Notes
-
[1]
Régis Debray, L’Europe fantôme, Tracts Gallimard, 2019, p. 42.
-
[2]
Régis Debray, L’Europe fantôme, Tracts Gallimard, 2019, p. 36.
-
[3]
Lucien Fèbvre, L’Europe, Librairie académique Perrin, 1999, p. 101.
-
[4]
Lucien Fèbvre, L’Europe, Librairie académique Perrin, 1999, p. 131.
-
[5]
Lucien Fèbvre, L’Europe, Librairie académique Perrin, 1999, p. 86.
-
[6]
François Jullien, L’Invention de l’idéal et le destin de l’Europe, Folio Gallimard, 2017, p. 11.
-
[7]
Henri Meschonnic, Poétique du traduire, Verdier, 1999, p. 34.
-
[8]
Barbara Cassin, Éloge de la traduction, Fayard, 2016, p. 17.
-
[9]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1995, p. 78.
-
[10]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1991, p. 90.
-
[11]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1991, p. 271.
-
[12]
Nathalie Heinich, Ce que n’est pas l’identité, Le Débat/Gallimard, 2018, p. 106.
-
[13]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1995, p. 189.
-
[14]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1995, p. 92-93.
-
[15]
Madame de Staël, De La littérature considérée sans ses rapports avec les institutions sociales, Œuvres complètes, série I, œuvres critiques tome 2, Honoré Champion, p. 186.
-
[16]
Madame de Staël, De La littérature considérée sans ses rapports avec les institutions sociales, Œuvres complètes, série I, œuvres critiques tome 2, Honoré Champion, p. 186.
-
[17]
Madame de Staël, De La littérature considérée sans ses rapports avec les institutions sociales, Œuvres complètes, série I, œuvres critiques tome 2, Honoré Champion, p. 187.
-
[18]
Madame de Staël, De La littérature considérée sans ses rapports avec les institutions sociales, Œuvres complètes, série I, œuvres critiques tome 2, Honoré Champion, p. 186.
-
[19]
Madame de Staël, Corinne ou l’Italie, Folio classique, Gallimard, 1985, p. 262.
-
[20]
Madame de Staël, Delphine, Gallimard, Folio classique, 2017, p. 641.
-
[21]
Madame de Staël, Delphine, Gallimard, Folio classique, 2017, p. 252.
-
[22]
Madame de Staël, Delphine, Gallimard, Folio classique, 2017, p. 260.
-
[23]
Madame de Staël, « De L’influence des passions sur le bonheur », Œuvres complètes, série I, œuvres critiques, tome 1, p. 257.
-
[24]
Madame de Staël, « De L’influence des passions sur le bonheur », Œuvres complètes, série I, œuvres critiques, tome 1, p. 257.
-
[25]
Madame de Staël, « De L’influence des passions sur le bonheur », Œuvres complètes, série I, œuvres critiques, tome 1, p. 256.
-
[26]
Madame de Staël, « De L’influence des passions sur le bonheur », Œuvres complètes, série I, œuvres critiques, tome 1, p. 264.
-
[27]
Madame de Staël, Corinne ou l’Italie, Folio classique, Gallimard, 1985, p. 447.
-
[28]
Madame de Staël, De L’influence des passions sur le bonheur, in Œuvres complètes, série I, œuvres critiques, tome 1, sous la direction de Florence Lotterie, Honoré Champion, 2008, p. 246.
-
[29]
Madame de Staël, Delphine, Gallimard, 2017, p. 84.
-
[30]
Madame de Stael, Corinne ou l’Italie, Folio classique, Gallimard, 1985, p. 481.
-
[31]
Madame de Staël, Réflexions sur le procès de la reine, Mercure de France, 1999, p. 53.
-
[32]
Pour cela nous renvoyons au remarquable ouvrage de Claude Romano, Être soi-même, une autre histoire de la philosophie, Gallimard, 2019.
-
[33]
Voir Madame de Staël, « De l’esprit de conversation », De L’Allemagne, GF Flammarion, 1968, p. 106.
-
[34]
Madame de Staël, « De l’esprit de conversation », De L’Allemagne, GF Flammarion, 1968, p. 106.
-
[35]
Madame de Staël, « De l’esprit de conversation », De L’Allemagne, GF Flammarion, 1968, p. 107.
-
[36]
Claude Romano, Être soi-même, une autre histoire de la philosophie, Gallimard, 2019, p. 15.
-
[37]
Sandra Travers de Faultrier, Gide, L’Assignation à être, Michalon, 2005.
-
[38]
Nicolas Grimaldi, Traité des solitudes, PUF, 2003, p. 208.
-
[39]
Claude Romano, Être soi-même, une autre histoire de la philosophie, Gallimard, 2019, p. 466.
-
[40]
Sandra Travers de Faultrier, « L’Identité-jugement », Les Cahiers de la justice, 2010/2, p. 157-163.
-
[41]
Madame de Staël, Delphine, Gallimard, Folio classique, 2017, p. 126.
-
[42]
Nathalie Heinich, États de femme, l’identité féminine dans la fiction occidentale, Gallimard, coll. NRF Essais, 1996, p. 29.
-
[43]
Madame de Staël, Delphine, Gallimard, Folio classique, 2017, p. 362.
-
[44]
Madame de Staël, « Quelques réflexions sur le statut moral de Delphine », Delphine, Gallimard, Folio classique, 2017, p. 997.
-
[45]
Sandra Travers de Faultrier, « Un Possible en partage », dossier Vulnérabilités sous la direction de Sandra Travers de Faultrier, Les Cahiers de la justice, 2019/4, p. 563-568.
-
[46]
François Jullien, L’Invention de l’idéal et le destin de l’Europe, Folio essais, Gallimard, 2017, p. 208.
-
[47]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1991, p. 258.
-
[48]
Madame de Staël, De L’Allemagne, GF Flammarion, t. 1, p. 110.
-
[49]
Madame de Staël, De L’Allemagne, GF Flammarion, t. 1, p. 117.
-
[50]
Madame deStaël, De La littérature, GF Flammarion, 1991, p. 202.
-
[51]
Madame de Staël, De L’Allemagne, GF Flammarion, t. 1, p. 121.
-
[52]
Madame de Staël, De L’Allemagne, GF Flammarion, t. 1, p. 229.
-
[53]
Madame de Staël, De L’Allemagne, GF Flammarion, t. 2, p. 272.
-
[54]
Madame de Staël, « De l’esprit des traductions », Œuvres complètes, série I, œuvres critiques, tome II, Honoré Champion, 2013, p. 595.
-
[55]
Madame de Staël, « De l’esprit des traductions », Œuvres complètes, série I, œuvres critiques, tome II, Honoré Champion, 2013, p. 603-604.
-
[56]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1991, p. 197.
-
[57]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1995, p. 273.
-
[58]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1995, p. 286.
-
[59]
« Oswald en arrivant à Londres, retrouva ses amis d’enfance. Il entendit parler cette langue forte et serrée qui semble indiquer bien plus de sentiments encore qu’elle n’en exprime », Madame de Staël, Corinne, Folio classique, 1985, p. 448.
-
[60]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1995, p. 264.
-
[61]
Stefan Zweig, La Confusion des sentiments, Livre de Poche, 1976, p. 26.
-
[62]
Madame de Staël, « De l’esprit des traductions », Œuvres complètes, série I, œuvres critiques, tome II, Honoré Champion, 2013, p. 608.
-
[63]
Madame de Staël, « De l’esprit des traductions », Œuvres complètes, série I, œuvres critiques, tome II, Honoré Champion, 2013, p. 610.
-
[64]
Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace, PUF, 1957, p. 184.
-
[65]
Barbarin Cassin, Éloge de la traduction, Fayard, 2018, p. 108.
-
[66]
Pierre André Taguieff, L’Identité, une fable philosophique, PUF, 2011.
-
[67]
Pierre André Taguieff, « Être français », Dogma, Revue de philosophie et de sciences humaines, mars 2016.
