1 – Introduction
1Selon le BIT (2013, p. 3), le secteur informel « demeure une source majeure, voire la source principale d’emplois dans de nombreux pays, où ce secteur se compose de travailleurs indépendants ou de petites entreprises, sans structure formelle ni organisation du capital, et d’emplois occasionnels ». L’importance de ce secteur peut toutefois nuire à la vitalité économique d’un pays et à la richesse des individus. Pour les experts de la Banque Mondiale qui ont lancé les Stratégies de réduction de la pauvreté dans les années 2000, le secteur informel est un obstacle à une allocation efficiente des facteurs de production (Treillet, 2013). Dans le même sens, La Porta et Shleifer (2014) observent une relation négative entre l’importance de l’informel dans une région et le niveau de revenu des personnes. Ils invitent les États à déployer des actions afin de réduire la part du secteur informel dans l’ensemble de leur économie, car celui-ci prive les salariés de protection sociale, freine la croissance économique et réduit les recettes fiscales. Les États ne peuvent alors pas disposer des fonds nécessaires pour répondre aux énormes défis de développement économique et social.
2Toutefois, en dépit des stratégies de politiques publiques mises en œuvre jusqu’à aujourd’hui, la taille du secteur informel continue d’augmenter. Dans le cas particulier de l’Afrique, l’essor de ces unités de production informelle est lié, d’une part, aux différentes crises économiques qu’a connu les pays avec pour corollaire la baisse des investissements publics (Dirat, 2002), l’accroissement du taux de chômage du fait d’une part des faillites et des compressions d’effectifs des entreprises, au faible emploi des diplômés et de la reconversion d’un grand nombre d’employés licenciés dans les activités avec peu de barrières à l’entrée. Et, d’autre part, à l’informalisation de l’économie formelle avec notamment les entreprises qui migrent du formel vers l’informel ou des entreprises formelles, qui appliquent des pratiques informelles (BIT, 2014).
3Williams et Nadin (2010), à partir d’enquêtes sur trois pays (Angleterre, Russie et Ukraine), montrent que, dans leur majorité, les entrepreneurs informels sont issus du formel (emploi salarié ou indépendant) et non de populations marginalisées exclues du marché du travail formel. Ainsi, l’informalisation des activités préalablement formelles touche les économies de plusieurs pays. Au point où Boudreau, Lesemann et Martin (2016) posent la problématique du passage de l’informalité à l’informalisation. Mais, bien que la littérature n’ait pas jusqu’ici fait large écho de ce phénomène, il a toutefois déjà été exploré dans quelques travaux.
4Ainsi, Demenet (2014) et Marfaing et Sow (1999) relèvent que la transition du formel à l’informel se réalise par l’abandon des déclarations fiscales et sociales, et de la dénomination officielle, le passage d’une structure stable et visible à une structure moins visible.
5Roubaud (1994) révèle, quant à lui, l’existence des activités informelles d’apparence formelles. C’est à dire des activités dûment enregistrées, mais qui, à un moment ou à un autre de leur existence, pratiquent la fraude fiscale et/ou le détournement de la législation du travail pour accroitre les taux de marge. Menguelti, Perret et Abrika (2014) font aussi référence à cette catégorie d’entreprise, hybrides entre l’entreprise formelle déclarée et dont les pratiques sont totalement informelles. Ils soutiennent l’existence d’un continuum de situations intermédiaires entre le formel total et l’informel total. Les entreprises opèrent quelque part au milieu des deux extrêmes (formel et informel). Pour Benjamin et Mbaye (2012), il s’agit des entreprises évoluant dans une forme de « zone grise ».
6Droh (2013), pour sa part, révèle l’utilisation des réseaux informels par les entreprises formelles. En effet, il soutient que les activités de plus en plus visibles qui s’exercent dans les grands carrefours, trottoirs et voies de circulation routière, constituent une stratégie utilisée par certaines entreprises formelles pour échapper au fisc. Celles-ci utilisent les réseaux informels de vente de leurs marchandises afin de se mettre à l’abri de toute imposition étatique. Dans la même optique, il a été constaté l’existence d’entreprises formelles qui sous-traitent avec les entreprises du secteur informel afin de minimiser les risques liés à certaines de leurs activités.
7Ces auteurs ont particulièrement insisté sur les modalités d’informalisation du formel. Toutefois, les raisons de cette migration et du choix de ces pratiques restent non explorées. Or, une meilleure compréhension des facteurs, qui motivent le choix de la trajectoire d’informalisation des entreprises, est essentielle pour développer des solutions politiques efficaces de soutien de la formalisation. C’est la raison pour laquelle nous consacrons cette recherche exploratoire, à la compréhension des déterminants motivationnels et des logiques de l’informalisation des activités formelles. Spécifiquement, il sera question dans cette recherche de répondre aux questions : quelles sont les motivations des entrepreneurs qui informalisent leurs activités ? S’agit-il d’un passage à l’illégalité ?
8Pour conduire ce travail, nous proposons tout d’abord les éléments de compréhension théorique des motivations et des logiques d’informalisation du formel. Dans un second temps, nous exposons la méthodologie de l’étude. À partir de là, dans un troisième temps, il est question de présenter l’analyse des résultats. Au final, dans le quatrième temps, nous mettons à l’épreuve les cas retenus sous l’éclairage de note grille de lecture afin d’alimenter notre discussion générale, et proposons des avenues de recherche pour poursuivre ce travail.
2 – Ancrage théorique de la recherche
9L’examen de la littérature, tant au plan théorique qu’empirique, portant sur l’informalisation nous a permis de déceler les éléments fondateurs qui peuvent éclairer sur les motivations, les modalités et les logiques associées à ce phénomène. Mamine (2014) relève deux grands ensembles de facteurs explicatifs du comportement des acteurs : les facteurs exogènes (liés notamment à l’environnement institutionnel) et les facteurs endogènes (recherche d’efficience économique en termes de coûts de production et de transaction).
2.1 – Les facteurs exogènes de l’informalisation
10Moldano, Badiane et Mielot (2004) identifient comme facteurs exogènes à l’informalisation, l’environnement économique et institutionnel. En effet, les règles auxquelles les acteurs choisissent de se plier ou non sont fixées par l’extérieur (Gaillot, 2016), par les institutions (North, 1990). C’est aussi ces institutions qui jouent le rôle d’entrepreneur de moral appelé à étiqueter (Becker, 1985) les activités de formelles ou d’informelles. Mamine (2014) révèle, dans ce sens, la pertinence d’appréhender les notions de formel et d’informel par les pratiques plus ou moins respectueuses des normes et des règles publiques. Ainsi, un axe important d’étude de l’informalité s’est concentré sur les systèmes et arrangements institutionnels. Cette perspective conclut donc que c’est l’action des institutions qui stimulent les processus d’informalisation. En effet, selon Boudreau et al. (2016), les compagnies saisissent des opportunités dans les vides et tolérances institutionnels ou l’excès de réglementation pour développer les activités informelles. Généralement, la théorie économique distingue deux sources institutionnelles pour expliquer le choix de l’informalisation : soit les excès institutionnels (De Soto, 1994) soit le défaut de la normalisation étatique (Lautier et al., 1991).
2.1.1 – Excès institutionnels
11La littérature indique que face à un excès de réglementations (Treillet, 2013) étatiques les petits acteurs économiques sont obligés de jouer en dehors des règles (Hernando de Soto, 1989), tandis que les grands ont les moyens soit de les contourner, soit de négocier des arrangements formels, soit de se délocaliser. Cette perspective est surtout défendue par le courant néolibéral ou légaliste dont le pionnier est De Soto. Du point de vue néolibéral, le niveau de l’emploi informel résulte de taxes élevées, de la corruption des agents de l’État et d’une trop grande ingérence dans le marché libre, ce qui conduit les entrepreneurs à prendre une décision économique rationnelle pour sortir volontairement de l’économie formelle et échapper un temps aux coûts et aux efforts déployés dans l’économie formelle (Becker, 2004 ; De Soto, 1989, 2001 ; London et Hart, 2004 ; Nwabuzor, 2005).
12Comme l’affirme Nwabuzor (2005, p. 126), « l’informalité est une réponse à des contrôles encombrants et une tentative de les contourner », ou comme le dit Becker (2004, p. 10), « les accords de travail informels constituent une réponse rationnelle des micro-entrepreneurs à l’excès de réglementation par les bureaucraties gouvernementales ». Aussi, certains n’ont pas hésité à considérer les entrepreneurs informels comme des héros, des résistants qui choisissent de défier volontairement la bureaucratie étatique et d’opérer dans l’économie informelle afin de rejeter les contraintes réglementaires imposées par l’État (Sauvy, 1984 ; De Soto, 1989). Ainsi, certains défenseurs de cette perspective ont associé cette logique aux travaux sur la « tax moral » (ou « civisme fiscal ») qui fait référence à la perception du niveau d’honnêteté et d’équité du régime fiscal ainsi qu’à l’utilisation judicieuse des produits de l’impôt par l’État (Mbaye, 2014 : 4).
