Notes
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[1]
Les références du texte distinguent entre les références bibliographiques usuelles et certaines communications au séminaire, qui n’ont pas donné lieu à article dans ce numéro de la revue. Ces communications sont simplement indiquées par le nom de leurs auteurs. Elles sont référencées dans l’annexe présentant les séances successives du séminaire.
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[2]
La MIME, mise en place à la suite du rapport de Claude Viet (2003), réalisé à la demande du gouvernement, anime l’action publique sur les restructurations en s’efforçant de diffuser une culture d’anticipation, par la détection et la prévention des risques, et en œuvrant à la rationalisation de l’intervention administrative.
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[3]
Cette argumentation a notamment été développée par Cahuc et Zylberberg (2004).
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[4]
Cf. la publication régulière de la DARES sur les mouvements trimestriels de main d’œuvre, dans Premières informations et premières synthèses.
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[5]
Le faux roman de François Bon, Daewoo (2004), vaut mieux à cet égard que bien des démonstrations.
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[6]
Voir les trois cas analysés dans Campinos-Dubernet, Louis et Redor (2002).
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[7]
Auquel cas les restructurations les plus intéressantes ne sont pas les moins conflictuelles, si le conflit force l’accouchement d’un véritable projet, associant une effective mutation industrielle et de véritables reconversions professionnelles. On lira avec intérêt à ce propos le reportage de la journaliste Isabelle Moreau sur le cas de GIAT, restructuration lourde dans le secteur difficile de l’armement et dans une entreprise à fortes traditions, où l’accord de méthode n’a pas dispensé du conflit (Moreau, 2005).
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[8]
Le regard sur d’autres réalités nationales suggère que cette banalisation relève d’une tendance suffisamment lourde pour prévaloir si le contexte s’y prête. Voir par exemple Lefresne (2005) à propos du cas pourtant emblématique de Rover en Grande-Bretagne.
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[9]
La communication de Dominique Balmary au séminaire a donné lieu à publication dans Droit social (2004). Le lecteur s’y reportera pour une analyse experte des évolutions juridiques.
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[10]
Ce diagnostic est tôt tracé par Desseigne (1997). Sur l’insécurité juridique, voir le dossier d’Entreprises et carrières (2004), intitulé « Plans sociaux, le bras de fer judiciaire ». Brunhes (2003) démonte le cercle vicieux entre surenchère procédurière et bâclage des plans sociaux.
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[11]
Voir les débats lors du séminaire organisé par l’Association Française de Droit du Travail (AFDT, 2003) sur le thème « Comment repenser le droit du licenciement économique ».
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[12]
Voir en particulier Blanchard et Tirole (2003), Cahuc (2003). Il faut ajouter aussitôt que cette subordination du droit ne fait pas consensus parmi les économistes : voir Eymard-Duvernay (2004) et Gautié (2004). Jérôme Gautié évoque les redistributions inefficaces entre entreprises inégalement vulnérables que risque d’introduire une taxation des licenciements sans mutualisation. François Eymard-Duvernay rappelle le caractère indispensable des normes juridiques pour une bonne coopération entre acteurs économiques.
1De l’automne 2003 au printemps 2005, le séminaire Restructurations organisé par l’IRES a rassemblé, au cours de sept séances, des syndicalistes, des chercheurs et des praticiens, qui ont confronté leurs perceptions des processus de restructuration. Si les débats ont porté principalement sur les restructurations affectant entreprises et bassins d’emploi situés sur le territoire national, ils ont été attentifs aux dimensions européenne et mondiale de ces processus. Ce texte met en avant une série d’idées qui se sont dégagées avec force au cours des débats [1]. Ces idées sont rapportées au contexte économique, social et politique, fort évolutif dans ce domaine au cours des dernières années. Le texte débute par un retour historique sur la dynamique des restructurations. Il s’interroge ensuite sur l’inéluctabilité de leur banalisation, puis sur le contenu et les conditions de leur réussite. Il confronte les enjeux qui en ressortent à l’évolution des logiques juridiques régissant les restructurations. Il explicite certaines questions clefs soulevées par les changements législatifs en cours. Il conclut en évoquant brièvement les perspectives ouvertes par la présence plus forte du niveau communautaire sur ce thème.
Vers la restructuration permanente ?
2La nature des restructurations a profondément évolué au cours des dernières décennies. Au cours des Trente glorieuses, les restructurations participaient de la poursuite d’objectifs de croissance et de rentabilité, passant par la rationalisation des ensembles industriels et la constitution de champions nationaux capables de s’imposer sur un marché intérieur en forte expansion et de peser lourd à l’exportation. L’État, a fortiori dans le cas français, était partie prenante de ces opérations de restructurations, qu’il soutenait et orientait. L’action volontariste sur les structures industrielles faisait partie de ses missions reconnues. Les syndicats pouvaient y trouver leur compte si l’ambition dont ces projets étaient porteurs nourrissait l’expansion d’un salariat industriel bénéficiant de leurs retombées.
3La première décennie suivant le choc pétrolier de 1973-74 reste dans la continuité de cette impulsion étatique des restructurations, bien que la crise de rentabilité et l’affaiblissement de la croissance, dès lors qu’ils sont perçus comme durables, en changent la donne. Le redéploiement industriel impulsé sous le septennat giscardien peut être compris comme le dernier avatar de la politique industrielle héritée des Trente glorieuses : il entend faire le tri entre les surcapacités à sacrifier, ne répondant plus aux nouvelles contraintes de débouché et de rentabilité, et les activités à promouvoir, susceptibles d’assurer la survie aux entreprises dans la compétition mondiale. Les limites et contradictions de ce redéploiement jouent en faveur des nationalisations décidées par le gouvernement Mauroy, après l’alternance politique de 1981. Le destin paradoxal de ces nationalisations sera de servir d’outil de restructuration ouvrant la voie à des privatisations enfin rentables. L’épisode pèse lourd dans l’héritage syndical, car les tentatives de contre-propositions et d’autres critères de gestion, qui se sont exprimées à ce moment-là en misant sur l’extension du secteur public, se sont enlisées dans ce destin des nationalisations. Le traumatisme des opérations massives de restructuration affectant les industries sidérurgique, automobile, navale… l’emporte sur ces tentatives syndicales pour peser sur les stratégies orientant les restructurations. Les attitudes défensives prendront normalement le dessus.
4Les restructurations industrielles sont devenues, dans ces années-là, une restructuration du capitalisme français comme tel. Cette restructuration se prolongera au travers des vagues successives de privatisation, d’abord ordonnées autour de la remise sur pied de noyaux durs supposés consolider et pérenniser les intérêts croisés entre groupes à base française, puis devenant largement ouvertes à la pénétration des capitaux étrangers et à la multinationalisation des centres de décision gouvernant les nouveaux groupes privés. Le relais étatique, que pouvait s’efforcer de mobiliser la pression syndicale, perd en conséquence de sa force. Non pas qu’il ait disparu : l’État continue, au coup par coup, à jouer le rôle de pompier, comme il l’a fait dans le cas du Crédit lyonnais ou encore récemment d’Alstom, mais l’intervention étatique n’a plus les mêmes vertus stratégiques. Elle doit composer avec d’autres acteurs, qu’il s’agisse des actionnaires étrangers ou des autorités communautaires de la concurrence. Les stratégies privées et leur inscription géographique relèvent davantage de déterminants dont l’échelle spatiale dépasse la vision territoriale traditionnellement portée par l’État. Les stratégies syndicales, amenées à tenir compte de ces changements substantiels, se veulent particulièrement attentives aux outils juridiques leur permettant de peser sur un jeu dont la nature tend à leur échapper.