-
[68]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1995, p. 266.
-
[69]
Madame de Staël, De L’influence des passions sur le bonheur, in Œuvres complètes, série I, œuvres critiques, tome 1, sous la direction de Florence Lotterie, Honoré Champion, 2008, p. 276.
-
[70]
Jean-Louis Chrétien, La joie spacieuse, Minuit, 2007.
-
[71]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1991, p. 69.
À l’aube du 19e siècle, Madame de Staël, par ses écrits, ses lectures, ses voyages, ses amitiés et ses admirations, donnent chair à une Europe tressée à même l’histoire, les aspirations et les langues littéraires. Une Europe singulière parce que plurielle, comme Fernand Braudel a pu le dire de la France. Une Europe des idées et des sensibilités, des pensées et des habitus, façonnées par des institutions diverses. La traversée de cette diversité féconde un idéel paradoxalement perceptible par les sens comme s’il s’agissait d’une œuvre, le propre juridique d’une œuvre étant d’être perceptible par les sens.
1Avant d’être cet espace institutionnel qui « morcelle en régions indépendantistes le Continent qu’elle devait souder » [1] et « où le bonheur individuel en ultime devoir et loi suprême » [2] fait office d’horizon en lieu et place de toutes « expectatives partagées » si ce n’est la paix perpétuelle qui serait le fruit de la libre circulation des marchandises (Le Préambule de la Constitution de l’OIT de 1919 et la Déclaration de Philadelphie de 1944 ayant rappelé cependant qu’« une paix durable ne peut être établie que sur la base de la justice sociale »), l’Europe est plurielle, selon qu’on envisage son aspect géographique, culturel, économique ou politique. Cependant les historiens Marc Bloch et Lucien Febvre, en enracinant leur recherche dans le temps long (vii-ixe siècles) de la chute de Rome, de la fermeture de la Méditerrranée consécutive à la progression de l’Islam dans le Maghreb (« à partir du ixe siècle l’historien peut rythmer la vie de l’Europe au rythme des avancées et des reculs de l’Islam et du Christianisme » [3]), au basculement du centre de gravité vers un nord qui émancipe de la Mare Nostrum devenu simple front de mer comme l’est alors l’océan, avaient fait de la Chrétienté l’espace-mère de l’Europe. Les créateurs des Annales parlent ainsi d’une Europe née de la « double grâce de Mahomet et Charlemagne » [4], car, suspicieux à l’égard des tentatives de définitions géographiques, voire éthnicistes, les historiens voient dans la chrétienté la source d’une conscience commune où foi, symboles, idéal tressent un langage référentiel partagé : une chrétienté faisant de cet espace européen un monument constitué de « pierres vives » [5] que sont les hommes et leur volonté plutôt que fait d’institutions étatiques. Et c’est précisément au mot « idéal » que le philosophe François Jullien attribue la qualité de dénominateur commun européen. Idéal qui, détaché de l’expérience, se dit en anglais, en allemand, en français, en espagnol, en italien, en russe, en polonais de la même façon avec des prononciations différentes, et qui inventé et promu par les pays européens, aurait pu, selon lui, servir de référence [6] lors du vain débat sur la reconnaissance de l’Europe chrétienne ou de l’Europe laïque lors de la rédaction de la Constitution européenne. Quant à l’identification, par Umberto Ecco, de l’Europe à la traduction, elle nous invite à citer longuement Henri Meschonnic qui, dans sa Poétique du traduire en 1999 relevait que l’Europe est « traductrice, de son début méditerranéen, à la Rome hellénisante, au Moyen Âge où Aristote passe par le syrien et l’arabe avant de se lire en latin, au xvie siècle où Calepin fait un dictionnaire dont la dernière édition était en onze langues. L’Europe, dès ses commencements et ses intermittences, n’a cessé de traduire, du sacré au profane, du latin aux langues vulgaires, puis des langues vernaculaires entre elles » [7]. Ce dernier point est important à l’heure du globish dénoncé par Barbara Cassin qui blesse une langue (l’anglais « marqué à la couture par le capitalisme et la philosophie analytique » [8]) tout en détruisant le langage.
2Si bien sûr le formidable essor de cet ensemble de nations est historiquement lié à l’économie du Moyen Âge, à sa natalité, à l’essor des villes comme à ses inventions, religion, idéal et traduction justifient que l’on appréhende l’Europe à partir de la pensée de Madame de Staël qui, choisissant le devoir de « faire naître le désir au lieu de commander l’obéissance » [9], a su saisir la tension dynamique qui, au cœur de ces trois axes, travaille l’Europe, cette incarnation insaisissable.
I – Croire et penser
3À la croisée des xviiie et xixe siècles, comme à la croisée des Lumières et du Romantisme à l’essor duquel elle a plus que contribué, Madame de Staël (1766-1817), autrice d’œuvres théoriques comme d’œuvres de fiction, a travaillé de manière particulièrement remarquable à la circulation des idées et des œuvres entre pays européens, au passage entre langues et cultures comme au développement d’un savoir-faire avec les différences. Car c’est aux différences ou plutôt aux singularités qu’elles s’attachent d’abord, différences et singularités qui résultent des institutions. Différences et singularités permettent l’établissement d’un portrait implicite ou explicite de la France. Mais loin d’être des facteurs d’éloignement, d’opposition ou d’incompréhension, ces singularités, à la connaissance desquelles elle invite ses lecteurs, se révèlent sous sa plume être de ces altérités qui se révèlent sources désirables d’approfondissement de l’identité.
4Voyageuse par désir mais aussi par obligation (Napoléon Bonaparte l’écarte de Paris, de la France), Madame de Staël a ainsi entrepris de dresser un portrait des pays européens à partir de leurs littératures (sous la dénomination « littérature » elle comprend « la poésie, l’éloquence, l’histoire, la philosophie, ou l’étude de l’homme moral » [10] que ces formes d’expression relèvent de « l’imagination » ou de « la pensée »), lesquelles, appréhendées comme des manifestations du caractère national, peuvent être selon elle, originairement déterminées entre autres par les institutions : « qu’est-ce qu’un caractère national, si ce n’est le résultat des institutions et des circonstances qui influent sur le bonheur d’un peuple, sur ses intérêts et sur ses habitudes ? » [11] écrit-elle en 1800 dans son œuvre De La Littérature. Le droit, qu’il organise et établisse des institutions ou qu’il détermine des statuts personnels, apparaît ainsi comme une structure (superstructure diront certains) productrice de réalités façonnantes. Son œuvre, de fiction comme de non-fiction, s’attache à planter de front ou comme fond de décor, cette donnée qui, tel un squelette, donne forme et tenue à un corps, qu’il soit physique ou social. Observatrice empirique, à la fois objective dans la mesure où elle décrit et subjective dans la mesure où elle ne fait pas l’économie de sa perception personnelle qui ne laisse pas intact ce qu’elle décrit, Madame de Staël est attentive aux interactions et au caractère processuel des identités. En ethnologue elle s’immerge dans les pays et sociétés visitées, s’attache à dire ce qui est, bien plus que ce qui n’est pas, puise dans la fréquentation des sociétés littéraires, mondaines, philosophiques ou politiques qui l’accueillent et avec lesquelles elle entretient des relations denses, une légitimité qui enrichit la dimension témoignage présente dans sa démarche qui lie littérature et vie. Parce que présente dans son dire, elle instaure au sein de son écriture une singularité capable d’ouvrir sur une véracité, comme, parce qu’elle est médiatrice au cœur de ce qui est présenté, elle tend vers une neutralisation de la singularité, n’aspirant qu’à une vérité transitoire. Interprète de la réalité en faisant valoir son point de vue (et cela plus encore dans les écrits de fiction) elle remplit aussi une mission informative. Nullement antinomiques ces deux registres qui parrainent son travail lui permettent de n’être ni essentialiste ni constructiviste, si l’on se permet ce type d’anachronisme langagier. Si certains ont pu lui reprocher d’avoir permis la naissance ou la consolidation d’archétypes proches du préjugé, il faut noter que les identités présentées dans ses écrits sont proposées comme le fruit de causes multifactorielles et évolutives. Il s’agit pour elle d’un « phénomène ouvert » [12] dont ses écrits qui sont actes de transmission sont la photographie d’un état daté.
