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Article de revue

Le plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires 2018-2022

Pages 69 à 74

1Le plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires est né d’une volonté partagée par le président de la République, chef des Armées, et par la ministre des Armées Florence Parly. L’intention prend forme à Istres, le 20 juillet 2017, lorsque le chef de l’État exprime sa reconnaissance envers les familles des personnels de la Défense, engagées à leurs côtés, et demande qu’une réflexion soit ouverte « pour que la vie des familles soit davantage prise en compte dans les affectations, dans les décisions du quotidien, et pour que toutes celles et ceux qui peuvent être aidés dans leur quotidien le soient ». Florence Parly en fait l’une de ses priorités pour la loi de programmation militaire 2019-2025 – y consacrant sur la période près de 530 M€ – et présente, dès le 31 octobre 2017, 46 mesures concrètes portées par un credo : « il n’y a pas de soldat fort sans famille heureuse ».

2Pour faciliter la vie du conjoint supportant, seul, les charges de la famille pendant une absence opérationnelle, le plan Famille accroît les offres de garde d’enfants, en élargissant et en simplifiant l’offre de prestations sociales, et en facilitant les démarches administratives. Pour améliorer la communication des soldats avec leur famille, il propose un accès au Wifi gratuit dans les enceintes militaires et, quand le contexte opérationnel le permet, en opérations. De même, le plan Famille prévoit de porter une attention accrue au moral des familles en amplifiant le soutien moral et psychologique, avant, pendant et après les missions opérationnelles.

3Il donne aux militaires et à leur famille une meilleure visibilité sur leur mutation – préavis, durée probable – afin de leur permettre de mieux anticiper l’organisation de la vie familiale. De même, il simplifie et allège les contraintes liées au changement de résidence en améliorant le dispositif de prise en compte des déménagements en métropole, en outre-mer et à l’étranger. L’offre de logements est étendue et améliorée, notamment dans les zones de tension locative forte en métropole et dans les Outre-mer. Le Plan Famille renforce également l’accompagnement de tous les membres de la famille : travail du conjoint, scolarité des enfants, vie associative.

4Diverses mesures visent un meilleur ancrage de la garnison au cœur de la vie familiale, sociale et culturelle. Des cellules d’information et d’accompagnement des familles (CIAF) sont ainsi créées, complétées par un portail « e-social des Armées » regroupant les prestations d’action sociale. La capacité du commandement à organiser localement des activités de cohésion et à aménager les locaux de vie courante est augmentée. Une attention soutenue est portée aux familles les plus fragiles par une plus grande individualisation des parcours professionnels, en particulier pour les familles monoparentales et les couples de militaires, et en permettant aux personnels divorcés et séparés d’exercer leur droit de visite avec hébergement dans de meilleures conditions. Les démarches sont simplifiées et les aides sont étendues pour les familles dans la douleur lors de la blessure du militaire ou de son décès.

5Les conditions d’hébergement et de vie en enceinte militaire sont améliorées avec, outre la création et la rénovation des infrastructures et des chambres d’hébergement, le déploiement d’Internet gratuit, la rénovation des lieux de convivialité, le déploiement d’installations sportives et de solutions de restauration rapide hors heures ouvrées.

6La mise en œuvre du plan Famille engage plusieurs acteurs relevant de différentes chaînes organiques du ministère. Citons notamment, outre les Armées elles-mêmes et le commandement local, l’état-major des armées, la Direction des ressources humaines du ministère de la Défense, le Service du commissariat des armées, le Service de santé des armées, la Direction du patrimoine, de la mémoire et des archives… Pour certaines mesures, des partenariats sont recherchés hors ministère des Armées, par exemple avec le ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports.

7Plus de trois ans après son lancement, que peut-on dire de cet « objet politique non identifié » ? Comment répond-il aux enjeux multiples que posent la condition militaire et l’ambition d’y intégrer davantage la cellule familiale ?

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9Comme son nom l’indique, le plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires repose sur deux piliers, qui se confortent l’un l’autre.

