1Cour de cassation (2e ch. civ.). – 1er décembre 2011.
2Sécurité sociale. — Prestation vieillesse. — Protocole n° 3 á la convention franco-algérienne du 1er octobre 1980. — Période d’activité accomplie en algérie. — Cotisations versées. — Validation gratuite par assimilation. — Conditions. — Discrimination á raison de la résidence ou de la nationaltié (Non). — Refus de prise en compte par l’institution algérienne.
3Les mesures de validation gratuite par assimilation ne peuvent concerner que les personnes, seraient-elles de résidence et de nationalité algériennes, qui ont perdu, en raison des circonstances exceptionnelles dont fait état le protocole n° 3 annexé à la convention franco-algérienne du 1er octobre 1980, les droits qu’elles pensaient avoir acquis auprès des caisses des départements français d’Algérie grâce aux cotisations qu’elles avaient versées et qu’elles démontreraient n’avoir pas été prises en compte par l’institution algérienne (1).
4(M. X. c. Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail de Bourgogne et Franche-Comté)
5La Cour : Sur le moyen unique, qui est recevable : Attendu, selon l’arrêt attaqué (Dijon, 24 septembre 2009), que M. X…, ressortissant algérien résidant en Algérie, a demandé à la caisse régionale d’assurance maladie, devenue la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail de Bourgogne et Franche-Comté (la caisse), la validation gratuite d’une période d’activité salariée qu’il aurait accomplie en Algérie entre le 1er avril 1950 et le 31 décembre 1953 ; que la caisse ayant rejeté sa demande, motif pris qu’il ne remplissait pas en tant qu’Algérien vivant en Algérie les conditions de la validation gratuite prévue par la loi n° 64-1330 du 26 décembre 1964, M. X… a saisi une juridiction de sécurité sociale en invoquant une discrimination à raison de sa nationalité et de sa résidence ;
6Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de le débouter de son recours, alors, selon le moyen, qu’en refusant, en considération de la nationalité algérienne de M. X… et de ce que celui-ci résidait sur le territoire algérien de le faire bénéficier de la validation, par les organismes de sécurité sociale français, des périodes de travail accomplies avant le 1er juillet 1962 sur le territoire du département français d’Algérie, la cour d’appel a méconnu les articles 65, § 1, et 68, § 1, de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres d’une part et la République algérienne démocratique et populaire d’autre part, ensemble l’article 14 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 1er du Protocole n° 1 additionnel à ladite convention ;
7Mais attendu que les circonstances exceptionnelles dont fait état le protocole n° 3 annexé à la convention franco-algérienne du 19 janvier 1965, protocole maintenu en vigueur par l’article 70 de la convention franco-algérienne du 1er octobre 1980, et non remis en cause par l’accord euro-Méditerranée ratifié par la loi du 2 décembre 2003, ont conduit les autorités françaises à imposer aux organismes français chargés du risque vieillesse des mesures législatives de validation gratuite par assimilation de situation, pour les activités professionnelles exercées dans les départements français d’Algérie et du Sahara avant le 1er juillet 1962 ; que ces mesures de validation gratuite par assimilation ne peuvent concerner que les personnes qui ont perdu, en raison de ces circonstances exceptionnelles, les droits qu’elles pensaient avoir acquis auprès des caisses de ces départements grâce aux cotisations qu’elles avaient versées ;
8Et attendu qu’il ne ressort nullement de l’arrêt et des pièces de la procédure que M. X…, présumé aux termes des accords précités être pris en charge pour cette période à raison de sa résidence et de sa nationalité par l’institution algérienne chargée des retraites, se serait vu refuser, motif pris des circonstances exceptionnelles liées à l’indépendance de l’Algérie, la prise en compte par l’institution algérienne des cotisations qu’il aurait versées au régime général des travailleurs salariés des départements français d’Algérie et du Sahara avant le 1er juillet 1962 ;
9Que dès lors, la cour d’appel en refusant la validation gratuite ne s’est pas déterminée à l’égard de M. X… par des motifs qui constitueraient à son encontre une discrimination du fait de sa nationalité ou de sa résidence ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
10Par ces motifs : — Rejette le pourvoi ;
11Du 1er décembre 2011. – Cour de cassation (2e ch. civ.). – Pourvoi n° 10-23.274. – MM. Loriferne, prés., Barthélemy, rapp., Mme de Beaupuis, av. gén. – SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Roger et Sevaux, av.
12(1) 1. L’arrêt commenté, publié au Bulletin, semble faire application du principe de non discrimination en matière de sécurité sociale dans une situation où l’enchevêtrement de normes est source de complications (sur cet arrêt, v. Cahiers sociaux du Barreau de Paris, 1er février 2012, n° 238, p. 47, obs. S. Nouredine, D. actualité, 23 décembre 2011, obs. M. Fontaine). En l’espèce, un ressortissant algérien résidant en Algérie demandait à la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail de Bourgogne et Franche-Comté la validation gratuite, prévue par la loi n° 64-1330 du 26 décembre 1964, d’une période d’activité salariée accomplie en Algérie de 1950 à 1953, donc avant l’indépendance de ce pays.
