Notes
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[1]
Pour une vue générale des expérimentations islandaises, voir Jón Ólafsson (dir.), Lyðræðis-istilraunir: Ísland í hruni og endurreisn (Experiments in Democracy: Iceland in Crisis and Recovery), Reykjavík, University of Iceland Press, 2014 ; mais aussi Valur Ingimundarson, Philippe Urfalino et Irma Erlinsdóttir (dir.), Iceland's Financial Crisis: The Politics of Blame, Protest, and Reconstruction, Londres/New York, Routledge, 2016.
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[2]
Ces propositions, consultées le 26 octobre 2020, sont disponibles en ligne (https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/propositions-de-revision-de-la-constitution/).
-
[3]
E. Paul Durrenberger et Gisli Pálsson (dir.), Gambling Debt: Iceland's Rise and Fall in the Global Economy, University Press of Colorado, 2015.
-
[4]
Jón Ólafsson, « So Strong, yet So Weak: The Emergence of Protest Publics in Iceland in the Wake of the Financial Crisis », in Nina Belyaeva, Victor Albert et Dmitry G. Zaytsev (dir.), Protest Publics: Toward a New Concept of Mass Civic Action, Cham, Springer International Publishing, Societies and Political Orders in Transition, 2019, p. 117-136 ; Jón Gunnar Bernburg, Economic Crisis and Mass Protest: The Pots and Pans Revolution in Iceland, Londres/New York, Routledge, 2016.
-
[5]
L'institut Gallup montre une chute de la confiance dans le Parlement de 42 % à 13 % entre février 2008 et février 2009. Ce taux de confiance n'est jamais remonté aux mêmes valeurs depuis et était à 23 % en février 2020 avant le début de la pandémie. Données disponibles en ligne, consultées le 26 octobre 2020 (https://www.gallup.is/frettir/traust-til-heilbrigdiskerfsins-logreglunnar-og-domskerfisins-laekkar/).
-
[6]
Chantal Mouffe, L'Illusion du consensus, Paris, Albin Michel, 2016.
-
[7]
Jane Mansbridge, « Should Blacks Represent Blacks and Women Represent Women? A Contingent "Yes" », The Journal of Politics, vol. 61, no 3, 1999, p. 628-657.
-
[8]
John Parkinson et Jane Mansbridge (dir.), Deliberative Systems: Deliberative Democracy at the Large Scale, Cambridge, Cambridge University Press, 2012.
-
[9]
Julien Talpin, « Le tirage au sort démocratise-t-il la démocratie ? Ou comment la démocratie délibérative a dépolitisé une proposition radicale », Participations, Hors série, juin 2019, p. 453-473, p. 456 et p. 461.
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[10]
Sur les conditions plus générales de l'abandon en 2013 de ce projet de rénovation constitutionnelle, qui tient également à des changements de la situation politique et économique du pays, voir þorvaldur Gylfason, « Constitution on Ice », in Valur Ingimundarson, Philippe Urfalino et Irma Erlinsdóttir (dir.), Iceland's Financial Crisis..., op. cit., p. 203-219, p. 203.
-
[11]
Jón Gunnar Bernburg, Economic Crisis and Mass Protest: The Pots and Pans Revolution in Iceland, Londres/New York, Routledge, 2016.
-
[12]
Valur Ingimundarson, « The Politics of Transition, Memory and Justice, Assigning Blame for the Crisis », in Valur Ingimundarson, Philippe Urfalino et Irma Erlinsdóttir (dir.), Iceland's Financial Crisis..., op. cit., p. 140-155 ; Iosif Kovras, Shaun Mcdaid et Ragnar Hjalmarsson, « Truth Commissions after Economic Crises: Political Learning or Blame Game? », Political Studies, vol. 66, no 1, février 2018, p. 173-191.
-
[13]
Sur les particularités de la constitution islandaise de 1944 et les circonstances très particulières de son élaboration initiale, voir Guðni Th. Jóhannesson, « The Origins and Provisional Nature of Iceland's 1944 Constitution », Icelandic Review of Politics & Administration, vol. 7, no 1, 2011, p. 61-72 ; Ágúst þór Árnason, « Colonial Past and Constitutional Momentum: The Case of Iceland », Nordicum Mediterraneum, vol. 8, no 2, 2013.
-
[14]
Andie Sophia Fontaine, « Where Is The New Constitution? A Nation Still Waits For Iceland 2.0 », grapevine.is, 9 novembre 2020 ; Helga Margrét Hóskuldsdóttir, « Finnst skrítið að það séu ekki allir brjálaUir », ruv.is, 17 août 2020.
-
[15]
Consulté le 26 octobre 2020 ( htpp://web.archive.org/web/20141216190647/htpp://agora.is/ ).
-
[16]
Le crowdsourcing désigne habituellement des processus de travail à grande échelle, il est parfois traduit en français par les termes de production participative ou externalisation ouverte. Wikipédia est un exemple emblématique d'œuvre issue d'une production participative.
-
[17]
Un document de compte-rendu du passage d'Agora au festival SXSW est disponible en ligne (htpp://web.archive.org/web/20110919215648/htpp://agora.is/wp-content/uploads/2011/03/SXSW-Visioning-Assembly-Idea.pdf ), consulté le 26 octobre 2020.
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[18]
Le site de l'organisation a depuis disparu, mais l'archive reste disponible en ligne, en islandais, (htpp://web.archive.org/web/20090403174514/htpp://ministryofideas.is/ ), consulté le 26 octobre 2020. Le site présente les multiples projets, réunions et échanges de l'organisation, évoquant l'intelligence artificielle, les enjeux environnementaux, etc. Au-delà du désordre apparent que peut susciter sa lecture, il est intéressant d'y voir les premières graines de ce qui constituera les idées et expériences d'assemblées et du Forum national.
-
[19]
Série de diapositives disponible en ligne (https://fr.slideshare.net/gudjon/ministry-of-ideas-overview-of-grassroot-projects-in-iceland-june-2009), consulté le 26 octobre 2020. La diapositive 18 établit le parallèle entre l'Islande et General Motors.
-
[20]
Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999, p. 161.
-
[21]
Pour le parcours biographique, voir en ligne (https://www.decideact.net/author/bjarni/), consulté le 26 octobre 2020.
-
[22]
Don Edward Beck et Christopher C. Cowa, Spiral Dynamics: Mastering Values, Leadership, and Change, Cambridge, Blackwell Business, 1996.
-
[23]
Bjarni Jónsson cite également le concept de structural coupling et d'autopoïesis parmi ses inspirations, concepts développés notamment par Maturana et Varela. Ces termes servent avant tout à décrire les mécanismes d'adaptation des groupes humains, l'autopoïesis par exemple désignant la capacité d'un organisme à s'adapter à son environnement. Voir Humberto R. Maturana et Francisco J. Varela, The Tree Of Knowledge: The Biological Roots Of Human Understanding, Boston, Shambala, 1987.
-
[24]
Pour une définition générale des transformations contemporaines du management, voir notamment Antoine Bevort, « De Taylor au néo-management : quelle participation des salariés ? », Participations, vol. 1, no 5, 2013, p. 33-51, ainsi que Danièle Linhart, La comédie humaine du travail. De la déshumanisation taylorienne à la sur-humanisation managériale, Paris, Érès, coll. « Sociologie clinique », 2015.
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[25]
Ibid., p. 26.
-
[26]
Entretien semi-directif réalisé à Reykjavík le 28 octobre 2014.
-
[27]
Paul Hawken, Amory B. Lovins, L. Hunter Lovins, Natural Capitalism : comment réconcilier économie et environnement, Paris, Scali, coll. « Alona Kagan », 2008.
-
[28]
Paul Hawken, L'écologie de marché ou L'économie quand tout le monde gagne : enquêtes et propositions, Barret-le-Bas, Le Souffle d'or, Économie du vingt-et-unième siècle, 1995.
