Notes
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[*]
Éric DELAVAL, chercheur associé à l’IRAA (UPR 5500 du CNRS), 41 rue de la Pigacière, 14000 Caen.
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[1]
A. DESBAT, O. LEBLANC, J.-L. PRISSET, D. TAVERNIER et H. SAVAY-GUERRAZ, La maison des Dieux Océan à Saint-Romain-en-Gal, 55e supplément à Gallia, Paris, 1994 ; J.-P. LOUSTAUD, « Les fouilles du jardin “des Récollets de Sainte-Valérie” à Limoges (2e partie), la maison des Nones de Mars », Travaux d'Archéologie Limousine, 12, 1992, p. 23-112. La maison urbaine d'époque romaine en Gaule Narbonnaise et dans les provinces voisines, Actes du colloque d'Avignon (11-13 novembre 1994), Documents d'archéologie Vauclusienne, 6, 1996, 2 vol.
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[2]
P. GROS, La France gallo-romaine, Paris, 1991, p. 127 ; D. PAUNIER, « L'état des questions en Suisse », in La maison urbaine d'époque romaine... rappelle fort justement : « Une partie des couches sociales inférieures pouvait loger, sinon dans des immeubles de rapport, nullement attestés dans nos régions, du moins dans des maisons modestes, mais aussi à l’étage aménagé au-dessus des boutiques, voire dans la domus elle-même quand elle était au service du maître de céans » (p. 99).
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[3]
Le clos du Verbe incarné recouvre un quartier central de la ville haute de Lugdunum, à 50 m des théâtres et à moins de 200 m de l'éperon de Fourvière où l'on situe traditionnellement le forum. Occupé dès les premiers temps de la fondation, ce quartier connaît d'important travaux entre les règnes de Tibère et Néron : construction d'un sanctuaire municipal du culte impérial, élargissement des rues, installation de portiques monumentaux, pose d'un réseau d'adduction d'eau, dallages des rues. L'abandon intervient à la fin du IIIe siècle. Les bâtiments retenus occupent deux îlots qui se font face sur les pentes occidentales d'un petit vallon qui sépare le sanctuaire du forum (fig. 1). Quelques éléments de bibliographie : J. LASFARGUES, M. LEGLAY, « Découverte d'un sanctuaire municipal au culte impérial à Lyon », Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1980 (avril-juin), p. 394- 414 ; B. MANDY, « Le quartier antique du Verbe Incarné », Histoire et Archéologie, 78, 1983, p. 23-26 ; A. DESBAT, M. GENIN, C. LAROCHE, P. THIRION, « La chronologie des premières trames urbaines à Lyon », Aux origines de Lyon (sous la direction de C. Goudineau), Documents d'archéologie en Rhône-Alpes, 2, série lyonnaise 1, 1989, p. 95-118 ; A. DESBAT et B. MANDY, « Le développement de Lyon à l'époque augustéenne : apport des fouilles récentes », in Les villes augustéennes de Gaule, Actes du colloque d'Autun 6-7-8 juin 1985, Société Eduenne des Lettres, Sciences et Arts, Ville d'Autun, 1991, p. 79-97 ; E. DELAVAL, L'habitat privé de deux insulae de la ville haute de Lugdunum (Lyon) sous le Haut-Empire romain (clos du Verbe incarné, colline de Fourvière). Contribution à la connaissance de l'architecture domestique en Gaule romaine (Ier s. av. J.-C./IIIe s. ap. J.-C.), thèse de doctorat nouveau régime, Université Aix-Marseille-I, 20 juin 1995, 9 vol.
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[4]
Quelques articles généraux sur le quartier de Saint-Romain-en-Gal : M. LE GLAY et S. TOURRENC, « Vienne gallo-romaine retrouve un de ses quartiers urbains », Archeologia, 26, 1969, p. 18-29, particulièrement p. 24-26 ; M. LEGLAY, « Découvertes archéologiques à Saint-Romain-en-Gal (Rhône) », Revue Archéologique, 1, 1970, p. 173- 183, particulièrement p. 180 ; H. SAVAY-GUERRAZ, E. DELAVAL, J.-L. PRISSET, O. LEBLANC et L. BRISSAUD, « Recherches archéologiques à Saint-Romain-en-Gal, Rhône, 1988-1990 », Bulletin de la Société des Amis de Vienne, 87, 1992, 2, p. 45-83 ; H. SAVAY-GUERRAZ, L. BRISSAUD, E. DELAVAL, O. LEBLANC, J.-L. PRISSET et S. HUMBERT, « Recherches archéologiques à Saint-Romain-en-Gal, Rhône, 1991- 1994 », Bulletin de la Société des Amis de Vienne, 91, 1996, 3, p. 1-48 ; H. SAVAY-GUERRAZ, J.-L. PRISSET et E. DELAVAL, « Le quartier viennois de Saint-Romain-en-Gal au milieu du Ier siècle », Actes du colloque Claude de Lyon empereur romain, Paris-Nancy-Lyon, novembre 1992, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1998, p. 391-405 ; L. BRISSAUD, E. DELAVAL, A. LE BOT-HELLY, J.-L. PRISSET, « Vienne, les maisons de l'agglomération viennoise, Vienne (Isère), Sainte-Colombe et Saint-Romain-en-Gal », Atlas des maisons de Gaule narbonnaise, Documents d'archéologie Vauclusienne, 6, 1996, vol. 2, p. 347-420. Sur un quartier extra-muros de Vienne-rive gauche : F. BARATTE, A. LE BOT-HELLY, B. HELLY, M.-C. DEPASSIOT, V. LANGLET, Le trésor de la place Camille-Jouffray à Vienne, un dépôt d'argenterie et son contexte archéologique, 50e supplément à Gallia, CNRS, Paris, 1990.
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[5]
Dans la plus septentrionale, les traces de bois d'un comptoir et la découverte de nombreuses monnaies suggèrent la présence d'un thermopolium particulièrement bien placé à un carrefour et au pied du temple : DELAVAL 1995, p. 63.
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[6]
A. AUDIN, « Un quartier commercial », Archeologia, 50, 1972, p. 20-24.
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[7]
DELAVAL 1995, p. 275.
-
[8]
Bâtiment 4 : LEGLAY 1970, p. 177 ; bâtiment 5 : BARATTE et alii 1990, p. 18-19 et 28.
-
[9]
J.-L. PRISSET, L. BRISSAUD, O. LEBLANC, « Evolution urbaine à Saint-Romain-en-Gal : la rue du Commerce et la maison aux Cinq Mosaïques », Gallia, 51, 1994, p. 1-133.
-
[10]
LEGLAY 1970, p. 177.
-
[11]
La salle possède un sol de terre battue et des traces de peintures ont été observées sur les murs. Dans un angle, un massif maçonné peut correspondre au soubassement d’un foyer.
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[12]
Une salle à manger, comme à Pompéi VI 3, 15 par exemple (F. CAROCCI, E. de ALBENTIIS, M. GARCINLO, F. PESANDO, Le Insulae 3 et 4 della regio VI di Pompei. Un’ analisi storico-urbanistica, Archeologia Perusina, 5, 2 vol., Rome, 1990, p. 137) ou, pourquoi pas, un modeste logement ?
-
[13]
LE GLAY, TOURRENC 1969, p. 18-29, particulièrement p. 24-26 ; LEGLAY 1970, p. 173-183, particulièrement p. 180 ; SAVAY-GUERRAZ et alii 1992, p. 45-83.
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[14]
Elles sont équipées d’une évacuation issue de l’arrière. On considère généralement qu'elles étaient dévolues à l'artisanat et au commerce (des « ateliers-magasins » pour M. LEGLAY 1969, p. 26, des pièces davantage artisanales que commerciales pour P. GROS 1991, p. 128, en raison de la présence de l'eau).
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[15]
Sur l'interprétation du bazar d'Ostie, J. ANDREAU, Les affaires de Monsieur Jucundus, Rome, 1974, p. 163. On pourrait également citer le Mercato III I, 7, le caseggiato delle Taberne finestrate (IV V, 8), ou encore le caseggiato a botteghe IV VI, 1. À Rome, le plan de marbre offre plusieurs plans assez similaires (n° 138, fragment a. cf. R. A. STACCIOLI, « Le “tabernae” a Roma attraverso la “Forma Urbis” », Lincei, Accademia dei Rendiconti morali, série VIII, vol. XIV, fasc. 1- 2, 1959, p. 56-66), ou encore les bâtiments 285 (sur fragments c à g) et 524 (fragments a et c). E. RODRIGUEZ ALMEIDA, Forma Urbis Marmorea, Aggiornamento generale 1980, Rome, 1981.
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[16]
PRISSET et alii, p. 55 pour le bâtiment n° 3. Dans le « Marché », la largeur importante de certaines souches rend possible l'existence d'un petit palier intérieur. De plus, le logement d'étage étant le plus souvent lié à la boutique, un accès direct s'avère pratique. L'escalier (V, 18) de l'une des boutiques (V, 17) en façade de la maison du Bicentenaire à Herculanum présente un double accès intérieur et extérieur (A. MAIURI, Ercolano, I nuovi scavi (1927-1958), 2 vol., Rome, 1958, p. 238).
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[17]
Pour cet édifice, les mesures sont celles des maçonneries restaurées dans les années soixante-dix.
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[18]
Toutefois certains escaliers ne présentent pas de murs d'échiffre, notamment ceux de la rangée sud du « Marché ».