10Le premier, assez classique, consiste à améliorer les conditions de vie des militaires vivant en enceinte militaire ou en bâtiment cadre célibataire. Ce qu’en entreprise on appelle la « qualité de vie au travail » s’exprime ici de façon très singulière puisque le lieu d’activité des soldats est également leur lieu de vie à l’année. Rénover les lieux d’hébergement et accroître les capacités, changer le mobilier, aménager et moderniser les lieux de convivialité et de détente, proposer des installations sportives adaptées est évidemment fondamental.

11Le second est bien plus innovant puisque, pour la première fois, la famille du personnel est placée, en tant qu’objet d’une politique des ressources humaines, au cœur des ambitions ministérielles. Quel autre ministère, quelle entreprise fait cela ? Au principe de cette politique, une réalité, singulière : la famille du militaire, la première, connaît les souffrances et les difficultés de l’absence, et partage les contingences de la vie de militaire, la mobilité subie et la disponibilité. Et une conviction, forgée par l’expérience : si la famille est une force, elle peut être aussi une fragilité, voire une vulnérabilité lorsque les circonstances exigent du soldat qu’il convoque toutes ses forces morales pour aller au bout de la mission. De ce point de vue, les familles du personnel de la Défense peuvent assurément être analysées comme l’un des facteurs de la résilience de nos Armées.

12Le plan Famille se distingue également par la grande diversité des actions qu’il regroupe sous sa bannière. Les leviers d’action utilisés – ouvrir de nouvelles crèches, améliorer l’accès des familles aux hôpitaux interarmées, installer des kiosques à pizzas, faciliter les démarches des blessés et de leur famille, ou encore favoriser les déplacements en train des membres de la famille – sont de natures et de pieds très différents, et en grande partie étrangers à la gestion des ressources humaines en elle-même. Ainsi, c’est tout le ministère des Armées qui se mobilise aujourd’hui pour améliorer les conditions de vie et le soutien de son personnel et rendre la vie plus facile à sa famille. Ici, la cohérence n’est pas à rechercher dans les actions conduites, mais dans l’intention qui les porte et les effets qu’elles produisent, toutes ensemble.

13Enfin, le plan Famille est moderne : j’entends par là qu’il est ancré dans son temps et ce, à bien des égards. Comme les autres familles françaises, celles des Armées connaissent des séparations et, parfois, se recomposent. Pour prendre en compte ces situations, le plan Famille privilégie l’approche la plus large possible de la famille et cherche à mieux prendre en compte certaines difficultés qui peuvent être exacerbées par les sujétions militaires. Ainsi est née, par exemple, l’aide au parent exerçant un droit de visite et d’hébergement au profit de ses enfants à la suite d’une séparation de couple (APDVH). En second lieu, le Plan Famille n’ignore pas que les familles cherchent de plus en plus à réunir des conditions favorables d’émancipation et de réussite pour chacun de leurs membres, conjoint et enfants. Il leur apporte des réponses concrètes et pragmatiques : préavis de mutation plus longs, accompagnement vers l’emploi et aide au développement des compétences ainsi qu’à l’émancipation économique pour les conjoints, solutions de garde pour les plus jeunes, amélioration qualitative et quantitative de l’offre de logement… De même, en déployant des accès gratuits au Wifi dans les garnisons, le plan Famille ne réunit pas seulement les soldats à leur famille : il répond aux besoins premiers des générations Y et Z, qui se rencontrent, se lient et vivent par le numérique. Cette modernité, rougie au creuset des convictions de nos dirigeants et trempée dans le bain de la concertation et du dialogue, est probablement la singularité distinctive la plus précieuse du plan Famille ; celle qui produit les effets de long terme les plus utiles pour notre défense. En cherchant à créer les conditions d’une réconciliation entre les aspirations françaises actuelles et les exigences traditionnelles du métier, le plan Famille contribue à l’adaptation et à la pérennisation de notre modèle d’armées. Il participe à l’effort de fidélisation des compétences, lesquelles sont chèrement acquises dans la durée par la formation, et par la préparation et l’engagement opérationnels. Plus fondamentalement, il est un des principaux atouts d’un modèle RH basé sur l’exercice des sujétions propres à l’état militaire dans une société qui les accepte de moins en moins.

