Notes
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[1]
Directeur de l’IRES de 1988 à 2002, président du Conseil scientifique du Centre d’études de l’emploi, professeur émérite à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
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[2]
En pratique, l’ensemble des branches couvertes par les trois organisations patronales représentatives au niveau interprofessionnel : MEDEF, CGPME et UPA.
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[3]
Les principales sources utilisées sont les suivantes : projets et textes définitifs des ANI, sites et publications des organisations patronales et syndicales, organes d’informations spécialisés (aef, Liaisons sociales…), presse quotidienne.
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[4]
L’analyse ne porte ici que sur les négociations qui ont été directement provoquées par la crise économique ou sur celles qui ont subi un impact repérable de la crise. Sont donc ignorées celles qui ont obéi à d’autres logiques et d’autres calendriers, par exemple, les négociations de transposition d’accords-cadres européens ou les négociations sur la représentativité syndicale. Il ne peut toutefois être exclu, dans ce dernier cas, que la perspective puis l’adoption de la loi sur la représentativité aient eu une influence sur les décisions des syndicats quant à la signature de certains des ANI de la période.
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[5]
Dans cette délibération sociale, la CGT avait adopté la position d’observateur.
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[6]
Signé par toutes les organisations à l’exception de la CGT.
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[7]
Dit d’une manière plus élégante : « la démarche suivie a été résolument plus pédagogique que normative » (Fabre, 2009:34).
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[8]
Une autre raison tenait au risque de réduction des durées des droits à indemnisation pour certaines catégories de chômeurs ayant de longues durées de cotisation.
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[9]
D’autres aspects de l’accord étaient jugés positifs par tous les syndicats, notamment l’ouverture des droits à l’indemnisation à partir de quatre mois de cotisation et l’introduction du principe d’égalité, dans certaines bornes, entre le nombre de jours de cotisation et le nombre de jours de droit à indemnisation (avec des réserves de la CGT sur ce dernier point).
-
[10]
Dans l’avant-dernière version du projet d’accord, il était prévu un pourcentage fixé annuellement en fonction de la situation conjoncturelle entre un minimum (5 %) et un maximum (12 %),
-
[11]
Remarquons que le taux des obligations légales des entreprises reste inchangé ; l’effort se réalise donc par réallocation des ressources.
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[12]
Alors qu’en étaient exclus les salariés dont le salaire hebdomadaire habituel était inférieur à 18 fois le SMIC horaire.
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[13]
La CGT reconnaît l’amélioration de l’indemnisation, mais la juge insuffisante. De plus, comme d’autres syndicats, elle aurait souhaité un contrôle pour éviter les effets d’aubaine au bénéfice de certaines entreprises. Elle refuse de signer. Du côté patronal, la CGPME, qui n’était pas signataire de l’accord fondateur du 23 février 1968, conditionne son ralliement à l’obtention d’une aide additionnelle du gouvernement aux PME. Son exigence ayant été satisfaite, elle adhère à l’ANI de 1968 et signe l’avenant.
-
[14]
Instances de représentation du personnel dans l’entreprise.
-
[15]
La loi du 20 août 2008 sur la représentativité syndicale renvoie la question de la mesure de la représentativité dans les TPE à une négociation interprofessionnelle dont elle fixe l’échéance au 30 juin 2009.
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[16]
Ce tableau de bord est présenté comme « conçu et réalisé par un groupe de travail composé des représentants des cinq organisations syndicales de salariés et du MEDEF » dans le cadre de la commission « Dialogue économique » du MEDEF entre juin 2006 et juin 2009. Signalons aussi l’adoption, mais seulement en juin 2011, d’un document commun : « Approche de la compétitivité française » (non signé par la CGT et la CGT-FO).
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[17]
Il est évident qu’à partir du printemps 2010 le conflit sur les retraites interdit tout progrès de la négociation interprofessionnelle, mais il ne constitue pas une explication suffisante puisque le piétinement de celle-ci est manifeste dès la rentrée 2009.
-
[18]
Laurence Parisot déclare le 14 novembre 2010 : « Nous souhaitons avoir des relations de travail et de construction avec les organisations syndicales et sans l’Etat » (aef.info, Dépêche n° 140566).
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[19]
Les conditions de relance de la négociation interprofessionnelle fin 2010 et les premières négociations dans le cadre de l’Agenda social 2011 (jusqu’en avril 2011) sont analysées plus en détail dans Freyssinet, 2011a.
-
[20]
En fait, elle participera à toutes.
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[21]
Loi sur l’orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie.
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[22]
Ce passage n’est pas explicitement acté par l’agenda du 10 janvier puisqu’il ne fera l’objet d’un accord en bonne et due forme que le lendemain.
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[23]
ANI relatif à l’emploi des seniors en vue de promouvoir leur maintien et leur retour à l’emploi.
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[24]
Par exemple, la CFDT, qui insistait pour l’ouverture d’une deuxième étape de négociation sur la modernisation du marché du travail obtient un bilan-évaluation pouvant déboucher sur une délibération. Le MEDEF qui refusait de négocier sur l’emploi des seniors ne concède qu’un bilan sur cette question.
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[25]
Association pour la gestion du fonds de financement de l’Agirc et de l’Arrco.
-
[26]
En tenant compte du fait que l’agrément de la convention avait été accompagné de la suppression des restrictions sur le renouvellement des droits à indemnisation après quatre mois de cotisations (infra, II.1).
-
[27]
Dans le passé, la CFTC et la CFE-CGC ont signé tous les accords sur l’assurance chômage sauf celui du 23 décembre 2008. La CGT-FO, pilier historique du régime, n’avait plus signé d’accord depuis 1997.
-
[28]
Des améliorations sont apportées aux droits des travailleurs saisonniers et des titulaires de pensions d’invalidité pour un coût total de 17 millions d’euros.
-
[29]
Ce qui correspondait à environ 4 milliards d’euros au moment de la négociation de l’accord.
-
[30]
Sauf pour l’Agirc.
-
[31]
Après huit réunions de « délibération sociale » depuis décembre 2009, neuf réunions de négociation se sont tenues entre le 11 janvier et le 21 octobre 2011. À la veille de cette dernière réunion, le patronat a diffusé un premier projet d’accord pour lequel les syndicats ont demandé un délai de réflexion.
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[32]
Les rapports entre Etat et gestionnaires d’Action Logement sont demeurés conflictuels. Fin juillet 2011, le gouvernement a annoncé un prélèvement de 3,25 milliards d’euros réparti sur les années 2012, 2013 et 2014. Pour cette même période, 420 millions d’euros seront consacrés au financement de l’ANI du 29 avril.
-
[33]
Organisme paritaire collecteur agréé des fonds de la formation permanente.
-
[34]
Deux correctifs principaux ont été apportés :
- afin d’apaiser les craintes de la CGPME, qui redoutait une ruée des étudiants additionnant des petits boulots de vacances, l’ANI prévoyait qu’en cas d’indemnisation sur la base de quatre mois de cotisation, une réouverture des droits dans les douze mois suivants exigerait une nouvelle durée d’affiliation préalable d’au minimum six mois. Dans le cadre de la procédure de l’agrément, le gouvernement reconnaît la validité de l’argument d’illégalité avancé par la CGT-FO contre cette disposition restrictive. Le seuil de 4 mois de cotisation pourra donc redonner des droits à indemnisation sans contrainte additionnelle ;
- à la suite du sommet social du 18 février 2009, le gouvernement crée pour une période de 12 mois une prime de 500 euros pour les demandeurs d’emploi ayant travaillé entre deux et quatre mois dans les 28 mois précédant leur entrée au chômage. Sans être limitée aux jeunes, cette mesure a de fait pour objet de compenser le non-respect dans l’ANI du 23 décembre 2008 de l’engagement qui avait été pris à leur égard dans l’ANI MMT. Son article 3.d stipulait en effet : « Il est instauré pour les jeunes de moins de 25 ans, involontairement privés d’emploi et ne remplissant pas les conditions de durée d’activité antérieure ouvrant l’accès aux allocations du régime d’assurance chômage, une prime forfaitaire servie par celui-ci ». Pour des raisons diverses, l’impact de cette mesure gouvernementale sera très faible.
-
[35]
En dépit d’une décision du Conseil constitutionnel qui considère que la cotisation à Action logement ne constitue pas un impôt.
-
[36]
Proposition de loi « pour le développement de l’alternance, la sécurisation des parcours professionnels et le partage de la valeur ajoutée » déposée le 11 avril 2011 par trois députés UMP, Gérard Cherpion, Bernard Perrut et Jean-Charles Taugourdeau.
-
[37]
Sur la complexe genèse historique des attitudes patronales et syndicales sur cette question, voir apRoberts et alii, 1997.
-
[38]
On rencontre cette attitude, sur des bases différentes, aussi bien à la CGT qu’à la CGT-FO, alors que les positions ne sont pas tranchées dans les organisations issues du syndicalisme chrétien.
-
[39]
Au point que, comme nous l’avons vu, l’ANI de 2008 sur l’assurance chômage ne donne pas suite à l’article 3 de l’ANI MMT qui prévoyait une prime forfaitaire pour les jeunes demandeurs d’emploi non indemnisés. C’est l’Etat qui doit créer un mécanisme de substitution.
-
[40]
Signalons aussi, en ce qui concerne le chômage saisonnier, la suppression des dispositions restrictives introduites par l’ANI de 2005.
-
[41]
Avec la fusion des CRP et CTP dans le contrat de sécurisation professionnelle (CSP), l’ancienneté dans l’emploi requise est uniformisée (un an) tandis qu’en dessous de ce seuil les salariés licenciés peuvent bénéficier des mesures d’accompagnement s’ils sont couverts par l’assurance chômage. Le principe d’expérimentations pour les titulaires d’emplois précaires est maintenu.
-
[42]
Conférence de presse du 19 janvier 2010.
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[43]
Entretien accordé au Parisien libéré, 19 janvier 2010.
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[44]
A l’exception de la CFDT, qui n’y était pas opposée, mais n’était pas demandeur.
-
[45]
Déclaration du 5 avril 2011.
-
[46]
Auxquels on peut ajouter un accord d’importance mineure, en octobre 2009, sur certains droits associés à l’indemnisation du chômage partiel.
-
[47]
Le 1er juillet 2010, la Chambre sociale, saisie sur le non-respect de l’égalité de traitement à propos d’un accord accordant des avantages particuliers aux cadres, jugeait que « la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ». Récemment de nouveaux arrêts ont réduit les inquiétudes sur un risque de remise en cause générale des dispositions spécifiques concernant les cadres dans les accords collectifs.
-
[48]
A l’exception de la-non signature par la CGT-FO de l’ANI sur l’alternance et les stages (emploi des jeunes).
-
[49]
Spécificité partagée dans cette période uniquement avec l’Espagne.
1Depuis septembre 2008, la gestion des conséquences sociales de la crise économique a constitué un enjeu central des négociations interprofessionnelles. Ce constat ouvre la voie à de multiples interrogations : pourquoi les accords nationaux interprofessionnels (ANI) ont-ils une place si importante en France ? Leur contenu a-t-il été modifié depuis la crise ? Quelle est la sensibilité de la négociation interprofessionnelle aux orientations de la politique publique ? Il est impossible d’y répondre sans rappeler quelques éléments essentiels du contexte et du contenu de la négociation interprofessionnelle en France.
2La signature d’accords nationaux interprofessionnels entre organisations patronales et syndicales constitue une modalité de la négociation collective peu rencontrée à l’échelle européenne et a fortiori à l’échelle mondiale. Bien que la définition d’un accord interprofessionnel soit incertaine (Barthélémy, 2008), elle renvoie usuellement en France à des accords couvrant, à l’échelle nationale, la grande majorité des salariés du secteur marchand [2]. C’est une modalité d’accord collectif que l’on ne rencontre plus guère que dans les pays de l’Europe du Sud, en Belgique, parfois aux Pays-Bas. Seule l’Espagne conserve une activité de négociation interprofessionnelle comparable à celle de la France. Dans la majorité des pays d’Europe occidentale, la branche reste le niveau dominant de négociation tandis que, partout, le rôle de la négociation d’entreprise se développe, au point qu’elle est devenue hégémonique au Royaume-Uni comme elle l’est généralement dans les pays anglo-saxons. Par ailleurs, de nombreux pays européens ont tenté des expériences de pactes sociaux tripartites, modalité qui n’a jamais été expérimentée dans notre pays. Face à la crise, les différents pays ont mobilisé, selon leurs traditions, des formes spécifiques de partage des responsabilités et de « dialogue social » entre l’Etat et les organisations patronales et syndicales (Freyssinet, 2010b, 2011b ; IRES, 2009 ; Transfer, 2011). Dans ce contexte exceptionnel, une première question se pose : pour quelles raisons les ANI occupent-ils en France une place si importante dans les mécanismes de régulation sociale ?
