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Article de revue

La durabilité ou l’escamotage du développement durable

Pages 149 à 160

Notes

  • [1]
    Pour une analyse plus détaillée de cette origine, voir Geoff O'Brien et Phil O'Keefe, Managing Adaptation to Climate Risk: Beyond Fragmented Responses, Londres, Routledge, 2014.
  • [2]
    À son propos, voir Steven F. Bernstein, The Compromise of Liberal Environmentalism, New York, Columbia University Press, 2001 ainsi que Linnér Björn-Ola et Henrik Selin, « The United Nations Conference on Sustainable Development: Forty years in the making », Environment and Planning C, vol. 31, 2013, p. 971-987. Plus généralement, voir Dimitris Stevis, « The globalizations of the environment », Globalizations, vol. 2, no 3, 2005, p. 323-333.
  • [3]
    David Harvey, The Limits to Capital, Londres et New York, Verso, 2006 [1982] ; Henri Lefebvre, La Production de l'espace, Paris, Éditions Anthropos, 1974 ; Neil Smith, Uneven Development: Nature, Capital, and the Production of Space, Athens, University of Georgia Press, 2008 [1984].
  • [4]
    World Commission on Environment and Development, Our Common Future, Oxford, Oxford University Press, 1987 (Commission mondiale sur l'environnement et le développement, Notre Avenir à tous, Montréal, Éditions du Fleuve, 1988). Pour une analyse détaillée voir Steven F. Bernstein, The Compromise of Liberal Environmentalism, op. cit. et Denis Chartier, « Aux origines des flous sémantiques du développement durable : Une lecture critique de la Stratégie mondiale de la conservation de la nature », Écologie et Politique, vol. 29, 2004, p. 173-183.
  • [5]
    Sur la montée du néolibéralisme voir Philip Mirowski et Dieter Plehwe, The Road from Mont Pèlerin: The Making of the Neoliberal Thought Collective, Cambridge/Londres, Harvard University Press, 2009 ; Jamie Peck, Constructions of Neoliberal Reason, Oxford, Oxford University Press, 2010 ; Colin Crouch, The Strange Non-Death of Neoliberalism, Cambridge, Polity, 2011 ; Andrew Gamble, The Spectre at the Feast. Capitalist Crisis and the Politics of Recession, Houndmills, Palgrave Macmillan, 2009 ; Werner Bonefeld, « Freedom and the strong state: On German ordoliberalism », New Political Economy, vol. 17, no 5, 2012, p. 633-656 ; Hugo Radice, « The developmental state under global neoliberalism », Third World Quarterly, vol. 29, no 6, 2008, p. 1153-1174 ; Ralph Miliband, « Class War Conservatism » (1980), in Ralph Miliband, Class War Conservatism and Other Essays, Londres, Verso, 2015, p. 279-285.
  • [6]
    Commission mondiale sur l'environnement et le développement, Notre Avenir à tous, op. cit., p. 51.
  • [7]
    Par exemple, Olivier Meuwly, Le développement durable, Critique d'une théorie politique, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1999.
  • [8]
    Donella H. Meadows, Denis L. Meadows, Jørgen Randers, William W. Behrens, The Limits to Growth, New York, Universe Books, 1972. Pour une analyse de ce rapport, voir Josh Eastin, Reiner Grundmann, et Aseem Prakash, « The Two Limits Debate: "Limits to Growth" and Climate Change », Futures, vol. 43, 2010, p. 16-26. Sur le contexte plus général de la guerre froide et de la pensée cybernétique qui préside à l'élaboration de ce rapport, voir Jacob Darwin Hamblin, Arming Mother Nature: The Birth of Catastrophic Environmentalism, New York, Oxford University Press, 2013. Plus ancien, mais assez stimulant, dans une perspective luxemburgiste : Stephen William Rousseas, Capitalism and Catastrophe: A Critical Appraisal of the Limits to Capitalism, Cambridge, Cambridge University Press, 1979.
  • [9]
    Pour une critique classique de ces positions « globalisantes » sur la crise écologique, voir Tim Forsyth, Critical Political Ecology: The Politics of Environmental Science, Londres et New York, Routledge, 2003.
  • [10]
    J'avais avancé cette thèse dans Les deux âmes de l'écologie. Une critique du développement durable, Paris, L'Harmattan, 2008. Depuis, j'ai découvert l'excellent ouvrage de Maarten Hajer sur la modernisation écologique qui avait formulé un argument similaire à partir d'une étude empirique des politiques environnementales au Royaume-Uni et aux Pays-Bas : Maarten Hajer, The Politics of Environmental Discourse: Ecological Modernization and the Policy Process, Oxford et New York, Clarendon Press Oxford University Press, 1995.
  • [11]
    John O'Neill, Markets, Deliberation and Environment, Londres, Routledge, 2007.
  • [12]
    Karl Marx, Le Capital, livre 3, t. 3, trad. fr. de Catherine Cohen-Solal et Gilbert Badia, Paris, Éditions sociales, 1974, p. 159. À propos de cette citation, voir notamment John Bellamy Foster, Marx's Ecology: Materialism and Nature, New York, Monthly Review Press, 2000 et John O'Neill, Markets, Deliberation and Environment, op. cit.
  • [13]
    Pour ce passage rapide, voir Steven F. Bernstein, The Compromise of Liberal Environmentalism, op. cit. et Jacob Park, Matthias Finger et Ken Conca, « The death of Rio environmentalism », in Jacob Park, Matthias Finger et Ken Conca (dir.), The Crisis of Global Environmental Governance. Towards a New Political Economy of Sustainability, Londres et New York, Routledge, 2008, p. 1-12. Pour le contexte plus général, voir Matthew Paterson, Understanding Global Environmental Politics: Domination, Accumulation, Resistance, Londres, Macmillan Press, 2000. Sur la gouvernance néolibérale de l'environnement le meilleur guide reste Noel Castree, « Neoliberalising Nature: The Logics of Deregulation and Reregulation », Environment and Planning A, vol. 40, no 1, 2008, p. 131-152 et « Neoliberalising Nature: Processes, Effects, and Evaluations », Environment and Planning A, vol. 40, no 1, 2008, p. 153-173.
  • [14]
    Pour une analyse contemporaine des significations multiples de ce concept, voir Fabrice Flipo, « Les trois conceptions du développement durable », Développement durable et territoires, vol. 5, no 3, 2014, mis en ligne le 5 décembre 2014, consulté le 31 mars 2015 : http://developpementdurable.revues.org/10493
  • [15]
    Romain Felli, « Adaptation et résilience : critique de la nouvelle éthique de la politique environnementale internationale », Éthique publique, vol. 16, no 1, 2014, p. 101-120.
  • [16]
    Andreas Malm et Alf Hornborg, « The geology of mankind? A critique of the anthropocene narrative », The Anthropocene Review, vol. 1, no 1, 2014, p. 62-69.