5Au travers de ces changements, le contour des entreprises et des groupes devient flou et mobile, tandis que les centres de décision stratégiques s’éloignent des lieux d’exercice de l’activité productive. La déconcentration technique, avec des établissements de taille plus réduite, va de pair avec la centralisation financière. Le périmètre des activités est soumis aux arbitrages de la gestion financière, au prix d’incertitudes sur ce que sont le cœur de métier et les actifs stratégiques d’un groupe, jusqu’à rendre les stratégies industrielles difficilement lisibles. Les groupes dotés d’authentiques stratégies de développement à long terme ne sont pas à l’abri d’arbitrages financiers perturbants.
6Les organisations en réseau se développent et se diversifient. Les PME s’insèrent dans ces organisations réticulaires et les sous-traitants peuvent être eux-mêmes organisés en véritables groupes d’échelle mondiale, comme dans le cas des équipementiers automobiles. La vulnérabilité du sous-traitant ne tient plus à la seule dépendance par rapport au donneur d’ordres, qu’il pouvait espérer compenser par l’excellence de sa spécialisation technique, mais à la mise à l’épreuve permanente de sa compétitivité au sein comme à l’extérieur du groupe dont il fait partie. La logistique de la chaîne de valeur qui aboutit à la commercialisation du produit final fait l’objet d’un reengineering récurrent et la capacité d’un établissement sous-traitant à remplir les standards de coût, de qualité et de délais qu’il doit respecter est évaluée en temps réel. L’exigence d’adaptabilité de cette logistique aux conditions variables des marchés finaux fait de la menace et de la vulnérabilité un paramètre constant de la vie de ces nouveaux sous-traitants. Leur activité est devenue plus aisément délocalisable. En conséquence, ils recourent à l’intérim non pas sur un simple mode cyclique mais de manière structurelle.
7Ces évolutions de nature morphologique se sont mariées, au cours des deux dernières décennies, avec les évolutions de nature macroéconomique pour modifier considérablement les incitations pesant sur les entreprises. La politique de désinflation compétitive a durci les contraintes de taux d’intérêt et de change sur les entreprises françaises. Celles-ci ont du intérioriser le respect durable de normes internationalisées de rentabilité et de compétitivité, sans pouvoir désormais escompter l’allègement de ces contraintes par un État maniant souverainement la monnaie et le change. La mutation est allée au-delà : si la décrue des taux d’intérêt depuis le milieu des années 1990 offre aux entreprises des possibilités considérables d’effet de levier en recourant à l’endettement, les choix d’investissement et de localisation sont désormais prioritairement sensibles aux principes de gestion promus par le capitalisme actionnarial. La recherche de création de valeur pour l’actionnaire vise à obtenir un rendement des fonds propres supérieur au taux de profit normal représenté par le coût d’opportunité des fonds empruntés. Un tel mode de gestion soulève une contradiction fondamentale : en visant plus que le taux de profit normal, il comporte une exigence permanente de surprofit pour l’entreprise concernée au sein d’un régime de croissance supposé régulier. Des entreprises dotées d’avantages monopolistiques spécifiques peuvent y parvenir durablement, mais pour beaucoup d’entreprises, de tels avantages ne sont que transitoires, en fonction de leur positionnement dans la concurrence.
8L’instabilité est en conséquence fondamentalement inscrite dans la gouvernance selon le principe de la valeur actionnariale. La menace de restructuration en est partie intégrante. Les actionnaires n’y gagnent d’ailleurs pas à tous les coups, lorsqu’ils ont affaire à des managers plus habiles dans le maniement actif de cette incertitude permanente et plus prompts dans la liquidation des actifs fragiles. Une telle évolution est loin d’imposer comme allant de soi la légitimité et la rationalité des décisions de restructuration. L’opacité de cette gouvernance s’alimente de la sophistication des techniques d’analyse financière et de l’instantanéité des nouveaux outils de communication, au demeurant vulnérables à la manipulation. Elles suscitent la méfiance profonde des salariés, le refus immédiat des restructurations comme concrétisation des licenciements boursiers… quand bien même elles ne sont pas toujours réductibles à cette dimension. Le divorce s’accentue entre l’horizon temporel de l’entreprise, qui a tendance à se raccourcir, et l’horizon des projets individuels, qui relève du cycle de vie.
L’impossible banalisation des restructurations
9Chaque restructuration pondère en effet de manière spécifique les déterminants productifs, marchands et financiers. Elle mérite en conséquence un effort d’expertise adéquat. L’accès à cette expertise conditionne la capacité des salariés à contester la rationalité gestionnaire dont les artisans de la restructuration peuvent se prévaloir trop aisément. Les argumentaires patronaux fondant la mesure des sureffectifs ont un caractère bien souvent conventionnel, lorsque par exemple les effectifs permanents désirés sont systématiquement calés sur le point bas du cycle anticipé. Les choix de gestion ne découlent pas de manière univoque du contexte économique qu’affronte l’entreprise. Ils sont influencés par les options qui s’offrent à elle, comme la facilité du recours aux mesures d’accompagnement et de retrait des travailleurs évincés. La réduction des effectifs, spécialement par le départ de salariés âgés et bien rémunérés, peut être le moyen de dégager de la liquidité dans le cadre de stratégies industrielles à la validité douteuse. Dans le cas d’Alstom, Francine Blanche, syndicaliste participant à l’animation du comité d’entreprise européen, a montré comment les syndicats ont contesté avec force la capacité entrepreneuriale d’une direction dont les défaillances stratégiques ont frayé la voie à un trouble organisationnel profond et laissé faire la prédation pratiquée par les actionnaires historiques. Cette capacité a été contestée jusque devant les autorités communautaires de la concurrence.
10L’intensité des changements technologiques et de leur diffusion, la mondialisation de la concurrence sur les marchés de produits, la mise en concurrence élargie des salariés à cette même échelle, les mutations de l’organisation et de la gouvernance des entreprises, les incitations exercées par la régulation macroéconomique et financière convergent pour faire obéir les restructurations à d’autres rythmes que ceux qui prévalaient auparavant. Les restructurations tendent à devenir des actes de la vie ordinaire des entreprises, qui revendiquent en conséquence la souplesse nécessaire de leur gestion. Le rétablissement rapide des profits des entreprises après le ralentissement prononcé des années 2001 à 2003 (à la différence d’épisodes récessifs antérieurs) est sans doute lié à la mise en œuvre plus réactive de pratiques de restructuration. Cette réactivité permet le redressement rapide des gains de productivité et leur captation par les profits au prix d’une reprise faible en emplois. Ces restructurations ordinaires et permanentes ont été rebaptisées « mutations », évoquant l’image de changements aléatoires ou adaptatifs du code génétique. Jean-Pierre Aubert, animateur de la Mission interministérielle aux Mutations économiques [2], indique les phénomènes que ce changement sémantique recouvre : une diversification et une généralisation sectorielles des restructurations, ce qui limite la portée d’outils juridiques et d’instruments publics calibrés pour le traitement des opérations d’ampleur affectant la grande industrie privée ; une accélération et une récurrence des restructurations, qui ne se limitent pas aux temps de basse conjoncture mais relèvent du défi permanent de la compétition au sein de marchés dont le partage dépend de la capacité d’innovation des entreprises rivales.
