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Article de revue

Qui détient la dette publique ?

Pages 142 à 146

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1La dette publique en France comprend à la fois la dette de l’État, des collectivités territoriales et de la Sécurité Sociale. Au premier trimestre 2015, la dette publique s’élevait à 2 089 milliards d’euros, dont 1 647 pour l’État, 187 pour les administrations locales et 237 pour la sécurité sociale. La dette publique peut être négociable – à savoir contractée sous forme d’instruments financiers échangeables sur les marchés financiers – ou non.

Qui détient la dette de l’État en France et dans la zone euro ?

2Pour emprunter auprès de ses créanciers, l’État émet trois catégories de titres. Les obligations assimilables au Trésor (OAT) sont le support à moyen et long terme de l’endettement de l’État, et constituent l’essentiel de la dette. Les bons du Trésor à intérêt annuel (BTAN) et les bons du Trésor à taux fixe et à intérêts précomptés (BTF) sont les autres titres de plus court terme. L’enjeu de la détention de la dette publique concerne ainsi principalement les titres négociables de long terme émis par l’État. Les graphiques ci-dessous détaillent la structure de cette dette selon le type de créancier, en France et en Europe.

Graphique 1

Détention des OAT par type de créanciers au premier trimestre 2015 en France

Graphique 1

Détention des OAT par type de créanciers au premier trimestre 2015 en France

Source : Agence France Trésor (2015)
Graphique 2

Dette des gouvernements centraux par type de créanciers dans la zone euro en 2010

Graphique 2

Dette des gouvernements centraux par type de créanciers dans la zone euro en 2010

Source : Banque centrale européenne (2011)

3En 2010, plus de la moitié de la dette des États européens était détenue par des agents non résidents dans le pays membre (qu’ils soient européens ou non). Cette proportion s’élève à 64,4 % en France en 2015 (69,3 % au premier trimestre 2010) alors qu’elle n’atteignait que 28,6 % au premier trimestre 2000. L’internationalisation de la dette des pays de la zone euro est particulièrement marquée comparée aux autres pays de l’OCDE : les non-résidents détiennent environ 30 % de la dette américaine et britannique, ainsi que 8 % de la dette japonaise. Cette situation est en partie le reflet de l’intégration financière intra-européenne : une proportion significative des résidents est constituée d’autres établissements financiers européens. La part des créanciers non européens se rapproche de la part des créanciers non résidents aux États-Unis et au Royaume-Uni. Cette internationalisation est également la conséquence des politiques de libéralisation des marchés de capitaux menées depuis les années 1980. Après une période de restriction des flux internationaux de capitaux exerçant une contrainte sur le financement des déficits, la libéralisation a permis à la fois aux investisseurs de diversifier leurs placements à l’échelle internationale, et aux gouvernements d’accéder à une épargne mondiale conséquente.

4Tout comme les créanciers domestiques, les non-résidents sont principalement de grands acteurs financiers (banques, assurances et gestionnaires d’actifs). Les titres émis par les États sont pour eux les actifs les plus sûrs dans lesquels investir : les banques peuvent par exemple les utiliser comme collatéral auprès des banques centrales. À ce titre, le rôle des agences de notation apparaît capital puisqu’il guide la confiance des investisseurs.

Pourquoi la composition de la dette publique est-elle importante ?

5Les marges de manœuvre de l’État dépendent en partie du type de créanciers détenant sa dette : les non-résidents sont des investisseurs moins captifs que les résidents. Ils échappent à ce titre aux contraintes que peuvent faire peser les États sur eux. Ceux-ci disposent de fait d’un pouvoir de coercition sur les créanciers domestiques – à travers la fiscalité et la régulation financière par exemple – qui ne s’applique évidemment pas aux non-résidents. Ceux-ci sont d’ailleurs les premiers à vendre leurs titres en période de crise et constituent ainsi une source de financement plus instable. La composition actuelle de la dette publique rend ainsi difficilement envisageable les scenarii de répression financière qui ont engendré une réduction de l’endettement au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, la détention de la dette publique par les institutions domestiques n’est pas non plus sans risque, elle renforce la possibilité d’un cercle vicieux entre risque souverain et risque bancaire.

6La composition de la dette publique a également un impact sur la dynamique de la dette. La libéralisation des flux de capitaux et la demande croissante de titres de dette publique par des agents non résidents a contribué à la baisse des taux d’intérêt de ces mêmes titres : cela a encouragé le gonflement des dettes publiques et le creusement des déséquilibres courants. Dans le contexte d’une intégration européenne croissante, les pays périphériques de la zone euro ont pu s’endetter dans des conditions plus avantageuses qu’avant l’introduction de la monnaie unique.

Bibliographie

  • Agence France Trésor (2015), site internet www.aft.gouv.fr
  • Banque Centrale Européenne (2011), « The size and composition of government debt in euro area », Occasional Paper Serie n°132.
  • Fondapol (2011), Qui détient la dette publique ?
  • Fonds Monétaire International (2014), « Sovereign Debt Composition in Advanced Economies : A Historical Perspective », IMF Working paper WP/14/162.

Date de mise en ligne : 21/03/2016

https://doi.org/10.3917/rce.017.0142

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