence (Histoire), Université de Liège, 1996, p. 95 sq.
-
[51]
« Dans la manufacture de cristaux de Val-Saint-Lambert à Seraing, […] l’ouvrière est moins concentrée dans l’établissement, elle vit davantage avec le peuple des houillères et des fabriques ; la surveillance est moins facile. Aussi la moralité des femmes et en général l’aisance sont-elles moins grandes qu’à Saint-Marie (d’Oignies) », H. Kuborn, Rapport sur l’enquête, op. cit., p. 868-869. (n. 10).
-
[52]
Id., Topographie médicale du Royaume de Belgique. Zone VII. Bassins houillers, sections 10 et 11, Bruxelles, 1908, p. 69.
-
[53]
« Voici, exprimée de façon radicale par un délégué ouvrier à l’Exposition de 1867, la grande division sexuelle du travail et de l’espace social que la rationalité du xixe siècle a poussé jusqu’à ses plus extrêmes limites », M. Perrot, « L’éloge de la ménagère dans le discours des ouvriers français au xixe siècle », dans Les femmes, op. cit., p. 33. (n. 4).
-
[54]
L’importante présence des femmes dans l’industrie à domicile (plus particulièrement dans le secteur textile) est envisagée, entre autres, par P. van den Eeckhout, « Onderaanneming en huisarbeid in Westeuropese hoofdsteden. Twee eeuwen flexibiliteit in de kledingindustrie (19e-20e eeuw) », Tijdschrift voor Sociale Geschiedenis, t. XX, 1994, 4, p. 391-427 ; E. Vanhaute, « « De meest moordende van alle industrieën ». De huisnijverheid in België omstreeks 1900 » in Ibid., p. 461-483.
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[55]
M. Perrot, Femmes et machines au xixe siècle, op. cit., p. 186. (n. 7).
-
[56]
« L’emploi plus traditionnel de domestiques l’emporte jusqu’à la fin du xixe siècle dans le secteur des services », L.A. Tilly et J.W. Scott, Les femmes, le travail, op. cit., p. 91. (n. 34).
-
[57]
F. Peemans, « La femme belge employée de l’État (fin du xixe s.-+/- 1950) : espace de travail et espace sociologique », Revue Belge de Philologie et d’Histoire, t. LVIII, 1980, 4, p. 864-893.
-
[58]
« Dans les villes industrielles (…), les domestiques sont en général relativement peu nombreux, et les servantes, presque introuvables dans les zones de grand développement textile (…). Naturellement la situation est différente là où l’industrialisation concerne d’autres secteurs », M. Casalini, « La domesticité comme « indicateur social ». Une étude sur Florence au milieu du xixe siècle », dans Le phénomène de la domesticité en Europe, xvie-xxe siècles, A. Fauve-Chamoux et L. Fialova éds, Prague, 1997, p. 167.
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[59]
« La gêne dans laquelle vivent les petits bourgeois, les privations qu’ils s’imposent pour avoir une domestique les rendent féroces à l’égard de celle-ci et expliquent la hargne qu’ils déploient pour obtenir d’elle le plus de travail possible. Il faut que la dépense soit rentable », A. Martin-Fugier, La place des bonnes. La domesticité féminine en 1900, Paris, 1979, p. 99.
-
[60]
S. Pasleau et I. Schopp, Au service de la bourgeoisie industrielle : la domesticité à Seraing en 1880, papier présenté dans le cadre de The European Science History Conference Amsterdam. Session N : Domestic service in comparative perspective, avril 2000.
-
[61]
L.A. Tilly et J.W. Scott, Les femmes, le travail, op. cit., p. 141. (n. 34).
-
[62]
M. Perrot, De la nourrice à l’employée, op. cit., p. 195. (n. 44).
-
[63]
S. Jaumain, Les petits commerçants belges face à la modernité (1880-1914), Bruxelles, 1995, p. 252.
-
[64]
M. Bruwier, « Métiers de femmes en milieu urbain. Le Hainaut de la première moitié du xixe siècle », dans La ville et les femmes, op. cit., p. 66-67. (n. 25).
-
[65]
S. Jaumain, « La boutique à la fin du xixe siècle : un univers féminin », Cahiers marxistes, n° 191, août-sept. 1993, p. 120-121.
-
[66]
C. Havelange, « Pour une histoire du long terme. Les femmes et l’art de guérir dans la région liégeoise (xviiie-xxe siècles) », dans Historiens et populations, op. cit., p. 676-677 (n. 31). La pratique de la médecine et de la chirurgie est interdite aux femmes, car les études leur sont rendues inaccessibles jusqu’en 1890.
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[67]
« Il est du devoir de la famille et de la société de favoriser chez chacun et de n’entraver chez personne les saines aptitudes physiques et morales. La femme a été créée pour être mère, son devoir l’appelle au foyer domestique. Les travaux qui l’en éloignent et qui, par leur caractère, s’opposent à son développement, doivent lui être interdits », H. Kuborn, Rapport sur l’enquête, op. cit., p. 885. (n. 10).
-
[68]
E. Gubin, « Femmes et travail. 150 ans de mutation (xixe-xxe siècles) », Bulletin de la Fondation André Renard, nos 196-197, 1992, p. 8.
-
[69]
Celle-ci se retrouve aussi dans la législation. Les mesures limitant les horaires de travail des femmes et interdisant complètement le travail de nuit s’appliquent au travail en usine et aux métiers où les hommes prédominent.
-
[70]
K. Honeyman et J. Goodman, « Women’s work, gender conflict, and labour markets in Europe, 1500-1900 », Economic History Review, t. XLIV, 1991, 4, p. 614-623.
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[71]
J. Smith, « Women’s unwaged labour and the formation of the world labour force », dans Women in the Labour Force : Comparative Studies on Labour Market and Organization of Work since the18th Century, E. Aerts, P.M.M. Klep, J. Kocka et M. Thorborg éds, Louvain, 1990, p. 8 sq.
-
[72]
« Women were vital to the making of the industrial economy », K. Honeyman, Women, gender, op. cit., p. 50. (n. 2).
-
[73]
J. Blackman, « Women’s employment in the service sector : a comparative study of Western European experience from 1870 », dans Women in the Labour Force, op. cit., p. 27-28 (n. 71).