  • [17]
    Erik Swyngedouw, « Authoritarian governance, power, and the politics of rescaling », Environment and Planning D, vol. 18, no 1, 2000, p. 63-76 ; Neil Brenner, « The limits to scale? Methodological reflections on scalar structuration », Progress in Human Geography, vol. 25, no 4, 2001, p. 591-614 ; Bob Jessop, « The political economy of scale and European governance », Tijdschrift voor Economische en Sociale Geografie, vol. 96, no 2, 2005, p. 225-230.
  • [18]
    Sur les problèmes que posent cette valorisation du local, voir Romain Felli, « Pouvoir, échelles et État : l'impasse localiste de l'écologie par en bas », Entropia, no 9, 2010, p. 148-157.
  • [19]
    Pour un commentaire plus approfondi, voir Ulrich Brand, « Green Economy­The Next Oxymoron? No Lessons Learned From Failures of Implementing Sustainable Development », GAIA-Ecological Perspectives for Science and Society, vol. 21, no 1, 2012, p. 28-32 ; Bob Jessop, « Economic and ecological crises: Green New Deals and no-growth economies », Development, vol. 55, no 1, 2012, p. 17-24 ; Bernard Duterme, « Économie verte : marchandiser la planète pour la sauver ? », Alternatives Sud, vol. 20, no 1, 2013, p. 7-20.
  • [20]
    Pour des analyses plus poussées des stratégies syndicales en matière d'environnement, voir Romain Felli et Dimitris Stevis, « La stratégie syndicale d'une "transition juste" à une économie durable », Mouvements, no 80, 2014, p. 111-118 et Romain Felli et Raphaël Ramuz, « L'environnement comme stratégie syndicale internationale : réflexions sur la "géographie ouvrière" à partir du changement climatique », in Anne Clerval, Antoine Fleury, Julien Rebotier et Serge Weber (dir.), Espace et Rapports de domination, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 367-376.
  • [21]
    L'accroissement de la compétitivité d'un territoire (par la réduction des coûts de production des unités de production localisées sur le territoire en question) vise premièrement une amélioration relative de la position de ce territoire par rapport à d'autres territoires concurrents, en y attirant et en y retenant un part relativement plus grande du capital mobile qui cherche à se valoriser. Deuxièmement, elle vise à accroître les exportations des unités de production de ce territoire en baissant relativement leur coût de production. Dans les deux cas, une stratégie de compétitivité se fait au détriment d'autres territoires. Ceci dit elle peut être mise en  uvre dans des versions plutôt corporatistes-nationales (dans laquelle les gains relatifs sont redistribués au sein du pays gagnant envers les travailleurs), ou plutôt libérales (dans laquelle les gains relatifs vont plutôt aux détenteurs du capital). Comme les gains de compétitivité d'un pays sont, par définition, relatifs ils peuvent être remis en cause par la baisse relative des coûts de production d'un autre pays, entrainant une spirale de réduction des coûts de production, et donc ultimement des salaires et des revenus de l'État, détruisant par la même les bases d'une redistribution économique nationale. Voir Hugo Radice, « Responses to globalisation: A critique of progressive nationalism », New Political Economy, vol. 5, no 1, 2000, p. 5-19.
  • [22]
    Martin Khor, « Les risques du concept d'économie verte au regard du développement durable, de la pauvreté et de l'équité », Alternatives Sud, vol. 20, no 1, 2013, p. 23-84.
  • [23]
    Sur les smart cities, voir David Gibbs, Rob Krueger et Gordon MacLeod, « Grappling with smart city politics in an era of market triumphalism », Urban Studies, vol. 50, no 11, 2013, p. 2151-2157 ; Jenni Viitanen et Richard Kingston, « Smart Cities and Green Growth: Outsourcing Democratic and Environmental Resilience to the Global Technology Sector », Environment and Planning A, vol. 45, 2013, p. 803-819 ; Ola Söderström, Till Paasche et Francisco Klauser, « Smart Cities as Corporate Storytelling », Cities, vol. 18, no 3, 2014, p. 307-320.
  • [24]
    À ce propos, outre l'ouvrage de Neil Smith déjà cité, la meilleure analyse est celle de Tony Smith, Globalisation: A Systematic Marxian Account, Chicago, Haymarket Books, 2009.
  • [25]
    Pour une critique aristotélicienne de ce réductionnisme voir l'ouvrage déjà cité de John O'Neill, ainsi que, du même auteur, Ecology, Policy, and Politics: Human Well-Being and the Natural World, Londres et New York, Routledge, 1993.
  • [26]
    Erik Swyngedouw, « Impossible/Undesirable Sustainability and the Post-Political Condition », in Rob Krueger et David Gibbs (dir.), The Sustainable Development Paradox, New York, Guilford Press, 2007, p. 13-40.
  • [27]
    Yves Bonard et Laurent Matthey, « Les éco-quartiers : laboratoires de la ville durable », Cybergeo: European Journal of Geography, Débats, mis en ligne le 9 juillet 2010, consulté le 27 mars 2015 : http://cybergeo.revues.org/23202
  • [28]
    Tim Forsyth, Critical Political Ecology: The Politics of Environmental Science, op. cit.
  • [29]
    Outre les ouvrages de O'Neill déjà cités, voir Joan Martinez-Alier, « Political Ecology, Distributional Conflicts, and Economic Incommensurability », New Left Review, vol. 211 (première série), 1995, p. 70-88. En réalité, ce point soulève l'épineuse question des institutions de la démocratie économique, qu'il est impossible de traiter dans cet article. Voir néanmoins Pat Devine, Democracy and Economic Planning: The Political Economy of a Self-Governing Society, Cambridge, Polity Press, 1988 ; Fikret Adaman et Pat Devine, « Participatory Planning as a Deliberative Democratic Process », Economy and Society, vol. 30, no 2, 2001, p. 229-239 ; Diane Elson, « Socializing markets, not market socialism », Socialist Register, vol. 36, 2000, p. 67-85 ; John O'Neill, « Socialism, associations and the market », Economy and Society, vol. 32, no 2, 2003, p. 184-206 ; Andrew Cumbers et Robert McMaster, « Revisiting Public Ownership: Knowledge, Democracy and Participation in Economic Decision Making », Review of Radical Political Economics, vol. 44, no 3, 2012, p. 358-373. Pour une application au cas du climat, voir Romain Felli, « On Climate Rent », Historical Materialism, vol. 22, no 3-4, p. 251-280 et Romain Felli, « Environment, not planning: The neoliberal depoliticisation of environmental policy by means of emissions trading », Environmental Politics, vol. 24, no 5, 2015, p. 641-660.

