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Article de revue

Penser la protection de l’environnement en temps de guerre : les apports de la tradition de la guerre juste

Pages 55 à 65

Notes

  • [1]
    Julian Perry Robinson, The Effects of Weapons on Ecosystems, Londres, Pergamon Press, 2013 ; Arthur H. Westing (dir.), Herbicides in War: The Long-Term Ecological and Human Consequences, Londres/Philadelphia, Taylor & Francis, 1984 ; Arthur H. Westing, Global Resources and International Conflict: Environmental Factors in Strategic Policy and Action, Oxford, Oxford University Press, 1986.
  • [2]
    Paul Frederick Cecil, Herbicidal Warfare: The Ranch Hand Project in Vietnam, New York, Praeger, 1986.
  • [3]
    David Zierler, The Invention of Ecocide, Athens, University of Georgia Press, 2011.
  • [4]
    Nous pouvons toutefois citer deux contributions importantes : Gregory Reichberg et Henrik Syse, « Protecting the Natural Environment in Wartime: Ethical Considerations from the Just War Tradition », Journal of Peace Research, 2000, vol. 37, no 4, p. 449-468 ; Mark Woods, « The Nature of War and Peace; Just War Thinking, Environmental Ethics, and Environmental Justice », in Harry Van der Linden, John W. Lango et Michael W. Brough (dir.), Rethinking the Just War Tradition, Albany, State University of New York Press, 2007.
  • [5]
    Hicham-Stéphane Afeissa, Éthique de l'environnement : nature, valeur, respect, Paris, Vrin, 2007 ; Corine Pelluchon, Éléments pour une éthique de la vulnérabilité : les hommes, les animaux, la nature, Paris, Éditions du Cerf, 2011.
  • [6]
    Catherine Larrère, Penser et agir avec la nature : une enquête philosophique, Paris, La Découverte, 2015.
  • [7]
    Pierre Pagney, Le climat, la bataille et la guerre : des conflits limités aux conflits planétaires, Paris, L'Harmattan, 2008.
  • [8]
    Le concept de « valeur dérivée » s'oppose, en éthique environnementale, à celui de « valeur intrinsèque », qui considère l'environnement comme une entité morale à part entière. Voir à ce sujet Hicham-Stéphane Afeissa, Éthique de l'environnement..., op. cit.
  • [9]
    Seth Lazar, « War », in Edward N. Zalta (dir.), The Stanford Encyclopedia of Philosophy (printemps 2017), disponible en ligne (https://plato.stanford.edu/archives/spr2017/entries/war/).
  • [10]
    Hugo Grotius, Le droit de la guerre et de la paix, trad. fr. Paul Pradier-Fodéré [2012], éd. Denis Alland et Simone Goyard-Fabre, Paris, PUF, 2012, p. 264.
  • [11]
    Alberico Gentili, Les trois livres sur le droit de la guerre, trad. fr. Dominique Gaurier, Presses universitaires de Limoges, 2011.
  • [12]
    Hugo Grotius, Le droit de la guerre et de la paix, op. cit., p. 729.
  • [13]
    Alfred Vanderpol et Francisco de Vitoria, La guerre devant le christianisme suivi du « Traité du droit de la guerre » (De Jure belli), Paris, A. Tralin, 1911 [3e éd.].
  • [14]
    Samuel von Pufendorf, Le droit de la nature et des gens, ou Système général des principes les plus importants de la morale, de la jurisprudence, et de la politique, Caen, Centre de philosophie politique et juridique, 1989, p. 216.
  • [15]
    Emer de Vattel, Le droit des gens, ou Principes de la loi naturelle appliqués à la conduite et aux affaires des nations et des souverains, Washington, Carnegie Institution of Washington, 1916, p. 249.
  • [16]
    Ibid., p. 257.
  • [17]
    Gregory Reichberg et Henrik Syse, « Protecting the Natural Environment in Wartime », art. cité, p. 463.
  • [18]
    Alberico Gentili, Les trois livres sur le droit de la guerre, op. cit., p. 415.
  • [19]
    Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes de conflits armés internationaux (Protocole I), disponible en ligne (https://www.icrc.org/fr/doc/assets/files/other/icrc_001_0321.pdf).
