Notes
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[1]
Professeure associée en relations industrielles à l’Université de Warwick, Grande-Bretagne (melanie.simms@wbs.ac.uk). Cet article a été traduit par Christian Dufour et Adelheid Hege.
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[2]
Le terme « syndicat » (union) désigne en Grande-Bretagne – pays au système moniste de relations professionnelles – en premier lieu le syndicat présent sur le site de travail. La notion de « syndicat externe » est utilisée dans la traduction française pour désigner le syndicat national et ses structures décentralisées (« the wider union ») auxquels est affilié le syndicat local (NdT).
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[3]
Le terme organising est traduit ci-après par le mot « implantation syndicale» ou par le mot « syndicalisation ». Il s’agit alors moins de l’adhésion, plutôt traduite par le terme « recrutement », que du processus de création d’une présence syndicale : collectif de salariés, structures adaptées, mise en place de représentants locaux, obtention de droits, etc. (NdT).
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[4]
Une branch est le regroupement de l’ensemble des implantations d’un syndicat (TGWU, GMB, Unite, Unison, USDAW…) sur un espace géographique donné, lui-même d’extension variable. Il s’agit d’une entité géographique, non pas sectorielle au sens connu sur le continent. Dans la suite du texte, nous gardons le mot branch pour désigner cette structure syndicale où se prennent les décisions relevant de l’espace géographique concerné (NdT).
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[5]
Ce syndicat est ensuite partie prenante de la fusion qui donne naissance à Unite.
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[6]
L’Institut royal national pour les sourds.
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[7]
Qui eux aussi ont depuis fusionné dans Unite.
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[8]
Ce vote permet à un moment donné de manifester la position majoritaire du groupe de salariés visé en faveur ou défaveur de la reconnaissance du syndicat (NdT).
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[9]
Les works councils, conseils d’établissement, sont généralement implantés par l’employeur parallèlement ou en opposition aux structures de représentation syndicale. La participation à ces instances, de la part de syndiqués, constitue un choix stratégique, les prérogatives de cette instance étant aussi de l’initiative de l’employeur (NdT).
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[10]
A la différence des works councils, les délégations à la santé et à la sécurité relèvent de prescriptions législatives (NdT).
1Cet article s’intéresse au rôle des militants locaux dans les processus d’implantation syndicale et, plus généralement, de renouveau syndical. La question apparaît importante en raison de l’attention croissante dont bénéficie au Royaume-Uni et au-delà la thématique de la syndicalisation (« organising ») depuis le milieu des années 1990 ; elle est en effet considérée comme une stratégie centrale du renouveau syndical. La plupart des travaux consacrés à ce sujet soulignent le rôle prépondérant de politiques faisant directement appel à la base (rank and file) (Bronfenbrenner, Juravich, 1998) : elles consistent à repérer des militants sur les lieux de travail et à leur confier la promotion du renouveau syndical au sein de collectifs salariés. Mais on en sait peu sur la façon dont, concrètement, ces militants de base prennent en charge ce rôle. Centré sur la situation particulière de la Grande-Bretagne, l’article cherche à déterminer empiriquement ce que les militants de terrain font au cours des campagnes d’implantation, pour comprendre comment elles sont menées au niveau micro du site de travail. L’observation des rôles adoptés par les militants mettra clairement en évidence la diversité de ces rôles ; l’explication de ces variations de rôle sera le second objectif de cet article.
2Les études consacrées au rôle des militants de terrain et des représentants au sein des syndicats ont une longue histoire, au Royaume-Uni (Batstone et al., 1977 ; Hyman, 1979 ; Boraston et al.,1975 ; Terry, 1986 ; Charlwood, Terry, 2007) et au-delà (Geary, Roche, 2003 ; Peetz et al., 2002 ; Cooper, 2001, parmi beaucoup d’autres). De même, on trouve une abondante littérature sur les processus du renouveau syndical sous ses différentes formes (Taylor, Mathers, 2002 ; Fiorito, 2004 ; Lévesque, Murray, 2002, 2006 ; Hyman, 2004). Il existe à l’heure actuelle peu de travaux empiriques qui s’intéressent aux militants au moment où ils sont engagés dans le processus d’implantation du syndicat. Or, c’est au cours de ces premières étapes de la mise en place d’un syndicat sur le lieu de travail que se déterminent les attentes à l’égard des rôles que les militants peuvent et doivent assumer. Cela mérite d’être souligné parce que les dynamiques observées lors de ces phases initiales de syndicalisation aident à comprendre comment les organisations britanniques cherchent à se renouveler et à quels défis elles doivent faire face.
3L’argument avancé dans cet article est que les rôles pris en charge par les représentants de terrain lors de ces campagnes de syndicalisation sont étonnamment diversifiés. Pourtant, peu de militants assument un large éventail de rôles, qui faciliterait leur indépendance vis-à vis-du syndicat externe [2]. Cela surprend, car chacune des campagnes étudiées a été lancée selon une « approche d’implantation » (organising approach) qui privilégie le développement d’un syndicalisme de terrain fort et indépendant, dirigé par les militants [3]. L’article en arrive à la conclusion que cette diversité dans la prise en charge de rôles n’est pas seulement une conséquence des aptitudes et de la confiance des militants pris individuellement, mais aussi des politiques syndicales et des réactions patronales à l’égard de ces campagnes. Dans les sites en particulier où les employeurs résistent à l’implantation, les militants de terrain doivent développer une plus large palette d’aptitudes et d’expériences puisque les permanents syndicaux se voient barrer l’accès au site. La politique du syndicat joue aussi un rôle très important. Les attentes quant aux rôles que doivent tenir les militants de terrain varient de façon significative, y compris au sein même des syndicats qui épousent une « approche d’implantation ». Cela influence en retour la façon dont les permanents interagissent avec les militants, sur la formation qu’ils leur proposent et sur les exigences qu’ils manifestent à l’égard des rôles qu’ils sont censés prendre en charge.
I – Qu’entend-on par implantation syndicale (organising) dans le contexte britannique ?
4Le rôle des militants syndicaux de terrain est devenu particulièrement crucial au Royaume-Uni depuis le milieu des années 1990, quand les syndicats ont fait de l’implantation la thématique privilégiée de leurs efforts de renouveau (Martinez Lucio, Stuart, 2008). Les syndicats britanniques ont connu un long déclin à partir de la fin des années 1970 et ils ont mis en œuvre diverses stratégies pour se revitaliser (voir Simms, Charlwood, 2010, pour l’analyse des causes et conséquences de ces développements). Dans ce contexte, le terme d’« implantation syndicale » a fini par recouvrir deux significations, liées mais distinctes.
5La première renvoie à une stratégie de renouveau au sens large, centrée sur le développement d’une militance et d’une représentation fortes sur les sites de travail. Dans cette perspective, le processus d’implantation met l’accent sur les réclamations et les injustices sur les lieux de travail et favorise l’implication des travailleurs dans des activités au niveau du site pour démontrer l’efficacité de l’action collective. Cette approche du renouveau syndical cherche à instaurer une indépendance relativement grande des militants de terrain par rapport aux permanents (Early, 1998), de sorte que les enjeux mis en avant par le syndicat reflètent les intérêts des travailleurs sur le site. Il est attendu des militants locaux qu’ils assument nombre des responsabilités syndicales quotidiennes et en fassent une responsabilité collective en impliquant autant de collègues de travail que possible. Une telle approche du syndicalisme suppose ainsi que les militants de terrain ne se contentent pas, au contraire, de recruter des adhérents parmi leurs collègues et de compter sur les permanents du syndicat pour assumer les autres tâches (construire un collectif, mener des négociations, etc.). Fondamentalement, cette approche de l’implantation exige des militants locaux qu’ils exercent eux-mêmes autant de rôles que possible.
6Une seconde signification, liée à la première, découle de cette vision large du syndicalisme. Logiquement, suivant cette approche, le rôle des militants locaux doit inclure un très grand nombre d’activités et de responsabilités. Plutôt que de fonctionner comme autant de relais passifs des politiques syndicales ou comme de simples interfaces de permanents qui assurent le vrai travail de représentation, les militants doivent prendre en charge toute une gamme de rôles : recruter de nouveaux adhérents, développer des revendications locales, traiter avec l’employeur et assurer le lien avec le syndicat externe. Cet aspect est développé dans une section ultérieure de cet article et le tableau 1 résume quelques-uns des rôles qui peuvent être tenus par des militants locaux.
Rôles des représentants de site durant les campagnes d’implantation
Rôles des représentants de site durant les campagnes d’implantation
7Malgré cette mise en valeur des militants locaux comme centre névralgique de l’activité d’implantation, on sait peu de choses sur les rôles qu’ils prennent en charge. Cela a de l’importance puisqu’un syndicat qui lance une campagne d’implantation pour tenter de syndiquer de nouveaux sites peut solliciter ou non les militants locaux pour qu’ils assument ce rôle plus large d’implantation. C’est pourquoi cette recherche s’est proposée de vérifier empiriquement quels rôles sont tenus par les militants lorsque le syndicat s’installe pour la première fois et comment les militants de terrain interagissent avec les permanents du syndicat. Cela permet de comprendre en quoi consiste l’implantation syndicale dans la pratique et dans quelle mesure elle répond à l’ambition de développer un militantisme local fort et indépendant.
