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Article de revue

L’Ouragan de Dassault, il y a 70 ans son premier vol

Pages 193 à 196

Notes

  • [1]
    Deux MD 315 Flamand de collection volent encore aujourd’hui et participent à de nombreux meetings aériens, dont celui de la Ferté-Alais. Le Flamant sert dans l’Armée de l’air jusqu’en 1983.
  • [2]
    NDLR : les Ouragan sont retirés des escadrons à partir de 1986, remplacés par des avions plus performants dont les Mystère IV. Ils seront utilisés jusqu’en 1963.
  • [3]
    NDLR : ils ont volé jusqu’en 1965.
1 Dans la France de la reconstruction, le décollage d’un nouvel avion, tout d’aluminium, surtout sans hélice, est un symbole du renouveau. Après quatre années d’occupation et la mise en sommeil d’une aéronautique prometteuse, il n’est plus question de perdre une seconde. De retour des camps, Marcel Dassault reprend le travail. Quittant son ancien patronyme, il fonde la société des Avions Marcel Dassault. Dès 1947, une usine à son nom sort de terre à Bordeaux-Mérignac. Les ateliers ont déjà repris sur le projet d’avion de liaison, le MD 315 Flamant. Choisi à l’issue d’une compétition contre deux concurrents, ce bimoteur répond alors au besoin urgent de l’Armée de l’air. Il est commandé à 300 exemplaires [1]. C’est la guerre froide, l’Alliance atlantique est formée à Washington, le plan Marshall est déployé en Europe, la France doit se réarmer. En complément des appareils importés et des fabrications sous licence, un avion d’arme national moderne s’impose. L’Ouragan sera cet avion.

Le prototype MD 450 Ouragan. Le monoplace peut franchir 900 km et atteindre une vitesse maximale de Mach 0,8.

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Le prototype MD 450 Ouragan. Le monoplace peut franchir 900 km et atteindre une vitesse maximale de Mach 0,8.

L’avion de la renaissance aéronautique française

2 La démarche technologique de la maison Dassault est celle des petits pas, intégrer un savoir-faire mature avec des innovations accessibles. Elle va s’avérer redoutable. Le premier chasseur de l’après-guerre trouve ses origines dans l’expression d’un besoin émis en septembre 1947 par l’État-major de l’Armée de l’air qui recherche un chasseur à réaction de type Meteor. Le projet est très vite réorienté sur une formule monomoteur. Marcel Dassault met son équipe au travail. Ses consignes sont claires : « Je veux un avion d’arme et non un avion expérimental comme l’Espadon. » Un premier marché d’étude est passé en décembre 1947. À cette date, le bureau d’études, le cœur et le cerveau de la firme, ne compte encore que 23 personnes. Dans la salle de travail, les conditions sont précaires. Le chauffage : un poêle à charbon. Sous la direction de Jean Cabrières, les choses vont ensuite très vite. Marcel Dassault lui-même intervient pour rectifier les lignes et l’esthétique de son chasseur, raconte Claude Carlier, l’historien aéronautique de la Sorbonne. Il faut aussi reconnaître la lucidité des services étatiques qui écartent les solutions trop risquées proposées par les établissements nationalisés, à l’image du SO.2060 Espadon ou de l’appareil plus futuriste encore à statoréacteur de René Leduc. À y regarder de près, en ces débuts du réacteur, ces deux projets s’avèrent peu adaptés aux contextes opérationnels. Le 28 juin 1948, Dassault reçoit un contrat pour trois prototypes. Désigné MD 450, l’avion Ouragan se présente comme un monomoteur à aile basse de 14° de flèche. La configuration générale s’inspire des avions américains F-80 et F-84. Pour gagner du temps sur le premier prototype, on renonce à une cabine pressurisée et à un siège éjectable. Judicieusement, il est construit autour du moteur Nene Rolls-Royce fabriqué sous licence par Hispano-Suiza, le train est fourni par Messier. C’est bien la formule la plus simple et la plus efficace qui l’emporte au détriment de projets fantasques.

L’établissement Dassault de Mérignac où sont assemblés Ouragan et Flamant. Aujourd’hui, ce même site se consacre à l’intégration des Falcon et des Rafale. Le MD 450 Ouragan est produit de 1951 à 1954.

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L’établissement Dassault de Mérignac où sont assemblés Ouragan et Flamant. Aujourd’hui, ce même site se consacre à l’intégration des Falcon et des Rafale. Le MD 450 Ouragan est produit de 1951 à 1954.

© Dassault Aviation.
3 Ce 26 février 1949, pilote d’essai de la firme depuis 1946, Constantin Rozanoff prend place dans l’étroit cockpit. L’avion s’élance de la piste de Melun-Villaroche. Né d’un bon dessin, l’avion subit ensuite peu de modifications externes par rapport au prototype. Le développement s’achève rapidement : l’avion n° 2 effectue son premier vol le 20 juillet 1949, et le n° 3 prend l’air le 2 juin 1950, ce dernier servant à la mise au point des armements. Au titre de ses qualités, les pilotes notent sa manœuvrabilité, l’efficacité des commandes de vol, sa simplicité et sa rusticité. Au titre des innovations, outre un important travail sur une cellule robuste et légère, il est d’usage de citer les réservoirs d’extrémité d’aile. Le concept d’armement est des plus simple : quatre canons de 20 mm fixés à l’avant du fuselage, la visée reposant sur un collimateur. Chaque arme est alimentée par 125 coups. Il sait également emporter deux charges externes sous la voilure pour des bombes de 250 kg ou des lance-roquettes. Dans ce registre, l’aviation de combat s’inscrit encore dans la continuité des appareils de la Seconde Guerre mondiale. L’avion s’avère être une plate-forme particulièrement stable. La production de série peut être lancée. Elle fait l’objet de plusieurs marchés confiés à l’industriel entre août et septembre 1950, soit 350 appareils (l’ambition est toutefois réduite, l’objectif ayant été initialement fixé à 659 avions). Un contrat dit « offshore » passé par les États-Unis au titre du soutien de l’Europe de l’Ouest assure le financement de 185 appareils. La production qui se poursuit jusqu’en 1954 permet d’armer trois escadres de chasses et les écoles de l’air. Consécration, il est l’avion de la Patrouille de France [2].

