Notes
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[1]
Ange Politien, Les Silves, éd. et trad. de P. Galland, Paris, Les Belles Lettres, 1987, p. 300-301.
-
[2]
Le terme est utilisé par John H. Elliot, dans The Old World and the New, 1492-1650, Cambridge, Cambridge University Press, 1970, p. 21.
-
[3]
C’est le cas par exemple de Giovanni da Verrazano, qui compare la vie des indigènes de Virginie à celle des hommes de l’âge d’or.
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[4]
Corin Braga explique très bien cette ambivalence dans les récits relatant les voyages dans le Nouveau Monde, et le recours à des schémas connus, édéniques ou infernaux, pour décrire ces nouvelles races, dans Corin Braga, « La transposition des mirabilia asiatiques dans l’Amérique des explorateurs de la Renaissance », dans Anna Caiozzo et Anne-Emmanuelle Demartini (dir.), Monstres et imaginaire social. Approches historiques, Paris, Creaphis, 2008, p. 65-81.
-
[5]
Jean Céard, « Monstres et monstruosité à la Renaissance », dans Anna Caiozzo et Anne-Emmanuelle Demartini (dir.), Monstres et imaginaire social…, op. cit., p. 206.
-
[6]
Ibid., p. 203-218.
-
[7]
La troisième œuvre du cycle est le panneau intitulé Le Retour de la chasse (Metropolitan Museum of Art, New York).
-
[8]
Concernant cette série, il faut notamment citer les études d’Elinor Myara Kelif, L’Imaginaire à la Renaissance, Turnhout, Brepols, coll. « Études renaissantes », 2017, p. 451-458 ; Dennis Geronimus, Piero di Cosimo. Visions Beautiful and Strange, New Haven-London, Yale University Press, 2006, p. 123-141 ; Erwin Panofsky, « The Early History of Man in a Cycle of Paintings by Piero di Cosimo », Journal of the Warburg and Courtauld Institues, 1, 1, 1937, p. 12-30.
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[9]
Ulisse Aldrovandi, Monstrorum historia, Nicolai Tebaldini, 1642.
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[10]
Ibid., p. 23, 24 et 31 pour les satyres et les centaures.
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[11]
Ibid., p. 19 et 20 pour l’homme et la femme sauvages.
1Tout comme les récits de voyage peuplaient les contrées lointaines de créatures monstrueuses vivant aux côtés de peuplades exotiques, une certaine représentation des origines de l’humanité à la Renaissance associe la figure du monstre, mi-homme, mi-animal, à l’être primitif, livrant une autre version de l’évolution humaine. Cette démarche commune dans l’évocation de l’ailleurs et de l’antan fait du monstrueux un marqueur fort de l’altérité, l’inconnu ou le méconnu laissant place à l’invenzione.
« [P]endant longtemps, plongées dans d’obscures ténèbres, race neuve d’êtres incultes, ces créatures, menaient une vie dépourvue de toute coutume et de toute loi, et, bien qu’elles fussent humaines, vivaient à l’aventure à la façon des bêtes sauvages… »
2Alors qu’à la Renaissance le récit dominant sur les origines de l’humanité est nostalgique parce que conforme au récit biblique ou mythologique, une autre vision émerge, favorisée par la redécouverte du De rerum natura de Lucrèce, proposant une version primitiviste. Un cycle peint à Florence à la fin du xve siècle, dans lequel le monstre occupe une fonction symbolique et sémantique de premier ordre, témoigne de l’épineuse question de la représentation de l’aube de l’humanité à la Renaissance et du débat suscité alors ; lorsque l’humain et l’animal fusionnent, au-delà de l’aspect monstrueux c’est la traduction de l’origine bestiale et de l’évolution humaine qui est en jeu.
Le monstre à la marge
3La définition du monstrueux à la Renaissance, alors que la tératologie scientifique n’en est qu’à ses balbutiements, doit beaucoup à certains traités et à quelques figures marquantes comme Conrad Lycosthènes, Ambroise Paré ou encore Ulisse Aldrovandi. Dans ces ouvrages, le champ de ce que l’on considère comme le monstrueux est beaucoup plus vaste qu’il ne le sera plus tard, et il inclut notamment des races mythiques tout autant que des races d’hommes monstrueuses vivant dans des contrées lointaines, telles que décrites par les grands explorateurs modernes.