8Cet article s’intéresse plus particulièrement à des campagnes d’implantation auprès de salariés antérieurement non syndiqués, parfois appelées implantation « en terres vierges » (greenfield organising). Cet angle a été retenu parce que c’est au cours de ce processus de syndicalisation que l’on peut voir comment de nouveaux militants apprennent à « être syndicat » (Markowitz, 2000). En d’autres termes, les modèles de comportement et d’interaction adoptés au cours d’une campagne d’implantation « en terre vierge » instaureront des structures, des attentes et des trames pour les interactions futures. Le secteur des services a été choisi comme terrain d’étude parce que la restructuration du marché du travail au Royaume-Uni au cours des vingt dernières années en a fait une zone clé pour la croissance de l’emploi, alors même que les syndicats n’y disposent guère d’une histoire d’implantation forte. Cela permet de mieux comprendre les rôles que les militants sont incités à prendre à l’heure actuelle dans la syndicalisation de nouveaux lieux de travail britanniques.
9Il faut rappeler que la reconnaissance de la négociation collective supra-établissement est désormais négligeable au Royaume-Uni et que même là où les campagnes « en terre vierge » ont visé plusieurs employeurs simultanément, l’accent a été mis sur la construction de solidarités au sein des collectifs salariés au niveau des sites (voir Wills, 2008 pour une discussion sur la campagne « Justice pour les nettoyeurs », par exemple). Par conséquent, les initiatives d’implantation au Royaume-Uni visent pour la plupart principalement les sites de travail. Généralement, une activité d’implantation « en terre vierge » est centrée sur l’adhésion et sur la construction du soutien au syndicat de manière à ce que les membres puissent faire campagne en faveur de la négociation collective et négocier des améliorations de salaires et des conditions de travail (Heery et al., 2003). La reconnaissance formelle du syndicat est essentielle même s’il est important de noter qu’il ne s’agit habituellement pas d’un statut légal. Depuis 2000, la reconnaissance associée au droit de négociation collective peut être assurée par un processus légal mais cela est relativement rare. D’ordinaire, les syndicats cherchent à gagner le soutien du collectif et à susciter l’adhésion pour démontrer à l’employeur que les salariés sont favorables à l’implantation syndicale. Si nécessaire, le syndicat utilise ce soutien pour lancer des actions collectives autour de revendications locales avec la double intention de faire pression sur l’employeur pour qu’il améliore les conditions de travail et prenne contact avec le syndicat, et de montrer aux membres et aux adhérents potentiels que l’action collective est efficace. Ainsi, le mouvement syndical au Royaume-Uni valorise fortement les militants de terrain comme ressource clé du renouveau syndical, mais nous en savons peu sur ce qu’ils font. Cet article examine ce qui se passe durant ces campagnes et explique comment et pourquoi des dynamiques particulières de militantisme émergent sur des lieux de travail.
II – Qui sont les militants de terrain ?
10Dans les sections qui suivent, nous distinguons d’une part les personnes tenant sur leur lieu de travail un rôle syndical sur une base volontaire, salariés de l’employeur visé par la campagne d’implantation – les militants de terrain ou locaux – et, d’autre part, les personnes dont le rôle principal, et souvent unique, est de travailler pour le syndicat sur une base rémunérée : il peut s’agir de permanents généralistes (officials) ou de spécialistes du développement syndical (organisers). Quand nous abordons les deux fonctions ensemble, nous utilisons le mot de permanents (officers). Tous les militants rencontrés sont des volontaires qui effectuent les tâches d’implantation en plus de leur travail habituel. Ce choix découle de l’objet de la recherche, qui était de se focaliser sur les processus d’implantation dans des sites où le syndicat cherchait à obtenir la reconnaissance formelle du droit de négociation collective, et dans lesquels il n’existe en général pas d’accord sur un crédit d’heures syndical.
11Des auteurs (Kelly, Heery, 1994 ; Clegg et al., 1961 ; Boraston et al., 1975 ; Watson, 1988) se sont penchés sur les rôles des permanents syndicaux et leurs activités en matière d’implantation et de syndicalisation. Mais leurs recherches datent pour la plupart d’avant le « virage vers l’implantation » du milieu des années 1990. Dans les décennies 1970 et 1980, beaucoup d’études britanniques ont examiné les rôles des délégués d’ateliers (shop stewards), des unions locales (branches) [4] et des militants d’entreprise (parmi d’autres, Terry, 1986, 1982 ; Batstone et al., 1977 ; Partridge, 1977 ; Nicholson, 1976). Certaines études aux Etats-Unis et en Australie se sont aussi intéressées aux rôles des permanents chargés de l’implantation syndicale (organisers) (Rooks, 2003 ; Feekin, Widenor, 2003 ; Reed, 1989 ; Karsh et al.., 1953). Mais le rôle des militants durant les campagnes d’implantation est mal connu. En retenant ces campagnes comme unité d’analyse, on arrive à mieux connaître les interactions entre militants et permanents, et à mieux comprendre comment s’articule l’activité d’implantation entre les différents niveaux des syndicats (Waddington, Kerr, 2000).
12Il faut souligner que les personnes qui assument le rôle de militants de terrain durant les campagnes d’implantation sont souvent considérées comme des délégués en herbe. Ainsi les permanents supposent souvent que ces militants sont en train d’acquérir des compétences qui les aideront plus tard à exercer le rôle de représentants de site, une fois la reconnaissance syndicale, qui permet de s’inscrire dans les processus de négociation collective, assurée. Toutefois, cela n’est pas nécessairement le cas, comme le montrent les rares travaux s’intéressant au passage de l’implantation à la représentation (Markowitz, 2000 ; Simms, 2006). Une partie des militants disparaissent durant ces campagnes en raison de l’intensité des exigences qui leur sont adressées. D’autres peuvent aussi quitter l’entreprise ou changer d’emploi. Cependant, il est clair que les processus d’implantation syndicale sur un site suscitent toute une série d’attentes et d’expériences sur ce que cela signifie qu’être militant syndical. Une fois établies, ces attentes et ces expériences s’intègrent aux structures des lieux de travail et aux relations entre les acteurs clés, et survivent habituellement à l’intervention de tel ou tel individu. Ces exigences apparemment « évidentes » quant aux activités prises en charge par les militants durant les campagnes d’implantation préparent ainsi la scène pour le développement des rôles futurs de représentation sur le lieu de travail, une fois la reconnaissance obtenue.
II.1 – Quels rôles les militants de terrain sont-ils prêts à assurer ?
13L’observation des rôles tenus par les militants de terrain dans les campagnes d’implantation constitue le premier objectif de cet article. L’examen de la littérature permet d’identifier quatre activités centrales potentiellement assurées.
14Les deux premières sont liées aux interactions entre les militants et les autres travailleurs au sein du site visé par la campagne d’implantation. Premièrement, les activités de syndicalisation consistent à recruter directement des adhérents pour le syndicat. Des études (Heery et al., 2000a, 2000b ; Simms, Holgate, 2010b) ont mis en exergue la diversité des approches syndicales quant au choix des acteurs chargés du travail de recrutement. On pourrait donc s’attendre à des différences significatives entre les campagnes d’implantation, suivant que le travail d’adhésion est confié à des permanents spécialisés, à des permanents généralistes ou à des militants. Ces différences pourraient suggérer qu’il existe des approches distinctes dans l’organisation de ces campagnes entre, par exemple, les syndicats qui privilégient des campagnes conduites sous l’égide des membres (Bronfenbrenner, Juravich, 1998) du syndicat, et ceux qui s’en remettent aux savoir-faire experts des permanents pour faire croître leurs effectifs (Kelly, Heery, 1994). En deuxième lieu, les activités d’implantation peuvent être définies comme le développement du militantisme sur le site à travers, par exemple, l’identification et la mobilisation de militants, la création de structures de site, la formation, le développement de campagnes collectives (Heery et al., 2003). Ici aussi, nous pourrions nous attendre à des différences entre les politiques et les pratiques adoptées dans ces campagnes. Elles pourraient refléter des objectifs différents dans la poursuite des campagnes, ou des stratégies différentes de syndicalisation des groupes cibles.
15Les deux autres types d’activités consistent à construire un lien entre la campagne d’implantation et l’environnement plus large. Les relations avec l’employeur incluent à la fois la négociation directe avec lui et le travail de représentation entamé au cours de la campagne (Heery, Simms, 2010). Savoir qui tient ces rôles, les militants ou les permanents, permet de comprendre quel type de militantisme d’adhérents le syndicat souhaite développer sur les sites nouvellement syndiqués. Si le syndicat cherche à déléguer la responsabilité de ces activités, on peut penser qu’il voudra mettre en place un syndicalisme participatif (Sciacchitano, 2000 ; Markowitz, 2000). S’il cherche au contraire à conserver le contrôle de ces activités, cela signifie peut-être que les permanents souhaitent développer une adhésion plus passive (Bramble, 1995). Entretenir des relations avec le syndicat à l’extérieur de l’entreprise peut être important pour assurer des ressources pour la campagne (Kelly, Heery, 1994) et influe sur les capacités d’interaction des groupes de salariés nouvellement organisés avec des groupes syndiqués hors du site. Cette capacité renseigne sur les aptitudes que les militants développent au cours des campagnes d’implantation. Le tableau 1 résume les activités que les représentants locaux peuvent assumer durant ces campagnes d’implantation.