11Dans les argumentaires publics, la banalisation des restructurations prend appui sur le caractère très minoritaire des licenciements économiques dans l’ensemble des sorties d’emploi et, au sein de ces licenciements, sur le nombre également minoritaire des personnes entrant dans les dispositifs publics d’accompagnement des restructurations : ce serait beaucoup de bruit pour rien, l’essentiel des flux de création/destruction d’emplois se jouant ailleurs que dans le petit nombre de restructurations médiatisées [3]. Un trimestre donné, si l’on s’intéresse à la rotation de la main d’œuvre (plus élevée que la réallocation des emplois eux-mêmes), environ 10 % de cette main d’œuvre sort de l’emploi (le taux d’entrée est du même ordre de grandeur, les mouvements nets provenant de faibles écarts entre les taux d’entrée et de sortie). Sur l’ensemble de ces sorties, les sorties d’emploi pour licenciement économiques oscillent autour de 2 % contre environ trois fois plus pour les autres licenciements, tandis que la part des fins de CDD dépasse les 50 % et que celle des démissions approche les 20 % [4]. En 2004, plus de 300 000 personnes se sont inscrites à l’ANPE suite à un licenciement économique (ce qui n’est tout de même pas rien) mais seulement moins de 30 000 sont entrées dans les dispositifs publics d’accompagnement des restructurations (Bobbio, 2005).
12Cette relativisation de la gravité des licenciements méconnaît cependant d’importants aspects dynamiques. Outre que le contournement des licenciements économiques par les licenciements individuels constitue un argument fort contestable en faveur de cette relativisation, les premiers connaissent une forte variabilité, qui a partie liée avec le cycle conjoncturel : ils donnent le ton à l’orientation plus globale de l’emploi (Tomasini, 2003). En plus, une grosse majorité des réallocations d’emplois s’effectue dans le même secteur et traduit une mobilité des salariés entre entreprises, notamment par démission, qui est plutôt activée par une bonne conjoncture (Duhautois, 2005). Cette mobilité peut difficilement être invoquée pour relativiser la gravité de restructurations lourdes, touchant au premier degré un nombre plus restreint de personnes, mais dont la réinsertion dans l’emploi sera plus difficile : ce serait confondre mobilité et insécurité de l’emploi. Enfin, les personnes passées par le licenciement en gardent souvent la marque dans leur trajectoire ultérieure, jusqu’à chuter dans l’emploi précaire ou l’exclusion précoce du marché du travail. Elles alimentent, après leur licenciement, d’autres modes de sortie d’emploi. Même celles passant par un dispositif d’accompagnement comme les cellules de reclassement ne sont que 25 % à retrouver un emploi en CDI et 50 % à retrouver un emploi, si on inclut CDD, interim et création d’entreprises (Bobbio, 2005).
13La banalisation pratique des restructurations s’alimente en fait de la dualité du marché du travail : l’importance prise par les formes d’emploi précaires et l’externalisation apporte une fluidité des flux d’emploi facilitant la restructuration permanente, devenue difficile à distinguer des ajustements courants face aux risques cycliques ; les restructurations plus radicales, qui appellent des procédures collectives, sont concentrées sur le noyau dur des emplois permanents : la portée des licenciements conséquents est circonscrite par le cordon sanitaire des dispositifs de retrait ou d’accompagnement. La solution pour mettre fin à ce dualisme est-elle « la suppression de la spécificité relative au licenciement pour motif économique », comme y invite le rapport Camdessus (2004) ? Une réunification du marché du travail ouvrant à tous les salariés des droits nouveaux à la sécurisation de leurs parcours professionnels et sollicitant davantage la responsabilité du service public de l’emploi est souhaitable. Doit-elle s’accompagner pour autant d’une banalisation de l’acte de licenciement et de la restructuration qui en est la source ? Des droits accrus reconnus aux personnes peuvent-ils solidement s’appuyer sur une dénégation de la dimension collective des restructurations et des négociations auxquels elles donnent lieu ?
14La dimension stratégique de ces restructurations banalisées (ou qui voudraient l’être) ne disparaît pas, car leur gestion implique des choix productifs et organisationnels exerçant des effets durables sur la trajectoire des entreprises concernées comme du système productif dans son ensemble. Le traitement des individus, au cours de ces restructurations, conditionne leur employabilité ultérieure et la capacité d’adaptation des territoires où ils vivent : lorsque leur identité professionnelle est brutalement niée et leur productivité individuelle dévaluée, ils alimentent les sorties précoces d’activité, qu’entend combattre la stratégie européenne en fixant l’objectif d’une hausse des taux d’emploi de la population en âge de travailler à hauteur de 70 %. La France combine un taux d’emploi nettement en deçà de cet objectif et un niveau élevé de productivité horaire du travail, que les individus exclus de l’activité sont supposés incapables d’atteindre. Mais la productivité individuelle dépend étroitement des organisations productives dans lesquelles s’insèrent les individus. Le maintien des capacités professionnelles des personnes soumises à licenciement relève d’une construction temporelle dont les conditions de réussite sont bien souvent traitées à la légère par la réalité des dispositifs.
15La banalisation des restructurations, à la fois implicite et recherchée, dénie la réalité du conflit irréductible logé dans un processus de restructuration, lorsque la logique d’entreprise, quand bien même justifiable par l’évolution des technologies, des marchés, des exigences de compétitivité, et les projets de vie des salariés s’affrontent durement. Elle entend dissoudre cette dimension conflictuelle dans la rapidité du dénouement et la dispersion de ses protagonistes, renvoyés à leur destin individuel. Les coûts sociaux de tous ordres, liés à ce refoulement du conflit, sont largement sous-estimés. L’individu moderne est sommé à la fois de pleinement investir sa subjectivité dans la réussite de l’entreprise et d’en accepter avec résignation la négation lorsque cette entreprise échoue [5]. Mais faire le deuil d’un emploi perdu est d’autant plus difficile que la négation des compétences accumulées, de la personne comme travailleur, va de pair avec cette perte.
Réussir les restructurations ?
16Myriam Campinos-Dubernet a exposé le cas de restructurations jugées réussies, où le pragmatisme des parties l’a emporté sur le conflit ouvert : les salariés ont de fait accepté la décision de restructuration et négocié au mieux les conséquences pour eux-mêmes, en termes de garantie de recrutement en CDI et de limitation de la perte de salaire [6]. Pourrait-on néanmoins avancer qu’une restructuration (socialement) réussie n’est pas simplement un projet de restructuration, que la direction de l’entreprise parvient à faire passer en douceur en usant adroitement de son accès privilégié à l’information, des outils juridiques et des incitations financières à sa disposition, pour convaincre au bon moment les salariés d’un départ inéluctable et leur consentir un accompagnement d’une qualité jugée convenable ? Une restructuration réussie (ce qui ne signifie pas indolore) ne serait-elle pas plutôt de l’ordre du conflit explicité et maîtrisé, de manière à ce qu’un projet collectif, concernant le devenir de l’entreprise et celui du territoire, puisse réémerger dans le cours d’un processus négocié et encadrer les parcours individuels, sans miser sur leur disqualification silencieuse [7] ? A évaluer les cohortes de plans sociaux selon cette acception plus exigeante de la réussite, on est cependant loin du compte : leurs résultats qualitatifs et quantitatifs sont globalement médiocres.
17La pierre de touche en l’occurrence est celle de l’anticipation : toujours invoquée comme une nécessité, bien difficile à mettre en œuvre de manière outillée, car elle suppose une reconnaissance précoce et réciproque des intérêts des parties en présence. Pour un ensemble de raisons, culturelles aussi bien que stratégiques, nombre de directions d’entreprise peuvent n’y pas tenir et les administrations concernées (notamment les directions départementales de l’emploi, du travail et de la formation professionnelle), peuvent se désoler de leur impuissance à jouer un rôle effectif de coordination des anticipations et d’impulsion d’un processus négocié. Quant aux syndicats, le tabou sur les risques peut être difficile à lever, si bien que l’intervention sur les enjeux stratégiques peut être dramatiquement retardée. Les hésitations à utiliser le droit d’alerte introduit par la loi de prévention des difficultés des entreprises (1984) existent. François Ginsbourger a donné des exemples où l’anticipation partagée par les différents acteurs, patronaux, administratifs, syndicaux s’est avérée impossible parce que leurs intérêts respectifs ne les conduisaient pas à envisager, pour une activité clairement menacée, une valorisation des compétences émancipant le collectif de travail d’une spécialisation vulnérable : sans articulation à la construction d’une véritable dynamique productive, la gestion prévisionnelle des effectifs reste de l’ordre de l’incantation. De fait, à s’en tenir à la simple chronologie, l’évaluation et l’organisation de la faisabilité des licenciements, comme acte de gestion, devancent fréquemment, pour la direction de l’entreprise, l’exercice de sa responsabilité dans le cadre du plan social. L’asymétrie d’information, au détriment des salariés, est alors constitutive du processus de restructuration.