-
[19]
Les escaliers bien conservés en façade des boutiques des domus du clos du Verbe incarné apparaissent plus larges : entre 1,25 m et 1,40 m en dimensions intérieures (hors mur d'échiffre). Ces escaliers n'étant pas en nombre égal à celui des boutiques – il n'en existe que deux pour quatre boutiques dans la maison du Laraire (fig. 11) – leur plus grande largeur pourrait être mise sur le compte d'une circulation plus importante liée à la desserte de plusieurs logements d'étage.
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[20]
Suivant en cela les auteurs de la fouille (BARATTE et alii, 1990, p. 28).
-
[21]
À notre connaissance, il n'existe pas de preuves archéologiques de l'existence d'un troisième niveau à l'intérieur d'habitations gallo-romaines. Une restitution en propose un pour la maison à péristyle de la place des Halles au Mans, mais le texte – le catalogue d'une exposition – ne fournit aucun argument (S. DESCHAMPS et M. VAGINAY (dir.), Le Mans retrouvé, Mulsanne, 1990, fig. 39, p. 46).
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[22]
Un couloir indépendant des boutiques est attesté pour l'unité d'habitation supérieure dans une phase ultérieure, après scission de la parcelle en deux.
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[23]
Le plan présenté est celui du bâtiment à l'époque tibéro-claudienne, après une phase de travaux qui consacre le surcreusement de l'unité d'habitation supérieure et pour laquelle les couloirs d'accès aux deux unités d'habitation sont bien affirmés.
-
[24]
Munie d'une citerne fermée par une couverture en bois et recouverte par le sol.
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[25]
Le niveau du sol de l'unité d’habitation supérieure a été obligatoirement exhaussé à l'issue de ces travaux car l’encaissement obtenu après surcreusement – 1,40 m au maximum – est insuffisant pour dégager un véritable niveau au rez-de-chaussée. On a dû ainsi réduire la hauteur des pièces de l'unité d'habitation supérieure, et/ou de l'étage. Il suffit toutefois de peu : par exemple, une hauteur de 1,80 m est documentée dans l’arrière-boutique de Herculanum II-4 qui sert de logement (MAIURI 1958, p. 446). Ces travaux peuvent s'effectuer sans affecter le gros-œuvre du bâtiment.
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[26]
Dans le quartier, plusieurs bâtiments de tabernae contemporains et du même type possèdent un étage attesté par un escalier (cf. supra, 1).
-
[27]
Les dimensions des différents ensembles du bâtiment n° 8 constituent un argument favorable : 30 pieds x 60 pieds pour l'ensemble e à k, 30 pieds x 40 pieds pour l'ensemble l à o, 30 pieds x 30 pieds pour les boutiques a à d ainsi que pour l'unité d'habitation supérieure, 40 pieds x 30 pieds pour l'unité d'habitation inférieure.
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[28]
Cet immeuble en briques est situé dans un angle d’îlot. Deux rangées de tabernae occupent les façades sur rue et des logements existent au rez-de-chaussée et aux étages autour d’une cour accessible par un couloir. Il a été construit en 150 ap. J.-C.et probablement abandonné à la fin du IIIe s. (J.-E. PACKER, « The insulae of imperial Ostia », Memoirs of the American Academy in Rome, XXXI, 1971, p. 133 et note 6). Voir également G. CALZA, « Contributi alla storia della edilizia imperiale romana : le case ostiensi a cortile porticato », Palladio, 5, 1941, p. 1-33.
-
[29]
R. MEIGGS, Roman Ostia, Oxford, 1973, p. 239-240 ; PACKER 1971, p. 131.
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[30]
MEIGGS 1973, p. 242.
-
[31]
PACKER 1971, p. 133. L’immeuble de la via Giulio Romano à Rome, adossé au côté ouest du Capitole, comprenait lui au minimum quatre étages (J. E. PACKER, « La casa di via Giulio Romano », Bullettino della Commissione Archeologica Comunale di Roma, 81 (1968-1969), 1972, p. 127-148).
-
[32]
En Gaule, les tentatives pour identifier ce type d'immeuble sont restées vaines. Les « immeubles de rapport » de Vaison-la-Romaine, dont Chr. Goudineau mettait en doute l'existence (Les fouilles de la maison aux Dauphins. Recherches sur la romanisation de Vaison-la-Romaine, 37e supplément à Gallia, Paris, 1979, p. 299), sont en réalité de modestes maisons (M.-E. BELLET, « Le site des “immeubles de rapport”, Recherches archéologiques récentes à Vaison-la-Romaine et aux environs », Notices d'archéologie Vauclusienne, 2, Vaison-la-Romaine, Service d'archéologie du Vaucluse, 1992, p. 22 ; D. CARRU, « Vaison-la-Romaine, Vaucluse », in La maison urbaine d'époque romaine..., op. cit., p. 337). Les immeubles centrés sur une cour, comme la maison de Diane, sont d’ailleurs assez limités à Ostie même (Caseggiato degli Aurighi, Caseggiato de Serapis pour ne prendre que les exemples les plus fameux). Il existe toute sorte d’autres immeubles dépourvus de cour qui combinent ou non des boutiques et des appartements, au rez-de-chaussée et à l’étage, grâce à la multiplication des différentes sources de lumière (rue, ruelle, passage, jardin) jusqu’à former parfois des « mégastructures » comme les Case a Giardino (G. CALZA (dir), Scavi di Ostia, I, Topographia generale, Rome, 1953 ; PACKER 1971, p. 6-19). De plus, il existe dans cette cité des insulae complètement résidentielles comme la casa delle Volte Dipinte (III, V, I) (PACKER 1971, p. 166-171) ou encore l’insula di Bacco Fanciullo (I, IV, III) (PACKER 1971, p. 139-141) ou dans les fameux blocs de la Casa a Giardino (III, IX, 1-26) (Packer 1971, p. 172-173 pour III, IX, 15).
-
[33]
Avant les amplifications dues au surcreusement.
-
[34]
À Herculanum (V, 26-29), des pièces d’habitation, sous la dépendance de l’une des boutiques de la façade, se composent de deux cubicula et d’une grande pièce (avec un grand podium pour un foyer ou un four) éclairés par un petit puits de lumière en fond de parcelle (MAIURI 1958, p. 444-445 ; PACKER 1971, p. 58-59 et plan 68, p. 119). Le tout n’atteint pas 50 m2. À proximité, l’habitation pourvue de boutiques V, 23, 24, 25 est d’un standing supérieur : desservie par un couloir, elle développe sur moins de 85 m2 quatre pièces autour d’une cour qui possède un laraire et un petit autel. Les deux pièces les plus grandes, dont une exèdre, mesurent 15 m2 ; des latrines à l’entrée servent également pour les occupants des boutiques ; des traces de peintures et de stucs sont visibles (MAIURI 1958, p. 443-444). À Pompéi, on relèvera l’ensemble VII 13, 7 derrière une unique boutique (peinte) qui lui donne accès : il comprend trois pièces qui ouvrent sur un espace, probablement découvert, équipé d’un foyer et d’une niche de laraire (Pompei, Pitture e mosaici, volume VII, région VII, parte II, Istituto della Enciclopedia Italiana, 1997, p. 636). À Ostie, on signalera le caseggiato construit à l’époque d’Hadrien à proximité des thermes de Buticosus (I, XIV, 9), sur la via Epagathiana. Au centre d’une rangée de cinq boutiques qui occupent la façade, prend naissance un long couloir qui traverse tout le bâtiment. Il dessert à son extrémité d’un côté (seuil à fermeture) un appartement de trois pièces (environ 90 m2) dont une grande pièce carrée de 40 m2 (salle-à-manger ?) et deux cubicula, et de l’autre un ensemble de deux pièces (une cinquantaine de mètres carrés) dont la plus grande (27 m2) communique avec une des boutiques. Les pièces prennent leur lumière en partie sur un passage lié aux thermes. Le sol du couloir est en opus spicatum (G. GIRRI, La taberna nel quadro urbanistico e sociale di Ostia, Rome, 1956, p. 17 ; C. PAVOLINI, Ostia, Rome, 1988, plan p. 120).
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[35]
À Ostie (III III, 1) des appartements d'étage de 65 m2 sur des boutiques abritent deux pièces (PACKER 1971, p. 164-166).