5Ainsi, évoquer le christianisme c’est contextualiser son expansion, replacer l’ampleur de son extension territoriale dans un cadre temporel et institutionnel dans lequel penser et croire, verbes qui ont pu paraître à partir des Lumières antinomiques, coexistent et se codéveloppent. Anticipant la remarque de Fèbvre et Bloch citée en introduction, Madame de Staël, enracinant le présent dans le passé qu’il s’agit de comprendre, affirme ainsi que « la religion chrétienne a été le lien des peuples du nord et du midi ; parce qu’« elle a fondu, pour ainsi dire, dans une opinion commune des mœurs opposées ; et rapprochant des ennemis, elle en a fait des nations, dans lesquelles les hommes énergiques fortifiaient le caractère des hommes éclairés, et les hommes éclairés développaient l’esprit des hommes énergiques » [13]. Un christianisme qui ne se définit plus et pas encore (sous la forme laïcisée de ses valeurs) par opposition à l’Islam, mais qui fait émerger un ensemble faisant figure de bien commun. C’est donc une approche historique qui justifie le choix du christianisme comme ferment d’une Europe en quête d’incarnation. Approche historique qui fait une large place au contexte d’époque (comme le fait pour la littérature antique, d’être dépourvue de modèle qui la précède, explique qu’elle prenne « possession de la terre non encore parcourue, non encore décrite, par l’imagination plus que par l’analyse » [14]) refuse l’anachronisme d’un jugement de valeur depuis le siècle d’où parle Madame de Staël, qui fait preuve ainsi d’un regard en situation. « Je suis convaincue (écrit-elle) que la religion chrétienne, à l’époque de son établissement, était indispensablement nécessaire à la civilisation et au mélange de l’esprit du nord avec les mœurs du midi » [15], achevant ainsi de relever le pouvoir constitutif du christianisme dans l’avènement ou l’émergence d’une identité européenne. Si « l’invasion des barbares fut sans doute un grand malheur les lumières se propagèrent par cet évènement même poursuit-elle, les habitants énervés du midi, se mêlant avec les hommes du Nord, emprunt(ant) d’eux une sorte d’énergie, et leur donn(ant) une sorte de souplesse, qui devait servir à compléter les facultés intellectuelles » [16]. Tandis que les peuples du nord dotés de courage et méprisant la vie (d’où une cruauté demeurée dans l’esprit des peuples soumis), mais pourvus d’une riche imagination, comme d’une mysticité rétive aux lumières, se perdaient dans l’exercice de leur force, les peuples du midi amollis dans la gloire et la volupté se perdaient dans les jouissances, analyse-t-elle en substance. Le christianisme en favorisant la porosité entre ces deux versants, en devenant cette colonne vertébrale commune aux peuples européens a donc œuvré, selon Madame de Staël, à l’harmonisation de ces contraires. Parce qu’elle « considère chaque grande époque de l’histoire philosophique de la pensée, relativement à l’état de l’esprit humain dans cette époque même » Madame de Staël soutient que « la religion chrétienne, lorsqu’elle a été fondée, était, ce me semble, nécessaire aux progrès de la raison » [17]. L’antinomie entre croire et penser serait ainsi levée car écrit-elle « je crois (…) que les méditations religieuses du christianisme, à quelque objet qu’elles aient été appliquées, ont développé les facultés de l’esprit pour les sciences, la métaphysique et la morale » [18]. Quant au plan comportemental et moral elle y voit la source de l’adoption d’un empire du devoir, de la volonté du dévouement, de la certitude de la foi mais aussi d’une égalité entre hommes et femmes dans la mesure où ces dernières deviennent destinataires du même message évangélique que les hommes.
6Cependant, si l’autrice parle de christianisme comme d’une entité entière, elle distingue en son sein les deux branches que sont le catholicisme et le protestantisme, sources de guerres fratricides à l’origine de l’idéal de neutralité axiologique qui anime les pensées libérales dont Madame de Staël est l’une des représentantes. Ces églises distinctes auront une influence chaque fois particulière sur les esprits, dessinant des halos de pensée et de sensibilité identifiables selon les obédiences adoptées par les régions. L’accès au texte de la Bible en langue vernaculaire comme la diffusion même de ce texte, permis tout à la fois par l’avancée technique de l’imprimerie et les idées de la Réforme, ont favorisé le désir de connaissance comme la pratique de l’étude et du questionnement. Le protestantisme a ainsi introduit la philosophie et les lettres en Allemagne, a favorisé la pensée et la pratique de l’examen au détriment du besoin de croire caressé par le catholicisme selon Madame de Staël qui relève que l’enthousiasme religieux qu’elle constate dans les écrits allemands et protestants dans leur ensemble ne fait pas obstacle au fait que le christianisme est un objet d’érudition. Foi et raison ne sont guère antinomiques sous cet angle et convergent dans des œuvres alliant mysticisme et analyse. Tandis qu’en pays catholique la ferveur raisonneuse évacuera la foi comme la foi exilera la raison. Ainsi son personnage Oswald affirme « Si j’aime la raison dans la religion, c’est-à-dire, si je repousse les dogmes contradictoires et les moyens humains de faire effet sur les hommes, c’est parce que je vois la divinité dans la raison comme dans l’enthousiasme, et si je ne puis souffrir qu’on prive l’homme d’aucune de ses facultés, c’est qu’il n’en est pas trop de toutes pour connaître une vérité que la réflexion lui révèle, aussi bien que l’instinct du cœur, l’existence de dieu et l’immortalité de l’âme » [19].
7Dans son œuvre « d’imagination » Delphine, Mme de Staël insiste sur la dimension émancipatrice qui découle de cet examen protestant qui peut ébranler les dogmes. L’institution du mariage comme sacrement et comme institution est ainsi remise en cause par la prise en compte de la dimension « consentement » (déjà prise en compte par l’Église catholique lorsque celle-ci était en conflit avec l’autorité royale – Roméo et Juliette raconte ce conflit entre deux instances et deux conceptions du mariage – mais qu’il convient d’actualiser) qui peut contrer la norme sociale qui, résistante, peut condamner à l’isolement. Madame de Lebensei, personnage du roman Delphine, femme française vivant en France mais divorcée et remariée à un protestant, dénonce la dénaturation de l’esprit du christianisme, lequel « inspire la bienfaisance et l’humanité ; et par de singulières interprétations, il se trouve qu’on en a fait un stoïcisme nouveau, qui soumet la pensée à la volonté des prêtres » [20]. Elle conclut ainsi, « je compris très vite qu’une femme qui ne se soumet pas aux préjugés reçus doit vivre dans la retraite, pour conserver son repos et sa dignité » [21]. Sa vie éloignée de la société s’explique selon elle par le fait que « lorsqu’on prend une résolution contraire à l’opinion générale, rien ne vous soutient que vous-même » [22], faisant état ainsi de cette condition de minorité qui était alors celle des protestants.