  • [20]
    Emer de Vattel dans Bronwyn Leebaw, « Scorched Earth: Environmental War Crimes and International Justice », Perspectives on Politics, vol. 12, no 4, 2014, p. 772.
  • [21]
    Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage, et de l'usage des armes chimiques et sur leur destruction, 1993, accessible via https://www.opcw.orgsites/default/files/documents/CWC/CWC_fr.pdf.
  • [22]
    Hugo Grotius, Le droit de la guerre et de la paix, op. cit. p. 734.
  • [23]
    Pour une étude des liens entre dégradation environnementale et jus post-bellum, voir Simon Caney, « Environmental Degradation, Reparations, and the Moral Significance of History », Journal of Social Philosophy, vol. 37, no 3, 2006, p. 464-482.
  • [24]
    Merrit P. Drucker, « The Military Commander's Responsibility for the Environment », Environmental Ethics, vol. 11, no 2, 989, p. 135-152.
  • [25]
    Benoît Hopquin, « Le poison de la guerre coule toujours à Verdun », Le Monde.fr, 20 janvier 2014, disponible en ligne (https://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2014/01/20/le-poison-de-la-guerre-coule-toujours-a-verdun_4348426_3208.html).
  • [26]
    Alberico Gentili, Les trois livres sur le droit de la guerre, op. cit., p. 262.
  • [27]
    Ibid., p. 261.
  • [28]
    Hugo Grotius, Le droit de la guerre et de la paix, op. cit., p. 633.
  • [29]
    Robyn Eckersley, « Ecological Intervention: Prospects and Limits », Ethics and international affairs, vol. 21, no 3, 2007, p. 298.
  • [30]
    Hugo Grotius, Le droit de la guerre et de la paix, op. cit., p. 724.
  • [31]
    David Zierler, The Invention of Ecocide, op. cit.
  • [32]
    Policy Paper on Case Selection and Prioritisation, Office of the Prosecutor, International Criminal Court, last modified October 3, 2017, disponible en ligne (https://www.icc-cpi.int/itemsDocuments/20160915_OTP-Policy_Case-Selection_Eng.pdf).
  • [33]
    Gregory Reichberg et Henrik Syse, « Protecting the Natural Environment in Wartime », art. cité, p. 464.
  • [34]
    Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, Article 8 « Crimes de guerre », 2, b, IV, (http://legal.un.org/icc/statute/french/rome_statute(f).pdf).
  • [35]
    Alison McIntyre, « Doctrine of Double Effect », in Edward N. Zalta (dir.), Stanford Encyclopedia of Philosophy, The Metaphysics Research Lab, 2008.
  • [36]
    Ibid.
  • [37]
    Gregory Reichberg et Henrik Syse, « Protecting the Natural Environment in Wartime », art. cité, p. 465.
  • [38]
    Merrit P. Drucker, « The Military Commander's Responsibility for the Environment », art. cité.
  • [39]
    Alasdair C. MacIntyre, After Virtue: A Study in Moral Theory, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 2007 [3e éd.], p. 178.
  • [40]
    Ce n'est par exemple pas le cas dans une perspective non-anthropocentrée ou antispéciste, qui place les vies humaines et non humaines sur un pied d'égalité dans ce type de calcul moral. Pour une synthèse de ces courants, Hicham-Stéphane Afeissa, Éthique de l'environnement..., op. cit.
  • [41]
    Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes de conflits armés internationaux (Protocole I), Article 57, 2, a, ii, disponible en ligne (https://www.icrc.org/fr/doc/assets/files/other/icrc_001_0321.pdf).
  • [42]
    Alasdair C. MacIntyre, After Virtue..., op. cit., p. 223.
  • [43]
    John Passmore, Man's Responsibility for Nature: Ecological Problems and Western Traditions, Londres, Duckworth, 1974.
  • [44]
    Peter Olsthoorn, Military Ethics and Virtues: an Interdisciplinary Approach for the 21st Century, New York, Routledge, 2010.