-
[29]
Paul Hawken, Amory B. Lovins, L. Hunter Lovins, Natural Capitalism..., op. cit., p. 483.
-
[30]
James Surowiecki, La sagesse des foules, trad. fr. Elen Riot, Paris, Jean-Claude Lattès, 2008 ; Charles Mackay, Memoirs of Extraordinary Popular Delusions and The Madness of Crowds, by Charles Mackay, Londres, Routledge, 1869 ; Gustave Le Bon, Psychologie des foules, Paris, « Le Monde »/Flammarion, coll. « Les livres qui ont changé le monde », no 14, 2009.
-
[31]
Ces deux aspects ne sont bien sûr pas forcément contradictoires entre eux, même s'il semble particulièrement ardu de défendre une vision des échanges démocratiques inspirée de règles économiques et politiques libérales, néolibérales ou libertariennes. Alain Marciano, « Repenser l'économie du politique à partir de l'économie politique », Cahiers d'économie Politique, vol. 47, no 2, 2004, p. 69-93. Voir également pour une perspective plus critique, Jean Solchany « Le problème plus que la solution : la démocratie dans la vision du monde néolibérale », Revue de philosophie économique, vol. 17, no 1, 2016, p. 135-169.
-
[32]
« Dásamlega samheldin stemning », visir.is, 7 novembre 2010 ; « Nýr þjóðarsáttmáli », ruv.is, 7 novembre 2010 ; Gunnar Hersveinn, « Staðfestir visku fjöldans », mbl.is, 6 novembre 2010.
-
[33]
Loïc Blondiaux, Le nouvel esprit de la démocratie, Paris, Seuil, 2008, p. 24-28.
-
[34]
L'idée qu'il suffirait d'accumuler indéfiniment des données pour en faire naître un ordre et un sens est une erreur commune dans les discours adressés au grand public sur l'intelligence artificielle, les algorithmes, etc. Voir notamment Dominique Cardon, À quoi rêvent les algorithmes : nos vies à l'heure des big data, Paris, Seuil, 2015.
-
[35]
Sur la naissance et la croissance des Pirates islandais, voir Lionel Cordier, « La politique islandaise piratée ? », Nordiques, no 32, 2016. Les Pirates islandais ont notamment fait la promotion, un temps, de la « démocratie liquide », un système électronique de délégation du vote. Sur les liens entre nouvelles technologies de l'information et transformation des pratiques politiques, voir notamment Nicolas Baygerts, « L'activisme numérique au regard du consumérisme politique : Pirates et Tea Partiers sous la loupe », Participations, vol. 8, no 1, 2014, p. 75-95.
-
[36]
Yves Sintomer, Petite histoire de l'expérimentation démocratique : tirage au sort et politique d'Athènes à nos jours, Paris, La Découverte, 2011, p. 56 et p. 79.
-
[37]
Gil Delannoi, Le retour du tirage au sort en politique, Paris, Fondation pour l'innovation politique, no 1, 2010, p. 9.
-
[38]
Jacques Rancière, La haine de la démocratie, Paris, La Fabrique, 2005, p. 48.
-
[39]
Dans son dernier ouvrage Hélène Landemore développe largement en quoi le cas islandais apparaît comme un cas d'étude particulièrement précieux et novateur, voir Hélène Landemore, Open Democracy: Reinventing Popular Rule for the Twenty-first Century, Princeton, Princeton University Press, 2020, p. 152-190 ; voir également Hélène Landemore et Jon Elster (dir.), Collective Wisdom: Principles and Mechanisms, Cambridge, Cambridge University Press, 2012, p. 148-172.
-
[40]
Alice Mazeaud et Magali Nonjon, Le marché de la démocratie participative, Paris, Éditions du Croquant, 2018 ; voir également Alice Mazeaud et Magali Nonjon, « De la cause au marché de la démocratie participative », Agone, vol. 56, no 1, 2015, p. 135-152.
-
[41]
Alice Mazeaud et Magali Nonjon, Le marché de la démocratie participative, op. cit., p. 338.
-
[42]
Ibid., p. 345.
-
[43]
Ibid., p. 344.
-
[44]
Antoine Bevort, « De Taylor au néo-management : quelle participation des salariés ? », Participations, vol. 5, no 1, 2013, p. 33-51.
-
[45]
Danièle Linhart, « Modernisation managériale : tout plutôt qu'une démocratisation du travail », in Fondation Copernic (dir.), Manuel indocile de sciences sociales. Pour des savoirs résistants, Paris, La Découverte, 2019, p. 832-840, p. 839.
-
[46]
Antoine Bevort, « De Taylor au néo-management... », art. cité, p. 39.
-
[47]
Luc Boltanski, De la critique, Paris, NRF/Gallimard, 2009, p. 203 et p. 190.
-
[48]
Dimitri Courant et Yves Sintomer, « Le tirage au sort au 21e siècle. Actualité de l'expérimentation démocratique », Participations, vol. 23, no 1, 2019, p. 5-32, p. 19.
-
[49]
Ibid., p. 12.
-
[50]
Samuel Hayat, « Les Gilets jaunes et la question démocratique », Contretemps, 26 décembre 2018.
-
[51]
Dimitri Courant et Yves Sintomer, « Le tirage au sort au 21e siècle... », art. cité, p. 25.
-
[52]
Samuel Hayat, « Les Gilets jaunes et la question démocratique », art. cité.
-
[53]
Alexis Orsini, « Gilets jaunes : Les manifestants ont-ils raison de prendre la "révolution islandaise" pour modèle ? », 20minutes.fr, 4 février 2019.
-
[54]
Geoffrey Pleyers et Marlies Glasius, « La résonance des "mouvements des places" : connexions, émotions, valeurs », Socio. La nouvelle revue des sciences sociales, no 2, 16 décembre 2013, p. 59-80 ; Héloïse Nez, « "We Must Register a Victory to Continue Fighting": Locating the Action of the Indignados in Madrid », in Marcos Ancelovici, Pascale Dufour, Héloïse Nez (dir.), Street Politics in the Age of Austerity, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2016, p. 121-146, p. 131.
-
[55]
De même, les débats qui ont traversé le mouvement des Gilets jaunes concernant le Référendum d'initiative citoyenne nous semblent révélateurs de certaines conceptions de la participation publique, notamment dans la volonté de dépasser le jeu partisan et le conflit d'idéologies constituées. Sur les représentations et les comportements politiques des Gilets jaunes voir notamment : Collectif d'enquête sur les Gilets jaunes et al., « Enquêter in situ par questionnaire sur une mobilisation. Une étude sur les Gilets jaunes », Revue française de science politique, vol. 69, no 5-6, 2019, p. 869-892.
-
[56]
Samuel Hayat, « La carrière militante de la référence à Bernard Manin dans les mouvements français pour le tirage au sort », Participations, Hors-Série, 5 juin 2019, p. 437-451.
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[57]
La place d'Austurvöllur, située devant le Parlement islandais, constitue le lieu traditionnel des manifestations et des mobilisations politiques. Elle a été le théâtre notamment des rassemblements de 2008-2009 et de 2016 qui ont connu un nombre record de participants.