3L’analyse des ANI révèle l’hétérogénéité des dispositions qu’ils contiennent.
4Ils sont des accords de contenu lorsqu’ils fixent des normes ou créent des dispositifs ayant vocation à devenir obligatoires, par exemple lorsqu’il s’agit des règles concernant des régimes paritaires (assurance chômage, retraites complémentaires…).
5Ils constituent des accords de procédure lorsqu’ils définissent des objectifs, un calendrier et une méthode de suivi pour des négociations de branche que les signataires s’engagent à ouvrir. On en trouve des exemples dans divers accords sur l’aménagement et la réduction du temps de travail, notamment en 1981 et 1995.
6L’ANI peut définir des objectifs communs dans un domaine déterminé, faire l’inventaire des dispositifs à y mobiliser et encourager la négociation décentralisée pour leur mise en œuvre, sans engagements contraignants pour les signataires ou pour leurs organisations adhérentes. Une illustration en est donnée par l’ANI du 14 novembre 2008 sur la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC). Il s’agit alors d’un accord d’intention, proche d’un code de bonnes pratiques.
7Enfin, les signataires peuvent adresser ensemble des demandes à l’Etat pour obtenir soit des modifications de la législation, soit le financement de certains dispositifs. L’ANI du 8 juillet 2009 « relatif à la gestion sociale des conséquences de la crise économique sur l’emploi » se situe principalement sur ce registre.
8Cette énumération n’est pas exhaustive et ne fournit pas un instrument général de classification des accords qui souvent mêlent des dispositions de différentes natures. L’ANI du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail en est un exemple typique. Il est évident que, face à une situation de crise, l’efficacité des dispositions d’un ANI dépend étroitement de leur portée normative et de leur horizon de mise en œuvre. Une seconde question se pose donc : quelle est la nature des ANI signés depuis l’éclatement de la crise économique ?
9La gestation et le contenu des ANI sont imbriqués avec ceux des politiques publiques. Or la crise économique a engendré dans les pays occidentaux, en particulier en France, deux réactions successives et contrastées de la part des pouvoirs publics.
10A partir de septembre 2008, la brutale extension de la crise financière à la sphère productive rend nécessaires des politiques qui permettent d’éviter l’effondrement immédiat. Des programmes massifs de dépenses publiques sont engagés pour sauver le système financier, aider les secteurs industriels les plus en difficulté, soutenir la demande, atténuer les coûts sociaux des licenciements et du chômage. Les organisations patronales et syndicales, si elles ont des hiérarchies de priorités différentes, soutiennent globalement cette orientation, même lorsqu’elles en critiquent les insuffisances. Il existe alors une certaine convergence entre les objectifs des négociateurs et ceux du gouvernement ; les débats portent principalement sur le partage des tâches ainsi que sur l’ampleur et la mise en cohérence des dispositifs.
11Dès la fin de 2009, l’amorce supposée d’une « sortie de crise » transforme les priorités de la politique publique. La réduction des déficits budgétaires et de l’endettement, la défense de la crédibilité auprès des marchés financiers deviennent des impératifs hégémoniques. Cette nouvelle orientation est soutenue par le patronat, mais combattue par les syndicats. Le contexte de la négociation interprofessionnelle est donc profondément modifié, d’autant plus que la menace ou l’amorce d’une rechute à l’été 2011 ne provoque pas un retour du gouvernement vers une démarche de relance, mais au contraire un durcissement des politiques restrictives. Une troisième question émerge : quelle est la sensibilité de la négociation interprofessionnelle aux orientations de la politique publique ?
12Dans une première partie, nous présentons des éléments de réponse à ces questions sur la base d’une périodisation de la négociation collective depuis l’éclatement de la crise économique. La seconde partie traite de thèmes transversaux relatifs aux rôles et aux stratégies des différents acteurs dans ce contexte évolutif [3].
I – Deux phases d’intense négociation interprofessionnelle
13Si les évolutions de la conjoncture économique et des politiques publiques sont des variables essentielles pour analyser les ruptures dans la dynamique des négociations interprofessionnelles, elles n’exercent pas un effet mécanique. Il faut aussi prendre en compte, au cours de la même période, un changement significatif des rapports que le patronat et les syndicats entretiennent avec l’Etat dans le pilotage des négociations : après une tentative de prise de contrôle par l’Etat, les acteurs sociaux se trouvent d’accord pour tenter de restaurer leur autonomie. C’est la combinaison de ces différents facteurs qui permet de comprendre la succession de deux phases, chacune marquée par de nombreux accords, qui sont séparées par une période de dix-huit mois de piétinement (juillet 2008-décembre 2009). Le tableau 1 présente la liste des ANI signés et les positions adoptées par les organisations syndicales [4].
Chronologie des ANI (janvier 2008-octobre 2011)
Chronologie des ANI (janvier 2008-octobre 2011)
Légende :- X indique la signature d’un ANI.
- OPP indique une opposition explicitement exprimée et (OPP) un souhait de faire opposition.
- TLVP : tout au long de la vie professionnelle.
Note : les trois organisations patronales ont approuvé tous les ANI ; l’ANI de 2008 sur l’assurance chômage a fait l’objet de « réserves » de la part de la CGPME.
I.1 – Effets d’inertie et capacités de réaction (septembre 2008-juillet 2009)
14En septembre 2008, un important programme de négociations interprofessionnelles s’ouvre au moment où s’amorce la récession. Il est doublement marqué par l’héritage de la période précédente.
15Quant aux règles du jeu, la loi du 31 janvier 2007 sur la modernisation du dialogue social fixe pour la première fois une procédure d’articulation entre initiative gouvernementale, négociation interprofessionnelle et production législative (encadré 1). Dès son élection, Nicolas Sarkozy mobilise cette loi ; le 31 mai 2007, une lettre du Premier ministre fixe une « feuille de route » aux partenaires sociaux pour l’année 2007. Elle inclut deux négociations interprofessionnelles qui doivent porter d’une part, sur la démocratie sociale, d’autre part, sur la modernisation du marché du travail et la sécurisation des parcours professionnels (Soubie, 2007). Sur le second thème, le document d’orientation transmis par le Premier ministre reprend assez fidèlement les « états des lieux » auxquels avait abouti, en mai 2007, la délibération sociale que patronat et syndicats [5] avaient entamée en octobre 2006.
Encadré 1. La loi du 31 janvier 2007 sur la modernisation du dialogue social
- le gouvernement fait connaître chaque année aux partenaires sociaux le contenu et le calendrier des initiatives qu’il projette dans le domaine des relations individuelles et collectives du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ; il leur communique sur ces points un document d’orientation ;
- si le thème relève du champ de la négociation nationale interprofessionnelle, les partenaires sociaux peuvent faire connaître leur volonté de négocier en indiquant le délai qu’ils jugent nécessaire ;
- au vu des résultats de la procédure de négociation, le gouvernement élabore des projets de textes législatifs et réglementaires.
16Quant à la conjoncture économique et sociale, elle est caractérisée par deux années de baisse du taux de chômage qui amènent celui-ci à 7,2 % au premier trimestre 2008, niveau le plus bas atteint depuis 1983. Compte tenu de cette évolution et des projections de population active, l’avenir à moyen terme du marché du travail est alors perçu par tous les acteurs comme celui d’une évolution vers le plein emploi avec une croissance des difficultés de recrutement.
17Ce contexte explique, d’une part, la relative brièveté de la négociation qui aboutit, sous la menace d’une solution législative en cas d’échec, à l’accord du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail (ANI MMT) [6], d’autre part le contenu de cet accord. En simplifiant, il apparaît que le patronat, en échange de nouvelles marges de liberté pour la gestion de l’emploi par les entreprises, concède des droits et des prestations qui peuvent contribuer à sécuriser les mobilités professionnelles (Fabre et al., 2008 ; Freyssinet, 2007 ; Kramarz, Lyon-Caen, 2008). Cet accord multidimensionnel est complexe ; il programme une série de négociations d’application dont trois de caractère interprofessionnel (GPEC, assurance chômage et bilan d’étape professionnel). Dès lors, une distinction est nécessaire, pour cette première phase de la crise, entre les négociations prévues par l’ANI MMT et celles, non programmées, qui sont ouvertes en réponse à une conjoncture exceptionnelle. A mi-chemin entre les deux cas se situe la négociation sur la formation professionnelle.
Les suites de l’ANI du 11 janvier 2008
18Les trois négociations interprofessionnelles programmées par l’ANI MMT sont confrontées à la même difficulté : leur contenu est cadré par des articles de l’ANI qui reflètent le contexte de l’emploi au début de 2008. Or, les négociations se déroulent à partir de septembre dans une conjoncture caractérisée par une brutale dégradation du marché du travail et par de sombres prévisions d’emploi. Cette contradiction logique est vraisemblablement l’explication principale du quasi-échec de ces trois négociations (Freyssinet, 2010a, chapitre 7).
19La négociation sur la GPEC est le lieu de divers désaccords qui, à l’exception de l’un d’entre eux (infra), se règlent par l’adoption de formulations générales et imprécises. Le texte final exprime la volonté des signataires d’élargir l’introduction des démarches de GPEC sous la responsabilité des entreprises. Il énumère les procédures et les instruments permettant de favoriser sa mise en œuvre à différents niveaux. Il ne s’agit ni d’un accord de contenu, ni d’un accord fixant des objectifs et un calendrier pour des négociations de branche et d’entreprise, mais de déclarations d’intentions non contraignantes [7]. De manière significative, le conflit central a porté sur la volonté patronale de dissocier totalement la mise en œuvre de la GPEC de celle des PSE (plans de sauvegarde de l’emploi en cas de licenciements collectifs). Or, la nature du lien entre les deux était la question cruciale que posait la conjoncture. Telle est la raison principale du refus par la CGT, la CGT-FO et la CFTC d’un accord qui ne recueille que les signatures de la CFDT et de la CFE-CGC.
20Le patronat souhaitait inclure dans la négociation GPEC le second thème programmé par l’ANI MMT, c’est-à-dire le bilan d’étape professionnel. Les syndicats considéraient que le thème du bilan dépassait le cadre de la seule GPEC et concernait tout autant la formation continue et la mobilité professionnelle. Finalement, l’accord GPEC mentionne le bilan, mais renvoie à la négociation d’un avenant. Le projet d’avenant, adopté le 3 mars 2009, recueille les deux mêmes signatures, mais fait l’objet d’une triple opposition de la CGT, de la CGT-FO et de la CFTC. Conformément à la loi, il est donc « réputé non écrit ». L’argument principal du rejet est que le texte ferait du bilan un instrument entre les mains des seuls employeurs.
21Enfin, la négociation de l’ANI sur l’assurance chômage (Cornilleau, Elbaum, 2009 ; Bonnand, Aubin, 2009) est dominée par la volonté patronale d’imposer un mécanisme automatique de réduction du taux de cotisation en cas d’apparition d’excédents. Compte tenu des délais dans l’ajustement des effectifs des entreprises, les prévisions financières réalisées à la fin de 2008 laissaient prévoir le maintien d’un excédent au 1er semestre 2009, donc une baisse des cotisations au 1er juillet 2009. Comme la règle proposée n’était pas symétrique, l’accroissement ultérieur inéluctable du déficit n’aurait entraîné aucune augmentation des cotisations. C’est la raison principale pour laquelle trois organisations (CGT, CGT-FO et CFE-CGC) annoncent leur décision de faire opposition [8]. Il faudra une lettre de la présidente du MEDEF au président de la CFE-CGC, par laquelle la première s’engageait à ne pas faire jouer au 1er juillet 2009 la clause de réduction des cotisations, pour que la CFE-CGC retire son opposition, assurant ainsi la validité de l’accord avec la seule signature de la CFDT [9]. Il y a là un exemple montrant que les objectifs poursuivis à moyen-long terme par certaines organisations, ici le patronat, peuvent interdire à la négociation de prendre en compte les conséquences, pourtant évidentes, de la crise économique sur l’ampleur du chômage et donc sur les finances du régime.