1 Quel est aujourd'hui le principal défi pour le développement durable ? Sa survie tout simplement. Le développement durable est une espèce en voie de disparition qui a connu son apogée pendant une quinzaine d'années, entre 1992 et le milieu des années 2000, et qui est depuis sur le déclin, contestée par une série de nouveaux projets politiques de régulations des rapports entre société et nature.

2 Dans cet article, je propose de retracer brièvement la carrière et la disparition relative du développement durable, en commençant par quelques clarifications conceptuelles. Ensuite, j'évoquerai les projets politiques alternatifs qui contestent ou contournent aujourd'hui le développement durable. Finalement, j'essaierai d'esquisser quelques réponses aux défis qui se posent à lui.

Le développement durable, trajectoire historique

3Premièrement, qu'était le développement durable à l'origine ? Pour le dire brièvement, il s'agissait d'une idéologie politique d'inspiration social-démocrate, qui a émergé à la toute fin de la guerre froide au sein d'une commission des Nations Unies pour l'Environnement et le Développement. Cette commission nommée en 1983 prendra le nom de sa présidente, la social-démocrate norvégienne Gro Harlem Brundtland [1].

4Dans la lignée de la Conférence de Stockholm en 1972 sur l'environnement humain [2], certes, mais surtout dans celle des diverses tentatives des années 1970 d'organiser de nouveaux rapports économiques Nord-Sud (Nouvel ordre économique international, Rapport des commissions Willy Brandt, Olof Palme, Julius Nyerere, etc.), la commission Brundtland affronte deux problèmes simultanés : les inégalités territoriales de développement, à l'échelle mondiale, autrement dit les énormes inégalités créées par le monde colonial et post-colonial ; et la compatibilité entre la croissance économique et la préservation de l'environnement.

5 Pour traduire ces problèmes dans le langage plus théorique des géographes David Harvey et Neil Smith, ainsi que celui du philosophe Henri Lefebvre, la commission tente d'une part de prendre en charge le problème du « développement territorialement inégal et combiné », et d'autre part celui de la « production de la nature » permettant la « reproduction sociale » dans le cadre d'une économie capitaliste [3]. Ces problèmes demeurent, un quart de siècle plus tard.

6 Avec son rapport, rendu en 1987, Our Common Future, la commission Brundtland dépasse l'opposition néo-malthusienne entre croissance et environnement, à condition, souligne-t-elle, que cette croissance soit organisée, gérée, planifiée, et qu'elle permette un rattrapage économique des territoires périphériques [4]. En fait, les représentants de la social-démocratie européenne et du développementalisme tiers-mondiste au sein de cette commission proposent, dans un contexte de montée du néolibéralisme (incarnés par les gouvernement de Pinochet, Reagan, Thatcher, etc.) [5], une forme de régulation de la croissance économique sous la direction de l'État et dirigée vers la justice sociale globale. Les inévitables inégalités de développement économique produites par une économie capitaliste peuvent et doivent, de leur point de vue, être réduites grâce à une forme de gouvernance internationale et des régulations étatiques redistributives.

7 Voici la définition que la commission donne du développement durable. On reproduit souvent la première partie de la citation sans la seconde qui est pourtant déterminante pour comprendre l'état d'esprit de la commission Brundtland :

8 Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion :

  • le concept de « besoins », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d'accorder la plus grande priorité, et
  • l'idée des limitations que l'état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l'environnement à répondre aux besoins actuels et à venir [6].

9 Je donne l'ensemble de la citation car certains ont cru bon de faire du développement durable une ontologie de la finitude [7], l'idée néo-malthusienne que la politique devrait se fonder sur l'existence de ressources limitées à un niveau « global » (comme dans le cas du rapport au Club de Rome de 1972, Limits to Growth[8]) avec les problèmes que l'on connait d'homogénéisation des situations territoriales pourtant largement différentes, d'ignorance volontaire des inégalités, des dominations, etc [9].

10 Or la citation dit clairement le contraire. Ce sont les besoins (et non les limites) qui sont déterminants, surtout ceux des plus démunis. De surcroît, les limitations viennent de l'organisation sociale et de la technologie, non de la Nature ! Elles peuvent donc être dépassées.

11 Le développement durable n'a ainsi jamais été une contestation frontale de la croissance économique, ni du capitalisme comme système d'organisation sociale, au contraire [10]. Mais il s'agissait d'un capitalisme fortement régulé, dirigé, et normativement orienté vers la satisfaction des besoins des plus démunis. On peut certes douter de la capacité d'une économie capitaliste à permettre une convergence économique de ce type, mais tel est bien l'état d'esprit de la Commission. Le développement durable, cette idée régulatrice formulée dans le Rapport Brundtland, implique une double communauté et solidarité humaine [11].