1L'utilisation massive de défoliants par l'armée américaine au Vietnam, l'incendie de centaines de puits de pétrole pendant la guerre du Golfe, ou encore les attaques chimiques sur la ville de Khan Cheikhoun au cours de la guerre de Syrie sont autant de manifestations de l'impact inédit des conflits armés sur l'environnement. L'expérience des deux guerres mondiales montre également le caractère destructeur des armements modernes et leurs effets durables sur les écosystèmes. Depuis les années 1970, une importante littérature est consacrée à l'évaluation des dommages environnementaux causés par les conflits armés modernes [1], mais aussi aux mobilisations des victimes contre l'utilisation militaire de certaines armes non-conventionnelles comme l'Agent Orange [2]. D'autres contributions s'intéressent aux évolutions du droit international humanitaire et en particulier à l'apparition de la catégorie d'« écocide » pour désigner les crimes de guerre environnementaux [3]. Cependant, peu de travaux étudient la prise en compte de l'environnement dans la guerre d'un point de vue éthique, c'est-à-dire en construisant des justifications de la protection de l'environnement en temps de guerre à partir d'un argumentaire moral [4].

2Ce manque analytique s'explique en partie par les orientations théoriques respectives des éthiciens environnementaux et des spécialistes de l'éthique de la guerre. D'un côté, l'éthique environnementale enquête sur le rapport à la nature entretenu par les sociétés humaines et sur le statut à accorder au vivant [5]. Elle porte une critique de l'anthropocentrisme des théories morales classiques, de la prise de pouvoir de la technoscience dans le capitalisme avancé ou encore des injustices environnementales dans les communautés politiques modernes [6]. La guerre demeure un fait social peu étudié par ces auteurs souvent pacifistes qui se limitent à une condamnation a priori de la violence armée et des destructions causées par le complexe militaro-industriel. De l'autre, l'éthique de la guerre accorde peu d'intérêt à l'étude du rapport entre le fait guerrier et la nature. Cette absence de débat ne permet pas d'interroger l'approche anthropocentrée de l'environnement promue par la pensée stratégique, dans laquelle il est souvent considéré comme une donnée tactique qu'il est possible de détruire pour bénéficier d'un avantage sur son adversaire [7].

3Dans cet article, il s'agit de montrer que la tradition de la guerre juste avance plusieurs arguments pour justifier la protection de l'environnement en temps de guerre. Du point de vue de l'éthique environnementale, elle accorde une valeur « dérivée » aux entités naturelles, c'est-à-dire qu'elles sont considérées moralement à partir du moment où des humains en dépendent pour leur survie [8]. Elle sort ainsi de l'idée de « valeur intrinsèque » de la nature qui condamne toute forme de violence et ne permet pas d'étudier les phénomènes guerriers. Du point de vue de l'éthique de la guerre, cet article présuppose que les critères moraux classiques de la tradition de la guerre juste sont pertinents pour bâtir un argumentaire écologique sur la violence armée. Il propose de reprendre les contributions des auteurs classiques inscrites en partie dans le droit international humanitaire moderne, et non de refonder l'éthique de la guerre sur des bases individuelles et réductionnistes comme le proposent les auteurs révisionnistes [9].

4Dans le cadre du jus in bello, il existe deux arguments classiques pour justifier la protection de l'environnement en temps de guerre, qui se retrouvent dans le droit international humanitaire moderne. Le premier, utilitariste, considère certains éléments naturels comme des ressources essentielles pour la survie des populations civiles. À partir du critère de distinction, il propose de leur octroyer une immunité morale en raison du bénéfice tiré de leur exploitation. Le second, conséquentialiste, avance que certains comportements guerriers et certaines armes particulièrement nuisibles doivent être bannis du champ de bataille. À partir du critère de proportionnalité, il justifie cette interdiction par l'intensité et l'impact à long terme des destructions. Cependant, ces deux approches n'offrent pas de réponse satisfaisante aux dommages environnementaux tolérés dans le cadre du double effet et du dernier recours. À partir de l'éthique de la vertu, il est toutefois possible d'interpréter ces critères comme des incitations à la responsabilisation des belligérants qui permettent de penser les aspects écologiques de l'éthique militaire.

Protéger les ressources des populations civiles : la perspective utilitariste

5Le jus in bello implique d'humaniser sa conduite, de modérer sa force et de l'employer exclusivement contre un combattant ennemi. Hugo Grotius qualifie les guerres « de destruction » de « bestiales » parce qu'elles tuent et détruisent de manière indiscriminée [10]. Le premier critère du jus in bello, la distinction, impose de séparer les combattants des civils et de protéger ces derniers des dommages causés par la guerre. D'inspiration chrétienne, la vision traditionnelle de la distinction estime que la protection des non-combattants se justifie à la fois par leur vulnérabilité (ils ne sont pas en mesure de se défendre) et leur innocence (ils ne participent pas directement au conflit). Un troisième argument considère les impacts sur les non-combattants sur le long terme, compte tenu de la gravité de certaines destructions de guerre. Dans les trois cas, pour les auteurs, les éléments environnementaux à protéger sont ceux qui sont nécessaires à la préservation des conditions de vie des populations civiles, c'est-à-dire qui maximisent leur bien-être général. Le principe de distinction s'applique donc de manière utilitariste et n'accorde une protection qu'à certaines ressources dont l'exploitation bénéficie aux non-combattants.

6Cette posture se retrouve dans le premier argument classique en faveur de la protection de l'environnement en temps de guerre qui consiste à insister sur l'innocence des civils chargés d'exploiter les ressources de la terre. Dans l' uvre d'Alberico Gentili, la figure du fermier ou du cultivateur est employée pour illustrer la pertinence du critère de distinction. Les fermiers incarnent une vie paisible et un labeur consacré au bien commun car il garantit la survie des populations en temps de paix comme en temps de guerre [11]. Grotius considère qu'ils doivent être épargnés parce qu'ils permettent un accès non discriminé aux ressources [12]. Francisco de Vitoria estime que les « cultivateurs » sont « inoffensifs » et lie leur sécurité à celle de la population « civile et paisible » [13]. Samuel Von Pufendorf, qui cite Arrien, conseille également d'« épargner les laboureurs [14] », et Emer de Vattel affirme que « de tous les arts, le labourage ou l'agriculture est sans doute le plus utile et le plus nécessaire [15] » car il « nourrit le genre humain [16] ». L'idée de protection des métiers de la terre est en outre directement issue de la conception jusnaturaliste de la propriété : toute destruction de propriété est également une altération d'un bien commun à toute l'humanité, en particulier dans le cas des terres cultivées ou des ressources en eau [17].

