Notes
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[1]
Le terme d'adaptation pourrait être défini de manière provisoire comme l'activité qui consiste pour les enseignants, à mettre à portée des élèves les contenus d'enseignement fixés par les programmes scolaires.
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[2]
C'est dans le cadre de notre participation au séminaire intitulé « La construction des contenus d'enseignement et de formation » organisé par Bertrand Daunay (MESHS-Lille, 2010-2012) que nous avons initié cette réflexion. Celle-ci a bénéficié des apports des participants du séminaire, membres en grande partie du CIREL, que je remercie particulièrement.
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[3]
Les enseignants sont dits « mobilisés » lorsqu'ils nous ont été désignés comme tels par leurs pairs (collègues, coordonnateurs de ZEP/REP, conseillers pédagogiques...) ou par un supérieur hiérarchique (inspecteur, chef d'établissement...). Les discours de ces enseignants ont été recueillis dans le cadre d'une recherche collective qui a fait l'objet du rapport suivant : Jellab Aziz, Monfroy Brigitte, Dias Ana, Carion Pierre, Mortier Liliane 2007, Travail enseignant et construction de postures professionnelles en milieu populaire : rapport aux savoirs, savoirs mobilisés et engagement, Rapport de recherche, IUFM, 184 pages.
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[4]
On trouvera en note 7 les références de ces travaux.
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[5]
Trente-deux entretiens semi-directifs avec des enseignants dits « mobilisés » exerçant leur métier dans un établissement à fort recrutement populaire du premier et du second degrés ont été réalisés. Leur objectif était double : à la fois d'approcher les systèmes explicatifs mis en avant pour expliquer cette mobilisation et d'autre part, de saisir les discours sur les pratiques pédagogiques impliquées dans cette mobilisation. Une des questions de relance de ces interviews était « qu'est-ce que s'adapter pour vous ? ». Ce sont les réponses apportées par les enseignants à cette question - témoins non de leurs pratiques, mais de leurs représentations de l'adaptation - qui serviront de support à notre exploration.
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[6]
Ces éléments d'analyse du discours d'enseignants dits « mobilisés » viennent corroborer les conclusions auxquelles parviennent d'autres travaux de recherche menés tant par des sociologues (Jellab, 2005 ; van Zanten et al., 2002) que par des didacticiens (Reuter dir., 2007).
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[7]
Il s'agit, entre autres, des travaux réalisés par Becker (1952) aux USA, Keddie (1971), Bersntein (1975) et Anyon (1980) en Grande-Bretagne et ceux en France de Dannepond (1979) ; Isambert-Jamati (1984 et 1990) ; Lahire (1993) ; van Zanten et al. (2002) ; Bonnery (2007) ; Bautier et Rayou (2009) ; Balluteau (2011) ; Rochex et Crinon (2011).
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[8]
Le format de l'article ne nous permet pas de faire un état des lieux exhaustif de l'ensemble des recherches citées supra. Nous convierons néanmoins ici celles qui nous paraissent les plus représentatives et les plus significatives de la variété et de la diversité des approches réalisées sur la question.
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[9]
La sociologie pragmatique de la critique (Boltanski, 2009) nous invite en effet a rejeter la position de surplomb qui fonde la sociologie critique sur une forte asymétrie entre un sociologue dote de clairvoyance et des agents plonges dans l'illusion Il s'agit des lors de tenir ensemble deux types de programmes, l'un surplombant et l'autre pragmatique, en étant particulièrement attentifs aux qualifications et aux épreuves que les agents sociaux mettent en œuvre pour confirmer la réalité sociale, ou au contraire la critiquer
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[10]
D'où la publication relativement récente de livrets dits « d'accompagnement des programmes » par le ministère visant à expliciter les savoirs de référence et/ou à présenter des exemples d'activités d'enseignement/apprentissage.
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[11]
On peut ajouter à ce propos, qu’« adapter » et « transformer » (ou « modifier ») sont très souvent co-occurents dans l'ouvrage de Tardif et Lessard montrant que ces auteurs ont éprouvé la nécessité d'associer plusieurs termes pour décrire ce processus complexe que d'autres désignent par le seul terme d'adaptation.
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[12]
Il reste à caractériser les autres modalités que prendrait la transposition didactique interne face aux élèves issus des catégories sociales plus favorisées.
1 Cet article à visée exploratoire, se propose d'interroger les usages d'une notion, celle d'adaptation [1], tant dans le discours des praticiens que dans celui des sociologues.
2 Le point de départ de notre questionnement [2] est le constat d'un paradoxe entre d'une part, le discours d'enseignants dits « mobilisés » travaillant en milieu populaire [3] et, d'autre part, les conclusions des travaux de recherche, menés par des sociologues, dont la finalité est d'identifier et de comprendre les processus de production des inégalités scolaires à partir de l'analyse des modalités concrètes que prend la transmission des connaissances en classe [4].