18Cette difficulté de l’anticipation s’éprouve particulièrement à l’égard de la dimension territoriale des restructurations. Celles-ci font figure d’événement localisé, dont le territoire n’est pas le simple décor mais le lieu d’impact qui suscitent luttes et solidarités fondées sur des relations de proximité. Pour autant, un ensemble de facteurs joue pour que n’émerge pas aisément à l’échelle territoriale un jeu d’acteurs capable de construire une anticipation collective et d’en gérer les implications. Les dynamiques territoriales de spécialisation et d’agglomération des activités reposent sur des forces malaisées à identifier et à maîtriser pour les acteurs locaux ; la mobilité de l’organisation spatiale d’entreprises plus nomades les incite à traiter leurs implantations locales comme un input dont la durée de vie est finie ; les pouvoirs publics locaux, soucieux de vendre l’attractivité de leur territoire, n’évitent pas toujours un opportunisme myope qui met en avant l’arrivée de nouvelles implantations sans éviter leur menaçante réversibilité. La loi de modernisation sociale de 2002 oblige les entreprises en restructuration à s’impliquer dans la revitalisation du territoire, et cette obligation est confirmée par la loi de cohésion sociale de 2005. Mais le préfet, représentant de l’État central qui a sa propre vision des enjeux, n’est pas toujours l’instance la plus à même de fédérer et mobiliser les intérêts locaux.
19Une véritable construction territoriale s’efforce d’affirmer l’identité productive d’un territoire sur une durée qui dépasse l’horizon restreint défini par le calendrier des plans sociaux. Elle suppose des capacités de coordination entre les différents acteurs, qui révèlent les proximités géographiques comme de véritables ressources productives incitant les entreprises à consolider leur ancrage local. L’apport d’une ingénierie experte au service des politiques d’attractivité est indispensable mais ne suffit pas à garantir la continuité d’une action publique de développement territorial. De bonnes pratiques sont repérables. L’expérience ALIZE (Actions locales interentreprises en zone d’emploi) décrite par Jean-Marie Bergère, en est une. Mais ces exemples reposent sur des facteurs trop contingents pour être aisément généralisables, comme l’esprit de responsabilité sociale de groupes d’origine publique qui développent des dispositifs mobilisant les PME d’un bassin d’emploi dans la reconversion du site et dans le transfert des compétences. L’implication des acteurs sociaux et des collectivités territoriales dans la gestion de ces dispositifs reste trop parcellaire et discontinue pour que la dynamique du jeu d’acteurs territorial soit généralement à la hauteur des besoins ressentis.
Une évolution juridique inaboutie vers des restructurations plus négociées
20La dynamique économique, abandonnée à elle-même, tend à banaliser les restructurations. La réalité sociale résiste à cette ligne de pente, en contestant l’unicité de la rationalité guidant ces restructurations [8]. Le besoin d’une meilleure anticipation des restructurations fait consensus, mais sa construction pratique est bien difficile, car elle suppose la reconnaissance du pluralisme des intérêts et de la raison économique elle-même.
21L’évolution des dispositifs juridiques régissant la conduite des restructurations ajoute une dimension à ces tendances à la fois lourdes et contradictoires. Dominique Balmary résume la trajectoire juridique des dernières décennies comme le passage d’un contrôle administratif des décisions de licenciement économique suscitées par les restructurations à un règlement qui se veut négocié [9]. Il s’agit d’une évolution progressive, qui transparaît déjà dans certains dispositifs adoptés au cours des années 1960, dont les préoccupations de prévention et de reconversion, à l’échelle sectorielle et sur un mode paritaire, n’étaient pas absentes. Jusqu’en 1986, année de suppression de l’autorisation administrative de licenciement, la dominante est cependant à l’encadrement administratif, resserré par la loi de 1975. Au cours de cette période, les lois Auroux de 1982 et la loi de prévention des difficultés des entreprises de 1984 renforcent les prérogatives des comités d’entreprise, en matière de consultation et de contrôle.
22L’allègement ultérieur de l’encadrement administratif a pour contrepartie d’exposer davantage le chef d’entreprise à l’opinion publique : c’est une incitation à la légitimation négociée. Les dispositifs législatifs alors adoptés (l’introduction du plan social dans le code du travail en 1989, l’obligation d’un plan de conversion comme obligation à respecter par les employeurs en 1992, la nullité de la procédure de licenciement en cas d’insuffisance du plan avec la loi Aubry de 1993) et la jurisprudence (la confirmation des obligations de reclassement) iront dans le sens du renforcement de ces incitations. Elles ne suffiront pas pourtant à impulser un franc engagement des partenaires sociaux en direction d’un contrôle social et négocié des restructurations. L’État va continuer à intervenir en dernier ressort, lorsque des accidents particulièrement brutaux solliciteront sa réaction. C’est aussi l’âge d’or des préretraites, comme mesure d’âge absorbant massivement les travailleurs évincés.
23L’expérience des plans sociaux s’est cependant avérée plutôt décevante. Ces plans se sont plus imposés comme outil d’organisation et d’accompagnement de licenciements préalablement préparés dans la discrétion que comme cadre et moment privilégiés de négociation sur une restructuration difficile. Leur articulation à une gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences sollicitant l’acteur syndical est restée faible. L’entreprise, sauf conscience particulière de sa responsabilité sociale, est à la recherche des modalités de reclassement et d’accompagnement éloignant rapidement les salariés licenciés de l’entreprise. Cette hâte à reporter la responsabilité de la trajectoire des licenciés sur eux-mêmes et la collectivité n’aide pas à la qualité moyenne des plans sociaux. C’est un argument en faveur de la disponibilité suffisante de recours judiciaires pour les représentants du personnel, en vue de garantir le bon respect des obligations et d’améliorer la qualité des plans. La contrepartie est l’insécurité juridique dénoncée à répétition par les employeurs, qui redoutent l’annulation du plan à la suite d’un constat de carence établi par l’administration du travail et incriminant la faute de procédure, la faiblesse du motif économique ou l’insuffisance des mesures de reclassement. Mais cette insécurité n’est que le symptôme de la dégénérescence procédurière du plan social, dont le formalisme contraignant n’a souvent guère d’impact sur l’issue de la restructuration [10].
24L’insatisfaction léguée par l’expérience des plans sociaux suggère que la trajectoire décrite par Dominique Balmary, en direction d’une légitimation négociée des plans sociaux, n’a pas débouché sur un point d’équilibre stable. La succession des derniers épisodes législatifs, sur une durée courte, en témoigne. La loi de modernisation sociale (LMS) adoptée en janvier 2002 est symptomatique d’une reprise en main, jugée hâtive, par l’État. Elle entend impulser le dialogue contractuel entre partenaires sociaux non pas sur le seul plan social (rebaptisé plan de sauvegarde de l’emploi) mais sur le motif économique de la restructuration. Elle renforce à cette fin les droits de consultation et d’opposition du comité d’entreprise, qui peut recourir à un médiateur. A la suite du changement de majorité gouvernementale, ces dispositions de la LMS sont mises en veilleuse par la loi Fillon de janvier 2003, laquelle mise sur l’ouverture d’une négociation interprofessionnelle pour adapter les dispositifs. Cette négociation échouera : les désaccords ont porté sur la définition du licenciement économique (le patronat souhaitait l’assouplir en direction d’une prise en compte élargie des exigences de compétitivité), sur son champ (l’inclusion ou non des ruptures de contrat par départ volontaire), sur les seuils (nombre de licenciements déclenchant la procédure de consultation du comité d’entreprise et le plan de sauvegarde de l’emploi), sur le déroulement et les délais de la procédure.