132. En effet, la convention générale franco-algérienne du 1er octobre 1980 relative à la sécurité sociale prévoit schématiquement, et assez classiquement, que les droits à prestations vieillesse sont à la charge des institutions du pays d’emploi. Mais, par dérogation, d’autres textes imposent aux organismes français de valider à titre gratuit, à certaines conditions, des périodes d’activité exercée dans les départements français d’Algérie et du Sahara avant le 1er juillet 1962. Notamment le protocole n° 3 annexé à la convention franco-algérienne du 19 janvier 1965 (maintenu par la convention de 1980) régit les périodes d’assurance vieillesse accomplies par des ressortissants français en Algérie avant le 1er juillet 1962, et impose aux institutions françaises de prendre en charge ces périodes d’activité lorsque les circonstances exceptionnelles qui ont accompagné l’accession de l’Algérie à l’indépendance empêchent les institutions algériennes d’assumer ces obligations. Ces mesures de validation gratuite par assimilation concernent selon la Cour de cassation dans l’arrêt commenté les seules personnes « qui ont perdu, en raison de ces circonstances exceptionnelles, les droits qu’elles pensaient avoir acquis auprès des caisses de ces départements grâce aux cotisations qu’elles avaient versées ».
143. Il s’agissait donc de savoir si le demandeur, Algérien résidant en Algérie, pouvait bénéficier de cette règle par assimilation aux travailleurs français. L’interdiction de la discrimination par la nationalité est en effet prescrite par la convention franco-algérienne de 1980 qui prévoit que les ressortissants des deux Etats signataires bénéficient de la législation de sécurité sociale dans les mêmes conditions que les nationaux. De même, l’accord euro-Méditerranée du 22 avril 2002 (JOCE 10 octobre 2005, L 265, p. 2, ratifié par la loi n° 2003-1144 du 2 décembre 2003) établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d’autre part (et remplaçant l’accord de coopération signé le 26 avril 1976, règl. CEE n° 2210/78), prévoit l’interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité dans le domaine de la sécurité sociale des ressortissants algériens par rapport aux ressortissants de l’Etat membre d’accueil (v. not. art. 68, § 1) et ses dispositions ont été considérées comme ayant un effet direct par la Cour de justice (CJCE 4 mai 1999, Sürül, aff. C-262/96, pour l’accord avec la Turquie, 13 juin 2006, Ameur Echouikh, aff. C-336/05 pour l’accord avec le Maroc mais se référant à l’accord conclu avec l’Algérie). Le demandeur au pourvoi dans notre espèce alléguait une discrimination fondée sur sa nationalité algérienne et sa résidence en Algérie en violation des articles 14 de la Convention EDH, 1er du protocole n° 1 additionnel à cette convention, 65, § 1 et 68, § 1, de l’accord euro-Méditerranée du 22 avril 2002.
154. La Cour de cassation avait déjà été amenée dans des espèces similaires à se prononcer sur le rejet de demandes de validation gratuite par des caisses de retraite, rejet confirmé par les juges du fond. Elle avait ainsi décidé, dans un arrêt du 4 octobre 1990 (Cass. soc. 4 octobre 1990, n° 87-16.359, Ben Bouaou c/ CRAM du Centre-ouest et autre, Gaz. Pal. 3-5 mars 1991. 62 ; RDSS 1991. 499, obs. P. Chenillet et F. Kessler ; v. aussi, P. Chenillet, « L’immigré et sa vieillesse », in Immigration et protection sociale, réédité et mis à jour en 1990, éd. Sirey, série Actions, p. 111 s.), que la nationalité algérienne du demandeur faisait obstacle à l’application de la loi du 26 décembre 1964 qui ne vise que les ressortissants français et que le principe d’égalité affirmé par les conventions franco-algériennes ne saurait faire échec à cette solution. Dans une autre affaire, en tous points semblable à celle sous examen (Cass. soc. 31 janvier 2002, n° 00-12.431, Publiée au Bulletin), la Cour de cassation devait se prononcer sur un arrêt de la Cour d’appel de Riom qui avait accueilli le recours du demandeur, Algérien résidant en Algérie, contre une caisse de retraite, au motif que la convention franco-algérienne de 1980 combinée à l’accord euro-Méditerranée de 1976 (règl. CEE n° 2210/78, remplacé par l’accord de 2002, préc.) empêchaient respectivement de tenir compte de la résidence en Algérie et de la nationalité algérienne de l’intéressé. La décision est cassée au motif que l’article 39 du règlement CEE n° 2210/78 du 26 septembre 1978 portant accord de coopération entre la Communauté économique européenne et l’Algérie ne vise que les ressortissants algériens ayant leur résidence dans un Etat membre et que les conventions franco-algériennes sur la sécurité sociale de 1965 et 1980 ne concernent que les ressortissants français.
165. Dans l’espèce commentée, le demandeur n’obtient, au fond, pas plus de succès puisque la Cour de cassation approuve le refus de validation gratuite opposé par la caisse. La motivation de l’arrêt et sa publication au Bulletin laissent toutefois penser que la Cour de cassation a infléchi sa jurisprudence. En effet, elle relève que le rejet de la validation gratuite repose sur l’absence de démonstration du refus de prise en charge des périodes litigieuses par l’institution algérienne et non sur « des motifs qui constitueraient (à l’encontre du demandeur) une discrimination du fait de sa nationalité ou de sa résidence ». Ainsi, la validation gratuite par les institutions françaises ne pourrait être envisagée que si les institutions algériennes, institutions du pays d’emploi (et donc en principe redevables des prestations) sont empêchées de le faire en raison des fameuses circonstances exceptionnelles entourant l’accession à l’indépendance de l’Algérie (notion qui mériterait peut-être une définition plus précise), solution qui semble en parfaite conformité avec les textes (même si in concreto l’intéressé peut éprouver des difficultés, notamment probatoires, à faire valoir ses droits, v. sur ce point S. Nouredine, obs. préc.). Mais dans un tel cas, la Cour de cassation semble admettre a contrario qu’un refus de prise en charge fondé uniquement sur la nationalité ou la résidence de l’intéressé constituerait une discrimination prohibée.