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[36]
Les opinions divergent sur la possibilité ou non de loger à l'intérieur des boutiques ou arrière-boutiques. À Herculanum II-4, une boutique isolée, mais liée à la maison 5, comporte une grande pièce à l’arrière, de moins de 20 m2, pas plus haute que 1,80 m et qui selon un renfoncement de la paroi, semble avoir été un cubiculum. L’ensemble pourrait être la boutique et l’habitation, dépourvue de pergula ou cenaculum, d’un humble artisan, selon Maiuri (1958, p. 446). Le fait que le tabernarius et sa famille puissent loger dans une unique pièce est affirmé par GIRRI 1956, p. 6 et 41. Selon cet auteur, les dimensions des boutiques – entre 12 et 40-50 m2 avec une moyenne de 25-30 m2 – sont suffisantes pour cela (p. 6). R. A. Staccioli évoque également cette hypothèse (« Le “tabernae” a Roma attraverso la “Forma Urbis” », Rend. Lincei, s. VIII, XIV, p. 56-66, particulièrement p. 65-66). V. Gassner (Die Kaufläden in Pompeii, Dissertationen der Universität Wien, 178, Wien, 1986) semble envisager cette possibilité (p. 57) et J. E. Packer y est favorable (« Middle and lower class housing in Pompei and Herculanum : a preliminary survey », Actes du colloque Neue Forschungen in Pompeji, Recklingshausen, 1975, p. 133-142, particulièrement p. 141). Il tire parti de l'existence de la petite porte latérale (« night door »), utilisée par le propriétaire et sa famille après le travail, lorsque les panneaux articulés en bois ferment la boutique, pour arguer d’un usage résidentiel de la pièce (PACKER 1971, p. 22, 66, 69). En revanche, Meiggs (1973, p. 533, note 2) n’est pas favorable au caractère systématique de cette hypothèse. Enfin, des textes existent où il est question d’un usage de la pièce autre qu’économique : Asc., p. 37, « in tabernae dormientem » ; Tacite, Hist. I, 86 ; CICÉRON, Epistulae ad. Atticum, XIV, 9, 1. Mais J.-P. Morel signale que les inquilini de tabernae dont il est question ne se rapportent pas de manière certaine à des locataires « pour habiter ». Cf. J.-P. MOREL, « La topographie de l’artisanat et du commerce dans la Rome antique », L’Urbs, espace urbain et histoire (Ier siècle av. J.-C./ - IIIe siècle ap. J.-C.), Actes du colloque international organisé par le CNRS et l’École française de Rome (Rome, 8-12 mai 1985), Collection de l’École française de Rome, 98, 1987, p. 127-155, particulièrement p. 134, note 29.
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[37]
On songe à la maison de M. Holconius à Pompéi (VIII 4, 37) avec des boutiques « disproportionnées » qui n'appartiennent peut-être pas à la maison (J. OVERBECK, Pompeji, Leipzig, 1875, p. 237-238).
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[38]
Pour Ostie, cf. MEIGGS 1973 (1997), p. 251 ; F. PASINI, Ostia Antica. Insule e classi sociali, I-IIe secolo dell Impero, Rome, 1978, p. 24. Déjà signalé par VITRUVE, De Architectura, II, 8, 17 ; pour une croissance démographique à Rome : L. HOMO, « Topographie et démographie dans la Rome impériale », Académie des Inscriptions et Belles-lettres, 1933, p. 293-308, particulièrement p. 299.
-
[39]
La situation est bien connue pour Rome où la multiplication des édifices publics et des maisons à partir du début de l'Empire aggrave le problème de place (L. HOMO, ibid., p. 293-308, particulièrement p. 298-299). Ce n'est sans doute pas un hasard si les quartiers fluviaux de Lugdunum semblent prendre leur essor vers le milieu du Ier siècle de notre ère : A. DESBAT et E. DELAVAL, « Colonia Copia Augusta Lugdunum, Lyon à l'époque claudienne », Actes du colloque Claude de Lyon empereur romain, Paris-Nancy-Lyon, novembre 1992, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1998, p. 407-431.
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[40]
À une autre échelle, le cas est envisagé pour le caseggiato des Peintures à Ostie (I.IV.2-4) où le propriétaire occuperait l’insula de Jupiter et Ganymède, le plus luxueux d’un ensemble de trois bâtiments disposé en L autour d’un jardin (J. DELAINE, « The Insula of the Paintings at Ostia I.4.2-4, Paradigm for a city in flux », Urban Society in Roman Italy (T. J. Cornelle et K. Lomas ed.), Londres, 1995, p. 79- 106, particulièrement p. 87 et C. PAVOLINI, « L’edilizia commerciale e l’edilizia abitativa nel contesto di Ostia tardoantico », Società romana e impero tardoantico, vol. II, Roma -Politica, economia, paesaggio urbano (A. Giardina ed.), Bari, 1956, p. 268, n. 114).
-
[41]
Petits et Grands Entrepôts (milieu Ier s.), Îlot artisanal (IIe s.) : H. SAVAY-GUERRAZ, J.-L. PRISSET, É. DELAVAL 1998, p. 391-405.
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[42]
Cf. les remarques de J.-P. Morel sur le regroupement des tabernae au sein d'édifices pour un meilleur contrôle.
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[43]
Signalée par P. GROS 1991, p. 128.
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[44]
Ainsi, le Bâtiment commercial partage-t-il un mur mitoyen avec une grande domus contemporaine, ancêtre de la Maison des Dieux Océan, dont l'évacuation du péristyle traverse le bâtiment. Une porte sera même ouverte (temporairement ?) entre les deux édifices dans une ultime phase de travaux (PRISSET et alii 1994, p. 57 et 59). P. Gros a développé l'hypothèse d'une schola pour la maison des Dieux Océan, mitoyenne des petits Entrepôts et l'une des plus vastes domus de cette rive (P. GROS, « Maisons ou sièges d'associations ? Les traces archéologiques du phénomène associatif en Gaule romaine méridionale », Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, fasc. 1, 1997, p. 213-241, particulièrement p. 225-240).
1 Depuis la publication de plusieurs monographies et après la tenue du colloque d’Avignon, on appréhende beaucoup mieux la maison urbaine gallo-romaine dans ses diverses composantes et son évolution [1].
2 Situés à proximité des domus, de nombreux ateliers et boutiques ont également pu servir de logement. Régulièrement signalés en Gaule, le plus souvent en façade des habitations [2], ces locaux à vocation économique (tabernae) peuvent constituer de véritables bâtiments indépendants à étage. Lyon (Verbe incarné [3]) et Vienne (Saint-Romain-en-Gal et place Camille Jouffray [4]) en fournissent plusieurs exemples grâce aux fouilles réalisées depuis plus d'une vingtaine d'années (fig. 1. et 2).
3 Ces édifices consistent le plus souvent en une simple rangée de pièces alignées le long de la rue. Le « Marché » de Saint-Romain-en-Gal (n° 6) dispose également deux files de tabernae de part et d'autre d'une cour intérieure. L'étage est bien attesté. Plus rares, deux bâtiments lyonnais situés en angle d'îlots associent deux unités d'habitation à deux rangs de boutiques (n° 7 et 8). L'un des deux devait être surmonté d'un étage.
4 Pour l'essentiel, cette architecture n'est pas nouvelle. Mais un examen détaillé de quelques édifices fournit l'occasion de rappeler l'existence de logements tout aussi représentatifs que les domus des modes d'habiter en ville.
1. LES ÉDIFICES À LOGEMENTS D'ÉTAGE
1.1. Les rangées de tabernae (nos 1 à 5)
5 D'une superficie de 100 à 500 m2 au sol, ces bâtiments ont été construits à partir du milieu du Ier siècle de notre ère jusqu'au IIIe siècle et pour la plupart avec des élévations de pan-de-bois hourdé de briques de terre crue.
6 La boutique est souvent de modestes dimensions (environ 24 m2 dans le bâtiment n° 1, fig. 3) [5] et elle peut constituer avec les autres de longues files comme celle conservée derrière l’odéon de Lyon [6]. Des vestiges de foyers de forges (n° 2 fig. 4) [7] et de bassins (teinturerie ou fullonica dans les bâtiments viennois n° 4 et 5) [8] ont été retrouvés à l'intérieur de pièces beaucoup plus vastes (70-80 m2), de grands ateliers (fig. 5 et 6).
7 Certaines boutiques du bâtiment le long de la rue du Commerce de Saint-Romain-en-Gal [9] (n° 3, fig. 7) sont munies d'une arrière-boutique de 16-17 m2.
8 À Saint-Romain-en-Gal, le bâtiment situé au carrefour de la rue du Commerce et de la rue du Portique (n° 4, fig. 5, photo 1) correspond à l'extrémité sud d'un grand ensemble de stockage, « les Petits Entrepôts » [10]. Il est divisé en trois entités. L'unité centrale (6 m x 13 m), mitoyenne d'une petite fullonica, associe trois pièces en enfilade. Le premier local, au sol de terre battue, est certainement destiné à la vente. Il communique, sans séparation semble-t-il, avec une grande salle de travail, également reliée au portique de rue par un couloir latéral indépendant [11]. La troisième et dernière pièce est aussi la plus vaste (20 m2) et la seule à être équipée d’un sol de béton. Peut-être s’agit-il d’un local de stockage ou encore d’un petit espace privatif [12] ? Une salle identique est présente à l'arrière de la troisième unité mitoyenne à l'ouest.
Les îlots VII et VIII du clos du Verbe incarné à Lyon (milieu Ier s. ap. J.-C.).
Les îlots VII et VIII du clos du Verbe incarné à Lyon (milieu Ier s. ap. J.-C.).
A : bâtiment de boutiques à deux unités d’habitation (n° 7).B : bâtiment de tabernae à étage (n° 1).
C : bâtiment de boutiques à deux unités d’habitation (n° 8).
D : maison du Laraire.
1.2. Le « Marché » de Saint-Romain-en-Gal (n° 6, fig. 8)
9 Beaucoup plus vaste que les précédents (43 m max. d'est en ouest et 23 m du nord au sud), cet édifice trapézoïdal à pan-de-bois fait partie d’un grand ensemble artisanal et commercial établi au IIe s. à la pointe d’un îlot triangulaire [13] (photo 2). Dégagé dans les années 1970, il affiche un plan « basilical » où deux rangées de cellules opposées ouvrent une cour centrale. Plusieurs boutiques se partagent les façades ouest et est, chacune percée d’une entrée sur une rue. Les neuf cellules intérieures [14], de dimensions assez proches, développent une superficie de 30 m2. Le plan de ce bâtiment évoque celui des Grands Entrepôts situés à proximité, et l'indépendance des cellules renvoie au caseggiato du Laraire à Ostie [15].