12 Premièrement, elle renvoie à une communauté humaine globale, c'est-à-dire à l'idée d'un projet politique dont les conséquences sont jugées à l'aune cosmopolite, en particulier du point de vue des besoins des plus démunis, où qu'ils se trouvent dans le monde.

13 Deuxièmement, le développement durable implique une communauté humaine avec les générations passées et futures. Une politique de développement durable prend en charge l'héritage des sacrifices et du travail des générations précédentes en vue du bien être des générations présentes et futures. À cet égard, elle entre, en partie, en conflit avec les visions atomistes qui voient dans les êtres humains de purs individus, nés par génération spontanée et sans obligation vis-à-vis du passé ou du futur.

14 Cette vision de la solidarité entre générations humaines a été très bien exprimée par un économiste politique du 19e siècle en une phrase qui aurait pu être la devise du développement durable :

15

Une société entière, une nation et même toutes les sociétés contemporaines réunies ne sont pas propriétaires de la terre. Elles n'en sont que les possesseurs, elles n'en ont que la jouissance et doivent la léguer aux générations futures après l'avoir améliorée en boni patres familias[12].

16 Cinq ans à peine après le rapport de 1987 qui expose cette vision solidaire du développement durable, mais avec la chute fracassante de l'Empire soviétique entretemps, la Conférence de Rio en 1992 marque le début d'un nouveau tournant, dont les effets continuent de peser sur la gouvernance de l'environnement. Si le terme de « développement durable » est employé partout, son contenu est déjà en train de changer. Paradoxalement, le succès du mot annonce déjà la mort de la chose.

17 À la vision social-démocrate d'un capitalisme régulé et gouverné, promue par le rapport Brundtland, se substitue peu à peu la vision néolibérale d'un capitalisme universalisé au sein duquel les contraintes écologiques sont internalisées dans les systèmes de prix. En fait, les idées qui allaient dominer la gouvernance environnementale jusqu'à aujourd'hui, comme la valorisation économique de la nature, les paiements pour services environnementaux, ou les marchés de permis de polluer vont rapidement éclipser l'orientation normative solidaire du développement durable [13]. Ce sont les conséquences de cette transformation que j'analyse comme « escamotage » du développement durable par la durabilité.

18 Si nous contemplons l'ambiance des années 1990 et du début des années 2000, le développement durable pouvait alors prétendre à l'hégémonie intellectuelle dans les débats sur les relations entre les sociétés humaines et le monde non-humain. Il y a quinze ans, le développement durable pouvait encore sembler donner un cadre unifié, normatif, et partagé à ces débats.

19 L'ONU et les grandes organisations internationales utilisaient ce terme de concert, comme lors du Sommet mondial sur le développement durable à Johannesburg en 2002. Les États et les collectivités territoriales inscrivaient la durabilité dans leurs appareils normatifs, dans leurs institutions et dans leurs rhétoriques ­ des indicateurs statistiques, jusqu'aux Agendas 21 locaux issus de la Charte d'Aalborg ­ et la société civile se reconnaissait dans cette norme et tentait de la promouvoir. Certes, les interprétations de la signification du concept de développement durable variaient énormément, mais le mot lui-même était largement partagé, ce qui n'est pas négligeable [14].

20 On serait bien en peine aujourd'hui d'identifier un tel concept unificateur des politiques de développement et d'environnement. « Développement durable » continue bien évidemment d'être utilisé, mais dépouillé de la ferveur qui pouvait le caractériser il y a deux décennies. En fait, les idées qui semblaient constituer le champ du développement durable se sont éclatées en une multiplicité de concepts partiels qui, sans directement contester la notion de développement durable, la contournent plus ou moins ouvertement.

21 Arrivés à notre époque, faisons-donc un pas de côté pour cartographier rapidement le territoire conceptuel, contesté, qu'occupe le développement durable.

Des projets fragmentés entre échelles et territoires

22On peut observer une quantité de projets politiques qui cherchent à orienter normativement les rapports entre société et environnement depuis une quinzaine d'année. Dans cette partie, je me concentrerai sur deux d'entre eux pris en exemple, l'« économie verte » et la smart city. Mais on pourrait tout aussi bien traiter de la « décroissance », et sur un mode plus indigéniste les notions de « Gaïa », de « terre-mère », ou de « Pachamama » ; de la « croissance verte », et du green New Deal, etc. ; de la « transition » écologique ou énergétique, de l'« économie à bas carbone », bref tout ce qui relève des mesures d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre ; de la « résilience », qui se constitue de plus en plus, comme manière alternative de penser l'adaptation à la crise écologique [15] ; ou de l'« Anthropocène » qui devient un sujet récurrent de colloques et de publications [16].

23 Ce serait à tort que l'on considérerait les types de projet politiques portés par ces idées comme des déclinaisons contemporaines du développement durable. L'analyste qui regarde de plus près ces exemples ne manque pas d'être frappé par une de leurs caractéristiques. Dans tous les cas, c'est un jeu d'échelles et de territoires qui se joue. Ces concepts portent des projets territoriaux particuliers et constituent une échelle en territoire d'action privilégié, que ce soit le global, le local ou le national. En fait, je viens de décrire des stratégies de scaling et de rescaling comme les nomment les géographes Neil Brenner et Erik Swyngedouw ou le politologue Bob Jessop [17].

24 Alors que le développement durable pouvait être projeté politiquement tant à un niveau international, régional, national ou local, ces nouvelles déclinaisons s'appuient au contraire sur une échelle territoriale particulière qu'elles ambitionnent de valoriser, comme l'échelle globale pour l'« Anthropocène » ou au contraire une valorisation du local pour la « décroissance » [18]. Étudions nos deux exemples plus en détail pour bien comprendre de quoi il en retourne.