176. Cette solution doit être approuvée et paraît conforme aux textes applicables qui interdisent toute discrimination en raison de la nationalité (v. not. pour une application, CJCE 13 juin 2006, aff. C-336/0, préc.). L’innovation pourrait toutefois venir de l’interdiction de la discrimination fondée sur le critère de la résidence (dans l’arrêt de la CJCE de 2006, l’intéressé, de nationalité marocaine, résidait en France). En effet, la loi de 1964 subordonne le bénéfice des droits qu’elle édicte à la résidence en France des intéressés. Quant à l’accord euro-Méditerranée de 2002 et aux conventions franco-algériennes de 1965 et 1980, ils ne font état que de l’interdiction de la discrimination par la nationalité. En outre, on sait que la Cour de justice comme la Cour EDH, si elles prohibent de façon très nette toute discrimination fondée sur la nationalité (CEDH 28 octobre 2010, n° 40080/07, Fawsie c/ Grèce, AJDA 2011. 889, chron. L. Burgorgue-Larsen, Saidoun c/ Grèce, n° 40083/07, AJDA 2011. 889, chron. L. Burgorgue-Larsen ; CJUE 22 juin 2011, aff. C-399/09, Landtová, AJDA 2011. 1614, chron. M. Aubert, E. Broussy et F. Donnat, O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert, K. Parrot, « Panorama de droit des étrangers et de la nationalité », D. 2012. 390, spéc. p. 401 ; dans le même sens, Cons. const., 4 février 2011, n° 2010-93 QPC, AJDA 2011. 247), permettent en matière de prestations sociales une certaine adaptation des solutions en fonction de ce que l’on pourrait appeler le statut migratoire des intéressés, et de leur résidence, notamment pour les prestations à caractère non contributif (ce qui n’est pas, il est vrai, le cas en l’espèce) (CJUE 21 juillet 2011, aff. C-325/09, Dias, RDT 2011. 589, obs. J. Porta et S. Robin-Olivier ; RTD eur. 2011. 604, obs. S. Robin-Olivier ; et, dans un sens similaire, CEDH 27 sept. 2011, n° 56328/07, Bah c/ Royaume-Uni. Sur la condition de résidence en matière de sécurité sociale dans le cadre du droit européen, v. par ex. P. Rodière, Rép. Dalloz, Droit international, v° Sécurité sociale, 2010, not. n° 336 s. ; F. Kessler, Rép. Dalloz Droit communautaire, v° Sécurité sociale, 2012, spéc. n° 143 s., S. Robin-Olivier, « Le contrôle des conditions d’octroi des prestations de sécurité sociale au nom de la libre circulation », RTD eur. 2011. 607). La solution retenue par l’arrêt commenté devra en conséquence être précisée et confirmée.
18Natalie Joubert
19Cour de cassation (2e Ch. civ.). – 16 décembre 2011.
20Sécurité sociale. — Prestations familiales. — Bénéficiaires. — Enfant mineur étranger résidant en France. — Conditions. — Production du certificat médical délivré par l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations.
21Convention européenne des droits de l’homme. — Article 8. — Respect de la vie familiale. — Compatibilité. — Code de la sécurité sociale. — Article L. 512-2. — Portée.
22Convention internationale sur les droits de l’enfant. — Article 3.
23Il résulte de l’article L. 512-2 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de l’article 89 de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 et sous la réserve énoncée par le Conseil constitutionnel, de l’article D. 512-2 2° du même code, introduit par le décret du 27 février 2006 pris pour l’application de la loi précitée, ainsi que des articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, outre l’article 3 de la Convention internationale sur les droits de l’enfant que, répondant à l’intérêt de la santé publique et à l’intérêt de la santé de l’enfant, la production du certificat médical délivré par l’Office des migrations internationales, devenu l’Agence nationale pour l’accueil des étrangers et des migrations, exigé à l’appui de la demande de prestations familiales du chef d’un enfant étranger, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale (1).