7Le deuxième argument insiste sur la vulnérabilité environnementale des civils, c'est-à-dire leur dépendance forte aux ressources de la Terre. Dans un contexte de guerre, où les belligérants disposent d'un pouvoir exceptionnel de destruction, la raréfaction des ressources est un enjeu crucial pour les non-combattants. La protection de l'environnement est également fondée sur un argumentaire utilitariste car les ressources naturelles à préserver sont uniquement celles nécessaires à la survie des civils. Le juriste Alberico Gentili condamne la destruction des « arbres fruitiers » et des « terres arables », car cela a un impact indirect sur leurs conditions de vie [18]. Cet argument est aussi développé par le philosophe suisse Emer de Vattel et le canoniste espagnol Francisco de Vitoria. Il est en outre au c ur du Protocole additionnel aux conventions de Genève :

8Il est interdit d'attaquer, de détruire, de déplacer ou de rendre inutiles des objets indispensables pour la survie de la population civile, comme la production de denrées alimentaires, de récoltes, de bétail, d'installations d'eau potable et de réserves de nourriture, ainsi que d'ouvrages d'irrigation, dans le but spécifique de leur retirer leur valeur de subsistance à la population civile ou à la partie adverse, quel qu'en soit le motif, qu'il s'agisse d'affamer les civils, de les forcer à se déplacer, ou pour tout autre motif [19].

9Le troisième argument questionne les limites temporelles du critère de discrimination. En effet, un dommage causé à l'environnement pendant un conflit armé peut durablement affecter les populations et constituer une menace pour leur survie à long terme. En prenant l'exemple des fermes, Vattel considère qu'« arracher les vignes et couper les arbres fruitiers (...) désole un pays pour de nombreuses années [20] ». Cet argument se trouve au c ur du droit international humanitaire. La convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC) se réfère explicitement à leurs effets indiscriminés en qualifiant les produits chimiques toxiques comme « tout produit chimique qui par son action sur les cycles de vie peut causer la mort, une incapacité temporaire ou un dommage permanent aux humains et animaux [21] ». Cette position s'accompagne parfois de considérations stratégiques. Pour Grotius, par exemple, les belligérants se doivent de cultiver la terre plutôt que de la détruire car c'est un comportement honorable, mais c'est aussi un moyen de ne pas être haï par les populations civiles et de ne pas mettre en péril l'après-guerre [22]. En effet, même si les belligérants peuvent avoir un intérêt à court terme à détruire des ressources, la destruction de l'environnement est source de ressentiment au sein de la population et nourrit des insurrections. Il s'agit, dès lors, autant de préserver le bien-être des civils que de garantir l'objectif ultime de toute guerre, qui maximise l'utilité globale : la paix [23].

10Dans la tradition de la guerre juste, le respect du critère de distinction impose de préserver l'environnement en tant que bien commun nécessaire à la survie des civils dans le court comme dans le long terme, selon un raisonnement utilitariste. Si certains travaux plaident également pour une reconnaissance de l'environnement comme non-combattant afin de lui garantir une protection contre les dommages [24], les trois arguments mis en avant ont le mérite de mettre en lumière la forte relation de dépendance qui lie les combattants et les non-combattants à leur environnement naturel.

Quantifier les dommages environnementaux : l'argumentaire conséquentialiste

11Le critère de proportionnalité établit que les combattants doivent s'assurer que les dommages causés sont proportionnels au but stratégique recherché. Il postule ainsi que la moralité de l'action est liée à ses conséquences. Dans une perspective environnementale, ce raisonnement pose la question de l'évaluation des dommages, qui est problématique en raison de leur temporalité, mais aussi de leur caractère diffus et indirect. Par exemple, les dégâts écologiques causés par les guerres de tranchée de la Première Guerre mondiale dans le nord de la France ne sont toujours pas exactement connus, notamment en raison du très grand nombre de molécules toxiques disséminées par les munitions enterrées et des difficiles corrélations à établir avec la qualité des sols ou la santé des populations locales [25]. Toutefois, il est possible de penser la proportionnalité de manière conséquentialiste à partir de deux approches : le type de dommage causé et l'intensité de ce dommage.