3 Dans le discours des enseignants, l'adaptation se présente en effet non seulement comme une expression connotée très positivement mais surtout comme un concept opératoire permettant de penser leurs pratiques d'enseignement, d'en revendiquer la pertinence, d'en mesurer l'efficacité auprès de leurs élèves et de motiver leur engagement professionnel. Or dans les travaux des sociologues évoqués plus haut, l'adaptation renvoie à un ensemble de logiques, de modalités et de pratiques pédagogiques qui prennent des formes similaires dans des contextes socio-scolaires variés et qui conduisent les enseignants à réduire sensiblement, face aux élèves issus des milieux populaires, les ambitions intellectuelles des activités d'apprentissage avec des effets fortement dommageables à la réussite scolaire de ces élèves.
4 Après avoir rapporté ce qui fait la singularité du discours des enseignants, nous dresserons le bilan des acquis des recherches en sociologie sur cette question de l'adaptation, bilan qui, à notre connaissance, n'a jamais été réalisé. Ainsi sera posée l'apparente contradiction que recouvre le terme d'adaptation. Pour en comprendre les implications et tenter de la dépasser, nous ferons l'hypothèse, en nous appuyant sur Tardif & Lessard (1999), que derrière les usages variés de ce terme réside une notion encore mal explorée et peu conceptualisée. Cette hypothèse nous conduira à formuler un certain nombre d'interrogations, relatives à la définition de cet objet situé au fondement même du métier d'enseignant.
L'adaptation dans le discours des enseignants
5 L'analyse du discours des enseignants dits « mobilisés » et travaillant en milieu populaire [5] montre que l'adaptation revêt toujours, pour ces derniers, une connotation positive voire très positive : savoir s'adapter se présente en effet comme une qualité supérieure ; c'est la marque de l'intelligence du pédagogue, de sa capacité à prendre en compte la spécificité du public qu'il a en face de lui en faisant preuve d'inventivité dans les réponses apportées aux problèmes rencontrés. Ainsi, Guy, professeur de mathématiques en collège, intervient pour du soutien dans une classe de 4e qu'il qualifie d'extrêmement difficile ; il déclare :
7 Pour faire du développement mathématique avec ses élèves, au lieu de « balancer des photocopies, faire de la remédiation toute simple sur ordinateur où ils auraient fait des exercices mécaniques », il organise des tournois :
Donc j'essaie d'inventer ça, c'était faire des mathématiques un peu plus ludiques tout en étant exigeant c'est-à-dire que, pendant une heure, ils avaient l'impression de s'amuser, mais ils faisaient des maths, c'est-à-dire que moi, mon objectif c'était qu'ils sachent développer à la fin des trois ou quatre séances.
9 L'adaptation est parfois décrite comme une tâche difficile dans la mesure où les enseignants se sentent livrés à eux-mêmes et à leurs propres ressources pour la réaliser. Ceci, a posteriori, constitue de surcroît son intérêt car elle crée un interstice où prend corps leur autonomie professionnelle. Cette autonomie se traduit par le déploiement d'une grande créativité pédagogique, elle-même source d'une forte satisfaction professionnelle. Diane, professeur de lettres en collège, souligne comme Guy la nécessité de l'adaptation. Face à des élèves en grande difficulté, elle délaisse les manuels scolaires et organise tout son enseignement à partir d'une trentaine d'albums de jeunesse qu'elle a « décortiqués » : « C'est ma petite innovation personnelle. »
10 Elle commente :
Bon moi ça m'a plu parce que d'abord ça m'a dégagée de tout le reste, les manuels qui s'adressent à tout le monde sauf aux élèves et puis du coup il n'était plus question de venir me dire comment faire, de toute façon personne n'avait envie de me le dire... Mais enfin bon c'était très simple, je partais de rien et je me débrouillais toute seule et j'inventais à ma façon et ça m'a beaucoup plu ça.
12 Les enseignants ont conscience que cette adaptation peut entraîner une simplification des contenus et un abaissement des exigences formelles. Cependant, cette transformation des contenus et des exigences scolaires n'est pas perçue négativement, au contraire, puisque elle est considérée à la fois comme un levier et le détour qui vont permettre aux élèves d'accéder aux savoirs scolaires tels qu'ils sont définis par les programmes. Sarah, professeur de lettres en collège, a ainsi pour règle :
Je ne complique pas volontairement les savoirs, ce que je veux dire par là c'est que je me suis rendue compte au fil des années quand j'enseignais au tout début de ma carrière, quand je donnais des cours de grammaire, j'avais vraiment l'impression de ne pas être comprise et j'avais souvent ce sentiment : ils me regardent là comme si je racontais des choses, pff ! Incompréhensibles ! Et puis petit à petit, j'ai adapté mon savoir en essayant le plus possible de faire de la grammaire de terrain, c'est-à-dire une grammaire Canada Dry, ça ressemble, c'est comme (rire), mais ce n'est pas vraiment ça.