16L’identification de ces quatre activités centrales permet de développer le cadre analytique à travers lequel peuvent être étudiées de façon systématique les similarités et les différences des rôles assumés par les militants. On peut ainsi comprendre quels rôles sont pris en charge et de quelle manière ils peuvent être diversement sélectionnés selon les configurations locales, et expliquer les facteurs qui font que les militants conçoivent leurs rôles différemment. Cela nous permet aussi – et c’est important – de comprendre comment et pourquoi des dynamiques particulières de militantisme local émergent : en effet, cette analyse systématique des prises de rôles permet d’identifier les facteurs qui jouent dans la variation de ces rôles. Il y a remarquablement peu d’études approfondies sur ces processus sur les lieux de travail contemporains. Par le passé, des études sur l’implantation syndicale au Royaume-Uni se sont centrées essentiellement sur les actions du TUC (Trades Union Congress), la confédération à laquelle la majorité des syndicats au Royaume-Uni est affiliée (Heery et al., 2000b ; Simms, Holgate, 2010a), ou sur les politiques générales de syndicats spécifiques (Simms, Holgate, 2010b ; Carter 2000). Sauf exception notable (les études de cas chez Gall, 2003, par exemple), relativement peu d’études se sont intéressées aux initiatives d’implantation menées sur les lieux de travail. Encore moins se sont donné pour objet spécifique le rôle des militants de terrain. Moore (2011) offre un important apport récent à cette littérature, mais elle se centre sur des militants dans des sites où le syndicat est déjà bien installé. Cet article vise donc à combler ce vide et à améliorer la connaissance non seulement de ce que font les militants locaux, mais aussi de ce qui influence ce qu’ils font.
II.2 – Pourquoi il est important de savoir de quels rôles se chargent les militants
17On peut distinguer deux positions principales sur le rôle des militants de terrain, notamment de ceux qui s’investissent dans des initiatives de promotion du renouveau syndical. La première souligne l’importance d’un leadership centralisé, qui favorise la professionnalisation des actions syndicales (y compris des activités d’implantation), tandis que la seconde privilégie la militance de la base et cherche à procurer aux adhérents et aux militants les ressources nécessaires pour résoudre eux-mêmes leurs problèmes. Fairbrother (2000) distingue ainsi entre le « principe de la prédominance du leadership » et le « principe de la participation des membres ». Les deux perspectives partagent l’idée que le militantisme de base au niveau des sites de travail est crucial pour la réussite des actions d’implantation et favorise à son tour le renouveau syndical. Relevons que le débat porte ici sur l’insistance relative plus que sur des absolus.
18L’importance du leadership syndical dans la promotion des actions d’implantation et de renouveau est soulignée par des auteurs comme Voss (2010), Voss et Sherman (2000), Grabelsky et Hurd (1994), Fiorito et alii (1995), et Heery et alii (2000a). Leur argument central est que les leaders syndicaux à l’extérieur des sites ont un rôle indispensable de coordination dans des actions d’implantation à la fois risquées et intensives en ressources parce qu’ils sont dans une meilleure position pour promouvoir des innovations. Les militants de terrain peuvent se réclamer du soutien du syndicat externe pour légitimer leur action d’implantation envers des adhérents qui peuvent considérer ce type d’activité comme trop dangereuse, trop innovante ou comme détournant des ressources qu’ils estiment être les leurs. En plus, le syndicat, au niveau central, peut fournir une ressource idéologique, des valeurs et un discours pour légitimer une action d’implantation potentiellement risquée à des échelons plus décentralisés.
19Les théories de la bureaucratisation des syndicats tendent en revanche à démontrer la véracité de la « loi d’airain de l’oligarchie » (Michels, 1915). Des premiers écrits sur le syndicalisme (Webb, Webb, 1920) jusqu’aux analyses plus récentes (Fairbrother, 2000 ; Bramble, 1995), des auteurs soutiennent que la position privilégiée des permanents syndicaux par rapport à leurs membres les incite au conservatisme dans leurs actions. Bien que les auteurs divergent sur les raisons et implications de ce conservatisme, deux tendances générales peuvent être identifiées. La première ressort d’arguments tenus par les Webb (1920) pour lesquels les permanents doivent préserver les ressources rares du syndicat contre des décisions potentiellement irresponsables et égoïstes prises par les membres. D’autres insistent sur le rôle d’intermédiaire du permanent entre le travail et le capital qui fait obstacle à la pleine réalisation de la militance de la classe laborieuse (Kelly, 1988). Les deux approches tendent à voir la bureaucratisation et le conservatisme des politiques syndicales comme le résultat direct et inévitable de la modération qu’exercent certains permanents syndicaux sur les actions d’une base plus radicale et plus militante. Il est important de souligner que ces études se réfèrent en général à des situations où l’adhésion est solide et où les travailleurs sont supposés capables d’exprimer leurs préoccupations et leurs intérêts.
20Pour comprendre les dynamiques sociales complexes qui interviennent lors des processus de renouveau syndical, cet article cherche à répondre à deux questions centrales. Quels sont les rôles que les militants assument lorsque des syndicats cherchent à s’établir pour la première fois ? Et qu’est- ce qui explique que ces rôles varient d’un cas d’implantation à l’autre ? En étudiant ce que les militants de terrain « font » concrètement, nous pouvons mettre en lumière comment des stratégies de renouveau syndical favorisent certaines pratiques et dégager les dynamiques qui en découlent.
III – La recherche
21La campagne d’implantation a été retenue comme objet de la recherche. L’intérêt scientifique premier de cette étude consistait à explorer la manière dont les syndicats avaient relevé le défi d’organiser collectivement des salariés de services en contact direct avec la clientèle. J’ai délibérément sélectionné des campagnes que les syndicats jugeaient « réussies », principalement parce qu’ils avaient obtenu la reconnaissance formelle du statut de syndicat sur les sites concernés, associée dans tous les cas (sauf celui de Scope) au droit de négociation collective. Il s’agissait de mieux comprendre les conditions dans lesquelles les syndicats réussissent à organiser ce type de salariés. Ces campagnes ont ensuite été observées dès leurs premières phases jusqu’à l’obtention des droits formalisés de représentation collective pour les travailleurs. Il est difficile de déterminer avec certitude quand une campagne commence ou se termine ; les moments où le syndicat décide d’allouer, puis de retirer les ressources expertes en matière d’implantation sont cependant critiques. La recherche visait à explorer la signification sociale complexe de ces processus pour les acteurs : l’observation et les interviews ont donc été les instruments privilégiés. Elles ont été complétées par l’analyse documentaire (matériels de recrutement d’adhérents, sites web du syndicat et des employeurs, données concernant l’employeur comme les rapports d’entreprise, accords collectifs).
22En tant que chercheure, j’ai observé le processus d’implication du syndicat depuis la préparation des premières réunions entre les salariés et le syndicat (représenté principalement par des permanents généralistes et des spécialistes du développement syndical), en passant par la mise au point d’actions collectives (comprenant, sans y être limitées, des pétitions, revendications, efforts pour porter les demandes collectives à l’attention du management, le tractage, des manifestations, des appels à la presse, et finalement des négociations entre l’employeur et le syndicat), jusqu’au consentement formel de la part de la direction que le syndicat représente les intérêts des salariés. Ce travail d’observation se faisait ouvertement et de façon non participante. Autrement dit, les permanents et les salariés savaient que j’étais chercheure et que je n’étais pas impliquée dans le travail du syndicat ou des salariés.
23Durant les sept années d’observation de ces campagnes, cent-deux participants ont été interviewés, trente-deux d’entre eux plus d’une fois, et certains jusqu’à quatre reprises. Les personnes enquêtées en priorité étaient des décideurs seniors au sein des syndicats, des permanents spécialisés du développement syndical (organisers), des permanents généralistes et des négociateurs, ainsi que des militants de terrain et des salariés, adhérents et non-adhérents. Malheureusement, je n’ai que rarement pu interroger les représentants des directions parce que les campagnes d’implantation rencontraient une importante résistance patronale durant la majeure partie de la période de recherche. Mais j’ai eu l’occasion d’observer les gestionnaires au cours de réunions et de discussions, et les salariés et les permanents syndicaux ont évidemment été une ressource riche pour communiquer leurs propres perceptions des décisions managériales.
III.1 – Les études de cas
24Cinq études de cas ethnographiques longitudinales (1998-2005) sont à la base de cet article. Elles se rapportent à des campagnes d’implantation syndicales réussies, dans lesquelles les syndicats ont pris pour cible des salariés de services relativement peu qualifiés, en contact direct avec le public, dans des établissements dans lesquels il n’y avait auparavant aucune présence syndicale. Cinq campagnes ont été retenues pour cette recherche : Scope, Typetalk, Ethel Austin, Gala casinos et les Learning and Skills Councils.
251. Scope est une grande association caritative employant quelque 4 000 salariés sur environ 150 sites. Elle représente des personnes atteintes de paralysie cérébrale et organise des campagnes en leur faveur ; elle gère aussi des établissements (écoles, foyers…) pour ces malades ainsi qu’une chaîne de magasins d’occasion pour obtenir des fonds. Elle est renommée et figure parmi les vingt premières organisations caritatives au Royaume-Uni. La campagne d’implantation était conduite par un syndicat qui s’appelait alors MSF [5] et par Unison. Elle a démarré dans un contexte d’hostilité marquée de la part de l’employeur, qui s’est atténuée avec la progression de la campagne.