24(M. et Mme X. c. Caisse d’allocations familiales de Lille)
25La Cour : — Sur le moyen unique : Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 30 avril 2010), que M. et Mme X…, de nationalité algérienne, qui sont arrivés en France le 12 mars 2002 avec leurs trois enfants, Sarah, Imad et Ayoub, ont sollicité, le 26 septembre 2002, auprès de la caisse d’allocations familiales de Lille (la caisse), le bénéfice des prestations familiales ; que la caisse a rejeté leur demande, le 27 juin 2006, au motif que les intéressés ne justifiaient pas de la régularité de l’entrée et du séjour de leurs enfants en France ; que M. X… a saisi une juridiction de sécurité sociale d’un recours ; Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de limiter à la période du 10 février 2005 au 28 février 2006 son droit à percevoir les prestations familiales, alors, selon le moyen, que si la loi nouvelle s’applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur, elle ne peut remettre en cause la validité d’une situation régulièrement constituée à cette date ; qu’ayant constaté que les époux avaient droit aux prestations familiales pour leurs trois enfants nés en Algérie à compter du 10 février 2005 en raison de la régularité de leur séjour en France, l’arrêt attaqué a donc nécessairement considéré que, en application de l’article L. 512-2 ancien du code de la sécurité sociale, la régularité de leur situation justifiait l’attribution de plein droit des prestations familiales, peu important l’absence de preuve de la régularité de la situation des enfants ; qu’en retenant néanmoins qu’en application du décret du 27 février 2006, entré en vigueur le 28 février suivant, les conditions d’attribution du droit aux prestations familiales n’étaient plus satisfaites à compter du 28 février 2006 faute de preuve de la régularité de la situation des enfants, il a présupposé qu’une situation valablement constituée sous l’empire de la loi ancienne n’était plus valable en application du droit nouveau ; qu’en remettant ainsi en cause la validité d’une situation régulièrement constituée sous l’empire du droit ancien, la cour d’appel a violé ensemble l’article 2 du Code civil et l’article D. 512-2 actuel du Code de la sécurité sociale ;
26Mais attendu que la loi du 19 décembre 2005 et le décret du 27 février 2006 ont modifié pour l’avenir les conditions d’attribution des prestations familiales et que ces nouvelles dispositions législatives et réglementaires revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un état démocratique d’exercer un contrôle des conditions d’accueil des enfants ; Et attendu que l’arrêt énonce à juste titre qu’il résulte de l’article L. 512-2 précité dans sa rédaction résultant de l’article 89 de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 et sous la réserve énoncée par le Conseil constitutionnel, de l’article D. 512-2 2° du même code, introduit par le décret du 27 février 2006 pris pour l’application de la loi précitée, ainsi que des articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, outre l’article 3 de la Convention internationale sur les droits de l’enfant que, répondant à l’intérêt de la santé publique et à l’intérêt de la santé de l’enfant, la production du certificat médical délivré par l’Office des migrations internationales, devenu l’Agence nationale pour l’accueil des étrangers et des migrations, exigé à l’appui de la demande de prestations familiales du chef d’un enfant étranger, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale ; Que la cour d’appel en a exactement déduit, sans remettre en cause un droit définitivement acquis, que les époux X… ne justifiant d’aucun certificat médical délivré par l’Office des migrations internationales, devenu l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations, ni d’aucune régularisation de la situation de leurs enfants au titre de la procédure de regroupement familial, ne pouvaient percevoir les prestations familiales afférentes à l’entretien et à l’éducation de leurs enfants au-delà du 28 février 2006 ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
27Par ces motifs : — Rejette.
28Du 16 décembre 2011. – Cour de cassation (2e Ch. civ.). – Pourvoi n° 10-26.216. – M. Loriferne, prés. – SCP Blanc et Rousseau, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, av.
291. Les conditions d’attribution des prestations familiales à des familles étrangères ont fait l’objet depuis quelques années d’un contentieux important qui a connu dernièrement un rebondissement dans le sens d’une restriction notable des droits accordés aux familles. Les arrêts commentés, non publiés, de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation permettent de constater que la Haute juridiction persiste dans cette récente jurisprudence issue de deux arrêts de son Assemblée plénière en date du 3 juin 2011 (pourvois n° 09-69.052 et n° 09-71.352) affirmant la conformité aux engagements internationaux de la France, des articles L. 512-1, L. 512-2 et D. 512-2 du Code de la sécurité sociale (dans leur rédaction issue respectivement de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, L. n° 2005-1579, 19 décembre 2005, JO 20 décembre 2005 et de son décret d’application, décr. n° 2006-234, 27 février 2006, JO 28 février 2006 ; sur ces arrêts, v. JCP G 2011. 839, n° 4, obs. Y. Favier ; AJ fam. 2011. 375, obs. I. Sayn, JCP S 2011. 1380 ; note A. Devers D. 2011. 1625, et 1995, obs. A. Gouttenoire ; AJDA 2011. 1920 ; RDSS 2011. 738, note T. Tauran ; RTD civ. 2011. 735, obs. P. Rémy-Corlay ; V. aussi, A. Devers, « Le droit aux prestations familiales des enfants étrangers : suite et fin ? », Dr. fam. 2006. comm. 45).