14 Aussi, pour expliquer l'expansion nominale, elle se sert d'une comparaison avec le vinyle expansé dont elle amène des échantillons en classe :
J'avais ramené du papier peint, du fin et du gros, et puis les élèves me disent : « Ça c'est du gros ». Je dis : « Eh bien voilà, c'est ça une expansion, quand on fait une expansion on grossit les murs de sa maison donc ça va pour les expansions nominales. »
16 Plus globalement, l'adaptation semble intégrer de manière positive l'ensemble des réponses que les enseignants apportent à l'expérience qu'ils disent vivre au quotidien avec leurs élèves, la plupart d'origine populaire, à savoir celle d'une forte inadaptation des contenus d'enseignement définis par les programmes et des normes prescrites concernant l'enseignement de leur discipline. De fait, ce n'est pas tant le faible niveau scolaire des élèves qui est mis en avant dans les discours que la prise de conscience du caractère spécifique de la situation d'apprentissage et des savoirs scolaires pour ces élèves. On peut interpréter en ce sens l'utilisation récurrente par les enseignants de l'expression « faire passer » (des savoirs, des connaissances, le programme...) au lieu et à la place, semble-t-il, du verbe « transmettre » (des savoirs, des connaissances...). L'expression « faire passer » exprime la perception d'un rapport d'extériorité et d'étrangeté qu'entretiendraient les contenus scolaires avec les élèves et qui exigerait un travail de transformation, de mise en forme pour « les faire passer », au sens de les rendre digestibles et assimilables par ces derniers.
17 La relation qui se tisse entre les contenus scolaires et les élèves d'origine populaire est perçue par les enseignants essentiellement en terme de distance : distance socio-culturelle mais aussi distance socio-cognitive. Elle se manifeste dans les discours au travers des expressions comme « il faut amener le savoir au élèves », « il faut emmener les élèves avec nous ». C'est, semble-t-il, cette distance subjective entre les perceptions des contenus d'enseignement et celles relatives aux élèves qui conduit les enseignants à la nécessité d'adapter leur enseignement. Leur tâche consiste alors à « faire passer ces savoirs » et cette passation nécessite un travail spécifique de transformation ou de reconfiguration des contenus d'enseignement.
18 L'adaptation amène la plupart de ces professionnels à mettre en œuvre des conduites de détour (par le jeu ou par l'utilisation d'autres supports que le manuel par exemple), à travailler en projet et à organiser les activités d'apprentissage dans cette perspective. Le travail en projet est décrit comme une pratique qui permet de motiver les élèves mais aussi comme une manière d'enseigner plus stimulante parce qu'elle change la place, le rôle des enseignants et leur relation aux élèves. Il entraîne souvent une sorte de « conversion professionnelle » qui les conduit à prendre de la distance avec un modèle d'enseignement transmissif. Ainsi Thierry professeur de français et d'histoire-géographie en collège :
Moi je pense que l'aspect création, c'est une des choses que je ne voyais pas du tout au départ et c'est ce qui me motive, c'est quand il y a quelque chose à créer. La transmission que commande un savoir ne m'inspire pas trop. Ce que j'aime bien, c'est quand les choses vont amener à créer avec le groupe. Par exemple, un exemple concret, notre système de création de chansons.
20 Il définit ainsi son rôle :
Le prof il est le tuteur du projet mais il participe avec les élèves à l'élaboration de quelque chose de collectif. Simplement, c'est quelqu'un qui connaît les méthodes, qui va cadrer le travail. Moi, je vois, mon boulot, en tous cas, là où j'ai le plus de plaisir à travailler, c'est comme ça.
22 En définitive, l'adaptation semble incarner pour ces enseignants un savoir-faire professionnel qui a pour finalité, et qui permet, la réussite scolaire des élèves issus des milieux populaires. Ce savoir-faire consiste à transformer les contenus, les objectifs et les méthodes d'enseignement afin d'intéresser les élèves, de les mettre au travail et de les faire progresser. Accéder à ce savoir-faire s'accompagne généralement d'une modification de la perception du rôle et des finalités du métier et peut aboutir à une forte évolution de leur identité professionnelle [6].
Modalités et effets de l'adaptation : l'éclairage des sociologues
23 Un ensemble de recherches menées par des sociologues, s'étalent sur plusieurs dizaines d'années jusqu’à aujourd'hui dans des contextes scolaires et nationaux variés, et se sont intéressées aux modalités spécifiques que prend l'adaptation lorsque les enseignants sont confrontés à des élèves « faibles » et/ou d'origine populaire [7]. Ces travaux, qui ont principalement étudié les pratiques des professeurs de l'école primaire et du collège, là où les élèves sont censés bénéficier d'un curriculum indifférencié, apportent des éclairages précis sur les formes qu'emprunte l'adaptation. La richesse des acquis aujourd'hui disponibles sur cette question mérite que l'on en dresse un premier bilan.