25Dans ces itérations difficiles, la recherche d’un règlement négocié des restructurations est restée présente, notamment au travers de la promotion des accords de méthode introduits par la loi Fillon. En dernier ressort, c’est pourtant la loi qui acte ce mode de légitimation, avec l’adoption de la loi Borloo, ou loi de cohésion sociale, en janvier 2005. Celle-ci introduit l’obligation de négociation triennale, dans les branches et dans les entreprises d’au moins 300 salariés, sur la gestion prévisionnelle de l’emploi ; elle pérennise les accords de méthode, sans qu’ils nécessitent désormais la signature des syndicats majoritaires ; elle ne modifie que peu la définition du licenciement économique et ne consacre finalement pas le motif de « sauvegarde de la compétitivité » reconnu par la jurisprudence ; elle fixe à 10 salariés ayant refusé la modification de leur contrat de travail le seuil de déclenchement de la procédure de licenciement collectif (le seuil s’appliquait auparavant aux propositions de modification du contrat) ; elle raccourcit significativement les délais de la procédure et rétablit la possible concomitance des livres IV (consultation du comité d’entreprise sur les motifs économiques) et III (procédure de licenciement économique) du code du travail ; elle maintient le principe de réintégration en cas de nullité du licenciement mais rend son application impraticable ; elle confirme l’obligation de contribution à la revitalisation des bassins d’emploi pour les entreprises de plus de 1 000 salariés. Dans la foulée de la loi qui en énonçait les principes, les partenaires sociaux ont négocié et majoritairement adopté les modalités d’application de la convention de reclassement personnalisé qui permettra au salarié licencié, dans les entreprises de moins de 1 000 salariés, de bénéficier d’un accompagnement individualisé en percevant 80 % de son salaire brut antérieur durant les trois premiers mois, puis 70 % les cinq mois suivants. Ce dispositif complète le congé de reclassement adopté en 2002 pour les entreprises d’au moins 1 000 salariés. Le contrat de travail est réputé rompu dès lors que le salarié accepte d’entrer dans le dispositif.
26L’équilibre des changements introduits début 2005 reste objet de débat. Le patronat apprécie la simplification et la sécurisation des procédures. Les syndicalistes s’inquiètent des intentions que recouvre leur accélération. Ils craignent que l’obligation de négociation triennale sur l’emploi reste formelle. Ils redoutent aussi que le recours aux accords de méthode limite les prérogatives du comité d’entreprise et favorise la diffusion de dispositions moins favorables que le code du travail. L’ensemble des partenaires sociaux (et des experts qu’ils mobilisent) sont attentifs à mobiliser les marges de meilleure anticipation et de négociation constructive que ces textes pourraient contribuer à dégager.
Des restructurations à la gestion de l’emploi et du travail : trois questions actuelles
27Quoi qu’il advienne pratiquement des dispositions récemment adoptées, trois questions, soulevées au cours du séminaire de l’IRES, gardent une forte actualité. Elles sont loin d’être définitivement résolues par les dernières dispositions législatives.
Le droit, obstacle ou incitation à la négociation ?
28L’obligation de consécutivité des Livres IV et III, introduite par la LMS de 2002 et abrogée par la loi de cohésion sociale de 2005, qui rétablit leur possible concomitance, n’est pas qu’une affaire de procédure. Elle touche à la mise en débat des motifs et du contenu économiques de l’opération de restructuration et des licenciements envisagés. La succession des deux phases, la première où le plan était discuté au sein de l’entreprise, la seconde, où les questions de licenciement et de reclassement étaient abordées dans un cadre juridique plus contraignant, posait la question de leur articulation. Il s’agissait de savoir si, à leur jonction, le juge était en capacité d’intervenir dans l’appréciation du bien-fondé des mesures du plan ayant des implications pour l’emploi. Les réponses des juristes présentent des nuances plus que sensibles entre elles [11], la jurisprudence accorde une attention prioritaire au respect de la liberté d’entreprendre comparativement au droit à l’emploi, et nombre d’économistes ont mis en avant un argument sûrement excellent : le juge est tout simplement moins compétent que le chef d’entreprise dans le domaine de la raison économique. Pour Dominique Balmary (2004 : p. 276), la messe est dite : « nous avons atteint la limite du possible dans le domaine du contrôle du motif économique », dit-il, sur la base d’une jurisprudence considérée comme parvenue à maturité. Il conseille de faire porter la négociation sur une gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences revitalisée : « Le Code du travail connaîtrait ainsi deux procédures distinctes : les règles de droit commun de gestion de l’emploi, les règles exceptionnelles de licenciement limitées aux cas non résolus par les voies normales » (p. 278). De fait, la loi de cohésion sociale de 2005 va en cette direction. Mais est-ce la voie la plus adéquate pour anticiper à temps des restructurations lourdes, qui vont au-delà des ajustements courants mais n’en sont pas indépendants, a fortiori si ces deux composantes de la dynamique de l’emploi deviennent moins aisément distinguables dans la vie des entreprises ?
29Que l’on accepte l’idée raisonnable que le juge n’a pas la compétence économique du chef d’entreprise ne signifie pas pour autant que les chefs d’entreprise aient, à eux seuls, toute la compétence requise. Dans les modèles qui sous-tendent les propositions des économistes en faveur d’une simplification juridique radicale des licenciements économiques, le chef d’entreprise monopolise la capacité d’anticipation de la trajectoire efficiente de l’entreprise. Il se soucie certes trop peu des externalités sociales, mais ce défaut peut être corrigé par une taxation adéquate des licenciements. Dès lors que cette taxation l’incite à prendre en compte le coût social de ses décisions, la liberté doit lui en être pleinement garantie et les contraintes juridiques réduites au minimum [12]. Dans la réalité des restructurations observables, cette asymétrie de la capacité d’anticipation n’est pas aussi évidente. Si l’intelligence de la situation n’est pas réservée à une seule composante de l’entreprise, il est souhaitable que le droit ouvre la possibilité de négociations suffisamment approfondies entre la direction et les syndicats, qui mettent à l’épreuve le bien-fondé de l’argumentaire patronal. Si un processus négocié permet de lever positivement l’incertitude économique, il serait dommage de s’en passer en s’en remettant à la seule taxation des licenciements, par laquelle l’entreprise se débarrasse de sa responsabilité en payant : c’est la rationalisation et la généralisation du chèque à la valise, qui n’est guère une pratique de bon augure pour la reconversion des territoires et la réinsertion professionnelle des salariés. Ce qui est en jeu n’est pas en l’occurrence l’ingérence du juge mais l’incitation juridique à négocier sur le contenu de l’opération de restructuration (Legrand, 2000).
