C’est un beau livre, écrit dans un style aussi clair et lumineux que dense, que nous offre Sophie Lefay. L’ouvrage s’intéresse à un objet littéraire insoupçonné et passionnant, celui des inscriptions, au fondement de la littérature comme trace d’un individu et empreinte d’une civilisation. L’inscription renvoie aux origines de la langue et de l’écriture et aux imaginaires qu’elles charrient. Des premières civilisations, il ne reste que des inscriptions, à mi-chemin entre la langue et l’image. Les inscriptions se retrouvent sur les monnaies, blasons, médailles et bijoux où sont gravés coûts, devises, dates, prénoms et serments. Elles disent la volonté d’un apprentissage ou d’un échange – spirituel, économique, personnel – et le désir de le perpétuer, donc de défier le temps. Scripta manent, verba volant, dit un proverbe antique, souvent cité et interprété à contresens, invitant à une grande prudence dans le choix des mots et des traces écrites. L’inscription est l’âme (le mot lui-même désigne l’ensemble des inscriptions sur un monument) de son support (qu’il soit de marbre, d’écorce, toile, bitume, anneau d’or ou chair), celle aussi de la littérature (qu’elle condense, réalise voire réifie) et de la vie (devise d’une communauté – nation, ville, assemblées – et leçons de la rue, principe d’existence ou destin d’un individu) faite corps écrit. S. Lefay nous fait réfléchir à ces mots gravés sur la pierre et dans nos cœurs, à la portée de ces phrases-guides et aide à penser les liens tissés entr…