24 Leurs conclusions principales peuvent être résumées de la manière suivante. Les enseignants manifesteraient une forte propension à adapter le niveau des connaissances qu'ils doivent transmettre aux caractéristiques sociales et aptitudes, réelles ou supposées, des élèves considérés comme faibles et/ou à ceux d'origine populaire. Cette adaptation se manifeste généralement comme une prise de distance par rapport aux prescriptions officielles (notamment aux objectifs et aux contenus définis dans les programmes scolaires). Elle se réalise par le bas, c'est-à-dire en réduisant l'ambition intellectuelle des objectifs et des activités d'enseignement, et revêt certaines modalités : une prédominance des tâches de socialisation et de gestion de classe sur les tâches d'enseignement ; une centration des activités d'apprentissage sur l'expérience immédiate et le quotidien des élèves au détriment d'activités permettant l'accès à la conceptualisation et à la formalisation des savoirs scolaires ; une baisse des exigences et des attentes en matière de comportements d'apprentissage et d'acquisitions cognitives. Au final, cette adaptation et les formes qu'elle prend permettent de rendre compte des processus qui concourent à la production des inégalités scolaires et plus particulièrement à la moindre réussite scolaire des élèves d'origine populaire.
25 Nous compléterons ce résumé en l'illustrant par quelques exemples [8]. Howard S. Becker dans sa thèse sur les institutrices de Chicago (1951) peut être considéré comme un précurseur. Selon lui, les enseignantes ont une image de l'élève « idéal » (assortie d'attentes spontanées qui définissent le comportement approprié de l'élève issu des milieux socialement favorisés) et classent leurs élèves selon la façon dont ils s'écartent de cet idéal. Ce sont les différences perçues entre l'élève idéal et leurs élèves, et notamment ceux d'origine populaire, qui amènent les institutrices à adapter leur comportement. Cette adaptation tend dès lors à rendre prépondérantes les tâches visant le contrôle de la classe et de la discipline au détriment des activités d'apprentissage (Deauviau & Terrail, 2007, p. 268).
26 Les travaux anglo-saxons de la sociologie du curriculum et plus spécifiquement de « la nouvelle sociologie de l'éducation » poursuivent dans cette voie. D'après la recherche de Nell Keddie (1971) qui s'inspire du travail de Becker, les enseignants adhèrent spontanément à l'idée d'une hiérarchie des aptitudes chez leurs élèves et de fait, ne peuvent échapper aux effets d'étiquetage que provoque la constitution de classes de niveau, définissant un profil-type de l'élève correspondant à chacune de ces classes. Ces représentations organisent les relations que les professeurs nouent avec leurs élèves mais aussi la façon dont ils traitent les programmes et les enseignent. Ainsi ils considèrent généralement les élèves faibles comme ayant besoin d'un enseignement plus concret, plus proche de leur expérience quotidienne alors que les élèves forts peuvent accéder directement à la conceptualisation (Forquin, 1989, p. 110 ; Keddie in Deauvieau & Terrail, 2007, p. 151-187).
27 En France, un certain nombre de travaux s'inscrivent dans les perspectives de cette sociologie du curriculum. Viviane Isambert-Jamati par exemple (1984) s'intéresse à l'enseignement des activités d'éveil au sein des écoles élémentaires. L'auteur constate une corrélation entre les finalités données à ces activités et la manière de les concevoir, avec la composition sociale du public de ces écoles. Dans les écoles recrutant un public socialement favorisé, les enseignants s'efforcent de développer les capacités opératoires des élèves et d'exercer leur développement logique. Dans les écoles situées dans les quartiers populaires, les enseignants privilégient plutôt l'information sur la réflexion et l'ouverture sur la vie afin d'enrichir une culture familiale estimée « pauvre ». Ils anticipent dès lors, au travers des choix des contenus et de leur mise en œuvre, les positions socioprofessionnelles futures de leurs élèves en fonction de l'image qu'ils ont de celles de leurs parents et cherchent, de fait, à les y préparer (Isambert-Jamati, 1984 : 135-140).
28 Balluteau (2011) s'attache à l'enseignement des mathématiques au collège et cherche à comprendre comment les caractéristiques sociales des publics scolaires influent selon les enseignants sur le curriculum en mathématiques. Il constate que dans les collèges dont le recrutement est à dominante favorisée, les professeurs accordent un statut élevé à l'enseignement des mathématiques ; le curriculum réel y est proche du curriculum formel. Ici règne une « logique des savoirs » (qui suit la prescription officielle et l'ordre des savoirs). Dans les établissements au recrutement à dominante « défavorisée », on observe en revanche une réinterprétation du programme en fonction des traits cognitifs perçus chez les élèves (renvoyant à ce qu'ils savent et à ce qu'ils pourront apprendre). Pour adapter l'enseignement des mathématiques aux élèves, les enseignants déclarent procéder à la simplification des savoirs. Il apparaît ainsi que plus les élèves sont « défavorisés » et plus la « logique des acquisitions » (conception des enseignements en fonction des caractéristiques cognitives perçues chez les élèves) devient prégnante au détriment de la « logique des savoirs ». L'impératif devient alors de recontextualiser le curriculum prescrit afin d'intéresser et de faire progresser les élèves et s'accompagne d'une réduction cognitive, d'un cadrage fort, d'une évaluation positive et d'une justification immédiate des mathématiques (p. 13).