25 Premièrement, le concept d'« économie verte » qui a été diffusé au travers des organisations internationales (PNUE notamment) en vue de la préparation de la Conférence de Rio+20 en 2012, favorise directement le niveau de l'État national comme échelle d'action. Ce projet se décline en plusieurs types [19]. Dans ses versions les plus interventionnistes, il se pose comme un nouveau keynésianisme vert (notamment sous la forme du green New Deal qui a eu son heure de gloire vers 2009-2010) cherchant par la dépense publique à restructurer l'appareil de production, tandis que dans ses versions les plus libérales, il se contente de chercher à réorganiser les options d'investissement en modifiant la structure des incitations économiques proposées aux investisseurs et aux consommateurs (au moyen notamment de taxes « écologiques » sur les énergies dites « sales », etc.). Dans tous les cas, l'économie verte vise à favoriser la compétitivité économique pensée à une échelle nationale. Elle le fait d'une part grâce à la diminution de l'impact environnemental et énergétique (et donc des coûts) de la production, et d'autre part en favorisant des secteurs économiques spécifiques sensés êtres « verts » comme les cleantechs, la production d'énergies renouvelables, etc. Cet encouragement des secteurs « verts » se fait directement au détriment de secteurs dits « bruns », dont à on peine à voir ce qu'ils pourraient devenir malgré les emplois qu'ils contiennent et leurs productions souvent nécessaires.

26 À ce propos, j'ai été frappé de constater, en tant que conseiller technique de la délégation des travailleurs suisses à la Conférence internationale du travail (BIT à Genève en 2013) qui portait sur les « emplois verts », à quel point les syndicats issus des secteurs de l'énergie, des mines, de l'industrie ou de la chimie étaient très réticents à toute notion d'économie « verte » ou d'emplois « verts », précisément en raison de l'absence de stratégie de transition sociale pour les secteurs qualifiés de « bruns ». Et j'ai pu constater comment, au contraire, ces syndicats plaidaient pour le maintien de la notion de « développement durable » contre l'économie verte [20].

27 On peine également à voir quelles seraient les déclinaisons locales ou globales de cette « économie verte », et notamment les formes de solidarité internationale qu'elle promouvrait, puisqu'elle repose sur une stratégie d'accroissement de la compétitivité [21]. De ce point de vue, il n'est pas étonnant que l'économie verte ait été dénoncée comme néo-coloniale par plusieurs pays du G77 lors de la Conférence de Rio+20 alors même qu'elle était défendue par les pays de l'Union européenne [22].

28 Deuxièmement au niveau local, on pourrait citer la décroissance comme exemple extrême de fétichisation d'une échelle d'action, mais penchons-nous plutôt sur le local urbain avec la smart(er) city, dont le nom provient d'une grande entreprise d'informatique (IBM). Cette notion offre la vision cybernétique enfin achevée de la fusion entre numérique et environnement, censée éliminer progressivement les erreurs de gouvernance et les mauvais comportements humains ­ dus à l'insuffisance de données et de feedbacks sur les comportements ­ afin d'atteindre un objectif de réduction des consommations d'énergie et donc d'économie à bas carbone [23]. Mais les études sur les autoproclamées smart cities, telles que Singapour, Rio ou Boston, montrent une réalité plus prosaïque, un développement fondé uniquement sur certains quartiers très circonscrits et sur certains secteurs de gouvernance (l'énergie et les transports en particulier). Surtout la smart city est une vision de la très grande centralité urbaine, au détriment des territoires périphériques, redoublant la fracture sociale, entre territoires, et porte en elle une confiscation du gouvernement local par les experts du numérique et les entreprises aptes à exploiter ces big datas.

29Ainsi, ces deux projets territoriaux « raisonnables » et qui chacun semblent offrir un récit positif de la résolution du conflit entre environnement et économie, le font chaque fois en privilégiant une échelle territoriale particulière et sous la forme d'un accroissement de la compétition entre territoires (et donc en accentuant le développement inégal et combiné des territoires). En se différenciant suivant des domaines particuliers, ces concepts font disparaître la force du développement durable, qui était d'être un projet politique multiscalaire et sensible aux inégalités territoriales, non pas simplement comme inégalités de différentes trajectoires de développement. Autrement dit, le développement durable pensait les différences de développement comme résultats d'un même processus, dialectique ou systémique (le sur-développement des uns est la cause autant que la conséquence du sous-développement des autres), processus qu'il s'agissait de réformer [24].

La durabilité contre le développement durable

30Comment en est-on arrivés là ? Une manière de comprendre cette évolution consiste à étudier le remplacement progressif du « développement durable » par la « durabilité », deux concepts qu'il est pourtant essentiel de distinguer.

31Le développement durable n'a de sens que par rapport au domaine des fins. Il porte sur le type de développement, et en définitive, de société souhaitable. Il pose le type de questions suivant :

  • Quels sont les besoins humains ?
  • Comment s'expriment-ils (par la capacité à payer des agents sur un marché ? ou par une voie délibérative ?)
  • Comment peut-on les satisfaire ?
  • Autrement dit : quel est le but de la production et de la consommation ?

32La notion de « durabilité », quant à elle, relève d'une rationalité instrumentale et partielle, liée à un objet, un domaine ou un territoire particulier. Autrement dit, elle relève du domaine des moyens. Elle porte sur la manière d'optimiser l'atteinte d'un but sous contrainte de ressources rares. Mais la délimitation du but est elle-même hors du questionnement de la durabilité. Voici le type de questions qu'elle pose :

  • Comment assurer la durabilité d'une production particulière (Ceci sans s'interroger sur la finalité de cette production et sa contribution au bien-être général.)
  • Comment découpler la production de la consommation de ressources ? (Le but est de continuer à produire la même chose, mais avec moins de ressources et de pollutions.)

33Il faut non seulement distinguer les idées de durabilité et de développement durable, mais reconnaître qu'elles peuvent être, partiellement, antagonistes. La durabilité suppose une double réduction. Elle réduit le développement durable uniquement à la question de la compatibilité entre croissance et environnement (oubliant au passage la question de la satisfaction des besoins des plus démunis). Et elle réduit les riches relations biologiques, métaboliques, éthiques, esthétiques qui constituent l'« environnement » à un « capital » dont il s'agit d'optimiser le rendement par rapport aux prélèvements (d'où les débats poussifs sur l'opposition entre durabilité faible et forte, etc.) [25]. Ne posant pas la question des fins, la durabilité évacue les conditions dans lesquelles la production économique prend place, c'est-à-dire la question du capitalisme. À ce titre, elle est une idéologie profondément dépolitisante, hypostasiant la rationalité économique capitaliste [26].