262. Typetalk est une petite joint-venture entre British Telecom et le Royal National Institute for the Deaf (RNID) [6]. Pendant la période de recherche, cette association caritative employait un peu plus de 400 personnes dans deux centres d’appel. Il s’agit d’un service téléphonique relais qui permet à des usagers du téléphone sourds et malentendants de communiquer avec des personnes entendantes. Le texte émis par l’usager sourd est prononcé par un opérateur du centre d’appel et tout message oral est ensuite typographié par l’opérateur et envoyé sur l’écran de l’usager sourd. La campagne était conduite par le CWU (Communication Workers’ Union). Là aussi, il y avait une résistance considérable de l’employeur à accepter le rôle du syndicat et seule la menace de recours à la reconnaissance statutaire l’a amené à négocier un accord « volontaire ».
273. La troisième campagne concernait Ethel Austin, un détaillant de vêtements à bas coûts implanté surtout dans le Nord de l’Angleterre et employant environ 2 800 salariés dans quelque 200 magasins de centre-ville. En 2008, il a rencontré des difficultés financières importantes et subit actuellement une restructuration de son organisation managériale, mais ces difficultés ne sont réellement apparues qu’après la période de recherche. La campagne était menée par le syndicat des salariés du commerce USDAW. Elle s’est inscrite dans le contexte d’un important soutien managérial à l’égard du syndicat. Les responsables de la DRH espéraient que le syndicat leur vienne en aide dans la négociation de la difficile restructuration qui s’annonçait et invitaient le syndicat (connu pour sa modération) à venir dans l’entreprise.
284. Le quatrième site enquêté, Gala casinos, est aussi une structure commerciale. L’activité de casino est une filiale du groupe Gala Coral Group qui, selon sa propre évaluation, se placerait au milieu du marché des casinos. Quoique Gala casinos vise les consommateurs à faible contribution, le groupe a une activité plus bas de gamme avec Gala Bingo et se positionne loin derrière les leaders les plus exposés de ce secteur. Six casinos de cette chaîne, tous localisés à Londres, ont fait l’objet de campagnes de la part de syndicats qui, en l’occurrence, poursuivaient une stratégie régionale. Ensemble, ces six établissements employaient environ 1 100 salariés. Les casinos étaient ciblés dans le cadre d’une campagne de secteur plus étendue conduite par deux grands syndicats généraux, GMB et TGWU [7]. Cette campagne s’inscrivait dans un contexte d’hostilité marquée de la part de l’employeur, ce qui a abouti à une demande – réussie – de reconnaissance statutaire pour accéder à la négociation collective.
295. Les Learning and Skills Councils (LSC) sont le dernier site enquêté. Il s’agit d’une structure parapublique fournissant aux employeurs et salariés de tous secteurs des conseils en matière d’acquisition de compétences et des financements publics pour des formations. L’organisation des formations a depuis connu une importante restructuration au Royaume-Uni, mais à cette époque il y avait quarante-sept conseils régionaux, chargés de mettre en relation les employeurs demandeurs de services de formation avec des structures de formation locales (colleges, etc.). Organisation semi-publique, les LSC recevaient des financements d’Etat et employaient environ 4 500 personnes. La campagne était menée par le syndicat PSC (Public and Commercial Services, services publics et commerciaux), qui recrute ses adhérents en grande partie dans le service public et des organisations semi-publiques comparables aux LSC. Ici, les réactions de l’employeur ont été relativement bienveillantes, reflétant la culture managériale dans ce secteur parapublic. Les gestionnaires – en particulier les dirigeants – ont en général une expérience dans le secteur public et sont habitués à travailler avec les syndicats. La direction s’est néanmoins refusée à une reconnaissance automatique et a posé comme condition préalable à la négociation d’un accord de reconnaissance que le syndicat montre, notamment à travers son nombre d’adhérents, qu’il avait du soutien au sein de l’entreprise.
30Le tableau 2 donne une vue d’ensemble des caractéristiques clés des campagnes d’implantation.
Vue d’ensemble des campagnes étudiées*
Vue d’ensemble des campagnes étudiées*
* Ce syndicat est désormais connu sous le nom Amicus. Cependant, le nom Amicus-MSF a été utilisé durant la période de transition et est repris ici pour assurer la clarté et le suivi dans la terminologie.III.2 – Les rôles des militants de terrain
31Au vu des lacunes dans la littérature dont il était question plus haut, il est d’abord nécessaire de déterminer empiriquement quels rôles les militants de terrain tiennent durant les campagnes. On se servira de la typologie en quatre activités clés construite à partir de la littérature sur les campagnes d’implantation et on mettra en lumière les variations dans la prise en charge de ces rôles. Dans la section consacrée plus loin à la discussion, les facteurs qui expliquent ces variations de rôles seront détaillés et les conséquences discutées. Les observations recueillies montrent clairement que les rôles principaux des militants dans ces campagnes consistent à recruter des adhérents et à mettre en place l’organisation syndicale, autrement dit à construire et à implanter le syndicat au sein du collectif de travail. Au vu de l’importance que les débats sur l’implantation accordent généralement au militantisme de base, il est surprenant que dans la plupart des cas ces tâches de syndicalisation constituent la limite du rôle assumé par les militants, bien que l’éventail des activités qui leur sont proposées au-delà varie considérablement d’une campagne à l’autre. Cet article cherche à démontrer que cette diversité des rôles relève des dynamiques des approches des militants eux-mêmes à l’égard de leur rôle, du niveau de soutien que le syndicat externe (et surtout les permanents) offre à ces militants, et du comportement des employeurs. Le tableau 3 donne une vue d’ensemble des rôles adoptés par les militants locaux, en utilisant la typologie à quatre pôles développée ci-dessus.
Rôles des militants de terrain
Rôles des militants de terrain
Recruter des membres
32Dans toutes les campagnes, le rôle principal des militants a consisté à recruter de nouveaux membres ; seule changeait la culture d’entreprise dans laquelle ils tentaient de le faire. Puisque chez Ethel Austin l’accès au site avait été autorisé dès le début de la campagne et l’action d’implantation se déroulait dans un contexte relativement serein, les représentants bénéficiaient d’arrangements sur des heures de délégation syndicale rémunérées et voyaient leur rôle reconnu par le management. Cela permettait aux militants de recueillir auprès de l’employeur des informations facilitant le recrutement. Ainsi, ils avaient par exemple accès à la liste du personnel pour s’adresser aux membres potentiels. Il est frappant que, malgré cette facilité, relativement peu de militants aient joué de fait le rôle de recruteurs. Un organiser notait : « Les bons le font. Et vous pouvez dire lorsqu’une liste de nouveaux membres arrive si c’est nous (les organisers) ou eux (les militants) qui les ont recrutés. Mais beaucoup ne le font pas. C’est pour ça que nous sommes ici. Mais quand vous en avez un bon, il n’y a qu’à le laisser faire. Nous remplissons les vides » (interview d’un permanent d’USDAW). Cela suggère qu’il y a des variations dans les pratiques, y compris là où les rôles sont clairement définis et acceptés au sein du site.
33Chez Scope comme dans les LSC, la culture différait d’un site à l’autre, malgré des relations relativement bonnes entre les gestionnaires et les responsables syndicaux. Par conséquent, les tactiques particulières mises en œuvre pour recruter des membres variaient puisque certains militants opéraient dans un climat plutôt bienveillant où les gestionnaires locaux leur permettaient facilement de tracter leurs collègues, de placarder des affiches, et de faire connaître le rôle du syndicat. D’autres agissaient dans des environnements plus hostiles : les affiches étaient régulièrement enlevées, les efforts de syndicalisation étaient mal vus. Sur ces sites, le recrutement se faisait par le bouche à oreille, les militants dégageant du temps pour parler directement à leurs collègues. Malgré ces différences, recruter des adhérents au syndicat est resté une activité importante pour ces militants, en complément du travail des permanents et des organisers.
34Dans la campagne dans les casinos, le rôle des militants dans le recrutement a été particulièrement important au tout début lorsque les permanents n’avaient pas accès aux sites. Dans la dernière étape précédant le vote sur le site de travail [8], des règles statutaires ont permis aux permanents et organisers de rencontrer les salariés, ce qui signifie que durant cette période la responsabilité du recrutement a glissé vers eux. Une fois la reconnaissance obtenue, les militants ont récupéré ce rôle. Les militants chez Typetalk ont eux aussi pris la responsabilité du recrutement syndical puisque les permanents n’avaient pas accès au site. Les militants étaient la principale source d’information et le biais par lequel le syndicat pouvait installer une présence sur le lieu de travail. Tôt dans la campagne, les militants ont mis en place un comité d’implantation et ont été formés à « cartographier » le site pour identifier les membres potentiels et les zones faibles en adhésions. Ils étaient aussi encouragés à être aussi innovants que possible dans leurs méthodes de recrutement et plus généralement pour faire connaître le syndicat. Dans les deux campagnes de Typetalk et dans les casinos, la plupart des adhérents ont été recrutés directement par les militants de site. Il est impossible de connaître avec certitude la part de nouveaux adhérents associée à chaque méthode, comme le syndicat ne garde pas d’archives à ce sujet ; les interviewés estimaient que 60 % au moins des membres avaient été recrutés à la suite de contacts directs sur le lieu de travail avec un militant.