12À partir du type de dommage causé, la première rupture de proportionnalité concerne les armes les plus dévastatrices à la disposition des belligérants, car elles provoquent des destructions aux conséquences environnementales incontrôlables. Pour les auteurs classiques, ces armes doivent être bannies de tous les champs de bataille. Dans un chapitre consacré à l'usage des poisons, Alberico Gentili présente un plaidoyer en faveur de l'interdiction des armes chimiques et biologiques du champ de bataille. Ses arguments ne sont pas uniquement fondés sur des aspects environnementaux ; il considère aussi les poisons comme des armes injustes et malhonnêtes qui promeuvent la duplicité [26]. Néanmoins, il montre que l'empoisonnement des ressources en eau et des puits, par exemple, détériore l'environnement sur une période qui excède la durée totale du conflit [27]. Quant à Grotius, s'il ne condamne pas la corruption des eaux des rivières « sans poison » pour en empêcher l'utilisation, il bannit expressément l'empoisonnement des fontaines, c'est-à-dire des eaux destinées à la consommation [28].

13Pour le second argument concernant l'intensité du dommage, il est nécessaire de graduer les destructions environnementales causées en période de guerre. La politiste Robin Eckersley propose trois catégories : « les urgences environnementales majeures avec des retombées qui menacent la santé publique dans la région étendue », « les crimes contre la nature qui comportent des violations sérieuses des droits humains », et « les crimes contre la nature confinés dans le territoire de l'État incriminé et qui n'impliquent pas de sérieuses violations des droits humains [29] ». Cette typologie de l'intensité peut être ramenée à deux éléments : d'une part, la rupture simple du critère de proportionnalité (urgences environnementales majeures), et d'autre part la rupture sévère du critère de proportionnalité (crimes contre la nature avec violations ou non des droits humains).

14Dans la tradition de la guerre juste, la rupture sévère du critère de proportionnalité est illustrée par des stratégies et tactiques militaires destructrices. Dans le contexte de la guerre de Trente Ans, Grotius appelle à la « tempérance par rapport à la dévastation », et condamne la politique de la terre brûlée qui ne fait que créer de nouvelles injustices [30]. À la suite de la guerre du Vietnam, le terme d'« écocide » se développe pour désigner une destruction massive de l'environnement avec des effets étendus et de longue durée. Dans le droit international humanitaire, le débat sur le statut d'écocide commence dans les années 1970, après la guerre du Vietnam [31]. Dans le Statut de Rome en 1998, la violation du critère de proportionnalité devient un élément central de la définition des écocides, considérés comme des crimes de guerre. Plus récemment, si la Cour internationale de justice ne reconnaît pas l'écocide comme un crime de guerre, elle a déclaré en 2016 qu'elle poursuivra les individus et gouvernements coupables de « crimes environnementaux », quand ils peuvent être qualifiés de crimes contre l'humanité ou comme des violations des droits humains. Cela comprend « la destruction de l'environnement, l'exploitation illégale des ressources naturelles ou la dépossession illégale de terres [32] ».

15La rupture simple du critère de proportionnalité laisse plus de place à l'interprétation et à l'évaluation au cas par cas. Elle dépend d'un calcul moral qui soupèse les moyens utilisés pour vaincre et surtout parvenir à la paix, le but ultime de la guerre dans la tradition de la guerre juste. C'est dans ce cadre qu'une « destruction avec de sévères et/ou durables conséquences peut être considérée (...) non proportionnelle par rapport au gain militaire envisagé [33] ». L'intentionnalité du dommage constitue un critère de jugement important dans le droit international humanitaire de ce point de vue : d'après le Statut de Rome, « lancer intentionnellement une attaque en sachant que cette attaque causera des pertes civiles volontaires ou des dommages sur des propriétés des civils ou des effets étendus, de long terme et sévères sur l'environnement qui seraient clairement excessifs vis à vis de l'avantage militaire direct et concret envisagé [34] ». Dans l'esprit de tempérance qui anime les auteurs de la tradition de la guerre juste, les dommages directs et intentionnels sont donc condamnables a priori car ils ont des conséquences facilement observables. L'approche conséquentialiste condamne de la sorte les dommages intentionnels dont les belligérants ont nécessairement connaissance au moment d'agir.