1 Considéré généralement comme un succès en Islande et à l'étranger, le Forum national islandais de novembre 2010 constitue le premier exemple d'assemblée tirée au sort réalisée à l'échelle d'un pays [1] dans l'optique d'une révision constitutionnelle. Cette expérience a depuis été réitérée de façon beaucoup plus approfondie en Irlande en 2012 et 2016, et aujourd'hui en France, avec la Convention citoyenne pour le climat dont certaines des propositions demandent également des modifications substantielles des articles de la Constitution de 1958 [2]. Tandis que la convention française est pensée dans la suite du Grand débat national comme une réponse à la mobilisation sociale des Gilets jaunes, exceptionnelle dans sa durée et son ampleur, le Forum national et le processus de réécriture constitutionnelle qui a lieu en Islande quelques années auparavant prend place dans un pays alors profondément marqué par une crise sociale et économique d'une envergure historique. Alors que le pays voit ses trois principales banques s'effondrer suite à la crise financière globale de 2008 [3], des milliers de manifestants se retrouvent chaque samedi devant le Parlement durant des mois pour appeler à la démission du gouvernement [4], ce qu'ils finiront par obtenir. Le processus constitutionnel islandais élaboré après coup et le recours au tirage au sort sont ainsi pensés par le nouveau gouvernement comme une façon de répondre en profondeur à une faillite politique historique [5] autant que comme un moyen d'apaisement des colères populaires.
2 Malgré de nombreuses spécificités propres au contexte insulaire islandais, il apparaît donc que l'expérience du Forum national de 2010 présente un certain nombre de traits communs avec ces processus ultérieurs, et qu'elle nous force à penser de façon plus large les prédispositions politiques qui mènent à la mise en place de tels dispositifs participatifs basés sur le tirage au sort. Par prédispositions politiques, nous désignons ici une série d'impensés chez les organisateurs de tels dispositifs, notamment dans leurs rapports à la conflictualité dans un environnement favorable à l'expression démocratique. Nous utilisons le terme d'impensés au sens où ces conceptions iréniques du débat ne sont jamais clairement explicitées, mais perçues comme « allant de soi ». Le désaccord politique n'est ainsi appréhendé que comme le résultat d'un problème d'ordre technique et non comme l'expression d'intérêts irréconciliables, à rebours notamment du modèle agonistique [6] de Chantal Mouffe qui perçoit la reconnaissance de la conflictualité et de son caractère indépassable comme essentielle à l'amélioration d'une société démocratique. Par ailleurs, tout un pan critique de la littérature sur la démocratie délibérative, si elle reconnaît les bénéfices égalitaires du tirage au sort et la possibilité de se rapprocher d'une représentation descriptive [7], rappelle, comme Jane Mansbridge, la nécessité de penser aussi la délibération hors des assemblées et des mini-publics [8], mais aussi les instrumentalisations potentielles de la part des pouvoirs publics de dispositifs permettant la constitution d'un public captif et docile, comme le rappelle entre autres Julien Talpin [9].
3 Dans cette lignée critique, et en prenant pour point de départ l'exemple islandais et les inspirations qui ont présidé à la mise en place du Forum national, nous souhaitons donc interroger plus largement la façon dont le tirage au sort est souvent utilisé comme producteur de consensus et comme outil de dépassement de la conflictualité sociale en contexte de crise politique, au risque de voir de telles visées échouer [10], comme à Reykjavík après 2013.
4 Nous abordons cette question avec une approche politologique descriptive et par une méthode généalogique d'examen approfondi des sources d'inspirations du Forum national et du processus constitutionnel, ainsi que par l'analyse d'entretiens semi-directifs réalisés lors de plusieurs séjours à Reykjavík en 2014 et 2015. Nous revenons dans un premier temps sur le contexte de crise politique dans lequel ce processus de réécriture de la Constitution a été élaboré ainsi que sur ses étapes de fonctionnement. Puis nous soulignons l'influence cruciale que la pensée managériale a eu chez ses organisateurs, notamment dans leur volonté de recréer une forme de consensus et d'union nationale dans un pays où la parole politique se trouvait alors fortement déconsidérée. Enfin nous analysons l'échec de ce projet, notamment à travers son abandon par le Parlement et sa réinscription politique dans le jeu partisan, et nous réfléchissons aux enseignements plus généraux que nous pouvons en tirer, notamment vis-à-vis du cas français et des suites données à la Convention citoyenne pour le climat.
Retour sur un dispositif exceptionnel
5 En octobre 2008, l'Islande, petit pays nordique de 300 000 habitants jusque-là présenté comme une économie et une démocratie exemplaire, connaît la plus importante crise économique et sociale de son histoire suite à la chute de trois de ses banques qui totalisaient près de neuf fois le PIB du pays. La hausse soudaine du chômage, l'explosion de l'endettement privé suite à la chute de la valeur de la couronne islandaise, la récession économique et l'appel à l'intervention du FMI mènent à une crise sociale intense [11] qui se caractérise par une série de manifestations menées place d'Austurvöllur devant le Parlement et la Banque centrale : les manifestants demandent la démission du gouvernement et de nouvelles élections, tandis que toute la société islandaise connaît une véritable effusion de débats et d'échanges politiques afin de comprendre comment une telle situation a pu être possible (naissance d'associations, performances artistiques, débats en ligne, etc.). En parallèle, des mécanismes inspirés de la justice transitionnelle [12] voient également le jour, avec la création d'une Commission spéciale d'investigation (à laquelle participe notamment la juge Eva Joly) et d'un poste de procureur spécial, tandis que trente-six responsables politiques et bancaires sont jugés, dont l'ancien Premier ministre Geir Haarde.
6 La crise sociale débouche sur la démission effective en janvier 2009 du Premier ministre Geir Haarde, la tenue d'élections anticipées et l'arrivée au pouvoir pour la première fois depuis 1944 d'une coalition de gauche constituée des sociaux-démocrates et des écologistes. Le nouveau gouvernement est mené par Jóhanna Sigurðardóttir, une figure de longue date de l'aile gauche de l'Alliance sociale-démocrate qui décide de faire de la réforme constitutionnelle un élément clé de son programme avec la loi 90.2010, loi pour un Parlement constitutionnel, qui vient expliciter les mécanismes de rénovation de la Constitution pour transformer le texte de 1944 [13].
7 Quels sont les mécanismes du processus de révision prévus par cette loi, et comment vont-ils être effectivement mis en œuvre ? Sa première étape comporte la création du Forum national constitué de 950 personnes tirées au sort sur les listes électorales du pays, avec trois conditions : la parité, et la représentation proportionnelle par âge et de toutes les circonscriptions du pays. Cette assemblée dure une journée, le 6 novembre 2010, et ses recommandations donnent lieu à un rapport de 700 pages élaboré par le comité constitutionnel pour la Constituante chargée d'écrire le nouveau texte. La deuxième étape, considérée comme l'étape centrale par la grande majorité des concepteurs du projet, consiste en l'élection de la Constituante, dont est exclue toute personne exerçant un mandat politique. 25 candidats sont élus au scrutin à vote unique transférable et devront s'inspirer du rapport du Forum national pour réaliser, en quatre mois, une révision de la constitution islandaise. Après plusieurs péripéties juridiques, un référendum portant sur six propositions incluses dans la nouvelle Constitution est finalement proposé en octobre 2012 ; toutes sont acceptées, mais le référendum n'étant pas contraignant, le Parlement, désormais rétif, freine l'adoption du texte jusqu'en 2013 au moment où la droite revient au pouvoir et enterre finalement la proposition. Toutefois, si le projet de nouvelle constitution est effectivement un peu éclipsé du débat public, il connaît progressivement un retour en grâce, porté cette fois par la gauche islandaise, mais aussi plus récemment par des associations et par une pétition de près de 43 000 signatures, soit plus de 10 % de la population insulaire [14].
Des origines entrepreneuriales
8 D'où vient cette idée d'utiliser le tirage au sort pour la première étape de ce processus ? Pourquoi les organisateurs ont-ils tenu à former en amont une assemblée constituée par le sort et à ne pas se cantonner à la Constituante de 25 élus, avec potentiellement un travail d'expertise voire un sondage classique réalisé en amont ?