34 De surcroît, la « durabilité » peut chercher à déplacer dans l'espace les contradictions, comme lorsque la politique climatique des pays industrialisés repose sur l'achat de certificats de réduction des émissions issus de pays du Sud. Ce faisant, les pays du Nord achètent le droit de ne pas réduire les émissions sur leur propre territoire. À cause de ces transferts monétaires, les efforts de réduction des émissions sont non seulement externalisés, mais peuvent entrer en contradiction avec des productions nécessaires à la satisfaction des besoins des plus démunis (par exemple quand des plantations d'arbres séquestrant du CO2, remplacent des forêts dans les pays du Sud). De ce point de vue, la durabilité peut se révéler contraire à l'esprit solidaire du développement durable.

35De même, la création d'îlots de durabilité au sein de territoires qui ne sont par ailleurs pas transformés contribue peut-être à une durabilité partielle d'un habitat, mais peuvent aller à l'encontre de l'objectif de développement durable, en accroissant la ségrégation sociale. La construction d'un éco-quartier est souvent pensée en termes de durabilité de la zone planifiée du point de vue de la qualité des matériaux, de l'utilisation d'énergie, etc., sans s'interroger sur la contribution de cet îlot de durabilité à la dynamique sociale de la ville, notamment en matière de ségrégation sociale par le logement, ou de report de trafic motorisé sur les autres quartiers [27].

Par-delà développement durable et durabilité

36 La question de la justice sociale et environnementale, à différentes échelles, se délite avec l'abandon progressif du développement durable, au profit de la durabilité. Quelles seraient les conditions scientifiques, méthodologiques, sociales nécessaires à raviver la flamme de la justice portée par le développement durable ?

37Sur le plan scientifique, cela signifierait retourner à une vision non positiviste du développement durable, contre la durabilité. Plutôt que de partir des limites absolues de la planète, il faudrait partir des contradictions et des possibilités de changement à l' uvre dans la société, comme les études sociales des sciences nous y invitent. À ce titre, le développement durable qui s'assume comme projet éthique et politique vient brouiller la séparation entre positif et normatif, et permet la production de connaissance non pas malgré, mais grâce aux valeurs politiques qu'il porte, et retrouve le projet normatif et épistémologique de la political ecology[28]. Le projet politique est un moteur de connaissance.

38Sur le plan méthodologique, l'inspiration initiale du développement durable qui était celle de la satisfaction des besoins humains, à commencer par ceux des plus démunis, reste valide et doit être affirmée. Elle implique des méthodes et des institutions, comme nous y incite la théorie politique, l'anthropologie économique, l'économie participative, ou la démocratie délibérative, pour permettre l'expression, l'identification, la justification et la priorisation des besoins humains, qui ne se réduisent pas à la méthode de la métrique abstraite des coûts et des prix voulue par la gouvernance actuelle de l'environnement. L'enjeu méthodologique du développement durable est celui de la construction d'une démocratie économique qui permette la délibération et la décision sur les valeurs, dans le respect d'une nécessaire pluralité des métriques et des sphères de valorisation [29].

39Quant au dernier défi, social, il est le plus difficile des trois. À vrai dire, il est crucial si l'on tente d'expliquer l'échec relatif du développement durable depuis un quart de siècle à résoudre les deux défis originaux auxquels il se colletait (les inégalités ne se sont pas réduites, les impacts environnementaux se sont accrus). Il consiste à trouver une base sociale, des mouvements sociaux, voire des bases étatiques territoriales, capables de changer les rapports de pouvoir et de propriété sur cette planète, tout en ne fétichisant ni le « global », ni le « local » comme lieu d'action politique.

40 La modernisation écologique, l'autre nom du projet de durabilité, à laquelle nous assistons depuis une trentaine d'années a encouragé le développement des énergies renouvelables, des économies d'énergie, des cleantechs, la dématérialisation de certaines productions, mais ce mouvement n'a absolument pas conduit à une transformation des rapports de pouvoir. Au contraire, il a permis d'effectuer une « révolution passive » solidifiant les inégalités existantes, y compris géographiques, dans l'espace mondial. Un développement humain véritablement durable devra passer par une transformation des rapports de pouvoir, une question éminemment politique, elle aussi escamotée par la durabilité.