30Si la taxation des licenciements n’est pas conçue comme un substitut à la négociation, sous prétexte d’économiser du temps parce que la partie patronale est censée disposer de la bonne solution, elle pourrait être reçue comme un dispositif de nature complémentaire et dissuasive, en dernier ressort : si l’entreprise échoue à construire un accord avec ses salariés, elle ne devrait pas échapper à la taxation des licenciements, suffisamment lourde pour qu’elle en ressente le coût social. Pour reprendre l’expression de Jacques Freyssinet, l’obligation de payer ne devrait pas dispenser de l’obligation de faire. Cette dernière relève d’une responsabilité négociée et vérifiée, exercée en amont, au cours et en aval de la restructuration, qui consiste à anticiper celle-ci avec les salariés, à explorer sérieusement les options alternatives, à préparer activement le reclassement des salariés et à œuvrer jusqu’au bout à sa qualité lorsqu’il devient nécessaire.
Quel partage des responsabilités de reclassement ?
31Les incitations sur les entreprises pour qu’elles remplissent leurs obligations à l’égard des salariés dont elles se séparent n’ont pas seulement pour objectif de gérer au mieux les conséquences sociales et individuelles des restructurations. Les contraintes que doivent assumer à cet égard les entreprises exercent des effets en amont sur la conduite des restructurations. Le motif économique de ces dernières restant difficile à contester sur le fond, la précision des exigences de reclassement a aussi pour objet d’inciter les directions à bien peser leurs choix initiaux.
32Cette nécessaire responsabilité sociale des entreprises ne doit cependant pas faire perdre de vue un trait persistant de la réalité des dernières décennies. L’histoire des dispositifs de reclassement montre que les dispositifs qui peuvent être crédités d’une certaine efficacité, au moins en termes de diffusion auprès des publics concernés, sont plutôt ceux qui mettent en avant la responsabilité du service public de l’emploi par rapport à celle des entreprises. Le congé de conversion instauré en 1985 maintenait le lien juridique du salarié avec l’entreprise et conférait un rôle direct à l’entreprise dans la conduite des actions de reclassement. Mais il est resté marginal, bien en deçà des attentes. Dans les années suivantes, le dispositif des conventions de conversion, mis en place en 1986, connaît une diffusion bien plus significative. Il s’adresse à l’ensemble des salariés soumis à licenciement économique. Le contrat de travail est rompu lorsque le salarié adhère au dispositif et l’entreprise est déchargée des obligations de gestion et d’aide au reclassement. La responsabilité financière repose prioritairement sur l’UNEDIC et la responsabilité technique sur l’ANPE et l’APEC. La convention de reclassement personnalisé instaurée début 2005 est dans la continuité de la convention de conversion, abandonnée en 2001 avec la mise en place du PARE. Le contrat intermédiaire envisagé par la mission Sabeg, qui a rendu son rapport au ministre du Travail début 2005, semble aller en direction d’un dispositif plus contraignant pour les employeurs et plus protecteur pour les salariés que la convention de reclassement personnalisé, mais le risque de double emploi avec celle-ci rend sa concrétisation incertaine.
33Compte tenu de cette expérience, le besoin d’un service public de l’emploi disposant de capacités d’anticipation, de coordination et d’évaluation suffisamment affirmées pour faire de l’accès à un dispositif performant de reclassement un droit effectif est largement reconnu. Frédéric Bruggeman et Carole Tuchszirer montrent, sur la base d’une analyse statistique des résultats des cellules de reclassement et d’une enquête de terrain sur certaines d’entre elles, que ces conditions sont aujourd’hui loin d’être satisfaites. Ce droit effectif au reclassement ne devrait pas attendre le basculement des salariés menacés dans le chômage pour développer une gestion active de leurs transitions professionnelles. Il ne devrait pas s’appliquer de manière disparate aux salariés d’une même entreprise en fonction de leur statut. Il suppose une mutualisation de ressources qui permette au service public de l’emploi d’en assurer le respect. L’objectif est de procurer aux salariés le temps et les ressources nécessaires à la reconstruction d’un projet professionnel. Ce besoin d’un temps de reconstruction n’a pas à être assimilé à la passivité : on ne change pas d’identité professionnelle comme de chemise. Il ne s’agit pas simplement de retrouver un emploi mais de viser un objectif de qualité de l’emploi au cours de la reconversion, afin de sécuriser le parcours professionnel à venir. L’incitation à la reconversion la plus rapide possible, afin d’afficher sur un horizon réduit un taux de reclassement statistiquement honorable, s’accompagne fréquemment de la négation des compétences accumulées par la personne et de la dévalorisation de ses exigences salariales. Il est peu probable que l’avenir productif des territoires concernés s’en trouve à terme consolidé, s’il n’est bâti que sur la généralisation de la baisse de ses prétentions salariales.
34Les consultants privés mobilisés dans les actions de reclassement apportent un savoir-faire utile, mais le marché du reclassement souffre d’abus. Ceux-ci ne favorisent évidemment pas la confiance des salariés dans l’issue du processus de reclassement. Ces salariés peuvent fort logiquement préférer une mesure passive, qui monétarise le préjudice subi et qui a au moins le mérite de la clarté. Les pratiques des cabinets de reclassement doivent être sérieusement encadrées par un service public de l’emploi qui soit en mesure de juger de leur conformité à des normes bien établies. Jean-Luc Verreaux, du cabinet BPI, a présenté la méthodologie d’accompagnement social développée par ce cabinet, lorsqu’il est mandaté par des entreprises afin d’œuvrer à l’appariement des offres d’emploi disponibles dans le bassin concerné et des demandes exprimées par les travailleurs à reclasser. Cette méthodologie s’efforce d’équilibrer la prospection précoce des offres sur le bassin d’emploi et l’aide à l’autonomie individuelle dans la recherche d’emploi. Le ratio qui rapporte les Offres Valables d’Emploi (OVE) aux reclassements à effectuer est le test évaluant l’efficacité de l’action du cabinet. Son interprétation est évidemment conditionnée par la notion d’emploi convenable associée à la définition de l’OVE. Au travers de l’appariement individualisé entre offreur et demandeur d’emploi, c’est le mode de gestion collectif des transitions professionnelles qui est en jeu.
35Le partage équilibré entre les responsabilités de l’entreprise, du service public de l’emploi, des experts, des syndicats et des salariés eux-mêmes dans la gestion des processus de reclassement n’est aujourd’hui pas trouvé. Au trend historique renforçant les obligations de l’entreprise, soucieuse de fidéliser sa main d’œuvre, s’oppose aujourd’hui le flou accru qui affecte le contour de la firme et l’éloignement de ses centres de décision par rapport aux unités productives. Cette inflexion incite à réfléchir sur de nouvelles modalités de socialisation des garanties d’emploi et de sécurisation des trajectoires professionnelles. Il est cependant difficile de considérer que les facteurs objectifs favorisant l’exit des entreprises à l’égard de leur responsabilité sociale doivent être simplement entérinés par une taxation des licenciements les libérant de cette responsabilité dès lors qu’elles consentent à cette taxation. Les restructurations et leur rationalité échapperaient alors complètement au champ de la négociation dans l’entreprise.
Les accords de méthode, pièges à …ou véritable innovation sociale ?
36Les accords de méthode, introduits par la loi Fillon de 2003 et pérennisés par la loi Borloo de 2005, suscitent des réactions contrastées. Leur caractère très minoritaire comparativement au nombre de plans sociaux annoncés n’empêche pas une diffusion significative.
