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Article de revue

NRBC et prolifération en Asie

Pages 41 à 49

Notes

  • [1]
    C’est ainsi que les diplomates français caractérisaient l’Inde et le Pakistan après que les deux pays aient fait leur « coming out » nucléaire militaire en 1998.
  • [2]
    Test atmosphérique de 4 Mt en novembre 1976, Test 1 kt en 1996.
  • [3]
    Le Chakra, de la classe Charlie, loué entre 1988 et 1991, puis Chakra II, classe Akula, loué depuis 2011.
  • [4]
    Qu’elle a dénoncé en 2003.
  • [5]
    Puissance inférieure à 0,5 kilotonne.
  • [6]
    En fait, il s’agit d’une très grosse roquette non guidée, capable d’emporter 500 kilogrammes à 70 kilomètres.
  • [7]
    Charge utile une tonne. La portée passe de 130 km pour les premières versions à 700 km. L’écart circulaire probable de 4 000 mètres se réduit à 100 mètres.
  • [8]
    3 000 kilomètres de portée.
  • [9]
    1 700 kilomètres de portée.
  • [10]
    1718 (2006), 1874 (2009), 1985 (2011) et 2087 (2013).
  • [11]
    Utilisé dans l’enrichissement de l’uranium.

1 De nombreux pays d’Asie ont été tentés, à un moment ou un autre, par la mise au point d’armes de destruction massive. Beaucoup d’entre eux avaient de bonnes raisons de le faire, le plus souvent pour s’inscrire dans une démarche de dissuasion du faible au fort.

2 Les premiers missiles balistiques recensés en Asie l’ont été très tôt, puisque l’on observe des variantes de Scud dès la fin des années 1950 en Corée du Nord, en Chine et probablement au Vietnam. Cet appétit pour les missiles a rapidement été partagé par d’autres nations. Dans les débuts, il s’agissait toujours de se prémunir contre une attaque venant d’un « plus grand ». Par la suite, chaque pays a suivi une trajectoire spécifique, ce qui a donné lieu à la naissance d’une large panoplie d’engins couvrant l’ensemble de la gamme, depuis le balistique tactique à courte portée (Short Range Balistic Missile, SRBM) jusqu’au missile intercontinental (Inter Continental Balistic Missile, ICBM).

3 Si on sait peu de choses sur d’éventuelles recherches dans le domaine du bactériologique après la défaite du Japon en 1945, on est par contre certain de l’existence de programmes d’armements chimiques. Ceux-ci, envisagés comme les armes de la « dissuasion du pauvre », semblent avoir été plus ou moins abandonnés et ne sont plus guère pris en compte. Il ne faut cependant jamais oublier que, à l’échelle d’un État disposant de moyens industriels, l’arme chimique demeure d’un rapport efficacité-prix totalement imbattable. Elle présente aussi le terrible avantage de pouvoir être « ressuscitée » très rapidement si le besoin d’une arme de la dernière chance devait se faire sentir.

4 Dans la panoplie du NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique), l’arme nucléaire demeure celle qui est la plus difficile à dissimuler ou à nier. Les moyens nécessaires à sa mise au point et à l’obtention des matériaux constitutifs ne sont pas facilement accessibles. Un État doit développer un environnement complet, comprenant, outre les moyens industriels, des connaissances scientifiques basées sur un « terreau » universitaire et une protection du secret très lourde. On arrive donc assez vite à caractériser les pays qui en sont détenteurs, même si on assiste à la floraison de curieuses périphrases, comme « puissance non nucléaire disposant de l’armement nucléaire » [1]. En Asie, on notera toutefois le cas particulier de la Corée du Nord, qui réussit à faire peur avec un armement nucléaire dont on peut se demander s’il existe vraiment, même à l’état expérimental.

Les capacités des différents pays

5 Un certain nombre de pays d’Asie ont développé des capacités militaires nucléaires et balistiques, en suivant souvent des itinéraires complexes et parfois surprenants.

