Un homme, Martial Kermeur, en jette un autre à la mer (Antoine Lazenec). Voici le prologue qui ouvre le roman de Tanguy Viel. Déféré devant le juge pour un interrogatoire de première comparution, le protagoniste s’explique. Voici le cœur du roman. Son histoire personnelle (un divorce, des relations compliquées avec son fils, un licenciement) est imbriquée à celle d’une escroquerie collective : Kermeur, comme le maire et d’autres, s’est laissé duper par le charismatique Lazenec, un entrepreneur crapuleux. Arrivé en homme providentiel avec des projets juteux d’investissement immobilier (une station balnéaire – à côté de Brest !) dans une petite ville dont une bonne part de la population vient d’être limogée à cause de la fermeture de l’Arsenal, ce dernier empoche les primes de licenciement, ne laissant derrière lui que les balbutiements d’un chantier fantôme. Récit rétrospectif aboutissant à une requalification saisissante des faits, Article 353 du Code pénal peut se lire comme un « roman de procédure ». Dans ces récits, analysés par Richard Weisberg, la narration de l’événement, suivie d’une enquête préliminaire, conduit à une nouvelle version narrative de celui-ci, et à une sanction institutionnelle (qui peut avoir lieu à l’occasion d’un procès, mais pas nécessairement). L’enjeu d’une telle structure est de créer « la possibilité d’une compréhension vérifiable des événements antérieurs au moment même où est mise en doute l’interprétation purement subjective, et très élaborée, de ces événement…