13Selon cette logique, Menguelti et al. (2014) font remarquer que les pays d’Amérique Latine et d’Afrique de l’Ouest dans lesquels les contribuables sont confiants en la bonne gestion des fonds publics, ont des niveaux de recouvrement plus élevés que les autres et donc un niveau de pratiques informelles faibles. Ils observent que les pays où le niveau de satisfaction, quant à la gestion des ressources publiques, est le plus faible, sont également ceux qui connaissent le niveau d’évasion fiscale (pratique informelle) le plus élevé. Les auteurs évoquent également pour le cas de l’Algérie le manque de confiance dans les institutions (en grande partie du fait de la perception de la corruption) et l’incapacité à assurer jusqu’à la sécurité physique (Menguelti et al., 2014). L’informalisation dans cette logique est une logique volontaire, mais de nécessité justifiée par certaines injustices, procédures et pratiques.
2.1.2 – Défaillances institutionnelles
14Une autre perspective néo-institutionnelle soutient que l’informalité économique découle plutôt de l’absence d’action étatique dans l’économie en raison de déficits institutionnels se situant principalement au niveau des capacités de l’État à réglementer les activités économiques sur son territoire. Ce courant soutient alors que l’étendue et la portée de ce secteur varient au fil du temps et de l’espace, selon, d’une part, les conditions macroéconomiques – les crises économiques ayant tendance à accroitre la disponibilité de travailleurs dans le secteur - et selon, d’une autre, la capacité régulatrice de l’État (regulatory reach of the state) c’est-à-dire la mesure dans laquelle les cadres institutionnels à travers lesquels l’État intervient sont capables de réguler l’activité économique.
15En s’appuyant sur les travaux de Jessop (1990 ; 1999) sur la « sélectivité stratégique de l’État » (strategic selectivity of the state), Theodore (2016) soutient que l’effritement des régulations étatiques dans des secteurs de l’économie est le reflet de choix des politiques publiques. Dans ce sens, l’intervention ou non des institutions publiques favorise selon le cas, certaines pratiques formelles ou informelles. Ainsi, « la relation entre la puissance de l’État et l’informalité » est affectée par « a) l’intention réglementaire (regulatory intent) de l’État, et b) la structure sociale et la culture de la population qui est concernée » (Centeno et Portes, 2006, pp. 27-28).
2.2 – Les facteurs endogènes
16Les facteurs endogènes d’informalisation sont associés à l’entrepreneur lui-même (Rauch, 1991 ; Savere, 2010) ou à la nature des activités et à leur mode de fonctionnement (Moldano et al., 2004).
2.2.1 – Calcul stratégique de l’entrepreneur
17Ce courant s’appuie sur l’argument selon lequel tous les acteurs concernés ne s’inscrivent pas nécessairement dans des stratégies de survie ; la rentabilité de leurs activités peut en effet être forte (Baby-Collin, p. 9). Ainsi, l’informalisation est également, parfois, un choix volontaire opportuniste et calculé. Cet axe peut trouver une explication à partir de la théorie du « retrait volontaire » d’Hirschmann (1970, 1981). Bien que le sujet soit jusqu’ici peu documenté dans la littérature, les rares études qui se soient intéressées à expliquer ce problème, ont surtout insisté sur le calcul économique coût/avantage des entrepreneurs.
18Selon les auteurs comme Perry et al. (2007) qui ont revisité l’informel à partir de cette théorie, dans le cadre d’une étude de la Banque Mondiale, cette dernière stratégie peut expliquer la mobilité et les choix d’activité (formel, informel, pluri-activité).
19Selon Hirschman (1970, 1981) dans l’ouvrage Exit-Voice-Loyalty (1970), les entrepreneurs auraient le choix entre trois stratégies : Loyalty (la loyauté), le respect et reconnaissance des institutions, la prise de parole (formalisation) ; Voice, la négociation individus/institutions en vue d’améliorer les actions et pratiques de ces dernières (informalisation partielle, ajout d’activité informelle à une activité formelle) ; et Exit (le retrait volontaire, la sortie), à la fois moyen d’échapper, mais aussi de se protéger des règles et pratiques des institutions (informalisation des entreprises formelles). Cette approche implique un questionnement non plus sur l’excès de réglementation, mais davantage sur la qualité des services de l’État, sa capacité à faire respecter des normes. Ainsi, Campos et Mahieu (2006) formulent l’hypothèse selon laquelle l’informalité s’explique par « le vide institutionnel » qui signifie que l’État a perdu son pouvoir politique ou que certains segments de la société ont pu se l’approprier pour défendre leurs intérêts. Ils soutiennent que ce vide institutionnel peut être mesuré par les « indicateurs de contrôle de l’État » du modèle de Johnson, Kaufmann et Shleifer (1997) et parmi lesquels on a : « l’équité fiscale », « la criminalité et la corruption » et « la réglementation » (p. 189), ainsi que des « indicateurs du système juridique » qui comprennent « l’État de droit », « l’efficacité du système juridique » et « l’étendue du domaine d’application de la loi » (p. 193).
20Johnson, McMillan et Woodruff (1999), quant à eux, retiennent quatre hypothèses pour apprécier le « vide institutionnel » :
- une fiscalité trop lourde et des réglementations coûteuses ;
- un comportement prédateur (corruption bureaucratique) ;
- l’extorsion par des bandes criminelles, et
- l’inadéquation de l’environnement institutionnel (l’accent étant mis sur le respect des contrats).
2.2.2 – Volonté de reconversion après la défaillance des entreprises formelles
21La définition de la défaillance d’entreprise est fonction des différentes disciplines qui s’y intéressent : sciences juridiques, économiques et de gestion. Cependant, dans cette recherche nous laissons volontairement de côté la perspective juridique (une entreprise est défaillante du moment qu’elle se soumet à une procédure de défaillance judiciaire) et nous nous concentrons plutôt aux perspectives économiques et financières. Kherrazi et Ahsina (2016) indiquent qu’au sens économique, la défaillance peut par exemple se caractériser par l’état d’une dégradation de la situation de l’entreprise en termes de valeur ajoutée négative, en matière de performance ou encore en matière de positionnement face à l’environnement économique. Ils ajoutent qu’au sens financier, la notion de défaillance est souvent assimilée à un état de détresse financière, c’est-à-dire l’incapacité d’une entreprise débitrice à honorer ses engagements, lorsqu’elle n’arrive pas, par le biais de son actif, à honorer son passif.
22Ainsi, certaines entreprises informalisent leurs activités parce qu’elles ne s’en sortent pas ou plus dans l’informel. Selon cette logique, les entreprises « marginales », caractérisées par des volumes de marchandises vendues ne permettant pas de couvrir la totalité des coûts fixes ni les coûts variables, vont disparaître (Malécot, 1991). Une autre explication souvent rattachée à cette acception de l’informalisation est associée au concept schumpetérien de destruction créatrice. Celui-ci considère l’informalisation à la faillite et le décrit comme un processus de sélection par le marché et la sanction de mauvais choix productifs de la part des entreprises. Dans ce sens, l’informalisation est le recourt des entreprises défaillantes c’est-à-dire qui sont l’un des cas de figure suivante : baisse de la demande et difficultés d’accès aux débouchés, problème de management, mauvais choix stratégiques et erreurs de gestion, compétence et formation de l’équipe, obsolescence de l’outil de production, sous-capitalisation, fraudes …. et qui ont comme conséquence : la réduction de l’activité, la diminution de la rentabilité, les problèmes de trésorerie, les déséquilibres financiers (Jabeur et Fahmi, 2000).
23Au plan empirique, Bellacle (2010) indique que durant la crise économique qui a frappé la plupart des pays en développement dans les années 1980 et les politiques d’ajustement structurel qui s’en étaient suivies, le recours à des pratiques informelles (travail non déclaré, fraude fiscale…) a constitué pour nombre d’entreprises privées, un moyen efficace pour garder un certain niveau de rentabilité.
24Cet état des lieux théoriques des différentes motivations qui poussent à l’informalisation des entreprises formelles impose une étude en profondeur à partir d’un des pays africains au sud du Sahara, terrain où « l’informel » constitue un mode de fonctionnement socioéconomique dominant (Cheneau-Loquay, 2008). C’est ce qui est proposé dans les lignes qui suivent.
