Couverture de RCE_004

Article de revue

Quelle mesure officielle pour la pauvreté ?

Pages 30 à 33

Notes

  • [1]
    La mesure absolue de la pauvreté par la Banque mondiale a fait l’objet de critiques virulentes pour son imprécision. Voir Thomas Pogge, « Que savons-nous de la pauvreté dans le monde ? », Observatoire des inégalités, 17 mai 2006 : http:// www. inegalites. fr/ spip. php? article= 517
  • [2]
    L’engagement national pris par Nicolas Sarkozy consiste en la baisse d’un tiers de la pauvreté d’ici à 2012.
  • [3]
    Dans le cadre du processus de coordination des politiques (MOC), l’Union européenne coordonne et encourage les actions menées par les États membres en matière de protection et d’inclusion sociales. Des indicateurs communs aux différents pays ont été définis en 2001, lors du sommet de Laeken, et complétés en 2006, afin de suivre les progrès accomplis par les États.
English version

Mesurer la pauvreté relative

1La France a toujours utilisé une mesure relative de la pauvreté, contrairement à d’autres pays (comme les États-Unis et le Canada), ou à la Banque mondiale qui publie, depuis 14 ans, des données sur la pauvreté absolue dans le monde (moins de « un dollar US par jour [1] »). Toutefois, à la différence des autres pays de l’Union européenne, la France a longtemps fixé le seuil de pauvreté à 50 % du revenu médian (revenu qui sépare en deux parts égales la population). Était considéré comme « pauvre » un individu dont les revenus étaient inférieurs à la moitié du revenu médian. Récemment, l’Insee a privilégié le seuil de pauvreté à 60 % du revenu médian afin d’harmoniser son mode de calcul sur celui de l’institut de statistique européen Eurostat. Ce faisant, le taux de pauvreté monétaire a été multiplié par deux. En 2006 par exemple, en retenant un seuil de pauvreté à 50 % du revenu médian, 7,1% de la population française était considérée comme pauvre, contre 13,2 % en retenant le seuil de 60 % du revenu médian (il fallait alors, pour un individu seul, avoir un revenu inférieur à 880 € par mois pour être compté comme pauvre).

2Par ailleurs, l’Insee calcule le taux de pauvreté à partir du « revenu disponible » des ménages (revenu retranché des impôts et augmenté des prestations sociales). Mais, jusqu’à récemment, les revenus du patrimoine et les prestations sociales versées par les caisses d’allocation familiales (CAF) et les mutualités sociales agricoles (MSA) aux ménages étaient mal pris en compte par les enquêtes « Revenus fiscaux ». C’est pourquoi l’Insee a décidé de réviser, à partir des chiffres pour l’année 2006 parus à l’été 2008, son mode de calcul de la pauvreté monétaire. L’intégration des revenus du patrimoine et des transferts sociaux a conduit à élever le revenu disponible médian et donc le seuil de pauvreté d’un point.

Taux de pauvreté aux seuils de 50 et 60 % (en % de la population)

figure im1

Taux de pauvreté aux seuils de 50 et 60 % (en % de la population)

* Rupture de série en 2002. La nouvelle série s’appuie sur les résultats annuels du recensement rénové de la population.
Elle prend également en compte les revenus soumis à prélèvements libératoires.
Champ : individus vivant dans des ménages dont la personne de référence n’est pas étudiante et dont le revenu déclaré est positif ou nul
Source : Insee-DGI, Enquêtes revenus fiscaux, 1996 à 2005 [ONPES, 2008].

Comment évaluer l’action gouvernementale ?

3Pour la première fois en France, un gouvernement s’est fixé un objectif chiffré de réduction de la pauvreté? [2]. Afin d’évaluer son efficacité en matière de lutte contre la pauvreté, le gouvernement s’est doté d’un indicateur principal : le taux de pauvreté ancrée dans le temps. Si cet indicateur ne fait pas partie des 11 indicateurs suivis par l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES), il constitue l’un des 13 indicateurs transversaux d’inclusion sociale définis au niveau européen? [3].

4Le taux de pauvreté ancrée dans le temps est une mesure semi absolue de la pauvreté. Il est calculé l’année n à partir de la définition habituelle du seuil de pauvreté (60 % du revenu médian). L’année n + 1, il est déterminé par la proportion de personnes qui se retrouvent sous le seuil de pauvreté de l’année n, en euros constants (seuil corrigé de l’inflation). En fixant le seuil de pauvreté en début de mandat, et en le corrigeant de l’inflation, le gouvernement se donne donc les moyens d’évaluer son action. Selon l’ONPES [2008], cette méthode permet en effet de mesurer l’amélioration « absolue » des revenus des personnes pauvres entre deux années considérées, indépendamment de l’évolution de la répartition des revenus. Seul entre en compte l’impact de la croissance économique et des politiques publiques dans le calcul de l’évolution du taux de pauvreté.

5Ces dernières années, le taux de pauvreté ancrée dans le temps a connu des évolutions contrastées. Ainsi, alors qu’il a diminué de 40 % entre 1997 et 2002 (sous l’effet de la forte progression des salaires), il n’a baissé que de 22 % entre 2000 et 2005. Pendant les mêmes périodes, le taux de pauvreté relatif (à 60 % du revenu médian) a baissé respectivement de 9 % et de 3 %.

Evolution comparée du taux de pauvreté et du taux de pauvreté ancrée dans le temps (en %)

figure im2

Evolution comparée du taux de pauvreté et du taux de pauvreté ancrée dans le temps (en %)

Source : Insee [ONPES, 2008].

6Plusieurs critiques ont été faites à l’encontre de cet indicateur. Outre le fait qu’il détache la question de la pauvreté de celle des inégalités, le taux de pauvreté ancrée dans le temps diminue quasi mécaniquement sous l’effet de la croissance économique, à distribution des revenus constante [ONPES, 2008]. Par ailleurs, le calcul de l’inflation est soumis à controverse et l’Insee tente d’en améliorer la mesure. Enfin, devant l’inquiétude des associations de voir réduire la lutte contre la pauvreté à la seule pauvreté monétaire, le Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, Martin Hirsch, a intégré au « tableau de bord » de suivi de la pauvreté une batterie d’indicateurs complémentaires, relatifs à des domaines variés (éducation, santé, logement, emploi, etc.).


Date de mise en ligne : 24/09/2008

https://doi.org/10.3917/rce.004.0030

Notes

  • [1]
    La mesure absolue de la pauvreté par la Banque mondiale a fait l’objet de critiques virulentes pour son imprécision. Voir Thomas Pogge, « Que savons-nous de la pauvreté dans le monde ? », Observatoire des inégalités, 17 mai 2006 : http:// www. inegalites. fr/ spip. php? article= 517
  • [2]
    L’engagement national pris par Nicolas Sarkozy consiste en la baisse d’un tiers de la pauvreté d’ici à 2012.
  • [3]
    Dans le cadre du processus de coordination des politiques (MOC), l’Union européenne coordonne et encourage les actions menées par les États membres en matière de protection et d’inclusion sociales. Des indicateurs communs aux différents pays ont été définis en 2001, lors du sommet de Laeken, et complétés en 2006, afin de suivre les progrès accomplis par les États.

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