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15Par sa nature, le plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires est tout à la fois une intention politique, un plan d’action évolutif et un processus d’observation, d’écoute et de réflexion.

16Le plan Famille est un processus continu d’observation et d’échanges. Loin d’être une quête de légitimité ou un exercice de style, ce processus est la clé de sa richesse et l’assurance d’une perception juste des besoins et des attentes du personnel, des familles et de ceux qui œuvrent pour la communauté de défense. La ministre des Armées, la première, organise et nourrit ce dialogue avec les membres du Conseil supérieur de la fonction militaire et des Conseils de la fonction militaire et, lors de ses visites, avec le commandement, le personnel, les présidents de catégorie et les familles. Elle s’entretient régulièrement avec les principales associations œuvrant aux côtés de notre communauté de défense. Il en va de même de la ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, qui porte une attention toute particulière au plan Famille, et des autorités du ministère, chef d’état-major des armées et chefs d’état-major en tête. Au printemps 2019, une large consultation a, en outre, été menée auprès des unités et des bases de défense, associant les Conseils de la fonction militaire (CFM) et les chaînes d’armée ; ont ainsi émergé plusieurs centaines de propositions d’évolutions et de nouvelles mesures, qui ont inspiré une bonne part des actions décidées par la ministre des Armées en janvier 2020. De la même façon, les nouvelles actions en faveur de l’emploi des conjoints annoncées par Florence Parly le 27 novembre 2020 sont principalement issues de propositions émanant de conjointes et de conjoints de militaires réunis en association.

17À ces nouvelles actions s’ajoutent de nombreuses adaptations en conduite des mesures initiales, elles aussi nourries par la concertation et l’écoute permanente, qui constituent une autre caractéristique de ce plan qui ne ressemble à aucun précédent : simplification et élargissement de la prestation de soutien en cas d’absence prolongée du domicile (PSAD) en 2019, extension des conditions d’utilisation de la carte famille SNCF, simplification et amélioration des procédures de changement de résidence, mise en place de l’aide aux assistants maternels en 2018 puis extension de ce dispositif en juillet 2020 à celles et ceux exerçant au sein des maisons d’assistants maternels (MAM)… Autant d’adaptations qui, toutes ensemble, permettent de maximiser les effets concrets de ces mesures sur le quotidien du personnel et de sa famille.

18Ce processus d’écoute et d’évolution permanente présente un danger majeur : celui de perdre de vue ce qui est légitime – au regard de la singularité militaire, de l’efficacité opérationnelle, de la fidélisation… – et important (car on ne peut pas faire, ni financer tout ce qui est légitime). Elle exige une réflexion sur la cohérence, le sens et la philosophie de la politique menée en matière d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires ; et une bonne maîtrise des effets recherchés. En bref : une intention politique claire.

19S’agissant des effets recherchés, le plan Famille présente des lignes d’effort très claires, formalisées par six axes : mieux prendre en compte les absences opérationnelles ; faciliter l’intégration des familles dans la communauté militaire et de défense ; mieux vivre la mobilité ; améliorer les conditions de logement familial et de l’accession à la propriété ; faciliter l’accès des familles à l’accompagnement social du ministère ; améliorer les conditions d’hébergement et de vie des célibataires et des célibataires géographiques. S’y ajoute une volonté de tirer pleinement parti du potentiel de simplification offert par la transformation digitale.