3 – Méthodologie de la recherche
25Bien que la littérature indique que la méthodologie privilégiée dans les recherches dans le domaine de l’entrepreneuriat est de nature quantitative (Giacomin et Janssen 2009 ; Hlady-Rispal et Jouison-Laffitte, 2015), nous avons retenu la démarche qualitative dans le cadre de cette recherche en suivant les travaux récents en entrepreneuriat, lesquels plaident pour l’utilisation des méthodes de recherche qualitative pour mieux comprendre le phénomène entrepreneurial (Bygrave, 2007 ; Hlady-Rispal et Jouison-Laffitte, 2015). Notre choix tient au fait que notre recherche a une visée interprétative et de ce fait, la méthodologie qualitative permet de décrire, de décoder, d’interpréter la signification des faits ou des représentations des acteurs concernés (Miles et Huberman, 2003 ; Hlady-Rispal et Jouison-Laffitte, 2015). Par ailleurs, la nature de nos questions de recherche qui visent l’étude en profondeur du choix du processus d’informalisation, nous amène à répondre aux questions du type « comment ? » et « pourquoi ? » qui, comme l’indique Yin (2012), sont au cœur des méthodes qualitatives. Ce choix s’explique également par notre objectif visant l’appréhension fine du processus d’informalisation et la description dense de ce phénomène dont l’analyse est centrée sur les acteurs et non sur les variables.
26Nous avons mobilisé la méthode d’étude de cas multiples (Miles et Huberman, 2003) qui permet de comprendre les motivations des entrepreneurs qui ont choisi d’informaliser leurs activités. Notre étude porte sur 10 des entretiens semi-directs réalisés auprès de 6 entrepreneurs qui ont évolué dans le segment formel de l’économie et ont, à un moment ou à un autre, décidé de rejoindre le segment informel et 4 acteurs des systèmes de contrôle et du dispositif d’accompagnement de activités.
27Nous avons procédé à partir d’entretiens d’une durée moyenne de 1 heure et qui se sont déroulés en face à face. Les principales questions que nous avons abordées avec les entrepreneurs, au cours de ces entretiens, ont porté sur le parcours d’évolution des activités. Afin de renforcer la validité de la recherche (Baumard et al., 1999 ; Chabaud et Ngijol, 2010), tous les entretiens ont été effectués en ayant recours aux mêmes thèmes, dans le même ordre et avec la même méthode d’introduction ou de reformulation. Lors de nos entretiens avec les acteurs des systèmes de contrôle et du dispositif d’accompagnement, nous avons souhaité les faire réagir plus spécifiquement sur la réalité du phénomène d’informalisation et les modalités de celui-ci. Les entretiens ont été enregistrés et retranscrits, puis ont fait l’objet d’une analyse de contenu.
28Nous présentons dans le tableau 1 ci-dessous les entrepreneurs que nous avons rencontrés, selon neuf critères et notamment : le cas, l’âge, le sexe, le niveau scolaire, l’expérience antérieure, le mode d’entrée en affaires, l’année de démarrage, le secteur d’activité et le nombre d’activité.
Présentation des entrepreneurs
Présentation des entrepreneurs
Ns = niveau scolaireXa = expériennce antérieure
Mea = mode d’entré en affaires
Ax = année de démarrage
Sec = secteur
Na = nombre d’activités
A : création ex-nihilo pour prester à la commande publique puis ajout des activités non légalisées.
B : création ex-nihilo à la suite d’un licenciement puis ajout des activités non légalisées.
C : reprise d’une activité familiale.
D : reprise d’une activité familiale en difficulté après les années de crise politique.
E : reprise d’une activité familiale en difficulté.
F : reprise d’une activité familiale en difficulté économique lié au non règlement des prestations.
29Les entrepreneurs retenus sont ceux dont le chiffre d’affaires réalisé, au cours des trois dernières années d’activités, est supérieur au seuil réglementaire exigé par la réglementation pour être enregistré (soit un chiffre d’affaires supérieur ou égal à 10 millions de Francs CFA). Ces activités relèvent donc de ce que certains auteurs appellent informel « supérieur » (Castel, 2000) ou « évolutif » (Lachaud, 2000 ; Hugon, 1980), c’est-à-dire qui ont une capacité « d’accumulation extensive » (Fauré et Labazée, 2000) et qui peut être modernisée grâce à des politiques de soutien précises. Alors qu’à l’opposé, les activités informelles inférieures sont des activités « économie de subsistance », formées de marginaux (Castel, 2000), peu rémunératrices (Lachaud, 2000) et qui ne participe pas au processus d’accumulation globale (Urmeneta, 1988).
30Le tableau n° 2 présente les experts acteurs des systèmes de contrôle et du dispositif d’accompagnement.
Discours des experts du dispositif d’accompagnement des entreprises
Fonction des experts | Mission de la structure | |
---|---|---|
C 1 | Responsable de l’administration fiscale | Les missions de l’administration fiscale sont nombreuses (contrôle, recouvrement, vérification, etc.). Mais spécifiquement en ce qui concerne la mission de vérificateur, elle est chargée de travailler au contact direct du monde économique à travers les contrôles fiscaux d’entreprises ou de particuliers (filière fiscale). Pour ce qui est du contrôle, elle doit assurer le contrôle sur pièces des dossiers des contribuables. S’agissant du recouvrement, elle veille à l’acquittement des diverses taxes et impôts dus et assure leur recouvrement |
C 2 | Expert-comptable | Il existe 3 types de missions « formelles » que peut réaliser un expert-comptable :
|
C 3 | Responsable société de sécurité et prévoyance sociale | La CNPS a pour mission d’assurer dans le cadre de la politique générale du Gouvernement, le service de diverses prestations prévues par la législation de protection sociale et familiale. Dans ce cadre, elle s’assure que tous les employeurs sont enregistrées et cotisent pour leurs employés pour des Prestations familiales (PF) ; des Pensions vieillesse, d’invalidité et de décès (PVID) et des Risques professionnels (RP) |
C 4 | Responsable d’une agence nationale d’accompagnement | Le CARPA a pour mission principale de contribuer, par son expertise, à la création, au renouvellement des infrastructures et équipement publics, ainsi qu’à l’amélioration de la qualité du service public dans le cadre du partenariat public et privé (PPP). |
Discours des experts du dispositif d’accompagnement des entreprises
31Les expertises sollicitées dans le cadre ce travail sont en relation avec les missions des acteurs dans le cadre de l’évaluation et de l’étiquetage (Becker, 1985) du caractère légal ou non des activités économiques. Il s’agit effectivement d’interroger leur rôle d’entrepreneur de moral et la connaissance qu’ils ont des pratiques informelles ou de l’informalisation des entreprises formelles. En effet, le contact professionnel entre les entrepreneurs et ces acteurs leur permet d’avoir une bonne connaissance des pratiques d’affaires et leur permet d’avoir un avis éclairé sur le phénomène d’informalisation. Ainsi, toutes les activités économiques sont à un moment ou à un autre en contact avec l’administration fiscale de même que la Société de sécurité sociale. Les entreprises doivent également certifier leurs comptes et ce travail est fait par les experts comptables. Enfin, l’État a mis en place un certain nombre d’agence d’accompagnement et d’expertise pour le renseigner de certaines pratiques, c’est le cas du CARPA. Avoir le point de vue de ces différents acteurs est donc nécessaire pour bien cerner la réalité du phénomène d’informalisation et les pratiques et modalités y associées.
4 – Analyse et présentation des résultats
32Dans cette section, nous présentons les principaux résultats auxquels nous sommes parvenus à l’issue de l’étude exploratoire menée auprès des entrepreneurs et des experts des administrations. Ces derniers feront l’objet d’une interprétation et d’une discussion ultérieure.
4.1 – Analyse de contenu
33Le logiciel d’analyse qualitative Nvivo 10 a été utilisé pour l’analyse des données qui s’est faite en quatre étapes. Premièrement, les entretiens ont été transcrits et pré-analysés. Les transcriptions ont été réalisées de la manière la plus fidèle possible comme le conseille Bardin (1991). La pré-analyse a été faite en deux temps. Par une première lecture flottante des réponses aux questions posées, dans le sens de détecter les possibilités d’analyse et l’émergence des grandes lignes de force. Dans une seconde lecture, nous avons surligné avec des couleurs différentes les unités d’enregistrement (chaque couleur représentait une affinité thématique) et avons fait des annotations de manière à les associer aux thèmes, de les comparer les uns avec les autres et de déboucher sur l’exercice discursif appelé traditionnellement discussion.
34La deuxième étape a consisté en un codage libre, ligne par ligne, que nous avons effectué de manière continue (Paillé et Mucchielli, 2007). Au fil de la lecture d’une transcription, nous notions les codes en marge du texte. Les témoignages ont été classés selon les grandes techniques classiques de l’analyse thématique de contenu - ce qui consiste à repérer les thèmes communs et transversaux de l’ensemble des entretiens recueillis dans les enquêtes.
