Couverture de RCE_012

Article de revue

La politique d'éducation prioritaire depuis 2006 : d'un échec à l'autre ?

Pages 127 à 132

Notes

  • [1]
    La politique d’éducation prioritaire avait déjà été réformée deux fois dans les années 1990 avec une extension de la carte des Zones d’éducation prioritaires en 1995 et la création des Réseaux d’éducation prioritaire (REP) et des « contrats de réussite » en 1997. Pour des repères historiques sur la politique d’éducation prioritaire depuis 1981, se référer au site internet du ministère de l’Éducation nationale consacré à l’éducation prioritaire : educationprioritaire.education.fr.
  • [2]
    Le programme Eclair existait sous forme expérimentale en 2010-2011 sous le nom de Clair (Collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite). Pour une analyse de la mise en œuvre de cette expérimentation, voir Hagnerelle et Pittoors (2011).
  • [3]
    Les établissements d’éducation prioritaire non sélectionnés en RAR sont classés en RRS.
  • [4]
    Voir Stéfanou (2009) pour la liste complète des critères.
  • [5]
    Circulaire du 30 mars 2006.
  • [6]
    Plus précisément : en 2011, 82,5 % des collèges Eclair sont des RAR, 12 % sont des RRS et 5,5 % n’étaient auparavant pas en éducation prioritaire (MEN-DEPP, 2012).
  • [7]
    Indicateurs de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF)

1À partir des années 2000, plusieurs études mettent en évidence le fait que la politique d’éducation prioritaire ne parvient pas à réduire les écarts de réussite scolaire (Armand et Gille, 2006 ; Benabou et al., 2004 ; Caille, 2001). Cette politique est alors restructurée en 2006 [1] avec la création, en lieu et place des précédentes Zones d’éducation prioritaire, des Réseaux ambition réussite (RAR) et des Réseaux réussite scolaire (RRS). À la suite d’un premier bilan mitigé en juin 2010 (MEN-DEPP, 2010), les RAR sont remplacés, à la rentrée 2011, par le programme Eclair (Écoles, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite) [2] (MENDGESCO, 2011).

2Après avoir présenté les modalités de la nouvelle politique d’éducation prioritaire, nous dresserons un panorama statistique de la population qu’elle vise puis nous tenterons d’en esquisser un bilan.

Une nouvelle relance de la politique d’éducation prioritaire

3La principale innovation de la réforme de 2006 est l’organisation de réseaux entre établissements du primaire et du secondaire. Chaque réseau comporte ainsi un collège, unité de référence, et plusieurs écoles primaires et maternelles qui l’alimentent. L’objectif de cette nouvelle organisation est de renforcer la cohérence pédagogique autour du parcours scolaire des élèves. En 2010, on compte 253 RAR, soit 5 % environ des collèges et écoles publics. Les RAR regroupent les établissements concentrant les plus grandes difficultés sociales et scolaires. Ils se distinguent des 823 RRS composés d’un public socialement plus hétérogène (MEN-DEPP, 2010).

4Les critères de sélection des RAR [3] sont établis au niveau national (Stéfanou, 2009). Ils prennent en compte le contexte social, économique et démographique des établissements en question [4]. Depuis 2006, chaque établissement d’éducation prioritaire conclut un « contrat de réseaux » avec les autorités académiques. Ces contrats doivent permettre d’assurer un suivi plus étroit des résultats et des difficultés de ces établissements. Par ailleurs, une convention de partenariat est signée par tous les RAR avec une institution culturelle, un complexe sportif de haut niveau, un laboratoire d’université etc. Ceci doit permettre « d’insuffler un nouvel esprit en développant chez les élèves un sentiment fort d’appartenance pour leur établissement et en donnant à chaque réseau une dimension d’excellence » [5]. Ces quelques mesures de nature plutôt « symbolique » mises à part, les RAR bénéficient surtout d’enseignants et personnels encadrants supplémentaires (1 000 enseignants et 3 000 assistants pédagogiques). Ces derniers doivent permettre de réduire les effectifs par classe : deux élèves en moins par classe dans les écoles et quatre élèves en moins par classe au collège.

5En 2011, les collèges RAR intègrent le programme Eclair [6]. Les principales différences avec le fonctionnement des RAR sont les nouvelles modalités de gestion des ressources humaines avec en particulier le recrutement sur profil des enseignants sur proposition du chef d’établissement (MEN-DEGSCO, 2011).

Élèves en éducation prioritaire : panorama statistique

6Les RAR sont principalement situés dans les grandes zones urbaines : en 2009, 59,2 % des RAR se trouvent dans des communes centres d’agglomération ; 29,2 % dans des communes de banlieue ; 9,2 % dans des communes isolées ; 2,4 % dans des zones rurales (MEN-DEPP, 2010).

7Par construction, la comparaison des caractéristiques des élèves en fonction du classement ou non de leur établissement en éducation prioritaire confirme le caractère extrêmement défavorisé des collèges RAR (cf. tableau 1). Par exemple, les collèges RAR comptent 46,6 % de boursiers en 2009 alors que les collèges hors éducation prioritaire n’en comptent que 16,1 %. Les écarts de niveau scolaire sont également très importants. Ainsi, en 2006, les collèges RAR se situent seulement en 88e position (rang moyen) sur 100 en termes de résultats au diplôme national du brevet, alors que les collèges hors éducation prioritaire se classent à la 44e place en moyenne.