29 Dans l'ouvrage Quand l'école se mobilise, Agnès van Zanten et al. (2002) analysent les évolutions qui affectent le rapport au métier et l'identité professionnelle des enseignants dans les établissements dits « difficiles ». Les auteurs décrivent des logiques d'adaptation contextuelle qui renvoient à la conception et à l'exercice du métier. L'adaptation engagerait de fortes réorganisations subjectives voire une véritable conversion par rapport à la définition initiale du métier. Elle implique tout d'abord un deuil des illusions professionnelles bâties sur l'image d'un élève idéal et se traduit par la réduction des attentes en termes d'acquisitions cognitives et leur remplacement par des attentes en termes de motivation. La participation des élèves en classe, leur implication dans les activités, deviennent dès lors les critères d'évaluation de l'efficacité professionnelle. Pour les encourager, les enseignants auraient tendance à surnoter leurs élèves ou à baisser le niveau des questions. Un travail de simplification des programmes accordant une place importante à l'oral et aux activités ludiques est également au cœur de ces pratiques d'adaptation (van Zanten et al., 2002, p. 182-192).
30 Rochex (2011) identifie auprès des maîtres de primaire des « modes de faire » différenciés selon les caractéristiques de leurs élèves. Ces professionnels ont le souci de prendre en compte les différences et les difficultés scolaires qu'ils perçoivent et de différencier en conséquence les tâches et les aides qu'ils apportent aux élèves. De tels modes d'adaptation ont cependant des effets contraires aux objectifs poursuivis dans la mesure où ils consistent plus à contourner l'obstacle cognitif qu’à l'affronter, en simplifiant notamment les tâches et les activités demandées aux élèves considérés comme faibles. Ces processus s'observent au sein des classes « ordinaires », c'est-à-dire en dehors de tout groupement différencié d'élèves et se réalisent, pour l'essentiel, à l'insu des enseignants. Par effet de cumul, ces « modes de faire » différenciés conduisent les élèves à fréquenter des univers de travail et de savoirs fortement dissemblables et inégalement productifs en termes d'activité intellectuelle et d'apprentissages potentiels (p. 178).
31 De ces recherches nous retiendrons les éléments suivants :
- Différents niveaux d'observation permettent d'appréhender l'adaptation des enseignants. Le premier est celui de l'établissement scolaire - ou d'un ensemble d'établissements - en fonction de caractéristiques sociales généralisée à l'ensemble des élèves qui y sont scolarisés (les écoles et collèges bénéficiant de la politique d'éducation prioritaire par exemple). Vient ensuite l'échelle de la classe dont les performances scolaires des élèves sont globalement perçues par les enseignants, qui plus est lorsque sont constituées des classes de niveau visant à séparer les élèves faibles des autres. Enfin, à un dernier niveau, au sein même de la classe, l'adaptation s'applique aux caractéristiques sociales et scolaires des élèves pris individuellement.
- Les pratiques adaptatives des enseignants s'inscrivent, selon ces niveaux d'observation, dans une gradation. Dans les classes ordinaires, elles semblent prendre la forme de modifications apportées aux activités d'enseignement/apprentissage face aux élèves en difficulté. Dans les classes « faibles », elles s'étendent aux finalités assignées à l'ensemble d'une discipline, aux modes d'enseignement et aux contenus enseignés. Enfin dans les établissements au recrutement populaire, elles vont jusqu’à entraîner une forte évolution de la conception du métier et de l'identité professionnelle des enseignants.
- Si, dans ces configurations différentes, les modalités que prennent les pratiques adaptatives des enseignants paraissent singulièrement identiques (baisse des exigences scolaires et des ambitions intellectuelles des activités d'apprentissage...), les explications que les auteurs avancent sont diverses. Ce sont surtout les représentations et l'idéologie de classe moyenne des enseignants qui sont mises en avant pour expliquer l'origine de ces pratiques. Toutefois, le rôle de plus en plus important d'une socialisation contextuelle par l'établissement est également invoqué (van Zanten et al., 2002), de même que le poids de certaines doxa pédagogiques (Rochex, 2011). On peut penser que dans ce faisceau d'explications, les unes et les autres se complètent sans s'exclure.
Vers la conceptualisation du terme d'adaptation
33 La contradiction apparente entre le discours des enseignants « mobilisés » faisant de l'adaptation une posture professionnelle revendiquée et constitutive d'un engagement professionnel et les travaux des sociologues, qui posent l'adaptation comme un processus impliquant une moindre réussite scolaire des élèves d'origine populaire, mérite examen. Nous ne pouvons nous reposer entièrement sur l'hypothèse d'un simple effet d'aveuglement de ces enseignants qui les rendraient inconscients des modalités « réelles » que prendrait l'adaptation, et de ses conséquences [9]. Pour comprendre cette contradiction et accorder du sens aux discours des enseignants « mobilisés », il semble dès lors nécessaire de prendre en compte un autre usage du terme d'adaptation et notamment l'acception qu'il revêt pour les sociologues qui s'inscrivent dans une autre perspective de recherche . celle de l'analyse du travail enseignant.