35Dans la troisième étape, nous avons organisé les codes en thèmes descriptifs. C’est en comparant les codes des différentes études, en les regroupant selon leurs différences et similitudes, que nous avons établi des thèmes descriptifs. Finalement, dans une quatrième étape, nous avons développé des thèmes analytiques. Cette dernière étape nous a permis « de les examiner, de les interroger, de les confronter les uns aux autres de manière à déboucher sur l’exercice discursif [la discussion des résultats] » (Paillé et Mucchielli, 2007, p. 208).
4.2 – Analyse des modalités d’informalisation : éclairage qualitatif
36En parcourant les différents éléments apportés par les cas étudiés, nous avons pu mettre en lumière l’influence de certaines variables ou de certains facteurs sur le phénomène étudié. Nous nous sommes en effet retrouvé devant une multitude d’informations dont l’analyse a permis de cerner la démarche, la trajectoire d’informalisation des activités. L’analyse empirique des modalités d’informalisation permettra de mettre en évidence le choix entre l’informalisation totale et l’informalisation partielle et de préciser les pratiques de mise en œuvre de ces choix. Puis, nous présentons les extraits de discours selon la trajectoire de l’entrepreneur.
4.2.1 – Modalité est pratiques révélées par les experts
37Nous avons d’abord exploré le discours des experts qui ont été appelés à se prononcer sur l’effectivité du phénomène de l’informalisation des activités.
38Le tableau 3 ci-dessus résume le discours des experts.
Entretiens avec les experts
Verbatim | |
---|---|
C1 Administration fiscale : informalisation fiscale | Le phénomène d’informalisation est une réalité que nous observons dans nos multiples contrôles. Le problème est qu’il n’y a au Cameroun, ni un fichier biométrique ou unique des contribuables, ni même un respect des procédures de défaillance des entreprises. On ouvre une activité et on décide de la suspendre ou de la fermée sans que la justice ne se prononce sur la défaillance. Nous avons donc des entrepreneurs avec plusieurs entreprises, certaines actives d’autres fermés sans que l’on puisse savoir. Le problème c’est celui de l’interconnexion entre les fichiers des différentes administrations. Par ailleurs, il est de plus en plus régulier de rencontrer des pratiques informelles dans les entreprises dites formelles : fausse déclaration fiscale, non-déclaration des employés, non-reversement de certaines taxes et impôts, corruption ou arrangement entre contribuable et inspecteur, etc. |
C2 Expert-comptable : des pratiques | L’informalisation est une réalité palpable et que nous observons sans notre métier. Dans le cadre de nos missions, nous sommes en permanence sollicités par des entrepreneurs de toute catégorie pour manipuler les données comptables. Pour ce qui est des PME, par exemple, nous relevons des pratiques telles que la surfacturation, le système de facturation parallèle. Toutes ces pratiques sont des montages dont le but est de réduire leur base imposable. |
C3 Responsable de la CNPS : sociale | Les pratiques de fraude sociale que nous rencontrons dans le cadre des contrôles que nous menons sur le terrain sont : la fraude à proprement parler (essentiellement au travail dissimulé et sous-déclaration des heures de travail), mais aussi les simples irrégularités (erreurs et omissions involontaires, ignorance ou mauvaise interprétation du droit…). À noter aussi la fraude liée au statut de travailleur indépendant : certains employeurs détournent le statut d’auto-entrepreneur pour des salariés. Ces pratiques sont autant le fait des grandes entreprises et des PME. Au plan statistique, il y a un écart entre le nombre d’entreprises créé par les CFCE et le fichier des employeurs. En 2013, le fichier des employeurs comptait 3831 alors que celui des créations d’entreprises par les CFCE comprenait 9706 entreprises. En 2014, l’écart s’est creusé davantage avec 5072 contre 11498. Sauf cas d’erreur dans les statistiques, ces écarts démontrent à souhait l’importance des pratiques d’informalisation. |
C4 Responsable agence | En février 2017, nous avons sorti un rapport sur la mortalité des entreprises au Cameroun. Et, selon ce rapport, sur les 40 500 entreprises créées dans les centres de formalités de création des entreprises (CFCE) entre 2010 et 2015, une seule sur quatre a survécu soit un taux de mortalité de plus de 70 %. Les entreprises sont créées à la circonstance ou à l’occasion sans véritable vocation d’entreprise et donc de durabilité. Un parent ou ami promu gestionnaire de crédit crée ou suscite la création d’une structure gérée par son épouse, sa petite amie ou son frère, ces entreprises dans les « mallettes » sont créées essentiellement pour réaliser la commande publique. Tous les acteurs de ses activités qui ferment, se retrouvent à initier par la suite des projets dans l’informel. |
Entretiens avec les experts
39Les experts confirment le phénomène d’informalisation des activités formelles. Certaines modalités et pratiques sont relevées. Parmi celles-ci selon C1, il y a l’informalisation totale des entreprises « défaillantes » qui trouvent une nouvelle vie dans l’informel et l’informalisation partielle (propos confirmés par C4), par adoption des pratiques informelles dans les entreprises formelles ou la multiplication des activités certaines formelles et d’autres informelles par un même entrepreneur. C2 et C3 confirment la montée des pratiques informelles dans les entreprises formelles. Pour ce qui est du volet comptable (informalisation partielle par surfacturation, le système de facturation parallèle), toutes ces pratiques sont des montages dont le but est de réduire leur base imposable. S’agissant de la fraude sociale, l’expert évoque essentiellement le travail dissimulé et la sous-déclaration des heures de travail, mais aussi les simples irrégularités (erreurs et omissions involontaires, ignorance ou mauvaise interprétation du droit).
40Les révélations des experts sur la réalité du phénomène doivent cependant être confirmées par les entrepreneurs. C’est le sens de l’analyse des modalités et pratiques relevées dans le discours des entrepreneurs.
4.2.2 – Analyse des modalités d’informalisation des activités révélées par les entrepreneurs
41Les données analysées montrent les situations suivantes : deux entrepreneurs qui ont évolué dans le formel, ont décidé à un moment de leur existence de passer du formel à l’informel total. Ils ont adopté le processus d’informalisation qui consiste en la transformation des entreprises « de jure » ou « de plein droit » en entreprises « de facto » c’est-à-dire « de fait » en abandonnant leur dénomination officielle et en se soustrayant aux déclarations fiscales et sociales ; et autres entrepreneurs ont informalisé partiellement leurs activités par ajout d’activités nouvelles informelles à une activité totalement formelle.
Le choix de l’informalisation totale
42Dans notre échantillon exploratoire, quatre entrepreneurs avouent avoir choisi de quitter le segment formel de l’économie, avec enregistrement dans tous les registres réglementaires et avoir rejoint l’informel à un moment donné. Les extraits ci-dessous de discours des entrepreneurs montrent le parcours d’évolution des activités avec les règles de création et d’existence légale.
43Pour l’entrepreneur E3, le choix de l’informalisation est justifié par une forme de révolte après des années à enrichir les fonctionnaires chargés du contrôle et qui ne lui ont pas expliqué pourquoi il doit formaliser ses activités. Ceux-ci ont plutôt passé du temps à le harceler et à obtenir de lui des pots de vin s’il voulait assurer la survie de son affaire.
« Si j’ai migré dans l’informel c’est parce que, pendant que j’avais les papiers et que mon activité était formalisée, j’ai payé les impôts et taxes deux fois. Un versement a été fait aux fonctionnaires/inspecteurs qui, lors des contrôles, nous surtaxent et nous invitent à négocier pour qu’ils nous aident à réduire les charges fiscales élevées, et l’autre versement a été fait dans les caisses de l’État. En effet, le mécanisme est simple, les inspecteurs vous imposent à tort ou à raison 100 et ils vous invitent à la négociation pour reverser 25 dans les caisses de l’État, 50 pour eux et ils nous donnent l’illusion que nous gagnons 25. Et, comme c’est l’État qui envoie les fonctionnaires et les laisse nous arnaquer, au point où ils s’enrichissent alors que nous, les entrepreneurs, nous souffrons sur le soleil et la pluie, alors qu’il doit les punir, mais que constate-t-on ? Que les fonctionnaires ont toujours raison. Ainsi, comme c’est avec eux qu’on est en contact tous les jours et qu’ils font la pluie et le beau temps, alors moi je négocie directement avec eux et j’ignore les règles de l’État qui, au final, perd au profit de ses agents véreux ». Il ajoute : « En plus, vu mon niveau scolaire, c’était difficile pour moi de connaitre les subtilités de la loi et donc, j’étais un bon poisson pour eux ».