35Cela illustre que, en général, le recrutement direct des adhérents est particulièrement important quand permanents et organisers n’ont pas accès au lieu de travail. Certes, la diffusion de tracts à l’extérieur des sites peut être efficace pour faire connaître le syndicat, mais ce n’est pas un moyen particulièrement efficace si on vise l’adhésion d’un groupe de salariés spécifique. Ainsi, quand les permanents n’ont pas accès à l’entreprise, ils doivent compter sur des militants pour ce travail. Lorsque l’accès est possible, et même si les militants gardent une responsabilité importante pour le recrutement, permanents et organisers ont davantage l’habitude d’intervenir pour compléter leur travail. Mais même là où ce rôle est accepté par les directions, l’étendue de sa prise en charge par les militants varie. Cela renvoie aussi à des différences de disponibilité, de confiance et de formation des militants.
Les activités d’implantation
36Dans toutes les campagnes, les militants avaient des responsabilités dans le renforcement et la structuration du syndicat sur le lieu de travail. Les différences observées dans la prise en charge de ce rôle dépendaient ici dans une large mesure des politiques poursuivies par les syndicats pour mettre en place des organisations. Ainsi par exemple, chez Typetalk, et au début des campagnes chez Scope et dans les casinos, le management était hostile au syndicat ; cela a conduit à considérablement valoriser le rôle des militants pour l’implantation d’un syndicat fort via l’identification de thèmes pertinents qui devaient être au centre de la campagne à mener. Dans les autres cas, les militants avaient plus d’occasions de forger les structures de représentation. Ainsi, dans la campagne des LSC, des projets de développement de la branch ont permis aux militants et aux permanents chargés du développement syndical de sélectionner des zones de faible adhésion et de créer des structures permettant la tenue de réunions régulières de façon à ce que le syndicat devienne parfaitement visible sur le lieu de travail, etc. Les besoins de formation pour les nouveaux militants et représentants ont aussi été identifiés. Pour les organisers de PCS, le programme de formation de leur syndicat constituait un problème clé. L’un d’eux commente : « Le vrai problème est que l’implantation n’est un module central dans aucun des programmes de formation proposés aux délégués. C’est un vrai problème pour les branches anciennes ou nouvelles. Cela envoie de mauvais signaux. Cela signifie qu’ils n’ont pas les aptitudes dont ils ont besoin » (organiser de PCS, interview). Les militants devaient ainsi développer leurs aptitudes d’implantation en appliquant les techniques préconisées dans la boîte à outils du développement de la branch plutôt qu’en intégrant ces aptitudes dans un programme de formation structuré.
37Chez Ethel Austin, les militants de terrain avaient peu de responsabilités formelles dans l’implantation syndicale. En fait, ils semblaient souvent n’être guère plus qu’un nom et un numéro de téléphone sur une liste de représentants locaux à contacter éventuellement par les nouveaux membres s’ils rencontraient des difficultés au travail. Cette impression était renforcée par le fait que les militants couvraient souvent jusqu’à cinq ou six magasins, et avaient du mal à connaître les salariés et leurs préoccupations individuellement. Les heures de délégation limitées leur laissaient rarement le temps de visiter d’autres magasins et ils devaient construire leurs propres réseaux de contacts. Le fort taux de rotation du personnel dans le secteur du commerce de détail leur compliquait aussi la tâche. Pourtant, un militant relève : « Cela dépend vraiment de jusqu’à quel point vous voulez vous impliquer. Si vous voulez y aller et faire beaucoup d’adhésions, vous le pouvez. Certains le font, d’autres non » (militant USDAW, interview). Mais peu d’importance était accordée à des activités autres que le recrutement de membres. Les militants repéraient parfois d’autres militants potentiels et donnaient leurs coordonnées aux permanents. Parfois aussi, ils étaient contactés à propos de questions sur le lieu de travail et, là aussi, ils agissaient surtout pour les relayer vers les permanents. Il y avait assurément peu de signes d’émergence d’une culture militante forte et indépendante dans cette campagne, et cela n’était pas non plus activement encouragé.
38Dans les casinos au contraire, au fur et à mesure qu’un plus grand nombre de salariés s’engageait activement dans le syndicat, un comité d’implantation a été mis en place, qui fonctionnait comme le lien principal entre les militants et les permanents des deux syndicats. Cela permettait à l’ensemble des participants de mieux comprendre ce que chaque syndicat faisait et d’éviter ainsi les doublons. En général, cette approche fonctionnait bien ; ainsi, par exemple, plutôt que de faire double emploi en diffusant simultanément un tract du TGWU et un autre du GMB, les deux syndicats distribuaient des tracts des semaines différentes, sur des thèmes différents. Le comité d’implantation se préoccupait aussi de ce que des représentants couvrent les différentes équipes et zones de travail et soient informés des avancées de la campagne. Ce mode de fonctionnement a été particulièrement important dans la phase précédant la reconnaissance, et il a été maintenu après puisqu’il permet aux militants d’apprécier la force des deux syndicats sur les différents lieux de travail. Un militant commente : « Nous ne savions pas si cela serait utile ou pas, mais c’est un bon endroit pour partager l’information sur Gala, et sur Gala uniquement. La branch est devenue plus grande et c’est utile d’avoir un autre lieu pour ne parler que des choses qui nous concernent » (militant TGWU, interview).
39Chez Typetalk, l’hostilité de l’employeur et les difficultés d’accès des permanents au lieu de travail ont donné une importance considérable au comité d’implantation pour développer le militantisme sur le site. Nouer des contacts avec des militants potentiels que le permanent chargé du développement devait ensuite poursuivre, utiliser l’information disponible sur le site (casiers, listes de courriels, etc.) pour repérer des adhérents et des membres potentiels, parler du syndicat à autant de salariés que possible – souvent durant les pauses – étaient autant de tâches prises en charge.
40De même, chez Scope, une bonne partie de l’activité d’implantation revenait aux militants conseillés par le permanent ; cela tenait à la difficulté d’accéder à un aussi grand nombre de sites de travail plutôt qu’au refus de l’employeur de voir les permanents et les organisers sur ces sites. Ainsi, les militants récupéraient des listes de salariés sur leurs lieux de travail, identifiaient des militants potentiels au moment de recruter des adhérents, associaient le syndicat à des enjeux locaux et, dans certains cas, organisaient de petites campagnes autour de ces sujets. Cette approche a rencontré un succès particulier dans les lieux de travail relativement grands comme le siège social et certaines structures de soins où beaucoup de salariés sont regroupés sur un même lieu. Sur d’autres sites, comme les magasins avec souvent un ou deux employés, cette approche avait beaucoup moins de succès. Lorsqu’une inflexion de la campagne avait été décidée pour établir une relation plus coopérative avec la direction, l’implication des militants de site dans la campagne a nettement reflué. Après ce changement, ils ont consacré davantage de temps à aborder les questions dans les structures de représentation non syndicales (works council [9]), à recruter des membres et à distribuer du matériel (tracts, affiches, etc.) produit par les permanents. Bien que ce changement ait provoqué quelques inquiétudes sur les lieux de travail plus grands et plus actifs, les militants ont dans l’ensemble plutôt bien accepté le jugement des permanents quant à la meilleure façon de conduire la campagne. Une militante a même exprimé son soulagement parce que cela lui permettait de se concentrer sur l’acquisition des compétences nécessaires à son rôle de membre du works council plutôt que de conduire une campagne syndicale.
41Clairement, le degré de préparation et de capacité des militants de terrain à prendre en charge des rôles d’implantation plus exigeants – repérer de nouveaux militants, mener des actions revendicatives – varie lui aussi considérablement au sein et entre les campagnes. Cette observation intrigue quand on pense à l’importance accordée à ce rôle dans la littérature sur l’implantation syndicale. Nous y reviendrons dans la section de discussion.
Traiter avec l’employeur
42Dans deux campagnes (LSC et Typetalk), des tensions sont apparues sur l’étendue des responsabilités qui, selon les permanents généralistes et les organisers, devaient être assumées par les militants quand il s’agissait de traiter avec l’employeur. Chez Typetalk, les militants étaient encouragés à prendre autant de responsabilités en la matière que possible. Leurs réticences provoquaient quelques frustrations, et l’organiser responsable commentait : « J’aimerais vraiment qu’ils soient plus actifs avec les gestionnaires. Je ne veux pas en arriver à un rôle de service, et c’est le chemin que nous prenons » (organiser CWU, interview). Le comité d’implantation par exemple n’était guère disposé à considérer comme étant de sa responsabilité l’accompagnement de collègues à des rendez-vous où des questions de griefs ou de discipline étaient traitées ; toutefois, à la fin de la campagne, deux ou trois militants se sont lancés et, une fois la reconnaissance syndicale obtenue, ils ont accepté de régler des cas simples. Cela était dû en grande partie au manque d’expérience syndicale de la plupart de ces membres. Un militant clé, probablement plus confiant que d’autres dans ses capacités à assumer des responsabilités syndicales, disait : « Je ne me sens tout simplement pas encore capable de faire ça. C’est angoissant ! » (militant Typetalk, discussion). Le permanent de la branch notait : « J’essaie de les mettre à l’aise doucement. Tôt ou tard, il faudra qu’ils le fassent eux-mêmes » (permanent local, CWU, interview).