9 Avant le processus constitutionnel, il n'existe pas en Islande de débat public sur les qualités du tirage au sort en politique. Cet outil n'est pas défendu par des partis politiques, il n'apparaît pas dans les discours d'hommes ou de femmes politiques. La demande d'une assemblée tirée au sort naît de plusieurs collectifs citoyens et plus particulièrement d'une association de citoyens qui se constitue après la crise économique à travers la Fourmilière, ou Mauraþúfan, composée d'une dizaine de personnes qui se veulent de toutes orientations politiques. Cette association mène une première expérience d'assemblée tirée au sort d'une journée, en 2009, de façon informelle et sans le soutien des pouvoirs publics, nommée Assemblée nationale de 2009, ou þjóðfundur 2009, avec l'aide de la compagnie Agora [15] pour tout ce qui relève de la dimension technique sondagière. Cet évènement inspire les responsables politiques, qui décident de faire appel à La Fourmilière et Agora, cette fois de façon officielle, pour mener la première étape du processus constitutionnel islandais. Ainsi est mis en œuvre le Forum national de 2010, avec le financement et le concours direct du gouvernement islandais et du Comité constitutionnel.
10 Si la Fourmilière s'est constituée de façon informelle et ne compte que peu de personnes en son sein, Agora se définit, elle, comme une « société d'innovation islandaise » dans le domaine notamment du crowdsourcing et de la participation [16]. Après avoir organisé l'Assemblée nationale de 2009 et le Forum national de 2010, elle fait la promotion de plateformes de crowdsourcing et de ce qu'elle appelle des Envisioning Assemblies. Elle définit celles-ci comme des sessions de brainstorming à grande échelle pour des réunions de 15 à 1 500 participants [17] et promeut le crowdsourcing pour le management d'entreprise, en reprenant et en présentant toute la méthodologie utilisée pour le Forum national. Le Forum national, qualifié de « bêta-test », se trouve présenté au sein d'un panel qui se nomme Rebooting Iceland. On y retrouve les métaphores filées du logiciel ou de l'application informatique, omniprésentes et mêlées au vocabulaire managérial.
11 Le fondateur d'Agora, Guðjón Már Guðjónsson, est un jeune entrepreneur islandais, qui a déjà fondé un certain nombre d'entreprises de télécommunications et de travaux publics, revenu au pays après la crise de 2008. Il est à l'origine d'une partie du financement de l'assemblée de 2009 et de la fondation de la Fourmilière. Il est également à l'origine du Ministère des idées [18], ou Hugmyndaráðuneytið, censé être un groupe de réflexion pour faciliter la communication entre entrepreneurs. L'un de ses projets d'innovation pour une « démocratie active » datant de 2009 établit un parallèle entre la nation islandaise et une entreprise [19]. L'Islande doit ainsi se pourvoir d'une « vision », sur le modèle de l'entreprise multinationale General Motors dont Guðjón Már Guðjónsson souligne par ailleurs que son nombre d'employés équivaut à celui du nombre d'habitants sur l'île. Cette fois l'Islande n'est plus comparée à un ordinateur ou une machine, mais à une grande entreprise qui aurait perdu de vue ce qui constituerait son projet initial, et où les politiques sont semblables à des dirigeants qui devraient être redevables devant leur assemblée d'actionnaires. On retrouve déjà ici une illustration presque littérale de la description des logiques de la « cité par projets » issue du management en réseau des années 1990 et décrite par Luc Boltanski et Ève Chiapello [20], qui déborde ici du monde de l'entreprise et sert à créer et élaborer la loi fondamentale d'une nation.
12 D'autres éléments du Forum national semblent s'inspirer du travail de Bjarni Jónsson [21]. Membre de la Fourmilière et d'Agora et un des principaux concepteurs du Forum national 2010 et 2009, Bjarni Jónsson a travaillé comme expert au sein du gouvernement islandais, mais aussi comme économiste et consultant en management, notamment au sein de Capacent Iceland, un cabinet de gestion et de management de la capitale. Dans la thèse qu'il réalise en 2013 pour l'école californienne de management Adizes, Bjarni Jónsson s'appuie sur la Spiral dynamics theory, issue des travaux des professeurs en management Beck et Cowan [22] et de la psychologie évolutionniste [23]. Une grande partie des analyses de Bjarni Jónsson relève du néomanagement [24] entrepreneurial, voire de la sémantique du développement personnel. Il est ainsi question par exemple de sublimer « l'énergie négative du conflit [25] » en recherchant de nouvelles formes d'organisations humaines. Dans l'ensemble de ses écrits, on observe chez Bjarni Jónsson une forte croyance dans l'idée qu'il serait possible d'atteindre des formes de consensus, que le conflit ne serait qu'une forme d'incompréhension qu'il s'agirait d'éclaircir, et où le but poursuivi serait donc de trouver les formes de débats et de dialogues les plus efficientes. Nous retrouvons par un chemin un peu différent la même nécessité affichée de vouloir dépasser le conflictualité politique que nous observons chez d'autres membres de la Fourmilière qui en appellent à l'efficacité actionnariale et s'inspirent des relations d'entreprises. Là encore s'illustre l'aboutissement d'une certaine vue irénique et experte de la politique, où l'on estime que ce sont des modalités d'expressions du politique mal articulées qui produisent de la conflictualité et non pas l'existence d'opinions et d'intérêts fondamentalement divergents.
13 Cette influence forte du discours managérial du monde de l'entreprise pour décrire et promouvoir des outils de démocratie participative est loin de constituer un cas isolé et s'observe chez d'autres concepteurs du projet de révision constitutionnelle. Une autre membre de la Fourmilière, María Ellingsen, également activiste écologiste, évoque lors d'un entretien [26] l'influence décisive de l'intellectuel Paul Hawken au cours d'une conversation avec lui sur la meilleure façon de faire participer les Islandais à des assemblées participatives sur les enjeux environnementaux du pays, ce qui l'incitera ensuite à défendre le même mode de sélection pour l'élaboration du Forum national. L'enquêtée exprime à plusieurs reprises son admiration pour le travail de Paul Hawken, et affirme s'être intéressée au tirage au sort et à la technique des sondages suite à cet échange. Environnementaliste et entrepreneur, Paul Hawken est un défenseur du « capitalisme naturel [27] » et de l'« écologie de marché [28] » qui tend à défendre et à privilégier une transition environnementale par de nouvelles règles de marché plutôt que par la réglementation étatique. Il est intéressant de noter que le contenu de son travail cherche en priorité à évacuer toute dimension conflictuelle en privilégiant la valorisation des progrès techniques et l'efficience des marchés [29]. María Ellingsen loue également à plusieurs reprises « la sagesse des foules », expression utilisée notamment par James Surowiecki dans un ouvrage grand public, reprenant et retournant les qualificatifs de Charles Mackay ou Gustave Le Bon [30] puisque cette fois les foules ne sont plus perçues comme le lieu d'une irrationalité dangereuse et incontrôlable, mais tout à l'inverse comme pouvant surmonter des problèmes impossibles à résoudre pour un individu isolé. Regroupant des domaines parfois très différents comme la connaissance de statistiques ou l'agrégation de données, l'ouvrage de Surowiecki se caractérise par un certain optimisme dans la prise de décision collective : le point intéressant ici est que cette vision peut tout autant s'appliquer à une célébration de la démocratie qu'à celle des mécanismes de marché [31]. Certains problèmes évoqués par James Surowiecki se résolvent ainsi par la mise en place de marchés libres où les acteurs facilitent leur fonctionnement en venant agréger les propres informations dont ils disposent. Pourtant il s'agit là de simples ajouts d'informations d'ordre individuel : ni le débat politique ni l'échange raisonné d'arguments les manières d'articuler ceux-ci, de mener des interactions collectives ne sont véritablement traités par Surowiecki.