45L’entrepreneur E4 qui a également choisi d’informaliser les activités après que le super marché de son père ait brulé pendant les années de crise politique, se défend en affirmant que : « Mon père, pour son activité de commerce général, avait tous les papiers, mais l’État a laissé brûler sa boutique pour des raisons politiques… Pourquoi je dois être en règle si la sécurité de mes investissements n’est pas garantie. »
46E5 s’est trouvé dans l’informel après qu’il y a été suspendu de la commande publique à la suite de la défaillance de son fait alors qu’il avait perçu l’avance de démarrage pour réaliser une prestation dans le cadre d’un marché public.
47E6 évoque lui aussi les défaillances de l’État notamment le non-paiement des factures et l’incapacité à assurer la sécurité des investissements en effet, il affirme :
« Mon père avait une société dans le BTP qui a fait faillite dans les années de crise économique en 1986. Le problème de mon père est que l’État n’a pas réglé la facture due après la construction de deux bâtiments administratifs. Cette dette reste active jusqu’aujourd’hui malgré les multiples recours. Par la suite, on a accusé mon père d’être opposant et après une reconversion dans la boulangerie, celle-ci a été brulée pendant les années de crise politique du début des années 1990. Papa n’a pas pu faire face au choc de la perte de ses investissements, il a fait une crise cardiaque. J’ai essayé de récupérer certains outils et je me suis lancé dans la boulangerie informelle. Je suis installé dans un domicile familial et en plus de cette activité, je suis actif dans le transport, le commerce général et la restauration. Toutes mes activités sont informelles, car, face au non sérieux de l’État, les citoyens ont le droit de se rebeller. »
Les trajectoires d’informalisation partielle
49L’entrepreneur E1 soutient qu’elle a formalisé pour accéder à la commande publique comme prestataire de services. Mais, par la suite elle a ajouté à cette activité initiale légalisée d’autres activités qui évoluent dans l’informalité. L’entrepreneur résume ainsi la trajectoire de développement légal de ses activités :
« J’ai décidé de me lancer en 2008 avec l’argent de mon rappel. Je me suis lancé dans l’activité de location des chaises et des tentes pour différentes manifestations et évènements. Cette activité a évolué dans l’informel jusqu’en 2011, lorsque j’ai été contacté par l’administration pour fournir des prestations pour l’organisation de la fête du travail. Or, pour prester avec l’administration, il faut avoir les papiers et être légalisé. Pour contourner l’obstacle et réaliser cette commande, j’ai fait appel au service d’une amie moyennant 20 % de la facture. Ainsi, après cette expérience, j’ai décidé de légaliser mon entreprise et j’ai obtenu tous les papiers nécessaires pour avoir une existence légale. Je suis donc active dans les marchés publics et je fournis diverses prestations. Toutefois, étant entendu que l’obtention des commandes publiques n’est pas toujours acquise, j’ai ouvert une fabrique de parpaings dans l’informel. Je peux donc avouer qu’en dehors de la part réalisée dans le cadre des marchés publics, le reste de mon chiffre d’affaires se fait de manière informelle. »
51L’entrepreneur E2 affirme avoir évolué dans l’informel pendant plus de 6 ans, mais « la perspective immédiate de bénéficier des exonérations fiscales et des autres avantages que l’administration faisait miroiter aux entrepreneurs m’ont beaucoup encouragé à formaliser. Cependant, le fait que ces avantages n’aient été que des appâts pour nous attirer dans le secteur formel m’a poussé petit à petit à ouvrir d’autres boutiques dans l’informel à Yaoundé, puis à Bafoussam et aujourd’hui en plus des boutiques je me suis mis à l’élevage des porcs ».
52Les résultats montrent que le processus de conformité au processus de reconnaissance publique n’est pas irréversible. Les entreprises pouvant faire des allers et retours à l’intérieur du continuum de formalité. Aussi, les comportements des entrepreneurs interrogés montrent que le continuum de formalité n’est pas valable seulement dans le sens d’une progression positive le long de celui-ci. En effet, pour diverses raisons, on peut également voir des entreprises régresser, c’est-à-dire connaître une évolution négative par rapport au degré de formalisation atteint par le passé.
53Cette première section de présentation des résultats a permis de cerner les modalités de l’informalisation au Cameroun. Ici, la question du type « comment » nous éclaire partiellement sur le processus d’informalisation. Il importe également d’explorer le pourquoi de chacun des choix pour pouvoir aspirer à développer des solutions visant à réduire ce phénomène. C’est ce à quoi nous essayons de répondre dans les lignes qui suivent.
4.2.3 – Les pratiques d’informalisation des activités
54Les trajectoires, bien que différents dans le degré d’éloignement aux procédures de création des entreprises, révèlent dans beaucoup de cas de similitude dans les pratiques de mise en œuvre de l’informalisation. Les tactiques des entrepreneurs sont quasiment identiques, que l’on ait opté pour l’informalisation totale ou pour l’informalisation partielle. Le tableau 4 montre les cinq principales pratiques de fraudes révélées par les entrepreneurs dans le l’informalisation des activités.
Les pratiques d’informalisation des activités révélées par les entrepreneurs
Les pratiques d’informalisation des activités révélées par les entrepreneurs
55Les pratiques informelles et actes de fraude révélée dans cette recherche sont :
- L’absence d’enregistrement est l’un des critères les plus fréquemment utilisés pour qualifier une entreprise d’informelle.
- La non-tenue d’une comptabilité réglementaire. Le délit comptable se rapporte soit à l’omission délibérée de passer ou de faire passer des écritures au livre-journal et au livre d’inventaire (au regard de l’Impôt sur les sociétés, de l’Impôt sur le revenu pour les bénéfices industriels et commerciaux), ou au livre-journal des recettes et des dépenses professionnelles pour les bénéfices non commerciaux, soit à la passation volontaire d’écritures fictives ou inexactes.
- La fraude fiscale, transgression de la loi fiscale, ne peut être analysée indépendamment des procédures de contrôle établies pour s’assurer de la sincérité des déclarations. Ceci justifie que nous insistions sur l’interaction des relations, contribuables-administrations fiscales. Le délit général de fraude fiscale consiste à se soustraire frauduleusement ou à tenter de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel de l’impôt. Il concerne donc en général et indifféremment, les manquements commis, d’une part, au regard des obligations déclaratives, d’autre part, par rapport aux impôts dus dont la TVA collectée, non reversée au Trésor.
- La fraude sociale désigne ici les activités des emplois non déclarées ou la soustraction totale ou partielle aux obligations de cotisations sociales patronales ou salariales.
- La falsification d’états financiers ou la manipulation des données comptables est la forme de fraude comptable la plus répandue. Elle consiste en la présentation délibérément erronée de la situation financière d’une entreprise au travers d’erreurs ou omissions intentionnelles relatives à des montants ou à des informations, effectuée dans le but de tromper les utilisateurs de ces états financiers.
- La multiplication des activités informelles soit par ajout d’une nouvelle activité informelle à côté d’une activité formelle, soit pour éviter d’être détecté lors des contrôles en réduisant le volume du chiffre d’affaires nécessaire pour franchir le palier fiscal exigé pour être légalisé.
- La corruption se définit par le fait d’offrir, de donner, de recevoir ou de solliciter quelque chose de valeur pour influencer une décision. Il s’agit d’une fraude, effectuée hors enregistrements comptables, qui représente une transaction commerciale illégale : une personne achète une influence via des commissions occultes.
56Les pratiques les plus utilisées par les entrepreneurs sont les écarts déclaratifs notamment auprès des administrations fiscales et sociales. La manipulation des données comptables confirme la logique de calcul des entrepreneurs qui sont partiellement informels (E1 et E2). En plus de cette tactique, ces entrepreneurs recourent tous à la multiplication des activités dans le but de dissimuler les activités. Ainsi, ils maintiennent une activité formelle et développement plusieurs non formelles. L’autre pratique généralisée concerne la négociation avec les contrôleurs, ce qui confirme l’importance des pratiques de corruption et leur lien avec l’informalisation. Ces pratiques recoupent bien celles révélées par les experts (revoir le tableau 3).
4.3 – Analyse des motivations de l’informalisation des entreprises
57Les mobiles déterminants du choix de l’informalisation des entreprises formelles révélés par les entrepreneurs (tableau 5), proviennent de l’environnement, des capacités des entreprises et de l’entrepreneur. Ils sont donc exogènes et endogènes.