Chine

6 On se souvient des discours de Mao Zedong qui, en 1956, parlait de « tigre de papier » pour nier les capacités militaires tant de Tchang Kaisehk que celles des États-Unis. Pourtant, le Grand Timonier, qui sentait aussi poindre la fâcherie avec l’URSS, était parfaitement conscient de l’impact géostratégique des missiles intercontinentaux et des armements nucléaires. Lors des folies suicidaires qu’ont été le Grand Bond en avant et la Révolution culturelle, les seuls domaines qui ont été préservés sont justement les fusées et les armes nucléaires.

Armement nucléaire chinois

7 Les débuts du programme nucléaire militaire chinois remontent à 1954. Lors de l’affrontement avec les États-Unis qui se posaient en protecteurs de Taiwan, Mao fut forcé d’admettre que l’absence de toute capacité de riposte nucléaire rendait son pays vulnérable. Les débuts du programme furent rapides, avec une assistance soviétique très importante dans les premières années. Cette aide commença à être remise en question en juin 1959, pour cesser complètement en juillet 1960. À cette date, l’URSS avait fourni à la Chine les technologies nécessaires à la production de matériaux fissiles et une maquette-prototype d’arme nucléaire. Le premier test eut lieu en 1964, suivi d’une quarantaine d’autres, le dernier ayant eu lieu en 1996. Entre-temps, la Chine a démontré sa capacité de très forte puissance et celle de miniaturisation [2]. Le nombre d’armes détenues est inconnu, mais on estime qu’il est relativement faible, de l’ordre de 200 à 400 têtes. La Chine est signataire du TNP (1992), mais elle n’adhère pas au cutoff et a gardé des capacités de production de matériaux fissiles de qualité militaire.

Les missiles balistiques

8 Parallèlement au programme nucléaire militaire, la Chine a développé, toujours avec l’aide de l’URSS, un programme de vecteurs, marqué par le « don » de deux missiles à moyenne portée SS2 Sibling, qui étaient une extrapolation du V2 allemand de 1945. Après avoir longtemps basé sa composante missile sur des engins assez dépassés, peu mobiles et dont la mise en œuvre était longue et visible, elle a développé et continue de développer une série d’armes modernes et transportables, tant basées à terre qu’embarquées à bord de submersibles à propulsion nucléaire.

Bactériologique et chimique

9 La Chine a signé la convention sur les armes chimiques en 1993 et l’a ratifiée en 1997. Elle a admis avoir possédé un petit arsenal chimique et déclare l’avoir détruit avant 1992. Elle a aussi signé la convention sur les armes bactériologiques, en niant l’existence de tout programme militaire. Cela est mis en doute par certains experts qui pensent que Pékin a eu un programme actif dans les années 1980, mais que celui-ci a été arrêté après un sérieux accident.

Japon

10 Le rapport du Japon aux problèmes de défense est bien particulier. D’un côté, il s’est interdit la possession d’une force armée qui soit autre chose qu’une force « d’autodéfense ». De l’autre, il ne peut pas – ne peut, veut plus ? – accepter d’être un nain géopolitique alors qu’il est une superpuissance économique. Et, s’il s’interdit certains affichages, il n’en tente pas moins de rester, sinon dedans, du moins au plus près de la cour des grands.

Armement nucléaire

11 Dans l’opinion publique japonaise, l’idée même que le pays puisse se doter d’une arme qui a causé tant de souffrances dans son peuple demeure insupportable. De plus, l’alliance avec les États-Unis offre une protection qui est considérée par beaucoup comme suffisamment dissuasive. Pourtant, quand on liste les capacités que doit maîtriser une nation pour accéder, de manière indépendante, à l’arme atomique, on constate que le Japon les possède toutes. Qu’il s’agisse des matériaux fissiles « sous-produits » des réacteurs civils ou de technologies comme la détonique, on peut dire que Tokyo pourrait se doter d’armes nucléaires en quelques mois si la décision était prise.