37La Délégation Générale à l’Emploi et à la Formation Professionnelle du ministère du Travail en a effectué un bilan pour l’année 2004 (DGEFP, 2005). Fin 2004, 173 accords avaient été signés, qui témoignent, pour cet organisme, du « développement d’une négociation constructive sur les restructurations au niveau des entreprises, répondant au souci des acteurs de sécuriser les procédures et de faciliter le reclassement des salariés concernés ». La DGEFP remarque cependant dans la foulée, que mis à part certains accords de groupe, ces accords de méthode sont majoritairement des accords signés « à chaud » en liaison avec des restructurations devant être conduites à brève échéance : l’anticipation est encore difficilement au rendez-vous. Le contenu des accords de méthode dénote un souci d’adaptation de la procédure à la situation de l’entreprise et une sécurisation de cette procédure par l’encadrement précis du calendrier et, dans certains cas, par la renonciation à d’éventuels recours contentieux. La concomitance des livres IV et III est plus souvent prévue que leur succession. Les accords prévoient fréquemment la mise en place d’instances ad hoc de concertation ou de négociation, moins souvent le renforcement des moyens à la disposition des institutions représentatives du personnel. Ils fixent souvent aussi les modalités de négociation sur le plan de sauvegarde de l’emploi et sur la mise en œuvre de la procédure de reclassement. De nombreux accords incorporent des engagements de l’employeur à cet égard, ainsi que la définition des obligations des prestataires sollicités. Les accords privilégiant la logique indemnitaire sont minoritaires.
38Du côté des confédérations syndicales, la méfiance est sensible envers le dispositif des accords de méthode. La crainte qu’il s’agisse d’un outil de sécurisation unilatérale pour l’employeur, qui le dispense d’un dialogue social approfondi et qui facilite simplement la faisabilité des licenciements, s’exprime ouvertement. Mais l’outil existe et est désormais légitimé. Son usage ne sera pas neutre pour l’équilibre entre le rôle des syndicats, qu’il revalorise plutôt en les associant à la conduite contractuelle des restructurations, et celui des comités d’entreprise, qu’il relativise. Alain Schweitzer s’est livré, sur la base de l’expérience du groupe Alpha et bien avant l’adoption de la loi de cohésion sociale, à une analyse nuancée des limites des accords de méthode et des possibilités qu’ils ouvrent. Ces accords peuvent se réduire à une technique utilisée par les employeurs pour être maîtres du temps au cours du processus de restructuration et de licenciement. Les accords bas de gamme, qui se contentent de prénégocier les indemnités de licenciement avant l’engagement des procédures légales, existent. Mais il n’est pas exclu que les accords de méthode puissent favoriser une expression syndicale sur des options alternatives aux choix économiques avancés par la direction et un renforcement du cahier des charges confié aux cabinets-conseil en matière de réindustrialisation et de reclassement. Ils poussent syndicats et salariés à élever les exigences de leur rôle d’acteurs au cours des restructurations, en améliorant leur accès à l’information et leurs capacités d’analyse des problèmes. Ils peuvent constituer un moyen terme entre la « culture d’imposition » des employeurs et la « culture d’opposition » des syndicats. Cette analyse ne suscite pas l’unanimité des syndicalistes et des experts. Seule l’observation des pratiques permettra de savoir si les accords de méthode sont la voie privilégiée pour déroger à des dispositions légales ou conventionnelles protectrices pour les salariés ou s’ils ouvrent une voie pour que travailleurs et syndicats acquièrent une certaine influence sur les choix stratégiques.
L’échelon européen, relais de la banalisation ou levier d’action ?
39Dans les restructurations, la dimension européenne et internationale est le plus souvent présente, qu’il s’agisse des contraintes concurrentielles qui pèsent sur l’entreprise ou de la nature transnationale de cette dernière. Les restructurations sont un sujet de préoccupation croissant mais encore mal défini à l’échelle communautaire Cet intérêt n’est pas réductible au seul point de vue, aussi crucial soit-il, de la politique communautaire de la concurrence, qui dispose d’une doctrine et d’instruments bien établis. Les directives communautaires sur les licenciements collectifs (1975, révisée en 1998), sur les transferts d’entreprise (2001), sur les comités d’entreprise européens (1994), sur l’information-consultation des travailleurs (2002) contribuent à définir l’environnement juridique des restructurations. Elles ont une influence sensible sur les pays où l’encadrement des restructurations est limité, comme les nouveaux pays membres. Elles contribuent dans l’ensemble des pays à l’évolution jurisprudentielle. Elles favorisent donc la convergence des systèmes juridiques.
40Les implications de l’affaire Renault-Vilvorde, en 1997, ont conduit la Commission européenne à saisir les partenaires sociaux. Cette saisine, en 2002, a débouché sur un texte appelé « Orientations de référence » au statut incertain, que les auteurs patronaux (UNICE et Centre européen des entreprises publiques) et syndicaux (Confédération européenne des syndicats) traitent avec une certaine distance, même si les négociateurs nationaux sont amenés à le mobiliser (CEEP, CES, UNICE, 2003). C’est un texte très général et prudent qui, comme l’a souligné Claude-Emmanuel Triomphe, ne comporte aucun dispositif de mise en œuvre. Il s’efforce de promouvoir une vision positive des restructurations, comme passage obligé des transformations productives. Le point le plus important est sans doute l’affirmation partagée de la légitimité du niveau communautaire : « Les instances européennes existantes sont le niveau approprié lorsque le changement concerne la stratégie d’un groupe et a des implications pour des sites établis dans plusieurs pays de l’Union européenne ». La révision à venir de la directive sur les comités d’entreprise européens sera une échéance importante.
41Cette timidité des initiatives communautaires tient à plusieurs facteurs. La prédominance de la politique de la concurrence en est un, la diversité des cultures nationales en matière de gestion des restructurations en est un autre. Les deux se combinent : le droit communautaire de la concurrence s’est construit en s’imposant à des droits nationaux relevant de traditions hétérogènes, la gestion des restructurations est restée prioritairement d’ordre national. La liberté de gestion de l’employeur et sa compétence sur la décision de licenciement économique sont des traits communs aux différents pays, mais la pondération des priorités et des contraintes est variable d’un pays à l’autre. La France se caractérise par une attention singulière à l’encadrement juridique des licenciements et des reclassements. Mais elle est moins portée que l’Allemagne ou la Suède à la définition d’obligations d’information qui facilitent en amont l’anticipation commune et la négociation d’accords organisant une gestion partagée de la restructuration.
42Le 31 mars 2005, la Commission européenne a publié une communication sur les restructurations et l’emploi, intitulée « Anticiper et accompagner les restructurations pour développer l’emploi : le rôle de l’Union européenne » (Commission des communautés européennes, 2005). Elle dit d’emblée vouloir concilier « une conduite rapide de ces opérations [de restructuration] », afin de « préserver et développer la compétitivité », avec « la volonté de préserver l’employabilité des salariés et de faciliter leur transition vers un autre emploi de qualité équivalente ». C’est indiquer d’emblée le nœud de la contradiction, bien repérable dans le cas français. La suite du texte en appelle aux contributions des partenaires sociaux pour dégager des solutions. La communication rappelle les outils existants et réaffirme les objectifs de la stratégie de Lisbonne. Certaines inflexions plus nettes sont à noter : le texte traite sur pied d’égalité la politique industrielle et la politique de concurrence, tandis que le dialogue sectoriel est sollicité pour anticiper le changement structurel ; à propos de la politique de concurrence, la légitimité des représentants des travailleurs à être entendus, « en tant que tiers », dans les affaires de fusions et d’aides d’État est officiellement reconnue. Le texte conclut en indiquant que « des politiques qui se traduiraient par une baisse de l’employabilité des salariés pèseraient gravement sur la croissance potentielle et la cohésion sociale ». Ce peut être pris à la lettre pour jeter un regard critique sur la gestion courante des destructions d’emploi, voire sur certaines réformes nationales dont on peut douter sérieusement qu’elles constituent une parade au danger évoqué.
43Aussi bien à l’échelle communautaire que nationale, le retour en grâce de la politique industrielle, au moins dans les discours, est un élément nouveau de l’air du temps. Pris au sérieux, il pourrait amener à exercer sur les processus de restructuration une action publique qui ne s’en tienne pas à des incantations consensuelles mais qui sollicite pleinement l’apport inventif des acteurs économiques et sociaux.