43Dans les LSC, les niveaux de confiance et de formation des militants pour traiter avec l’employeur étaient très variés. Certains étaient formés pour assurer des négociations nationales, alors que d’autres manquaient de confiance pour faire plus que la simple diffusion de l’information sur le syndicat dans l’entreprise. Cela attirait le commentaire suivant du permanent responsable : « On a besoin de travailler là-dessus (la mise en place des structures de représentation sur les sites). Même les nationaux sont un peu verts. Ils ne comprennent pas les détails des négociations. Cela me préoccupe. Je ne vais pas les laisser y aller encore… Mais aussi, vous avez une culture de délégués qui sont juste des boîtes postales pour l’information destinée aux adhérents. Ceux-là sont sans espoir. Il nous faut trouver de nouveaux délégués dans quelques-uns des sites (des LSC) » (permanent PCS, interview). Cela illustre qu’il y avait une gradation considérable dans la préparation des militants à traiter avec le management. Les permanents, de leur côté, étaient frustrés du manque de volonté ou d’aptitude des représentants à tenir ces rôles. Un autre permanent commentait ainsi : « Tant qu’on n’est pas confiants dans leur capacité de les traiter (les cas individuels), on sera surchargés. Mais avec le stress de la négociation sur l’harmonisation (des salaires et conditions de travail), nous n’avons pas le temps. Ainsi, ils (les membres) ne sont pas bien servis pour le moment. Il nous faut arriver à ce que la structure des délégués travaille proprement » (permanent PCS, interview).
44Dans le cas de Scope, il était remarquable qu’en l’absence d’un accord de reconnaissance, le syndicat ait réussi à dresser des listes de représentants appuyés par le syndicat pour les faire élire à d’autres rôles représentatifs, comme délégués à la santé et sécurité et délégués dans le works council notamment [10]. Cela a permis au syndicat d’établir une présence sur place même sans qu’il soit reconnu compétent légalement pour la négociation collective. Le syndicat a décidé de coopérer pour l’instauration des works councils et de tenter de s’emparer d’autant de sièges que possible pour assurer qu’une voix syndicale forte se fasse entendre dans ces structures de représentation mises en place par l’employeur. Ces militants ont pris des responsabilités pour traiter avec la direction dans ces instances formelles. Certains utilisent aussi leur faible temps de délégation syndicale (deux heures hebdomadaires) pour donner un coup de main sur des cas individuels, particulièrement lorsque les questions en jeu sont de la compétence des works councils. Ce rôle a clairement aidé les militants à s’aguerrir dans les échanges avec le management. L’un commente : « Je sens vraiment que maintenant je sais de quoi il retourne. Je souhaite la reconnaissance pour que nous puissions parler de ces choses (questions soulevées par des membres rencontrant des problèmes). Mais le côté employeur (du works council) fait bien attention que l’on reste dans les clous… On essaie d’y aborder d’autres trucs. Mais en général ils n’écoutent pas » (militant MSF, interview). Au-delà de ces questions, les permanents prenaient les commandes pour traiter avec les gestionnaires et participaient à toutes les réunions avec eux pour discuter de la possibilité de reconnaissance. Aucun des interviewés n’y voyait un motif de tension, les deux côtés s’accordant sur le fait qu’il s’agissait d’une distribution sensée des rôles, étant donné que les permanents avaient beaucoup plus d’expérience dans ce type de négociations que les militants.
45Dans la campagne des casinos également, la responsabilité des rencontres avec la direction a été laissée pour l’essentiel aux permanents des deux syndicats jusqu’à la phase finale, quand il devint clair que la reconnaissance allait être obtenue. Une fois cette reconnaissance acquise, les militants de terrain sont devenus des représentants élus et ont été envoyés aux stages assurés par les structures de formation régionales. A ce moment-là, leurs responsabilités se sont accrues à la fois au plan de la résolution de cas individuels et à celui des négociations avec la direction. Le permanent responsable conservait toutefois la direction formelle des réunions et des discussions plus complexes. Si, dans les autres campagnes, les militants étaient encouragés à prendre quelque responsabilité dans les échanges avec les gestionnaires pour le traitement de cas individuels, sinon pour la négociation collective, les permanents d’Ethel Austin ne s’attendaient pas nécessairement à ce que les militants assument ces rôles. Pourtant, quelques représentants avaient reçu une formation pour intervenir dans des cas de griefs et de sanctions. En fait, la plupart des militants ne prirent aucune responsabilité pour traiter avec le management aux niveaux local ou national. Très clairement, aucun effort n’a été entrepris pour former les militants au rôle de négociation collective qui était entièrement laissé à des négociateurs éprouvés.
46Une fois de plus, l’étendue de la prise en charge par les militants des relations avec l’employeur varie significativement entre les campagnes. Mais on trouve aussi des signes d’évolution au fil du temps quand les militants gagnent en confiance, sont mieux formés et ont acquis plus d’expérience. Il apparaît toutefois clairement que les permanents ne cherchent pas explicitement à freiner l’émergence du militantisme local. Il y a même des signes contraires, les permanents essayant d’encourager et de développer plus de militantisme sur les lieux de travail que les représentants locaux ne sont prêts à assumer. La section de discussion permettra d’y revenir plus en détail.
Les relations avec le syndicat externe
47On a pu constater des variations considérables en ce qui concerne l’intensité des liens noués par les militants avec le syndicat externe. Cela peut s’expliquer tant par les structures syndicales que par les politiques d’implantation poursuivies par les différents syndicats. Dans les LSC comme dans les casinos, les militants ont eu un rôle important en contribuant aux activités de la branch et ensuite du syndicat externe.
48Dans les LSC, ils servaient de contacts principaux pour les permanents généralistes et spécialisés dans le développement et assuraient la communication dans les deux sens. Comme le syndicat s’est vite douté que la reconnaissance serait obtenue, une branch officieuse a été mise en place qui instituait un lien formel entre les militants et leur syndicat. Bien que la branch n’ait pu envoyer des délégués aux congrès et à d’autres instances décisionnelles avant de voir formalisé son statut par un accord de reconnaissance, les représentants nationaux ont commencé à être formés afin de se familiariser avec les structures et les processus décisionnels du syndicat. Ce lien entre les militants de terrain et le syndicat externe a été développé très tôt et a joué un rôle central dans la stratégie de la campagne. De la même façon, la branch compétente du TGWU couvrait tous les salariés des casinos dans la région, même avant la reconnaissance. Impliqués dans la branch pendant plusieurs années avant le lancement de la campagne, les militants de terrain avaient de bons contacts avec le syndicat externe ; à la différence des militants impliqués dans d’autres campagnes, ils connaissaient le mode de fonctionnement des structures et processus décisionnels du syndicat avant que la reconnaissance soit acquise. L’existence de la branch a été importante pour assurer que les instances régionales allouent les ressources nécessaires à la campagne : à côté du permanent, la branch a pu persuader les décideurs régionaux (surtout le secrétaire régional) que le secteur des casinos se prêtait à une campagne de reconnaissance statutaire.
49Malgré l’appartenance d’Ethel Austin à une branch d’USDAW, peu de liens existaient entre les militants de terrain et le syndicat externe. Quelques militants participaient à des conférences, ce qui n’était pas découragé mais pas non plus considéré comme essentiel. Chez Scope et Typetalk, il semblait y avoir encore moins de liens suivis entre les militants et le syndicat externe. Chez Typetalk, le principal point de contact était la branch. Pour participer par exemple à des réunions ou à des conférences, les militants devaient être désignés ou élus par leurs structures de branch. En l’occurrence, Typetalk formait une sous-section d’une branch locale dominée par des salariés d’un autre employeur, British Telecom. Typetalk était menée comme une campagne indépendante et de ce fait les représentants de site fréquentaient peu les réunions de branch. Ils avaient ainsi peu d’occasions d’établir des liens au-delà des structures de branch, puisqu’ils n’étaient que rarement présents aux réunions où des délégués étaient élus. Le militant principal cependant affirmait que, en pratique, cela ne constituait pas un problème immédiat. « Nous avons tellement à faire ici (chez Typetalk) que nous n’avons pas vraiment le temps de nous préoccuper du reste du syndicat… ou d’aller à des réunions de branch. Ils ne nous tiendraient pas à l’écart, mais ce n’est juste pas très intéressant d’entendre pendant deux heures les trucs de BT » (militant CWU, interview).
50Il y avait cependant une exception significative. Lors de plusieurs grandes réunions nationales, y compris des congrès nationaux, des débats ont été organisés autour de projets d’implantation en dehors de BT et de Royal Mail. A ces occasions, les militants de Typetalk et d’autres sites cibles de campagnes d’implantation ont été invités à parler. Cela a donné l’occasion aux militants de Typetalk d’observer le fonctionnement du congrès national de leur syndicat. Lors d’interviews, ils indiquaient qu’ils en avaient été fortement déconcertés. Un militant commente : « Cela nous a vraiment ouvert les yeux. Je n’avais aucune idée de la façon dont un syndicat était dirigé. C’était très nouveau pour nous… Je ne sais pas trop comment nous allons trouver notre place là-dedans » (militant CWU, interview). De la même façon, les militants de Scope avaient eu très peu de contacts avec le syndicat externe en dehors des échanges avec des permanents au moment de stages syndicaux. Ici, peu d’occasions se présentaient pour participer à des instances décisionnelles du syndicat même si les militants l’avaient voulu.