Missiles balistiques

12 La question des missiles balistiques agite beaucoup moins l’opinion que celle du nucléaire. On peut cependant se demander pourquoi ce pays a choisi pour les premières générations de lanceurs de satellites nationaux, la filière ergols solides. Ceux-ci sont plus complexes à mettre au point et moins performants que les ergols liquides et donc peu adaptés à des missions civiles. Mais ils permettent le stockage des lanceurs et sont la solution choisie pour les missiles militaires par tous les pays qui maîtrisent la technologie. Les séries Lambda et Mu ont été initialisées dès le début des années 1960. Elles n’ont servi qu’à des lancements de satellites civils, principalement scientifiques, mais le savoir-faire acquis dans ce domaine aurait pu être rapidement utilisé pour en faire des missiles à très longue portée.

Bactériologique et chimique

13 Le Japon impérial de la Seconde Guerre mondiale a laissé de très mauvais souvenirs de recherches et « expérimentations » dans le domaine des armes chimiques et bactériologiques, que la propagande chinoise tend encore à aggraver. Il semble que plus rien ne subsiste dans ce domaine, mais on sait qu’une industrie aussi développée que celle du Japon pourrait se doter d’armes chimiques en quelques semaines.

Inde

14 L’Inde bénéficie, en particulier dans une partie de l’opinion publique de certains pays européens, d’une image qui en ferait un pays pacifiste, capable de renoncer définitivement à toutes les armes de destruction massive et aux vecteurs associés. L’explosion nucléaire « pacifique » en 1974, le refus de signature du TNP n’ont pas altéré cette vision. Il a fallu les tests clairement militaires de 1998 pour que la réalité soit admise.

Armement nucléaire

15 Dès l’indépendance, Nehru déclarait que la possession de l’armement nucléaire pourrait se révéler nécessaire. La défaite de 1962, face à la Chine, a marqué le début d’un programme visant à la mise au point d’un armement nucléaire national. On ne sait pas quelle est la part d’aide qui a été accordée par d’autres pays, mais on sait au moins que le stock initial de plutonium utilisé pour fabriquer les premières armes provenait du détournement d’un réacteur fourni par le Canada et utilisant de l’eau lourde de provenance états-unienne. Depuis, l’Inde a acquis toutes les capacités nécessaires pour être autonome dans ce domaine, sans doute en bénéficiant de certaines aides soviétiques. Dans le même temps, bien que refusant toujours d’accéder aux TNP et au CTBT (Comprehensive Test Ban Treaty), elle a clairement dit vouloir se limiter à un programme strictement défensif et a donné suffisamment de garanties pour que le Nuclear Suppliers Group (NSG) en fasse un pays « de confiance ».

Missiles balistiques

16 Très tôt, l’Inde a annoncé sa volonté de se doter de la triade de vecteurs avions/missiles/sous-marins. Elle a développé et continue de développer toute une série de missiles sol-sol, dont la portée est graduellement passée de courte à intercontinentale. Elle veut aussi s’équiper de sous-marins nucléaires lanceur d’engins (SNLE). Après des expérimentations avec deux unités louées à l’URSS [3], elle a démarré une série de SNLE, la classe Arihant, la tête de série étant actuellement en cours d’expérimentation.

Bactériologique et chimique

17 Il ne semble pas qu’il y ait eu ou qu’il y ait actuellement un programme bactériologique en Inde, même si le pays possède de bonnes capacités dans ce domaine, aussi bien humaines que matérielles (laboratoires de classe 3 et 4).

18 Un éventuel programme chimique serait aussi envisageable, le pays étant doté d’une industrie performante dans ce domaine. L’Inde a signé la convention sur les armes chimiques en 1992 et l’a ratifiée en 1996. Elle a déclaré en 1997 un stock de gaz moutarde dont la destruction a été achevée en 2009.

Pakistan

19 Le Pakistan est un pays dont les comportements vis-à-vis des armes de destruction massive sont complexes et difficiles à appréhender. Proche à la fois des États-Unis et de la Chine, il joue en permanence sur les deux tableaux pour préserver une position dissuasive du faible au fort vis-à-vis de l’Inde.