Séminaire Restructurations IRES, 2003/2005 Communications
44Aggeri F., Pallez F. (CGS, École des Mines de Paris), « Restructurations, délocalisations : la place de l’action publique ».
45Aubert J-P. (Mission interministérielle aux mutations économiques, délégation interministérielle aux restructurations du ministère de la Défense), « Des restructurations aux mutations ».
46Balmary D. (conseiller d’État) (2004), « Le droit du licenciement économique : du contrôle à la négociation ? », (repris dans Droit social, n°3, 2004).
47Beaujolin-Bellet R. (Reims Management School), « Les décisions en matière de restructuration : une boite noire ? ».
48Bergère J-M. (Développement et emploi), « Actions locales interentreprises en zone d’emploi (ALIZE) : des entreprises s’impliquent localement et durablement dans le développement territorial ».
49Blanche F. (CGT, coordinatrice des syndicats Alstom pour l’Europe), « Le cas Alstom ».
50Boyer T. (université catholique de Louvain), « Les justifications des licenciements ».
51Bruggeman F. (consultant, Syndex) et Tuchszirer C. (IRES), « Privé/public : une analyse des cellules de reclassement par l’examen des jeux d’acteurs ».
52Bruggeman F. (consultant, Syndex), « L’’impossible accompagnement social des restructurations ? ».
53Campinos-Dubernet M. (CNRS, GIP-MIS), « L’accompagnement social anticipé des restructurations : réflexion à partir d’études de cas ».
54Coriat B. (université Paris 13, CEPN IIDE), « Finance et coordination inter-entreprises - réflexion sur les évolutions récentes au sein de l’organisation industrielle en France ».
55Courault B. (CNRS, Centre d’études de l’emploi), « Les restructurations au miroir de la mondialisation ; le cas de la filière textile habillement distribution ».
56Didry C., Zalio P-P. (IDHE-CNRS, ENS Cachan), « Les métamorphoses de la restructuration, socio-histoire d’une notion économique ».
57Freyssinet J. (université Paris 1, Centre d’études de l’emploi), « Trente ans de restructurations, permanences et mutations des stratégies des acteurs ».
58Gazier B. (université Paris 1), « Restructurations : gérer collectivement les transitions ».
59Gilly J-P. (université Toulouse 1, GRES-LEREPS), Leroux I., (université du Maine, GAINS), « Restructuration des firmes et dynamique des territoires : le cas du redéveloppement du site industriel gazier de Lacq en Aquitaine ».
60Ginsbourger F. (consultant, cabinet développement social et organisation, chercheur associé au CGS), « Anticipation des restructurations et cadres de la politique publique ».
61Gorgeu A., Mathieu R., (CNRS, Centre d’études de l’emploi), « Les restructurations industrielles : une fatalité du marché ? Le cas de la filière automobile en France ».
62Linhart D. (CNRS, Travail et mobilités, université Paris 10), « Perte d’emploi, perte de soi ».
63Mazade O. (université de Lille 1, Clersé-CNRS), « Le rôle du passé professionnel dans les logiques de reconversion : instrumentalisation et vécu des salariés - le cas des mineurs du Nord et de Metaleurop ».
64Raveyre M. (IRES, université Paris 10), « Restructurations d’entreprises, l’introuvable gestion du travail ? Pratiques managériales et conséquences pour les salariés ».
65Raveyre M. (b) (IRES, université Paris 10), « Grandes entreprises, restructurations et territoires : des missions de reconversions aux politiques appui au développement local ».
66Remy P. (université Paris I), « Les restructurations appréhendées par le droit du travail : réflexions à partir d’une comparaison des droits français et allemand ».
67Reynes B., Vicens C. (LIRHE - université de Toulouse 1), « Les restructurations en France : une nouvelle configuration dans l’espace européen ? ».
68Rorive B. (LENTIC, université de Liège), « Restructurations stratégiques et vulnérabilités au travail ».
69Schweitzer A. (Groupe Alpha), « Présentation de cas d’accords de méthode ».
70Triomphe C-E. (université européenne du travail), « Acteurs sociaux et acteurs publics en Europe face aux restructurations : diversité et convergences ».
71Uhalde M. (LISE, CNAM-CNRS Paris), « Modernisation des entreprises et crise des identités collectives au travail ».
72Verreaux J-L. (consultant, BPI), « Une méthodologie d’accompagnement social des restructurations ».
73Zimmermann J-B. (CNRS, GREQ Aix-Marseille, Institut d’économie publique), « Firmes et territoires : nomadisme et ancrage territorial ».
Bibliographie
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Notes
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[1]
Les références du texte distinguent entre les références bibliographiques usuelles et certaines communications au séminaire, qui n’ont pas donné lieu à article dans ce numéro de la revue. Ces communications sont simplement indiquées par le nom de leurs auteurs. Elles sont référencées dans l’annexe présentant les séances successives du séminaire.
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[2]
La MIME, mise en place à la suite du rapport de Claude Viet (2003), réalisé à la demande du gouvernement, anime l’action publique sur les restructurations en s’efforçant de diffuser une culture d’anticipation, par la détection et la prévention des risques, et en œuvrant à la rationalisation de l’intervention administrative.
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[3]
Cette argumentation a notamment été développée par Cahuc et Zylberberg (2004).
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[4]
Cf. la publication régulière de la DARES sur les mouvements trimestriels de main d’œuvre, dans Premières informations et premières synthèses.
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[5]
Le faux roman de François Bon, Daewoo (2004), vaut mieux à cet égard que bien des démonstrations.
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[6]
Voir les trois cas analysés dans Campinos-Dubernet, Louis et Redor (2002).
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[7]
Auquel cas les restructurations les plus intéressantes ne sont pas les moins conflictuelles, si le conflit force l’accouchement d’un véritable projet, associant une effective mutation industrielle et de véritables reconversions professionnelles. On lira avec intérêt à ce propos le reportage de la journaliste Isabelle Moreau sur le cas de GIAT, restructuration lourde dans le secteur difficile de l’armement et dans une entreprise à fortes traditions, où l’accord de méthode n’a pas dispensé du conflit (Moreau, 2005).
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[8]
Le regard sur d’autres réalités nationales suggère que cette banalisation relève d’une tendance suffisamment lourde pour prévaloir si le contexte s’y prête. Voir par exemple Lefresne (2005) à propos du cas pourtant emblématique de Rover en Grande-Bretagne.
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[9]
La communication de Dominique Balmary au séminaire a donné lieu à publication dans Droit social (2004). Le lecteur s’y reportera pour une analyse experte des évolutions juridiques.
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[10]
Ce diagnostic est tôt tracé par Desseigne (1997). Sur l’insécurité juridique, voir le dossier d’Entreprises et carrières (2004), intitulé « Plans sociaux, le bras de fer judiciaire ». Brunhes (2003) démonte le cercle vicieux entre surenchère procédurière et bâclage des plans sociaux.
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[11]
Voir les débats lors du séminaire organisé par l’Association Française de Droit du Travail (AFDT, 2003) sur le thème « Comment repenser le droit du licenciement économique ».
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[12]
Voir en particulier Blanchard et Tirole (2003), Cahuc (2003). Il faut ajouter aussitôt que cette subordination du droit ne fait pas consensus parmi les économistes : voir Eymard-Duvernay (2004) et Gautié (2004). Jérôme Gautié évoque les redistributions inefficaces entre entreprises inégalement vulnérables que risque d’introduire une taxation des licenciements sans mutualisation. François Eymard-Duvernay rappelle le caractère indispensable des normes juridiques pour une bonne coopération entre acteurs économiques.