Le quartier de Vienne/Saint-Romain-en-Gal (IIIe s. ap. J.-C.).
Le quartier de Vienne/Saint-Romain-en-Gal (IIIe s. ap. J.-C.).
A : le « Marché » (n° 6).B : bâtiment artisanal à étage (n° 4).
C : la maison des Dieux Océan.
D : les Grands Entrepôts.
Dessin : C. Frémiot de Mauroy (Équipe archéologique de Saint-Romain-en-Gal).
Bâtiment n° 1 (Lyon/Verbe incarné, milieu du Ier s. ap. J.-C.)
Bâtiment n° 1 (Lyon/Verbe incarné, milieu du Ier s. ap. J.-C.)
1.3. L'étage
10 Cinq bâtiments montrent clairement les traces d'un ou de plusieurs escaliers (nos 1 à 4, 6). À Saint-Romain-en-Gal, tant à l'intérieur du « Marché » (n° 6) que du bâtiment sur la rue du Commerce (n° 3), plusieurs boutiques disposent d'un escalier individuel. Toutefois, il existe des lacunes peut-être être dues à la disparition des vestiges, mais aussi au fait que certains logements d'étage s'étendaient sur plusieurs pièces.
11 Ailleurs, il semble clair que certaines boutiques ne disposaient pas d'un escalier propre. C'est le cas du bâtiment situé au carrefour de la rue du Commerce et de la rue du Portique, parvenu complet (n° 4) : un seul escalier, particulièrement large, est rejeté à une extrémité, contre le mur périmétral ouest.
12 Tous les escaliers se situent à l'entrée du local et pour la plupart dans l'angle gauche. L'accès pouvait se faire directement depuis le portique de rue, ou la cour intérieure dans le cas du « Marché », mais une desserte à partir du local n'est pas à écarter [16].
Atelier n° 2 (Lyon/Verbe incarné, IIIe s. ap. J.-C.).
Atelier n° 2 (Lyon/Verbe incarné, IIIe s. ap. J.-C.).
13 Les vestiges sont similaires. Les souches maçonnées se tiennent derrière les façades, à leur contact. Leur largeur varie de 0,80 m (bâtiment n° 1) à près de 2 m pour le bâtiment n° 4 et certaines cellules du « Marché » [17]. Toutefois, la plupart excèdent 1 m de large avec de nombreuses occurrences entre 1,10 m et 1,30 m à l'intérieur des bâtiments 2, 3 et 6.
14 Les parties aériennes étaient en bois, contenues le plus souvent par un mur d'échiffre, long de 3,30 m à 4 m à l'intérieur du « Marché », qui isole la cage de la boutique et supportait les marches [18] (photo 3). Le mur d'échiffre reposant le plus souvent sur le bord de la souche, la largeur de l'escalier est plus réduite que celle de la souche : 0,90 m à 1,10 m dans le « Marché » (trois pièces de la rangée nord), moins de 0,80 m pour le bâtiment 1 [19]. Le départ de cet escalier est bien conservé (photo 4).
Bâtiment artisanal n° 4 (Vienne/Saint-Romain-en-Gal, IIIe s. ap. J.-C.).
Bâtiment artisanal n° 4 (Vienne/Saint-Romain-en-Gal, IIIe s. ap. J.-C.).
15 Le seuil dans le mur de façade mesure 0,80 m de largeur. La surface de la maçonnerie présente encore l’empreinte d’une dalle rectangulaire de 0,60 m x 0,30-35 m. De part et d’autre, deux petites dalles en granite supportaient les deux poteaux d’huisserie (de la porte), à l’empreinte également conservée (0,27 m x 0,16 m).
16 Les deux cloisons de la cage s’amorcent dans l’axe des deux supports. Juste derrière le seuil, se situe la souche maçonnée, profonde de 50 cm, sur laquelle « mordent » légèrement les deux murs de la cage. À sa hauteur, le logement d’un poteau (0,24 m x 0,29 m) est ménagé dans l’épaisseur du mur nord.
17 Immédiatement derrière, on observe l’empreinte d’une traverse en bois (0,79 m x 0,22 m) – la première marche – engagée dans l’épaisseur des deux murs. Une maçonnerie peu épaisse (0,10 m) cale la pièce de bois contre la souche maçonnée.
Le bâtiment artisanal n° 4 (Vienne/Saint-Romain-en-Gal, IIIe s. ap. J.-C.).
Le bâtiment artisanal n° 4 (Vienne/Saint-Romain-en-Gal, IIIe s. ap. J.-C.).
18 Même en l'absence de traces d'escaliers, on est tenté d'attribuer un étage à l'édifice viennois n° 5 (Vienne, place C. Jouffray, fig. 6) [20], en accord avec la densification des quartiers observée au IIe s., voire avant, sur la rive gauche de Vienne.
19 Notons pour finir, que si un second étage est techniquement réalisable à l'intérieur de ces différents bâtiments, aucun élément n'en atteste l'existence [21].
2. LES BÂTIMENTS LYONNAIS À DEUX UNITÉS D'HABITATION MITOYENNES
2.1. Aspects architecturaux
20 Les deux édifices occupent l'angle de deux îlots au pied du temple et ils s'étagent d'ouest en est le long de la rue de la Fontaine. Très similaires, ils ont été construits au début de l’époque tibérienne et disparaîtront rapidement avant la fin du Ier siècle.
21 Situé dans l’angle sud-est, le bâtiment de l'îlot VII (fig. 9, n° 7) mesure 24 m x 18 m (432 m2). Il est construit avec des élévations d’adobe sur soubassements maçonnés. Trois profondes boutiques (a, b, c) s’étagent sur la façade sud et quatre autres (d à g) occupent la façade orientale, le long de la rue plane. Un portique au sud et un trottoir à l’est les séparent des deux rues.
22 L’unité d’habitation supérieure se tient derrière les deux boutiques occidentales. Vaste de 73 m2 (9,60 m x 8,20 m), elle est découpée en quatre espaces (1 à 4), aux dimensions voisines, parmi lesquels se détache une petite cour (1) au sol de béton flanquée de latrines.
23 L’unité d’habitation inférieure, mitoyenne, est située 1 m/1,20 m en contrebas de la précédente. Ses dimensions sont plus modestes (7,10 m x 8,10 m), mais elle comprend également trois pièces (5 à 7) dominées par une « grande » salle. Elle ne communique pas avec l'unité d'habitation supérieure, mais la cour devait lui procurer lumière et aération.
24 L’accès aux deux unités d’habitation n’est pas clairement donné par la fouille. Sans doute se faisait-il depuis chacune des rues par deux couloirs indépendants [22], mais une desserte par l’une des boutiques est envisageable. Aucune trace d'escalier du type de ceux évoqués plus haut n'ayant été identifiée, comme sur l'ensemble des habitations du quartier à murs d'adobe, on supposera l'absence d’étage.
25 Le bâtiment de l’angle nord-ouest de l’îlot VIII (fig. 10, n° 8) présente des dimensions plus importantes : 18 m x 30 m (540 m2). Derrière un portique de rue, six boutiques (avec arrière-boutiques) étagées d’ouest en est se partagent la façade nord (e à o), contre deux pour la façade occidentale (a à d) [23]. Les deux unités d’habitation s’étagent à l’arrière. L'unité d'habitation supérieure (81 m2), à l'ouest, ouvre au fond d'un long couloir (1) qui s'achève sur un massif d'évacuation maçonné, sans doute des latrines. À l'origine, elle se tenait 1,40 m environ au dessus de la seconde unité d'habitation. Accessible depuis la façade nord (couloir 2), cette dernière développait primitivement un plan en équerre (corps de bâtiments 4 et 5) autour d’une petite cour (3) au sol de béton [24] adossée à l’unité d’habitation supérieure (superficie totale de 108 m2). Quatre pièces supplémentaires (6 à 9) ont été obtenues du côté ouest après surcreusement complet de l'unité d'habitation supérieure (photo 5) [25].
Bâtiment commercial n° 3 (Vienne/Saint-Romain-en-Gal, Ier s. ap. J.-C.).
Bâtiment commercial n° 3 (Vienne/Saint-Romain-en-Gal, Ier s. ap. J.-C.).
Bâtiment n° 6, « le Marché » (Vienne/Saint-Romain-en-Gal, IIIe s. ap. J.-C.).
Bâtiment n° 6, « le Marché » (Vienne/Saint-Romain-en-Gal, IIIe s. ap. J.-C.).
26 Aucun escalier n’atteste l’existence d’un étage, mais la puissance des soubassements maçonnés, la présence de nombreux supports et d’élévations à pan-de-bois sur soubassements maçonnés suggèrent d’en restituer un [26].
27 En définitive, si l’on admet l’existence d’un étage sur l’ensemble du bâtiment, ce dernier s’élève sur trois niveaux à l’emplacement de l’unité d’habitation supérieure (fig. 10).
2.2. Le projet
28 À l'intérieur de ces deux bâtiments, il y a clairement le souci de regrouper deux logements indépendants et familiaux au rez-de-chaussée (citerne, peintures...), des boutiques en façade (qui occupent jusqu'au deux tiers de la superficie) et probablement un étage de logements pour l'un des deux.