Un moment de régénération nationale
14 Les documents produits par le Forum national évoquent à plusieurs reprises le caractère positif de la participation, l'aspect enrichissant de la coopération et du débat entre des Islandais venus des quatre coins du pays. De façon générale, le Forum national semble véritablement procéder d'un « moment national ». Qu'il s'agisse de documents en ligne, d'entretiens avec des organisateurs, de la façon dont ceux-ci se sont également exprimés dans l'espace médiatique islandais et étranger, le Forum national est généralement présenté dans la presse islandaise de façon bienveillante, comme un moment d'intelligence collective, d'émulation nationale et de convivialité, citant par exemple la présidente du Comité constitutionnel qui parle d'une « atmosphère de rassemblement incroyable [32] ». La présence d'une fanfare et de chants en est l'illustration. On observe une forme de conjonction entre d'une part la célébration de la production de consensus, qui se retrouve de façon assez typique dans de nombreux outils de démocratie participative, et d'autre part une célébration de l'esprit national, voire de patriotisme, avec une mise en scène de la société islandaise, du rassemblement de sa population. Cette fonction des dispositifs participatifs a été soulignée plusieurs fois par Loïc Blondiaux [33], qui écrit qu'ils peuvent parfois agir comme supplétif à une supposée « crise de l'intérêt général » ou produire un « consensus par recoupement ». Dans les faits et comme nous l'énoncerons par la suite, les effets directs du Forum national sur le travail d'écriture réalisé par la Constituante sont très difficiles à estimer. La production finale du Forum national paraît à la fois extrêmement riche, mais aussi sous certains aspects très erratique. Si le Comité constitutionnel effectue un travail remarquable en établissant une liste relativement cohérente de l'ensemble des préconisations du Forum national, celles-ci restent limitées à une sorte de catalogue sans véritable cohérence interne. C'est l'un des soucis récurrents de l'appel à l'intelligence collective, où la collecte de données est aujourd'hui facilitée par l'émergence de nouvelles technologies, mais où leur accumulation remarquable peut tout autant être un frein à leur nécessaire ordonnancement et à la tentative de leur donner une cohérence globale [34]. Il est par ailleurs intéressant de noter que cet optimisme technologique n'est pas un phénomène isolé dans le pays, mais qu'il trouve également des défenseurs au sein du Parti pirate islandais, lui-même issu des mobilisations de la crise de 2008 et qui a envoyé, depuis, un nombre notable d'élus au Parlement islandais [35].
15 Le Forum national et ce processus constitutionnel sont comme on le voit les expressions d'une croyance en l'existence d'une volonté populaire ou nationale perçue comme cohérente, logique et harmonieuse, qui existerait de façon immanente, et de l'attente du procédé qui saurait la révéler correctement. Dans cette vision il est donc possible de capter cette volonté populaire grâce aux outils appropriés et d'en faire émerger un ensemble lui aussi cohérent et homogène. Mais en réalité le catalogue issu du Forum national qui sera proposé par le Comité constitutionnel à la Constituante ne dispose pas véritablement de ligne directrice ou cohérente pour écrire un nouveau texte. Il ne constitue qu'un très large ensemble de données et de recommandations erratiques dont la lecture reste particulièrement difficile. Il s'apparente plutôt à une sorte de photographie d'opinions, de laquelle il est très difficile de dégager une cohérence idéologique, mais qui permet a minima de savoir ce que ne veulent pas les gens, ou ce qui n'occupe pas leur esprit.
16 Ces observations montrent un fait important à nos yeux : le but principal du tirage au sort en Islande n'est pas de créer un espace de délibération susceptible de donner un ensemble de consignes cohérentes, mais davantage de créer un lieu de mise en scène du consensus national. La classe politique islandaise a tenté de produire à travers cette assemblée l'image d'une mini-nation islandaise unie et en dialogue. Nous pensons qu'il ne faut pas sous-estimer ce genre d'usage politique du tirage au sort, dont une des grandes fonctions, comme le rappelle Yves Sintomer dans son histoire du hasard en politique, est aussi d'être un arbitre, un outil de contournement et parfois d'extinction du conflit, voire un outil de dépolitisation du débat public, ou tout du moins d'effacement de la politique partisane [36].
Le rêve d'une démocratie sans conflits
17 Il est donc ici nécessaire de nuancer fortement l'idée d'un usage du tirage au sort qui aurait été directement inspiré de la théorie politique pour l'organisation du processus islandais. Les références à l'antiquité grecque, les réflexions de philosophie politique sur la représentation, ou la mobilisation des travaux de science politique les plus récents sur la question sont complétement absents des témoignages ou des écrits des concepteurs du processus, qu'il s'agisse de membres de la Fourmilière ou du Comité constitutionnel. Le tirage au sort est le plus souvent perçu uniquement comme donnant accès à un échantillon représentatif de la population islandaise. Les autres avantages du tirage au sort en contexte démocratique, fréquemment convoqués dans la recherche en science politique, ne sont ici jamais évoqués. Les concepteurs auraient pu par exemple affirmer que le tirage au sort constitue une procédure plus équitable et égalitaire, qu'il permet d'éviter la professionnalisation de la politique et la recherche d'une réélection de la part de ceux qu'il désigne [37]. Il était possible de se référer aux classiques de la théorie politique en rappelant qu'il correspond traditionnellement à l'idée aristotélicienne de la démocratie, par l'égalité qu'il institue entre ses participants, ou à ses réinterprétations plus contemporaines comme celle de Jacques Rancière qui désigne le tirage au sort comme la procédure par excellence pour un gouvernement se fondant « sur l'absence de titre à gouverner [38] ». Enfin les arguments de nature épistémique, également plus récents, qui mettent l'accent sur le bénéfice technique d'une plus grande diversité de points de vue et souvent évoqués a posteriori par Hélène Landemore concernant le cas islandais [39], sont également absents des conceptions originelles des organisateurs du processus.
18 Le processus constitutionnel islandais n'est pas une expérience isolée, une irrégularité historique ou une excentricité insulaire. Bien au contraire, il s'inscrit dans une multitude d'expériences globales qui cherchent à explorer et à appliquer, de façon plus ou moins réussie, les potentialités du tirage au sort dans la délibération politique. Ces expériences s'ancrent évidemment dans des contextes nationaux et locaux propres et le processus islandais n'échappe pas à cette règle. Il faut ajouter à cette analyse l'absence constatée d'une véritable pensée politique ou philosophique du tirage au sort en Islande. Il n'existe pas de discussion dans la sphère publique, de la part d'universitaires, de chercheurs ou de politiques, sur la pertinence ou non de l'apport du tirage au sort dans la désignation de représentants, y compris après l'élaboration du Forum national et du processus constitutionnel. Ces dispositifs sont conçus davantage comme un transfert temporaire de techniques néo-managériales dont l'objectif apparaît être avant tout, comme nous l'avons montré, la reconstruction d'une cohésion et d'une unité nationale pensées comme ayant été abîmées par la crise.