Responsabiliser les belligérants : l'approche par les vertus

16À travers l'attention accordée aux dommages environnementaux, les approches utilitariste et conséquentialiste fournissent des perspectives intéressantes et complémentaires pour condamner des actions particulièrement destructrices pour l'environnement en temps de guerre. Cependant, la tradition de la guerre juste admet deux exceptions : le double effet et le dernier recours. Le double effet considère qu'il est tolérable de causer des dommages aux civils et à l'environnement tant qu'ils sont les conséquences non-intentionnelles de la poursuite d'un objectif militaire légitime : il établit une distinction entre les effets intentionnels et accidentels [35]. Le critère du dernier recours reconnaît quant à lui la difficulté à effectuer des choix éthiques au c ur de la bataille et tolère de manière exceptionnelle des actions injustes si elles permettent de sauver la vie des combattants. Ces exceptions sont problématiques car elles interrogent l'importance des préoccupations écologiques dans des contextes de guerre souvent complexes. Toutefois, une autre perspective éthique permettrait de repenser ces critères. En effet, si les approches conséquentialiste et utilitariste se concentrent sur les destructions, elles ne disent rien des agents moraux (les militaires) et de leur conception du bien. L'éthique des vertus propose de penser une morale applicable aux belligérants qui justifie la protection de l'environnement par une recherche de ce qu'est un bon soldat. Nous pouvons identifier deux vertus militaires qui intègrent la protection de l'environnement dans des cas où le double effet ou le dernier ressort s'appliqueraient : la tempérance et la prudence (phronesis).

17La doctrine du double effet est élaborée par Saint Thomas d'Aquin dans son ouvrage Summa Theologica. Il avance que, dans un cas de légitime défense, il existe deux types d'effets : intentionnels (sauver sa propre vie) et au-delà de l'intention (tuer son agresseur). Il y a ainsi « une distinction entre causer un grave dommage comme effet collatéral de la poursuite d'une finalité juste et causer un grave dommage comme moyen pour poursuivre une finalité juste [36] ». À ce titre, la doctrine du double effet peut être une mauvaise incitation morale : un crime environnemental peut être par conséquent excusé tant qu'il est un dommage non-intentionnel. Gregory Reichberg et Henrik Syse ont toutefois démontré que le double effet ne pouvait pas être une excuse, mais tout au plus une justification : ce critère implique que chaque combattant « en toute connaissance de cause et de bonne volonté » doit accepter les effets collatéraux non-intentionnels de ses actions [37]. Les belligérants ont la responsabilité morale de limiter le caractère inévitable de ces effets collatéraux, pour maintenir leur respect du critère de proportionnalité. Le double effet doit aider les responsables militaires à considérer toutes les conséquences possibles de leurs actions, et à peser chaque choix stratégique [38]. En éthique des vertus, la tempérance désigne cette volonté de retenue et de modération. En commentateur d'Aristote, Saint Thomas d'Aquin fait en outre un important usage de la tempérance, qu'il place parmi les vertus cardinales [39]. Dans le cas de la doctrine du double effet, l'usage de la tempérance doit limiter le risque de destruction présent dans toute opération militaire : le bon soldat est celui qui dicte sa conduite par sa retenue et le contrôle de son action.

18Le second critère, le dernier recours, implique qu'il est possible de négliger les règles traditionnelles de la guerre, et que nous pourrions tolérer des actions injustes si elles permettent de sauver la vie des combattants. Dans le cadre de notre étude, il serait tolérable de causer des dommages graves à l'environnement plutôt que de risquer des vies humaines. Le problème de la nécessité ou du dernier recours est donc l'impunité potentielle qu'elle donne aux combattants. D'un point de vue environnemental, elle pourrait presque être complète tant la valeur morale des combattants ou des civils dépasse celle des entités naturelles en éthique de la guerre et cela même si leur destruction a un impact indirect sur les populations [40]. L'enjeu, à la suite de Michael Walzer, est donc d'imposer des limites morales et politiques à cette notion. L'éthique militaire fournit plusieurs arguments pour soutenir ce projet. En effet, les combattants doivent toujours réduire le risque de toucher des innocents et ils ont également un devoir, au cours du conflit, de risquer leur vie plutôt que celles des citoyens. La protection des civils et de leurs conditions de vie fait partie de la préservation de l'environnement en temps de guerre. C'est l'esprit des conventions de Genève : « prendre toutes les précautions nécessaires dans le choix de moyens et de méthodes d'attaque dans le but d'éviter, ou du moins de minimiser, la perte accidentelle de vie civile, les dommages aux civils et à leur propriété [41] ». La nécessité n'implique donc pas l'impunité, mais doit au contraire renforcer la responsabilité environnementale des acteurs militaires. Du point de vue des vertus, c'est la sagesse pratique ou la prudence au sens aristotélicien (phronésis) qui établit cette nécessaire précaution dans l'action militaire dans la guerre, même si celle-ci est par nature contingente. En effet, la prudence correspond à la capacité de juger malgré un contexte changeant [42].