Entretiens avec les entrepreneurs
Cas | Verbatim |
---|---|
E1 | « J’ai décidé de me lancer en 2008 avec l’argent de mon rappel. Je me suis lancé dans l’activité de location des chaises et des tentes pour différentes manifestations et évènements. Cette activité a évolué dans l’informel jusqu’en 2011, lorsque j’ai été contacté par l’administration pour fournir des prestations pour l’organisation de la fête du travail. Or, pour prester avec l’administration, il faut avoir les papiers et être légalisé. Pour contourner l’obstacle et réaliser cette commande, j’ai fait appel au service d’une amie moyennant 20 % de la facture. Ainsi, après cette expérience, j’ai décidé de légaliser mon entreprise et j’ai obtenu tous les papiers nécessaires pour avoir une existence légale. Je suis donc active dans les marchés publics et je fournis diverses prestations. Toutefois, étant entendu que l’obtention des commandes publiques n’est pas toujours acquise, j’ai ouvert une fabrique de parpaings dans l’informel. Je peux donc avouer qu’en dehors de la part réalisée dans le cadre des marchés publics, le reste de mon chiffre d’affaires se fait de manière informelle. » |
E2 | « la perspective immédiate de bénéficier des exonérations fiscales et des autres avantages que l’administration faisait miroiter aux entrepreneurs m’ont beaucoup encouragé à formaliser. Cependant, le fait que ces avantages n’aient été que des appâts pour nous attirer dans le secteur formel m’a poussé petit à petit à ouvrir d’autres boutiques dans l’informel à Yaoundé, puis à Bafoussam et aujourd’hui en plus des boutiques je me suis mis à l’élevage des porcs ». |
E3 | « Si j’ai migré dans l’informel c’est parce que, pendant que j’avais les papiers et que mon activité été formalisée, j’ai payé les impôts et taxes deux fois. Un versement a été fait aux fonctionnaires/inspecteurs qui, lors des contrôles, nous surtaxent et nous invitent à négocier pour qu’ils nous aident à réduire les charges fiscales élevées et l’autre versement a été fait dans les caisses de l’État. En effet, le mécanisme est simple, les inspecteurs vous imposent à tort ou à raison 100 et ils vous invitent à la négociation pour reverser 25 dans les caisses de l’État, 50 pour eux et ils nous donnent l’illusion que nous gagnons 25. Et comme c’est l’État qui envoie les fonctionnaires et les laisse nous arnaquer, au point où ils s’enrichissent alors que nous, les entrepreneurs, nous souffrons sur le soleil et la pluie, alors qu’il doit les punir, mais que constate-t-on ? Que, les fonctionnaires ont toujours raison. Ainsi, comme c’est avec eux qu’on est en contact tous les jours et qu’ils font la pluie et le beau temps, alors moi je négocie directement avec eux et j’ignore les règles de l’État qui, au final, perd au profit de ses agents véreux. ». Il ajoute : « En plus, vu mon niveau scolaire, c’était difficile pour moi de connaitre les subtilités de la loi et donc j’étais un bon poisson pour eux ». |
E4 | « Mon père, pour son activité de commerce général, avait tous les papiers, mais l’État a laissé brûler sa boutique pour des raisons politiques… Pourquoi je dois être en règle si la sécurité de mes investissements n’est pas garantie. » |
E5 | « J’étais dans les marchés publics, suite à un mauvais placement je n’ai pas pu aller jusqu’au bout de l’étude qui m’a été confiée. Le maître d’ouvrage a fait le constat de carence et l’autorité contractante m’a exclu de la commande publique pour deux ans. Pour assurer la survie de ma famille, j’évolue dans l’informel en attendant d’être réhabilité. Je me suis réorienté dans mon métier de spécialisation, la menuiserie. J’évolue dans l’informel même comme mon activité est visible et rentable. Je m’arrange avec les contrôleurs. » |
E6 | « Mon père avait une société dans le BTP qui a fait faillite dans les années de crise économique en 1986. Le problème de mon père est que l’État n’a pas réglé la facture due après la construction de deux bâtiments administratifs. Cette dette reste active jusqu’aujourd’hui malgré les multiples recours. Par la suite, on a accusé mon père d’être opposant et après une reconversion dans la boulangerie, celle-ci a été brulée pendant les années de crise politique du début des années 1990. Papa n’a pas pu faire face au choc de la perte de ses investissements, il a fait une crise cardiaque. J’ai essayé de récupérer certains outils et je me suis lancé dans la boulangerie informelle. Je suis installé dans un domicile familial et en plus de cette activité je suis actif dans le transport, le commerce général et la restauration. Toutes mes activités sont informelles, car, face au non sérieux de l’État, les citoyens ont le droit de se rebeller. » |
Entretiens avec les entrepreneurs
58Les éléments relatifs à l’environnement sont relevés par certains entrepreneurs. E2 met en avant les incitations « trompe œil » ; E3 dénonce « la corruption des fonctionnaires » chargés de contrôler les activités ; E4 et E6 ont indexé l’insécurité des investissements et notamment le fait qu’ils aient vu brûler le patrimoine de leurs entreprises.
59S’agissant des déterminants propres à l’entrepreneur, il est relevé par E1 que l’informalisation de ses activités est volontaire, car l’accès à la commande publique n’est pas acquis. C’est ainsi que l’ajout de nouvelles activités informelles permet de faire face à l’incertitude relative au carnet de commandes. E3 indique que le choix d’informalisation de ses activités est lié à son niveau intellectuel qui ne lui permet pas de comprendre toutes les subtilités des textes réglementaires, lesquels sont complexes.
60Pour ce qui est des déterminants relevant de l’activité (entreprises), E5 évoque la défaillance de son activité formelle et révèle une reconversion dans l’informel. E3 relève également la faible rentabilité de son activité formelle.
4.4 – Les logiques d’informalisation révélées
61Les résultats ont mis en évidence trois logiques de choix volontaire de l’informalisation des activités (confère tableau 6). Une logique de choix liée à l’évaluation des coûts/bénéfices économiques (informalisation « for profit ») ; une logique de choix volontaire en relation avec les défaillances et vides institutionnels (informalisation d’adaptation et de défiance) ; et une logique de reconversion à la suite des faillites et défaillances (informalisation pour not-profit).
Profil des activités et typologie des logiques motivationnelles d’informalisation
Profil des activités et typologie des logiques motivationnelles d’informalisation
NPE : non règlement des prestation par l’Etat-clientNAC : négociation avec les controleurs / MA : multiplication des activités
62La logique d’informalisation stratégique « for profit » correspond au choix de l’informalisation effectué par les entrepreneurs dont les activités ont des attentes vitales, vis-à-vis des administrations et notamment par rapport au marché amont et aval. Ceux-ci évaluent les coûts/bénéfices de la conformité légale pour bénéficier des avantages de la formalité prévus dans le cadre réglementaire en faveur des entreprises légalisées, tout en gardant une certaine flexibilité d’évolution dans l’informel. Ces entrepreneurs légalisent certaines activités et gardent les autres dans l’informel ou alors adoptent des pratiques informelles.
63Ce groupe a déjà été identifié dans la littérature qui soutient que l’existence d’un important secteur informel se base sur la décision de chaque agent économique d’intégrer ou non le marché formel, suivant une analyse coût-bénéfice. Ces acteurs font des vas et viens entre le formel et l’informel, n’abandonnant aucun des deux et se situant volontairement entre les deux extrêmes le long du continuum. Ces entrepreneurs ne trouvent totalement satisfaction dans le formel, ni dans l’informel, et ils trouvent que c’est la stratégie d’entre-deux qui leur garantit plus de rentabilité.
64Les entrepreneurs E1 et E2 ont choisi la modalité d’informalisation partielle. La stratégie privilégiée est l’ajout d’une ou des activités informelles à une activité formelle. Les pratiques de fraudes en plus de la multiplication des activités dans l’informel sont : la corruption par négociation avec les fonctionnaires, la manipulation des données comptables et les fraudes sociales et fiscales. L’examen du profil des entrepreneurs qui ont informalisé selon la logique dite stratégique ou « for profit », montre un lien positif avec une expérience professionnelle antérieure dans un domaine formelle.
La deuxième logique motivationnelle de l’informalisation correspond au groupe d’entrepreneurs qui font le choix de l’informalisation pour s’adapter à l’environnement institutionnel, à ses excès et surtout, à ses défaillances
65Pour eux, le choix d’entrer dans l’informalité est fortement influencé par l’efficacité des services de l’État. Les entrepreneurs qui sont associés à cette logique d’informalisation, n’ont pas une expérience professionnelle. Ils ont récupéré des affaires familiales en difficultés et ont fait de l’État-client ou l’État régulateur.