4C’est avant tout dans le registre du récit de voyage que le monstre apparaît comme un marqueur de l’altérité, car, chose remarquable, il y est notamment associé à la description de races d’hommes vivant dans des contrées reculées ou exotiques. Depuis saint Augustin, qui pose la question de la justification de l’existence de ces « prodiges » sans pour autant la remettre en cause, dans La Cité de Dieu aux bestiaires médiévaux, tous les récits de voyage traduisent l’altérité, le caractère étranger, l’autre, par une iconographie mêlant le monstrueux au merveilleux à travers la représentation d’êtres tout aussi terrifiants que fascinants, comme dans le célèbre Livre des merveilles, relatant le voyage de Marco Polo. Dans les descriptions des nouveaux territoires encore mal connus des Européens, l’image du « bon sauvage » et celle du monstre constituent la mosaïque d’une diversité de la nature, comme dans la représentation des peuplades allant de l’Asie mineure à l’Amérique au chapitre v de la Cosmographie universelle de Sebastian Münster. L’édition de 1554 est particulièrement éloquente, car elle juxtapose l’image des Indiens – peuple des Indes – en « bons sauvages » (selon les canevas iconographiques connus) ou comme des monstres, mi-hommes, mi-bêtes, créatures unijambistes ou siamois nommés « Blemmyes » (êtres sans tête avec le visage sur la poitrine), sciapodes (avec un pied parasol), cyclopes et sinocéphales.
« De India ultra Gangem fluvium sita », dans Sebastian Münster, Cosmographia universalis, Bâle, 1554, p. 1080
« De India ultra Gangem fluvium sita », dans Sebastian Münster, Cosmographia universalis, Bâle, 1554, p. 1080
5Pour dépasser le « problème de description [2] » qui se pose à eux, les explorateurs vont donc recourir à un corpus connu pour transmettre ce qu’ils ont vu dans ces contrées inaccessibles au commun des mortels, passant d’une description édénique, paradisiaque, comparant les autochtones rencontrés aux hommes de l’âge d’or [3], à une représentation teintée d’incompréhension et de méfiance donnant naissance à des races monstrueuses comme les cyclopes des Indes ou les cannibales des Caraïbes dans les témoignages de Christophe Colomb [4]. Comme l’explique Jean Céard, pour les voyageurs de la Renaissance, les êtres rencontrés au fond de l’Orient sont monstrueux car ils s’éloignent de la forme ordinaire de leur genre, écart qui se traduit par la représentation d’êtres hybrides [5]. Les récits de voyageurs ont en effet cela de commun qu’ils figurent l’altérité, l’inconnu ou le méconnu en ayant recours au monstre, établissant des stéréotypes manichéens aisément déchiffrables pour les lecteurs, des images frappantes, parlantes. Le mythique vient alors alimenter et inspirer la description du réel, et les deux champs se mêlent, permettant de rejeter en dehors de l’humanité, ou à sa marge, ceux qui ne répondent pas au modèle occidental, ou se distinguent par leur rareté, leur altérité. Ce mélange des genres est aussi le moyen, à travers la représentation du monstre, de témoigner de l’infinie variété de la nature [6].
6Si ces images des peuples du Nouveau Monde varient, allant d’une transposition des valeurs paradisiaques inspirées de l’imaginaire du jardin d’Éden et du « bon sauvage » aux visions infernales d’hommes à mi-chemin entre bêtes et monstres, les descriptions et le récit de la vie des premiers hommes oscillent également entre idéalité et bestialité.
7Car, tout comme la découverte de ces espaces extra-européens suscite la comparaison avec la vie des hommes de l’âge d’or, elle renouvelle également le rapport à la question des origines de l’espèce humaine. Pour l’artiste, confronté à la représentation des premiers temps de l’humanité, les mêmes schémas se dessinent : outre les multiples versions possibles relatant les origines de la race humaine – Adam et Ève pour la version judéo-chrétienne, l’âge d’or ou le mythe de Deucalion et Pyrrha pour les versions mythologiques –, son incapacité à produire une image « d’après nature » implique un recours à des sources figuratives et à des descriptions et conduit à des démarches similaires à celles des explorateurs.
Piero di Cosimo, Scène de chasse, huile et tempera sur bois, 70,5 × 169,5 cm, 1485-1500
Piero di Cosimo, Scène de chasse, huile et tempera sur bois, 70,5 × 169,5 cm, 1485-1500
8De fait, l’homme sauvage, le monstre, l’être hybride sont des figures de style, souvent utilisées à la Renaissance pour illustrer ou signifier des lieux mais aussi, comme nous allons le voir, des temps reculés. L’éloignement géographique ou temporel qui suppose une méconnaissance des êtres qui peuplent ces espaces-temps laisse la possibilité à l’invenzione de l’artiste. Ainsi, la représentation du monstre permet d’identifier le lieu comme un territoire ou un temps inaccessible aux hommes, soumis à toutes les inventions iconographiques.