8Ces divergences cependant ne sont pas de nature à remettre en cause le rôle profondément harmonisant que Madame de Staël attribue au christianisme. Mais cette valorisation du christianisme ne doit pas faire croire que Madame de Staël est dépourvue d’esprit critique à son égard. En effet, si sur le plan individuel l’autrice souligne les bienfaits de la foi dans la mesure où elle « ouvre une longue carrière à l’espérance et trace une route précise à la volonté » [23] ce qui est d’une « utilité souveraine dans les situations désespérées » [24] mais aussi pour la vie tout entière « lorsqu’on a reçu du ciel cette profonde conviction (l’inébranlable foi qui) suffit à la vie » [25] et si sur le plan collectif elle souligne l’apport bénéfique voire la nécessité de la religion, notamment dans Circonstances actuelles, où elle souligne combien « l’espoir d’un recours au delà du monde, au delà de la vie », je ne sais dans quel point de l’univers sensible est vital pour la nature humaine car « sans ce recours, ô ciel, que deviendrait-(elle), que deviendrait l’homme sous le joug de l’homme, et le cœur plein de pitié jeté dans la foule des êtres cruels ? », Madame de Staël n’est pas sans réserve à l’égard de ce pansement constitutif d’une sorte de bien commun. Ainsi elle est conduite à ne pas admettre « la religion parmi les ressources que l’on trouve en soi » pour accéder au bonheur. Parce que cette dernière est absolument indépendante de notre volonté, puisqu’elle nous soumet et à notre imagination, et à celle de tous ceux dont la sainte autorité est reconnue », et est en cela en parfaite et totale contradiction avec le système qu’elle, Madame de Staël, défend selon lequel « la liberté absolue de l’être moral est érigée comme son premier bien » [26].
9C’est donc bien en tant qu’institution façonnante par son corpus de textes et de lectures qu’à l’aube du xixe l’auteur de Delphine élit le christianisme comme indice et facteur d’Europe.
II – Être soi ou la vie vivante
10Alors que la Révolution Française instaure le règne de la loi et donc celui de la formalisation, Madame de Staël dénonce le règne de la conformation, c’est-à-dire celui, informel mais combien sévère et efficace, de l’opinion. Idéal, ce règne de la loi sous tutelle de l’idée ignore cependant a priori l’expérience en posant un devoir être réputé adapté aux réalités, tandis que celui de l’opinion s’inscrit dans une réalité convertie en représentation. À l’arrivée deux représentations sont en concurrence bien que destinées à terme à se fondre, l’une dans l’autre, non sans un combat long et incertain comme le roman épistolaire Delphine en témoigne. La difficulté rencontrée par la loi fait écho à celle de l’authenticité ou du « être soi-même », autre idéal, qui, selon les époques et les lieux recouvre divers visages, se heurte à ce qui dans le social s’impose, jusqu’à l’intériorisation en chacun, aussi fort qu’une loi. Ainsi Oswald, l’homme aimé de Corinne et qui aime Corinne, habité par la douleur de la séparation pensée comme temporaire d’avec la poétesse italo-britannique qui l’attend en Italie, se retrouve lui-même en approchant de l’Angleterre. Car ici être soi-même a de forts liens avec le sentiment d’une familiarité, d’un confort qui donne lieu à un portrait du monde anglo-saxon peu compatible avec l’improvisation : « Il reprenait (…) une sorte de fixité dans les idées (…) Dès qu’il eut mis le pied sur la terre d’Angleterre, il fut frappé de l’ordre et de l’aisance, de la richesse et de l’industrie qui s’offraient à ses regards ; les penchants, les habitudes, les goûts nés avec lui se réveillèrent avec plus de force que jamais. Dans ce pays où les hommes ont tant de dignité, et les femmes tant de modestie, où le bonheur domestique est le lieu du bonheur public, Oswald pensait à l’Italie pour la plaindre » [27]. Le Britannique se distingue de l’italien, la terre britannique se distingue de la terre italienne car tandis qu’ici la raison règne là la confusion, la faiblesse et l’ignorance gouvernent. Dès lors le Britannique risque d’être de ces « êtres froids qui, aimant, comme ils font toutes les autres actions de leur vie, consacrent à l’amitié tel jour de la semaine, règlent par avance quel pouvoir sur leur bonheur ils donneront à ce sentiment, et s’acquittent d’un penchant comme d’un devoir » [28], en cela gestionnaires de leur vie bien plus que vivants de vie ? Ce qui ne semble pas les priver de charme puisque Delphine écrira à Mademoiselle d’Albémar, sa belle-sœur : « Je crois en général, qu’un homme d’un caractère froid se fait aimer facilement d’une âme passionnée ; il captive et il soutient l’intérêt en vous faisant supposer un secret au-delà de ce qu’il exprime, et ce qui manque à son abandon peut, momentanément du moins, exciter davantage l’inquiétude et la sensibilité d’une femme » [29]. S’il faut laisser à Delphine cette considération, il convient de retenir de son autrice que ce sont les modalités du sentir comme de l’expression qui transfigurent ce réel commun au point de faire du « être-soi » un être apparemment caméléonesque : « Il y a chez les diverses nations une façon différente de jouer la tragédie (mais) l’expression de la douleur s’entend d’un bout du monde à l’autre ; et depuis le sauvage jusqu’au roi, il y a quelque chose de semblable dans tous les hommes, alors qu’ils sont vraiment malheureux » [30]. Si une vérité résiste à ces états divers, elle n’est cependant pas exempte de relativité : « je sais que la douleur est une sensation relative, qu’elle se compose des habitudes, des souvenirs, des contrastes, du caractère enfin, résultat de ces diverses circonstances » [31].
11Entre masques et impersonnalité, le soi relève d’une expérience qui, selon les époques et les lieux, ressemble aussi bien à l’arrachement à un donné de départ qu’à une adéquation fidèle à des particularités revendiquées comme propres. Il n’est pas question ici de faire la généalogie [32] de cette préoccupation, cependant il convient de revenir à Jean-Jacques Rousseau dont l’œuvre lue et commentée par l’autrice de Delphine ouvre à une définition de l’authenticité qui éclaire les propos de cette dernière. Vérité personnelle, le soi authentique s’oppose à l’hypocrisie de la vie sociale ; pas de place ici donc pour les dénonciations foucaldiennes faisant de la pratique de la confession le prolongement des techniques de l’aveu. Bien au contraire. Se préserver ou refuser l’hypocrisie des mœurs en élisant une forme de nudité des propos comme des sentiments est le signe d’une liberté, d’une majorité affranchissant chacun d’une représentation qui affecte d’abord le rapport à soi puis le rapport à l’autre. Cette vérité émancipée de la correspondance et enracinée dans la subjectivité est un idéal de franchise qui a traversé l’Europe selon des modalités différentes. Là encore le rôle de l’histoire comme des institutions est déterminant. Ainsi si l’originalité est permise en Angleterre c’est que « la masse est bien réglée » tandis qu’en France l’instabilité des institutions conduit à faire de l’imitation un « lien social ». Si en Allemagne chacun est à sa place dans la mesure où chacun se définit par son rang de naissance ou acquis par diplôme, en France où les avantages relèvent plus des manières que des idées et où « une faute de goût » peut vous faire déchoir du monde, la médiocrité [33] semble seule victorieuse, dans la mesure où elle favorise l’imitation, le conformisme, l’adoption de manières permettant une identification sociale. La distinction relèverait paradoxalement en France de l’adoption du bruit des paroles majoritaires. Sans doute parce que selon l’autrice de Corinne « Un Français s’ennuierait d’être seul de son avis comme d’être seul dans sa chambre » [34], comme on a vu dans les scrutins secrets « des députés donner leur boule blanche ou noire contre leur opinion, seulement parce qu’ils croyaient la majorité dans un sens différent du leur, et qu’ils ne voulaient pas, disaient-ils, perdre leur voix » [35]. Quant à l’espagnol dont Léonce sera le représentant dans Delphine, il apparaît aliéné à l’opinion. Sous les traits certes de l’honneur mais qui n’en relève pas moins de l’opinion. Ainsi préfèrera-t-il être jugé et condamné à mort pour un acte qu’il n’a pas accompli plutôt que de détromper ses congénères qui pensent qu’il les a rejoints dans la contre-révolution. Ainsi laissera-t-il Delphine comprendre que l’infléchissement des lois en matière de divorce et de rupture de vœux monastiques ne lavera pas leur mariage des tâches originelles qui lui sont liées et que retient la société qui les entoure, entant ainsi profondément ses sentiments. Être soi-même en Espagne ce n’est pas « rentrer dans les limites de sa propre figure » [36] ou être accord entre soi et l’individu dans sa singularité, ou encore être dans le dénuement de tout rôle, mais accomplir son humanité dans une morale en acte que l’on pourrait confondre avec des rites, des étiquettes, un formalisme qui peuvent amener à préférer la conformité à la sincérité, qui peuvent conduire à confondre devoirs envers soi-même et devoirs dus à son rang, qui condamnent, s’il est possible de caricaturer ce type d’attitude, à remplacer « toute âme personnelle par l’âme banale », à savoir la moutonnerie universelle décrite par Amiel dans le prolongement du troupeau de Rousseau.