22Face à l’éclatement de la crise économique, le bilan des négociations programmées par l’ANI MMT apparaît décevant : un avenant frappé d’opposition, un accord d’intention avec deux signatures syndicales et un accord de contenu qui n’en recueille qu’une. C’est dans d’autres domaines que la négociation démontre sa capacité de réaction.
Un cas particulier : l’accord sur la formation professionnelle
23L’ANI MMT ne prévoyait pas de négociation sur la formation professionnelle, mais seulement un bilan du dernier ANI portant sur ce thème qui datait du 20 septembre 2003. La pression des pouvoirs publics oblige patronat et syndicats à ouvrir des négociations à la rentrée 2008 sous la menace, à défaut d’accord, de la présentation d’un projet de loi dès la fin de l’année. Nous sommes en présence d’une négociation contrainte. Alors que le gouvernement n’avait pas envoyé de document d’orientation pour les négociations sur la GPEC et l’assurance chômage, la formation professionnelle fait l’objet dès juillet 2008 d’un document détaillé où l’usage de formulations interrogatives semble souvent habiller de quasi-injonctions. Après un diagnostic sévère, le document fixe des priorités qui sont traduites en thèmes sur lesquels les partenaires sociaux sont « invités à négocier ». Ce contexte fournit l’explication principale de l’unanimité de signature, après de rudes affrontements, de l’ANI du 7 janvier 2009 sur la formation tout au long de la vie professionnelle (FTLVP). Les acteurs sociaux manifestent ainsi la volonté de défendre leur autonomie dans un domaine où, depuis l’ANI fondateur du 9 juillet 1970, ils avaient su trouver à plusieurs reprises, en particulier en 2003, des compromis acceptés par tous (Luttringer, Willems, 2008 ; Tallard, 2011, dans ce numéro).
24L’ANI de 2009 se situe dans la longue évolution du dispositif de formation professionnelle continue ; il ne saurait donc être interprété comme un simple accord de gestion des conséquences sociales de la crise. Cependant, l’innovation principale qu’il contient n’a probablement été rendue possible, dans son ampleur sinon dans son principe, que par le contexte de crise. Confrontés à la critique récurrente d’une formation professionnelle continue présentée comme réservée aux insiders et comme amplificatrice des inégalités entre salariés, les syndicats tenaient, particulièrement dans la conjoncture de la fin de 2008, à faire prévaloir des objectifs de solidarité. Le patronat pouvait difficilement s’y opposer ouvertement. Les signataires conviennent donc d’amplifier les actions au bénéfice de ceux des salariés et demandeurs d’emploi qui sont handicapés par un « déficit de formation ». L’innovation majeure résulte de la création d’un Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP). Il est chargé de financer la réalisation de deux objectifs que fixe l’accord : accroître de 500 000 annuellement (soit un doublement) le nombre des salariés les moins qualifiés recevant une formation et de 200 000 le nombre des demandeurs d’emploi en formation (soit une augmentation d’un tiers). Ses ressources proviennent d’une fraction des contributions légales qui sont versées par les entreprises aussi bien pour le plan de formation et la professionnalisation que pour le congé individuel de formation. Le pourcentage doit être fixé chaque année sans pouvoir dépasser 13 % [10]. Des ressources importantes peuvent ainsi être dégagées pour « la qualification et la requalification » des salariés et demandeurs d’emploi. Même si de tels objectifs étaient déjà affichés en termes généraux dans l’ANI MMT, il semble peu douteux que le contexte créé par la crise économique ait joué un rôle déterminant dans l’adoption de cette innovation institutionnelle et dans l’ampleur des financements envisagés [11].
Des ANI directement suscités par la crise économique
25L’ampleur de la crise est à l’origine de trois ANI dont la négociation n’avait pas été antérieurement programmée et qui ont pour objet d’y fournir des réponses immédiates. Il s’agit du chômage partiel, des conventions de reclassement personnalisé puis, plus globalement, de la gestion des conséquences sociales de la crise.
Chômage partiel
26L’ANI MMT ignore la question du chômage partiel. La négociation s’ouvre dans l’urgence, fin 2008. Rapidement, un accord interprofessionnel est signé sous la condition d’un accroissement de la contribution financière de l’Etat. Celui-ci donne aussitôt une réponse positive. L’avenant du 15 décembre 2008 améliore le taux d’indemnisation. Il est accompagné d’une lettre adressée par les signataires aux pouvoirs publics demandant que le dispositif soit ouvert à tous les salariés [12]. L’Etat porte de 600 à 800 heures (par exception, 1 000 heures dans certaines branches) la durée maximale annuelle de recours au temps partiel. Il accroît sa subvention horaire. La durée maximale du « chômage partiel total » (fermeture temporaire d’un établissement) est portée de quatre à six semaines. L’indemnisation est ouverte à tous les salariés. Sur cette base, l’avenant est signé par sept organisations [13].
27Lors du sommet social du 18 février 2009, Nicolas Sarkozy propose que des conventions entre l’Etat et les branches ou les entreprises permettent de porter de 60 à 75 % du salaire brut l’indemnisation du chômage partiel. L’Unédic contribuera au financement tandis qu’une formation professionnelle pourra accompagner les phases de chômage partiel. Après négociations entre l’Etat et l’Unédic, il est créé un régime nouveau d’activité partielle de longue durée (APLD). En échange d’une subvention majorée provenant dans une première phase de l’Etat, ensuite de l’Unédic, l’entreprise s’engage à faire bénéficier le salarié d’un entretien de professionnalisation et du maintien de son emploi pendant une durée double de celle de la convention. Le Bureau de l’Unédic approuve la convention avec l’Etat à l’unanimité (sauf l’abstention de la CFE-CGC) le 15 avril 2009.
Conventions de reclassement personnalisé (CRP)
28Les CRP n’étaient pas évoquées parmi les négociations programmées par l’ANI MMT. C’est l’éclatement de la crise qui conduit les négociateurs de l’ANI sur l’assurance chômage à y inclure ce dossier. Les syndicats demandent, d’une part, un alignement de la durée et du niveau de l’indemnisation sur ceux des contrats de transition professionnelle (CTP), d’autre part, des possibilités d’admission en CRP au terme d’un emploi précaire ou après un licenciement pour motif non économique. Ils obtiennent des satisfactions partielles sur le premier point : la durée maximale est allongée et l’allocation est améliorée. En revanche, ils n’obtiennent rien sur le second point, ce qui a pour conséquence de renforcer les inégalités de droits entre titulaires de CDI et salariés en emploi précaire. Toutes les organisations syndicales signent l’ANI du 23 décembre 2008 « portant reconduction du dispositif des CRP ».
Gestion sociale des conséquences de la crise économique sur l’emploi
29L’ANI du 8 juillet 2009 concernant « la gestion des conséquences de la crise économique sur l’emploi » est modeste dans son contenu. Il porte principalement sur l’amélioration du contenu ou l’élargissement de l’usage des dispositifs existants. En ce qui concerne le chômage partiel, il réunit des demandes adressées aux pouvoirs publics : porter le contingent annuel à 1 000 heures dans l’ensemble des branches ; permettre l’accès à l’indemnisation « individuellement, par roulement et de façon identique » pour des salariés exerçant la même activité ; aménager les contreparties exigées en cas de conventions APLD lorsqu’un accord collectif prévoit l’utilisation du temps libre pour la formation ou pour des tâches de tutorat. Le gouvernement donne rapidement satisfaction sur le premier point. La seconde demande est prise en compte grâce à une disposition insérée dans la loi du 25 novembre 2009 sur la formation professionnelle. Par ailleurs, l’ANI étend aux 12 mois de la durée des CRP le taux d’indemnisation de 80 % du salaire brut. Enfin, l’ANI prévoit pour la rentrée 2009 l’ouverture d’une deuxième phase de négociation qui porterait sur « la sortie de crise ». L’accord est signé par tous les syndicats à l’exception de la CGT.
I.2 – Le piétinement des négociations (juillet 2009-décembre 2010)
30Cet élan de la négociation interprofessionnelle s’interrompt alors qu’un vaste programme devait en principe couvrir l’année 2009. En effet, après que le gouvernement a proposé un agenda social le 9 avril 2009, patronat et syndicats décident le 27 mai d’ouvrir, en plus de la négociation sur les conséquences sociales de la crise (supra), trois « délibérations sociales » portant respectivement sur la modernisation du dialogue social, sur le paritarisme et sur la politique industrielle et économique.
31En ce qui concerne la modernisation du dialogue social, treize réunions se déroulent entre le 22 juin 2009 et le 13 janvier 2011. Elles portent principa- lement sur les IRP [14] et ne permettent aucun progrès significatif. Elles se poursuivront en 2011, toujours dans le cadre d’une délibération sociale puisque les conditions d’ouverture d’une négociation n’ont pas été réunies.
32Dans le cadre de cette délibération, un groupe de travail a été créé pour traiter du dialogue social dans les très petites entreprises (TPE) [15]. Ses travaux s’ouvrent le 13 octobre 2009 ; le MEDEF et la CGPME y mettent un terme dès le 18 décembre 2009 en considérant qu’il est impossible d’ouvrir une négociation car ces deux organisations refusent la présence de représentants syndicaux dans les TPE. Leur décision suscite un vif mécontentement des syndicats et de l’UPA. Le 20 janvier 2010, ils signent ensemble (à l’exception de la CGT-FO) une lettre au Premier ministre qui porte sur la représentation du personnel et la mesure de la représentativité syndicale dans les PME. Le gouvernement reprend le dossier. Il sera finalement traité par une loi du 15 octobre 2010 qui, après une vigoureuse offensive du MEDEF et de la CGPME auprès des parlementaires de l’UMP, donne largement satisfaction à ces deux organisations. Leur attitude est dénoncée par les syndicats et l’UPA comme une violation de la loyauté dans la négociation.
33En ce qui concerne le paritarisme, sept réunions ont lieu entre le 23 décembre 2009 et le 7 décembre 2010. Elles donnent lieu à un important travail d’inventaire des modalités du paritarisme avec l’établissement de « constats partagés » et avec de premiers échanges sur sa gouvernance et son financement. Mais l’ouverture de négociations ne sera décidée que le 11 janvier 2011 (infra, I.3).
34En ce qui concerne, enfin, la politique économique et industrielle, la délibération sociale s’ouvre le 23 décembre 2009. Quatre groupes de travail sont créés : qualification du personnel, financement des entreprises, financement de la protection sociale, indicateurs économiques et sociaux. Même si ces groupes ont pu accomplir un travail utile, on doit s’interroger sur les produits de cette délibération sociale, mise à part la mise en ligne en février 2010 d’un tableau de bord « issu du dialogue économique entre les organisations syndicales et le MEDEF » [16]. L’« engagement d’une réflexion sur le financement de la protection sociale », qui figure parmi les thèmes de l’agenda 2011 (infra, I.3), semble donner suite au mandat de l’un des quatre groupes de travail ; ce dernier n’a pas dû progresser beaucoup puisque l’on ne se propose en 2011 que d’« engager » la réflexion.
35Il est tout aussi difficile de trouver des résultats concrets à la deuxième phase de négociation « sortie de crise » décidée par l’accord du 8 juillet 2009 (supra) et ouverte le 2 octobre 2009. Après la mise en route de quelques groupes de travail, les discussions semblent s’être définitivement enlisées. L’un de ces groupes de travail portait sur les « fins de droits » à l’assurance chômage. Dans l’incapacité de trouver un accord, les organisations patronales et syndicales demandent un traitement tripartite du dossier qui fera l’objet du « Plan de rebond pour l’emploi » (infra, II.2). Il s’agit d’un accord tripartite informel et non d’un ANI.