La troisième logique est la logique d’informalisation de reconversion
66Cette logique d’informalisation correspond aux entrepreneurs d’anciennes entreprises formelles qui sont devenues informelles à la suite de la défaillance de leurs entreprises formelles. Ici, un entrepreneur a choisi de se reconvertir dans l’informel en attendant probablement sa réhabilitation après l’exclusion de son entreprise dans la chaine de commande publique. L’entrepreneur concerné avait une entreprise informelle dans le domaine de la menuiserie avant d’aller dans le formel pour prester dans la commande publique et après y avoir été exclu. Il indique : « Pour assurer la survie de ma famille, j’évolue dans l’informel en attendant d’être réhabilité. Je me suis réorienté dans mon métier de spécialisation, la menuiserie. »
67La figure 1 ci-dessus synthétise, d’une part, les modalités et pratiques d’informalisation et d’autre part, les logiques motivationnelles de l’informalisation des activités révélées dans le cadre de cette recherche.
Modélisation des modalités et logiques motivationnelles de l’informalisation des activités au Cameroun
Modélisation des modalités et logiques motivationnelles de l’informalisation des activités au Cameroun
5 – Discussion des résultats de la recherche
68Dans cette section, nous discutons des résultats obtenus au regard de la problématique d’informalisation des activités et les confrontons avec ceux que l’on retrouve dans la littérature. Ceci permet de mieux faire ressortir notre contribution ainsi que de nouvelles voies de recherche qui permettraient une compréhension encore plus fine de la situation.
69S’agissant des modalités de choix de l’informalité. Nos résultats s’éloignent de ceux de Demenet (2014) en Indonésie, qui indique que l’informalisation consiste concrètement à rendre aux autorités locales sa licence d’activité tout en continuant à opérer, souvent à une échelle réduite. Au contraire, nos résultats montrent qu’il y a des entreprises qui optent pour l’informalisation partielle et d’autres pour l’informalisation totale. En outre, les résultats montrent qu’au Cameroun, la procédure de faillite n’est pas respectée et que la dé-légalisation des entreprises se fait elle-même de manière informelle. Les entreprises oscillent entre les deux secteurs. Les résultats valident ainsi l’approche d’existence du continuum de degré de formalité (Menguelti et al., 2014 ; Williams et Nadin, 2013) et informent la vision dichotomique et dualiste de l’économie avec des frontières étanches entre l’informel et le formel.
70Pour ce qui est des stratégies d’informalisation, les résultats montrent que l’informalisation consiste à adopter les pratiques informelles (manipulation des données comptables, négociation ou corruption des fonctionnaires) et à multiplier les activités (Hugon, 2013). Les résultats ici rejoignent ceux de Marniesse (1997) pour qui l’accumulation au sein d’une même entreprise est un cas extrêmement marginal, alors qu’on assiste davantage à une accumulation « horizontale », c’est-à-dire une tendance à multiplier le nombre d’entreprises. Ils vont également en droite ligne des conclusions des travaux de Fauré et Labazée (2000) et Hugon (2013) qui soulignent que lorsque leurs bénéfices le permettent, les petits entrepreneurs s’inscrivent rarement dans un processus d’accumulation intensive (réinvestissement au sein d’un établissement) et optent plutôt pour une accumulation extensive (diversification des investissements productifs dans divers établissements de petite taille).
71Par rapport aux résultats de Demenet (2014), qui indiquent que les motivations mentionnées par les unités interviewées étaient, en premier lieu, d’éviter le paiement des taxes et en deuxième lieu, de gagner en flexibilité pour pouvoir se séparer d’une partie des actifs et de la main-d’œuvre dans un contexte économique difficile.
72Nos résultats révèlent des mobiles plus variés. Ici, il ne s’agit pas uniquement d’échapper à la législation par rapport aux coûts qu’elle engendre (informalisation « for profit »), il y a, également, la volonté de reconversion après une faillite (informalisation pour non-profit), mais aussi, l’informalisation conséquence de l’excès et faiblesses et insuffisances de l’environnement institutionnel.
73Nos résultats révèlent également les trajectoires de mobilité triphasée (informel-formel-informel), mises en évidence par Lautier (2004), lesquels montrent qu’une entreprise ayant connu l’expérience de l’informel, a beaucoup de chance d’y retourner en cas de problème. En effet, comme l’affirment Razafindrakoto, Roubaud et Wachsberger (2012), la probabilité d’exercer dans un secteur donné est systématiquement plus élevée lorsqu’on y travaillait déjà dans la période précédente (hypothèse dite de true state dependency).
74Par ailleurs, nos résultats montrent que les facteurs institutionnels sous-tendent la décision d’opérer dans le secteur informel ou d’informaliser son entreprise et, par ainsi, rejoignent les travaux qui pointent les excès de réglementation, notamment : les taux d’imposition élevés (M. Ahmed et A. Ahmed, 1995 ; Shabsigh, 1995 ; De Soto, 1989), la corruption du secteur public (Friedman et al., 2000 ; M. Ahmed, 2009 ; Buehn et Schneider, 2012) et le niveau moins élevé du risque de détection et de punition (Allingham et Sandmo, 1972). De même qu’ils rejoignent les travaux qui indexent les faiblesses et défaillances institutionnelles comme causes ou facteurs explicatifs de l’informalité (Benjamin et Mbaye, 2012). En effet, comme l’ont observé Benjamin et Mbaye (2012) dans leur étude sur les entreprises informelles en Afrique de l’Ouest francophone, la défaillance de l’État est également visible au niveau du recouvrement fiscal.
75Pour ce qui est des logiques d’informalisation. L’informalisation par calcul stratégique est le choix des entrepreneurs évoluant dans la zone grise, qui sont catégorisés ici. Ce groupe d’entrepreneur a déjà été révélé dans les travaux antérieurs, notamment par Pery et al. (2007), Song-Naba (2014). L’engagement dans le processus d’informalisation est, dans ce contexte, principalement une logique d’opportunité. Les entrepreneurs choisissent volontairement d’informaliser en s’appuyant sur des raisons instrumentales. Ces résultats contredissent ceux de Baddoo et Awuku (2012) qui établissent des liens entre l’engagement dans l’économie formelle et l’entrepreneuriat d’opportunité et l’engagement dans l’informel et l’entrepreneuriat de nécessité. Ici, au contraire, les entrepreneurs, malgré un niveau d’accumulation et de ressources intéressant, font le choix volontaire de quitter le formel pour rejoindre l’informel. Ils s’éloignent finalement des travaux de Nzaou (2015) ou Berrou (2014) qui concluent que, contrairement aux pays industrialisés, en Afrique, la plupart des entrepreneurs sont davantage motivés par la nécessité que par l’exploitation d’opportunités puisqu’ils agissent dans le cadre d’une stratégie de survie, et sont contraints par l’absence de possibilités sur le marché du travail.
76La logique d’informalisation par adaptation ou de défiance confirme que les règles et institutions étatiques peuvent être fuies parce que leur portée est trop limitée, donc en raison de leur faiblesse et non de leur poids et leur importance trop grande comme dans l’approche légaliste (Kraiem, 2015). En conséquence, nos résultats rallient ceux de Gelb et al. (2009) qui estiment que les entreprises optent pour la formalité lorsque l’accès aux services publics et au crédit est favorable et lorsque la réglementation sur le paiement des taxes et l’enregistrement des firmes, est rigoureusement appliquée. Ainsi, les entrepreneurs du secteur informel ont recours à la corruption de l’administration publique pour échapper aux réglementations administratives (Djankov et al., 2002). Ils ont recours à cette pratique dans la mesure où ils jugent les systèmes administratifs peu fiables et contraignants, que « les fonctionnaires ont toujours raison » et qu’il n’y « pas de recours face à certaines injustices vécues ou perçues ». Ce résultat est important, car il permet de confirmer la validité pour le choix du degré de formalisation, de l’attachement des entrepreneurs aux principes de justice procédurale de Thibaut et Walker (1975, 1978). En effet, ces auteurs ont conclu qu’une procédure sera jugée d’autant plus juste qu’elle permet aux personnes concernées d’avoir : (1) un contrôle sur le processus (avoir l’opportunité d’exprimer son avis et de présenter son argumentation durant le processus de prise de décision) et (2) un contrôle sur la décision (la possibilité d’influencer le résultat décisionnel).
77Les résultats corroborent aussi ceux de Bies et Shapiro (1988) qui ont montré que les procédures offrant la possibilité de participer au processus de prise de décision, sont perçues comme plus justes que celles qui ne le permettent pas. Les résultats révèlent que les attributs de la justice procédurale de Leventhal (1980) sont évalués par les entrepreneurs pour le choix du degré de formalisation des activités. En effet, les entrepreneurs qui observent que l’État ne tient pas compte des éléments ci-après, sont tentés d’informaliser : application cohérente des règles, absence de biais, l’exactitude, possibilité de correction, représentativité des intérêts de toutes les personnes concernées et adéquation avec les normes éthiques en vigueur.
