Soyons francs : ce texte ne serait jamais publié aujourd’hui par Le Figaro. La chronique judiciaire selon Marcel Proust n’est pas une chronique judiciaire. Ce n’est pas non plus la radioscopie d’un fait divers, façon De sang-froid. C’est du Proust. Autrement dit, la recherche d’un quelque chose perdu qui n’a rien de judiciaire.
Le titre, comme souvent les titres de journaux, est trompeur : on pourrait s’attendre à trouver, dans les « sentiments filiaux d’un parricide », une sorte d’ironie mordante, comparable à celle qu’on trouve dans les comptes rendus des plumes réputées, spécialistes du genre avant-guerre, comme Géo London. Or, l’auteur n’est pas ironique du tout. Non plus, pourrait-on dire. Il ne s’intéresse à la triste histoire d’un certain Henri de Blarenberghe que parce que la mère de celui-ci fut une vague amie de sa mère à lui. Et que Proust côtoya les Blarenberghe dans quelques dîners mondains, sans d’ailleurs nouer avec eux une amitié notable. Quand le lecteur découvre, à peu près au milieu de son long, très long article, qu’Henri a occis sa mère à coups de poignard, il commence à comprendre la nature des lignes qu’il s’efforce de déchiffrer : Marcel Proust l’invite à participer à une séance de psychanalyse écrite, dont il est, lui, Proust, l’analysé et l’analysant. Il se projette corps et âme dans le crime du fils Blarenberghe, bien que celui-ci se fût suicidé après avoir commis son acte. Il y voit, quelle surprise, la manifestation d’un complexe d’Œdipe mal digéré, grâce à la scène de l’œil du matricide « …