19 La multiplication des assemblées tirées au sort à travers le monde est bien aussi le fruit d'un développement à travers de nombreux pays d'une véritable ingénierie de la participation et d'un « marché de la démocratie participative », pour reprendre l'expression d'Alice Mazeaud et Magali Nonjon qui a donné son titre à leur ouvrage [40]. Si les autrices y décrivent le fonctionnement des dispositifs participatifs en général, l'usage du tirage au sort ne fait pas exception et correspond tout à fait à leurs observations. Elles soulignent notamment en France une hybridation au sein de l'ingénierie participative des discours et des pratiques relevant de la démocratie et du management [41], tandis que l'on peut également voir sur ce marché une arrivée qu'elles qualifient de « massive » des professionnels issus du champ du développement personnel [42]. Elles dépeignent également des techniques largement symboliques, fortement orientées vers le consensus et dont « la focalisation sur les procédures tend à euphémiser les clivages politiques et sociaux qui structurent la société [43] ». Dans le cas islandais, l'usage du tirage au sort et de nouveaux dispositifs participatifs vient répondre à des demandes de contournement du jeu partisan et du jeu politique traditionnel, mais aussi d'efficacité et de relégitimation de la décision politique. Ainsi ces dispositifs ont bien plus en commun avec les outils d'un certain management participatif [44] issu des années 1970 : misant sur l'autonomie des salariés, et ayant absorbé un certain nombre des critiques de Mai 68, cette gestion du travail se caractérise aussi par l'émergence d'un principe de subsidiarité [45], évoqué par Danièle Linhart, où les personnes les plus proches du terrain sont aussi considérées comme les plus à même d'agir et de décider. Comment ne pas percevoir ici une certaine résonance avec la valorisation d'une parole démocratique « authentique » permise par le tirage au sort ? Ce nouveau management se caractérise également par un certain nombre d'expériences participatives, comme la direction par objectifs, les groupes d'expressions ou les cercles de qualités [46], qui ont gagné en complexité et en savoir-faire depuis, et qui ont inspiré les concepteurs du processus islandais. Toute l'ambivalence intrinsèque de ces outils porte, comme nous le rappelle Luc Boltanski, sur le fait que tout en cherchant à favoriser l'échange et la créativité, ceux-ci ont bien été élaborés initialement dans la poursuite de relations pacifiées au travail [47], se caractérisant notamment par une absorption des critiques, sans formalisation ni remise en cause des rapports de domination sociale.
20 Finalement, tout comme les assemblées irlandaises ou françaises, le Forum national islandais appartient à la « seconde vague » des dispositifs participatifs recourant au hasard, pour reprendre l'expression d'Yves Sintomer et Dimitri Courant [48], qui se distingue d'une première vague des années 1980-1990 par sa prétention à sortir de l'échelon local, par l'existence d'une sorte de « militantisme du tirage au sort [49] » à l'origine de ces initiatives et par les tentatives de couplage avec des institutions représentatives existantes. Ce militantisme de la « seconde vague » comprendrait des visions davantage « citoyennistes » selon Samuel Hayat [50], où la société n'est approchée que comme un ensemble d'individus pouvant se passer des corps intermédiaires et où l'introduction du hasard, du recours au référendum permettrait d'atteindre une sorte d'accomplissement démocratique. De cette tendance se distinguerait un autre courant militant pour le tirage au sort, plus sociologique et « réaliste [51] », reconnaissant l'existence de rapports de pouvoir et de dominations sociales que l'introduction de nouveaux dispositifs démocratiques ne suffirait pas à dissoudre en soi. Cette première esquisse de classification nous semble offrir de très riches perspectives auxquelles raccrocher le cas islandais : en effet, il est évident dans les descriptions que nous avons faites du Forum national et du processus constitutionnel qu'il est ici possible de retrouver des considérations « citoyennistes » évoquées par Samuel Hayat quand il cherche à saisir certaines des dynamiques à l'œuvre dans le mouvement des Gilets jaunes et la réclamation du référendum d'initiative citoyenne. Selon Samuel Hayat : « le monde des citoyennistes est un monde homogène, peuplé d'individus qui ressemblent à s'y méprendre à ceux des économistes néoclassiques : on les imagine aller lors des référendums exprimer leurs préférences politiques comme les économistes imaginent les consommateurs aller sur le marché exprimer leurs préférences, sans considération pour les rapports de pouvoir dans lesquels ils sont pris, les antagonismes sociaux qui les façonnent [52] ». Ainsi la visite récente de Gilets jaunes à l'ambassade d'Islande, appelant à l'aide un peuple qui aurait « réussi une révolution citoyenne » et « chassé ses banquiers, chassé ses élites » [53], ne relève pas du seul hasard. Si l'Islande est devenue une sorte de référence collective récurrente, présente dès 2011 dans le mouvement des Indignés [54], c'est aussi parce que le cas islandais vient nourrir un imaginaire spécifique, celui d'une « révolution » qui se déroule paradoxalement sans effusions et dans une certaine préservation de la paix sociale [55].
21 Samuel Hayat remarque également une aversion marquée pour la dimension conflictuelle du politique chez les citoyennistes, qui tendent à rester muets sur les antagonismes sociaux de genre, de race voire de classe. Comment ne pas retrouver ici les influences et les approches évoquées au début de cet article pour le cas islandais ? En France le discours sur le tirage au sort ou les dispositifs participatifs, présent chez les Gilets jaunes et les partisans d'Étienne Chouard qui faisaient appel à un certain sens commun [56], s'est trouvé finalement facilement réapproprié par La République en marche et l'exécutif qui y ont trouvé des éléments potentiellement miscibles avec leurs lignes idéologiques, imprégnées de références au monde de l'entreprise. Les concepteurs du Forum national et du processus constitutionnel islandais se sont appuyés, eux, directement sur des approches néo-managériales. Dans les deux cas l'objectif présente certaines similitudes : faire l'éloge d'un dispositif dont on pense qu'il pourra potentiellement mettre fin à la conflictualité politique et sociale et rendre la politique plus vertueuse.
22 En conclusion, nous avons vu ici que le dispositif de réécriture constitutionnelle islandais, présenté comme particulièrement novateur au niveau international notamment par son recours au tirage au sort trouve ses inspirations non pas tant dans une pensée renouvelée de la représentation politique que dans une gestion néomanagériale des groupes humains. Loin d'être surprenante, cette configuration concorde au contraire avec la volonté politique de faire du Forum national islandais et du processus constitutionnel un moment de réconciliation nationale et de retrouvailles autour de valeurs communes. Ce dispositif débouche pourtant sur un échec patent et le refus d'une adoption du texte par la classe politique islandaise, trop divisée face à un projet de constitution qui viendrait profondément bouleverser le fonctionnement des institutions, augmenter le rôle de la présidence, protéger le droit à l'information, mais aussi apporter des modifications significatives à l'exploitation des ressources naturelles de l'île en les déclarant propriété nationale.
23 Il nous semble que l'expérience islandaise représente un cas emblématique de la façon dont un dispositif pensé à l'origine comme une mise en scène de la capacité de la nation islandaise à définir à l'unisson sa loi fondamentale se révèle progressivement non pas porteur de consensus, mais au contraire révélateur et producteur de dissensions ainsi que de nouvelles lignes de fractures politiques. À ce titre ses effets apparaissent particulièrement contradictoires avec le but recherché par ses initiateurs, qui pensaient par leurs innovations se distinguer des manifestants de la place d'Austurvöllur [57] qu'ils percevaient comme engoncés dans une critique peu constructive de leur gouvernement. La structuration d'un groupe autour de l'augmentation de la plus-value d'une entreprise, propre au management entrepreneurial, reste difficilement comparable au travail collectif de la définition des valeurs qui fondent une nation. Le nouveau texte produit par ce dispositif n'a finalement pas échappé au jeu partisan et s'est retrouvé inscrit comme élément programmatique parmi d'autres.
24 Ce résultat nous rappelle également que le discours managérial qui présidait à la mise en place de l'ensemble du processus et en particulier de l'assemblée tirée au sort est un discours situé, c'est-à-dire un discours produit par des acteurs placés eux-mêmes dans l'espace social et qui ne peuvent prétendre s'abstraire des rapports de domination dans lesquels ils sont aussi enferrés, même s'ils préfèrent en ignorer l'existence. Déclarer dépasser la conflictualité sociale par la mise en œuvre de dispositifs de débat et de discussion comme le tirage au sort, c'est prendre le risque d'affirmer qu'il n'existe pas d'intérêts matériels fondamentalement incompatibles au sein de groupes humains, or rien ne permet de s'assurer d'une telle possibilité. Il est tout à fait possible que quelle que soit la structure du débat démocratique ou des dispositifs de représentation politique il puisse exister des divergences insurmontables, face par exemple à des individus qui défendraient explicitement et consciemment l'inégalité ou la réduction des droits d'autres groupes sociaux. En cela, il nous semble essentiel d'analyser ces dispositifs, parmi lesquels l'usage du tirage au sort, à la lumière d'analyses sociologiques qui prennent aussi en compte les dynamiques de pouvoir dans lesquels ils s'inscrivent.