34 En effet, les sociologues qui se sont attachés à décrire et à étudier le métier d'enseignant et les différentes activités auquel il donne heu, utilisent le terme d'adaptation pour désigner le processus traversant le cœur même de l'activité enseignante, à savoir la construction et la mise en œuvre des activités d'enseignement (Tardif & Lessard, 1999). Les programmes scolaires constituent le cadre prescrit de l'enseignement ; ils définissent les objectifs à atteindre, les contenus à enseigner pour chaque niveau d'enseignement. Cependant, leur caractère formel, codifié et nécessairement général exclut toute possibilité d'être appliqués mécaniquement par les enseignants [10]. Pour les mettre en oeuvre, ceux-ci sont contraints de les adapter c'est-à-dire d'opérer une série de transformations permettant le passage de ce cadre formel d'orientation à une série d'actions pédagogiques concrètes régies par les contraintes de la situation scolaire. Parmi ces contraintes, se situent à un niveau général celles relatives aux aspects que prend la forme scolaire (par exemple le caractère collectif de l'enseignement), et à un niveau plus local, celles qui renvoient aux réalités concrètes de la classe, de l'école et aux caractéristiques scolaires et sociales des enseignants et des élèves (et à leur perception par l'enseignant).
35 Pour réaliser ce travail d'adaptation, les enseignants déploient une véritable activité d'appropriation, d'interprétation des programmes et de transformation [11] des contenus d'enseignement qui s'appuie non seulement sur leurs représentations des contraintes situationnelles de l'exercice quotidien du métier mais aussi sur leurs expériences antérieures, leur compréhension de la discipline enseignée, leur interprétation des besoins des élèves, des attentes de la hiérarchie et de celles des parents... (Tardif & Lessard, 1999, p. 252). Les enseignants doivent ainsi réaliser face aux programmes scolaires et pour préparer leurs cours, tout un travail d'interprétation et de sélection nécessitant une activité cognitive et intellectuelle importante (Maroy, 2006).
36 C'est dans cet interstice entre le caractère obligatoire des programmes scolaires et le mandat laissé aux enseignants quant à leur « application » que se situent, en tension, leur autonomie et leur responsabilité professionnelles. La conception et l'accomplissement des activités pédagogiques au sein de la classe impliquent donc des choix qui peuvent se révéler de véritables dilemmes professionnels (avancer dans le programme ou attendre que les élèves les plus faibles progressent, baisser les attentes ou maintenir les exigences...). Se concrétise aussi dans cet espace de liberté, une forme de bricolage et de créativité pédagogiques (Perrenoud, 1996).
37 Au vu de ces derniers éclairages, la notion d'adaptation semble revêtir dans les travaux des sociologues deux acceptions qui rendent ce terme équivoque. La première définit l'adaptation comme le moteur principal rendant possible l'activité enseignante qui consiste pour une grande part à transformer des savoirs à enseigner en savoirs enseignés. La seconde caractérise plus spécifiquement les effets que produiraient les représentations des enseignants concernant les élèves en difficulté et/ou d'origine populaire sur la conception des contenus et des pratiques d'enseignement.
38 L'analyse du discours des enseignants « mobilisés » nous amène à penser que loin d'être opposées, ces deux acceptions tendraient plutôt à constituer la dualité et plus encore les polarités d'un seul et même objet conceptuel, dont l'unité reste néanmoins à construire.
39 Nous nous proposons de définir cet objet conceptuel de la manière suivante : il serait l'activité singulière nécessaire à l'acte d'enseigner, qui se réalise à l'interface entre des savoirs disciplinaires socialement et scolairement organisés et des acteurs sociaux inscrits dans des rôles et contextes spécifiques (enseignants et élèves). Cette activité qui relève d'un processus complexe et inhérent à l'activité d'enseignement, se concrétise par des actes pédagogiques (posés par les enseignants) et d'appropriation (réalisés par les élèves). Elle se présente cependant aujourd'hui encore, nous semble-t-il, comme un impensé qui soulève un certain nombre de questions que nous n'évoquerons que partiellement ici dans la perspective, en conclusion, d'ouvrir le débat.
40 Deux questions principales et complémentaires doivent être d'abord formulées :
- Comment penser cette activité et ce travail de connexion, constitutifs de l'adaptation, entre des savoirs à enseigner socialement configurés et des acteurs socialement situés ?
- Quelle discipline de recherche est à même de circonscrire et d'approcher ce nouvel objet « adaptation » ?