12Le droit, dire et instance, est ce bras armé ou éclaireur de l’artificialité en mettant en œuvre ou en confortant un devoir, une assignation [37] à être tel ou tel alors même qu’il peut être émancipateur. Droit comme opinion, bien que de natures distinctes, relèvent à ce moment-là de ces entraves à la vie qui brouillent toute tentative de déploiement ou consacre une valeur, ici l’autonomie de la volonté du sujet, sans fondement enraciné dans le réel. Or ce n’est pas le pulsionnel qui est entravé (comme pourrait le laisser penser le développement du « moi » de la pensée petite-bourgeoise qui élit le « bizarre » en synonyme de singulier et qui expose à la grégarité) mais la vie et son besoin de « s’excéder, se transfuser » [38] comme l’écrit fort justement Nicolas Grimaldi. Delphine, éduquée par son défunt mari à la liberté, Corinne, artiste et créatrice au point d’être à elle seule la fécondité comme symptôme et fruit de la vie vivante, incarnent cette puissance de la vie qui convoque le devenir/déploiement de soi-même, ce jour intérieur de l’immensité ; et ce, non parce que femmes elles seraient plus douées pour la vie (même si l’amour ce « grand opérateur du devenir soi chez Marivaux, cette grande aventure de l’existence – celle qui en nous mettant à l’épreuve, nous arrache aux images rassurantes de nous-mêmes » [39] – semble de l’affirmation même de Madame de Staël la grande affaire des femmes privées d’autres espaces de développement), mais parce que celles-ci, entravées plus sûrement que les hommes par leur statut légal (qui rend jusqu’à leur identité incertaine), sous le joug de ce que l’on peut appeler « l’identité-jugement » [40], font l’expérience plus profondément que les hommes de l’horreur de l’artifice qui les contraint à vivre à côté d’elles-mêmes, séparées et amputées d’elles-mêmes, artifice qui « rend tant de femmes dissimulées » [41]. Là encore le réel d’une histoire, cette fois personnelle, se trouve conditionné par le droit, les institutions consacrées par une société. Qu’il s’agisse des capacités et incapacités attachées à une personne ou des qualifications et qualités qui dessinent les contours de la liberté ou encore de l’occupation de la sphère privée non encore définie par la sphère publique, les femmes sont socialement mutilées, voilées. Une véritable assignation à être telle ou telle découle de ce maillage juridique qui enserre, partout en Europe, le devenir de leurs existences. Les destinées de Delphine et Corinne, toutes deux vierges héroïques si l’on reprend la classification de Nathalie Heinich [42], illustrent le fait qu’être soi-même dans les pays européens se décline certes de manières différentes mais découlent à chaque fois de la confluence de normes édictées par les institutions et de normes que l’on dira coutumières dans la mesure où elles ne relèvent pas de la loi mais des mœurs. Dans tous les cas la vie y est comprimée et l’authenticité impossible voire inconnaissable. Ce qui n’exclut pas la résistance, si l’on en croit Delphine : « La vérité doit nous valoir le suffrage des autres, ou nous apprendre à nous en passer » [43]. Et si le roman condamne Delphine à ne pouvoir espérer de la loi un affranchissement dont l’opinion comme Léonce ne reconnaissent pas la validité, le Romantisme, qui irrigue et traverse toute l’Europe à partir de la fin du xviiie siècle à la faveur de la circulation des œuvres entre pays européens, s’attache à desserrer l’étau qui masque et pervertit le soi, quel que soit le genre initial de ce soi-même. Dans ses réflexions sur le but moral de Delphine Madame de Staël concède que ce soi-même peut éloigner des autres : « la plupart des êtres distingués ont-ils fini par vivre loin du monde, fatigués qu’ils étaient de la banalité des jugements, des observations et des avis qu’on leur donnait en échange de leurs idées naturelles et de leurs impressions profondes » [44]. Mais l’on peut aussi ajouter, au-delà de la solitude pressentie alors, que la privatisation des valeurs que suppose cette récusation des limites et assignations publiques, salutaire en des temps de publicisation de la vie, aboutira en des temps ultérieurs à l’effacement de toute ambition de la loi comme de l’État à dresser des règles limitatives ou ordonnatrices, état et législateurs s’inclinant ou se réfugiant dans un tout contractuel qui fait fi de ce « possible en partage » [45] qu’est la vulnérabilité constitutive de la personne humaine livrée à sa liberté/émancipation abstraite.
13Si le soi peut se résumer à une attente en excès (parvenir à être soi alors que le cheminement de la vie ne semble pas rejoindre l’horizon désiré), la loi, idéal qui tend à imprimer une forme-norme extérieure dans une matière, à dessiner les contours des vies qui doivent s’y ajuster, qui requiert du regard qu’il soit « porté sur » le modèle subsumé à imiter ou rejoindre, peut certes tenir par la terreur, mais ne s’actualise dans les faits que dans le consentement impalpable et informe de ses sujets. Or ceux-ci sont bien souvent sous l’emprise d’une représentation des choses et du monde structurée et hiérarchisée qui peut résister durablement à l’emprise de la loi. D’où le fait que la question du divorce entre époux excède la sphère privée car la résistance de certains pays au divorce, si elle peut relever du catholicisme dominant et donc de la dimension sacramentale, relève aussi de cette analogie entre consentement/dissentiement adressé à son conjoint et consentement/dissentiment adressé à son souverain. Les pays européens, à l’époque, sont traversés par cette tension à des degrés divers. Si Madame de Staël constate combien le caractère dissoluble ou indissoluble des liens du mariage affecte la relation conjugale, l’existence du divorce en Allemagne conférant aux couples mariés une harmonie calme (qu’elle explique aussi par la place de l’homme dans la société qui y diffère de celle de l’homme en France) qui lui paraît remarquable, elle relève aussi combien la loi peut être impuissante face à la force des rites. Comme la revendication d’authenticité l’idéal légaliste échoue devant la question de la légitimité des fondements qui en consume la prétention à la puissance. Authenticité et loi sont assujetties à l’opinion, aux mœurs, à la pesanteur des habitudes/coutumes. L’idéal, qu’il s’agisse d’être-soi-même ou de la loi, rencontre l’obstacle du réel (conciliation pourtant désirée avec ferveur par les romantiques) dont il a cru pouvoir s’affranchir en instaurant une sorte de modélisation ignorant la dimension phénoménologique à l’œuvre dans la vie sociale. Les différences entre pays européens existent dans la mesure où l’idéal n’est pas nécessairement le même, en revanche le rapport à l’idéal est le même, à savoir une « aspiration sans fin », « une quête illimitée » [46], une tension entre l’horizon qui se dérobe et le manque qui le convoque. Ce rapport à l’idéal puise ses racines dans le monde grec cette fois, l’Europe chrétienne étant très loin d’être exempte d’antériorités géographiquement décentrées. Par la référence à la Bible et à la philosophie grecque l’Europe s’enracine donc dans l’acte de traduire.