29 La cour est l'espace « pivot » du projet. Établie tantôt sur l'unité d'habitation supérieure, tantôt sur l'unité inférieure, elle est mitoyenne des deux groupes de pièces à qui elle procure l’indispensable éclairage. Toutefois, la cour n'est pas accessible à l'un des deux logements. L'autre se trouve nettement favorisé : la luminosité est meilleure, la distribution des salles est facilitée et il bénéficie par ailleurs de l'usage exclusif de la citerne à l'intérieur du bâtiment de l'îlot VIII.
30 Le plan retenu n'est en fait que la simple application aux angles d'îlots, et à une grande échelle, du binôme rangée de boutiques/unité d’habitation (avec couloir d’accès) que l’on rencontre au centre de l'îlot VII, dans la maison du Laraire par exemple (fig. 11). Les boutiques, particulièrement profondes comme à l'intérieur de cette maison, occupent ici deux côtés, et deux unités d'habitation au lieu d'une existent à l'arrière. Seul l'emplacement de la cour diffère : située au contact des deux logements, elle permet d'économiser l'espace d'un second puits de lumière et conditionne le plan en équerre de l'une des deux unités d'habitation.
Plan et coupe-élévation du bâtiment n° 6, le « Marché » (Vienne/Saint-Romain-en-Gal, IIIe s. ap. J.-C.).
Plan et coupe-élévation du bâtiment n° 6, le « Marché » (Vienne/Saint-Romain-en-Gal, IIIe s. ap. J.-C.).
Un escalier du « Marché » avant restauration (Vienne/Saint-Romain-en-Gal, IIIe s. ap. J.-C.).
Un escalier du « Marché » avant restauration (Vienne/Saint-Romain-en-Gal, IIIe s. ap. J.-C.).
31 Toutefois, la cohérence du plan masque une certaine indépendance entre les différentes composantes. Ainsi, les matériaux et les techniques de construction du bâtiment n° 8 permettent de regrouper les quatre boutiques de l'angle nord-ouest (e à k) avec le tronçon de portique attenant, les deux dernières boutiques orientales (l à o) avec l'unité d'habitation inférieure et, peut-être, les deux boutiques occidentales (a à d) avec l'unité d'habitation supérieure.
32 Cette apparente contradiction entre la cohérence du plan et l'indépendance des différentes parties s’explique probablement par l’existence d’un schéma d’aménagement rationnel des terrains situés aux angles d’îlots qui a conduit à la création des deux « complexes ». Ce schéma fixerait dans un premier temps les grandes lignes du plan : deux rangées de boutiques d’égale profondeur par façade, deux unités d’habitation à l’arrière, des couloirs d’accès, une cour commune. Le terrain serait ensuite divisé en lots de composantes à construire : lots de boutiques, d’unité d’habitation, des deux réunis [27].
L’escalier du bâtiment n° 1 (Lyon/Verbe incarné, milieu Ier s. ap. J.-C.).
L’escalier du bâtiment n° 1 (Lyon/Verbe incarné, milieu Ier s. ap. J.-C.).
Le bâtiment n° 7 depuis le nord (Lyon/Verbe incarné, milieu Ier s. ap. J.-C.).
Le bâtiment n° 7 depuis le nord (Lyon/Verbe incarné, milieu Ier s. ap. J.-C.).
Au premier plan, l’extrémité du couloir d’accès 1 à l’unité d’habitation supérieure. Au centre, les pièces surcreusées 7, 8, 9, séparées par des cloisons à pan de bois et briques crues. A droite, les arrières-boutiques b et d. Le mur entre les deux a été complètement déchaussé lors du surcreusement.Bâtiment n° 7 (Lyon/Verbe incarné, époque tibéro-claudienne).
f
e
b
ac
d
Bâtiment n° 7 (Lyon/Verbe incarné, époque tibéro-claudienne).
a-g : boutiques.1-4 : unité d’habitation supérieure.
5-7 : unité d’habitation inférieure.
33 Les différentes composantes pourraient être construites séparément, voire même en plusieurs temps, suffisamment rapprochés pour échapper à l'analyse archéologique. Chacune peut effectivement « fonctionner » un temps indépendamment des autres, particulièrement les boutiques : le plan le permet et aucun mur n'est chaîné.
34 Le plan présente quelques similitudes avec celui de plusieurs immeubles (insulae) à cour d’Ostie, particulièrement la maison de Diane (I III, 3, 4) [28]. Toutefois, et pour ce que l’on connaît des bâtiments lyonnais, on observe quelques nuances importantes. La cour n’a de commun que son rôle de puits de lumière. Dans la maison de Diane, au contraire, c’est elle qui distribue l’ensemble des logements du rez-de-chaussée, deux escaliers d’étage, les latrines collectives, et qui met à disposition de tous une citerne [29]. Une seule famille devait occuper chaque unité d’habitation à Lyon alors que plusieurs appartements, parfois d’une seule pièce, se partagent le rez-de-chaussée de la maison de Diane. Par ailleurs, les dimensions sont loin d’atteindre celles de cet immeuble : 400 m2 et 500 m2 au sol contre plus de 900 m2 (23,30 m x 39,30 m) [30]. Enfin, l’un des bâtiments lyonnais est privé d’étage alors que l’édifice romain en question s’élève sur quatre ou cinq niveaux [31].
35 Mais c’est aussi la genèse du plan, basée sur le module un rang de boutiques/une unité d’habitation dupliqué en angle d’îlot, et sa mise en œuvre sur des lots indépendants qui éloignent les bâtiments lyonnais de ce type d'édifice.
36 Enfin, cette formule architecturale est de courte durée. Les deux bâtiments sont rapidement coupés en deux. Les constructions à proximité du carrefour (série de boutiques d'angle et unité d'habitation arrière) sont détruites et remplacées par des boutiques à étage tournées uniquement vers les rues planes. À l'arrière, subsistent sans grandes modifications la seconde unité d'habitation et les boutiques étagées qui la précédent.
37 En définitive, si l'on veut bien qualifier ces deux édifices d'« immeubles » par opposition aux domus familiales, l’origine et la modestie du projet, l’aspect limité des espaces communs contrastant avec l’indépendance des parties et l’utilisation, parfois jusqu’à l’extrême, de la topographie n'autorisent pas de rapprochements significatifs avec les insulae d’Ostie du IIe s. [32]
3. LE CADRE DE VIE
3.1. Les unités d’habitation des deux bâtiments à cour lyonnais
38 Les logements les mieux connus sont ceux qui se répartissent autour de la cour des deux bâtiments d'angle lyonnais n° 7 et 8. Leur surface utile oscille entre 60 et 70 m2 pour trois d'entre eux, et elle avoisinerait 170 m2 pour le quatrième [33] – l'unité d'habitation inférieure du bâtiment 8 – dans l'hypothèse d'un étage sur les deux ailes sud et est. Le nombre de pièces n'est jamais inférieur à trois pour les plus petites (bâtiment n° 7) au sein desquelles se détache une pièce principale. Les sols sont de terre battue, tous les murs semblent peints et on relève plusieurs éléments de confort : citerne, latrines, foyers. L'adduction d'eau est absente, comme sur l'ensemble des habitations des deux îlots.
Restitution axonométrique du bâtiment n° 3.
Restitution axonométrique du bâtiment n° 3.
39 Hormis une question de taille, et donc la possibilité de multiplier et de hiérarchiser les espaces, l'équipement et le décor de la maison du Laraire ne semblent guère plus relevés dans son état initial, quelques années après (sols de béton dans les deux pièces principales, terre battue ailleurs, peintures murales, foyer culinaire). Seule l'unité d'habitation inférieure du bâtiment VIII rivalise en superficie avec cette maison.
40 Sans forcément une identité de plan parfaite, mais du point de vue de leur statut, les plus petites des quatre unités d’habitation évoquent les logements d’artisans/commerçants, dotées de deux à quatre pièces, disposées ou non autour d'une cour, et qui existent à l’arrière des boutiques de nombreux édifices d’Herculanum, Pompéi et Ostie [34]. Il s’agit, à n’en point douter, du niveau presque le plus bas des logements d’artisans et de commerçants, juste au dessus de la modeste arrière-boutique.
3.2. Les appartements d'étage indépendants
41 Le bâtiment commercial de la rue du Commerce (n° 3), ainsi que le « Marché » de Saint-Romain-en-Gal (n° 6), montrent le type d'appartement d'étage le plus modeste, celui aux dimensions de la boutique ou de l'atelier : moins de 30 m2 à l'intérieur du « Marché », entre 50 et 60 m2 dans le bâtiment commercial n° 3 en supposant une extension de l'étage sur le portique de rue (fig. 12). À l'intérieur du bâtiment n° 4, l'existence d'un escalier unique particulièrement large suggère la présence de plusieurs logements, peut être autant que d'unités au rez-de-chaussée, soit trois appartements de 70-75 m2 en envisageant une extension de l'étage sur le portique. À titre de comparaison, les deux escaliers en façade de la maison du Laraire (fig. 11) évoquent au moins deux appartements de 70 m2 au IIIe siècle, mais il en existait peut-être davantage, le quartier semblant saturé dès le Ier siècle (infra, Conclusion). Le nombre de pièces demeure inconnu [35].