Date de mise en ligne : 10/12/2015

https://doi.org/10.3917/rai.060.0149

Notes

  • [1]
    Pour une analyse plus détaillée de cette origine, voir Geoff O'Brien et Phil O'Keefe, Managing Adaptation to Climate Risk: Beyond Fragmented Responses, Londres, Routledge, 2014.
  • [2]
    À son propos, voir Steven F. Bernstein, The Compromise of Liberal Environmentalism, New York, Columbia University Press, 2001 ainsi que Linnér Björn-Ola et Henrik Selin, « The United Nations Conference on Sustainable Development: Forty years in the making », Environment and Planning C, vol. 31, 2013, p. 971-987. Plus généralement, voir Dimitris Stevis, « The globalizations of the environment », Globalizations, vol. 2, no 3, 2005, p. 323-333.
  • [3]
    David Harvey, The Limits to Capital, Londres et New York, Verso, 2006 [1982] ; Henri Lefebvre, La Production de l'espace, Paris, Éditions Anthropos, 1974 ; Neil Smith, Uneven Development: Nature, Capital, and the Production of Space, Athens, University of Georgia Press, 2008 [1984].
  • [4]
    World Commission on Environment and Development, Our Common Future, Oxford, Oxford University Press, 1987 (Commission mondiale sur l'environnement et le développement, Notre Avenir à tous, Montréal, Éditions du Fleuve, 1988). Pour une analyse détaillée voir Steven F. Bernstein, The Compromise of Liberal Environmentalism, op. cit. et Denis Chartier, « Aux origines des flous sémantiques du développement durable : Une lecture critique de la Stratégie mondiale de la conservation de la nature », Écologie et Politique, vol. 29, 2004, p. 173-183.
  • [5]
    Sur la montée du néolibéralisme voir Philip Mirowski et Dieter Plehwe, The Road from Mont Pèlerin: The Making of the Neoliberal Thought Collective, Cambridge/Londres, Harvard University Press, 2009 ; Jamie Peck, Constructions of Neoliberal Reason, Oxford, Oxford University Press, 2010 ; Colin Crouch, The Strange Non-Death of Neoliberalism, Cambridge, Polity, 2011 ; Andrew Gamble, The Spectre at the Feast. Capitalist Crisis and the Politics of Recession, Houndmills, Palgrave Macmillan, 2009 ; Werner Bonefeld, « Freedom and the strong state: On German ordoliberalism », New Political Economy, vol. 17, no 5, 2012, p. 633-656 ; Hugo Radice, « The developmental state under global neoliberalism », Third World Quarterly, vol. 29, no 6, 2008, p. 1153-1174 ; Ralph Miliband, « Class War Conservatism » (1980), in Ralph Miliband, Class War Conservatism and Other Essays, Londres, Verso, 2015, p. 279-285.
  • [6]
    Commission mondiale sur l'environnement et le développement, Notre Avenir à tous, op. cit., p. 51.
  • [7]
    Par exemple, Olivier Meuwly, Le développement durable, Critique d'une théorie politique, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1999.
  • [8]
    Donella H. Meadows, Denis L. Meadows, Jørgen Randers, William W. Behrens, The Limits to Growth, New York, Universe Books, 1972. Pour une analyse de ce rapport, voir Josh Eastin, Reiner Grundmann, et Aseem Prakash, « The Two Limits Debate: "Limits to Growth" and Climate Change », Futures, vol. 43, 2010, p. 16-26. Sur le contexte plus général de la guerre froide et de la pensée cybernétique qui préside à l'élaboration de ce rapport, voir Jacob Darwin Hamblin, Arming Mother Nature: The Birth of Catastrophic Environmentalism, New York, Oxford University Press, 2013. Plus ancien, mais assez stimulant, dans une perspective luxemburgiste : Stephen William Rousseas, Capitalism and Catastrophe: A Critical Appraisal of the Limits to Capitalism, Cambridge, Cambridge University Press, 1979.
  • [9]
    Pour une critique classique de ces positions « globalisantes » sur la crise écologique, voir Tim Forsyth, Critical Political Ecology: The Politics of Environmental Science, Londres et New York, Routledge, 2003.
  • [10]
    J'avais avancé cette thèse dans Les deux âmes de l'écologie. Une critique du développement durable, Paris, L'Harmattan, 2008. Depuis, j'ai découvert l'excellent ouvrage de Maarten Hajer sur la modernisation écologique qui avait formulé un argument similaire à partir d'une étude empirique des politiques environnementales au Royaume-Uni et aux Pays-Bas : Maarten Hajer, The Politics of Environmental Discourse: Ecological Modernization and the Policy Process, Oxford et New York, Clarendon Press Oxford University Press, 1995.
  • [11]
    John O'Neill, Markets, Deliberation and Environment, Londres, Routledge, 2007.
  • [12]
    Karl Marx, Le Capital, livre 3, t. 3, trad. fr. de Catherine Cohen-Solal et Gilbert Badia, Paris, Éditions sociales, 1974, p. 159. À propos de cette citation, voir notamment John Bellamy Foster, Marx's Ecology: Materialism and Nature, New York, Monthly Review Press, 2000 et John O'Neill, Markets, Deliberation and Environment, op. cit.
  • [13]
    Pour ce passage rapide, voir Steven F. Bernstein, The Compromise of Liberal Environmentalism, op. cit. et Jacob Park, Matthias Finger et Ken Conca, « The death of Rio environmentalism », in Jacob Park, Matthias Finger et Ken Conca (dir.), The Crisis of Global Environmental Governance. Towards a New Political Economy of Sustainability, Londres et New York, Routledge, 2008, p. 1-12. Pour le contexte plus général, voir Matthew Paterson, Understanding Global Environmental Politics: Domination, Accumulation, Resistance, Londres, Macmillan Press, 2000. Sur la gouvernance néolibérale de l'environnement le meilleur guide reste Noel Castree, « Neoliberalising Nature: The Logics of Deregulation and Reregulation », Environment and Planning A, vol. 40, no 1, 2008, p. 131-152 et « Neoliberalising Nature: Processes, Effects, and Evaluations », Environment and Planning A, vol. 40, no 1, 2008, p. 153-173.
  • [14]
    Pour une analyse contemporaine des significations multiples de ce concept, voir Fabrice Flipo, « Les trois conceptions du développement durable », Développement durable et territoires, vol. 5, no 3, 2014, mis en ligne le 5 décembre 2014, consulté le 31 mars 2015 : http://developpementdurable.revues.org/10493
  • [15]
    Romain Felli, « Adaptation et résilience : critique de la nouvelle éthique de la politique environnementale internationale », Éthique publique, vol. 16, no 1, 2014, p. 101-120.
  • [16]
    Andreas Malm et Alf Hornborg, « The geology of mankind? A critique of the anthropocene narrative », The Anthropocene Review, vol. 1, no 1, 2014, p. 62-69.
  • [17]