36Au total, il n’est pas excessif de conclure à une absence presque totale d’accords issus de la négociation interprofessionnelle entre le début du deuxième semestre 2009 et la fin de 2010 [17]. Trois exceptions mineures doivent cependant être mentionnées :
- un ANI du 2 octobre 2009, préparé par un groupe de travail paritaire issu de l’ANI du 8 juillet 2009, introduit deux légères améliorations dans le régime du chômage partiel ; l’accord est signé par toutes les organisations ;
- un ANI du 6 novembre 2009 crée un portail des « liens vers l’emploi » ;
- un ANI du 19 mai 2010, intitulé de la même façon que celui du 8 juillet 2009, définit la contribution de l’Unédic au financement du plan « Rebond pour l’emploi » (infra, II.2).
I.3 – Les acteurs sociaux affirment leur autonomie : l’Agenda social 2011
37La relance de la négociation répond d’abord à une urgence politique. Le conflit sur les retraites laisse les syndicats dans une situation paradoxale. D’un côté, ils semblent avoir perdu la bataille en n’obtenant du gouvernement ou du Parlement que des concessions limitées qui laissent intacts les choix initiaux. De l’autre, ils ont démontré une capacité de mobilisation exceptionnelle ; ils ont vu s’améliorer la confiance que leur accordent les salariés ; ils ont réussi à maintenir jusqu’au bout une image d’unité d’action. Il est indispensable pour eux de ne pas en rester là. Le dialogue étant provisoirement rompu avec le gouvernement, seule la négociation offre le moyen de reprendre l’initiative. Le patronat a prudemment quitté le devant de la scène pendant le conflit des retraites et s’est contenté d’un soutien, convaincu mais discret, au gouvernement. Sur le dialogue social dans les TPE, le MEDEF et la CGPME ont refusé une négociation qui était requise par la loi pour privilégier une efficace action de lobbying auprès du Parlement (supra, I.2). Dans les deux cas, les résultats immédiats sont satisfaisants pour le patronat, mais la méthode est en contradiction avec le discours qu’il martèle depuis plus de dix ans sur l’autonomie et la responsabilité des acteurs sociaux. Il lui importe de démontrer une capacité d’initiative et de redonner au dialogue social une visibilité, ne serait-ce que pour se garantir des incertitudes électorales de 2012 [18].
38Au terme du conflit sur la réforme des retraites, il existe donc, pour des raisons différentes, un intérêt commun du patronat et des syndicats à relancer des formes paritaires de dialogue social. Très vite, des initiatives sont prises de part et d’autre ; en quelques semaines, des discussions bilatérales préparent la définition d’un nouveau programme de travail [19].
Un menu controversé
39Le 10 janvier 2011, les organisations patronales et syndicales, à l’exception de la CGT, adoptent un agenda social qui manifeste à la fois une grande ambition et une grande hétérogénéité dans son contenu comme dans ses modalités. Dans le cadre d’un « cycle pluriannuel de délibérations et de négociations », elles retiennent onze thèmes qui devront être abordés au cours de l’année (encadré 2), leur examen pouvant pour certains se prolonger en 2012.
Encadré 2. Liste des thèmes de l’Agenda social 2011
- Emploi des jeunes (priorité)
- Assurance chômage
- APEC
- Retraites complémentaires
- Modernisation du dialogue social
- Modernisation du paritarisme
- Bilan d’étape professionnel
- Financement de la protection sociale
Deuxième semestre
- Emploi et sécurisation des parcours professionnels
- Qualité de vie au travail
- Emploi des seniors
40Le choix des thèmes est le résultat d’une suite de discussions bilatérales et de compromis.
41L’amorçage initial résulte, dès la fin octobre 2010, de l’accord entre François Chérèque et Laurence Parisot pour ouvrir des discussions sur l’emploi des jeunes et des seniors. Des tensions se manifestent rapidement. D’une part, la CGT veut élargir à une négociation globale sur l’emploi tandis que le MEDEF n’accepte de négocier que sur l’emploi des jeunes. D’autre part, la CFDT souhaite ouvrir une deuxième étape de négociation sur la modernisation du marché du travail pour évoquer « les évolutions des parcours professionnels » ; ce projet suscite les réticences du MEDEF peu intéressé et la méfiance de la CGT qui y voit un risque de renforcer la précarisation des salariés.
42Le MEDEF souhaite introduire le thème du financement de la protection sociale. Les syndicats acceptent d’en discuter, mais la CGT veut y associer la question de la couverture des besoins des salariés par la protection sociale, ce qui est refusé par le MEDEF.
43Sur les deux délibérations sociales en cours (dialogue social et paritarisme), c’est plutôt le MEDEF qui met la pression pour passer à la phase de négociation. La CGT et la CGT-FO sont particulièrement réticentes sur le premier sujet où elles voient une offensive camouflée du patronat pour réduire les droits des IRP. Finalement, seul le second thème passera au stade de la négociation.
44Si la liste finalement retenue est aussi riche, c’est à la fois parce que plusieurs thèmes s’imposaient et parce qu’il fallait essayer de satisfaire tout le monde, quoique à des degrés inégaux. Ceci n’a pas suffi pour obtenir l’accord de la CGT qui y a vu un agenda « plus médiatique que social » : « rien sur le partage des richesses, rien sur le volume de l’emploi et la question de la sécurisation des parcours est renvoyée à une perspective lointaine » (Michel Doneddu) ; la CGT décidera donc de s’associer ou non, au cas par cas, aux discussions programmées [20]. Les autres organisations sont en revanche globalement satisfaites de l’équilibre obtenu après plusieurs remaniements de la liste initialement présentée par le patronat.
45L’enjeu des discussions n’était pas seulement l’établissement de la liste des thèmes, mais aussi la définition de leur mode de traitement. Trois degrés d’engagement doivent être distingués.
46Des négociations seront ouvertes sur six thèmes. Dans quatre cas, elles étaient, de jure ou de facto, obligatoires. S’agissant de l’assurance chômage et des retraites complémentaires, elles s’imposaient puisque les conventions précédentes venaient à expiration. Pour le bilan d’étape professionnel, après l’annulation de l’avenant du 3 mars 2009 du fait de trois oppositions syndicales (supra, I.1), la loi du 24 novembre 2009 [21] en a validé la création (qui résultait de l’ANI MMT) et en a renvoyé la mise en œuvre aux résultats d’une négociation interprofessionnelle à venir. Enfin, la négociation sur l’APEC est imposée par l’application des normes de concurrence de l’Union européenne aux prestations marchandes proposées par cet organisme. Les seules décisions autonomes sont donc, d’une part, le passage du stade de la délibération sociale à celui de la négociation pour le paritarisme [22], d’autre part, l’ouverture d’une négociation sur l’emploi des jeunes considérée comme prioritaire.
47Deux délibérations sociales auront pour objet d’examiner les possibilités d’ouverture de négociations ultérieures. Celle sur la modernisation du dialogue social (pour l’essentiel, les IRP) se poursuivra alors qu’elle est entamée depuis juin 2009 sans résultats autres que des états des lieux et des inventaires de questions à traiter. Une seconde délibération sera ouverte au deuxième semestre sur « la qualité de vie au travail » ; elle inclura notamment les conditions de travail, la conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle ainsi que l’égalité professionnelle hommes/femmes.
48Un troisième registre du dialogue social est introduit ; il engage encore moins ses participants que le précédent. Sur le financement de la protection sociale, il s’agit de l’« engagement d’une réflexion » dans le cadre de la délibération économique en cours. Pour la modernisation du marché du travail, un « bilan-évaluation » de l’ANI MMT sera réalisé, « pouvant déboucher » sur une délibération sur l’emploi et la sécurisation des parcours professionnels. Enfin, s’agissant de l’emploi des seniors, il ne s’agit que d’un « bilan » de l’ANI du 13 octobre 2005 [23] et des accords de branche et d’entreprise.
49Cette subtile combinatoire permet à la fois un effet d’affichage global impressionnant et quelques arrangements qui offrent des satisfactions symboliques sans engagement précis [24]. Au total, si l’on met à part les négociations obligées, l’agenda social n’introduit que deux éléments nouveaux susceptibles d’avoir des effets normatifs : les négociations sur l’emploi des jeunes et sur le paritarisme. Nous analyserons seulement les négociations qui ont abouti à des ANI signés à ce jour (début novembre 2011).
Les retraites complémentaires
50L’ANI du 18 mars 2011 fait l’objet, dans ce même numéro, d’une analyse approfondie à laquelle nous renvoyons le lecteur (Besnard, 2011). Nous en rappellerons seulement quelques conclusions essentielles.
51Malgré l’opposition de certains syndicats qui affirmaient l’autonomie de la négociation collective dans la production des normes, l’accord transcrit le déplacement des limites d’âge qui a été introduit pour les régimes de retraite de base par la loi du 9 novembre 2010.
52L’accord constitue une première illustration de la stratégie de négociation à coût nul (pour les entreprises) affirmée par le MEDEF (infra, II.3). Le compromis ne peut être financé, à taux de cotisation inchangé, que par prélèvement sur les réserves des régimes. Les termes de l’accord ne sont donc pas soutenables à long terme. La solution retenue ne permet que de repousser des choix qui auraient été inacceptables pour l’une ou l’autre partie.
53Les syndicats, qui avaient maintenu une opposition commune au projet de réforme des retraites de base, sont profondément divisés à l’égard de cet accord. La CGT et la CFE-CGC souhaitent exercer leur droit d’opposition, mais n’obtiennent pas le ralliement espéré de la CFTC ; elles s’engagent alors sur le terrain juridique en contestant devant les tribunaux les dispositions, à leurs yeux discriminatoires, concernant les cadres. Les trois organisations signataires, malgré leurs insatisfactions, ont mis principalement l’accent sur le maintien (provisoire) de l’AGFF [25] et sur l’interruption (provisoire) de la dégradation des taux de rendement.
L’assurance chômage
54Les négociations sur l’assurance chômage conduisent à s’interroger sur un étonnant revirement de situation. Alors que l’ANI du 23 décembre 2008, qui venait à expiration, avait été rejeté par quatre des cinq organisations syndicales et que ses conditions d’agrément avaient engendré du côté patronal un vif mécontentement de la CGPME, les discussions s’ouvrent en janvier 2011 dans un climat où personne ne semble souhaiter remettre en question les principes de base de la convention précédente [26]. De fait, l’ANI du 25 mars, signé par quatre syndicats [27] et rejeté par la CGT, reconduit pour deux ans et demi l’essentiel de l’accord précédent [28] après qu’un point de conflit majeur a fait l’objet d’un compromis et que tous les autres ont été renvoyés à plus tard.
55Le compromis, difficilement obtenu, porte sur la clause, que le patronat entendait maintenir, de réduction automatique des cotisations en cas d’excédents du régime. Finalement, l’accord soumet la baisse de cotisation, qui ne pourra être au maximum que de 0,4 point par an, à une double condition : deux semestres consécutifs d’excédents supérieurs à 500 millions d’euros et un déficit cumulé égal ou inférieur à 1,5 mois de cotisations [29]. Cet épisode suscite deux remarques.
56En premier lieu, il est étonnant de voir le patronat insister d’un côté, dans la négociation sur la modernisation du paritarisme, sur l’exigence d’exemplarité de la gestion des institutions paritaires et de l’autre, dans la négociation sur l’assurance chômage, exiger le maintien d’une règle manifestement contraire à la rationalité gestionnaire. Le chômage étant un phénomène cyclique, un régime d’assurance ne peut fonctionner qu’en accumulant des excédents en période de haute conjoncture pour faire face aux déficits des périodes de récession. Compte tenu du plafond de déficit cumulé fixé dans l’accord, réduire les cotisations en cas d’excédents d’exploitation, c’est condamner le régime à consacrer en permanence une fraction de ses ressources à l’amortissement des emprunts, offrant ainsi aux banques des produits financiers sans risques. De plus, comment justifier dans cette dynamique cyclique un mécanisme de réduction automatique des cotisations sans qu’il existe un mécanisme symétrique d’augmentation ? Où est la rationalité de gestion ?