302. Les faits à l’origine de cette jurisprudence nourrie (v., partageant les motifs du présent arrêt, Cass. civ. 2e, 20 janvier 2012, n° 10-27.871 et 15 mars 2012 n° 10-28.856 et n° 10-28.857) sont en général sensiblement les mêmes : une famille dont les parents séjournent régulièrement en France se voit refuser l’attribution par la caisse d’allocation familiale (CAF) de prestations familiales au titre de leurs enfants, au motif que ces derniers ne seraient pas entrés en France par le biais de la procédure de regroupement familial. La question posée aux juridictions françaises est toujours celle de la compatibilité de cette solution avec les articles 8 et 14 de la Convention EDH et 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant. Pour comprendre ces arrêts, un bref retour sur l’évolution législative paraît nécessaire. Avant la loi de 2005, la législation subordonnait l’octroi des prestations familiales à la régularité du séjour des parents et des enfants.(CSS, art. L. 512-1 et L. 512-2 anciens). La preuve de la régularité de l’entrée et du séjour en France de l’enfant pouvait être établie par la production de différents documents, dont le certificat de contrôle médical délivré par l’Office national de l’immigration (ONI, aujourd’hui remplacé par l’Office Français de l’immigration et de l’intégration, OFII). Toutefois la Cour de cassation avait décidé notamment par un arrêt de son Assemblée plénière (Cass., ass. plén., 16 avril 2004, n° 02-30.157 : Juris-Data n° 2004-023421 ; Bull. civ. ass. plén., n° 8 ; Dr. fam. 2004. comm. 135, note A. Devers ; Dr. soc. 2004. 776, rapp. A. Coeuret ; RDSS 2004. 964, note I. Daugareilh ; cette Revue, 2005. 47, note P. Klötgen ; D. 2004. 2614, obs. X. Prétot) que les étrangers résidant régulièrement en France avec leurs enfants mineurs bénéficiaient de plein droit des prestations familiales. Cette affirmation laissait penser que seule la régularité du séjour des parents était exigée, et d’ailleurs la Cour avait ensuite affirmé que « le fait de subordonner à la production d’un justificatif de la régularité du séjour des enfants mineurs le bénéfice des prestations familiales portait une atteinte disproportionnée au principe de non-discrimination et au droit à la protection de la vie familiale » (Civ. 2e, 6 décembre 2006, n° 05-12.666, Juris-Data n° 2006-036337 ; Bull. civ. I, n° 342 ; Dr. fam. 2007. comm. 74, note A. Devers).
313. La loi du 19 décembre 2005, validée par le Conseil constitutionnel sur ce point (Cons. const. 15 décembre 2005, décis. n° 2005-528 DC, cons. n° 14) est venue mettre un terme à cette jurisprudence en exigeant que les enfants soient entrés de façon régulière en France dans le cadre de la procédure de regroupement familial (art. L. 512-2 CSS). L’obligation de production du certificat de contrôle médical de l’enfant que l’OFII délivre à l’issue de cette procédure permet de vérifier la réalisation de cette nouvelle condition. La Cour de cassation a alors affirmé que la production de ce certificat, et, en conséquence, l’exigence que l’enfant soit entré en France par le biais de la procédure de regroupement familial, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale (Cass. civ. 2e, 15 avril 2010, n° 09-12.911, D. 2010. 1223, et 1904, obs. A. Gouttenoire et P. Bonfils ; JCP G 2010. 666, note J.-P. Lhernould ; RDSS 2010. 572, obs. T. Tauran et Cass., ass. plén., 3 juin 2011, préc.), qu’elle répond à un intérêt de santé publique et a un caractère objectif justifié par la nécessité d’exercer un contrôle des conditions d’accueil des enfants.
324. Les dispositions du Code de la sécurité sociale ne portent donc plus, selon la Cour de cassation, (contrairement à ce qu’elle affirmait en 2004) une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention EDH, et ne méconnaissent pas davantage les dispositions de l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant. Précisons, en outre, que la Cour dans les arrêts commentés reprend la solution d’application dans le temps de la loi de 2005 affirmée par l’Assemblée plénière en juin 2011. Ainsi, cette loi ne s’applique que pour l’avenir c’est-à-dire à partir du 28 février 2006 date d’entrée en vigueur de son décret d’application et permet donc aux enfants entrés en dehors de la procédure de regroupement familial d’ouvrir droit aux prestations familiales jusqu’à cette date.
335. S’il peut apparaître légitime qu’un Etat fixe les conditions d’attribution des prestations sociales versées sur son territoire, notamment pour des raisons évidentes de maîtrise des dépenses sociales, la solution confirmée par les arrêts commentés paraît peu justifiée. Il ne semble, en effet, pas souhaitable que le droit de la sécurité sociale devienne « un auxiliaire du droit des étrangers dont la mission serait de maîtriser l’immigration des enfants » (selon les termes d’A. Devers, note préc., JCP S 2011. 1380). En outre, le mineur étranger devrait bénéficier d’une protection renforcée en raison de sa vulnérabilité (op. cit., v. aussi la note critique de J.-P. Lhernould, JCP G 2010. 666, préc., notamment sur l’absence de proportionnalité de la mesure et sur son absence de compatibilité avec les sources internationales). C’est d’ailleurs ce qui justifie que ce mineur ne soit susceptible de faire l’objet ni d’une obligation de quitter le territoire ni d’une expulsion (en revanche les conditions de mise en œuvre de la procédure de regroupement familial sont particulièrement exigeantes et longues, ce qui explique sans doute en partie leur contournement par les intéressés, v. not. rapp. F. Monéger sous Cass., ass. plén., 3 juin 2011, consultable en ligne sur le site de la Cour de cassation). Dès lors, la solution retenue par la loi et appuyée par la Cour de cassation revêt une certaine incohérence puisqu’elle conduit à refuser à des parents pourtant en situation régulière en France des prestations nécessaires à l’entretien et à l’éducation (en l’espèce l’un des enfants aurait dû bénéficier en outre d’une allocation d’éducation d’enfant handicapé) d’enfants dont le maintien en France est inéluctable. On sait qu’en principe les solutions concernant les enfants doivent être prioritairement guidées par leur intérêt supérieur (v. A. Gouttenoire, « La famille dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme 2008-2009 », Dr. fam. 2010. étude 1, n° 12-25 ; v. égal. la position critique de la HALDE devenue Défenseur des droits sur ces questions, position de la HALDE, par ex., délib. n° 2009-342, du 5 octobre 2009). Il n’est pas sûr que tel soit le cas ici.