IV – Discussion : Une explication de la diversité des rôles
51L’ensemble des observations recueillies suggère que le rôle principal des militants de terrain consiste à développer l’adhésion et à mettre en place l’organisation du syndicat à l’intérieur du lieu de travail. Cela va dans le sens des recherches menées aussi bien aux Etats-Unis qu’au Royaume-Uni qui soulignent l’importance des militants dans l’installation du syndicat local (Fantasia, 1988 ; Early, 1998 ; Wills, 2003). Cependant, les rôles que ces militants se sont appropriés diffèrent considérablement, en fonction particulièrement du soutien que leur apportent les permanents généralistes et les organisers dans la prise en charge de ces tâches. Ils évoluaient aussi dans le temps. Un objectif central de cet article est ainsi d’expliquer les variations dans la prise en charge par les militants des tâches considérées comme cruciales par ceux qui plaident pour une stratégie de syndicalisation qui privilégie l’intervention de la base (rank and file intensive strategy).
52Les riches matériaux présentés plus haut permettent de ramener ces variations au sein et entre les campagnes à trois facteurs explicatifs majeurs : 1) les choix managériaux, concernant plus particulièrement les modes d’organisation de la campagne et l’adoption d’une approche favorable ou non au syndicat ; 2) les politiques et structures syndicales et la manière dont elles s’articulent par l’intermédiaire des permanents, et 3) les compétences, l’expérience et la confiance de militants individuels, qui sont importantes notamment parce qu’elles influent sur leurs relations avec les permanents. Ces dynamiques sont étudiées à travers les cinq campagnes pour illustrer l’importance à la fois des structures et des acteurs pouvant expliquer la diversité des rôles pris en charge par les militants, dans et entre les différentes campagnes.
53Il est intéressant de savoir pourquoi les campagnes LSC et Ethel Austin n’ont pas choisi le chemin de la responsabilisation des militants locaux, alors même que les observations faites aux Etats-Unis (Bronfenbrenner, Juravich, 1998 ; Early, 1998) insistent sur le rapport entre militantisme de terrain et succès de l’implantation. Cela semble s’expliquer surtout par les attitudes (relativement) favorables des employeurs à l’égard du syndicat. Le développement du militantisme de base dans les campagnes d’implantation semble ne s’imposer comme une préoccupation syndicale majeure que devant l’opposition de l’employeur.
54Il existe pourtant d’autres facteurs qui permettent d’expliquer ces comportements. Dans les LSC, le peu d’intérêt porté au militantisme de terrain renvoie aussi au contexte de réorganisation : avant que tous les personnels ne soient transférés dans une nouvelle structure, les sites de travail connaissaient des flux de personnel importants. Il était possible de savoir qui travaillait où et en quelle qualité seulement après que le nouveau système a été mis en place, que les licenciements, les relocalisations et la rationalisation des services ont été opérés. De plus, les négociations accompagnant cette réorganisation ont été longues et complexes, laissant peu de temps aux permanents et aux organisers pour travailler avec les adhérents existants et potentiels et dénicher des militants. Par conséquent, les efforts de syndicalisation se sont lourdement appuyés sur le mailing et les initiatives promotionnelles. Le syndicat espérait passer à la « vraie syndicalisation », selon l’expression d’un permanent, une fois la négociation conclue dans tous ses détails (permanent PCS, interview). Chez Ethel Austin, aussi bien les aptitudes relativement circonscrites des membres que les attentes placées dans les permanents spécialistes du développement, encouragés et censés s’occuper eux-mêmes du recrutement des adhérents, expliquent pour beaucoup le faible engagement des militants de terrain dans le travail d’implantation.
55Les campagnes Typetalk et Casino ainsi que la première phase de la campagne Scope sont celles qui ont valorisé le plus le rôle des militants de terrain pour développer le soutien au syndicat. Dans ces sites, les responsabilités dans le recrutement de nouveaux membres et dans l’identification de thèmes majeurs autour desquels faire campagne ont principalement été assumées par les militants. Alors que des rôles spécialisés – comme les négociations complexes sur l’accord de reconnaissance chez Typetalk – étaient pris en charge par des permanents, nombre de responsabilités quotidiennes concernant l’adhésion, la conduite de la campagne et la représentation ont été assumées par les militants. Cela était largement dû à l’hostilité (relative) de l’employeur et aux difficultés d’accès aux sites de travail pour les permanents, mais renvoyait aussi à la conviction des organisers et des permanents que les militants de terrain « devraient » assurer ces rôles. En entretien, tous ces acteurs affirment clairement leur attachement, et l’importance qu’ils accordent, à la responsabilisation des militants de terrain dans les campagnes d’implantation, et cela s’exprime nettement dans leurs exigences vis-à-vis des nouveaux militants.
56Les dernières étapes de la campagne MSF chez Scope se situent quelque part au milieu. Si les permanents prennent la tête du travail de syndicalisation et de négociation avec les employeurs, les militants s’investissent pour développer à l’intérieur du site le soutien au syndicat. Ici aussi, l’importance du comportement de l’employeur est manifeste. Quand il s’est agi plus tard de construire une relation plus consensuelle avec l’employeur, les permanents ont explicitement favorisé une moindre implication des militants dans les actions liées à des problèmes de site. Si l’on peut y voir une tentative d’imposer une ligne « modérée » aux militants, peu d’entre eux se sont opposés à cette réorientation, et ont décidé de plutôt s’investir dans leurs rôles de représentants dans les works councils. La campagne Scope illustre l’influence importante des contingences structurelles sur les rôles tenus par les acteurs. C’est au sein du siège social de Scope, qui regroupe le plus grand nombre de salariés sur un même site, que le syndicat est le plus puissant. Les campagnes conduites par ces militants étaient en outre les plus ambitieuses. Cela s’explique en partie par l’expérience de ces salariés habitués à mener des campagnes pour les droits des personnes handicapées et qui utilisent ici leurs savoir-faire professionnels. Il est donc peu surprenant qu’ils soient capables de mobiliser ces mêmes capacités dans leur militantisme syndical. Ainsi, de la même façon que le manque de savoir-faire basiques de nombre d’adhérents d’USDAW limite les attentes et exigences des syndicats à l’égard des rôles qu’ils pourraient assurer sur leur lieu de travail, ces salariés sont aidés dans leurs actions en faveur de l’implantation syndicale par l’expertise que leur apporte leur profession.
57Ces variations ne sont pas importantes que pour révéler les dynamiques causales complexes des structures et des acteurs. Elles illustrent aussi les différentes visions des syndicats concernant la relation entre les représentants de terrain et les permanents, ce qui en dit long sur les stratégies de renouveau en général. Par le passé, on en savait peu sur la façon dont les syndicats transmettaient aux nouveaux adhérents des valeurs et des aspirations. A partir de ces études de cas, il devient clair que, tandis qu’une part de ce processus est explicite, une bonne part ne l’est pas. Les stages de formation sont, certes, importants pour transmettre explicitement à de nouveaux représentants ce que l’on attend d’eux. Mais il serait faux d’imaginer que tous les représentants identifiés au cours de ces campagnes ont été envoyés en formation. Ce n’était pas le cas de la majorité de militants qui ont découvert leur rôle et les attentes qui reposaient sur eux dans l’échange avec les organisers et les permanents, et par des apprentissages « sur le tas ». C’est de cette manière que les cultures et structures des syndicats influencent le plus manifestement la façon dont ces représentants comprennent leurs rôles. Le rôle apparemment « évident » des permanents USDAW et PCS, par exemple, dans la représentation des adhérents est transmis à travers les matériaux de recrutement et les programmes de formation. Mais c’est peut-être de façon encore plus nette dans leurs interactions avec les permanents que les militants comprennent que ces tâches ne leur incombent pas. Ce cas s’oppose aux modes de communication entre permanents et militants, eux aussi tenus pour « évidents », qui sont adoptés dans le CWU ou dans les casinos, où l’on attend des militants qu’ils assument des responsabilités pour traiter des demandes individuelles.
58On voit apparaître des tensions dans certaines campagnes quand il s’agit d’évaluer dans quelle mesure les militants sont préparés à assumer des responsabilités en termes de contacts avec l’employeur, alors que dans d’autres campagnes les responsabilités des militants et des permanents sont clairement délimitées. En outre, la qualité des relations entre les militants et le syndicat externe varie. Certains utilisent ces liens pour trouver un soutien pour la campagne, alors que d’autres restent tout à fait distants à l’égard du syndicat. Dans ce dernier cas, on peut se demander comment ces groupes de travailleurs nouvellement engagés dans des tâches de syndicalisation peuvent avoir accès aux structures décisionnelles du syndicat (Markowitz, 2000 ; Simms, 2006). Il est remarquable que, dans aucune des campagnes, on n’ait pu observer des militants établir des liens avec des groupes à l’extérieur des syndicats ni chercher à créer des alliances durables avec des groupes non syndiqués. Cela représente une contre-perspective importante à l’égard de la littérature qui met en exergue les formes de syndicalisme connecté à des communautés et des mouvements sociaux et qui a attiré une attention croissante au Royaume-Uni et au-delà (Wills, Simms, 2004 ; Fine, 2005 ; Tattersall, 2005 ; McBride, Greenwood, 2009). Il ne s’agit pas ici d’affirmer que ce type d’activité ne serait pas important. Mais elle n’est pas habituellement considérée comme faisant partie des rôles tenus par les militants de terrain dans ces campagnes, même « en terre vierge ». Cela soulève des questions sur la « vision » de l’implantation des syndicats et de la manière dont elle s’articule avec les efforts de renouveau syndical plus généralement. C’est ce débat plus vaste que nous aborderons dans la section conclusive de cet article.