III – Approfondir
14Si l’Europe est d’abord sous la plume de Madame de Staël un ensemble de nations singulières dont les identités, à travers les œuvres lues dans la langue d’origine, se révèlent conditionnées par les institutions, elle est aussi un espace de traduction à la croissance duquel l’autrice polyglotte a exemplairement contribué. Présenter, traduire, adapter, suppose un travail de fidélité et de contextualisation, de respect et d’intermédiation. Madame de Staël demeure attachée à sa méthode explicative qui doit favoriser l’accueil des œuvres (que celles-ci relèvent de la poésie, de la philosophie, du roman), renverser les a priori et incompréhensions. En 1800 dans son ouvrage De La littérature elle affirme que « ce que l’on appelait l’esprit français, la grâce française, n’était que l’effet immédiat et nécessaire des institutions et des mœurs monarchiques, telles qu’elles existaient en France depuis quelques siècles ». De ces formes formantes il découle par exemple que « les ouvrages des Allemands sont d’une utilité moins pratique que ceux des Anglais ; ils se livrent d’avantage aux combinaisons systématiques, parce que n’ayant point d’influence par leurs écrits sur les institutions de leur pays, ils s’abandonnent sans but positif au hasard de leur pensée » [47]. Par ailleurs l’émiettement des centres intellectuels ou l’inexistence d’une « grande ville qui servirait de point de ralliement » [48] en Allemagne font du penseur allemand un homme solitaire, nullement aimanté par une quelconque école, par un maître dont il serait le disciple, peu asservi à l’air du temps (l’influence française alors en vogue et d’ailleurs encouragée par le souverain est repoussée) comme au désir de plaire. À cet isolement s’ajoute dans les villes du nord le temps qui y « tombe goutte à goutte » [49] qui, peut-être, explique que « la mélancolie, ce sentiment fécond en ouvrages de génie, semble appartenir presque exclusivement aux climats du nord » [50]. La force de la pensée, l’intérêt des idées, l’absence de rapport avec les affaires publiques mais aussi les paysages, le froid blanc font des auteurs allemands une communauté créatrice richement dotée en imagination et abstraction au point que penser et agir semblent n’avoir aucun rapport ensemble et que la vérité ressemble « à la statue de Mercure nommé Hermès, qui n’a ni mains pour saisir, ni pieds pour avancer » [51]. La pensée y semble affranchie du rapport au réel comme la poésie ou le théâtre s’enracinent dans un passé d’ancienne chevalerie, de « christianisme enté sur la mythologie scandinave » [52], d’enthousiasme de la mort. Un mysticisme profond irrigue penseurs et poètes, philosophes et écrivains, tous réunis dans un commun désir, celui de « substituer au factice de la société, non l’ignorance des temps barbares, mais une culture intellectuelle qui ramène à la simplicité par la perfection même des Lumières » [53]. `On voit ici combien tout semble concourir à un âge philosophique en Allemagne tandis qu’en Italie, du fait même de ses institutions, cet âge n’est pas advenu et n’a pu enrichir, alimenter la poésie réduite à se répéter. Le roman Corinne ou l’Italie publié en 1807 s’attarde sur ce handicap y voyant l’origine d’une langue devenue outil musical vide de sens et de vérité. Une Italie littérairement bégayante du fait de la servitude politique, de l’occupation napoléonienne et qui ne comprend le patriotisme que comme fermeture aux autres nationalités, que comme surdité qui ferait rempart. Le roman, espace de liberté bien plus que les contributions que Mme de Staël est conviée à livrer en Italie en 1816, insiste sur le gain qu’il y aurait pour les Italiens à traduire, comme l’on fait les Allemands, les auteurs anglais, allemands, français. Ce, non pour imiter mais pour s’affranchir du convenu et connaître, non pour perdre la dimension nationale mais pour que du nouveau surgisse de cette ouverture, comme Corinne, profondément italienne (mais anglaise aussi), avoue l’importance de la poésie anglaise dans le déploiement de son art. « Transporter d’une langue à l’autre les chefs-d’œuvre de l’esprit humain » [54], favoriser la circulation des idées, se garder de rêver à une langue unique qui ne serait que « morte et factice », éviter de « donner sa propre couleur à tout ce qu’on traduit » comme le font les Français ou certains Allemands traduisant L’Iliade, c’est, paradoxalement, tendre à l’universel sans gommer l’empreinte du temps. C’est faire de Shakespeare ou de Shiller des compatriotes, c’est rompre avec ce qui éteint la littérature italienne à savoir son partage entre « les érudits qui sassent et ressassent les cendres du passé, pour tâcher d’y retrouver encore quelques paillettes d’or, et les écrivains qui se fient à l’harmonie de leur langue pour faire des accords sans idées, pour mettre ensemble des exclamations, des déclamations, des invocations où il n’y a pas un mot qui parte du cœur et qui y arrive » [55]. L’ouverture contre l’usure, celle qui fait de l’italien « de toutes les langues d’Europe la moins propre à l’éloquence passionnée de l’amour (pour en avoir trop parlé), comme la nôtre est maintenant usée pour l’éloquence de la liberté » [56].
15Italiens comme français sont également tributaires de l’existence ou non de centres intellectuels, ceux-là mêmes qui font défaut en Allemagne, mais d’autres paramètres, historiques et institutionnels, interviennent. Le français par exemple, parce que l’absolutisme a su humilier et réduire à la marionnette la noblesse frondeuse, a développé un esprit noué de prudence et de conformisme, « décorant la soumission la plus dévouée des formes de la liberté », conservant dans ses rapports avec son maître « une sorte d’esprit de chevalerie (…) afin de se donner l’air de choisir le joug » qu’il porte, « mêlant ainsi l’honneur avec la servitude », essayant de « se courber sans s’avilir » [57]. Double jeu illustré par Voltaire dont elle sait saisir les paradoxes, lui qui « voulait éclairer la société plus que la changer » car la « grâce piquante’’ et le « goût exquis » qui régnaient dans ses ouvrages « lui rendait presque nécessaire d’avoir pour juge l’esprit aristocratique » [58] ; tandis que l’absence de liberté en Italie a réduit la création à l’idolâtrie de l’Antique.
16Lire l’œuvre de Madame de Staël permet d’embrasser l’ampleur de ses lectures, la variété de ses rencontres, la richesse de ses jugements, l’énergie traductrice mise au service des œuvres des autres, la puissance désirante de la gravité mise dans cet accueil actif de l’autre. Il ne s’agit pas ici de les résumer ni même d’énumérer les noms des auteurs et des œuvres (poétiques, dramatiques, romanesques, philosophiques), mais de saisir l’importance que Madame de Staël accorde à la diffusion des œuvres en dehors de leur territoire, à la traduction comme moyen de transmission et de création, à l’influence comme fanal de singularité renouvelée et œuvrant. Car l’Europe est riche de langues [59]. Celle des Allemands par exemple « n’est pas fixe (…). Il est trop aisé d’écrire l’allemand assez bien pour être publié ; trop d’obscurités sont permises, trop d’idées communes accueillies, trop de mots réunis ensemble ou nouvellement créés » [60], ce qui favorise la médiocrité, selon Madame de Staël, l’invisibilité du génie. Langues qui chacune sont un monde de pensée, de représentations, un foyer de textes et d’histoire fluctuante ; comme, bien plus tard, le professeur de La Confusion des sentiments de Stefan Zweig rend bien compte de ces moments où pullulent des œuvres dans une sorte d’éruption continue et où par une même convulsion l’énergie d’un pays semble s’éteindre, épuisée et « pendant des centaines d’années le brouillard gris et humide de la Tamise pèse lourdement sur l’esprit : dans une génération unique (celle de Shakespeare) une génération a gravi tous les sommets de la passion, en a foulé les abîmes, a mis à nu ardemment son âme exubérante et folle » [61]. Des langues qui sont des foyers d’auteurs et de culture, d’équivoques et d’ »intraduisibles » que la traduction ne doit pas aplanir ou éluder mais au contraire mettre en valeur sans cependant faire de la rugosité ou de l’oscurité un critère de fidélité. La traduction, comme le droit de la propriété littéraire l’a reconnu depuis fort longtemps, est une œuvre et non un procédé automatique de correspondances, une création née de et à travers l’écart entre langues, né de et à travers l’écart entre sens et univers mentaux. Une création qui dévoile combien l’idée résonne de l’empreinte du mot. Une création qui suppose la singularité, l’originalité du traducteur comme de l’auteur traduit, car une traduction n’est pas une copie, ne se réduit pas au lexical. Une traduction se doit d’embrasser bien plus que des mots, une histoire des peuples comme de la pensée, un enchâssement de conceptions et de pratiques, de sensibilités comme de contextes. De même, s’ouvrir à une autre littérature ce n’est pas risquer la copie mais au contraire s’approfondir, gagner un espace renouvelé affranchi du même comme de l’emprunt. « Les génies de tous les siècles et de tous les pays s’aident toujours en s’approfondissant mutuellement » [62] répond-elle à ses détracteurs proches du repli identitaire, concluant : « Ne renoncez ni à votre soleil, ni à vos beaux-arts, ni à votre grâce, ni à votre vivacité naturelle, mais instruisez-vous sur toutes choses encore et sans cesse, et souvenez-vous que l’inspiration même, ce miracle du ciel, s’opère sur la terre par l’étendue et la variété des connaissances. Depuis Homère jusqu’à nos jours, les grands poètes ont cherché presque autant que les philosophes soit par les traditions, soit par les voyages, soit ensuite par les études et par les livres comment ils pourraient recueillir de nouvelles vues sur cet univers que leur génie les appelait à célébrer » [63]. Ouverture aux autres littératures et traductions ne sont pas des moyens d’hybridation ou de métissage mais des actes d’approfondissement, de connaissance qui participent à l’originalité de la création d’une nation. Transferts culturels et translocations dessinent les contours d’une communauté de sensibilité et de pensée sans toutefois aboutir à une uniformisation du type de celle qui a découlé de la colonisation américaine via le cinéma (auquel les portes ont été massivement ouvertes par le plan Marschall en contrepartie des aides financières apportées par celui-ci) ou des normes comptables et juridiques véhiculées par les contrats transnationaux. L’Europe ne saurait être un espace de domination ou d’hégémonie d’une puissance sur les autres, mais plutôt un espace-substance, si l’on adopte le vocabulaire de Bachelard, là où intimité et monde « deviennent consonants » [64].