19L'apport fondamental de l'éthique des vertus au débat moral sur la protection de l'environnement en temps de guerre réside précisément dans le fait de mettre l'accent sur la responsabilité des décideurs militaires et des soldats. Elle réactive une conception occidentale et moderne de la protection de l'environnement qui place l'humain et le soldat dans une attitude morale de « gardien » du vivant [43]. Cette posture a le mérite de replacer la nature dans sa position de vulnérabilité vis-à-vis de la puissance humaine, mais également de moraliser le comportement du soldat d'un point de vue écologique. Elle met également en lumière les liens d'interdépendance qui lient les humains à leur environnement naturel. Une telle approche est à la fois compatible avec le droit international humanitaire et avec l'approche militaire de l'éthique qui reprend ces vertus de prudence et de tempérance [44].

Conclusion

20Les contributions classiques et récentes des auteurs de la tradition de la guerre juste fournissent plusieurs pistes pour justifier la protection de l'environnement en période de conflit armé, dans le cadre du jus in bello. Les critères de discrimination et de proportionnalité proposent un argumentaire utilitariste-conséquentialiste attentif aux destructions environnementales causées par les opérations militaires. Face aux exceptions posées par les critères du double effet et du dernier recours, l'utilisation de l'éthique des vertus représente une nouvelle perspective pour repenser l'action militaire à partir des agents et de leur conception du bien. Les vertus de tempérance et de prudence constituent une base pour fonder une éthique militaire de l'environnement. Cependant, à plusieurs égards, cette approche de la guerre juste peut se révéler incomplète, en particulier du point de vue de l'éthique environnementale qui critique la centralité des intérêts humains au détriment de ceux des entités naturelles.