57En second lieu, selon les prévisions alors plutôt optimistes des services de l’Unédic, les conditions d’application du mécanisme de réduction du taux de cotisation n’auraient été remplies au mieux qu’à la fin de 2015, c’est-à-dire au-delà de la période de validité de l’accord. Le patronat a obtenu que la clause de réduction automatique reste en vigueur jusqu’au 31 décembre 2016. L’essentiel était pour lui que le principe inclus dans l’accord de 2008 soit réaffirmé, même corrigé, donc devienne difficile à contester par la suite, surtout après quatre signatures syndicales.
58Les autres questions conflictuelles sont renvoyées à un « groupe de travail politique » qui, pendant les deux années d’exécution de la convention, étudiera les propositions de réformes avancées de part et d’autre. Du côté syndical, il s’agit des droits portables (ou rechargeables) et de la modulation des cotisations selon la précarité des contrats de travail. Du côté patronal, sont mis en avant la dégressivité des allocations et un thème plus général concernant la simplification-lisibilité-transparence du dispositif.
59Les analogies sont fortes avec les conditions et les résultats de la négociation sur les retraites complémentaires. Dans les deux cas, la négociation est imposée par la venue à terme d’un accord antérieur. Le patronat part d’une position de refus d’augmentation des cotisations et y ajoute, dans le cas de l’assurance chômage, l’exigence de confirmation du mécanisme de réduction automatique. Pour atteindre cet objectif, il propose différentes options de réduction des prestations. Pour l’essentiel, l’action des syndicats se concentre sur le refus de ces reculs et ils y parviennent globalement [30] ; ils obtiennent même quelques petites avancées.
60Les conditions du compromis sont la préservation des systèmes dans l’immédiat en renvoyant à plus tard les enjeux les plus conflictuels.
61Dans le cas des régimes complémentaires, ce sont les tendances de long terme qui sont déterminantes. L’accord implique un prélèvement sur les réserves ; il n’est pas soutenable. Le débat est renvoyé en 2013 autour de la réforme systémique.
62Dans le cas de l’assurance chômage, ce sont les évolutions cycliques qui sont dominantes. Le compromis prolonge pour deux ans et demi l’accord précédent. Il renvoie les débats de fond au groupe de travail politique dont les travaux seront soumis à la contrainte imposée par l’entrée en action potentielle du mécanisme de réduction des cotisations au cours de la convention suivante.
L’APEC
63L’Association pour l’emploi des cadres a été créée par un ANI du 18 novembre 1966, non renégocié depuis lors. L’irruption des règles de concurrence de l’Union européenne dans le domaine des services contraint à une remise en question de ses principes de fonctionnement (Rousseau, 2011). Ces règles ne s’appliquent pas aux activités de service public (ou « services d’intérêt économique général » dans le langage communautaire) qui bénéficient d’un système de financement obligatoire. En revanche, elles sont impératives pour les activités marchandes telles que les prestations payantes proposées par l’APEC. Au départ de la négociation, qui s’ouvre le 21 décembre 2010, l’opposition semble tranchée entre le patronat et les syndicats. Le MEDEF propose de réduire l’APEC à ses missions de service public financées par cotisation en abandonnant les autres au secteur concurrentiel. Les syndicats définissent ensemble un projet d’accord qui écarte l’hypothèse de filialisation des activités marchandes quitte à en isoler la gestion. Au terme d’une longue période d’incertitude sur les intentions patronales, entre février et mai, la situation se débloque soudain et un ANI est signé le 12 juillet. Il repose sur une tripartition des activités de l’APEC qui assure la compatibilité avec les règles européennes :
- les missions correspondant à un service d’intérêt économique général sont financées par les cotisations ;
- des activités non marchandes hors du périmètre des services d’intérêt général (par exemple, analyse du marché du travail, développement d’innovations…) peuvent être financées par les cotisations sous la double condition de l’être au coût réel du marché et d’être prévues par un mandat de service public ;
- les activités marchandes sont facturées et doivent s’équilibrer finan-cièrement.
64Venons-en aux deux négociations qui, à la différence des précédentes, résultent d’une volonté autonome des acteurs sociaux. Celle qui porte sur le paritarisme n’a, à ce jour, que faiblement progressé malgré des réunions régulières [31]. En revanche, l’emploi des jeunes a été l’objet de quatre ANI signés à quelques semaines d’intervalle.
L’emploi des jeunes
65D’entrée un débat s’ouvre sur la nature de la négociation. L’urgence commande-t-elle de privilégier des réalisations concrètes sur la base de dispositifs rapidement opérationnels ou bien le caractère structurel des problèmes de l’emploi et du chômage des jeunes exige-t-il des réponses à ce niveau ? Finalement, il est décidé d’engager successivement les deux démarches. La première portera sur des actions immédiates qui reposeront sur les dispositifs existants et pourront faire l’objet d’accords partiels avant la fin du premier semestre 2011. La seconde traitera du moyen et du long terme. Seuls les résultats de la première phase se sont à ce jour concrétisés.
66L’ANI du 7 avril 2011 traite de « l’accompagnement des jeunes dans l’accès à l’emploi ». Il définit trois catégories de jeunes qui ont des difficultés particulières d’accès à l’emploi et qui bénéficieront d’un accompagnement renforcé assuré par trois opérateurs. Au sein de dispositifs ou de financements existants, des quotas leur sont réservés :
- les « décrocheurs » sortis du système éducatif sans qualification ou sans diplôme sont confiés aux Missions locales (20 000 en 2011) avec un financement à titre exceptionnel par le FPSPP ;
- les jeunes ayant entamé ou achevé un cursus dans l’enseignement supérieur seront suivis par l’APEC (25 000 en 2011 et 2012) avec un financement sur ses réserves ;
- les jeunes ayant un diplôme ou une qualification reconnue seront pris en charge par Pôle emploi (20 000 en 2011) ; le financement proviendra du FPSPP.
67Un second accord, l’ANI du 29 avril 2011 sur « l’accès au logement », combine une gamme de dispositions à caractère technique dont le contenu ne soulève pas de désaccords entre négociateurs. Un enjeu central réside dans l’utilisation des contributions patronales qui financent « Action Logement » (ex-« 1 % logement »). L’Etat puise largement dans ces ressources pour alimenter sa politique du logement. Le financement des dispositions de l’accord repose dans une large mesure sur le fléchage au bénéfice des jeunes actifs d’une fraction des fonds d’Action Logement. La limitation du prélèvement de l’Etat est une condition pour que le fléchage en direction des jeunes n’ait pas pour effet de réduire le financement des autres activités d’Action Logement [32].
68L’accord sur l’accès au logement recueille quatre signatures syndicales. Il ne fait pas l’objet de commentaires détaillés. Les organisations signataires soulignent des avancées concrètes, quoique limitées ; la CGT critique leur insuffisance.
69A la différence du précédent, l’ANI du 7 juin 2011 sur « l’alternance et les stages » n’est obtenu qu’au terme de difficiles négociations. Celles-ci sont perturbées par le dépôt à l’Assemblée nationale d’une proposition de loi (dite proposition « Cherpion », du nom d’un des députés signataires) qui couvre différents thèmes dont l’apprentissage (infra, II.1). Elle prévoit, dans ce domaine, de porter de 3 à 4 %, pour les entreprises d’au moins 250 salariés, le pourcentage minimum de leur effectif qui doit bénéficier de contrats en alternance. La contribution supplémentaire à l’apprentissage versée par les entreprises jusqu’alors à un taux unique serait désormais modulée selon le pourcentage de salariés en alternance dans l’entreprise. Un des enjeux de la négociation pour le patronat est d’obtenir que les entreprises puissent échapper à la nouvelle contrainte sur le quota minimum. Le résultat est obtenu de manière assez complexe sur la base d’accords de branche qui fixeraient pour l’alternance des objectifs non pas en niveau, mais en taux de croissance. C’est la raison principale pour laquelle la CGT-FO rejette l’accord, comme la CGT. Les autres organisations soulignent les progrès, limités mais concrets, apportés par l’accord en particulier sur son second volet, celui des droits des stagiaires.
70Le quatrième accord, l’ANI du 11 juillet 2011 « relatif à l’accompagnement des jeunes pour favoriser leur maintien dans l’emploi », présente deux avancées concrètes à côté d’orientations générales non contraignantes pour les entreprises :
- la mise en place d’une fonction tutorale est rendue obligatoire pour tout jeune en contrat de professionnalisation alors que ce n’était le cas jusqu’alors que pour les contrats d’apprentissage. Le financement de la formation des tuteurs sera pris en charge par les OPCA [33] et par le FPSPP ;
- une « aide financière exceptionnelle » est créée pour permettre aux jeunes de moins de 26 ans de faire face aux frais engendrés par l’accès à l’emploi avant la perception d’un premier salaire. Le financement sera assuré, dans la limite de 40 millions d’euros, par l’Unédic.
Deux négociations hors agenda social
71Des initiatives du gouvernement ou de députés de la majorité conduisent ou contraignent à deux négociations non programmées dans l’agenda.
72La première porte sur le contrat de sécurisation professionnelle. La coexistence des CRP et CTP, deux dispositifs proches mais disjoints (supra, I.1) était source d’inégalités et d’incohérences. Ce sont les pouvoirs publics qui prennent l’initiative, à la fin mars 2011, en proposant leur fusion aux organisations patronales et syndicales. Dès lors, d’intenses discussions tripartites se développent. Elles seront accompagnées d’une part, par la proposition de loi « Cherpion » déjà citée (infra, II.1) qui prévoit un dispositif unique, d’autre part, par une négociation paritaire rendue nécessaire par la nature conventionnelle de la CRP. Le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) naît de la fusion CRP-CTP. L’ANI du 31 mai 2011 fait l’objet d’une approbation unanime. Il constitue plus le sous-produit de discussions tripartites, sanctionnées par une convention tripartite, que la manifestation de l’autonomie de la négociation collective.
73Une seconde négociation a concerné les groupements d’employeurs. L’ANI du 8 juillet 2009 sur la gestion sociale des conséquences de la crise prévoyait la création sur ce thème d’un groupe de travail qui n’a pas abouti. La proposition de loi Cherpion satisfait en ce domaine les demandes des employeurs. Les organisations patronales souhaitent cependant que la question fasse l’objet de négociations. Pour donner à celles-ci le temps nécessaire, la loi prévoit qu’il pourra être dérogé à ses dispositions par un ANI signé avant le 1er novembre 2011. L’enjeu des négociations qui s’ouvrent en juin 2011 est de définir les garanties pour les salariés qui accompagneraient l’assouplissement des conditions de recours par les employeurs à cette forme d’emploi flexible. Il s’agit d’une négociation d’un type très particulier puisque chacun sait qu’en cas d’échec s’appliqueront les dispositions légales qui satisfont les employeurs. Les organisations patronales ne sont donc pas portées à aller bien loin dans la voie des concessions et le dernier projet d’accord qu’elles présentent le 27 octobre fait l’objet d’un rejet unanime de la part des syndicats.
74En dépit de cet ultime échec et bien que les avis soient partagés, à juste titre, sur la qualité des accords signés depuis trois ans, il n’est pas discutable que, malgré trois semestres vides, la négociation interprofessionnelle a joué un rôle important dans la régulation des conséquences sociales de la crise économique. Il reste à dégager quelques enseignements transversaux sur l’autonomie de cette procédure, sur la hiérarchie des préoccupations qu’elle reflète et sur les stratégies adoptées par les différents acteurs sociaux.
II – Quelques questions transversales
75L’expérience des trois dernières années, dans un contexte de crise économique à durée indéterminée, fournit des éléments pour réexaminer des questions traditionnelles qui portent sur le statut de la négociation interprofessionnelle en France ? Quelle articulation entre norme publique et norme négociée ? Quel partage des tâches entre l’Etat et les « partenaires sociaux » ? La crise a aussi modifié le rapport des forces : le patronat a adopté le principe de la négociation à coût nul ; les organisations syndicales sont entrées dans un complexe mouvement de redistribution des rôles.