17On voit combien parler d’une identité c’est s’inscrire dans un travail qui relèverait « de l’ordre de l’arborescence évolutive plutôt que de la ligne » [65], comme le dit Barbara Cassin de la traduction. L’identité, sans être une fable philosophique [66] au sens où l’entend P.A. Taguieff, est le fruit fluctuant de processus narratifs qui mettent en forme des représentations qui semblent désigner « une évidence, un « je-ne-sais-quoi » et une énigme » [67]. C’est un enracinement processuel par succession d’infléchissements comportementaux et intellectuels, organiques et institutionnels, qui induit et prédispose sans que la causalité puisse en constituer le moteur. Et, plurielle lorsqu’il s’agit de celle de l’Europe, cette identité gazeuse ressemble à un horizon qui crée de l’être, à une image qui pense, tout en ayant l’énergie distinctive de ces marqueurs symboliques qui permettent d’identifier l’autre, l’Oriental, l’Africain ; mais aussi l’Anglais, l’Allemand, l’Italien. Si les institutions nationales parviennent alors à donner figure au domaine intellectuel comme à ses productions, il n’est pas encore question d’institutions européennes susceptibles de donner corps et forme à un domaine intellectuel et à ses productions qui pourraient se dire européens. Libérale au sens où elle travaille à réduire l’emprise de l’état sur la vie tant économique que privée (la vie privée est alors à inventer, et l’exigence d’une neutralité axiologique de l’État et des lois n’est qu’un horizon désirable qui ignore sa dépendance à un consensus hérité qui servirait de substrat à une société), Madame de Staël fait confiance au commerce qu’entretiennent entre eux écrivains et philosophes des pays européens pour porter et féconder un pluriel singulier. Car l’Europe n’aurait peut-être de réalité que dans l’échange en tant que mouvement génésique excluant toute fixité.
18L’écriture de Madame de Staël, partagée entre essais (dont l’écriture rigoureuse se tient éloignée des faux agréments qui, selon elle, polluent les écrits d’idées de certains auteurs allemands – « Les Allemands ont quelques fois le défaut de vouloir mêler aux ouvrages philosophiques une sorte d’agrément qui ne convient en aucune manière aux écrits sérieux. Ils croient ainsi se mettre à la portée de leurs lecteurs ; mais il ne faut jamais supposer à ceux qui nous lisent des facultés inférieures aux nôtres » [68]) et romans (prise de chair des idées dont le souffle anime les personnages autant que le souffle des personnages les anime), est vivante d’une volonté de savoir qui ne se prétend pas garante de vérité, mais voudrait contaminer de sa faim. À la lumière de notre époque ses analyses peuvent être retenues tout en étant actualisées ; car l’Europe est bien toujours traversée par des valeurs communes dont elle expérimente la fragilité face au relativisme dont elle a aidé le développement et face aux revendications identitaires et communautaires qui la nient. Bien sûr ses valeurs ne sont plus qualifiées de chrétiennes mais elles donnent corps à un ensemble de principes (souvent d’origine chrétienne mais laïcisés sur le plan formel) auxquels les citoyens européens accordent leur foi. Car l’Europe croit toujours également en cet idéal d’un sujet mû par l’autonomie de sa volonté, émancipé du souverain, capable de délibération, comme si psychanalyse, sociologie, anthropologie n’avaient troublé cette représentation porteuse d’un devoir être à conquérir bien plus que d’un état de fait, abandonnant ainsi de plus en plus le sujet à la tyrannie contractuelle qui suppose l’égalité entre contractants infiniment responsables et finalement radicalement seuls dans un espace où l’érosion des valeurs communes est érosion de tout langage commun. Enfin, l’Europe, multilingue, demeure un espace où règne l’équivocité imparfaite qui féconde l’écart, le possible qui « à l’épreuve de l’étranger » se déploie, rompt avec la fixité, ouvre au transitoire sans pour autant conduire au relativisme. Bien sûr les temps ont changé mais la pensée de Madame de Staël sur ces trois axes (et il faudrait s’avancer dans son travail sur la Révolution Française et ses accents universalistes et dans bien d’autres de ses écrits pour espérer identifier les voies européennes dans son œuvre) ne saurait être disqualifiée pour autant ; et au-delà de ses apports indéniables à la pensée, Madame de Staël a su admirablement parler de cette « grande jouissance » qu’est l’exercice de la pensée, parvenant par son écriture à faire éprouver ce plaisir de l’énergie travailleuse et chercheuse tout aussi comblante que celle qui occupe le corps sportif ou laborieux déployé. « Sois qu’on lise, soit qu’on écrive, l’esprit fait un travail qui lui donne à chaque instant le sentiment de sa justesse ou de son étendue ; et sans qu’aucune réflexion d’amour-propre se mêle à cette jouissance, elle est réelle, comme le plaisir que trouve l’homme robuste dans l’exercice du corps proportionné à ses forces » [69]. Cette « grande jouissance », à la fois énergie désirante et jouissance d’être déployée, étant l’indice certain d’un « soi-même » s’éprouvant vivant, de ce « grand désir » dont parle Robert Misrahi. Et de ce fait, méthode et joie spacieuse [70] font de l’œuvre de Madame de Staël une œuvre dotée d’une réelle et très précieuse densité de vie qui s’efforce d’être cet esprit véritable qui n’est pas « autre chose que la faculté de bien voir » [71].
Notes
-
[1]
Régis Debray, L’Europe fantôme, Tracts Gallimard, 2019, p. 42.
-
[2]
Régis Debray, L’Europe fantôme, Tracts Gallimard, 2019, p. 36.
-
[3]
Lucien Fèbvre, L’Europe, Librairie académique Perrin, 1999, p. 101.
-
[4]
Lucien Fèbvre, L’Europe, Librairie académique Perrin, 1999, p. 131.