Date de mise en ligne : 03/04/2020

https://doi.org/10.3917/rai.077.0055

Notes

  • [1]
    Julian Perry Robinson, The Effects of Weapons on Ecosystems, Londres, Pergamon Press, 2013 ; Arthur H. Westing (dir.), Herbicides in War: The Long-Term Ecological and Human Consequences, Londres/Philadelphia, Taylor & Francis, 1984 ; Arthur H. Westing, Global Resources and International Conflict: Environmental Factors in Strategic Policy and Action, Oxford, Oxford University Press, 1986.
  • [2]
    Paul Frederick Cecil, Herbicidal Warfare: The Ranch Hand Project in Vietnam, New York, Praeger, 1986.
  • [3]
    David Zierler, The Invention of Ecocide, Athens, University of Georgia Press, 2011.
  • [4]
    Nous pouvons toutefois citer deux contributions importantes : Gregory Reichberg et Henrik Syse, « Protecting the Natural Environment in Wartime: Ethical Considerations from the Just War Tradition », Journal of Peace Research, 2000, vol. 37, no 4, p. 449-468 ; Mark Woods, « The Nature of War and Peace; Just War Thinking, Environmental Ethics, and Environmental Justice », in Harry Van der Linden, John W. Lango et Michael W. Brough (dir.), Rethinking the Just War Tradition, Albany, State University of New York Press, 2007.
  • [5]
    Hicham-Stéphane Afeissa, Éthique de l'environnement : nature, valeur, respect, Paris, Vrin, 2007 ; Corine Pelluchon, Éléments pour une éthique de la vulnérabilité : les hommes, les animaux, la nature, Paris, Éditions du Cerf, 2011.
  • [6]
    Catherine Larrère, Penser et agir avec la nature : une enquête philosophique, Paris, La Découverte, 2015.
  • [7]
    Pierre Pagney, Le climat, la bataille et la guerre : des conflits limités aux conflits planétaires, Paris, L'Harmattan, 2008.
  • [8]
    Le concept de « valeur dérivée » s'oppose, en éthique environnementale, à celui de « valeur intrinsèque », qui considère l'environnement comme une entité morale à part entière. Voir à ce sujet Hicham-Stéphane Afeissa, Éthique de l'environnement..., op. cit.
  • [9]
    Seth Lazar, « War », in Edward N. Zalta (dir.), The Stanford Encyclopedia of Philosophy (printemps 2017), disponible en ligne (https://plato.stanford.edu/archives/spr2017/entries/war/).
  • [10]
    Hugo Grotius, Le droit de la guerre et de la paix, trad. fr. Paul Pradier-Fodéré [2012], éd. Denis Alland et Simone Goyard-Fabre, Paris, PUF, 2012, p. 264.
  • [11]
    Alberico Gentili, Les trois livres sur le droit de la guerre, trad. fr. Dominique Gaurier, Presses universitaires de Limoges, 2011.
  • [12]
    Hugo Grotius, Le droit de la guerre et de la paix, op. cit., p. 729.
  • [13]
    Alfred Vanderpol et Francisco de Vitoria, La guerre devant le christianisme suivi du « Traité du droit de la guerre » (De Jure belli), Paris, A. Tralin, 1911 [3e éd.].
  • [14]
    Samuel von Pufendorf, Le droit de la nature et des gens, ou Système général des principes les plus importants de la morale, de la jurisprudence, et de la politique, Caen, Centre de philosophie politique et juridique, 1989, p. 216.
  • [15]
    Emer de Vattel, Le droit des gens, ou Principes de la loi naturelle appliqués à la conduite et aux affaires des nations et des souverains, Washington, Carnegie Institution of Washington, 1916, p. 249.
  • [16]
    Ibid., p. 257.
  • [17]
    Gregory Reichberg et Henrik Syse, « Protecting the Natural Environment in Wartime », art. cité, p. 463.
  • [18]
    Alberico Gentili, Les trois livres sur le droit de la guerre, op. cit., p. 415.
  • [19]
    Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes de conflits armés internationaux (Protocole I), disponible en ligne (https://www.icrc.org/fr/doc/assets/files/other/icrc_001_0321.pdf).
  • [20]
    Emer de Vattel dans Bronwyn Leebaw, « Scorched Earth: Environmental War Crimes and International Justice », Perspectives on Politics, vol. 12, no 4, 2014, p. 772.
  • [21]
    Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage, et de l'usage des armes chimiques et sur leur destruction, 1993, accessible via https://www.opcw.orgsites/default/files/documents/CWC/CWC_fr.pdf.
  • [22]
    Hugo Grotius, Le droit de la guerre et de la paix, op. cit. p. 734.
  • [23]
    Pour une étude des liens entre dégradation environnementale et jus post-bellum, voir Simon Caney, « Environmental Degradation, Reparations, and the Moral Significance of History », Journal of Social Philosophy, vol. 37, no 3, 2006, p. 464-482.
  • [24]
    Merrit P. Drucker, « The Military Commander's Responsibility for the Environment », Environmental Ethics, vol. 11, no 2, 989, p. 135-152.
  • [25]
    Benoît Hopquin, « Le poison de la guerre coule toujours à Verdun », Le Monde.fr, 20 janvier 2014, disponible en ligne (https://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2014/01/20/le-poison-de-la-guerre-coule-toujours-a-verdun_4348426_3208.html).
  • [26]
    Alberico Gentili, Les trois livres sur le droit de la guerre, op. cit., p. 262.
  • [27]
    Ibid., p. 261.
  • [28]
    Hugo Grotius, Le droit de la guerre et de la paix, op. cit., p. 633.
  • [29]
    Robyn Eckersley, « Ecological Intervention: Prospects and Limits », Ethics and international affairs, vol. 21, no 3, 2007, p. 298.
  • [30]
    Hugo Grotius, Le droit de la guerre et de la paix, op. cit., p. 724.
  • [31]
    David Zierler, The Invention of Ecocide, op. cit.
  • [32]
    Policy Paper on Case Selection and Prioritisation, Office of the Prosecutor, International Criminal Court, last modified October 3, 2017, disponible en ligne (https://www.icc-cpi.int/itemsDocuments/20160915_OTP-Policy_Case-Selection_Eng.pdf).
  • [33]
    Gregory Reichberg et Henrik Syse, « Protecting the Natural Environment in Wartime », art. cité, p. 464.
  • [34]
    Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, Article 8 « Crimes de guerre », 2, b, IV, (http://legal.un.org/icc/statute/french/rome_statute(f).pdf).
  • [35]
    Alison McIntyre, « Doctrine of Double Effect », in Edward N. Zalta (dir.), Stanford Encyclopedia of Philosophy, The Metaphysics Research Lab, 2008.
  • [36]
    Ibid.
  • [37]
    Gregory Reichberg et Henrik Syse, « Protecting the Natural Environment in Wartime », art. cité, p. 465.
  • [38]
    Merrit P. Drucker, « The Military Commander's Responsibility for the Environment », art. cité.
  • [39]
    Alasdair C. MacIntyre, After Virtue: A Study in Moral Theory, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 2007 [3e éd.], p. 178.
  • [40]
    Ce n'est par exemple pas le cas dans une perspective non-anthropocentrée ou antispéciste, qui place les vies humaines et non humaines sur un pied d'égalité dans ce type de calcul moral. Pour une synthèse de ces courants, Hicham-Stéphane Afeissa, Éthique de l'environnement..., op. cit.
  • [41]
    Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes de conflits armés internationaux (Protocole I), Article 57, 2, a, ii, disponible en ligne (https://www.icrc.org/fr/doc/assets/files/other/icrc_001_0321.pdf).
  • [42]
    Alasdair C. MacIntyre, After Virtue..., op. cit., p. 223.
  • [43]
    John Passmore, Man's Responsibility for Nature: Ecological Problems and Western Traditions, Londres, Duckworth, 1974.
  • [44]
    Peter Olsthoorn, Military Ethics and Virtues: an Interdisciplinary Approach for the 21st Century, New York, Routledge, 2010.

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