II.1 – Normes publiques et normes négociées
76La loi de démocratisation du dialogue social constitue la première tentative pour définir une procédure générale d’articulation entre la production de normes publiques et celle de normes négociées de portée interprofessionnelle. Après plus de quatre années d’expérience, il apparaît qu’elle n’a pas modifié les termes de certaines difficultés récurrentes, qu’elle a posé de nouveaux problèmes et qu’elle laisse ouverte la question centrale des frontières de compétence.
Des difficultés récurrentes
77Deux sources permanentes de tension entre négociateurs et pouvoirs publics se sont à nouveau manifestées durant la phase de crise économique.
78En premier lieu, les ANI requièrent généralement des arrêtés d’extension et d’élargissement. Dans certains cas, comme les conventions d’assurance chômage, c’est une procédure d’agrément qui est requise (Willmann, 2009). Souvent routinières, ces obligations mettent parfois en question l’autonomie de la négociation. On se rappelle l’affrontement vif et prolongé entre le gouvernement et les organisations signataires en 2000 à propos de l’agrément de la convention d’assurance chômage. Sur le même dossier, les difficultés ont été de nature différente à propos de la convention issue de l’ANI de 2008 : l’unique signature syndicale, combinée à quatre refus dont deux oppositions déclarées, laissait de facto la décision à la responsabilité politique du gouvernement. Dans ce contexte, il a accompagné son agrément de correctifs visant certaines des dispositions de l’accord qui étaient les plus critiquées par les syndicats non signataires [34].
79En second lieu, lorsque des institutions paritaires sont financées par des contributions de nature fiscale, il existe toujours le risque que le gouvernement décide un prélèvement sur ces ressources. Tel a été le cas dans la période (supra, I.2 et I.3) pour le FPSPP et pour Action logement [35]. La mise en œuvre des dispositions des ANI relatives à la formation des salariés et des chômeurs peu qualifiés ainsi qu’à l’accès des jeunes au logement est donc conditionnée par les décisions de ponction financière prises par les pouvoirs publics, décisions évidemment influencées par le contexte de crise.
80Même s’il a été négocié de manière autonome, un ANI n’est donc pas à l’abri de l’intervention des pouvoirs publics. L’affaire se complique lorsque l’autonomie n’est pas totale.
Des problèmes posés en des termes nouveaux
81L’application de la loi de démocratisation du dialogue social a rapidement soulevé trois types de difficultés.
82En premier lieu, les thèmes ainsi que les documents d’orientation imposés à la négociation par le gouvernement peuvent ne pas correspondre aux souhaits des acteurs sociaux. Tel est le cas dès décembre 2007 avec l’introduction forcée d’une négociation sur la durée du travail dans l’agenda social 2008. Il en sera de même, à la rentrée 2008, pour la négociation sur la formation professionnelle non souhaitée au départ ou, en mai 2009, pour l’injonction présidentielle à négocier sur le partage de la valeur ajoutée, rejetée par le patronat. Ces tensions et l’évolution du contexte expliquent que les organisations patronales et syndicales aient opté en 2011 pour la définition autonome de leur agenda social ; comme nous l’avons vu, leur autonomie restait dans ce cadre partiellement contrainte.
83En second lieu, lors de l’élaboration des textes réglementaires et législatifs nécessaires à la mise en œuvre des ANI, le gouvernement et a fortiori le Parlement ne sont pas tenus par les textes négociés. Le cas de l’ANI de janvier 2009 sur la formation continue est significatif. Malgré une signature unanime des organisations, il leur a fallu une longue et difficile bataille, d’abord avec le gouvernement, ensuite au Parlement, pour sauver l’essentiel de leur texte, non sans devoir avaler quelques couleuvres (Luttringer, Willems, 2010).
84Enfin, l’obligation créée par la loi de janvier 2007 ne concerne que le gouvernement et non les propositions de loi déposées par les députés ou sénateurs. Il est vite apparu que le gouvernement disposait là d’un instrument commode pour tourner la loi. Face aux protestations des acteurs sociaux, le Sénat puis l’Assemblée nationale ont adopté une procédure interne visant à laisser un délai à la négociation interprofessionnelle lorsqu’elle est potentiellement compétente sur des sujets abordés par des propositions de loi. La proposition de loi dite Cherpion [36] fournit une illustration de la complexité des situations qui en résultent. Elle contient des mesures relatives à l’alternance, aux groupements d’employeurs, à la fusion des CRP et CTP dans un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) et à l’information des comités d’entreprise sur les politiques de distribution de dividendes. À la demande des partenaires sociaux, qui avaient des négociations en cours ou en projet sur plusieurs de ces thèmes, et en application des dispositions mentionnées précédemment, le président de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale leur accorde un délai de quatre semaines pour négocier. Le projet de loi sera modifié pour intégrer les résultats de l’ANI du 7 juin sur l’alternance et les stages ainsi que de l’ANI du 31 mai sur le CSP. En ce qui concerne les groupements d’employeurs, il a été prévu qu’un ANI adopté avant le 1er novembre 2011 pourrait déroger aux dispositions de la loi (supra, I.3). Par ailleurs, les mesures relatives à la contribution supplémentaire à l’apprentissage sont renvoyées à une loi de finances rectificative (loi du 29 juillet 2011), tandis qu’une loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (loi du 13 juillet 2011) crée la prime de partage des profits qui s’appliquera « jusqu’à l’intervention d’une loi suivant les résultats des négociations interprofessionnelles sur le partage de la valeur ». On mesure, sur cet exemple, le degré d’imbrication qui s’est établi entre les formes législatives et négociées de production des normes.
Négociation paritaire et concertation tripartite : une frontière indéfinie
85Une caractéristique de l’organisation du dialogue social en France est l’absence de frontière de compétence entre ce qui relève de la négociation interprofessionnelle et de la concertation tripartite sur les projets gouvernementaux. Confronté aux conséquences sociales de la crise, le gouvernement organise plusieurs sommets sociaux qui visent autant à mettre en discussion ses propositions qu’à inviter les partenaires sociaux à prendre leurs propres responsabilités.
86Par exemple, lors du sommet social du 15 février 2009, le président de la République annonce entre autres : la création de l’APLD, pour laquelle devra être négociée la contribution de l’Unédic, une prime de 500 euros pour les chômeurs non indemnisés, corrigeant une lacune de l’ANI du 23 décembre 2008, la création d’un Fonds d’investissement social dont l’Etat est prêt à financer la moitié, ce qui suppose un apport complémentaire des fonds paritaires (FPSPP et Unédic)… La réunion tripartite du 1er juillet 2009 ou le sommet social du 10 mai 2010 sont plus des bilans d’étape que des moments d’annonce de nouvelles mesures significatives, cependant le président maintient, sans succès, la pression pour une négociation sur le partage de la valeur ajoutée et demande l’ouverture d’une négociation sur un dispositif de pré-recrutement des jeunes. On comprend, sur la base de ces différentes expériences, combien il est difficile de mesurer le degré d’autonomie de la négociation interprofessionnelle tant dans le choix des thèmes que dans la définition des normes et dans la mise en œuvre des dispositifs qui en résultent.
87Les rapports observables entre la politique publique et la négociation interprofessionnelle depuis l’éclatement de la crise économique confirment un diagnostic déjà porté sur la période antérieure (Freyssinet, 2010a). Si tous les acteurs sociaux souhaitent être consultés par le gouvernement et si chacun souhaite voir son avis pris en compte, la perspective d’un tripartisme décisionnel est en France considérée par la majorité des acteurs comme politiquement ou syndicalement « non correcte » et pratiquement non réalisable [37]. Aux yeux de certaines organisations syndicales, elle présente des connotations de collaboration de classes ou de néo-corporatisme [38]. Du point de vue des organisations patronales, le danger serait qu’elle serve à légitimer des interventions régulatrices de l’Etat. En revanche, le registre de la négociation paritaire est plus conforme aux valeurs et aux représentations des acteurs sociaux. L’accord interprofessionnel démontre formellement une capacité de régulation autonome, illustrée en particulier par la gestion des institutions paritaires, même si chacun sait que l’intervention de l’Etat ou le recours à l’Etat en constituent des ingrédients souvent nécessaires, parfois déterminants.
II.2 – Insiders et outsiders
88Une critique souvent adressée à la négociation collective est qu’elle répondrait à une logique de protection des insiders et laisserait à l’Etat la charge de la gestion sociale des outsiders. Depuis l’ouvrage fondateur de Lindbeck et Snower (1988), tout un courant critique de l’action des syndicats a considéré qu’ils avaient pour priorité la défense des intérêts de leurs membres (emploi, salaires, conditions de travail), ce qui ne pouvait réussir qu’aux dépens des intérêts des travailleurs situés à la marge du marché du travail dans l’alternance entre chômage et emplois précaires. Diverses organisations internationales (Banque mondiale, OCDE, Commission européenne) ont repris, plus ou moins brutalement, cette thèse en soutenant que les protections obtenues ou défendues par les syndicats au bénéfice des travailleurs stables accentuent le dualisme du marché du travail en faisant supporter aux outsiders l’essentiel du coût des ajustements avec la seule protection des dispositifs d’assistance sociale.
89On peut s’interroger sur les fondements théoriques de ce découpage, dont on observe qu’il est aussi instable dans le temps que variable selon les pays. Cependant, quel que soit son caractère arbitraire, les acteurs politiques et sociaux semblent en accepter le principe et ne débattre que du tracé de la frontière. Sous cet aspect, il est instructif d’observer des moments de crise durant lesquels le partage des responsabilités est remis en question sous l’impact de chocs exogènes à la sphère de régulation sociale (Gautié, 2011) : les décisions prises par les différents acteurs révèlent alors la conception qu’ils ont de leurs responsabilités respectives ainsi que la fonction de préférence implicite qui commande la répartition de leurs ressources. Certains domaines abordés par la négociation interprofessionnelle dans la période de crise économique concernent principalement le statut des insiders, par exemple les retraites complémentaires, l’indemnisation du chômage partiel ou la GPEC, mais les autres thèmes traités posent la question des droits des outsiders.
90L’emploi des jeunes peut être présenté, jusqu’en 2011, comme une illustration typique d’un partage des tâches outsiders/insiders entre dispositifs publics et négociés (Freyssinet, 2010c). L’initiative est uniquement celle de l’Etat. Elle se traduit par le « plan d’urgence en faveur de l’emploi des jeunes (avril 2009) puis par le plan « agir pour la jeunesse » (septembre 2009). La négociation interprofessionnelle est muette sur cette question [39]. La situation s’inverse en 2011. Face au maigre bilan de l’action publique, l’agenda social fait de l’emploi des jeunes son thème prioritaire (supra, I.3). Quatre accords sont signés dont l’ambition est certes limitée, mais dont il n’est pas discutable que le contenu est orienté vers les jeunes ayant des difficultés d’accès à l’emploi et à la qualification.
91Le système de formation professionnelle continue est régulièrement dénoncé comme facteur d’amplification des inégalités. Si les mécanismes générateurs des inégalités se situent très vraisemblablement ailleurs, il n’est pas douteux que les ANI successifs n’ont pas permis de les combattre. Les négociateurs étaient conscients de la pertinence de cette critique et, dès l’ANI MMT, ils annonçaient l’affectation de « moyens spécifiques (…) pour assurer la qualification ou la requalification des salariés et des demandeurs d’emploi, notamment ceux les plus éloignés de l’emploi » (article 15). Cette disposition s’est principalement traduite dans l’ANI du 7 janvier 2009 par la création du FPSPP qui est ciblé sur cet objectif et qui est doté à cette fin de ressources potentiellement importantes. Le débat est ouvert sur le poids relatif, dans le choix de cette nouvelle orientation, de la volonté autonome des négociateurs, de la pression intense exercée par le gouvernement et des critiques émanant tant des experts que de la société civile. Constatons que la combinaison de ces facteurs a conduit à une ouverture significative des fonds paritaires en direction des outsiders.
92Le cas de l’indemnisation du chômage requiert un diagnostic plus complexe et plus nuancé.
