1Selon la définition choisie pour distinguer la dette publique de ce qui n’en est pas, on obtient des différences significatives qui interrogent sur la pertinence des mesures de la dette. En effet, les États n’emploient pas tous les mêmes méthodes pour calculer la dette souveraine.
La dette au sens de Maastricht
2En zone euro, le traité de Maastricht a défini précisément le mode de calcul. La dette publique notifiée couvre l’ensemble des administrations publiques. Elle ne comprend pas l’ensemble des passifs mais uniquement les numéraires et dépôts, et les titres autres qu’actions (les bons du Trésor, les obligations assimilables au trésor). Cette définition exclut les produits dérivés et les autres comptes à payer. C’est une dette brute, on ne soustrait pas aux éléments du passif les actifs financiers des administrations publiques. Elle est consolidée : sont donc exclus du calcul les éléments de dette d’une administration détenus par une autre administration. Enfin elle est évaluée en valeur nominale, c’est-à-dire la valeur de remboursement du principal. Ainsi, les intérêts courus non échus ou les fluctuations des cours des titres ne sont pas compris dans l’évaluation des instruments alors que la réévaluation de la valeur de remboursement des titres indexés sur l’inflation est prise en compte. Selon cette définition, la dette publique française s’élevait au 31 juillet 2015 à mille cinq cent soixante-dix milliards d’euros.
La dette aux États-Unis
3Le Bureau de l’administration fiscale américain (Bureau of fiscal service), toutefois, tient compte des intérêts payables de la dette. Ainsi, si on calcule la dette américaine selon la méthode du traité de Maastricht on obtient une somme un peu inférieure aux dix-neuf mille six cent trente milliards de dollars reconnus par l’administration fédérale.
Comparaisons internationales
4Lors de comparaisons internationales, il faut être conscient de ces différences pour tirer des conclusions. De la même manière, calculer la dette en terme nominal peut amener à biaiser les résultats sur longues périodes quand les zones monétaires sont soumises à l’inflation et à l’évolution des taux de change (si on exprimait la dette française en dollars comme la dette américaine on obtiendrait un chiffre nettement supérieur). On ramène donc la dette à la valeur nominale du PIB, qui supprime l’effet de l’inflation et de change, pour ne pas biaiser les comparaisons inter-temporelles. Mais là encore les pays ne calculent pas tous le PIB uniformément (faut-il par exemple y intégrer l’économie informelle ?).
5Ces deux méthodes cependant se rejoignent en ce qu’elles excluent les dettes entre administrations d’un même état. Au sein des économistes, il n’y a pas consensus pour rejeter cette dette.
La dette implicite
6La mesure de Maastricht ne tient pas compte, enfin, de la dette implicite que représentent les engagements futurs de l’État providence. Les retraites des fonctionnaires représentent plusieurs centaines de milliards d’euros que l’État devra verser mais dont on ne tient pas compte dans le calcul de la dette. Cette exclusion n’est pas une évidence, en effet depuis la réforme de la comptabilité gouvernementale de 1998 le gouvernement du Québec comptabilise intégralement le montant dû aux régimes de retraite de la fonction publique au sein de sa dette publique. Mais là encore, il est difficile de mesurer avec précision les retraites qui seront versées d’ici dix ans.
7Même au sein des pays du traité de Maastricht, il n’est pas toujours pertinent de comparer deux rapports dette/PIB car il ne s’agit pas d’une comparaison ceteris paribus toutes choses égales par ailleurs. Le taux d’épargne français n’est pas le taux d’épargne italien, la dette ne se trouve pas entre les mêmes mains.
8Dès lors, quand la mesure est sujette à la subjectivité du statisticien et que les comparaisons internationales perdent en pertinence, quel intérêt aux chiffres de la dette ? La définition de Maastricht a au moins l’avantage de déterminer une valeur minimum de la dette publique, il y a donc un consensus pour dire que la dette est au moins celle que calcule l’Insee. Si la définition est choisie arbitrairement, les évolutions de la dette selon cette définition sont objectives. On peut dès lors tirer des conclusions unanimes sur les effets des différents niveaux de dettes une fois qu’une définition, même très insatisfaisante, a été posée.
Bibliographie
Bibliographie
- Chouraqui J.-C., Jones B., Montador R. (1986), « La dette publique dans une perspective à moyen terme », Revue économique de l’OCDE, no. 7, pp. 112-167.
- Joanis M., Montmarquette C. (2004), « La dette publique : un défi prioritaire pour le Québec », Choix, vol. 10, no. 9.
- Krugman P. (2010), « Bad analysis at the deficit commission », The New York Times.