Piero di Cosimo et l’humanité bestiale des origines
9C’est dans ce sens qu’il faut considérer la lecture de deux tableaux de Piero di Cosimo, la Scène de chasse (1485-1500) et Le Feu de forêt (1495-1505), dans lesquels l’inconnu primordial et originel se manifeste par la fusion entre homme et animal, une fusion signifiée de manière subtile et savante par l’artiste, allant de l’humain à l’animal jusqu’au monstrueux. Les deux tableaux font partie d’un groupe de trois œuvres longtemps considéré comme une série sur le thème des origines de l’humanité, avec pour source textuelle principale le De rerum natura de Lucrèce [7]. Si la critique a, plus récemment et à juste titre, séparé ces œuvres en deux groupes, un premier formé de la Scène de chasse et du Retour de la chasse, également conservé à New York, et le second composé du seul panneau d’Oxford, il n’en demeure pas moins certain qu’elles traitent d’un thème analogue, voire qu’elles constituent différentes propositions autour d’un même sujet : les premiers temps de l’humanité dans une version primitiviste [8].
Piero di Cosimo, Le Feu de forêt, huile et tempera sur bois, 71,2 × 202 cm, 1495-1505
Piero di Cosimo, Le Feu de forêt, huile et tempera sur bois, 71,2 × 202 cm, 1495-1505
10Dans cette série de tableaux de Piero di Cosimo, proposant à n’en pas douter une représentation, inédite pour l’époque, des origines de l’humanité, l’homme et la bête, monstrueuse et mythique, se côtoient, au point de générer une confusion et une hybridité qui semblent caractéristiques de l’humanité originelle et qui rappellent les procédés herméneutiques utilisés pour figurer les habitants du Nouveau Monde.
11Dans ces tableaux, notamment dans celui représentant la scène de chasse, on distingue en effet trois types de figures : les bêtes sauvages tels les ours et les lions, d’une férocité saisissante, les êtres hybrides mythologiques tels les centaures et les satyres, et les hommes. Cependant, il est remarquable que ces derniers sont intimement liés à l’animal : tout d’abord ils sont recouverts de peaux de bête, ce qui confère à leur anatomie un aspect animal. Certains se retrouvent ainsi comme affublés d’une queue et ressemblent étrangement à des satyres. Les étreintes du combat entre les hommes et les bêtes, le corps à corps entre hommes et animaux, l’analogie entre les comportements des hommes, aidés par les satyres, et celui des bêtes se jetant férocement les unes sur les autres, jusqu’à l’homme accroché au cheval qu’il chevauche et dont la peau de bête attachée à son cou s’envole, reproduisant sa propre position, l’ensemble de ces éléments font de l’animal, de l’homme et du monstre hybride une seule et même humanité, dans une graduation allant de l’animal à l’humain subtile et saisissante. La violence de la scène de chasse augmente encore le rapport établi entre l’homme et l’animal. L’animal, le bestial est omniprésent dans cette série, et il semble même si étroitement lié à l’humain qu’il en est indissociable.
« Figure d’une beste monstrueuse laquelle ne vit que de vent », dans Ambroise Paré, Les Œuvres d’Ambroise Paré… divisées en 29 livres, revues et augmentées par l’auteur peu avant son décès, Vve de G. Buon, 1598, livre XXV, p. 1074
« Figure d’une beste monstrueuse laquelle ne vit que de vent », dans Ambroise Paré, Les Œuvres d’Ambroise Paré… divisées en 29 livres, revues et augmentées par l’auteur peu avant son décès, Vve de G. Buon, 1598, livre XXV, p. 1074
12Il faut préciser que la présence des satyres et centaures auprès de ces hommes de l’aube de l’humanité s’explique moins par le texte de Lucrèce, qui est la source principale du cycle, que par un courant de pensée primitiviste prégnant dans la Florence de cette époque, marqué par la contamination des idées lucrétiennes dans la perception des premiers temps de l’humanité. Lucrèce lui-même dénonce l’absurdité de la croyance en l’existence de tels êtres hybrides. Cependant, il utilise l’analogie entre centaures, satyres et autres chimères pour signaler la dualité de la nature humaine dès son origine. Dans l’esprit de son texte, Politien, Lorenzo Bonincontri ou encore Bartolomeo Scala décriront ainsi la bestialité des premiers hommes, assimilant cette première race à des bêtes, idée traduite par Piero di Cosimo à travers la férocité des hommes et l’hybridité des animaux, éliminant toute frontière entre l’homme et l’animal, dans leurs comportements et leurs apparences.