3.3. Des logements dans les boutiques ?
42 Bien qu’aucune preuve matérielle ne puisse être apportée, plusieurs boutiques ont pu servir également de logement, notamment celles du bâtiment d’angle n° 8 presque toutes munies d’une arrière-boutique d'une superficie utile comprise entre 12 et 20 m2 (auxquels s’ajoutent entre 11 et 26 m2 de boutiques). L'hypothèse a également été envisagée pour l'une des pièces du rez-de-chaussée du bâtiment n° 4 (cf. supra 1.1). Mais la question se pose également pour les boutiques d'une seule pièce du bâtiment d’angle n° 7 de l’îlot VII. En effet, en l’absence d’étage, les deux petites unités d’habitation familiales ne peuvent accueillir les artisans/commerçants des sept boutiques qui occupent les deux-tiers de la superficie de l'édifice. À cet égard, les trois boutiques situées sur le long côté présentent des superficies suffisantes (42 m2 pour la plus orientale) pour l'aménagement d'un espace réservé à la vie familiale [36].
CONCLUSION
43 À Lyon-Verbe incarné, les bâtiments à logements multiples illustrent parfaitement le faciès dominant des îlots VII et VIII pendant plus de trois siècles – de l’artisanat et du petit commerce – et les réponses apportées au problème d'espace qui se fait jour dès le Ier siècle.
44 Très présentes à l'époque augustéenne, sinon avant, et parfois en façade de domus, les boutiques ne cessent de se développer de manière indépendante et avec un étage à partir de l'époque tibérienne. Les deux domus augustéennes situées sur la façade nord de l'îlot VII disparaitront à leur profit peu après le milieu du Ier siècle (fig. 1). Une des rares maisons construites à cette époque, la maison claudienne dite « du Laraire », présente un corps de boutiques particulièrement développé puisqu'il occupe 40 % de la superficie au sol [37] et possède en outre un étage. Dans cette évolution, les deux bâtiments d'angle tibériens correspondent à une éphémère tentative d’organiser des logements relativement confortables au rez-de-chaussée, que l’on peut situer entre l’arrière-boutique et le secteur résidentiel des domus. Le besoin de place aura raison de cette formule, remplacée par le bâtiment de tabernae à étage qui modèlera durablement l’aspect de l'îlot VII et, probablement, VIII.
45 Les travaux urbains de Tibère à Néron sont sans doute pour beaucoup dans le développement de ces édifices. Ils constituent un puissant stimulant économique qui a certainement suscité un important appel de main-d’œuvre et contribué à l'augmentation de la population [38]. Davantage de place s’est avéré nécessaire pour accueillir les nouveaux artisans et leurs familles alors que les terrains disponibles étaient devenus rares : le sanctuaire annexe un hectare, les élargissements de rue en suppriment deux auxquels s’ajoute l’annexion probable de plusieurs parcelles privées par deux importants édifices sur le flanc sud du sanctuaire (une grande maison et des thermes ?) [39]. Cette raréfaction des terrains a probablement renchéri le coût des constructions nouvelles, obligeant peut-être toutes sortes de personnes – et pas seulement des artisans-commerçants – à s’entasser dans des bâtiments collectifs du vieux centre de la colonie. Ces bâtiments appartenaient à des petits propriétaires, artisans ou commerçants. Certains pouvaient habiter à l'étage et louer les boutiques. Le cas des deux bâtiments d'angle est plus complexe. Existait-il un seul propriétaire du terrain, ayant vendu les différents lots, et qui se serait réservé le logement le plus confortable, c'est-à-dire celui disposé autour de la cour ? [40]
46 À Saint-Romain-en-Gal, au contraire, l'essor des bâtiments collectifs artisanaux et commerciaux [41] est celui de la grande propriété, reflet de la composition sociologique du quartier. À partir du milieu du Ier siècle et au IIe siècle, les locaux à vocation économique et les logements associés sont le plus souvent regroupés à l'intérieur de vastes constructions (édifice n° 4 par exemple, en façade sud des Petits Entrepôts), structurellement indépendantes des grandes domus mais conçues parfois en même temps. Un édifice comme le « Marché » fait même partie d'un véritable « complexe industriel » (avec fullonica et boutiques). De plus, il communique avec deux rues et l'une des ouvertures se situe exactement dans l'axe d'une ruelle qui conduit au Rhône (fig. 2). Le monument traduit donc un encadrement très fort des activités économiques [42] et il semble en même temps très lié au tissu urbain. Cette gestion particulièrement efficace et cohérente de l'espace urbain [43], privé et public, porte la marque de propriétaires qui sont partie prenante dans l'économie du quartier ainsi que, d'une manière ou d'une autre, dans la gestion du domaine public. Ce sont eux qui possédaient les riches demeures et les édifices artisanaux et commerciaux à étage très souvent adjacents [44].
Notes
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[*]
Éric DELAVAL, chercheur associé à l’IRAA (UPR 5500 du CNRS), 41 rue de la Pigacière, 14000 Caen.
-
[1]
A. DESBAT, O. LEBLANC, J.-L. PRISSET, D. TAVERNIER et H. SAVAY-GUERRAZ, La maison des Dieux Océan à Saint-Romain-en-Gal, 55e supplément à Gallia, Paris, 1994 ; J.-P. LOUSTAUD, « Les fouilles du jardin “des Récollets de Sainte-Valérie” à Limoges (2e partie), la maison des Nones de Mars », Travaux d'Archéologie Limousine, 12, 1992, p. 23-112. La maison urbaine d'époque romaine en Gaule Narbonnaise et dans les provinces voisines, Actes du colloque d'Avignon (11-13 novembre 1994), Documents d'archéologie Vauclusienne, 6, 1996, 2 vol.
-
[2]
P. GROS, La France gallo-romaine, Paris, 1991, p. 127 ; D. PAUNIER, « L'état des questions en Suisse », in La maison urbaine d'époque romaine... rappelle fort justement : « Une partie des couches sociales inférieures pouvait loger, sinon dans des immeubles de rapport, nullement attestés dans nos régions, du moins dans des maisons modestes, mais aussi à l’étage aménagé au-dessus des boutiques, voire dans la domus elle-même quand elle était au service du maître de céans » (p. 99).
-
[3]
Le clos du Verbe incarné recouvre un quartier central de la ville haute de Lugdunum, à 50 m des théâtres et à moins de 200 m de l'éperon de Fourvière où l'on situe traditionnellement le forum. Occupé dès les premiers temps de la fondation, ce quartier connaît d'important travaux entre les règnes de Tibère et Néron : construction d'un sanctuaire municipal du culte impérial, élargissement des rues, installation de portiques monumentaux, pose d'un réseau d'adduction d'eau, dallages des rues. L'abandon intervient à la fin du IIIe siècle. Les bâtiments retenus occupent deux îlots qui se font face sur les pentes occidentales d'un petit vallon qui sépare le sanctuaire du forum (fig. 1). Quelques éléments de bibliographie : J. LASFARGUES, M. LEGLAY, « Découverte d'un sanctuaire municipal au culte impérial à Lyon », Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1980 (avril-juin), p. 394- 414 ; B. MANDY, « Le quartier antique du Verbe Incarné », Histoire et Archéologie, 78, 1983, p. 23-26 ; A. DESBAT, M. GENIN, C. LAROCHE, P. THIRION, « La chronologie des premières trames urbaines à Lyon », Aux origines de Lyon (sous la direction de C. Goudineau), Documents d'archéologie en Rhône-Alpes, 2, série lyonnaise 1, 1989, p. 95-118 ; A. DESBAT et B. MANDY, « Le développement de Lyon à l'époque augustéenne : apport des fouilles récentes », in Les villes augustéennes de Gaule, Actes du colloque d'Autun 6-7-8 juin 1985, Société Eduenne des Lettres, Sciences et Arts, Ville d'Autun, 1991, p. 79-97 ; E. DELAVAL, L'habitat privé de deux insulae de la ville haute de Lugdunum (Lyon) sous le Haut-Empire romain (clos du Verbe incarné, colline de Fourvière). Contribution à la connaissance de l'architecture domestique en Gaule romaine (Ier s. av. J.-C./IIIe s. ap. J.-C.), thèse de doctorat nouveau régime, Université Aix-Marseille-I, 20 juin 1995, 9 vol.
-
[4]
Quelques articles généraux sur le quartier de Saint-Romain-en-Gal : M. LE GLAY et S. TOURRENC, « Vienne gallo-romaine retrouve un de ses quartiers urbains », Archeologia, 26, 1969, p. 18-29, particulièrement p. 24-26 ; M. LEGLAY, « Découvertes archéologiques à Saint-Romain-en-Gal (Rhône) », Revue Archéologique, 1, 1970, p. 173- 183, particulièrement p. 180 ; H. SAVAY-GUERRAZ, E. DELAVAL, J.-L. PRISSET, O. LEBLANC et L. BRISSAUD, « Recherches archéologiques à Saint-Romain-en-Gal, Rhône, 1988-1990 », Bulletin de la Société des Amis de Vienne, 87, 1992, 2, p. 45-83 ; H. SAVAY-GUERRAZ, L. BRISSAUD, E. DELAVAL, O. LEBLANC, J.-L. PRISSET et S. HUMBERT, « Recherches archéologiques à Saint-Romain-en-Gal, Rhône, 1991- 1994 », Bulletin de la Société des Amis de Vienne, 91, 1996, 3, p. 1-48 ; H. SAVAY-GUERRAZ, J.-L. PRISSET et E. DELAVAL, « Le quartier viennois de Saint-Romain-en-Gal au milieu du Ier siècle », Actes du colloque Claude de Lyon empereur romain, Paris-Nancy-Lyon, novembre 1992, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1998, p. 391-405 ; L. BRISSAUD, E. DELAVAL, A. LE BOT-HELLY, J.-L. PRISSET, « Vienne, les maisons de l'agglomération viennoise, Vienne (Isère), Sainte-Colombe et Saint-Romain-en-Gal », Atlas des maisons de Gaule narbonnaise, Documents d'archéologie Vauclusienne, 6, 1996, vol. 2, p. 347-420. Sur un quartier extra-muros de Vienne-rive gauche : F. BARATTE, A. LE BOT-HELLY, B. HELLY, M.-C. DEPASSIOT, V. LANGLET, Le trésor de la place Camille-Jouffray à Vienne, un dépôt d'argenterie et son contexte archéologique, 50e supplément à Gallia, CNRS, Paris, 1990.