34Natalie Joubert
35Cour de cassation (1re Ch. civ.). – 5 janvier 2012
36Maintien en rétention. — Prolongation. — Allégation de minorité. — Expertise osseuse. — Art. L. 221-5 CESEDA. — Assistance d’un administrateur ad hoc. — Inapplicabilité.
37Les dispositions de l’article L. 221-5 du CESEDA, prévoyant la désignation d’un administrateur ad hoc lorsqu’un mineur non accompagné d’un représentant légal n’est pas autorisé à entrer en France, ne sont pas applicables à un étranger se trouvant non pas maintenu en zone d’attente mais placé en rétention administrative de sorte que l’expertise osseuse, pratiquée en vue de la détermination de l’âge et réalisée sans assistance d’un représentant ad hoc, n’est pas entachée d’irrégularité (1).
38(Préfet de l’Ariège c. M. X.)
39La Cour : — Attendu que le mémoire ampliatif lui ayant été signifié le 13 avril 2011, le préfet de l’Ariège disposait, en application de l’article 982 du Code de procédure civile, d’un délai de deux mois, à compter de cette date, pour remettre au greffe un mémoire en réponse ; Que le mémoire en défense, déposé le 22 juin 2011, est donc irrecevable ;
40Sur le moyen unique : Attendu, selon l’ordonnance attaquée (Toulouse, 18 mai 2010) et les pièces de la procédure, que M. X…, de nationalité congolaise, en situation irrégulière en France, a été placé en garde à vue le 13 mai 2010 ; que, le même jour, le préfet de l’Ariège a pris à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière et une décision de placement en rétention administrative ; que cette mesure a été prolongée pour quinze jours par un juge des libertés et de la détention ; Attendu que M. X… fait grief à l’ordonnance d’avoir confirmé cette décision alors, selon le moyen, que dans l’hypothèse où un étranger mineur n’est pas autorisé à entrer en France sans qu’il soit accompagné d’un représentant légal, l’article L. 221-5 du Code de l’entrée et du séjour et du droit d’asile des étrangers impose à l’autorité administrative d’en aviser le procureur de la République qui doit lui désigner sans délai un administrateur ad hoc lequel assiste le mineur durant son maintien en zone d’attente et assure sa représentation dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives à ce maintien ; que M. X… a soutenu dans ses conclusions, que l’expertise osseuse pratiquée à son égard, afin de déterminer s’il était majeur, était irrégulière dès lors qu’il n’avait pas été assisté d’un administrateur ad hoc, comme l’exige l’article L. 221-5 du Code de l’entrée et du séjour et du droit d’asile des étrangers, qu’en se déterminant sur cette expertise pour décider que M. X… était majeur sans répondre au moyen tiré de la violation l’article L. 221-5 du Code de l’entrée et du séjour et du droit d’asile des étrangers qui imposait la désignation d’un administrateur ad hoc, le conseiller délégataire n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du Code de procédure civile ;
41Mais attendu que M. X…, se trouvant non pas maintenu dans une zone d’attente mais placé en rétention administrative, les dispositions de l’article L. 221-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne lui étaient pas applicables ; d’où il suit que le moyen est inopérant ;
42Par ces motifs : — Déclare irrecevable le mémoire en défense ; rejette le pourvoi.
43Du 5 janvier 2012. – Cour de cassation (1re Ch. civ.). – Pourvoi n° 10-26.796. – M. Charruault, prés. – SCP Boullez, SCP Odent et Poulet, av.