93En ce qui concerne l’assurance chômage stricto sensu, l’ANI du 23 décembre 2008, confirmé par celui du 25 mars 2011, ouvre des droits à indemnisation dès quatre mois de cotisation tandis que le principe un jour/un jour est susceptible de réduire les droits de certaines catégories d’assurés ayant de longues durées de cotisation. Certains syndicats ont critiqué cette façon de « déshabiller Pierre pour habiller Paul ». Il n’en demeure pas moins que, pour un taux de cotisation inchangé, une redistribution a été opérée au profit des outsiders [40].
94La convention de reclassement personnalisé (CRP) est indiscutablement un dispositif réservé aux insiders puisqu’elle concerne des salariés ayant deux ans d’ancienneté. Ils ont bénéficié des améliorations successives apportées en 2008 et 2009 par la négociation collective qui a conduit à un alignement sur le régime des contrats de transition professionnelle (CTP). En revanche, les syndicats n’ont pas obtenu du patronat l’extension aux titulaires d’emplois précaires de la possibilité d’accès à la CRP ; une expérimentation au bénéfice de ces derniers n’a été introduite que dans le cadre des CTP de l’Etat. Le cas des CRP (et aussi des CTP) est emblématique de l’ambiguïté d’une réflexion en termes d’insiders et d’outsiders. Les victimes de licenciements économiques sont aujourd’hui majoritairement des hommes travaillant à temps plein dans l’industrie et ayant une ancienneté dans l’emploi élevée. Dans la problématique traditionnelle, ils sont par excellence des insiders. En revanche, ce sont eux qui ont les durées de chômage les plus élevées et les plus forts risques de déclassement en cas de retour à l’emploi. Faut-il ranger les CRP et les CTP parmi les mesures typiques d’un traitement privilégié des insiders ? Ne constituent-ils pas plutôt des dispositifs ciblés sur des catégories particulièrement menacées d’exclusion [41] ?
95Une troisième illustration typique des arbitrages sur le partage des respon- sabilités entre Etat et partenaires sociaux est fournie par le dossier dit des « fins de droits ». La perspective, à la fin de 2009, de l’épuisement des droits à l’assurance pour plus d’un million de chômeurs au cours de l’année 2010 relance le débat. Le MEDEF affirme d’abord, par la bouche de Laurence Parisot, que le problème des fins de droits est « de la compétence exclusive du gouvernement » [42] ; simultanément, le gouvernement, par la bouche de Laurent Wauquiez, secrétaire d’Etat à l’Emploi, estime que « l’indemnisation des chômeurs relève avant tout de la responsabilité des partenaires sociaux » [43]. L’ANI du 8 juillet 2009 sur les conséquences sociales de la crise avait prévu la création d’un groupe de travail sur les fins de droits dans le cadre de la deuxième phase de la négociation (« sortie de crise ») qui était programmée pour s’ouvrir à la rentrée 2009. En pratique, le sujet n’est abordé qu’en février 2010 ; faute d’accord entre elles, les organisations patronales et syndicales demandent une approche tripartite. Après plusieurs réunions stériles, un accord est acté le 15 avril entre l’Etat, les organisations patronales et syndicales (à l’exception de la CGT) sur un « Plan rebond pour l’emploi » susceptible de couvrir 345 000 chômeurs en fin de droits. Le compromis combine des contrats aidés, des formations, des accompagnements renforcés et, à défaut, une « aide exceptionnelle de retour à l’emploi » d’une durée de six mois. Le financement provient pour 62 % de ressources paritaires (FPSPP, Unédic, APEC). En l’occurrence, il n’est pas possible d’estimer que les acteurs sociaux aient renvoyé sur l’Etat la responsabilité de la gestion des outsiders puisqu’ils fournissent finalement près des deux tiers du financement. En revanche, il est difficile d’apprécier dans quelle mesure cette orientation résulte de la volonté des acteurs sociaux, incapables de trouver entre eux un accord, ou de la pression exercée sur eux par l’Etat.
96L’expérience de la crise économique ne valide pas l’hypothèse selon laquelle les « partenaires sociaux » négocieraient des mesures réservées aux insiders et abandonneraient les outsiders à la responsabilité des pouvoirs publics. En pratique, dans presque tous les domaines, les dossiers se sont négociés « à trois » et les financements sont combinés. Plus que l’hypothèse d’un partage hiérarchisé des publics, c’est plutôt celle d’un tripartisme masqué qui se trouve confirmée.
II.3 – La négociation à coût nul
97Lors de la négociation sur les retraites complémentaires, les syndicats, confrontés aux prévisions de déficit et soucieux de garantir ou d’améliorer certaines prestations, demandent une augmentation du taux de cotisation [44] ou la mobilisation d’autres ressources. Le compromis final ignore ces demandes et ne construit l’équilibre financier que par prélèvement sur les réserves à taux de cotisation inchangé. A cette occasion, Laurence Parisot salue un « accord historique », un « changement de paradigme » qui rompt avec la tendance à l’augmentation des cotisations sociales qui semblait inexorable. Le même principe sera appliqué par le patronat au cours des négociations suivantes.
98Pour l’assurance chômage, non seulement le taux de cotisation n’est pas augmenté, mais le principe de sa réduction sous conditions en cas d’excédents est accepté par quatre organisations syndicales. Laurence Parisot confirme son analyse : « nous avons élaboré une nouvelle convention qui préserve un haut niveau de protection des chômeurs, tout en fixant un principe de baisse du coût du travail lorsque les conditions financières le permettront. Avec l’accord sur les retraites complémentaires et cette convention d’assurance chômage, nous changeons de paradigme. Baisser les cotisations, c’est un stimulant pour l’ensemble de l’économie, pour le salarié et pour l’entreprise. » [45]
99Le même principe s’applique aux quatre accords sur l’emploi des jeunes, qui sont financés par fléchage d’une fraction des ressources des fonds paritaires (FPPSS, Unédic, APEC, Action logement). En ce qui concerne l’APEC, l’ANI mentionne l’éventualité d’une réduction des cotisations en cas d’excédents supérieurs à 10 % pendant deux années consécutives.
100La lutte contre la montée des prélèvements sociaux obligatoires ne constitue pas un élément nouveau dans la stratégie des organisations patronales. La crise économique leur a permis, dans les domaines relevant de la négociation interprofessionnelle, non seulement d’atteindre cet objectif, mais aussi de l’ériger en « paradigme ».
II.4 – Les positionnements syndicaux
101Les récessions économiques posent toujours de manière aiguë aux syndicats la question des objectifs prioritaires et des contreparties acceptables dans un contexte où le rapport de forces ne leur est pas favorable. Le problème se formule dans des termes spécifiques lorsqu’il s’agit de la négociation interprofessionnelle puisqu’elle est génératrice de normes de portée générale. Les organisations n’ont pas seulement à se prononcer sur la qualité du compromis au regard de la conjoncture, mais aussi sur l’opportunité d’attribuer à celui-ci, par leur signature, une légitimité spécifique qui produira ses effets sur le long terme. Sous ses aspects, la crise conduit chacune des organisations à réexaminer ses choix.
102Le tableau met en évidence l’effet de contraste principal : la CFDT a signé la totalité des dix-neuf ANI que nous avons analysés ; la CGT n’en a signé que quatre [46]. La CFDT confirme sa stratégie, amorcée dès la fin des années 1980, qui vise conquérir un rôle central face au MEDEF dans la négociation interprofessionnelle. La CGT confirme sa position critique à l’égard du contenu des accords, mais en signant certains d’entre eux elle montre qu’elle prend ses décisions au cas par cas et non à partir d’une position de refus systématique. Ce constat conduit à souligner que la négociation interprofessionnelle constitue un enjeu au caractère spécifique. En effet, les deux confédérations ont par ailleurs des objectifs convergents sur la représentativité ; ils se sont traduits par la « position commune » signée en 2008 avec le MEDEF. Depuis 2009, elles ont, au sein de l’intersyndicale, fait les efforts nécessaires pour définir face à la crise des analyses et des revendications communes, à défaut parfois de modes d’action communs. Elles sont parvenues en 2010 à maintenir jusqu’au bout une ligne d’opposition commune à la réforme des régimes de retraite de base. Enfin, dans les négociations de branche et plus encore d’entreprise, l’écart entre leur propension respective à signer est nettement moins important. C’est bien sur le terrain de la négociation interprofessionnelle que se marque le plus clairement l’affrontement de deux stratégies.
103La CFE-CGC et la CFTC étaient les organisations qui traditionnellement se joignaient à la CFDT pour garantir les trois signatures nécessaires. La situation a bougé.
104Quantitativement, le changement est faible en ce qui concerne la CFE-CGC qui a signé tous les accords sauf deux. Mais les exceptions sont de taille. En menaçant d’opposition l’ANI de 2008 sur l’assurance chômage, la CFE-CGE a entendu rappeler qu’elle était indispensable ; elle a obtenu un engagement de Laurence Parisot. Plus important est son refus de signer l’ANI de 2011 sur les retraites complémentaires, refus qui la conduit à se trouver aux côtés de la CGT pour préconiser une opposition à l’ANI puis pour l’attaquer en justice. Il s’agit d’abord de rejeter un compromis qui réduit les avantages relatifs dont bénéficiaient les cadres dans ce domaine. Mais la perspective est plus vaste. Dans la même période, la négociation sur l’APEC paraissait bloquée sine die par la position restrictive du patronat (supra, I.3) tandis que de certains arrêts de la Chambre sociale de la Cour de Cassation semblaient mettre en danger la légitimité des clauses spécifiques aux cadres dans les accords collectifs [47]. Il y avait donc un enjeu de survie pour la CFE-CGC qui explique sa rupture ponctuelle avec sa tradition de signataire.
105Le cas de la CFTC est différent car, pour elle, le moment de la rupture avec la tradition se situe à l’occasion des trois accords d’application de l’ANI MMT qu’elle avait signé. Elle ne signe pas pour la GPEC et l’assurance chômage et va même jusqu’à faire opposition à l’avenant sur le bilan d’étape professionnel. Depuis lors, elle a signé tous les accords, même si parfois les appréciations critiques de ses négociateurs laissaient présager une autre option. C’est donc par ses commentaires qu’elle fait entendre sa propre musique : expression de regrets sur les insuffisances de l’accord, reconnaissance de « petits pas » en avant, parfois option pour le moindre mal.
106C’est pour la CGT-FO que l’interprétation est la plus difficile. Chacun sait la rupture qu’avait représentée, en matière de négociation interprofessionnelle, le remplacement d’André Bergeron par Marc Blondel au secrétariat général. La période de Jean-Claude Mailly présente un aspect moins tranché. Formellement, le tableau laisse apparaître des choix presque identiques à ceux de la CFTC [48]. La signature de l’ANI MMT avait été perçue, à l’époque, comme un symbole fort de la volonté de la CGT-FO de réaffirmer sa présence dans le jeu conventionnel, mais la non-signature des trois ANI d’application donnait un signal de sens opposé. Depuis lors, l’organisation est redevenue un signataire régulier ; son refus de l’ANI « alternance-stages » lui permet cependant de prouver sa vigilance. La redistribution des responsabilités dans les institutions paritaires, partiellement commandée par les décisions sur les signatures des accords, semble confirmer l’hypothèse.
Conclusion
107Malgré un passage à vide à mi-parcours, la négociation interprofessionnelle a démontré face à la crise économique une indiscutable vitalité. Dix-neuf accords, suscités par la crise ou impactés par elle, ont couvert de nombreux domaines : GPEC, indemnisation du chômage, formation professionnelle, accompagnement des chômeurs, retraites complémentaires, emploi des jeunes… Tous ces textes ont été signés par les trois organisations patronales ; quatorze d’entre eux ont reçu quatre ou cinq signatures syndicales. Si l’ambition et l’effectivité des accords sont manifestement inégales, la négociation interprofessionnelle a cependant confirmé sa place au sein des processus de la régulation sociale.