-
[5]
Dans la plus septentrionale, les traces de bois d'un comptoir et la découverte de nombreuses monnaies suggèrent la présence d'un thermopolium particulièrement bien placé à un carrefour et au pied du temple : DELAVAL 1995, p. 63.
-
[6]
A. AUDIN, « Un quartier commercial », Archeologia, 50, 1972, p. 20-24.
-
[7]
DELAVAL 1995, p. 275.
-
[8]
Bâtiment 4 : LEGLAY 1970, p. 177 ; bâtiment 5 : BARATTE et alii 1990, p. 18-19 et 28.
-
[9]
J.-L. PRISSET, L. BRISSAUD, O. LEBLANC, « Evolution urbaine à Saint-Romain-en-Gal : la rue du Commerce et la maison aux Cinq Mosaïques », Gallia, 51, 1994, p. 1-133.
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[10]
LEGLAY 1970, p. 177.
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[11]
La salle possède un sol de terre battue et des traces de peintures ont été observées sur les murs. Dans un angle, un massif maçonné peut correspondre au soubassement d’un foyer.
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[12]
Une salle à manger, comme à Pompéi VI 3, 15 par exemple (F. CAROCCI, E. de ALBENTIIS, M. GARCINLO, F. PESANDO, Le Insulae 3 et 4 della regio VI di Pompei. Un’ analisi storico-urbanistica, Archeologia Perusina, 5, 2 vol., Rome, 1990, p. 137) ou, pourquoi pas, un modeste logement ?
-
[13]
LE GLAY, TOURRENC 1969, p. 18-29, particulièrement p. 24-26 ; LEGLAY 1970, p. 173-183, particulièrement p. 180 ; SAVAY-GUERRAZ et alii 1992, p. 45-83.
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[14]
Elles sont équipées d’une évacuation issue de l’arrière. On considère généralement qu'elles étaient dévolues à l'artisanat et au commerce (des « ateliers-magasins » pour M. LEGLAY 1969, p. 26, des pièces davantage artisanales que commerciales pour P. GROS 1991, p. 128, en raison de la présence de l'eau).
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[15]
Sur l'interprétation du bazar d'Ostie, J. ANDREAU, Les affaires de Monsieur Jucundus, Rome, 1974, p. 163. On pourrait également citer le Mercato III I, 7, le caseggiato delle Taberne finestrate (IV V, 8), ou encore le caseggiato a botteghe IV VI, 1. À Rome, le plan de marbre offre plusieurs plans assez similaires (n° 138, fragment a. cf. R. A. STACCIOLI, « Le “tabernae” a Roma attraverso la “Forma Urbis” », Lincei, Accademia dei Rendiconti morali, série VIII, vol. XIV, fasc. 1- 2, 1959, p. 56-66), ou encore les bâtiments 285 (sur fragments c à g) et 524 (fragments a et c). E. RODRIGUEZ ALMEIDA, Forma Urbis Marmorea, Aggiornamento generale 1980, Rome, 1981.
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[16]
PRISSET et alii, p. 55 pour le bâtiment n° 3. Dans le « Marché », la largeur importante de certaines souches rend possible l'existence d'un petit palier intérieur. De plus, le logement d'étage étant le plus souvent lié à la boutique, un accès direct s'avère pratique. L'escalier (V, 18) de l'une des boutiques (V, 17) en façade de la maison du Bicentenaire à Herculanum présente un double accès intérieur et extérieur (A. MAIURI, Ercolano, I nuovi scavi (1927-1958), 2 vol., Rome, 1958, p. 238).
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[17]
Pour cet édifice, les mesures sont celles des maçonneries restaurées dans les années soixante-dix.
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[18]
Toutefois certains escaliers ne présentent pas de murs d'échiffre, notamment ceux de la rangée sud du « Marché ».
-
[19]
Les escaliers bien conservés en façade des boutiques des domus du clos du Verbe incarné apparaissent plus larges : entre 1,25 m et 1,40 m en dimensions intérieures (hors mur d'échiffre). Ces escaliers n'étant pas en nombre égal à celui des boutiques – il n'en existe que deux pour quatre boutiques dans la maison du Laraire (fig. 11) – leur plus grande largeur pourrait être mise sur le compte d'une circulation plus importante liée à la desserte de plusieurs logements d'étage.
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[20]
Suivant en cela les auteurs de la fouille (BARATTE et alii, 1990, p. 28).
-
[21]
À notre connaissance, il n'existe pas de preuves archéologiques de l'existence d'un troisième niveau à l'intérieur d'habitations gallo-romaines. Une restitution en propose un pour la maison à péristyle de la place des Halles au Mans, mais le texte – le catalogue d'une exposition – ne fournit aucun argument (S. DESCHAMPS et M. VAGINAY (dir.), Le Mans retrouvé, Mulsanne, 1990, fig. 39, p. 46).
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[22]
Un couloir indépendant des boutiques est attesté pour l'unité d'habitation supérieure dans une phase ultérieure, après scission de la parcelle en deux.
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[23]
Le plan présenté est celui du bâtiment à l'époque tibéro-claudienne, après une phase de travaux qui consacre le surcreusement de l'unité d'habitation supérieure et pour laquelle les couloirs d'accès aux deux unités d'habitation sont bien affirmés.
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[24]
Munie d'une citerne fermée par une couverture en bois et recouverte par le sol.
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[25]
Le niveau du sol de l'unité d’habitation supérieure a été obligatoirement exhaussé à l'issue de ces travaux car l’encaissement obtenu après surcreusement – 1,40 m au maximum – est insuffisant pour dégager un véritable niveau au rez-de-chaussée. On a dû ainsi réduire la hauteur des pièces de l'unité d'habitation supérieure, et/ou de l'étage. Il suffit toutefois de peu : par exemple, une hauteur de 1,80 m est documentée dans l’arrière-boutique de Herculanum II-4 qui sert de logement (MAIURI 1958, p. 446). Ces travaux peuvent s'effectuer sans affecter le gros-œuvre du bâtiment.
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[26]
Dans le quartier, plusieurs bâtiments de tabernae contemporains et du même type possèdent un étage attesté par un escalier (cf. supra, 1).
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[27]
Les dimensions des différents ensembles du bâtiment n° 8 constituent un argument favorable : 30 pieds x 60 pieds pour l'ensemble e à k, 30 pieds x 40 pieds pour l'ensemble l à o, 30 pieds x 30 pieds pour les boutiques a à d ainsi que pour l'unité d'habitation supérieure, 40 pieds x 30 pieds pour l'unité d'habitation inférieure.
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[28]
Cet immeuble en briques est situé dans un angle d’îlot. Deux rangées de tabernae occupent les façades sur rue et des logements existent au rez-de-chaussée et aux étages autour d’une cour accessible par un couloir. Il a été construit en 150 ap. J.-C.et probablement abandonné à la fin du IIIe s. (J.-E. PACKER, « The insulae of imperial Ostia », Memoirs of the American Academy in Rome, XXXI, 1971, p. 133 et note 6). Voir également G. CALZA, « Contributi alla storia della edilizia imperiale romana : le case ostiensi a cortile porticato », Palladio, 5, 1941, p. 1-33.
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[29]
R. MEIGGS, Roman Ostia, Oxford, 1973, p. 239-240 ; PACKER 1971, p. 131.
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[30]
MEIGGS 1973, p. 242.
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[31]
PACKER 1971, p. 133. L’immeuble de la via Giulio Romano à Rome, adossé au côté ouest du Capitole, comprenait lui au minimum quatre étages (J. E. PACKER, « La casa di via Giulio Romano », Bullettino della Commissione Archeologica Comunale di Roma, 81 (1968-1969), 1972, p. 127-148).