42 En premier lieu, les modalités que prend l'adaptation et ses effets ne varient pas seulement en fonction des élèves et/ou des enseignants mais aussi en fonction des contenus à enseigner. En introduisant le pôle « savoirs » dans l'analyse, on contribue ainsi à approcher la complexité des processus en jeu en tentant notamment de mieux comprendre comment des contenus scolaires issus de disciplines singulières, comment des savoirs inscrits dans les configurations spécifiques que sont les programmes scolaires, imprègnent voire déterminent l'activité d'acteurs socialement et scolairement situés.
43 Si la sociologie est en mesure d'éclairer les variations liées aux caractéristiques socio-scolaires des acteurs, elle semble à l'inverse peu susceptible d'identifier le rôle des savoirs scolaires, de prendre en compte ce qui relève de la spécificité des contenus voire des disciplines d'enseignement et leur impact sur les pratiques - d'enseignement et d'apprentissage - des acteurs.
44 Ce constat nous amène à conclure à la nécessité d'une collaboration plus étroite entre sociologues et didacticiens afin d'approcher et de construire l'unité du concept d'adaptation.
45 Pour amorcer ce dialogue (Johsua & Lahire, 1999), on peut commencer par interroger les rapports qu'entretient la notion d'adaptation avec celle, formalisée par Yves Chevallard (1985/1991) dans le champ de la didactique des mathématiques, de transposition didactique. Le sociologue Michel Verret (1975) désigne ainsi la nécessaire transformation des savoirs inhérente à toute action ayant pour but la transmission de ces savoirs. Chevallard empruntera cette notion pour décrire le processus qui fait subir au savoir savant « un ensemble de transformations adaptatives qui vient le rendre apte à prendre place parmi les objets d'enseignement » (Chevallard, 1985/1991, p. 39). Dans ce continuum de la transposition didactique des savoirs - depuis l'état de savoirs savants jusqu’à celui de savoirs enseignés dans les classes -, on distinguera deux processus (Reuter, 2010, p. 226). Le premier relève de l'action de la noosphère et concerne la transformation des savoirs savants en savoirs à enseigner (ou en programmes scolaires), il s'agit de la transposition didactique externe - au système didactique -. Le second, la transposition didactique interne, touche à la transformation des programmes en contenus effectifs d'enseignement et renvoie à l'action conjointe, au sein de la classe, des enseignants et des élèves (Chevallard, 1985/1991, p. 37) Ce second processus, confronté au discours des enseignants « mobilisés » et à la définition de la notion d'adaptation présentés plus haut, nous indique l'existence d'une forte proximité sémantique entre la notion de transposition didactique interne et celle d'adaptation. Partant, ce rapprochement nous amène à proposer au débat les réflexions suivantes :
-
Chevallard à la suite de Verret décrit précisément, au travers
notamment de la mise en texte du savoir (ibid., p. 58), la nature des
transformations que subissent les savoirs savants pour devenir des savoirs à
enseigner (ce qui caractériserait le processus de la transposition didactique
externe). En revanche on dispose de moins d'éléments concernant :
- la nature des transformations que réalisent les enseignants pour passer des savoirs à enseigner aux savoirs effectivement enseignés, (ce qui relèverait du processus de la transposition didactique interne) ;
- les effets sur la transposition didactique interne qu'induisent les modalités de la transposition didactique externe et notamment les représentations et des modes de faire des acteurs au sein de la classe ;
- la nature forcément complexe des relations qui se jouent entre le processus de la transposition didactique externe et celui de la transposition interne souvent analysés séparément (alors qu'ils sont imbriqués) et appréhendés de manière descendante, depuis les savoirs savants vers les savoirs enseignés (alors que ces relations peuvent être aussi ascendantes).
-
On peut considérer que la notion d'adaptation vient éclairer les liens
et les articulations, au sein de la chaîne didactique, entre les processus de
transposition didactique externe et interne, en montrant :
- qu'une des modalités que prend pour les enseignants la transformation des savoirs à enseigner en savoirs enseignés (la transposition didactique interne) est, face à des élèves faibles et/ou d'origine populaire, la simplification de ces savoirs [12] ;
- que cette logique adaptative des enseignants face aux élèves faibles et/ou d'origine populaire est sans doute contrainte voire déterminée par les spécificités de la transposition didactique externe (et notamment par la mise en texte du savoir) ;
- que les enseignants « mobilisés » échappent probablement à ces contraintes parce que précisément dans le cadre de la transposition didactique interne ils questionnent, réinterrogent et se réapproprient tout ou partie du travail de transformation antérieure des savoirs, inhérent à la transposition didactique externe.
47 Au final, s'il ne semble pas certain que les deux processus de transposition externe et interne se rejoignent et coïncident, il est néanmoins évident que le point obscur où ils se rencontrent sous la forme de l'adaptation se situe dans la personne du maître : là réside le laboratoire dans lequel interfèrent sa propre perception des savoirs pertinents ; des programmes ; de la vulgate diffusée par les collègues, les inspecteurs, les manuels, attendue par les parents ; sa propre histoire d'apprenant à la fois des savoirs mais aussi de la manière de les transmettre ; sa représentation des élèves, de ce qu'ils savent et peuvent apprendre ; ce qu'il a déjà expérimenté avec d'autres classes, et la marge de liberté qu'il est en droit d'exercer... Tout ce qui concourt à façonner l'acte d'enseigner.