78Ces résultats confortent également ceux de Campos et Mahieu (2006) qui formulent l’hypothèse selon laquelle l’informalité s’explique par « le vide institutionnel » ; vide institutionnel signifiant que l’État a perdu son pouvoir politique, ou que certains segments de la société ont pu se l’approprier pour défendre leurs intérêts. Ils soutiennent que ce vide institutionnel peut être mesuré par les « indicateurs de contrôle de l’État » du modèle de Johnson, Kaufmann et Shleifer (1997) et parmi lesquels on a : « l’équité fiscale », « la criminalité et la corruption » et « la réglementation » (p. 189), ainsi que des « indicateurs du système juridique » qui comprennent « l’État de droit », « l’efficacité du système juridique » et « l’étendue du domaine d’application de la loi » (p. 193). Par ailleurs, nos résultats confirment ceux de Oudot et Ménard (2009) qui indiquent que « confrontés à des décisions perçues comme inéquitables, les parties ont tendance, sous certaines conditions, à modifier leur comportement en raison de cette aversion pour l’inéquité, de façon à retrouver un équilibre perçu comme équitable. » (p, 7). L’informalisation est donc une résistance des entrepreneurs aux injustices et incivismes vécus de la part des fonctionnaires. Ils ajoutent alors qu’« adopter un comportement fondé sur la réciprocité peut ainsi donner lieu aussi bien à des actions ayant des conséquences positives pour la performance de la relation, car la coopération appelle la coopération, qu’à des actions entraînant des effets négatifs et des contre-performances, puisque l’absence de coopération conduit à des frictions ou même à des conflits ouverts (Falk et Fischbacher, 2006). »
79L’informalisation de reconversion. Ce groupe d’entrepreneur a déjà été révélé par Zogning (2017) et Fauré (2000). Pour Zogning, l’une des raisons de l’informalisation des entreprises se trouve dans le taux encore très élevé d’échec des entreprises et notamment des PME, au cours de leurs trois premières années. Ces échecs conduisent les entreprises concernées à la disparition et dans le meilleur des cas, à une reconversion dans l’informel. Fauré et Labazée (2000) indique également que l’informel est parfois un mode de reconversion d’anciens salariés et intellectuels touchés par la crise.
80Bennett (2010) parle de l’informalité comme « lot de consolation » en évoquant le cas des entreprises motivées à entrer dans une industrie, juste parce qu’elles ont l’assurance qu’en cas d’échec ou de pressions trop fortes des autorités de tutelles, elles auraient la possibilité de se convertir rapidement et sans frais à l’informel.
6 – Conclusion
81L’objectif général de ce travail exploratoire est d’expliquer la dynamique transitionnelle des entreprises camerounaises à partir de l’étude de la migration des activités formelles vers les activités informelles. Les résultats concluent que l’expansion de l’économie informelle résulte autant de la capacité d’initiative des entrepreneurs et de l’inefficacité engendrée par la réglementation, et qu’elle est la manifestation de la perception des injustices dans la mise en œuvre des politiques publiques.
82Les résultats suggèrent que dans certains contextes, comme celui du Cameroun, l’importance de l’informalisation peut s’expliquer par plusieurs logiques d’action.
83Premièrement, elle serait une réponse aux carences du système économique avec notamment peu de débouchés et l’absence d’avantages comparatifs supérieurs des activités formelles par rapport aux activités informelles.
84Deuxièmement, c’est une logique amorale liée à la volonté d’échapper aux impôts. Troisièmement, l’informalisation est une réponse à une réglementation inadaptée, aux lourdeurs des procédures bureaucratiques, à la perception de la corruption et de manière générale aux inéquités perçues de la part de l’administration.
85Quatrièmement, il s’agit d’une logique de résistance face aux déficits dans la sécurisation des investissements, une façon de minimiser le risque dans un environnement politique incertain et une forme de défiance vis-à-vis de la mauvaise qualité de la gestion des ressources publiques. Ici, on est dans un cercle vicieux où l’incivisme des acteurs de contrôle, corrompus, rencontre ou provoque l’incivisme des entrepreneurs qui informalisent leurs activités.
86Les contributions de ces résultats au développement des connaissances scientifiques peuvent plus spécifiquement se décliner sur le plan managérial et théorique.
87Au plan managérial, les résultats sont utiles pour les entrepreneurs et les administrations. Pour ce qui est des premiers, les résultats suggèrent, d’une part, que les entrepreneurs des petites entreprises ne sont pas tous forcément déterministes. Beaucoup ne sont pas de simples contemplateurs. Et, d’autre part, qu’ils relèvent que les entreprises qui s’en sortent ou qui survivent dans « un environnement de corruption » sont celles dont les entrepreneurs s’adaptent, ont « une intelligence institutionnelle », identifient bien les parties prenantes importantes et s’évertuent à satisfaire leurs attentes. Par rapport au second, nos résultats suggèrent que, pour limiter l’expansion de l’informalisation, il faut renforcer la qualité de la gouvernance, en encourageant les actions qui visent autant la lutte contre la corruption, le renforcement de l’État de droit, la qualité des dépenses publiques, que l’efficacité de services rendus aux contribuables par les institutions, car l’administration doit prendre en compte trois dimensions de son public : le citoyen, qui déclare et paye ses impôts, est en même temps un contribuable qui aspire au bon emploi de sa contribution, et un usager qui attend un niveau élevé de qualité de service (Cour des Comptes de la République Française, 2012). Par ailleurs, il faut renforcer les actions destinées à la communication de la doctrine administrative auprès des contribuables grâce à des campagnes d’information, car, il faut s’assurer que les contribuables sont en mesure d’exercer leurs droits à être informés, rassurés, écoutés et que l’offre de services de l’administration fiscale est adéquate.
88L’environnement numérique peut dans ce contexte être un atout en permettant une diffusion rapide et facilement accessible des informations pour les citoyens, en leur offrant la possibilité de s’exprimer sur la qualité et la pertinence des services que l’État leur offre, et en offrant des moyens de paiement sécurisés qui pourraient réduire la corruption et les abus de pouvoir.
89Aujourd’hui, l’État a pris certaines mesures pour faciliter la création des activités formelles (avec l’opérationnalisation de plusieurs centres de formalité de création des entreprises (CFCE), la réduction des coûts de création et l’exonération à la patente pour les deux années post-création). Cependant, les mesures visant à maintenir les entreprises dans le formel sont encore attendues et les rares prises (notamment l’exploration des nombreuses pistes qu’offrent les NTIC avec la dématérialisation des procédures et la facilitation des paiements des impôts et taxes) doivent être généralisées et intensifiées.
90Au plan théorique, le principal apport de cette recherche est la perspective relationnelle des explications de la trajectoire d’informalisation des activités. En outre la présente étude offre une validation empirique additionnelle sur l’existence de degrés différents de formalisation et insistent sur les spécificités des modalités et des processus d’informalisation qui oscillent entre le totalement informel et le partiellement informel. La lecture du choix de l’informalisation des activités à travers l’évaluation du contrat psychologique entre l’entrepreneur et l’État, permet de mettre en évidence comment, tant en amont au moment de la conception des politiques publiques, qu’en aval avec la mise en œuvre et le contrôle de celles-ci, les faiblesses dans la gouvernance publique encouragent les pratiquent d’incivisme et de défiance. En outre, celles-ci accélèrent le processus d’informalisation avec les entreprises formelles (petites et grande) qui s’informalisent de plus en plus. Ainsi, moins les administrations sont honnêtes plus les acteurs vont être tentés de défier les lois et recourir à toutes les ruses possibles pour maximiser leurs gains.
91Les apports de cette recherche doivent être considérés en prenant en compte un certain nombre de limites. Premièrement, il y a le faible nombre de l’échantillon des entrepreneurs répondants. La compréhension des modalités et des mobiles du choix de l’abandon de la légalité et du recours aux pratiques informelles pourraient être confirmée sur d’autres échantillons et d’être adaptée à différents contextes. Nous espérons dans nos voies futures de recherches, tester la validité descriptive et explicative des résultats obtenus pour notamment apprécier le poids des logiques d’action explicitée dans le processus d’informalisation. Qu’est-ce qui influence le plus ces processus : les défaillances économiques et productives de l’entreprise, l’amoralité fiscale de l’entrepreneur, sa défiance vis-à-vis des institutions face aux injustices et inéquités perçues et vécues, etc… Deuxièmement, le choix de l’entretien semi-directif comme méthode de collecte des données concernant des décisions passées utilisées, qui permet le recueil d’un grand nombre d’informations, mais présente des inconvénients relatifs aux biais de mémorisation des décideurs contactés et à la subjectivité du chercheur. Une des pistes d’approfondissement des voies de recherche pourrait être de recourir à une méthode quantitative.
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Mots-clés éditeurs : entrepreneurs, motivations, informel, formel, transition, Cameroun
Date de mise en ligne : 25/10/2018
https://doi.org/10.3917/rcg.025.0011