44(1) Le régime français de la protection des mineurs étrangers isolés comporte des lacunes que l’arrêt rapporté révèle avec une particulière netteté. Le CESEDA institue une protection des mineurs non accompagnés à différents stades de leur présence en France. Le premier stade est celui de l’entrée sur le territoire. Lorsque l’entrée est refusée à un mineur non accompagné et que celui-ci est placé en zone d’attente, l’article L. 221-5 impose la désignation d’un administrateur ad hoc (M. Farge, « Le mieux est-il l’ennemi du bien ? – A propos de la représentation des mineurs étrangers isolés placés en zone d’attente », Dr. fam. 2006. étude 34). De même, lorsqu’un mineur non accompagné forme une demande d’asile, il est représenté dans ses démarches par un administrateur ad hoc (art. L. 751-1). Si le mineur se trouve déjà sur le territoire, il bénéficie d’une double protection. D’une part, aucune obligation de quitter le territoire français ne peut être prononcée à son encontre, conformément à l’article L. 511-4, 1°. D’autre part, d’après l’article L. 521-4, un mineur ne peut pas non plus faire l’objet d’une mesure d’expulsion. C’est ce qui explique qu’un mineur ne peut pas être placé en rétention administrative puisque celle-ci s’applique exclusivement aux étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement et qui ne peuvent pas quitter immédiatement le territoire français (art. L. 551-1). L’unique hypothèse où un mineur peut se retrouver « légalement » dans un centre de rétention administrative est celle dans laquelle ses parents font l’objet d’un placement en rétention et où le mineur les y accompagne, afin de ne pas être séparé de sa famille (ce qui n’est pas sans poser de problèmes, notamment pour les mineurs en bas âge : CEDH 19 janvier 2012, Popov c/ France, req. n° 39472/07 et 39474/07, condamnant la France notamment pour violation de l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants). Toute cette protection ne s’applique évidemment que si l’intéressé n’a pas atteint l’âge de la majorité. Or, souvent les mineurs ne sont pas munis de documents d’état civil fiables. La détermination scientifique de leur âge constitue alors un enjeu majeur, notamment pour ceux qui sont proches de la majorité et dont l’apparence physique ne révèle pas avec évidence leur minorité. L’administration recourt de plus en plus souvent à des tests osseux, dont la fiabilité est pourtant scientifiquement discutée. Selon l’Académie nationale de médecine, les expertises osseuses ne permettent pas de distinction nette entre 16 et 18 ans, la marge d’erreur pouvant atteindre dix-huit mois (rapport du 16 janvier 2007 ; v. aussi circ. min. Justice n° CIV/01/05, 14 avr. 2005). Il n’est ainsi pas rare que deux tests réalisés sur la même personne aboutissent à des résultats différents (v. par ex. Cass. civ. 1re, 10 mai 2006, pourvoi n° 04-50.149, Bull. civ. I, n° 229, p. 202, conduisant la Cour de cassation à rappeler que l’appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve relève du pouvoir souverain des juges du fond). C’est ce qui explique que ces tests soient controversés et que de nombreuses associations de défense des mineurs demandent que l’on cesse de les utiliser dans le cadre des procédures civiles et administratives (v. aussi par ex. la récente question au gouvernement posée par M. J.-P. Sueur, n° 19724, JO Sénat, 4 août 2011, p. 2014). Pourtant, leur utilisation est très fréquente à l’heure actuelle. Cette pratique n’est pas sans lien avec le nombre relativement important de mineurs étrangers isolés qui arrivent en France. Dans certains départements, les services de l’Aide sociale à l’enfance sont saturés, et les élus accusent l’Etat de se dérober à ses responsabilités, laissant les collectivités territoriales supporter seules la charge financière en résultant (J.-F. Martini, Plein droit, n° 92, mars 2012. 11 s.). Dans ce contexte économique et social, le souci de ne pas accueillir de « faux mineurs » devient omniprésent, ce qui explique le recours accru aux tests osseux. Or, si le test n’est pas pratiqué dans le cadre d’un maintien en zone d’attente, ni dans le cadre d’une demande d’asile, le mineur ne bénéficie d’aucune protection. C’est précisément ce qui est arrivé au requérant dans l’affaire commentée.
45En l’espèce, un ressortissant congolais en situation irrégulière a été placé en garde à vue puis en rétention administrative sur le fondement d’un arrêté de reconduite à la frontière. Une expertise osseuse a été pratiquée sur lui, afin de déterminer s’il était mineur. Selon les conclusions de l’expertise, « [… il y a eu soudure de toutes les épiphyses, toutes les dents molaires M 3 (dents de sagesse) sont totalement sorties et la puberté est complète ; que ces éléments communs sont communs à toutes les ethnies pour qualifier un âge adulte donc supérieur à 18 ans » (ord. de la Cour d’appel de Toulouse du 18 mai 2010). Or, malgré l’allégation de sa minorité, l’intéressé n’a bénéficié d’aucune assistance lors de l’expertise. Sur le fondement de ces résultats médicaux, le maintien en rétention administrative a été prolongé par le juge des libertés et de la détention pour une période de quinze jours. Le recours de l’intéressé est dirigé contre cette décision de prolongation. Il est fondé sur l’article L. 221-5 du CESEDA selon lequel : « Lorsqu’un étranger mineur non accompagné d’un représentant légal n’est pas autorisé à entrer en France, le procureur de la République, avisé immédiatement par l’autorité administrative, lui désigne sans délai un administrateur ad hoc. Celui-ci assiste le mineur durant son maintien en zone d’attente et assure sa représentation dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives à ce maintien. Il assure également la représentation du mineur dans toutes les procédures administratives et juridictionnelles afférentes à son entrée en France […] ». Le requérant soutenait que, faute d’avoir été représenté par un administrateur ad hoc, l’expertise osseuse était irrégulière, ce qui aurait dû conduire le juge des libertés et de la détention à mettre fin à la rétention administrative. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi, en précisant que l’article L. 221-5 est seulement applicable lorsqu’un mineur est maintenu en zone d’attente et non lorsqu’il est maintenu en rétention administrative. L’expertise pouvait dès lors être pratiquée sans désignation d’un administrateur ad hoc. Une brève analyse de la formulation de l’article L. 221-5 du CESEDA permettra de montrer que cette conclusion s’impose effectivement (I). Il conviendra alors de se demander si l’intéressé aurait pu bénéficier d’un régime de protection sur un autre fondement (II).