108Dans la crise, elle apparaît, plus encore qu’auparavant, comme une spécificité française [49]. Sous cet aspect, il serait erroné d’y voir une manifestation de l’autonomie des acteurs sociaux dans la production de normes et de dispositifs de portée générale. La négociation interprofessionnelle est, de manière constante quoique à des degrés variables, imbriquée avec les processus de définition et de mise en œuvre des politiques publiques. Son effectivité est pratiquement toujours conditionnée à une impulsion incitative, à une approbation explicite ou à une intervention complémentaire de l’Etat. Rejetant le principe d’accords tripartites formalisés, les acteurs politiques et sociaux doivent imaginer des procédures, ouvertes ou masquées, qui assurent un partage fluctuant des responsabilités et un degré minimum de coordination entre les objectifs et les dispositifs de la politique publique et ceux de la négociation interprofessionnelle.
109Ce mode de gouvernance est particulièrement sensible à l’évolution du rapport des forces. La négociation collective a été, dans une première phase de la crise économique, une composante de politiques qui visaient, dans une perspective de relance économique, à atténuer les coûts sociaux d’une crise supposée transitoire. Dans le contexte actuel d’une crise à durée indéterminée et d’une priorité accordée à la compétitivité des entreprises et à la restauration des équilibres budgétaires, les ANI récents sont des applications du nouveau paradigme de la négociation à coût nul. Cette contrainte ne réduit en rien l’importance qui s’attache aux choix de priorités pour la réallocation des ressources, mais elle définit, au moins provisoirement, les limites des compromis envisagés.
Bibliographie
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Notes
-
[1]
Directeur de l’IRES de 1988 à 2002, président du Conseil scientifique du Centre d’études de l’emploi, professeur émérite à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
-
[2]
En pratique, l’ensemble des branches couvertes par les trois organisations patronales représentatives au niveau interprofessionnel : MEDEF, CGPME et UPA.
-
[3]
Les principales sources utilisées sont les suivantes : projets et textes définitifs des ANI, sites et publications des organisations patronales et syndicales, organes d’informations spécialisés (aef, Liaisons sociales…), presse quotidienne.
-
[4]
L’analyse ne porte ici que sur les négociations qui ont été directement provoquées par la crise économique ou sur celles qui ont subi un impact repérable de la crise. Sont donc ignorées celles qui ont obéi à d’autres logiques et d’autres calendriers, par exemple, les négociations de transposition d’accords-cadres européens ou les négociations sur la représentativité syndicale. Il ne peut toutefois être exclu, dans ce dernier cas, que la perspective puis l’adoption de la loi sur la représentativité aient eu une influence sur les décisions des syndicats quant à la signature de certains des ANI de la période.
-
[5]
Dans cette délibération sociale, la CGT avait adopté la position d’observateur.
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[6]
Signé par toutes les organisations à l’exception de la CGT.
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[7]
Dit d’une manière plus élégante : « la démarche suivie a été résolument plus pédagogique que normative » (Fabre, 2009:34).
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[8]
Une autre raison tenait au risque de réduction des durées des droits à indemnisation pour certaines catégories de chômeurs ayant de longues durées de cotisation.
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[9]
D’autres aspects de l’accord étaient jugés positifs par tous les syndicats, notamment l’ouverture des droits à l’indemnisation à partir de quatre mois de cotisation et l’introduction du principe d’égalité, dans certaines bornes, entre le nombre de jours de cotisation et le nombre de jours de droit à indemnisation (avec des réserves de la CGT sur ce dernier point).
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[10]
Dans l’avant-dernière version du projet d’accord, il était prévu un pourcentage fixé annuellement en fonction de la situation conjoncturelle entre un minimum (5 %) et un maximum (12 %),
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[11]
Remarquons que le taux des obligations légales des entreprises reste inchangé ; l’effort se réalise donc par réallocation des ressources.
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[12]
Alors qu’en étaient exclus les salariés dont le salaire hebdomadaire habituel était inférieur à 18 fois le SMIC horaire.
-
[13]
La CGT reconnaît l’amélioration de l’indemnisation, mais la juge insuffisante. De plus, comme d’autres syndicats, elle aurait souhaité un contrôle pour éviter les effets d’aubaine au bénéfice de certaines entreprises. Elle refuse de signer. Du côté patronal, la CGPME, qui n’était pas signataire de l’accord fondateur du 23 février 1968, conditionne son ralliement à l’obtention d’une aide additionnelle du gouvernement aux PME. Son exigence ayant été satisfaite, elle adhère à l’ANI de 1968 et signe l’avenant.
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[14]
Instances de représentation du personnel dans l’entreprise.
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[15]
La loi du 20 août 2008 sur la représentativité syndicale renvoie la question de la mesure de la représentativité dans les TPE à une négociation interprofessionnelle dont elle fixe l’échéance au 30 juin 2009.
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[16]
Ce tableau de bord est présenté comme « conçu et réalisé par un groupe de travail composé des représentants des cinq organisations syndicales de salariés et du MEDEF » dans le cadre de la commission « Dialogue économique » du MEDEF entre juin 2006 et juin 2009. Signalons aussi l’adoption, mais seulement en juin 2011, d’un document commun : « Approche de la compétitivité française » (non signé par la CGT et la CGT-FO).
-
[17]
Il est évident qu’à partir du printemps 2010 le conflit sur les retraites interdit tout progrès de la négociation interprofessionnelle, mais il ne constitue pas une explication suffisante puisque le piétinement de celle-ci est manifeste dès la rentrée 2009.
-
[18]
Laurence Parisot déclare le 14 novembre 2010 : « Nous souhaitons avoir des relations de travail et de construction avec les organisations syndicales et sans l’Etat » (aef.info, Dépêche n° 140566).
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[19]
Les conditions de relance de la négociation interprofessionnelle fin 2010 et les premières négociations dans le cadre de l’Agenda social 2011 (jusqu’en avril 2011) sont analysées plus en détail dans Freyssinet, 2011a.
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[20]
En fait, elle participera à toutes.
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[21]
Loi sur l’orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie.
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[22]
Ce passage n’est pas explicitement acté par l’agenda du 10 janvier puisqu’il ne fera l’objet d’un accord en bonne et due forme que le lendemain.
-
[23]
ANI relatif à l’emploi des seniors en vue de promouvoir leur maintien et leur retour à l’emploi.
-
[24]
Par exemple, la CFDT, qui insistait pour l’ouverture d’une deuxième étape de négociation sur la modernisation du marché du travail obtient un bilan-évaluation pouvant déboucher sur une délibération. Le MEDEF qui refusait de négocier sur l’emploi des seniors ne concède qu’un bilan sur cette question.
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[25]
Association pour la gestion du fonds de financement de l’Agirc et de l’Arrco.
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[26]
En tenant compte du fait que l’agrément de la convention avait été accompagné de la suppression des restrictions sur le renouvellement des droits à indemnisation après quatre mois de cotisations (infra, II.1).
-
[27]
Dans le passé, la CFTC et la CFE-CGC ont signé tous les accords sur l’assurance chômage sauf celui du 23 décembre 2008. La CGT-FO, pilier historique du régime, n’avait plus signé d’accord depuis 1997.
-
[28]
Des améliorations sont apportées aux droits des travailleurs saisonniers et des titulaires de pensions d’invalidité pour un coût total de 17 millions d’euros.
-
[29]
Ce qui correspondait à environ 4 milliards d’euros au moment de la négociation de l’accord.
-
[30]
Sauf pour l’Agirc.
-
[31]
Après huit réunions de « délibération sociale » depuis décembre 2009, neuf réunions de négociation se sont tenues entre le 11 janvier et le 21 octobre 2011. À la veille de cette dernière réunion, le patronat a diffusé un premier projet d’accord pour lequel les syndicats ont demandé un délai de réflexion.
-
[32]
Les rapports entre Etat et gestionnaires d’Action Logement sont demeurés conflictuels. Fin juillet 2011, le gouvernement a annoncé un prélèvement de 3,25 milliards d’euros réparti sur les années 2012, 2013 et 2014. Pour cette même période, 420 millions d’euros seront consacrés au financement de l’ANI du 29 avril.
-
[33]
Organisme paritaire collecteur agréé des fonds de la formation permanente.
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[34]
Deux correctifs principaux ont été apportés :
- afin d’apaiser les craintes de la CGPME, qui redoutait une ruée des étudiants additionnant des petits boulots de vacances, l’ANI prévoyait qu’en cas d’indemnisation sur la base de quatre mois de cotisation, une réouverture des droits dans les douze mois suivants exigerait une nouvelle durée d’affiliation préalable d’au minimum six mois. Dans le cadre de la procédure de l’agrément, le gouvernement reconnaît la validité de l’argument d’illégalité avancé par la CGT-FO contre cette disposition restrictive. Le seuil de 4 mois de cotisation pourra donc redonner des droits à indemnisation sans contrainte additionnelle ;
- à la suite du sommet social du 18 février 2009, le gouvernement crée pour une période de 12 mois une prime de 500 euros pour les demandeurs d’emploi ayant travaillé entre deux et quatre mois dans les 28 mois précédant leur entrée au chômage. Sans être limitée aux jeunes, cette mesure a de fait pour objet de compenser le non-respect dans l’ANI du 23 décembre 2008 de l’engagement qui avait été pris à leur égard dans l’ANI MMT. Son article 3.d stipulait en effet : « Il est instauré pour les jeunes de moins de 25 ans, involontairement privés d’emploi et ne remplissant pas les conditions de durée d’activité antérieure ouvrant l’accès aux allocations du régime d’assurance chômage, une prime forfaitaire servie par celui-ci ». Pour des raisons diverses, l’impact de cette mesure gouvernementale sera très faible.
-
[35]
En dépit d’une décision du Conseil constitutionnel qui considère que la cotisation à Action logement ne constitue pas un impôt.
-
[36]
Proposition de loi « pour le développement de l’alternance, la sécurisation des parcours professionnels et le partage de la valeur ajoutée » déposée le 11 avril 2011 par trois députés UMP, Gérard Cherpion, Bernard Perrut et Jean-Charles Taugourdeau.
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[37]
Sur la complexe genèse historique des attitudes patronales et syndicales sur cette question, voir apRoberts et alii, 1997.
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[38]
On rencontre cette attitude, sur des bases différentes, aussi bien à la CGT qu’à la CGT-FO, alors que les positions ne sont pas tranchées dans les organisations issues du syndicalisme chrétien.
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[39]
Au point que, comme nous l’avons vu, l’ANI de 2008 sur l’assurance chômage ne donne pas suite à l’article 3 de l’ANI MMT qui prévoyait une prime forfaitaire pour les jeunes demandeurs d’emploi non indemnisés. C’est l’Etat qui doit créer un mécanisme de substitution.
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[40]
Signalons aussi, en ce qui concerne le chômage saisonnier, la suppression des dispositions restrictives introduites par l’ANI de 2005.
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[41]
Avec la fusion des CRP et CTP dans le contrat de sécurisation professionnelle (CSP), l’ancienneté dans l’emploi requise est uniformisée (un an) tandis qu’en dessous de ce seuil les salariés licenciés peuvent bénéficier des mesures d’accompagnement s’ils sont couverts par l’assurance chômage. Le principe d’expérimentations pour les titulaires d’emplois précaires est maintenu.
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[42]
Conférence de presse du 19 janvier 2010.
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[43]
Entretien accordé au Parisien libéré, 19 janvier 2010.
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[44]
A l’exception de la CFDT, qui n’y était pas opposée, mais n’était pas demandeur.
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[45]
Déclaration du 5 avril 2011.
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[46]
Auxquels on peut ajouter un accord d’importance mineure, en octobre 2009, sur certains droits associés à l’indemnisation du chômage partiel.
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[47]
Le 1er juillet 2010, la Chambre sociale, saisie sur le non-respect de l’égalité de traitement à propos d’un accord accordant des avantages particuliers aux cadres, jugeait que « la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ». Récemment de nouveaux arrêts ont réduit les inquiétudes sur un risque de remise en cause générale des dispositions spécifiques concernant les cadres dans les accords collectifs.
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[48]
A l’exception de la-non signature par la CGT-FO de l’ANI sur l’alternance et les stages (emploi des jeunes).
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[49]
Spécificité partagée dans cette période uniquement avec l’Espagne.