Tableau 1

Caractéristiques des élèves entrant en sixième en fonction du type de collège public fréquenté

Tableau 1
Collège RAR Collège RRS Collège hors RAR et RRS Caractéristiques des élèves : Nombre d’élèves entrant en sixième 18 957 79 599 468 710 % d’élèves en retard à l’entrée en sixième 29,5 % 20,5 % 13,2 % % d’élèves boursiers 46,6 % 29,5 % 16,1 % % d’élèves de catégorie sociale « très favorisée » 3,3 % 9,7 % 22,5 % % d’élèves de catégorie sociale « favorisée » 5,3 % 10,4 % 13,8 % % d’élèves de catégorie sociale « moyenne » 17,7 % 24,6 % 27,1 % % d’élèves de catégorie sociale « défavorisée » 73,8 % 55,3 % 36,6 % Caractéristiques des collèges : Nombre d’établissements 210 710 4 082 Effectif moyen d’entrant en sixième par collège 90 103 115 Rang moyen (sur 100) du collège au DNB 2006 88 74 44

Caractéristiques des élèves entrant en sixième en fonction du type de collège public fréquenté

Champ : ensemble des élèves entrant en sixième à la rentrée 2009 dans les collèges publics de France métropolitaine.
Source : Fack et Grenet (2012).

Quel bilan ?

8Une étude du ministère de l’Éducation nationale (MEN-DEPP, 2010) dresse un bilan en demi-teinte des RAR. Entre 2006 et 2010, les écarts entre RAR et collèges hors RAR en termes de proportion de redoublants et de résultats au brevet se sont certes réduits mais les écarts dans la maîtrise des compétences de base en Français et en Mathématiques [7] en fin de troisième se sont aggravés. La proportion d’élèves orientés en première générale depuis la seconde générale et technologique a aussi évolué en sens contraire.

9Beffy et Davezies (2011) soulignent également les limites de la nouvelle politique d’éducation prioritaire. Il semble que les objectifs de diminution du taux d’encadrement n’aient pas été atteints car la recommandation du ministère d’affecter quatre enseignants supplémentaires par établissement en RAR n’a pas été respectée par tous les rectorats. Beffy et Davezies mettent aussi en évidence un potentiel effet négatif du classement en RAR sur les résultats des établissements.

10Ce dernier résultat pourrait peut-être s’expliquer par le fait que la « labellisation » des collèges RAR a possiblement contribué à accroître leur évitement. Cet évitement a par ailleurs été accentué par l’assouplissement de la carte scolaire (Fack et Grenet, 2012). On peut ainsi faire l’hypothèse que les élèves issus des catégories défavorisées étudiant en RAR et ayant le meilleur niveau scolaire auraient pu ainsi quitter leur établissement. Comme cet effet négatif est observé au niveau des établissements et non au niveau des élèves, cela n’exclurait donc pas le fait que le classement en RAR ait en revanche un effet positif sur le niveau scolaire des élèves restants, initialement plus faible. Il n’existe malheureusement pas, à notre connaissance, de travaux pouvant infirmer ou confirmer cette hypothèse.

Bibliographie

  • Armand A. et Gille B. (2006), « La contribution de l’éducation prioritaire à l’égalité des chances des élèves », Rapport au ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, La documentation française.
  • Bénabou R., Kramarz F. et Prost C. (2004), « Zones d’éducation prioritaire : quels moyens pour quels résultats ? », Économie et Statistique, n° 380.
  • Beffy M. et Davezies L. (2011), « Has the “Ambition Success” educational program achieved its ambition? », Working Paper.
  • Caille J-P. (2001), « Les collégiens de ZEP à la fin des années quatre-vingt-dix : caractéristiques des élèves et impact de la scolarisation en ZEP sur la réussite », Éducation et Formations, n°61.
  • Fack G. et Grenet J. (2012), Rapport d’évaluation de l’assouplissement de la carte scolaire, École d’économie de Paris.
  • Hagnerelle M. et Pittoors J.P (2011), « La mise en œuvre du programme CLAIR », Rapport au ministère de l’Éducation nationale, La documentation française.
  • Men-Depp (2010), Bilan National des réseaux « ambition réussite », ministère de l’Éducation nationale.
  • MEN-DEPP (2012), Caractérisation du passage du dispositif RAR au dispositif ECLAIR, ministère de l’Éducation nationale.
  • MEN-DGESCO (2011), Vade-mecum programme ECLAIR, ministère de l’Éducation nationale.
  • Stéfanou A. (2009), « Les réseaux «ambition réussite». État des lieux en 2006-2007 », Note d’information, n°09.09, ministère de l’Éducation nationale.

Date de mise en ligne : 20/02/2013

https://doi.org/10.3917/rce.012.0127

Notes

  • [1]
    La politique d’éducation prioritaire avait déjà été réformée deux fois dans les années 1990 avec une extension de la carte des Zones d’éducation prioritaires en 1995 et la création des Réseaux d’éducation prioritaire (REP) et des « contrats de réussite » en 1997. Pour des repères historiques sur la politique d’éducation prioritaire depuis 1981, se référer au site internet du ministère de l’Éducation nationale consacré à l’éducation prioritaire : educationprioritaire.education.fr.
  • [2]
    Le programme Eclair existait sous forme expérimentale en 2010-2011 sous le nom de Clair (Collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite). Pour une analyse de la mise en œuvre de cette expérimentation, voir Hagnerelle et Pittoors (2011).
  • [3]
    Les établissements d’éducation prioritaire non sélectionnés en RAR sont classés en RRS.
  • [4]
    Voir Stéfanou (2009) pour la liste complète des critères.
  • [5]
    Circulaire du 30 mars 2006.
  • [6]
    Plus précisément : en 2011, 82,5 % des collèges Eclair sont des RAR, 12 % sont des RRS et 5,5 % n’étaient auparavant pas en éducation prioritaire (MEN-DEPP, 2012).
  • [7]
    Indicateurs de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF)

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