Les Ouragan de l’Armée de l’air aux couleurs des Cigognes de Dijon.

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Les Ouragan de l’Armée de l’air aux couleurs des Cigognes de Dijon.

Le premier succès export de la firme de Saint-Cloud

4 Le décollage du premier avion à réaction de Dassault Aviation marque en fait le retour de la France sur le devant de l’aéronautique mondiale, celui du segment stratégique des avions d’armes. L’essai est vite transformé. Plus que le décollage d’un petit avion argenté, ce premier vol est tout autant celui d’une industrie aéronautique en quête de travail et de légitimité. Le MD 450 Ouragan, premier avion à réaction français produit en série, est aussi le premier avion d’arme exporté par la France. Israël qui cherche un partenaire stratégique se tourne alors vers Paris. L’avion séduit l’aviation israélienne qui fait l’acquisition de 30 avions neufs. Cette force sera complétée par 41 appareils issus du parc de l’Armée de l’air. L’Ouragan reçoit rapidement le label « combat proven » : il s’avère déterminant lors de l’expédition franco-britannique de Suez en octobre 1956. Aux mains des pilotes israéliens, l’Ouragan parvient à prendre le dessus sur les MiG-15 égyptiens. Il est choisi par l’Inde qui en achète 113 [3]. Il volera aussi sous les couleurs du Salvador, 18 Ouragan israéliens étant cédés en 1974, leur carrière s’achevant en 1985.

Le MD 450 Ouragan du Hatzerim Israel Airforce Museum près de Beer-Sheva. Parmi les musées français, un Ouragan de la Patrouille de France est exposé au musée européen de l’aviation de chasse à Montélimar, les autres étant dans les collections du musée de l’air du Bourget et de celui de l’aviation à Savigny-lès-Beaune.

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Le MD 450 Ouragan du Hatzerim Israel Airforce Museum près de Beer-Sheva. Parmi les musées français, un Ouragan de la Patrouille de France est exposé au musée européen de l’aviation de chasse à Montélimar, les autres étant dans les collections du musée de l’air du Bourget et de celui de l’aviation à Savigny-lès-Beaune.

© PWG.

5 * * *

6 Ce palmarès est d’autant plus admirable que le projet Ouragan avait été développé au départ sur fonds propres. Ce chasseur léger inscrit la nouvelle identité de la marque Dassault selon une stratégie qui fera sa force. Il donne à la France de quoi se rapprocher du peloton de tête des nations aéronautiques. Après l’Occupation et ses humiliations, ce n’est pas mal. Ce succès technologique et industriel Dassault n’est pas isolé, et on peut aisément faire le lien avec l’ambition nucléaire, mais aussi, un peu plus tard, avec la Caravelle de Sud-Aviation (le projet est lancé dès 1951). Plus encore, on ne peut séparer l’Ouragan du Flamant. Avec ses deux produits, la firme de Marcel Dassault, son bureau d’études, jusqu’aux compagnons dans les ateliers ont posé les bases de deux activités parallèles qui viendront, sous la même enseigne, soutenir l’ambition aéronautique du pays. Dassault saura exploiter ces deux premiers succès en développant la filière des futurs jets d’affaires de la famille Falcon, le MD 450 Ouragan étant la première étape d’une belle lignée d’avions d’armes : Mystère IV, Étendard, Mirage et Rafale.

Marcel Dassault devant le prototype du Mystère IV, dont la conception est une évolution de l’Ouragan.

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Marcel Dassault devant le prototype du Mystère IV, dont la conception est une évolution de l’Ouragan.

© Dassault Aviation.

Pour en savoir plus

  • Claude Carlier : Marcel Dassault - La légende d’un siècle ; Éditions Perrin, 1992.
  • « Les Dassault Ouragan en Israël », Le Fana de l’Aviation, n° 298, septembre 1994.
  • « Les avions de combat français, 70 ans de succès », Air & Cosmos, Hors-série, Collection Histoire, n° 1.
  • « L’Ouragan, premier des chasseurs », Air & Cosmos, Hors-série, Collection Histoire, n° 2.
  • Luc Berger : L’Aventure Dassault, un premier siècle d’aviation ; Éditions de La Martinière, avril 2016.

Mots-clés éditeurs : Ouragan, Mystère IV, Armée de l’air, Dassault

Date de mise en ligne : 17/02/2020

https://doi.org/10.3917/rdna.820.0193

Notes

  • [1]
    Deux MD 315 Flamand de collection volent encore aujourd’hui et participent à de nombreux meetings aériens, dont celui de la Ferté-Alais. Le Flamant sert dans l’Armée de l’air jusqu’en 1983.
  • [2]
    NDLR : les Ouragan sont retirés des escadrons à partir de 1986, remplacés par des avions plus performants dont les Mystère IV. Ils seront utilisés jusqu’en 1963.
  • [3]
    NDLR : ils ont volé jusqu’en 1965.

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