    Erik Swyngedouw, « Authoritarian governance, power, and the politics of rescaling », Environment and Planning D, vol. 18, no 1, 2000, p. 63-76 ; Neil Brenner, « The limits to scale? Methodological reflections on scalar structuration », Progress in Human Geography, vol. 25, no 4, 2001, p. 591-614 ; Bob Jessop, « The political economy of scale and European governance », Tijdschrift voor Economische en Sociale Geografie, vol. 96, no 2, 2005, p. 225-230.
  • [18]
    Sur les problèmes que posent cette valorisation du local, voir Romain Felli, « Pouvoir, échelles et État : l'impasse localiste de l'écologie par en bas », Entropia, no 9, 2010, p. 148-157.
  • [19]
    Pour un commentaire plus approfondi, voir Ulrich Brand, « Green Economy­The Next Oxymoron? No Lessons Learned From Failures of Implementing Sustainable Development », GAIA-Ecological Perspectives for Science and Society, vol. 21, no 1, 2012, p. 28-32 ; Bob Jessop, « Economic and ecological crises: Green New Deals and no-growth economies », Development, vol. 55, no 1, 2012, p. 17-24 ; Bernard Duterme, « Économie verte : marchandiser la planète pour la sauver ? », Alternatives Sud, vol. 20, no 1, 2013, p. 7-20.
  • [20]
    Pour des analyses plus poussées des stratégies syndicales en matière d'environnement, voir Romain Felli et Dimitris Stevis, « La stratégie syndicale d'une "transition juste" à une économie durable », Mouvements, no 80, 2014, p. 111-118 et Romain Felli et Raphaël Ramuz, « L'environnement comme stratégie syndicale internationale : réflexions sur la "géographie ouvrière" à partir du changement climatique », in Anne Clerval, Antoine Fleury, Julien Rebotier et Serge Weber (dir.), Espace et Rapports de domination, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 367-376.
  • [21]
    L'accroissement de la compétitivité d'un territoire (par la réduction des coûts de production des unités de production localisées sur le territoire en question) vise premièrement une amélioration relative de la position de ce territoire par rapport à d'autres territoires concurrents, en y attirant et en y retenant un part relativement plus grande du capital mobile qui cherche à se valoriser. Deuxièmement, elle vise à accroître les exportations des unités de production de ce territoire en baissant relativement leur coût de production. Dans les deux cas, une stratégie de compétitivité se fait au détriment d'autres territoires. Ceci dit elle peut être mise en  uvre dans des versions plutôt corporatistes-nationales (dans laquelle les gains relatifs sont redistribués au sein du pays gagnant envers les travailleurs), ou plutôt libérales (dans laquelle les gains relatifs vont plutôt aux détenteurs du capital). Comme les gains de compétitivité d'un pays sont, par définition, relatifs ils peuvent être remis en cause par la baisse relative des coûts de production d'un autre pays, entrainant une spirale de réduction des coûts de production, et donc ultimement des salaires et des revenus de l'État, détruisant par la même les bases d'une redistribution économique nationale. Voir Hugo Radice, « Responses to globalisation: A critique of progressive nationalism », New Political Economy, vol. 5, no 1, 2000, p. 5-19.
  • [22]
    Martin Khor, « Les risques du concept d'économie verte au regard du développement durable, de la pauvreté et de l'équité », Alternatives Sud, vol. 20, no 1, 2013, p. 23-84.
  • [23]
    Sur les smart cities, voir David Gibbs, Rob Krueger et Gordon MacLeod, « Grappling with smart city politics in an era of market triumphalism », Urban Studies, vol. 50, no 11, 2013, p. 2151-2157 ; Jenni Viitanen et Richard Kingston, « Smart Cities and Green Growth: Outsourcing Democratic and Environmental Resilience to the Global Technology Sector », Environment and Planning A, vol. 45, 2013, p. 803-819 ; Ola Söderström, Till Paasche et Francisco Klauser, « Smart Cities as Corporate Storytelling », Cities, vol. 18, no 3, 2014, p. 307-320.
  • [24]
    À ce propos, outre l'ouvrage de Neil Smith déjà cité, la meilleure analyse est celle de Tony Smith, Globalisation: A Systematic Marxian Account, Chicago, Haymarket Books, 2009.
  • [25]
    Pour une critique aristotélicienne de ce réductionnisme voir l'ouvrage déjà cité de John O'Neill, ainsi que, du même auteur, Ecology, Policy, and Politics: Human Well-Being and the Natural World, Londres et New York, Routledge, 1993.
  • [26]
    Erik Swyngedouw, « Impossible/Undesirable Sustainability and the Post-Political Condition », in Rob Krueger et David Gibbs (dir.), The Sustainable Development Paradox, New York, Guilford Press, 2007, p. 13-40.
  • [27]
    Yves Bonard et Laurent Matthey, « Les éco-quartiers : laboratoires de la ville durable », Cybergeo: European Journal of Geography, Débats, mis en ligne le 9 juillet 2010, consulté le 27 mars 2015 : http://cybergeo.revues.org/23202
  • [28]
    Tim Forsyth, Critical Political Ecology: The Politics of Environmental Science, op. cit.
  • [29]
    Outre les ouvrages de O'Neill déjà cités, voir Joan Martinez-Alier, « Political Ecology, Distributional Conflicts, and Economic Incommensurability », New Left Review, vol. 211 (première série), 1995, p. 70-88. En réalité, ce point soulève l'épineuse question des institutions de la démocratie économique, qu'il est impossible de traiter dans cet article. Voir néanmoins Pat Devine, Democracy and Economic Planning: The Political Economy of a Self-Governing Society, Cambridge, Polity Press, 1988 ; Fikret Adaman et Pat Devine, « Participatory Planning as a Deliberative Democratic Process », Economy and Society, vol. 30, no 2, 2001, p. 229-239 ; Diane Elson, « Socializing markets, not market socialism », Socialist Register, vol. 36, 2000, p. 67-85 ; John O'Neill, « Socialism, associations and the market », Economy and Society, vol. 32, no 2, 2003, p. 184-206 ; Andrew Cumbers et Robert McMaster, « Revisiting Public Ownership: Knowledge, Democracy and Participation in Economic Decision Making », Review of Radical Political Economics, vol. 44, no 3, 2012, p. 358-373. Pour une application au cas du climat, voir Romain Felli, « On Climate Rent », Historical Materialism, vol. 22, no 3-4, p. 251-280 et Romain Felli, « Environment, not planning: The neoliberal depoliticisation of environmental policy by means of emissions trading », Environmental Politics, vol. 24, no 5, 2015, p. 641-660.

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