Armement nucléaire

20 Septième pays à avoir officiellement procédé à des essais nucléaires militaires, en 1998, le Pakistan s’était en fait doté d’un petit arsenal plusieurs années plus tôt, probablement dès le milieu des années 1980. Les prémices du programme remontent à 1965. La conviction politique de la nécessité du programme est une conséquence de la défaite lors de la guerre avec l’Inde en 1971. Le lancement effectif et l’affectation de moyens suffisants ont suivi en 1974, année du « test pacifique » indien. Les origines techniques de l’armement nucléaire pakistanais sont complexes, entre réacteurs fournis par les Occidentaux et savoir-faire d’origine chinoise.

Missiles balistiques

21 Pour délivrer ses armements, le Pakistan a mis au point une série de missiles à courte et moyenne portée (jusqu’à 2 500 km). Il développe aussi des missiles de croisière et miniaturise les armes nucléaires pour les rendre capables d’être transportées par les missiles de la classe Harpoon ou équivalents qui équipent ses sous-marins classiques. Il existe aussi un projet de SNLE, mais celui-ci semble – pour le moment – hors de portée technique et financière.

Bactériologique et chimique

22 Il n’existe pas de preuve évidente de programmes bactériologiques ou chimiques pakistanais. Le pays a d’ailleurs ratifié toutes les conventions sur ces sujets et a toujours nié toute implication. Toutefois, les capacités technologiques et industrielles existent.

Corée du Nord

23 De tous les pays d’Asie, la Corée du Nord est certainement le moins bien connu et les comportements de ses dirigeants sont souvent surprenants. Son agressivité et sa propension à recourir au chantage aux armes de destruction massive en font une menace, dont on peut cependant se demander si elle n’est pas exploitée au-delà des réalités.

Armement nucléaire

24 Le programme nucléaire nord-coréen a démarré dès le milieu des années 1950, avec l’aide de l’URSS. Le premier centre de recherche, celui de Yongbon, a été inauguré en 1962 et a rapidement donné au pays la capacité de produire du plutonium de qualité militaire. Paradoxalement, Pyongyang a ratifié le TNP en 1985 [4] et autorisé une première visite de l’AIEA en 1992. À partir de ce moment, la controverse naît. L’AIEA relève de nombreuses anomalies. Malgré un accord – très opaque – signé en 1994 avec les États-Unis, les problèmes se multiplient.

25 Un premier test [5], qui est soit un échec soit un faux test utilisant des explosifs conventionnels a lieu en octobre 2006, suivi de deux autres, en 2009 et 2013. Aucun de ces tests n’est convaincant, même si les États-Unis leur font une large publicité et continuent d’entretenir des relations bilatérales très ambiguës avec la Corée du Nord. On ne sait toujours pas si Pyongyang dispose d’armes opérationnelles et s’il a été possible de suffisamment les miniaturiser pour qu’elles puissent être embarquées sur des missiles.

Missiles balistiques

26 L’URSS a fourni dans les années 1960 une série de missiles FROG-7[6], suivis, à la fin des années 1970 par des Scud[7] qui semblent avoir transité par l’Égypte. Ces missiles ont fait l’objet d’un reverse engineering qui a permis une production locale et de développements variés. Là encore, on sait peu de choses sur la réalité des missiles nord-coréens, même si chaque test est amplement médiatisé et commenté.

27 Il semble qu’il existe une extrapolation du Scud – le Nodong – qui est opérationnelle et pourrait emporter une charge de 600 kilogrammes à 1 500 kilomètres. Parallèlement, toute une série d’essais de lancements de satellites a eu lieu, dont beaucoup ont été des échecs. Les vecteurs utilisés pour ces tentatives sont « expérimentaux », quelquefois qualifiés de « bricolage ». Certains médias les ont présentés comme les précurseurs de missiles intercontinentaux, pouvant même atteindre les États-Unis, mais les architectures observées autant que la durée et la visibilité des préparatifs de lancement sont peu compatibles avec ces affirmations.

Bactériologique et chimique

28 La Corée du Nord a ratifié la Convention sur les armes bactériologiques et le Protocole de Genève. Elle n’a, par contre, pas signé celle sur les armes chimiques. Il est très probable que, malgré ses dénégations, elle dispose d’un arsenal chimique varié, comprenant même des agents binaires. Le fait qu’elle ait mis en place des moyens significatifs pour protéger ses militaires et sa population contre les attaques chimiques et qu’elle procède à des exercices en ambiance chimique va dans le sens de cette hypothèse.