Bibliographie
Références bibliographiques
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Mots-clés éditeurs : Adaptation (des contenus d'enseignement), Conceptualisation, Enseignants « mobilisés », Inégalités scolaires, Transposition Didactique
Mise en ligne 01/01/2018
https://doi.org/10.3917/rdid.015.0091Notes
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[1]
Le terme d'adaptation pourrait être défini de manière provisoire comme l'activité qui consiste pour les enseignants, à mettre à portée des élèves les contenus d'enseignement fixés par les programmes scolaires.
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[2]
C'est dans le cadre de notre participation au séminaire intitulé « La construction des contenus d'enseignement et de formation » organisé par Bertrand Daunay (MESHS-Lille, 2010-2012) que nous avons initié cette réflexion. Celle-ci a bénéficié des apports des participants du séminaire, membres en grande partie du CIREL, que je remercie particulièrement.
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[3]
Les enseignants sont dits « mobilisés » lorsqu'ils nous ont été désignés comme tels par leurs pairs (collègues, coordonnateurs de ZEP/REP, conseillers pédagogiques...) ou par un supérieur hiérarchique (inspecteur, chef d'établissement...). Les discours de ces enseignants ont été recueillis dans le cadre d'une recherche collective qui a fait l'objet du rapport suivant : Jellab Aziz, Monfroy Brigitte, Dias Ana, Carion Pierre, Mortier Liliane 2007, Travail enseignant et construction de postures professionnelles en milieu populaire : rapport aux savoirs, savoirs mobilisés et engagement, Rapport de recherche, IUFM, 184 pages.
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[4]
On trouvera en note 7 les références de ces travaux.
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[5]
Trente-deux entretiens semi-directifs avec des enseignants dits « mobilisés » exerçant leur métier dans un établissement à fort recrutement populaire du premier et du second degrés ont été réalisés. Leur objectif était double : à la fois d'approcher les systèmes explicatifs mis en avant pour expliquer cette mobilisation et d'autre part, de saisir les discours sur les pratiques pédagogiques impliquées dans cette mobilisation. Une des questions de relance de ces interviews était « qu'est-ce que s'adapter pour vous ? ». Ce sont les réponses apportées par les enseignants à cette question - témoins non de leurs pratiques, mais de leurs représentations de l'adaptation - qui serviront de support à notre exploration.
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[6]
Ces éléments d'analyse du discours d'enseignants dits « mobilisés » viennent corroborer les conclusions auxquelles parviennent d'autres travaux de recherche menés tant par des sociologues (Jellab, 2005 ; van Zanten et al., 2002) que par des didacticiens (Reuter dir., 2007).
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[7]
Il s'agit, entre autres, des travaux réalisés par Becker (1952) aux USA, Keddie (1971), Bersntein (1975) et Anyon (1980) en Grande-Bretagne et ceux en France de Dannepond (1979) ; Isambert-Jamati (1984 et 1990) ; Lahire (1993) ; van Zanten et al. (2002) ; Bonnery (2007) ; Bautier et Rayou (2009) ; Balluteau (2011) ; Rochex et Crinon (2011).
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[8]
Le format de l'article ne nous permet pas de faire un état des lieux exhaustif de l'ensemble des recherches citées supra. Nous convierons néanmoins ici celles qui nous paraissent les plus représentatives et les plus significatives de la variété et de la diversité des approches réalisées sur la question.
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[9]
La sociologie pragmatique de la critique (Boltanski, 2009) nous invite en effet a rejeter la position de surplomb qui fonde la sociologie critique sur une forte asymétrie entre un sociologue dote de clairvoyance et des agents plonges dans l'illusion Il s'agit des lors de tenir ensemble deux types de programmes, l'un surplombant et l'autre pragmatique, en étant particulièrement attentifs aux qualifications et aux épreuves que les agents sociaux mettent en œuvre pour confirmer la réalité sociale, ou au contraire la critiquer
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[10]
D'où la publication relativement récente de livrets dits « d'accompagnement des programmes » par le ministère visant à expliciter les savoirs de référence et/ou à présenter des exemples d'activités d'enseignement/apprentissage.
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[11]
On peut ajouter à ce propos, qu’« adapter » et « transformer » (ou « modifier ») sont très souvent co-occurents dans l'ouvrage de Tardif et Lessard montrant que ces auteurs ont éprouvé la nécessité d'associer plusieurs termes pour décrire ce processus complexe que d'autres désignent par le seul terme d'adaptation.
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[12]
Il reste à caractériser les autres modalités que prendrait la transposition didactique interne face aux élèves issus des catégories sociales plus favorisées.