Conclusion
59En résumé, les observations recueillies donnent un important aperçu empirique des rôles occupés par les militants de terrain lors des campagnes d’implantation « en terre vierge » (greenfield organising) au Royaume-Uni. Etre militant de terrain ne se limite pas à une expérience unique ; il est cependant clair que le recrutement d’adhérents est central dans la plupart des situations (mais pas dans toutes). Les tâches liées à l’implantation du syndicat – identification de futurs militants, acquisition de compétences, actions revendicatives sur des thèmes propres au site – sont également importantes mais leur prise en charge par les militants est beaucoup plus variable. Cela s’explique dans une large mesure par les possibilités d’accès ou non des permanents aux lieux de travail, par l’attitude de la direction à l’égard du syndicat et par les préférences et compétences des militants eux-mêmes.
60Ces écarts apparaissent plus clairement quand on observe dans quelle mesure les militants sont prêts à traiter directement avec l’employeur, par exemple en présentant des griefs, en cherchant des solutions à des problèmes rencontrés sur le site, en négociant directement ou à côté des instances décisionnelles du syndicat externe. Dans certaines campagnes, les militants étaient bien préparés à ce rôle via la formation et l’information sur les types d’activités qu’ils étaient censés prendre en charge. Dans certains cas – notamment au TGWU –, la structure et les politiques syndicales encourageaient également ce rôle. Mais dans d’autres cas (CWU), sa prise en charge se heurtait soit à des réticences de la part des militants soit à l’attente de voir ce travail effectué par les permanents (PCS, USDAW). Cela est étonnant au vu de l’importance qu’attribue la littérature sur l’implantation au développement d’un militantisme d’adhérents fort et indépendant sur les lieux de travail (Bronfenbrenner, Juravich, 1998 ; Carter, 2000 ; Early, 1998).
61Globalement, le tableau ainsi dressé soulève la question de savoir dans quelle mesure les syndicats britanniques mettent en œuvre une stratégie « axée sur la base » dans leur travail d’implantation. De plus, il semble significatif que ces différentes approches et ces différents rôles des militants puissent conduire à un certain succès dans la mise en place de négociations collectives, malgré des résultats très différents en termes de structures et de cultures syndicales sur les lieux de travail. Cette conclusion soulève la question de savoir dans quelle mesure les prescriptions états-uniennes – sur la forme que « devrait » prendre l’activité d’implantation pour réussir (Bronfenbrenner, Hickey, 2003) – sont adaptées au cas du Royaume-Uni. Nous soutenons ici que « l’implantation du syndicat » signifie des choses différentes dans des contextes différents et qu’il est essentiel pour les chercheurs (et les syndicats) de prendre en compte ces différences.
62Dans le contexte du Royaume-Uni tout au moins, il y a de fortes raisons de penser que les permanents syndicaux jouent un rôle essentiel dans le développement de formes adaptées et pertinentes de militantisme local. Cela va dans le sens de l’argumentation de Voss (2010), qui souligne l’importance de la coordination centrale par les permanents. Nos observations nous permettent de déduire que les militants de terrain ont des rôles importants quoique variables dans les campagnes d’implantation au Royaume-Uni. La coordination et la supervision du processus par les permanents et les organisers sont tout aussi essentielles dans les politiques d’implantation des syndicats. Il est extrêmement important (en accord avec Voss, 2010) que cet élément ne soit pas interprété comme menant inéluctablement vers la bureaucratisation, le militantisme local se trouvant freiné par l’action des permanents, comme Bramble (1995) par exemple pourrait l’envisager. Même dans les campagnes où l’attente à l’égard des permanents pour qu’ils mènent les négociations était grande, il y a amplement matière à constater que les organisers et les permanents généralistes tenaient à ce que les membres développent leurs compétences et leur confiance en eux, pour qu’ils prennent en charge au moins une partie des activités de négociation et de représentation. Le défi de mieux faire connaître le syndicat et de développer des structures syndicales sur le site pouvait souvent s’imposer comme une tâche plus urgente. Les offres de formation étaient parfois mal adaptées à ces membres nouvellement confrontés aux tâches d’implantation et, ce qui est logique pour ces nouvelles campagnes, il n’y avait guère d’histoire de ce type de militantisme sur le site.
63Cependant, mobiliser un permanent rémunéré pour négocier constamment avec les directions pour tout ce qui outrepasse les problèmes les plus simples du site sollicite des ressources très importantes de la part du syndicat. Pour partie, le débat britannique sur l’implantation visait précisément à trouver une approche permettant au mouvement syndical de croître sans s’appuyer toujours plus sur les permanents, en misant délibérément sur le développement d’une forte culture de militantisme local (Carter, 2000 ; Heery et al.., 2000a ; Gall, 2003). Bien que cette voie ait été suivie dans certaines campagnes décrites plus haut (en particulier celle des casinos), elle n’est guère répandue dès lors qu’il s’agit de développer le rôle des militants de base dans ces campagnes. Il semble peu probable que, dans l’ensemble des situations très diversifiées étudiées dans cette recherche, cela s’explique simplement par l’incapacité ou la réticence de militants individuels à tenir ces rôles.
64Les politiques et les structures des syndicats concernés offrent un plus grand potentiel explicatif. En d’autres termes, la façon dont les permanents et les militants développent leurs relations lors de campagnes d’implantation semble intégrer l’attente que les permanents assument une bonne partie des responsabilités dans les contacts avec le management. Cela se comprend au vu de l’expertise requise pour négocier efficacement avec des gestionnaires professionnels. Cela réduit aussi les risques pour le syndicat parce que les négociateurs syndicaux ont souvent une vision plus claire des positions syndicales sur un sujet donné et une plus grande expérience de négociation dans nombre de sites comparables. On a donc probablement affaire à l’émergence d’une forme particulière d’implantation syndicale. Elle repose sur le développement du militantisme local à l’intérieur d’une structure d’assistance conséquente en termes de services de négociation et de représentation pilotée par des permanents – je l’ai appelé ailleurs le « militantisme dirigé » (managed activism) (Simms, 2007). Cette observation s’inscrit clairement en contrepoint de « visions » antérieures de l’implantation syndicale qui insistaient si fortement sur la prise en charge de ces rôles par les militants de base eux-mêmes (Fairbrother, 1996 ; Early, 1998, parmi beaucoup d’autres). Comme Voss (2010) l’a précisé à juste titre, l’émergence de cette forme de renouveau syndical soulève d’importantes questions sur les formes et méthodes de la démocratie syndicale, qui méritent sans aucun doute des investigations supplémentaires.
65Cette conclusion est importante en ce qu’elle suggère que les défis liés au bon équilibre de la répartition des rôles entre militants et permanents ne seront pas moindres dans la phase de l’après-reconnaissance, lorsque les rôles de représentation et de négociation deviendront plus centraux pour le travail des militants (voir Simms, 2006, pour une discussion plus développée de ces transitions). Plus particulièrement, des tensions pourraient se manifester entre les acteurs et les rôles qu’ils assurent. Cela sera révélateur des visions de ce que peut être un syndicat renouvelé et des processus à travers lesquels cet objectif pourra être atteint.
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Notes
-
[1]
Professeure associée en relations industrielles à l’Université de Warwick, Grande-Bretagne (melanie.simms@wbs.ac.uk). Cet article a été traduit par Christian Dufour et Adelheid Hege.
-
[2]
Le terme « syndicat » (union) désigne en Grande-Bretagne – pays au système moniste de relations professionnelles – en premier lieu le syndicat présent sur le site de travail. La notion de « syndicat externe » est utilisée dans la traduction française pour désigner le syndicat national et ses structures décentralisées (« the wider union ») auxquels est affilié le syndicat local (NdT).
-
[3]
Le terme organising est traduit ci-après par le mot « implantation syndicale» ou par le mot « syndicalisation ». Il s’agit alors moins de l’adhésion, plutôt traduite par le terme « recrutement », que du processus de création d’une présence syndicale : collectif de salariés, structures adaptées, mise en place de représentants locaux, obtention de droits, etc. (NdT).
-
[4]
Une branch est le regroupement de l’ensemble des implantations d’un syndicat (TGWU, GMB, Unite, Unison, USDAW…) sur un espace géographique donné, lui-même d’extension variable. Il s’agit d’une entité géographique, non pas sectorielle au sens connu sur le continent. Dans la suite du texte, nous gardons le mot branch pour désigner cette structure syndicale où se prennent les décisions relevant de l’espace géographique concerné (NdT).
-
[5]
Ce syndicat est ensuite partie prenante de la fusion qui donne naissance à Unite.
-
[6]
L’Institut royal national pour les sourds.
-
[7]
Qui eux aussi ont depuis fusionné dans Unite.
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[8]
Ce vote permet à un moment donné de manifester la position majoritaire du groupe de salariés visé en faveur ou défaveur de la reconnaissance du syndicat (NdT).
-
[9]
Les works councils, conseils d’établissement, sont généralement implantés par l’employeur parallèlement ou en opposition aux structures de représentation syndicale. La participation à ces instances, de la part de syndiqués, constitue un choix stratégique, les prérogatives de cette instance étant aussi de l’initiative de l’employeur (NdT).
-
[10]
A la différence des works councils, les délégations à la santé et à la sécurité relèvent de prescriptions législatives (NdT).