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[32]
En Gaule, les tentatives pour identifier ce type d'immeuble sont restées vaines. Les « immeubles de rapport » de Vaison-la-Romaine, dont Chr. Goudineau mettait en doute l'existence (Les fouilles de la maison aux Dauphins. Recherches sur la romanisation de Vaison-la-Romaine, 37e supplément à Gallia, Paris, 1979, p. 299), sont en réalité de modestes maisons (M.-E. BELLET, « Le site des “immeubles de rapport”, Recherches archéologiques récentes à Vaison-la-Romaine et aux environs », Notices d'archéologie Vauclusienne, 2, Vaison-la-Romaine, Service d'archéologie du Vaucluse, 1992, p. 22 ; D. CARRU, « Vaison-la-Romaine, Vaucluse », in La maison urbaine d'époque romaine..., op. cit., p. 337). Les immeubles centrés sur une cour, comme la maison de Diane, sont d’ailleurs assez limités à Ostie même (Caseggiato degli Aurighi, Caseggiato de Serapis pour ne prendre que les exemples les plus fameux). Il existe toute sorte d’autres immeubles dépourvus de cour qui combinent ou non des boutiques et des appartements, au rez-de-chaussée et à l’étage, grâce à la multiplication des différentes sources de lumière (rue, ruelle, passage, jardin) jusqu’à former parfois des « mégastructures » comme les Case a Giardino (G. CALZA (dir), Scavi di Ostia, I, Topographia generale, Rome, 1953 ; PACKER 1971, p. 6-19). De plus, il existe dans cette cité des insulae complètement résidentielles comme la casa delle Volte Dipinte (III, V, I) (PACKER 1971, p. 166-171) ou encore l’insula di Bacco Fanciullo (I, IV, III) (PACKER 1971, p. 139-141) ou dans les fameux blocs de la Casa a Giardino (III, IX, 1-26) (Packer 1971, p. 172-173 pour III, IX, 15).
-
[33]
Avant les amplifications dues au surcreusement.
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[34]
À Herculanum (V, 26-29), des pièces d’habitation, sous la dépendance de l’une des boutiques de la façade, se composent de deux cubicula et d’une grande pièce (avec un grand podium pour un foyer ou un four) éclairés par un petit puits de lumière en fond de parcelle (MAIURI 1958, p. 444-445 ; PACKER 1971, p. 58-59 et plan 68, p. 119). Le tout n’atteint pas 50 m2. À proximité, l’habitation pourvue de boutiques V, 23, 24, 25 est d’un standing supérieur : desservie par un couloir, elle développe sur moins de 85 m2 quatre pièces autour d’une cour qui possède un laraire et un petit autel. Les deux pièces les plus grandes, dont une exèdre, mesurent 15 m2 ; des latrines à l’entrée servent également pour les occupants des boutiques ; des traces de peintures et de stucs sont visibles (MAIURI 1958, p. 443-444). À Pompéi, on relèvera l’ensemble VII 13, 7 derrière une unique boutique (peinte) qui lui donne accès : il comprend trois pièces qui ouvrent sur un espace, probablement découvert, équipé d’un foyer et d’une niche de laraire (Pompei, Pitture e mosaici, volume VII, région VII, parte II, Istituto della Enciclopedia Italiana, 1997, p. 636). À Ostie, on signalera le caseggiato construit à l’époque d’Hadrien à proximité des thermes de Buticosus (I, XIV, 9), sur la via Epagathiana. Au centre d’une rangée de cinq boutiques qui occupent la façade, prend naissance un long couloir qui traverse tout le bâtiment. Il dessert à son extrémité d’un côté (seuil à fermeture) un appartement de trois pièces (environ 90 m2) dont une grande pièce carrée de 40 m2 (salle-à-manger ?) et deux cubicula, et de l’autre un ensemble de deux pièces (une cinquantaine de mètres carrés) dont la plus grande (27 m2) communique avec une des boutiques. Les pièces prennent leur lumière en partie sur un passage lié aux thermes. Le sol du couloir est en opus spicatum (G. GIRRI, La taberna nel quadro urbanistico e sociale di Ostia, Rome, 1956, p. 17 ; C. PAVOLINI, Ostia, Rome, 1988, plan p. 120).
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[35]
À Ostie (III III, 1) des appartements d'étage de 65 m2 sur des boutiques abritent deux pièces (PACKER 1971, p. 164-166).
-
[36]
Les opinions divergent sur la possibilité ou non de loger à l'intérieur des boutiques ou arrière-boutiques. À Herculanum II-4, une boutique isolée, mais liée à la maison 5, comporte une grande pièce à l’arrière, de moins de 20 m2, pas plus haute que 1,80 m et qui selon un renfoncement de la paroi, semble avoir été un cubiculum. L’ensemble pourrait être la boutique et l’habitation, dépourvue de pergula ou cenaculum, d’un humble artisan, selon Maiuri (1958, p. 446). Le fait que le tabernarius et sa famille puissent loger dans une unique pièce est affirmé par GIRRI 1956, p. 6 et 41. Selon cet auteur, les dimensions des boutiques – entre 12 et 40-50 m2 avec une moyenne de 25-30 m2 – sont suffisantes pour cela (p. 6). R. A. Staccioli évoque également cette hypothèse (« Le “tabernae” a Roma attraverso la “Forma Urbis” », Rend. Lincei, s. VIII, XIV, p. 56-66, particulièrement p. 65-66). V. Gassner (Die Kaufläden in Pompeii, Dissertationen der Universität Wien, 178, Wien, 1986) semble envisager cette possibilité (p. 57) et J. E. Packer y est favorable (« Middle and lower class housing in Pompei and Herculanum : a preliminary survey », Actes du colloque Neue Forschungen in Pompeji, Recklingshausen, 1975, p. 133-142, particulièrement p. 141). Il tire parti de l'existence de la petite porte latérale (« night door »), utilisée par le propriétaire et sa famille après le travail, lorsque les panneaux articulés en bois ferment la boutique, pour arguer d’un usage résidentiel de la pièce (PACKER 1971, p. 22, 66, 69). En revanche, Meiggs (1973, p. 533, note 2) n’est pas favorable au caractère systématique de cette hypothèse. Enfin, des textes existent où il est question d’un usage de la pièce autre qu’économique : Asc., p. 37, « in tabernae dormientem » ; Tacite, Hist. I, 86 ; CICÉRON, Epistulae ad. Atticum, XIV, 9, 1. Mais J.-P. Morel signale que les inquilini de tabernae dont il est question ne se rapportent pas de manière certaine à des locataires « pour habiter ». Cf. J.-P. MOREL, « La topographie de l’artisanat et du commerce dans la Rome antique », L’Urbs, espace urbain et histoire (Ier siècle av. J.-C./ - IIIe siècle ap. J.-C.), Actes du colloque international organisé par le CNRS et l’École française de Rome (Rome, 8-12 mai 1985), Collection de l’École française de Rome, 98, 1987, p. 127-155, particulièrement p. 134, note 29.
-
[37]
On songe à la maison de M. Holconius à Pompéi (VIII 4, 37) avec des boutiques « disproportionnées » qui n'appartiennent peut-être pas à la maison (J. OVERBECK, Pompeji, Leipzig, 1875, p. 237-238).
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[38]
Pour Ostie, cf. MEIGGS 1973 (1997), p. 251 ; F. PASINI, Ostia Antica. Insule e classi sociali, I-IIe secolo dell Impero, Rome, 1978, p. 24. Déjà signalé par VITRUVE, De Architectura, II, 8, 17 ; pour une croissance démographique à Rome : L. HOMO, « Topographie et démographie dans la Rome impériale », Académie des Inscriptions et Belles-lettres, 1933, p. 293-308, particulièrement p. 299.
-
[39]
La situation est bien connue pour Rome où la multiplication des édifices publics et des maisons à partir du début de l'Empire aggrave le problème de place (L. HOMO, ibid., p. 293-308, particulièrement p. 298-299). Ce n'est sans doute pas un hasard si les quartiers fluviaux de Lugdunum semblent prendre leur essor vers le milieu du Ier siècle de notre ère : A. DESBAT et E. DELAVAL, « Colonia Copia Augusta Lugdunum, Lyon à l'époque claudienne », Actes du colloque Claude de Lyon empereur romain, Paris-Nancy-Lyon, novembre 1992, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1998, p. 407-431.
-
[40]
À une autre échelle, le cas est envisagé pour le caseggiato des Peintures à Ostie (I.IV.2-4) où le propriétaire occuperait l’insula de Jupiter et Ganymède, le plus luxueux d’un ensemble de trois bâtiments disposé en L autour d’un jardin (J. DELAINE, « The Insula of the Paintings at Ostia I.4.2-4, Paradigm for a city in flux », Urban Society in Roman Italy (T. J. Cornelle et K. Lomas ed.), Londres, 1995, p. 79- 106, particulièrement p. 87 et C. PAVOLINI, « L’edilizia commerciale e l’edilizia abitativa nel contesto di Ostia tardoantico », Società romana e impero tardoantico, vol. II, Roma -Politica, economia, paesaggio urbano (A. Giardina ed.), Bari, 1956, p. 268, n. 114).
-
[41]
Petits et Grands Entrepôts (milieu Ier s.), Îlot artisanal (IIe s.) : H. SAVAY-GUERRAZ, J.-L. PRISSET, É. DELAVAL 1998, p. 391-405.
-
[42]
Cf. les remarques de J.-P. Morel sur le regroupement des tabernae au sein d'édifices pour un meilleur contrôle.
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[43]
Signalée par P. GROS 1991, p. 128.
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[44]
Ainsi, le Bâtiment commercial partage-t-il un mur mitoyen avec une grande domus contemporaine, ancêtre de la Maison des Dieux Océan, dont l'évacuation du péristyle traverse le bâtiment. Une porte sera même ouverte (temporairement ?) entre les deux édifices dans une ultime phase de travaux (PRISSET et alii 1994, p. 57 et 59). P. Gros a développé l'hypothèse d'une schola pour la maison des Dieux Océan, mitoyenne des petits Entrepôts et l'une des plus vastes domus de cette rive (P. GROS, « Maisons ou sièges d'associations ? Les traces archéologiques du phénomène associatif en Gaule romaine méridionale », Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, fasc. 1, 1997, p. 213-241, particulièrement p. 225-240).