46I. — L’article L. 221-5 vise explicitement l’hypothèse d’un refus d’entrée sur le territoire suivi d’un maintien en zone d’attente. La disposition se trouve dans un titre du Code qui est consacré au « maintien en zone d’attente » et, plus précisément, dans un chapitre relatif aux « conditions du maintien en zone d’attente ». Or, l’intéressé n’a pas été maintenu en zone d’attente, mais en rétention administrative. Il se trouvait donc déjà sur le territoire français. La solution consacrée par la Cour de cassation dans l’arrêt commenté, selon laquelle l’article L. 221-5 n’est pas applicable à un tel cas de figure, n’est donc pas contestable. On cherche alors en vain une règle comparable à celle de l’article L. 221-5 dans les dispositions du Code relatives à la rétention administrative puisque, par principe, aucun mineur ne peut être placé en rétention. Mais ce que cette logique purement abstraite omet, c’est que la preuve de l’âge peut être problématique. Un mineur peut ainsi tout à fait faire l’objet d’un placement en rétention, à la suite d’une fausse appréciation de son âge. Lorsqu’il allègue alors sa minorité, une expertise devient indispensable, mais le législateur n’a prévu aucune protection du mineur dans cette situation. Or, compte tenu de l’importance de l’enjeu de l’expertise, de l’atteinte à l’intégrité corporelle qu’elle implique et de la valeur scientifique aléatoire de la méthode, le « peut-être mineur » a, de toute évidence, besoin d’une protection à cette occasion, ce qui conduit à s’interroger maintenant sur l’existence de fondements alternatifs à la protection.
47II. — L’intéressé dispose, tout d’abord, de la possibilité de former un recours devant le tribunal administratif contre l’arrêté de reconduite à la frontière ou l’obligation de quitter le territoire français, ainsi que contre la décision de placement en rétention administrative. Ces derniers sont entachés d’illégalité lorsqu’ils se rapportent à un mineur. Toutefois, le requérant peut se heurter ici à des obstacles tout à fait inattendus. En témoigne un arrêt récent du Conseil d’Etat du 30 décembre 2011 (n° 350458, JCP A 2012. act. 41). Dans cette affaire, le requérant avait été hébergé par l’Aide sociale à l’enfance, mais un test osseux ayant conclu à sa majorité, l’ASE a mis fin à l’hébergement. L’intéressé a demandé au juge administratif d’enjoindre au département concerné de le prendre en charge au titre de l’ASE. Or, le recours a été jugé irrecevable par le Conseil d’Etat, aux motifs qu’un mineur non émancipé ne dispose pas de la capacité pour agir en justice et que la demande aurait dès lors dû être présentée par une personne habilitée à représenter le mineur. L’intéressé était donc majeur pour l’ASE et mineur pour le Conseil d’Etat… ! Compte tenu du risque d’un tel dysfonctionnement dans l’articulation de l’intervention des différentes autorités françaises, on ne doit peut-être pas placer un espoir démesuré dans l’exercice de cette voie de recours.
48Si l’on se tourne du côté du droit civil, il convient de citer l’article 16-3 du Code civil, selon lequel toute atteinte à l’intégrité du corps humain suppose que le consentement de l’intéressé soit recueilli préalablement. Le principe du consentement préalable est également posé par l’article 16-10 du Code civil, concernant l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques, ainsi que par l’article L. 1111-4 du Code de la santé publique pour l’accomplissement de tout acte médical. Ces dispositions françaises traduisent une exigence plus générale de consentement posée par différents textes internationaux. Pour n’en citer qu’un seul, l’article 3, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose que « dans le cadre de la médecine et de la biologie, doivent notamment être respectés : a) le consentement libre et éclairé de la personne concernée, selon les modalités définies par la loi ; […] ». Il ressort de cet aperçu rapide des textes qu’il ne fait aucun doute qu’une expertise osseuse ne peut être pratiquée qu’avec le consentement de l’intéressé. Or, si l’intéressé est un mineur, seuls ses représentants légaux peuvent autoriser l’acte. S’agissant de mineurs non accompagnés, les représentants légaux font évidemment défaut. Toutefois, le règlement n° 2201/2003 Bruxelles II bis permet au juge français, en cas d’urgence, de prendre des mesures provisoires ou conservatoires prévues par la loi française, concernant les mineurs étrangers présents sur le territoire. Le juge français pourrait-il, sur ce fondement, désigner un administrateur ad hoc pour représenter et assister le mineur à l’occasion de l’expertise osseuse ? L’article 375 du Code civil permet au juge d’ordonner des mesures d’assistance éducative « si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ». Ce texte pourrait-il servir de fondement à la désignation de l’administrateur ad hoc ? Quelle que soit la réponse, ce raisonnement ne saurait masquer le cercle vicieux auquel on se heurte inévitablement ici : tant que le test osseux n’a pas été réalisé, on ne sait pas avec certitude si l’intéressé est mineur, mais s’il est effectivement mineur, le test ne peut être pratiqué qu’avec l’autorisation de son représentant légal…
49Pour sortir du cercle vicieux, on peut envisager la situation soit sous l’angle de la protection des mineurs, soit sous celui de la politique migratoire. La première approche conduit à désigner un administrateur ad hoc sur le fondement du bénéfice du doute. La seconde conduit à accorder la protection seulement une fois que le test aura établi la minorité. Seule la première approche nous convainc. La lacune dans la protection française des mineurs étrangers isolés doit, par conséquent, être comblée par le législateur. Tout comme dans les procédures d’asile et de maintien en zone d’attente, le « peut-être mineur » doit pouvoir bénéficier d’un administrateur ad hoc à l’occasion de la réalisation d’un test osseux dans le cadre d’une mesure d’éloignement.
50Sabine Corneloup