13L’humanité bestiale du panneau de New York et la bestialité à visage humain du panneau d’Oxford confirment la valeur symbolique attribuée à ces monstres, mi-hommes, mi-bêtes, qui incarnent un passé lointain et servent à qualifier la nature humaine. Ils sont le signe d’un temps reculé, mais aussi et surtout ils sont la « trace » de l’animalité de l’homme à l’état sauvage, de la dualité de la nature humaine tout comme la représentation du monstre incarne, dans les récits des explorateurs, la part la plus éloignée de l’humain, selon le point de vue européen. L’humanité primitive est donc proche, dans ses lieux et son imaginaire, des fictions de l’homme « exotique ». Car que sont les races monstrueuses du bout du monde sinon les traces de ce qu’a pu être l’homme primitif pour les hommes de la Renaissance, qui découvrent à peine ces territoires jusqu’alors inconnus mais dont ils avaient fantasmé qu’ils protégeaient encore un éden originel ? Il existe de toute évidence un dialogue des formes et des fabrications iconographiques pour ce qui touche à ces lieux et ces temps reculés.
14L’éloignement géographique ou temporel, un éloignement qui est un terme équivalent à l’inconnu, est signifié et incarné par la représentation d’êtres étranges et monstrueux dans l’iconographie occidentale au moment même où la découverte de nouveaux territoires questionne les Européens sur les origines de l’homme, sur ce que l’homme fut et ce à quoi sa vie pouvait ressembler dans les premières heures de l’humanité. Les terres reculées alors découvertes sont envisagées comme des témoignages possibles de ce qu’avait pu être l’humanité primitive, conduisant à des démarches iconographique et symbolique similaires, comme le montrent les panneaux de Piero di Cosimo.
15Mais les êtres hybrides et monstrueux dans les panneaux de Piero di Cosimo ne se limitent pas aux races mythiques des centaures et des satyres. Dans Le Feu de forêt, on remarquera la présence de deux créatures répondant à une autre typologie : des figures hybrides qui ne trouvent leur justification ni dans un imaginaire mythologique ni dans les sources textuelles sur les origines de l’humanité. Il s’agit de deux couples d’animaux à gauche de la composition, dont l’un des congénères possède à chaque fois un visage humain. Cette bizarrerie, cette présence du monstrueux manifesté par l’hybridité de ces êtres, est le signe une fois encore du temps et du lieu reculés représentés.
16De tels monstres, similaires en tout point à ceux figurés par Piero di Cosimo dans Le Feu de forêt, apparaissent par exemple dans le traité d’Ambroise Paré où l’on peut voir une créature animale, sur quatre pattes mais à tête d’homme, dans un environnement d’hommes et de femmes sauvages, associant ainsi l’animal à tête humaine au monde primitif et à un lieu reculé.
De Piero di Cosimo à la Monstrorum Historia d’Ulisse Aldrovandi
17Dans le traité sur les monstres d’Ulisse Aldrovandi [9] publié bien plus tard, en 1642, l’ensemble des êtres monstrueux présents dans l’iconographie pour figurer les temps ancestraux ou les terres extra-européennes est présent : les satyres [10], les hommes et femmes sauvages [11] tels que représentés dans l’iconographie traditionnelle, mais aussi les êtres hybrides y constituent une somme de l’infinie diversité humaine.
18Une partie des races monstrueuses décrites comme peuplant les contrées visitées par Marco Polo, par exemple, sont représentées dans le traité, et il n’est donc pas étonnant qu’elles s’ajoutent aux figures monstrueuses supposées peupler les forêts ancestrales ou les temps primordiaux de l’humanité. Ainsi, on y trouve de manière tout à fait saisissante le cochon à tête d’homme ou la chèvre à tête d’homme, très semblables aux créatures déjà présentes, plus d’un siècle et demi auparavant, dans le tableau de Piero di Cosimo du Feu de forêt.