20L’intention politique est quant à elle portée au plus haut niveau, forgée par quelques messages clairs et répétés qui marquent. Tous les efforts doivent être entrepris pour limiter l’impact sur la vie des familles des sujétions exercées sur le militaire, sans renoncement à l’exercice des sujétions nécessaires au bon fonctionnement de notre modèle d’armée. La prise en compte éclairée de la situation personnelle et familiale de chacun constitue, chaque fois qu’elle est compatible avec l’efficacité opérationnelle, la modalité optimale d’exercice des sujétions. De la même manière, la neutralité des politiques d’accompagnement social et professionnel à l’égard des engagements et choix de vie du personnel (nature des engagements maritaux, choix patrimoniaux, travail du conjoint, célibat géographique…) doit être privilégiée en ce qu’elle facilite, sans les opposer, la conciliation des aspirations des familles avec le déroulement d’une carrière militaire et, subséquemment, la fidélisation et l’engagement.

21Dans le cadre de la gouvernance souple et légère adoptée pour la mise en œuvre du plan Famille, ce triptyque intention politique – écoute – plan d’action adaptatif se décline dans la singularité de chaque territoire. L’appréciation des besoins collectifs comme des situations personnelles exige en effet de la proximité et une bonne compréhension des situations locales. Légitimer l’action, desserrer la contrainte, faire confiance au terrain : tel est notamment le choix effectué avec la déconcentration, au niveau des bases de défense, d’un peu plus de 400 millions d’euros de crédits d’entretien du locataire en loi de finances 2020. De même, après avoir décidé de les augmenter de 60 %, la ministre des Armées a confié les crédits d’allocation pour l’amélioration des conditions de vie en enceinte militaire (AACV) aux commandants des bases de défense. Le commandement a désormais, en plus de sa capacité d’appréciation, des possibilités d’action accrues au plus près des besoins du terrain, propices aux initiatives locales.

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23Après un peu plus de trois ans de mise en œuvre du plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires, il serait tentant d’en dresser un premier bilan. Mais sur quoi peut-on se fonder pour affirmer que le succès est au rendez-vous ?

24L’interrogation du personnel et/ou des conjoints grâce à un sondage d’opinion sera une manière tout à fait intéressante et sans aucun doute nécessaire d’apprécier, notamment, leur perception de l’impact du plan Famille sur leur quotidien. Il faudra néanmoins les prendre pour ce qu’elles sont : une captation de ce dont les personnes ont connaissance et conscience, laquelle est parfois limitée à ce qui les concerne à titre individuel. Il conviendra également de conserver à l’esprit certaines limites de ces outils. Ainsi les perceptions évoluent à mesure que les attentes changent, ce qui ne permet pas de construire un outil d’évaluation représentatif dans le temps de l’évolution de ces perceptions. Par exemple, les usages numériques évoluent si rapidement, avec l’explosion du streaming video, que la qualité perçue des services de Wifi, pour un niveau de service et un débit donnés, se dégradera immanquablement dans le temps.

25À ce stade, une approche par les réalisations concrètes paraît certes plus modeste, mais aussi moins spéculative. Réjouissons-nous donc simplement des succès, auxquels de si nombreux acteurs du ministère des Armées ont contribué depuis trois ans. Citons-en quelques-unes, sans idée d’ordre ni de prévalence : plus de 400 berceaux supplémentaires en crèche, 3 700 enfants gardés en 2020 par une assistante maternelle sous convention, plus de 6 150 conjoints accompagnés vers l’emploi, 2 300 bâtiments connectés gratuitement à l’Internet, 85 % des militaires mutés avec un préavis supérieur à cinq mois, 612 nouvelles commandes de logements neufs, 43 installations sportives, 33 distributeurs de pizzas, 14 rénovations de foyer, 21 cellules d’accompagnement et d’information des familles ouvertes, 45 000 kits enfants mission et boîtes multi-activités distribués… Ces réalisations, auxquelles s’ajoutent des dizaines d’initiatives locales, témoignent du chemin parcouru. L’heure du bilan n’est cependant pas arrivée : le cap est maintenu, avec de nombreux engagements pris pour 2021 et 2022, notamment en matière de logement, d’hébergement, de petite enfance et d’accompagnement des conjoints vers l’emploi.

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