Couverture de RDES_070

Article de revue

Merleau-Ponty à l'usage

Pages 1 à 3

Notes

  • [1]
    La plupart ont été prononcées lors de la journée d’étude, organisée par Nicolas Piqué et François-David Sebbah, qui s’est tenue dans le cadre du CIPh en janvier 2009 à la maison H. Heine de la Cité universitaire internationale.
  • [2]
    Dans le complément électronique de ce numéro, la retranscription de la prise de parole de Vincent Peillon témoigne d’un usage de Merleau-Ponty par où la philosophie se confronte à l’actuel, ne se distingue en un sens pas de la politique avec laquelle elle n’a donc pas à se réconcilier. En ligne sur : http://www.ciph.org/publications.php?idRue=70

1L’œuvre de Merleau-Ponty fait l’objet, depuis quelques années, d’études scientifiques et philologiques de haute tenue – témoignages de ce qu’elle s’est imposée comme l’une des philosophies majeures du XXe siècle. À l’occasion de l’anniversaire du centenaire de la naissance de M. Merleau-Ponty, il nous a semblé qu’il importait aussi de scruter les usages contemporains qui sont faits de cette œuvre. Les études qui suivent ne prétendent donc pas étudier les textes de manière interne; pas plus dégager des généalogies dont M. Merleau-Ponty serait le terme, ou faire la carte des influences et des écoles au sein desquelles émergerait progressivement la spécificité de son œuvre. Il ne s’agit pas non plus de scruter les textes de Merleau-Ponty pour répondre aux questions que la tradition interprétative a progressivement ordonnées. Des lectures de ce type ont bien sûr toutes leur intérêt et s’épanouissent tout particulièrement en cette période anniversaire.

2Nous avons, dans ce volume, fait le choix alternatif de partir de la notion d’usage. Les textes qui laissent une trace, ceux que l’on a envie de lire ne sont-ils pas ceux qui supportent, suscitent même, un écart, l’écart consistant à user des concepts dans un champ nouveau? Dans cette perspective, le lecteur n’est plus seulement celui qui est autorisé à faire une lecture orthodoxe, il est celui qui s’autorise un usage requis par l’urgence de penser. Les textes philosophiques ne sont pas seulement les chaînes d’une tradition, se répondant les uns aux autres, modifiant ou infléchissant des questionnements pérennes. Ils représentent également (surtout?) ce grâce à quoi nous pouvons essayer de comprendre et déchiffrer le monde. Ils constituent des réservoirs de schèmes de pensée dont on espère qu’ils permettront de donner du sens à des pratiques ou à des institutions dont nous serions, sinon, condamnées à décrire le fonctionnement. L’œuvre de M. Merleau-Ponty, peut-être plus qu’une autre, se prête à cette lecture active, à cette pratique de l’écart. Les raisons en tiennent sans doute à son style en philosophie –et particulièrement à la manière qu’il avait lui-même de lire les philosophes– identifiant une percée qui est déjà une limite, mais une limite productive en ceci qu’elle indique implicitement en quelle direction percer au-delà d’elle-même, qu’elle invite déjà à la reprise ailleurs ou autrement. Mais il arrive que l’infidélité se fasse plus violente voire injuste, ne justifiant déplacements, reprises ou emprunts, qu’à ce qu’ils permettent de penser ou d’éclairer de manière inédite : des usages assumant de dépecer ou d’instrumentaliser ce à quoi ils se doivent pourtant en un sens tout entier. De ce point de vue aussi, l’inchoativité non-sytématique, le nouage de gestes se faisant, qui caractérisent l’œuvre de Merleau-Ponty, livrent cette dernière – plus que d’autres sans doute – à ces usages aussi violents que productifs.

3Le panel de contributions ici rassemblées [1] ne prétend en rien épuiser de manière exhaustive et ordonnée les usages de Merleau-Ponty, mais voudrait témoigner de la diversité d’usages hétérogènes entre eux et allant «d’une infidèle fidélité» –encore toute merleau-pontienne dans la forme de son geste– à des usages plus instrumentalisants qui en passent pour certains par des «transpositions» voire des «exportations» en des champs non traversés par Merleau-Ponty lui-même. On pourra voir comment un programme d’explication scientifique se nourrit d’une telle pensée pour sa fin propre, inversant, tout en en conservant la forme, la relation que Merleau-Ponty établissait lui-même entre registre scientifique et philosophie en sa propre pratique; comment la mise en contact entre une querelle interne à la philosophie anglo-saxonne dite analytique et la phénoménologie de la perception merleau-pontienne peut permettre à chaque protagoniste de mieux se comprendre, permettre aussi peut-être de percer au-delà des limites tant de l’un que de l’autre. On lira comment des philosophies nouvelles s’inventent en identifiant précisément des limites propres à l’œuvre de Merleau-Ponty –assumant explicitement dans certains cas un devenir métaphysique. On verra combien le motif de l’«histoire sauvage » éclaire et est éclairé par des positivités propre au métier d’historien lui-même saisi en son historicité [2].

Notes

  • [1]
    La plupart ont été prononcées lors de la journée d’étude, organisée par Nicolas Piqué et François-David Sebbah, qui s’est tenue dans le cadre du CIPh en janvier 2009 à la maison H. Heine de la Cité universitaire internationale.
  • [2]
    Dans le complément électronique de ce numéro, la retranscription de la prise de parole de Vincent Peillon témoigne d’un usage de Merleau-Ponty par où la philosophie se confronte à l’actuel, ne se distingue en un sens pas de la politique avec laquelle elle n’a donc pas à se réconcilier. En ligne sur : http://www.ciph.org/publications.php?idRue=70
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