-
[5]
Lucien Fèbvre, L’Europe, Librairie académique Perrin, 1999, p. 86.
-
[6]
François Jullien, L’Invention de l’idéal et le destin de l’Europe, Folio Gallimard, 2017, p. 11.
-
[7]
Henri Meschonnic, Poétique du traduire, Verdier, 1999, p. 34.
-
[8]
Barbara Cassin, Éloge de la traduction, Fayard, 2016, p. 17.
-
[9]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1995, p. 78.
-
[10]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1991, p. 90.
-
[11]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1991, p. 271.
-
[12]
Nathalie Heinich, Ce que n’est pas l’identité, Le Débat/Gallimard, 2018, p. 106.
-
[13]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1995, p. 189.
-
[14]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1995, p. 92-93.
-
[15]
Madame de Staël, De La littérature considérée sans ses rapports avec les institutions sociales, Œuvres complètes, série I, œuvres critiques tome 2, Honoré Champion, p. 186.
-
[16]
Madame de Staël, De La littérature considérée sans ses rapports avec les institutions sociales, Œuvres complètes, série I, œuvres critiques tome 2, Honoré Champion, p. 186.
-
[17]
Madame de Staël, De La littérature considérée sans ses rapports avec les institutions sociales, Œuvres complètes, série I, œuvres critiques tome 2, Honoré Champion, p. 187.
-
[18]
Madame de Staël, De La littérature considérée sans ses rapports avec les institutions sociales, Œuvres complètes, série I, œuvres critiques tome 2, Honoré Champion, p. 186.
-
[19]
Madame de Staël, Corinne ou l’Italie, Folio classique, Gallimard, 1985, p. 262.
-
[20]
Madame de Staël, Delphine, Gallimard, Folio classique, 2017, p. 641.
-
[21]
Madame de Staël, Delphine, Gallimard, Folio classique, 2017, p. 252.
-
[22]
Madame de Staël, Delphine, Gallimard, Folio classique, 2017, p. 260.
-
[23]
Madame de Staël, « De L’influence des passions sur le bonheur », Œuvres complètes, série I, œuvres critiques, tome 1, p. 257.
-
[24]
Madame de Staël, « De L’influence des passions sur le bonheur », Œuvres complètes, série I, œuvres critiques, tome 1, p. 257.
-
[25]
Madame de Staël, « De L’influence des passions sur le bonheur », Œuvres complètes, série I, œuvres critiques, tome 1, p. 256.
-
[26]
Madame de Staël, « De L’influence des passions sur le bonheur », Œuvres complètes, série I, œuvres critiques, tome 1, p. 264.
-
[27]
Madame de Staël, Corinne ou l’Italie, Folio classique, Gallimard, 1985, p. 447.
-
[28]
Madame de Staël, De L’influence des passions sur le bonheur, in Œuvres complètes, série I, œuvres critiques, tome 1, sous la direction de Florence Lotterie, Honoré Champion, 2008, p. 246.
-
[29]
Madame de Staël, Delphine, Gallimard, 2017, p. 84.
-
[30]
Madame de Stael, Corinne ou l’Italie, Folio classique, Gallimard, 1985, p. 481.
-
[31]
Madame de Staël, Réflexions sur le procès de la reine, Mercure de France, 1999, p. 53.
-
[32]
Pour cela nous renvoyons au remarquable ouvrage de Claude Romano, Être soi-même, une autre histoire de la philosophie, Gallimard, 2019.
-
[33]
Voir Madame de Staël, « De l’esprit de conversation », De L’Allemagne, GF Flammarion, 1968, p. 106.
-
[34]
Madame de Staël, « De l’esprit de conversation », De L’Allemagne, GF Flammarion, 1968, p. 106.
-
[35]
Madame de Staël, « De l’esprit de conversation », De L’Allemagne, GF Flammarion, 1968, p. 107.
-
[36]
Claude Romano, Être soi-même, une autre histoire de la philosophie, Gallimard, 2019, p. 15.
-
[37]
Sandra Travers de Faultrier, Gide, L’Assignation à être, Michalon, 2005.
-
[38]
Nicolas Grimaldi, Traité des solitudes, PUF, 2003, p. 208.
-
[39]
Claude Romano, Être soi-même, une autre histoire de la philosophie, Gallimard, 2019, p. 466.
-
[40]
Sandra Travers de Faultrier, « L’Identité-jugement », Les Cahiers de la justice, 2010/2, p. 157-163.
-
[41]
Madame de Staël, Delphine, Gallimard, Folio classique, 2017, p. 126.
-
[42]
Nathalie Heinich, États de femme, l’identité féminine dans la fiction occidentale, Gallimard, coll. NRF Essais, 1996, p. 29.
-
[43]
Madame de Staël, Delphine, Gallimard, Folio classique, 2017, p. 362.
-
[44]
Madame de Staël, « Quelques réflexions sur le statut moral de Delphine », Delphine, Gallimard, Folio classique, 2017, p. 997.
-
[45]
Sandra Travers de Faultrier, « Un Possible en partage », dossier Vulnérabilités sous la direction de Sandra Travers de Faultrier, Les Cahiers de la justice, 2019/4, p. 563-568.
-
[46]
François Jullien, L’Invention de l’idéal et le destin de l’Europe, Folio essais, Gallimard, 2017, p. 208.
-
[47]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1991, p. 258.
-
[48]
Madame de Staël, De L’Allemagne, GF Flammarion, t. 1, p. 110.
-
[49]
Madame de Staël, De L’Allemagne, GF Flammarion, t. 1, p. 117.
-
[50]
Madame deStaël, De La littérature, GF Flammarion, 1991, p. 202.
-
[51]
Madame de Staël, De L’Allemagne, GF Flammarion, t. 1, p. 121.
-
[52]
Madame de Staël, De L’Allemagne, GF Flammarion, t. 1, p. 229.
-
[53]
Madame de Staël, De L’Allemagne, GF Flammarion, t. 2, p. 272.
-
[54]
Madame de Staël, « De l’esprit des traductions », Œuvres complètes, série I, œuvres critiques, tome II, Honoré Champion, 2013, p. 595.
-
[55]
Madame de Staël, « De l’esprit des traductions », Œuvres complètes, série I, œuvres critiques, tome II, Honoré Champion, 2013, p. 603-604.
-
[56]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1991, p. 197.
-
[57]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1995, p. 273.
-
[58]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1995, p. 286.
-
[59]
« Oswald en arrivant à Londres, retrouva ses amis d’enfance. Il entendit parler cette langue forte et serrée qui semble indiquer bien plus de sentiments encore qu’elle n’en exprime », Madame de Staël, Corinne, Folio classique, 1985, p. 448.
-
[60]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1995, p. 264.
-
[61]
Stefan Zweig, La Confusion des sentiments, Livre de Poche, 1976, p. 26.
-
[62]
Madame de Staël, « De l’esprit des traductions », Œuvres complètes, série I, œuvres critiques, tome II, Honoré Champion, 2013, p. 608.
-
[63]
Madame de Staël, « De l’esprit des traductions », Œuvres complètes, série I, œuvres critiques, tome II, Honoré Champion, 2013, p. 610.
-
[64]
Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace, PUF, 1957, p. 184.
-
[65]
Barbarin Cassin, Éloge de la traduction, Fayard, 2018, p. 108.
-
[66]
Pierre André Taguieff, L’Identité, une fable philosophique, PUF, 2011.
-
[67]
Pierre André Taguieff, « Être français », Dogma, Revue de philosophie et de sciences humaines, mars 2016.
-
[68]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1995, p. 266.
-
[69]
Madame de Staël, De L’influence des passions sur le bonheur, in Œuvres complètes, série I, œuvres critiques, tome 1, sous la direction de Florence Lotterie, Honoré Champion, 2008, p. 276.
-
[70]
Jean-Louis Chrétien, La joie spacieuse, Minuit, 2007.
-
[71]
Madame de Staël, De La littérature, GF Flammarion, 1991, p. 69.