Autres pays d’Asie

29 Les autres nations asiatiques ne semblent pas être actuellement concernées par le nucléaire et le balistique. On note cependant que Taïwan a eu un programme nucléaire dans les années 1960, arrêté sous la pression des États-Unis. Ce programme a vraisemblablement fait l’objet, à l’époque, d’une collaboration avec l’Afrique du Sud et Israël.

30 Par contre, la plupart des pays asiatiques ont des capacités industrielles qui leur permettraient, si ce n’est déjà fait, de développer un arsenal chimique. Un certain nombre d’entre eux (Taïwan, Corée du Sud, Indonésie) maintiendraient aussi une expertise minimaliste et strictement défensive dans ce domaine.

Exportations et prolifération

31 Les cas d’exportations proliférantes clairement démontrés sont peu nombreux. Par contre, les soupçons plus ou moins étayés sont nombreux.

Chine

32 On imagine mal que, dans un pays aussi bien contrôlé par le pouvoir central que la Chine populaire, des exportations de matériels militaires puissent avoir lieu sans l’assentiment des plus hautes autorités du pays. Pourtant, pendant des années, Pékin a systématiquement plaidé la bonne foi trompée quand on découvrait des équipements d’origine chinoise là où ils n’auraient pas dû arriver. Le nombre de personnalités ou d’entreprises chinoises ayant fait l’objet de sanctions de la part des États-Unis pour des problèmes de prolifération est pourtant très élevé (cf. Shirley A. Kan).

33 L’envergure de l’aide chinoise au programme nucléaire militaire pakistanais n’est pas facile à définir. Islamabad affirme que l’essentiel est le fait d’un de ses citoyens, A. Q. Khan, le « père de la bombe ». Selon d’autres sources, Pékin aurait fourni aussi bien les connaissances qu’une aide en personnel et même des sous-ensembles et des matériaux fissiles. « Sans l’aide de la Chine, la bombe pakistanaise n’existerait pas » déclarait Gary Milhollin, le fondateur du Wisconsin Project on Nuclear Arms Control. Pékin aurait aussi aidé la Corée du Nord pour son programme militaire et fourni des réacteurs de recherche potentiellement proliférants à l’Iran et à l’Algérie. La Chine serait aussi impliquée, directement ou via le Pakistan, dans un programme nucléaire militaire qui aurait existé au Brésil dans les années 1980.

34 Dans le domaine balistique, on se souvient de la vente de missiles DF 3 A[8] à l’Arabie Saoudite en 1988. Un autre contrat, portant sur la vente de missiles DF 21[9], aurait été conclu en 2007, mais les deux parties nient son existence. La Chine est accusée d’avoir fourni des missiles ou des technologies au Pakistan, à l’Irak, à l’Iran, à la Syrie et à la Corée du Nord. Dans ce dernier cas, on a noté en avril 2012 que certains véhicules associés à des missiles qui participaient à un défilé dans Pyongyang étaient d’origine chinoise, alors même que Pékin avait accepté les sanctions décidées par l’ONU et qui interdisaient absolument de tels transferts.

35 Enfin, la Chine a été sanctionnée plusieurs fois pour avoir exporté des composants comme des équipements ou des précurseurs d’armes chimiques en direction de l’Iran.

Japon

36 Le Japon est l’un des pays les plus actifs en matière de non-prolifération, dans tous les domaines. Certaines de ses entreprises ont toutefois pu être suspectées d’exportations « imprudentes » de technologies duales, malgré une législation très stricte (cf. M. Toki et S. Lieggi).

Inde

37 L’Inde, qui est restée à l’écart de nombreux accords internationaux liés à la prolifération, a fait l’objet de quelques sanctions de la part des États-Unis au début des années 2000 pour des transferts de technologies duales potentiellement liées aux activités chimiques ou bactériologiques en direction de l’Irak et de l’Iran. Plus récemment (2008), le Nuclear Suppliers Group a levé les restrictions concernant les échanges sur le nucléaire civil avec Delhi et, en 2010, le président Obama a exprimé son soutien à une éventuelle candidature indienne au NSG (ce qui supposerait une adhésion préalable au TNP), au MTCR (Missile Technology Control Regime), au Groupe d’Australie et à l’arrangement de Wassenar.