Notes
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[1]
Pour une vue générale des expérimentations islandaises, voir Jón Ólafsson (dir.), Lyðræðis-istilraunir: Ísland í hruni og endurreisn (Experiments in Democracy: Iceland in Crisis and Recovery), Reykjavík, University of Iceland Press, 2014 ; mais aussi Valur Ingimundarson, Philippe Urfalino et Irma Erlinsdóttir (dir.), Iceland's Financial Crisis: The Politics of Blame, Protest, and Reconstruction, Londres/New York, Routledge, 2016.
-
[2]
Ces propositions, consultées le 26 octobre 2020, sont disponibles en ligne (https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/propositions-de-revision-de-la-constitution/).
-
[3]
E. Paul Durrenberger et Gisli Pálsson (dir.), Gambling Debt: Iceland's Rise and Fall in the Global Economy, University Press of Colorado, 2015.
-
[4]
Jón Ólafsson, « So Strong, yet So Weak: The Emergence of Protest Publics in Iceland in the Wake of the Financial Crisis », in Nina Belyaeva, Victor Albert et Dmitry G. Zaytsev (dir.), Protest Publics: Toward a New Concept of Mass Civic Action, Cham, Springer International Publishing, Societies and Political Orders in Transition, 2019, p. 117-136 ; Jón Gunnar Bernburg, Economic Crisis and Mass Protest: The Pots and Pans Revolution in Iceland, Londres/New York, Routledge, 2016.
-
[5]
L'institut Gallup montre une chute de la confiance dans le Parlement de 42 % à 13 % entre février 2008 et février 2009. Ce taux de confiance n'est jamais remonté aux mêmes valeurs depuis et était à 23 % en février 2020 avant le début de la pandémie. Données disponibles en ligne, consultées le 26 octobre 2020 (https://www.gallup.is/frettir/traust-til-heilbrigdiskerfsins-logreglunnar-og-domskerfisins-laekkar/).
-
[6]
Chantal Mouffe, L'Illusion du consensus, Paris, Albin Michel, 2016.
-
[7]
Jane Mansbridge, « Should Blacks Represent Blacks and Women Represent Women? A Contingent "Yes" », The Journal of Politics, vol. 61, no 3, 1999, p. 628-657.
-
[8]
John Parkinson et Jane Mansbridge (dir.), Deliberative Systems: Deliberative Democracy at the Large Scale, Cambridge, Cambridge University Press, 2012.
-
[9]
Julien Talpin, « Le tirage au sort démocratise-t-il la démocratie ? Ou comment la démocratie délibérative a dépolitisé une proposition radicale », Participations, Hors série, juin 2019, p. 453-473, p. 456 et p. 461.
-
[10]
Sur les conditions plus générales de l'abandon en 2013 de ce projet de rénovation constitutionnelle, qui tient également à des changements de la situation politique et économique du pays, voir þorvaldur Gylfason, « Constitution on Ice », in Valur Ingimundarson, Philippe Urfalino et Irma Erlinsdóttir (dir.), Iceland's Financial Crisis..., op. cit., p. 203-219, p. 203.
-
[11]
Jón Gunnar Bernburg, Economic Crisis and Mass Protest: The Pots and Pans Revolution in Iceland, Londres/New York, Routledge, 2016.
-
[12]
Valur Ingimundarson, « The Politics of Transition, Memory and Justice, Assigning Blame for the Crisis », in Valur Ingimundarson, Philippe Urfalino et Irma Erlinsdóttir (dir.), Iceland's Financial Crisis..., op. cit., p. 140-155 ; Iosif Kovras, Shaun Mcdaid et Ragnar Hjalmarsson, « Truth Commissions after Economic Crises: Political Learning or Blame Game? », Political Studies, vol. 66, no 1, février 2018, p. 173-191.
-
[13]
Sur les particularités de la constitution islandaise de 1944 et les circonstances très particulières de son élaboration initiale, voir Guðni Th. Jóhannesson, « The Origins and Provisional Nature of Iceland's 1944 Constitution », Icelandic Review of Politics & Administration, vol. 7, no 1, 2011, p. 61-72 ; Ágúst þór Árnason, « Colonial Past and Constitutional Momentum: The Case of Iceland », Nordicum Mediterraneum, vol. 8, no 2, 2013.
-
[14]
Andie Sophia Fontaine, « Where Is The New Constitution? A Nation Still Waits For Iceland 2.0 », grapevine.is, 9 novembre 2020 ; Helga Margrét Hóskuldsdóttir, « Finnst skrítið að það séu ekki allir brjálaUir », ruv.is, 17 août 2020.
-
[15]
Consulté le 26 octobre 2020 ( htpp://web.archive.org/web/20141216190647/htpp://agora.is/ ).
-
[16]
Le crowdsourcing désigne habituellement des processus de travail à grande échelle, il est parfois traduit en français par les termes de production participative ou externalisation ouverte. Wikipédia est un exemple emblématique d'œuvre issue d'une production participative.
-
[17]
Un document de compte-rendu du passage d'Agora au festival SXSW est disponible en ligne (htpp://web.archive.org/web/20110919215648/htpp://agora.is/wp-content/uploads/2011/03/SXSW-Visioning-Assembly-Idea.pdf ), consulté le 26 octobre 2020.
-
[18]
Le site de l'organisation a depuis disparu, mais l'archive reste disponible en ligne, en islandais, (htpp://web.archive.org/web/20090403174514/htpp://ministryofideas.is/ ), consulté le 26 octobre 2020. Le site présente les multiples projets, réunions et échanges de l'organisation, évoquant l'intelligence artificielle, les enjeux environnementaux, etc. Au-delà du désordre apparent que peut susciter sa lecture, il est intéressant d'y voir les premières graines de ce qui constituera les idées et expériences d'assemblées et du Forum national.
-
[19]
Série de diapositives disponible en ligne (https://fr.slideshare.net/gudjon/ministry-of-ideas-overview-of-grassroot-projects-in-iceland-june-2009), consulté le 26 octobre 2020. La diapositive 18 établit le parallèle entre l'Islande et General Motors.
-
[20]
Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999, p. 161.
-
[21]
Pour le parcours biographique, voir en ligne (https://www.decideact.net/author/bjarni/), consulté le 26 octobre 2020.
-
[22]
Don Edward Beck et Christopher C. Cowa, Spiral Dynamics: Mastering Values, Leadership, and Change, Cambridge, Blackwell Business, 1996.
-
[23]
Bjarni Jónsson cite également le concept de structural coupling et d'autopoïesis parmi ses inspirations, concepts développés notamment par Maturana et Varela. Ces termes servent avant tout à décrire les mécanismes d'adaptation des groupes humains, l'autopoïesis par exemple désignant la capacité d'un organisme à s'adapter à son environnement. Voir Humberto R. Maturana et Francisco J. Varela, The Tree Of Knowledge: The Biological Roots Of Human Understanding, Boston, Shambala, 1987.
-
[24]
Pour une définition générale des transformations contemporaines du management, voir notamment Antoine Bevort, « De Taylor au néo-management : quelle participation des salariés ? », Participations, vol. 1, no 5, 2013, p. 33-51, ainsi que Danièle Linhart, La comédie humaine du travail. De la déshumanisation taylorienne à la sur-humanisation managériale, Paris, Érès, coll. « Sociologie clinique », 2015.