19Les monstres d’Aldrovandi sont donc à considérer comme des spécimens « avérés », par les récits des voyageurs ou par les textes antiques, mais aussi par les sources visuelles existantes, et la fiction monstrueuse ayant permis d’incarner un inconnu devient scientifiquement valide. Le scientifique a ainsi constitué une historia supposée classifier et répertorier la monstruosité dans laquelle l’humanité primitive est bien présente. Retrouver les êtres peints par Piero di Cosimo d’après une version lucrétienne des origines de l’humanité dans le traité savant d’Aldrovandi confirme que la fiction, l’invention artistique viennent ici nourrir la réflexion typologique et la tératologie, faisant l’éloge de l’inventivité de la nature et lui conférant une validité scientifique.
20Le monstre « mon(s)tre », selon l’étymologie qui lui est communément attribuée ; dans le cadre de ces récits et de ces représentations, il est là pour montrer, témoigner de la nature bestiale de l’homme, figurer le lien étroit qui lie l’animal et l’homme originel, mais par sa manifestation il ne fait que « monstrer du doigt » encore davantage ce qui les distingue. Dans des images comme celles de Piero di Cosimo, dont l’un des sujets est certainement l’éloge des progrès de la civilisation, il s’agit de souligner la différence fondamentale entre l’homme et la bête : son ingenio, qui est sa garantie pour sortir de sa condition primitive et animale.
21Il est remarquable de constater une démarche commune à l’évocation de l’ailleurs et de l’antan : la représentation de races merveilleuses vivant dans des contrées lointaines, dont le caractère monstrueux symbolise, dans le cadre de récits de grands voyageurs, l’altérité des hommes et de leurs coutumes, rejoint en tout point celle de l’être primitif (qu’il s’agisse du type de l’homme sauvage ou de l’humanité primitive). Le rare, l’inédit, l’étrange, l’écart traduisent quelque chose ; ils sont destinés à élargir la vision que le spectateur peut avoir de la nature. Mais cette variété de la nature est là pour signifier une distance : une distance de l’esprit ainsi qu’une distance géographique et temporelle.
« Cochon à tête d’homme », dans Ulisse Aldrovandi, Monstrorum historia, Nicolai Tebaldini, 1642, p. 438
« Cochon à tête d’homme », dans Ulisse Aldrovandi, Monstrorum historia, Nicolai Tebaldini, 1642, p. 438
Notes
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[1]
Ange Politien, Les Silves, éd. et trad. de P. Galland, Paris, Les Belles Lettres, 1987, p. 300-301.
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[2]
Le terme est utilisé par John H. Elliot, dans The Old World and the New, 1492-1650, Cambridge, Cambridge University Press, 1970, p. 21.
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[3]
C’est le cas par exemple de Giovanni da Verrazano, qui compare la vie des indigènes de Virginie à celle des hommes de l’âge d’or.
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[4]
Corin Braga explique très bien cette ambivalence dans les récits relatant les voyages dans le Nouveau Monde, et le recours à des schémas connus, édéniques ou infernaux, pour décrire ces nouvelles races, dans Corin Braga, « La transposition des mirabilia asiatiques dans l’Amérique des explorateurs de la Renaissance », dans Anna Caiozzo et Anne-Emmanuelle Demartini (dir.), Monstres et imaginaire social. Approches historiques, Paris, Creaphis, 2008, p. 65-81.
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[5]
Jean Céard, « Monstres et monstruosité à la Renaissance », dans Anna Caiozzo et Anne-Emmanuelle Demartini (dir.), Monstres et imaginaire social…, op. cit., p. 206.
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[6]
Ibid., p. 203-218.
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[7]
La troisième œuvre du cycle est le panneau intitulé Le Retour de la chasse (Metropolitan Museum of Art, New York).
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[8]
Concernant cette série, il faut notamment citer les études d’Elinor Myara Kelif, L’Imaginaire à la Renaissance, Turnhout, Brepols, coll. « Études renaissantes », 2017, p. 451-458 ; Dennis Geronimus, Piero di Cosimo. Visions Beautiful and Strange, New Haven-London, Yale University Press, 2006, p. 123-141 ; Erwin Panofsky, « The Early History of Man in a Cycle of Paintings by Piero di Cosimo », Journal of the Warburg and Courtauld Institues, 1, 1, 1937, p. 12-30.
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[9]
Ulisse Aldrovandi, Monstrorum historia, Nicolai Tebaldini, 1642.
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[10]
Ibid., p. 23, 24 et 31 pour les satyres et les centaures.
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[11]
Ibid., p. 19 et 20 pour l’homme et la femme sauvages.