Pakistan

38 Le principal reproche fait au Pakistan en matière de prolifération est l’aide qu’il a très probablement apportée à la Corée du Nord pour développer son programme nucléaire militaire, sans doute en échange de transferts de technologies sur les missiles. À la suite des essais de 1998, on a aussi craint, peut-être à tort, qu’Islamabad ne fournisse aux autres pays musulmans la « Bombe islamique » dont beaucoup rêvaient.

39 Le « père de la bombe », A. Q. Khan avait créé un réseau qui fournissait différents éléments capables de permettre la mise au point d’une arme nucléaire, non seulement à la Corée du Nord, mais aussi à la Libye et à l’Iran. Ce réseau a été dévoilé en 2003 et Khan a été désavoué par son gouvernement. Le Pakistan a aussi mis en place, à partir de cette époque, une législation assez robuste pour prévenir les exportations proliférantes.

Corée du Nord

40 L’industrie d’armement nord-coréenne est l’une des ressources dont dispose la Corée du Nord pour se procurer des devises par le biais d’exportations dans tous les domaines. Mais les résolutions successives de l’ONU [10] sur le commerce des armes et de certains biens et technologies ainsi que les sanctions prises par différentes entités ont sérieusement réduit les capacités de prolifération du pays.

41 L’installation détruite en Syrie par l’aviation israélienne en 2007 aurait été un réacteur plutonigène du même type que celui de Yongbon, construit en coopération avec la Corée du Nord. En 2012, des barres de graphite destinées à la Syrie auraient été saisies par les Sud-Coréens à bord d’un bateau du Nord. Auparavant, dans les années 2000, elle aurait fourni de l’Hexafluorure d’uranium [11] à la Libye.

42 Mais c’est surtout dans le domaine balistique que Pyongyang est particulièrement proliférant. Dans le passé, les clients ont été l’Égypte, l’Iran, la Libye, le Pakistan, la Syrie et le Yémen, mais seuls l’Iran et la Syrie ont continué à recevoir des missiles nord-coréens et surtout des technologies dans les dernières années. Pourtant, une coopération avec le Myanmar dans ce domaine semble se poursuivre.

ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE

  • Shirley A. Kan : “China and Proliferation of Weapons of Mass Destruction and Missiles”, Policy Issues, Congressional Research Service, 25 novembre 2014.
  • Masako Toki et Stephanie Lieggi : “Japan’s struggle to limit illegal dual-use exports”, Bulletin of the Atomic Scientists (http://thebulletin.org/).

Date de mise en ligne : 17/02/2020

https://doi.org/10.3917/rdna.776.0041

Notes

  • [1]
    C’est ainsi que les diplomates français caractérisaient l’Inde et le Pakistan après que les deux pays aient fait leur « coming out » nucléaire militaire en 1998.
  • [2]
    Test atmosphérique de 4 Mt en novembre 1976, Test 1 kt en 1996.
  • [3]
    Le Chakra, de la classe Charlie, loué entre 1988 et 1991, puis Chakra II, classe Akula, loué depuis 2011.
  • [4]
    Qu’elle a dénoncé en 2003.
  • [5]
    Puissance inférieure à 0,5 kilotonne.
  • [6]
    En fait, il s’agit d’une très grosse roquette non guidée, capable d’emporter 500 kilogrammes à 70 kilomètres.
  • [7]
    Charge utile une tonne. La portée passe de 130 km pour les premières versions à 700 km. L’écart circulaire probable de 4 000 mètres se réduit à 100 mètres.
  • [8]
    3 000 kilomètres de portée.
  • [9]
    1 700 kilomètres de portée.
  • [10]
    1718 (2006), 1874 (2009), 1985 (2011) et 2087 (2013).
  • [11]
    Utilisé dans l’enrichissement de l’uranium.

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