-
[25]
Ibid., p. 26.
-
[26]
Entretien semi-directif réalisé à Reykjavík le 28 octobre 2014.
-
[27]
Paul Hawken, Amory B. Lovins, L. Hunter Lovins, Natural Capitalism : comment réconcilier économie et environnement, Paris, Scali, coll. « Alona Kagan », 2008.
-
[28]
Paul Hawken, L'écologie de marché ou L'économie quand tout le monde gagne : enquêtes et propositions, Barret-le-Bas, Le Souffle d'or, Économie du vingt-et-unième siècle, 1995.
-
[29]
Paul Hawken, Amory B. Lovins, L. Hunter Lovins, Natural Capitalism..., op. cit., p. 483.
-
[30]
James Surowiecki, La sagesse des foules, trad. fr. Elen Riot, Paris, Jean-Claude Lattès, 2008 ; Charles Mackay, Memoirs of Extraordinary Popular Delusions and The Madness of Crowds, by Charles Mackay, Londres, Routledge, 1869 ; Gustave Le Bon, Psychologie des foules, Paris, « Le Monde »/Flammarion, coll. « Les livres qui ont changé le monde », no 14, 2009.
-
[31]
Ces deux aspects ne sont bien sûr pas forcément contradictoires entre eux, même s'il semble particulièrement ardu de défendre une vision des échanges démocratiques inspirée de règles économiques et politiques libérales, néolibérales ou libertariennes. Alain Marciano, « Repenser l'économie du politique à partir de l'économie politique », Cahiers d'économie Politique, vol. 47, no 2, 2004, p. 69-93. Voir également pour une perspective plus critique, Jean Solchany « Le problème plus que la solution : la démocratie dans la vision du monde néolibérale », Revue de philosophie économique, vol. 17, no 1, 2016, p. 135-169.
-
[32]
« Dásamlega samheldin stemning », visir.is, 7 novembre 2010 ; « Nýr þjóðarsáttmáli », ruv.is, 7 novembre 2010 ; Gunnar Hersveinn, « Staðfestir visku fjöldans », mbl.is, 6 novembre 2010.
-
[33]
Loïc Blondiaux, Le nouvel esprit de la démocratie, Paris, Seuil, 2008, p. 24-28.
-
[34]
L'idée qu'il suffirait d'accumuler indéfiniment des données pour en faire naître un ordre et un sens est une erreur commune dans les discours adressés au grand public sur l'intelligence artificielle, les algorithmes, etc. Voir notamment Dominique Cardon, À quoi rêvent les algorithmes : nos vies à l'heure des big data, Paris, Seuil, 2015.
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[35]
Sur la naissance et la croissance des Pirates islandais, voir Lionel Cordier, « La politique islandaise piratée ? », Nordiques, no 32, 2016. Les Pirates islandais ont notamment fait la promotion, un temps, de la « démocratie liquide », un système électronique de délégation du vote. Sur les liens entre nouvelles technologies de l'information et transformation des pratiques politiques, voir notamment Nicolas Baygerts, « L'activisme numérique au regard du consumérisme politique : Pirates et Tea Partiers sous la loupe », Participations, vol. 8, no 1, 2014, p. 75-95.
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[36]
Yves Sintomer, Petite histoire de l'expérimentation démocratique : tirage au sort et politique d'Athènes à nos jours, Paris, La Découverte, 2011, p. 56 et p. 79.
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[37]
Gil Delannoi, Le retour du tirage au sort en politique, Paris, Fondation pour l'innovation politique, no 1, 2010, p. 9.
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[38]
Jacques Rancière, La haine de la démocratie, Paris, La Fabrique, 2005, p. 48.
-
[39]
Dans son dernier ouvrage Hélène Landemore développe largement en quoi le cas islandais apparaît comme un cas d'étude particulièrement précieux et novateur, voir Hélène Landemore, Open Democracy: Reinventing Popular Rule for the Twenty-first Century, Princeton, Princeton University Press, 2020, p. 152-190 ; voir également Hélène Landemore et Jon Elster (dir.), Collective Wisdom: Principles and Mechanisms, Cambridge, Cambridge University Press, 2012, p. 148-172.
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[40]
Alice Mazeaud et Magali Nonjon, Le marché de la démocratie participative, Paris, Éditions du Croquant, 2018 ; voir également Alice Mazeaud et Magali Nonjon, « De la cause au marché de la démocratie participative », Agone, vol. 56, no 1, 2015, p. 135-152.
-
[41]
Alice Mazeaud et Magali Nonjon, Le marché de la démocratie participative, op. cit., p. 338.
-
[42]
Ibid., p. 345.
-
[43]
Ibid., p. 344.
-
[44]
Antoine Bevort, « De Taylor au néo-management : quelle participation des salariés ? », Participations, vol. 5, no 1, 2013, p. 33-51.
-
[45]
Danièle Linhart, « Modernisation managériale : tout plutôt qu'une démocratisation du travail », in Fondation Copernic (dir.), Manuel indocile de sciences sociales. Pour des savoirs résistants, Paris, La Découverte, 2019, p. 832-840, p. 839.
-
[46]
Antoine Bevort, « De Taylor au néo-management... », art. cité, p. 39.
-
[47]
Luc Boltanski, De la critique, Paris, NRF/Gallimard, 2009, p. 203 et p. 190.
-
[48]
Dimitri Courant et Yves Sintomer, « Le tirage au sort au 21e siècle. Actualité de l'expérimentation démocratique », Participations, vol. 23, no 1, 2019, p. 5-32, p. 19.
-
[49]
Ibid., p. 12.
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[50]
Samuel Hayat, « Les Gilets jaunes et la question démocratique », Contretemps, 26 décembre 2018.
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[51]
Dimitri Courant et Yves Sintomer, « Le tirage au sort au 21e siècle... », art. cité, p. 25.
-
[52]
Samuel Hayat, « Les Gilets jaunes et la question démocratique », art. cité.
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[53]
Alexis Orsini, « Gilets jaunes : Les manifestants ont-ils raison de prendre la "révolution islandaise" pour modèle ? », 20minutes.fr, 4 février 2019.
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[54]
Geoffrey Pleyers et Marlies Glasius, « La résonance des "mouvements des places" : connexions, émotions, valeurs », Socio. La nouvelle revue des sciences sociales, no 2, 16 décembre 2013, p. 59-80 ; Héloïse Nez, « "We Must Register a Victory to Continue Fighting": Locating the Action of the Indignados in Madrid », in Marcos Ancelovici, Pascale Dufour, Héloïse Nez (dir.), Street Politics in the Age of Austerity, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2016, p. 121-146, p. 131.
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[55]
De même, les débats qui ont traversé le mouvement des Gilets jaunes concernant le Référendum d'initiative citoyenne nous semblent révélateurs de certaines conceptions de la participation publique, notamment dans la volonté de dépasser le jeu partisan et le conflit d'idéologies constituées. Sur les représentations et les comportements politiques des Gilets jaunes voir notamment : Collectif d'enquête sur les Gilets jaunes et al., « Enquêter in situ par questionnaire sur une mobilisation. Une étude sur les Gilets jaunes », Revue française de science politique, vol. 69, no 5-6, 2019, p. 869-892.
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[56]
Samuel Hayat, « La carrière militante de la référence à Bernard Manin dans les mouvements français pour le tirage au sort », Participations, Hors-Série, 5 juin 2019, p. 437-451.
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[57]
La place d'Austurvöllur, située devant le Parlement islandais, constitue le lieu traditionnel des manifestations et des mobilisations politiques. Elle a été le théâtre notamment des rassemblements de 2008-2009 et de 2016 qui ont connu un nombre record de participants.